Blog
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2011, 0h30.
- Par Thierry LEDRU
- Le 01/01/2011
LA STRATEGIE DU CHOC"
de NAOMI KLEIN
"Il faudra descendre dans la rue et les obliger à le faire."
http://www.megavideo.com/?v=DH5XQ8U4
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Strat%C3%A9gie_du_choc
Thèse du livre[modifier]
Après une préface où elle expose les différents points de son argumentation, le premier chapitre porte sur la torture et plus particulièrement sur les expériences de lavage de cerveau effectuées par Donald Ewen Cameron, financées par la CIA. Ces recherches avaient pour objectif de détruire la personnalité du sujet, en lui administrant des chocs divers (substances chimiques, électrochocs), dans le but d'obtenir une « page blanche » sur laquelle on pourrait écrire une nouvelle personnalité.
S'appuyant sur d'importantes recherches documentaires[1], Naomi Klein soutient que de la même manière, des désastres (catastrophes naturelles, changements de régimes), qui conduisent à des chocs psychologiques, permettent aux chantres du capitalisme d'appliquer la doctrine de l'école de Chicago dont Milton Friedman est l'un des représentants les plus connus. Ils imposeraient à l'occasion des désastres des réformes économiques que Naomi Klein qualifie d'ultra-libérales telles que la privatisation de l'énergie ou de la sécurité sociale. De telles réformes n’étant pas possibles sans crise.
Naomi Klein utilise comme exemples de sa thèse les dictatures de Pinochet au Chili, de Soeharto en Indonésie et d’autres dictatures d’Amérique du Sud en général avec le lot de tortures qui les accompagnent. Le cas de la Bolivie, où les réformes ont été conduites en déportant temporairement les responsables de gauche, est aussi décrit. L'auteur évoque aussi les libéralisations qui ont suivi la chute du bloc de l'Est en Pologne et en Russie au début des années 1990, le gouvernement de Margaret Thatcher au Royaume-Uni, la fin de l'apartheid en Afrique du Sud. Les politiques qui ont été pratiquées aux États-Unis depuis 1990, mais plus particulièrement sous l'administration Bush, sont particulièrement visées, notamment la privatisation progressive de la sécurité aux États-Unis. Cela la conduit à s'intéresser à la gestion de la guerre en Irak[2]. Pour elle, on assiste depuis 2001 à l'émergence d'une industrie de la sécurité intérieure, les attentats du 11 septembre ayant été utilisés comme un choc « utile ».
L'auteur cite en particulier à l'appui de sa thèse les réformes suivantes :
- celles qui ont suivi la crise asiatique de 1997, volontairement aggravée par le FMI : ce cas illustre sa thèse, puisque le choc subi par la société a provoqué un doublement du taux de suicides, taux qui est resté à un niveau élevé depuis ;
- les mesures prises après l’ouragan Katrina ;
- et celles après le tsunami de 2004.
Elle estime que dans différents endroits du monde, l’application des théories de Milton Friedman conduit à la division des villes en deux zones, comme à Bagdad, La Nouvelle-Orléans ou Beyrouth[3] :
- une Zone verte, riche et protégée des dangers ;
- une ou plusieurs zones rouges, dangereuses et misérables.
Naomi Klein soutient également deux contradictions importantes dans les théories de l’école de Chicago, telles qu’elles furent appliquées dans ces pays :
- selon ses promoteurs, le néo-libéralisme garantit une plus grande richesse d’une économie et, par percolation, un accroissement de la prospérité individuelle. Selon elle, et dans les exemples étudiés, ce n’est jamais le cas tant qu'une politique de redistribution, contraire à la théorie de Friedman, n’est pas menée ;
- toujours selon certains de ses promoteurs, démocratie et néo-libéralisme se soutiennent l'un l'autre[4]. Or, selon Naomi Klein, l’imposition de politiques néo-libérales ne s’est jamais produite sans coup d’État, élimination temporaire ou définitive (exécutions) de l’opposition, ou l’imposition d’un état d’urgence, ou de politique vaudou (application par une nouvelle majorité d’une politique strictement contraire aux promesses de campagne).
Naomi Klein préfère parler de « corporatisme » pour désigner la nouvelle forme de capitalisme qu’elle décrit. Les politiques dites « néo-libérales » ne sont pas si libérales que cela, puisqu'elles nécessitent une intervention étatique importante afin d'assurer « la concurrence libre et non faussée » contre la tendance des entreprises à former des oligopoles et le respect de la propriété privée des grandes entreprises malgré leur impopularité. À la page 26 de l'édition française, N. Klein écrit : « Le mot qui convient le mieux pour désigner un système qui gomme les frontières entre le Gouvernement avec un G majuscule et l'Entreprise avec un E majuscule n'est ni "libéral", ni "conservateur", ni "capitaliste". Ce serait plutôt "corporatiste". »
Réception[modifier]
L'ouvrage a été considéré comme un des meilleurs livres de 2007 par The Village Voice, Publishers Weekly, The Observer, et The Seattle Times.
En revanche, selon Jonathan Chait pour le magazine américain The New Republic « l'amalgame permanent de Naomi Klein entre tous ses adversaires idéologiques au service d'une théorie monocausale du monde rend ultimement son analyse parfaitement absurde ». Naomi Klein verrait derrière les interventions armées américaines à l'étranger la mise en œuvre de la doctrine de Milton Friedman auquel est prêté l'idée qu'il faudrait créer un choc de façon à instituer les politiques économiques voulues. Or, selon Chait, Milton Friedman n'aurait jamais rien prôné de tel. Naomi Klein décrit la guerre en Irak comme l'apothéose de ses idées, avançant que les néoconservateurs sont des partisans engagés de Friedman. Or, si les néoconservateurs sont anticommunistes, ils n'en sont pas pour autant des partisans du libéralisme économique, et ils ont une opinion favorable du New Deal. De plus, selon Chait, Friedman ne se rattache pas aux néoconservateurs, promoteurs interventionnistes des valeurs et de la démocratie américaines, mais aux conservateurs libertariens, hostiles aux aventures à l'étranger et à l'intervention de l'État. Toujours selon Chait, Friedman lui-même s'est opposé à la guerre en Irak, ce que Naomi Klein ne rapporterait pas[5]. Au final, Jonathan Chait considère que Naomi Klein ignore les idées qu'elle critique alors même qu'elle leur attribue un rôle majeur à l'échelle mondiale. L'essayiste libéral Johan Norberg du Cato Institute abonde dans le même sens, reprochant en particulier à Naomi Klein des contresens sur les théories de Friedman et des interprétations volontairement fausses[6].
Naomi Klein a répondu à ces critiques en excipant d'un entretien de Milton Friedman à un magazine allemand pour montrer que celui-ci approuve la guerre en Irak. Ces citations sont : “President Bush only wanted war because anything else would have threatened the freedom and the prosperity of the USA”, et à propos des tensions croissantes entre les Etats-Unis et l'Europe : “the end (mais dans la version allemande, c'est le mot "succès" qui est employé) justifies the means. As soon as we’re rid of Saddam, the political differences will also disappear.” Il a également déclaré au Wall street Journal, à propos de cette guerre : “it seems to me very important that we make a success of it.” Pour Naomi Klein ces citations démontrent que Friedman est un partisan déclaré de la guerre en Irak.[7].
Enfin, pour David Boaz, vice président du Cato Institute, si Naomi Klein a raison de faire un lien entre « chocs » et évolution du rôle de l'État, il ne soutient pas sa définition de la nature de ce lien : pour lui, les crises sont l'occasion d'une augmentation du rôle de l'État et non du marché[8].
Plus nuancé est l'universitaire français Samuel Ferey[9] qui dans un compte rendu pour la revue Mondes en développement souligne que « l’intérêt de l’ouvrage réside d’abord sur les éléments factuels » et que nonobstant « le côté unilatéral de l’ouvrage » et « le caractère trop flou de certains concepts » conclut : « la lecture de La Stratégie du choc reste stimulante et donne incontestablement envie d’en savoir plus[10]. ».
L'universitaire anglais John Gray estime dans une critique publié dans The Guardian que : « Il y a très peu de livres qui nous aident vraiment à comprendre le présent. La stratégie du choc est l'un de ces livres »[11].
Dans La Revue internationale des livres et des idées, Michael Hardt écrit que « d'une certaine manière, le livre prolonge son excellent article publié par Harper’s en 2004, « Baghdad Year Zero », qui est incorporé et développé ici. »[12]
Pour bien commencer cette nouvelle année...
Il s'agit de comprendre pour savoir comment agir.
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Dernière pensée de l'année. (spiritualité)
- Par Thierry LEDRU
- Le 31/12/2010
"En travaillant pour les seuls biens matériels nous bâtissons nous-mêmes notre prison. Nous nous enfermons solitaires, avec notre monnaie de cendre qui ne procure rien qui vaille de vivre." Terre des Hommes (1938) SAINT-EXUPERY
Il est vraiment triste que de tels hommes disparaissent et ne soient pas remplacés.
Ce monde est bien vide.
Je voulais vous remercier dans cette dernière journée de votre présence et des commentaires qui sont écrits.
J'ai fini l'écriture de "Jarwal le lutin" hier soir...
Mais j'ai déjà la deuxième histoire en tête :)
On se "revoit" en 2011. Juste une histoire de calendrier. Rien d'important.
"Coeurdialement."
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Problèmes de pédagogie...
- Par Thierry LEDRU
- Le 21/12/2010
Juste un résumé de la problématique de l'enseignement.
Un matin, en voyant la foule amassée dans la vallée, Jésus alla sur la montagne pour être entendu. Et lorsqu’il fut assis, les hommes vinrent à lui.Il baissa les yeux vers ses disciples et dit :
"Bienheureux les pauvres en esprit car le royaume des cieux leur appartient.Bienheureux ceux qui souffrent car ils seront consolés.
Bienheureux les doux car ils possèderont la terre.Bienheureux les ..."
Quand Jésus eut terminé, Pierre demanda :
- Il fallait écrire ou pas ?
Puis Gabriel ajouta :
- Est-ce qu'on doit apprendre tout ça ?
Et Isaac :
- Il faut le savoir par cœur ?
David se plaignit :
- C'est trop dur.
Ethan dit :
- J'ai pas de feuille !
Et Thomas :
- Moi, j'ai plus d'encre dans mon stylo !
Inquiet, Jacob demanda :
- Y aura interro ?
Et Marc s'inquiéta :
- Comment ça s'écrit "bienheureux" ?
Mathieu leva la main :
- Je peux aller aux toilettes ?
Simon lança, soulagé :
- Ça va sonner.
Et Judas dit enfin :
- Vous avez dit quoi après pauvres ?
Alors, un Grand Prêtre du Temple s'approcha de Jésus et dit :
- Quelle était ta problématique de départ ?
- Quels étaient tes objectifs transversaux ?
- À quelle compétence faisais-tu appel ?
- Pourquoi ne pas avoir mis les apôtres en activité de groupe ?
- Pourquoi cette pédagogie frontale t'est-elle la plus appropriée ?
Alors, Jésus s'assit et pleura. -
Le désir de l'école.
- Par Thierry LEDRU
- Le 11/12/2010
"Mais moi, l'école, ça ne me manque pas du tout. Et je ne la désire pas."
Inutile de préciser que cette phrase lancée par un élève me tourneboule depuis deux jours.
S'il n'y a pas de manque, il ne peut y avoir de désir. Mais pourquoi ce manque ne s'éveille-t-il pas ?
Je ne garde que la conclusion d'un long échange avec les enfants. Une idée principale qui est ressortie de façon générale.
Le plus difficile avec l'école, c'est de n'être jamais autorisé à profiter du présent...
Dès qu'un apprentissage est fini, un autre commence.
Dès qu'une leçon est apprise, une autre arrive.
Dès qu'un contrôle est passé, un autre se prépare.
Dès qu'une année est finie, une autre se présente.
Il n'y a pas de présent dans cette course en avant, ce qui revient à priver l'enfant de la satisfaction. D'autant plus qu'il n'y avait pas en lui de manque ni par conséquent de désir. L'école n'est qu'un labeur constant qui n'autorise que subrepticement le contentement. La pression revient immanquablement à la charge.
On voit dès lors l'importance du Maître. Il est le seul à pouvoir déclencher ce manque essentiel. Qu'un désir s'éveille, que le labeur devienne plaisir, que l'énergie ne soit pas constamment projetée vers l'avenir mais dans la jouissance de l'instant, dans le bonheur d'apprendre, sans qu'aucune sanction ne vienne salir ce bonheur.
On voit dès lors l'incongruité du systéme. Des notes, des contrôles, des bulletins, des appréciations, des sanctions arbitraires, des jugements subjectifs, tous les "Peut mieux faire" qui rappellent que la vie est à venir, que le futur est un présent insaisissable, qu'il faut travailler encore et encore pour s'approcher de ce fameux seuil de réussite cher au système.
"Tu seras un Homme mon fils," disait Kipling.
-Est-ce que ça donne le droit au système de m'arracher à ma vie d'enfant ?"
L'enfant est là. Et pas dans cet avenir d'adulte.
Ce sytème révèle avant tout l'incapacité des adultes à générer en l'enfant la conscience d'un manque de connaissances, un désir d'apprendre, une énergie à utiliser pour être celui qui sait et en profite et non, uniquement, celui qui doit savoir, le regard fixé vers l'horizon à atteindre.
On en revient à cet épouvantable espoir que l'on martèle dans des esprits malléables. Cette idée que la vie est à venir, qu'il faut gagner sa vie, qu'il faut préparer sa retraite, qu'il faut réserver son caveau. Jusqu'à en oublier d'être là.
L'école en devient finalement un apprentissage de toutes les dérives spirituelles de l'individu.
Ca me mine au plus profond.
Pour ma part, je pense que le mal est fait à l'école primaire, qu'il est renforcé par le collège et trouve son aboutissement au lycée. C'est une oeuvre de désintégration de l'individu.
Comment des parents pourraient-ils s'investir dans le respect de l'école quand ils ont eux-mêmes été démolis par cette école, qu'ils le sont encore par le jugement inique des enseignants? Il faut arrêter de dire que les parents n'éduquent pas leurs enfants. Aucun parent n'est satisfait de la révolte et de l'échec scolaire de leurs enfants. Eux aussi, ils en souffrent. Et de toute façon, mettre les parents au pilori ne les incitera jamais à soutenir les professeurs.
Celui qui est condamné ne sera jamais le soutien de ses juges. Que l'école reconnaisse ses erreurs serait déjà un pas immense, qu'elle reconnaisse qu'elle n'est plus un sanctuaire mais un tribunal, qu'elle admette qu'elle doit revoir à la base même son fonctionnement, que les enseignants apprennent à vivre avec les jeunes et non "contre" les jeunes.
C'est la motivation le moteur et non la peur de la sanction. Il n'y a aucune sanction à donner quand on travaille en osmose. C'est un accompagnement et non un rapport de force.
Je n'ai plus confiance dans la majorité des enseignants. Ils sont bien plus responsables de la situation que les familles elles-mêmes. Le rejet du problème sur les autres est une pratique ancestrale. Ca n'a jamais rien changé. Lorsque des parent sont obligés d'aller chercher de l'aide en dehors de l'institution, c'est que celle-ci n'assure plus sa mission. Quant aux parents d'élèves, ils sont déjà tellement assommés par la vie quotidienne qu'ils se contentent bien souvent de faire le dos rond.
Il ne s'agit plus de changer de techniques d'apprentissage, de calendrier scolaire, de formation des professeurs mais bien d'établir QUI mérite d'entrer dans cette fonction ? C'est au départ que ça se joue. Mais pour établir quels sont les critères de sélection des futurs enseignants, encore faut-il que le projet éducatif soit entièrement reconstruit. Et ça, personne ne le veut.Le fait par exemple que les enseignants soient recrutés avec un master est un non sens absolu étant donné qu'on va chercher les enseignants parmi ceux qui ont supporté le système...Et qui ont oublié depuis longtemps leur propre parcours à l'école primaire. Recruter après le BAC était bien plus favorable...Et largement suffisant, techniquement, pour enseigner à de jeunes enfants. Une formation dans la psychologie de l'enfance me semble être un critère essentiel aujourd'hui. Au lieu de cela on retrouve des adultes ayant passé un master en SVT, histoire, Anglais, mathématiques, lettres modernes, architecture byzantine ou reproduction des mouches drosophiles......Où est l'intérêt ? Est-ce que ces gens se sont interrogés sur l'importance spirituelle de ce métier, sur le développement de l'enfant, sur l'accompagnement indispensable et non l'élaboration de critères sélectifs ? On nous demande de faire des évaluations alors qu'on ne connaît même pas les enfants qu'on évalue...On ne connaît que leur capacité à entrer dans un cadre restrictif.La complexification artificielle des méthodes du primaire est une absurdité. Ca n'a rien de compliqué d'apprendre à lire, à compter. Ca n'est pas la technique qui importe mais l'énergie, l'amour, la patience, l'attention, l'empathie qu'on y met. Ca ne sert à rien de faire de la linguistique avant, absolument à rien. Comme ça ne sert à rien de faire des maths en fac pour aller apprendre la multiplication. C'est comme si on demandait à un bûcheron de savoir faire un meuble Louis XVI avant de tronçonner un chêne.
C'est la formation de "l'individu-enseignant" qu'il faut entièrement reprendre, le contenant et pas le contenu.
Le haut niveau d'étude éloigne l'individu de la sphère enfantine. Dès lors, il agit comme un technicien certain de ses compétences intellectuelles au lieu d'être un individu aimant et sensible à cette sphère enfantine. L'essentiel dans un apprentissage est de comprendre le fonctionnement de l'enfant au lieu de vouloir le faire entrer dans un fonctionnemendt d'adulte. Etre l'enfant au lieu d'être un technicien. Entrer dans sa sphère au lieu de chercher à le faire entrer dans un espace hermétique pour lui. L'enseignant qui comprend l'enfant l'amène à se comprendre lui-même. Dès lors, il ne s'agit pas d'être enfermé dans un fonctionnement stéréotypé mais de briser en soi ce carcan de certitudes. Plus on croit savoir et moins on est apte à apprendre. Apprendre pour soi comme apprendre aux autres. Il faut se vider de soi pour devenir "l'enfant" et l'amener en tant que compagnon de cordée à avancer. Il n'y a pas le maître et loin derrière lui un groupe d'enfants épuisés mais un ensemble homogène avançant conjointement vers un but.Le maître qui fait la trace en oubliant la réalité du groupe affaiblit la classe entière parce qu'elle n'existe pas. Elle n'est plus qu'un ensemble de techniques privée de sa condition humaine.Le bonheur de suivre un Guide de Hautes Montagnes, c'est de se servir des connaissances qu'il dispense pour apprécier encore davantage la beauté des lieux et de se sentir soi-même en "croissance", en progrès, en marche et non à l'arrêt ou même en marche arrière. S'il n'y a pas de la part du Guide le moindre amour envers ses "clients", la moindre bienveillance, le respect le plus profond, malgré les faiblesses, les peurs, les incertitudes ou l'inconscience, alors, il n'y a pas de cordées. Il n'y a que des individus qui cherchent à sortir de cette situation le plus vite possible... -
Débat-philo : Le désir puis le manque.
- Par Thierry LEDRU
- Le 09/12/2010
Nous avons repris la réflexion en classe aujourd'hui. Le désir, le manque, le besoin.
Une élève avait une chaufferette et la montrait à ses amis. Tout le monde voulait la prendre et sentir la chaleur.
"Est-ce que tu avais besoin de cette chaufferette Alexia ?
- Ben oui, pour avoir chaud aux mains.
-Mais tu as des gants non ?
-Oui mais ça c'est bien aussi.
-Ah, je ne dis pas le contraire mais est-ce que ça te manquait étant donné que tu avais des gants ?
-Ben, non, ça ne me manquait pas et je ne savais même pas que ça existait. C'est ma mère qui me l'a achetée.
-Et si maintenant, tu l'as perdais, est-ce que ça te manquerait ?
-Ah, oui, c'est sûr, c'est trop bien !
-Donc, tu désirerais en avoir une autre?
-Oui, c'est sûr !
-Et pourtant, avant que tu connaisses cette chaufferette, elle ne te manquait pas.
-Ben, non, j'avais des gants.
-Par conséquent on peut dire que tu ne désirais pas en avoir une mais maintenant que tu sais que ça existe, si tu la perdais, elle te manquerait.
-Oui, c'est ça.
-Ce désir que tu aurais viendrait d'un manque qui n'existait pas mais qui existerait maintenant.
-Oui. Parce que je sais que ça existe.
-Et tu ne pourrais plus t'en passer ?
-Oh, ben si, je mettrais mes gants mais ça c'est mieux !
-Prenons un autre exemple si tu veux bien. Un bébé qui a faim manque de nourriture, il a mal au ventre et désire le sein de sa mère. Il sait que ça existe et que ça lui fait du bien. C'est un manque qui est naturel et son désir l'est tout autant. Il désire combler ce manque. Mais c'est le manque qui est apparu en premier. Son désir n'a fait que suivre. Est-ce que c'est pareil pour la chaufferette ?
-Euh...Non, parce que ça ne me manquait pas, je ne savais même pas que ça existait.
-C'est donc un désir qui est apparu alors qu'il n'y avait pas de manque.
-Mais, là, je ne la désire plus puisque je l'aie.
-Oui, c'est vrai mais si elle venait à disparaître le désir réapparaîtrait aussitôt. Alors qu'il n'avait aucune raison d'exister."
Intervention d'une autre élève.
"Et moi aussi maintenant je désire en avoir une !
-Alors que ça ne te manquait pas jusque là ?
-Oui, mais maintenant, je sais que ça existe alors ça me manque.
-Ce qui te manque, ça n'est pas l'objet mais le plaisir que tu aurais à en posséder une. Il n'y a aucune raison valable d'avoir cette chaufferette mais ça te ferait plaisir d'en avoir une. Ce qui te manque, c'est la satisfaction d'en avoir une.
-...
-Ce désir a été créé artificiellement parce qu'en réalité, il n'y avait pas de manque. Ce qui fait plaisir, c'est de posséder quelque chose que les autres n'ont pas. Et ce qui te fait désirer cet objet, c'est une certaine jalousie. Sans aucune méchanceté bien entendu mais n'empêche que l'envie de posséder cet objet devient très fort. Il peut très bien être remplacé par une paire de gants mais ça n'a pas le même impact, ça n'a pas la même force, ça n'est pas aussi chouette à montrer aux autres. Vous finissez donc par exister quelque peu parce que vous possédez cet objet qui ne vous manquait pas mais qui vous donne un certain pouvoir sur les autres. Le bébé manque du sein de sa mère et c'est vital pour lui. Son désir est justifié et c'est pour ça qu'il crie aussi fort :))
La chaufferette n'a rien de vital. Mais elle vous donne du pouvoir sur les autres, elle agit comme un aimant et attire tout le monde, vous vous sentez puissant parce que la chaufferette est puissante. Vous dépendez donc d'elle et si elle venait à disparaître, ce qui vous manquerait, c'est ce pouvoir sur les autres, cette fascination, cet intérêt pour cet objet que vous possédiez. Le désir de retrouver cette puissance vous manquerait et vous feriez tout votre possible pour combler ce manque. Même s'il est toujours totalement artificiel et n'a aucune raison réelle d'exister. Il ne vous fait pas vivre comme du lait maternel mais il vous donne l'impression de vivre mieux. Chez les adultes, c'est pareil. Mais eux, il leur faut une voiture, un écran plat, une nouvelle salle à manger, une belle montre, un téléphone portable ultra sophisitiqué, la denrière technologie à la mode, une nouvelle veste, une veste de marque c'est encore mieux, parce que ça attire encore plus les regards, ça donne encore plus de puissance. Mais ces manques n'ont jamais de fin. Les marchands font en sorte qu'il y ait toujours un nouveau désir qui apparaisse jusqu'à ce qu'il devienne un manque. Alors, on abandonne le dernier objet acheté pour en prendre un plus puissant, un plus brillant, un plus moderne, un plus visible, un objet qui va créer encore plus de fascination et d'attirance. Ca n'est pas la personne qui existe mais les objets qui la font exister. Ce sont les objets qui la possèdent et pas l'inverse. Parce que le désir est passé avant le besoin et que la personne se laisse entraîner dans un phénomène sans fin.
Le monde riche fonctionne sur ce principe. Comme les manques vitaux, sont assouvis, que la plupart des gens ont ce qu'il faut pour survivre, pas tous malheureusement, la nourriture, un abri, de quoi se soigner, avoir une famille, ce sont les désirs qui vont fabriquer de nouveaux manques. Des désirs que la société de consommation va s'efforcer de mulitplier sans cesse. Comme cette chaufferette qui vient remplacer des gants dont tout le monde trouvait jusqu'ici que c'était une chouette invention.
-Comment il faut faire alors quand on désire quelque chose ?
-Comme vous avez envie, tant que vous savez pourquoi vous avez envie. Il n'y a pas de bonne méthode, de bonne façon de vivre si ça n'est pas celle que vous avez choisie en toute conscience. Avoir conscience de ce qu'on pense, de ce qu'on fait et décider si c'est la voie qui nous convient. C'est tout. En fait, il s'agit d'amour. Pour l'instant, vous devez vous demander pourquoi vous aimez cette chaufferette, un jour vous vous demanderez pourquoi vous aimez cette région, cette maison, vos amis, ce chien, cette voiture, ce pays, ce métier, cet homme ou cette femme. Tous les évènements importants de votre vie se nourriront d'amour. Il faut comprendre ce qu'on aime quand on aime. Tout ce que cet amour cache, tout ce qu'il contient, tout ce qu'il dévoile, tout ce qu'il peut faire pour qu'on continue à évoluer, à apprendre sur nous-mêmes."
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Laura Mare.
- Par Thierry LEDRU
- Le 08/12/2010
Et bien voilà, c'est fait. Laura a gagné :)
Alors, je tenais à remercier chaleureusement tous ceux et celles qui en passant par ici ont décidé de soutenir Laura et sa maison d'édition.
Maintenant que ce vote est fini la suite peut commencer.
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Le manque et le désir.
- Par Thierry LEDRU
- Le 05/12/2010
Tout homme veut être heureux. Y compris celui qui va se pendre, comme l'écrivait Pascal. S'il se pend, c'est pour échapper au malheur et donc rejoindre ce qu'il entrevoit comme un bonheur par la disparition de ce qui le détruit : le malheur en lui. Une auto destruction favorable à ses yeux. Aussi effroyable soit-elle pour le reste du monde.
Heureusement, toutes les situations de malheur ne conduisent pas à de telles extrémités. Il s'agit donc de rester lucide pour ne pas finir par se pendre à cette détresse de vivre.
Socrate annonce "que le désir est un manque" et que nous avançons dans l'existence les yeux fixés sur ce manque. Sur ces manques d'ailleurs. Car ls sont nombreux et ont une facilité à se reproduire absolument stupéfiante. Nous sommes des jardiniers performants et nous plantons des graines "de manque" sans relâche.
Sartre disait que "l'être est fondamentalement désir d'être et le désir est manque."
C'est ce qui nous condamne au "Néant" (Sartre) ou à la "Caverne" (Platon).
Nous ne sommes pas heureux parce que nous manquons précisément de ce que nous désirons. On peut craindre en plus qu'une bonne partie de ces désirs et donc de ces manques soient issus de l'imagination et non de la raison, ce qui rend leur aboutissement encore plus inaccessible.
Les Platoniciens commes les Existentialistes ont décrit cette course au désir comme un épuisement de l'individu. Dès qu'un désir est satisfait, il n'y a plus de manque, donc plus de désir. L'individu ne supporte plus ce vide du désir satisfait et cherchera frénétiquement un manque capable de nourrir un nouveau désir, une soif absolument délicieuse qu'il faudra assouvir... L'homme ne vit que dans la projection de son être dans l'assouvissement du désir, fabriqué, artificiellement parfois, par un manque.
"Ce que je n'ai pas me manque, je le désire. Ce que j'ai ne me manque plus et ne contient aucun désir. Il m'en faut par conséquent un autre pour que la vie soit remplie de ce désir."
La société de consommation et les dirigeants des multinationales sont des philosophes redoutables. Ils connaissent très bien les Classiques, c'est une erreur de les sous-estimer, ils maîtrisent parfaitement les rouages de l'humain et s'en servent avec une maestria éblouissante, aveuglante même, destructrice...Nous sommes des papillons de nuit attirés immanquablement par les manques fabriqués et les désirs entretenus. Qu'un lampion s'éteigne et inévitablement un autre s'allumera un peu plus loin.
Pas question pour les marchands de laisser les consommateurs se retourner vers les lumières intérieures...Pas question de leur laisser le temps de se réjouir de l'instant présent. Il faut des désirs, encore plus de désirs, il faut des manques, toujours plus de manques. Noël sera passé qu'on pensera déjà aux oeufs de Pâques. L'hiver sera encore là qu'on trouvera déjà des maillots de bain dans les magasins. Les grandes vacances seront arrivées qu'il faudra déjà acheter le cartable de la prochaine rentrée. L'idéal est de créer même des désirs totalement absurdes afin qu'ils soient rapidement assouvis et que la frénésie du manque s'entretienne plus facilement. Créer des désirs fallacieux est plus rentable car l'individu qui parvient à l'assouvir ne risque pas de chercher à en jouir bien longtemps. La platitude de ce désir assouvi instaurera très rapidement la nécessité d'un nouveau manque et d'un nouveau désir. C'est le monde de l'insastifaction chronique. Quasiment le Monde entier marche dans cette voie.
Même en "amour", certains individus fonctionnent ainsi. C'est le manque qui les réjouit et pas la jouissance du désir assouvi. Amour kleenex qui fait pleurer celui ou celle qui est jeté.
Même les religions ont compris le système, sauf qu'elles l'ont poussé encore plus loin. Le bonheur sur Terre est impossible, ce désir ne sera jamais assouvi, ce manque sera toujours aussi redoutable jusqu'à la fin mais par contre, le Paradis offrira aux bons paroissiens l'assouvissement ultime de ce manque. Croyez en moi et je vous donnerai à votre mort le bonheur qui vous manque. La Foi peut devenir une espérance morbide.
L'espérance. Voilà le mot. Non pas l'espoir qui pousse parfois aux actes, un saisissement de l'instant plus puissant que le mirage temporel, mais l'espérance qui conduit à l'abandon, au fatalisme, à la décrépitude spirituelle. L'espérance est une fuite en avant, d'espérance en espérance, de manque en manque, de désir en désir. L'individu se complait dans l'espérance car le désir de ce qui lui manque lui donne le sentiment d'une vie remplie. L'espérance de l'argent, de l'amour, du confort, de la possession, du pouvoir...C'est une addiction redoutable qui mène certains individus à renier toutes les valeurs humaines les plus belles. Pas de partage, pas de compassion, pas d'attention, pas de tendresse, l'objectif est le moteur, le désir assouvi nourrira un désir encore plus fort, le milieu de la politique est le symbole majeur de ce fonctionnement. L'ambition devient le ferment de l'espérance. Même l'école insère les enfants dans cette perdition des âmes à travers la compétition. L'espérance d'être le "meilleur", d'obtenir le meilleur classement, la promotion désirée, le salaire mirobolant. Mais ça ne s'arrêtera jamais. Les imbrications sociales, les comparaisons, les jalousies, créeront inévitablement un manque supplémentaire. Un poste plus "élevé" même si pour cela il faut ramper. L'espérance de devenir un jour celui fait ramper les autres est une ambition incommensurable, inépuisable. Le conditionnement est si puissant que l'individu a perdu toutes retenues, toute lucidité. La réussite sociale de ces monstres de puissance, aussi destructrice soit-elle, devient la référence. Combien rêve d'être milliardaire ? Combien accepterait de prendre la place d'un Dassault, vendeur d'armes ? Une fortune dont on n'a pas idée...Un nombre de morts incalculables sous les bombes.
Bien, mais alors, que faire ?
Certains choisissent de s'étourdir pour ne plus souffrir de ce qui leur manque. Ne pas penser, ne pas réfléchir, foncer tête baissée dans la meute affolée et se réjouir immédiatement de la folie générale. Acheter, s'amuser, accumuler les divertissements, en abandonner un sitôt essayé, en trouver un autre. Espérer juste que le prochain week-end sera aussi déjanté que celui qui vient de se finir. Passer la semaine le moins douloureusement possible en multipliant les petites trouvailles dérisoires mais indispensables pour tenir six jours. Si en plus, il y a des soldes, alors là, ça va être génial...
C'est toujours de l'espérance mais seconde par seconde...Ceux-là sont faussement dans l'instant et se réjouissent d'une vie frénétique. Grand bien leur fasse.
Bon, laissons tomber, c'est mort.
Allons jouer au Loto alors et si on perd on se réjouira pendant quelques jours que le prochain tirage sera le bon.
Bon, laissons tomber, c'est mort là aussi.
Allons à l'Eglise alors et attendons la mort pour nous réjouir enfin.
Bon, là, c'est sûr, on sera vraiment mort.
Et si nous décidions de ne plus avoir d'espérance ?...Et si nous décidions que nos manques ne sont bien souvent que des inventions ? Et si nous décidions que le plaisir n'est pas à venir mais qu'il est déjà là ? Et si nous décidions que ce plaisir constant d'être là est la source réelle du bonheur ?
Bien sûr que d'espérer avoir un peu d'argent, ça aide...A moins d'aller vivre dans la forêt amazonienne ou chez les Inuits. Tout dépend aussi de ce que nous mettons derrière ce désir d'avoir un peu d'argent d'avance, une réserve permettant de ne plus être dans une survie quotidienne. Saurons-nous en avoir un usage "utile", constructif pour l'individu ? Est-ce que ça répondra à un projet destiné à entretenir une évolution de l'individu ou sa participation erratique à la société de consommation ?
Bien sûr que nous pouvons espérer trouver l'amour, le grand amour. Mais qu'en ferons-nous ? Un accompagnement fidèle et attentif de l'être aimé dans une voie personnelle ou une dépendance à l'autre, à moins que ça soit une soumission de l'autre...Les dérives sont nombreuses.
Bien sûr que nous pouvons espérer avoir un travail passionnant. Encore faut-il qu'il ne nous oblige pas à renier ce que nous sommes. Le travail, s'il n'est pas un tremplin vers un accomplissement intime de l'individu, n'est qu'un labeur. On est en droit d'espérer de l'existence autre chose qu'une vie de labeur.
Et c'est là justement qu'intervient le questionnement de la préparation de ces paramètres essentiels de l'existence. Si nous décidons de rester vivre dans le monde "occidental", nous ne pouvons échapper à la nécessité de la construction de l'existence. C'est vers l'enfant qu'il s'agit de se tourner. Le développement personnel en quelque sorte avant le développement du futur salarié...Ca n'est pas le chemin actuel de l'Education Nationale. La raison en est très simple : l'individu éveillé n'est pas un consommateur effréné : une horreur pour le PIB et les chefs d'entreprise. Pas le petit artisan du coin mais le patron des multinationales. Le gouvernement n'oeuvre pas pour les consciences mais pour le rendement, la croissance, les marges, les chiffres d'affaires. Les gouvernements sont dans l'espérance continuelle de croissance économique et les citoyens sont les outils de leur espérance. Les enfants quant à eux sont des proies si dociles.
Revenons à nos chers philosophes...Schopenhauer disait que "la vie oscille comme un pendule de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui."
La souffrance chez lui est associée au désir de ce qui nous manque. Une frustration qui mène au malheur. Quand le manque finit tout de même par être satisfait, c'est l'ennui qui surgit. Puisqu'il n'y a plus de manque, je n'ai plus de désir et la vie devient morne, triste, effroyablement ennuyeuse.
Je n'aurais pas aimé être à la place de ce Monsieur...Il me semble qu'il délaisse un aspect essentiel de la vie.
Le plaisir. Le plaisir dans la pleine conscience de l'instant et de la vie en soi.
Je perçois chez lui une hantise chronique de la jouissance...Ce qu'il pensait des femmes en général me conforte d'ailleurs dans cette idée...
Voilà la vidéo de la sortie de ski d'hier.
Quelle jouissance fabuleuse, quel bonheur du corps et de l'esprit, quelle joie !! That's life !!!
C'est là, maintenant, sans aucune espérance, sans aucun objectif lointain, juste glisser dans la poudreuse, jouir de mon corps, de mon âme ré-jouie, de la lumière, du froid sur la peau, des cristaux qui scintillent, des rires de mon garçon, juste cette joie immense du saisissement de l'instant dans le creuset de mon être, tirer du plus profond tout ce dont je dispose, mes forces, mon endurance, ma résistance, mes réflexes, et nourrir mon corps du scintillement incandescent de mon esprit.
Quelque chose de très simple finalement.
Vivre.
"That's life."
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Philosopher...
- Par Thierry LEDRU
- Le 01/12/2010
Délicat en fait de présenter cette activité à des enfants de CM2...Quel est l'objet d'étude ? Autant ils sont capables d'identifier de la géographie ou des mathématiques, autant, même après plusieurs débats en classe et des "mini réflexions" communes en cours de journée depuis le début de l'année, il est difficile pour eux de cerner la réalité de cette "matière"...Une petite fille a même dit qu'après en avoir parlé avec ses parents, ceux-ci étaient incapables de dire ce qu'était la philosophie, ils n'en avaient jamais fait à l'école et n'avaient jamais rien lu dans ce domaine...J'ai répondu que tout le monde faisait de la philosophie tout au long de sa vie, à divers niveaux, étant donné que la philosophie a pour objectif comme le dit Sénèque " de nous procurer la vie heureuse" et que par conséquent tout le monde, un jour ou l'autre, faisait preuve de philosophie...Ce qui différenciait les individus, c'était la profondeur des réflexions, leur durabilité, leur multiplicité, l'exigence aussi quant à ne pas se voiler la vérité.
J'ai donc décidé de prolonger ce débat et de tenter de cerner clairement avec eux ce que signifie "philosopher". André Comte -Sponville en fait une présentation à laquelle j'adhère totalement dans "le bonheur désespérément." J'ai essayé d'en reprendre les grandes lignes.
"La philosophie est une pratique discursive (discours et raisonnements) qui a la vie pour objet, la raison pour moyen et le bonheur pour but. Il s'agit de penser mieux pour vivre mieux."
Le bonheur est le but de la philosophie et la sagesse en est le moyen. La sagesse se reconnaît au bonheur mais un "certain" bonheur. Il ne s'agit pas d'un bonheur nourri d'illusions mais d'une analyse approfondie de la vérité. Le philosophe s'attachera avec rigueur à une vraie tristesse plutôt qu'à une fausse joie, il ne se détournera pas de la lucidité pour se perdre dans des dérives hallucinogènes, quitte à devoir abandonner un "bonheur" fabriqué. Mieux vaut une saine vérité qu'un mensonge camouflé. Quelqu'en soit la rudesse. Les bonheurs illusoires sont les ferments des détresses à venir. On en revient à ces fameux espoirs comme autant de falots qui s'éteignent à la moindre brise. Le philosophe s'attelle à rester impliqué dans l'instant, à le décortiquer sans pour autant s'épuiser jusqu'à la déraison. Il n'évolue pas dans un espace clos mais au coeur de la vie quotidienne sans pour autant que cette vie quotidienne ne devienne un espace clos. Sa raison est au seuil, alternant les engagements réels dans une vie sociale et les retraits dans le silence de ses pensées. Il ne s'agit pas pour lui d'être coupé de la "Cité" mais de s'y fondre sans jamais s'y perdre.
Saint-Augustin parlait de " la joie qui naît de la vérité." Spinoza parlera de "béatitude" par opposition aux bonheurs factices, ponctuels, éphémères de la vie frénétique de la Cité. Les bonheurs illusoires ont besoin d'être constamment alimentés par de nouveaux subterfuges, ils s'épuisent rapidement et conduisent immanquablement à une addiction pathogène. La société de consommation entretient le stock des toxicomanes.
Philosopher revient par conséquent à tenter d'être heureux à travers la vérité. Le bonheur n'est pas sa norme dans le sens où il n'est pas un objectfif autorisant les déviances. Le philosophe acceptera les conclusions les plus redoutables. Le bonheur s'il n'est que le maintien des oeillères lui est insupportable...Cette norme du bonheur à tous prix n'est pas de son domaine. La pensée "positive" n'entre pas dans son champ d'investigations dès lors que ces pensées sont détournées de la vérité. Il ne s'agit pas de penser ce qui nous rend heureux mais de penser ce qui nous paraît vrai. Cette vérité sera la source du bonheur. Et cette vérité est bien plus difficile à saisir que des bonheurs illusoires. Si le bonheur est le but, il n'en devient pas pour autant un alibi de la dérive.
Il n'est qu'à regarder ce faux ami qu'est l'espoir, cet aimant auquel nous succombons si facilement et qui contient caché en lui-même des désillusions implacables, pour comprendre ce qu'est la vérité du philosophe. Il reste ensuite ensuite à choisir sa propre voie.