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                Débat philo.- Par Thierry LEDRU
- Le 16/11/2010
 Une séance passionnante aujourd'hui avec mes élèves de CM2. J'en fais un résumé succinct. La séance a duré 1h00. DÉBAT Ils sont assis, aucune affaire sur la table, même pas la trousse. Je désigne un enfant et lui dit juste : "Neige..." Il me regarde, perplexe. "Neige... -Ski ? Un signe d'acquiescement. Un autre enfant. "Océan... -Bateau." Un autre enfant. "Vacances... -Plage. -Arbre -Fruits." Et ainsi de suite en passant d'enfant en enfant. Puis une explication de ma part. "Ce travail s'appelle, l'association d'idée. Je vous donne un mot et aussitôt un autre vous vient à l'esprit. Je n'ai même pas eu besoin de vous dire ce que vous deviez faire au début, vous avez fini par trouver tout seul, votre intuition était la bonne. Puis une question. "A quelle partie de votre cerveau faites-vous appel pour trouver le mot que vous me donnez ?" -La mémoire. -Oui, c'est tout à fait ça. Vous avez en vous, dans votre mémoire des associations de mots. D'où viennent ces associations ? -De ce qu'on a lu. -De ce qu'on a vécu. -De nos expériences. -De nos discussions. -De l'école. -Des vacances. -Il s'agit donc d'expériences passées qui se sont inscrites dans notre mémoire. C'est une partie essentielle de notre cerveau." Je me tourne de nouveau vers un enfant et je lui dis: "Quark... -..." Vers un autre: "Quark... -Un animal ? -Et les autres, vous en pensez quoi ? -Un extraterrestre ! (rires) -Le dernier film de Walt Dysney (rires) -Bon, est-ce que vous faites appel à votre mémoire pour me répondre ? -Ah ben non, on ne sait pas ce que c'est ! -Pourtant vous avez répondu ! -On a imaginé ! -Voilà, c'est ça, vous avez imaginé. Il y a donc en nous une mémoire et une imagination. Les deux ne se contruisent pas sur les mêmes informations et ne fonctionnent pas pour les mêmes objectifs. -C'est sûr, on rigole plus avec l'imagination ! (rires) (on rigole beaucoup dans ma classe!) Je laisse le silence s'installer et je pousse un grand cri en tapant des mains près d'une élève qui pousse un hurlement en bondissant sur sa chaise. (RIRES !!!!!!!!!!!!!!!!!) "Bon, que s'est-il passé cette fois ? -J'ai eu peur, trop peur !! -C'est quoi cette peur? C'est la mémoire ou l'imagination ? -Ah ben non, je n'ai pas eu le temps ! -Pas eu le temps de quoi ? -Pas eu le temps d'imaginer ou de me souvenir, c'était trop d'un coup ! -Alors, c'est quoi qui t'a fait réagir ? -L'émotion ! -Oui, c'est ça, l'émotion ! Elle vient d'où ? Comment la reçoit-on ? -Partout !! J'ai sursauté dans tout mon corps ! -Mais c'est ton corps qui a reçu l'information qui t'a fait peur ? -Ben oui, c'est mes oreilles ! -Mais tes oreilles font quoi de ce qu'elles reçoivent ? -Elles envoient tout au cerveau. -Mais si tes oreilles ont reçu l'information pourquoi c'est tout ton corps qui a sursauté ? -Ah ben parce que le cerveau a dit que c'était dangereux. Alors il a fichu la panique partout ! -Donc, c'est le cerveau qui déclenche cette émotion mais c'est par le corps qu'elle se transmet ou qu'elle prend forme, c'est ça, vous êtes d'accord ? -Oui, c'est ça, j'ai eu la trouille mais c'est mon cerveau en fait qui a eu peur et tout mon corps a sauté ! -C'est donc une émotion et elle est très soudaine. -Ah ben oui ! -Comment ça se passe si c'est de l'amour ? -Ouah, c'est un coup de foudre ! C'est trop chouette (rires). -Et si ça vient doucement, qu'on découvre que l'autre on l'aime bien, puis on l'aime beaucoup puis finalement on l'adore. Est-ce que c'est toujours une émotion ou est-ce qu'on peut appeler ça autrement ? -C'est un sentiment plutôt. -Ah, oui, bien ça, vous êtes d'accord les autres ? -Oui, c'est comme un copain aussi, au début c'est un pote puis c'est un copain puis c'est un ami. Ca se fait doucement. Bon, alors, vous voyez que ça fait déjà pas mal de choses à l'intérieur : la mémoire, l'imagination, les émotions, les sentiments. Et moi, ce qui m'intéresse, c'est que vous parveniez à identifier tout ça quand ça vous arrive, à mieux comprendre ce qui se passe en vous. C'est toujours cette phrase de Henri david Thoreau :"Si tu n'es pas toi-même, qui pourrait l'être à ta place?" C'est ça aussi que ça veut dire, est-ce que nous sommes vraiment nous-mêmes, intérieurement, c'est à dire, est-ce que nous savons ce qui s'y passe, c'est un peu comme si on vivait à l'intérieur d'une maison dont on ne connaît pas toutes les pièces, ça serait vraiment bizarre. Et pourtant c'est un peu ça le problème." Je laisse les remarques s'épuiser peu à peu et puis je prends mon porte monnaie dans ma poche, je sors un billet de cinquante euros et je le laisse tomber sous la table d'un enfant. Je me lève et je lui tourne le dos pendant quelques secondes. "Qu'est-ce qui s'est passé dans ta tête ? -Je voulais pas le prendre, répond-il gêné. -Je sais bien, ne t'inquiète pas ! Mais qu'est-ce qui t'en a empêché ? -C'est pas bien, c'est du vol. Et puis je sais bien que tout le monde aurait vu que je le prenais. -Et si personne ne t'avait vu, est-ce que tu l'aurais pris ? -Non, parce que je sais que c'est à vous. -Et si ce billet, tu le trouves par terre et que tu ne sais pas à qui il est, qu'est-ce que tu fais ? -Ah, ben là je le prends ! -Tu n'essaies pas de trouver son propriétaire ? -Ben, si peut-être mais je sais pas qui c'est ? -Mais si tu es certaine de le trouver, que tu as vu le billet tomber de sa poche, qu'est-ce que tu fais si tu ne le connais pas ? -Ah, ben, je ne sais pas, ça dépend si quelqu'un m'a vu le ramasser aussi. -Tu ne veux pas qu'on te traite de voleur, c'est ça ? -Ben oui. -Mais si personne ne t'a vue le ramasser ? -Ah, ben alors je le garde et je vais acheter des vêtements ! (rires) -Et les autres, vous en pensez quoi ? -Non, c'est pas très chouette de le garder je trouve, c'est beaucoup d'argent quand même. -Ben oui justement (rires). -Bien, et dans tout ça, qu'est-ce qui en vous déclenche ces réactions ? Est-ce que c'est votre imagination, votre mémoire, vos émotions, vos sentiments ou autre chose encore ? -Ben, oui j'imagine les vêtements que je vais acheter ! (rires). -Donc, tu te laisses entraîner par ton imagination. -Moi je le prends pas parce que mes parents m'ont appris que c'était pas bien. -Donc, tu utilises ta mémoire et les valeurs que tes parents t'ont enseignées. On appelle ça la morale. -Moi je le prends pas parce que ça me fout la trouille de me faire voir. -Donc, tu réponds à une émotion. -C'est tout mélangé alors ! -Oui, on peut voir ça comme ça mais il y quand même quelque chose en nous qui intervient. Vous vous souvenez de Pinocchio et de Jimmy Cricket ? -Ah oui, c'est lui qui dit quand Pinocchio fait une bêtise. -C'est sa conscience !! -Bien ! voilà, c'est ça, c'est sa conscience. Comment on pourrait expliquer cette conscience en nous ? Qu'est-ce que c'est ? On vient de voir que ça mélange un peu tout ce qu'on a déjà trouvé. -C'est nos pensées ? -Quand tu fais un problème de math, tu n'as pas besoin de cette conscience là mais de la conscience que tu dois bien réfléchir. C'est le raisonnement. Quand tu es en haut d'une piste noire de ski, tu dois avoir conscience que ça va être difficile mais que tu peux le faire si tu restes appliqué. C'est la concentration. -Ah, ben ça fait plein de conscience alors ? -Ca n'est pas vraiment plein de consciences mais plutôt diverses utilisations d'un état de conscience. Quand on dort, par exemple, est-ce qu'on peut dire qu'on est conscient ? -Ah, ben non, sinon on ne dort pas ! (rires) -Donc, nous sommes conscients lorsque nous sommes réveillés et lorsque nous utilisons tout ce qui est en nous :la mémoire, l'imagination, les émotions, la morale, le raisonnement et certainement encore d'autres notions, d'autres pensées, d'autres états de conscience. mais qu'est-ce qui se passe si nous nous laissons emporter par un de ces états sans réellement le maîtriser, sans avoir clairement identifié ce qui se passe en nous. Je vous donne un exemple : Quand il y a une alerte incendie dans l'école, quand l'alarme retentit, si vous vous laissez emporter par la peur et que vous commencez à crier, vous n'allez pas écouter ce que je dis, vous allez paniquer et vous risquez en plus de déclencher une panique générale, ça arrive souvent des mouvements de foule qui se terminent en catastrophe parce que les gens n'ont pas été conscients de ce qui se passait en eux. C'est comme s'ils n'étaient plus réveillés. -Et pourtant ils ne dorment pas ! -Non, ils ne dorment pas mais pourtant ils ne sont plus conscients. Ça vous arrive aussi parfois quand vous paniquez parce que je vous donne un contrôle surprise ! -Ah oui, on a la trouille et on ne réfléchit plus ! -Et du coup, cette peur en vous vous fait tout rater. Ça n'est pas parce que vous ne saviez rien mais parce que vous n'arriviez plus à réfléchir ! Vous vous souvenez que je vous avais dit qu'il fallait peindre en jaune fluo la pensée la plus importante et que lorsque vous voyiez arriver une autre pensée qui n'avait pas la bonne couleur, il fallait vous en débarasser. -Ah oui, c'est ça qu'il faut faire pour réussir mais c'est difficile de contrôler les pensées ! Ca part dans tous les sens souvent ! -Et bien il faut déjà en être conscient pour réussir à se corriger à l'intérieur. Sinon, à l'extérieur, sur votre feuille, ça va être un sacré chantier. Etre conscient de ce qui se passe en nous, c'est absolument essentiel. Mais il faut pouvoir mettre un nom sur ce qui nous arrive. Cette conscience, c'est un des aspects les plus importants de notre vie et vous voyez bien que ça met en action énormément de choses en nous. Savoir ce qui appartient à notre imagination, à notre mémoire, à nos émotions, à notre morale, à notre raisonnement, tout ça il faut le maîtriser au mieux. C'est le seul moyen de pouvoir faire un choix réel. Sinon nous ne sommes pas conscients, nous vivons comme si nous étions en train de dormir." 
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                JUSQU'AU BOUT : L'énergie- Par Thierry LEDRU
- Le 12/11/2010
 extrait. "Ce que j'aime dans l'escalade, c’est cette obligation d’économiser son énergie, de trouver le geste juste, la tension musculaire qui convient et pas plus, avec les muscles concernés et pas nécessairement l’ensemble. C’est un travail qui m’a toujours passionné. A mes débuts, je me suis souvent aperçu en grimpant en tête, que si je me laissais emporter par la peur, je dépensais toute mon énergie et les tremblements des muscles augmentaient l’énervement et la peur, et donc le gaspillage d’énergie. Alors, j’ai compris que si je gaspillais mes forces, ça ne servait à rien que j’en apporte une quantité supplémentaire. Ca ne mettait pas un terme au gaspillage, c’était juste une quantité d’énergie supplémentaire qui allait être gaspillée. Il fallait d’abord que j’apprenne à rester calme. Stopper le gaspillage et apprendre à utiliser juste la quantité d’énergie nécessaire." 
 Une étrange similitude avec l'énergie spirituelle finalement. Dans les phases de calme, il est inutile de chercher une énergie supplémentaire, comme s'il fallait absolument rester dans une certaine intensité. C'est absurde. Il convient davantage d'aller chercher en soi ce qui gêne éventuellement la consommation de l'énergie disponible, les troubles existentiels, les peurs, les attachements au passé, la crainte de l'avenir, les dysfonctionnements multiples. Si finalement, l'énergie disponible est pleinement saisie, si rien ne vient pertuber sa circulation, il convient alors d'en accepter l'affaiblissement, comparée à d'autres périodes euphoriques. L'énergie a besoin de temps de repos. On peut imaginer des saisons similaires à celles de la Nature. Les cycles ne nous sont pas accessibles. Ce sont des phénomènes de marées fluctuantes. Basses eaux, mortes eaux, pleines eaux. Je ne suis qu'un bouchon qui flotte à la surface d'un champ énergétique qui n'est pas de mon ressort. Si je me sens contrarié par des mouvements naturels, je m'oppose à travers mon mental au flux vital et c'est comme un barrage que je bâtis alors que je rêve du retour de la marée. C'est absurde, infiniment absurde. Laisse la vie te vivre, elle sait où elle va. Le courant reviendra. 
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                Une autre voie.- Par Thierry LEDRU
- Le 11/11/2010
 "J'entreprends de me laisser porter par la force de toute vie vivante : l'oubli. Il est un âge où l'on enseigne ce que l'on sait, mais il en vient ensuite un autre où l'on enseigne ce que l'on ne sait pas : cela s'appelle chercher. Vient peut-être maintenant l'âge d'une autre expérience : celle de désapprendre, de laisser travailler le remaniement imprévisible que l'oubli impose à la sédimentation des savoirs, des cultures, des croyances que l'on a traversés. Cette expérience a, je crois, un nom illustre et démodé, que j'oserai prendre ici sans complexe, au carrefour même de son étymologie : Sapienta. Nul pouvoir, un peu de savoir, un peu de sagesse et le plus de saveur possible." R.Barthes Etrange dilemme qui me voit étiré entre deux directions. Lire et me confronter aux esprits éveillés qui jalonnent leurs routes de balises, des lumières puissantes contre lesquelles je viens heurter mes inquiétudes comme un papillon de nuit ou m'asseoir sur la terrasse, dehors, lever du jour, 6h30, les yeux posés sur les montagnes environnantes, aucun désir, aucune attente, aucune pensée, un vide intérieur qui se laisse envahir par les arabesques du jour qui courent sur les pentes. L'impression inexplicable d'un échange de données : comme si mes pensées, mes connaissances, mes raisonnements, mes incertitudes, mes questionnements lancinants étaient aspirés par l'espace et qu'en échange, ruisselaient en moi, dans les territoires libérés, des énergies vitales, des vibrations d'univers, des pulsions végétales, une aimantation vers le soleil, vers la lumière du monde, juste des bouffées d'air pur. Juste envie d'aller marcher, poser mes pas dans la neige qui est tombée en altitude. 
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                Une autre réalité.- Par Thierry LEDRU
- Le 06/11/2010
 Plutôt que d'y voir un rêve, j'imagine le parcours d'un insecte. http://www.youtube.com/watch?v=eNcS6H_ZbOw&feature=related Est-ce que "sa" réalité a plus de valeur que celle dont nous sommes si fiers ? Ce blog n'a aucune réalité pour les gens qui l'ignorent. Il n'en a que pour ceux et celles qui y portent un regard similaire. Cette notion de "réalité" est absolument absurde, dénuée de sens. Elle n'est encore une fois que la preuve de notre incompétence à saisir la réalité de la vie. Nous sommes étroitement enfermés, carapaçonnés dans des egos démesurés, jusqu'à promouvoir notre réalité comme "la" réalité. L'effroyable erreur a été de considérer la réalité de l'humain comme celle ayant le plus de valeur. Ce qui fait d'ailleurs que pour un promoteur immobilier ce magnifique marais, visité par cet insecte fureteur, représente dans la réalité du marchand, des immeubles à contruire. La réalité de l'insecte n'a aucune existence pour cet homme là. Multiplions cette attitude à l'échelle humaine, et on voit bien ce que "notre" réalité nous a amenés à commettre. 
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                Absence.- Par Thierry LEDRU
- Le 05/11/2010
 Pas envie d'écrire. Un vide intersidéral. Rien qu'une profonde absence existentielle, le vide. Je me contente de faire mon travail avec les enfants, je fais de l'escalade avec mes deux garçons, on a fait une sortie de ski de rando, les montagnes étaient magnifiques comme toujours, les questions se sont évanouies sans que les réponses ne soient assurées mais il semble que pour l'instant, l'essentiel n'est pas là. Pas la première fois que ça m'arrive, ça ne m'inquiète pas, il faut croire que parfois la vie intérieure a besoin de se mettre à l'étale. Je n'attends même pas la prochaine marée, ça ne dépend pas de moi, inutile que j'y pense. J'écris une histoire pour enfants, celle que je racontais à mes trois enfants lorsque nous allions marcher en montagne et qu'ils étaient petits. A chaque sortie, je reprenais le personnage d'un lutin, Jarwal, chargé d'une mission ultime : sauver la mémoire du Petit Peuple. Mes enfants étaient devenus les récepteurs de cette mémoire. Je ne pouvais entendre les histoires qu'en allant marcher en montagne... Incroyable le nombre d'histoires que j'ai inventées, week end après week end, pendant plusieurs années. On fermait la porte de la voiture, on s'engageait sur le chemin et la question arrivait. "Ca y est Papa, tu entends Jarwal ?" Et j'inventais une histoire qui devait durer trois, quatre, cinq, six heures...Jarwal a vécu avec nous pendant longtemps. Maintenant, il faut que je reprenne tout ça. Pour d'autres enfants. 
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                Discours de la servitude volontaire. (suite)- Par Thierry LEDRU
- Le 01/11/2010
 Discours de la servitude volontaireRésumé du texte de La Boëtie (note*) La première raison pour laquelle les hommes servent volontairement, c'est qu'il naissent serviles et qu'ils sont élevés comme tels. Puis vient l'habitude, et le pouvoir se renforce et peut devenir tyrannique. Par peur ou par faiblesse, tous les hommes obéissent plutôt que de s'opposer à l'autorité. De cela découle que, sous la tyrannie, les gens deviennent lâches, mous et efféminés. Ils revendiquent plus de liberté mais manquent de volonté pour l'exercer. Il est certain qu'en perdant ses libertés, on perd vite la vaillance, l'intrépidité. Les gens soumis n'ont ni ardeur ni pugnacité au combat. Ils y vont tout engourdis, comme s'acquittant avec peine d'une obligation. Alors que l'ardeur de la liberté fait mépriser le péril et donne envie de gagner auprès de ses compagnons, quitte à mourir avec l'honneur et la gloire de n'avoir pas failli à son devoir, ni même faibli [les soldats de Bonaparte avaient retrouvé l'ardeur en se sentant porteurs des idéaux de la Révolution (liberté, égalité, fraternité)]. Les tyrans le savent bien et font tout leur possible pour avachir leurs sujets, et les outils de la tyrannie sont toutes sortes de drogues, de distractions, de récompenses (décorations, médailles), de jeux, tombolas, courses, championnats, et autres exutoires (arènes)... Mais il leur faut un bouc émissaire, et ils désignent l'étranger pour ennemi, et tous vont alors dépenser leur ardeur contre l'ennemi désigné. La première raison pour laquelle les hommes servent volontairement, c'est qu'il naissent serviles et qu'ils sont élevés comme tels. Puis vient l'habitude, et le pouvoir se renforce et peut devenir tyrannique. Par peur ou par faiblesse, tous les hommes obéissent plutôt que de s'opposer à l'autorité. De cela découle que, sous la tyrannie, les gens deviennent lâches, mous et efféminés. Ils revendiquent plus de liberté mais manquent de volonté pour l'exercer. Il est certain qu'en perdant ses libertés, on perd vite la vaillance, l'intrépidité. Les gens soumis n'ont ni ardeur ni pugnacité au combat. Ils y vont tout engourdis, comme s'acquittant avec peine d'une obligation. Alors que l'ardeur de la liberté fait mépriser le péril et donne envie de gagner auprès de ses compagnons, quitte à mourir avec l'honneur et la gloire de n'avoir pas failli à son devoir, ni même faibli [les soldats de Bonaparte avaient retrouvé l'ardeur en se sentant porteurs des idéaux de la Révolution (liberté, égalité, fraternité)]. Les tyrans le savent bien et font tout leur possible pour avachir leurs sujets, et les outils de la tyrannie sont toutes sortes de drogues, de distractions, de récompenses (décorations, médailles), de jeux, tombolas, courses, championnats, et autres exutoires (arènes)... Mais il leur faut un bouc émissaire, et ils désignent l'étranger pour ennemi, et tous vont alors dépenser leur ardeur contre l'ennemi désigné.
  Le peuple des villes, abruti de tant de ces choses alléchantes, de ces spectacles qu'ils trouvent beaux, émouvants, ou de ces plaisirs puérils qui les amusent, s'habituent à servir ainsi niaisement leur maître, et à leur obéir servilement [et avec la TV ceux de la campagne dorénavant]. Le tyran fait quelques largesses de temps en temps, mais ce n'est pas le dixième de ce qu'il reçoit ; il vous laisse les miettes du gâteau que vous lui offrez par votre servitude. Le peuple ignorant a toujours été ainsi ; il abandonne tous les pouvoirs au premier qui se présente assez sûr de lui pour les commander. Ces millions de gens sous le joug d'un seul n'y ont pas forcément été contraints par la force, mais parce qu'ils sont fascinés et comme ensorcelés par le seul nom d'un seul, qu'ils craignent, alors qu'ils ne devraient pas le redouter puisqu'il est seul et qu'ils sont des millions. Le peuple des villes, abruti de tant de ces choses alléchantes, de ces spectacles qu'ils trouvent beaux, émouvants, ou de ces plaisirs puérils qui les amusent, s'habituent à servir ainsi niaisement leur maître, et à leur obéir servilement [et avec la TV ceux de la campagne dorénavant]. Le tyran fait quelques largesses de temps en temps, mais ce n'est pas le dixième de ce qu'il reçoit ; il vous laisse les miettes du gâteau que vous lui offrez par votre servitude. Le peuple ignorant a toujours été ainsi ; il abandonne tous les pouvoirs au premier qui se présente assez sûr de lui pour les commander. Ces millions de gens sous le joug d'un seul n'y ont pas forcément été contraints par la force, mais parce qu'ils sont fascinés et comme ensorcelés par le seul nom d'un seul, qu'ils craignent, alors qu'ils ne devraient pas le redouter puisqu'il est seul et qu'ils sont des millions.
  Telle est pourtant la faiblesse des hommes, contraints à l'obéissance depuis leur enfance, éduqués pour temporiser, qui s'habituent à leur condition d'esclaves et ne se rendent pas compte de la valeur de la liberté qu'ils n'ont jamais connue. Si, contrainte par la force des armes, la nation est soumise au pouvoir d'un seul, il ne faut pas s'étonner qu'elle serve, mais bien le déplorer, ou plutôt, supporter ce malheur avec patience et se préserver pour un avenir meilleur. Il peut aussi arriver qu'un peuple ait de la reconnaissance pour un de ces hommes rares qui lui ait donné des preuves de grande prévoyance pour les sauvegarder, d'une grande hardiesse pour les défendre, d'une grande prudence à les gouverner ; s'il s'habitue à la longue à lui obéir et à se fier à lui jusqu'à lui accorder une certaine suprématie, sait-on alors s'il fera aussi bien là où on le place que ce qu'il a procuré lorsqu'il était à sa place naturelle, d'égal à égal avec d'autres, comme l'on se trouve entre compagnons ou amis ? Telle est pourtant la faiblesse des hommes, contraints à l'obéissance depuis leur enfance, éduqués pour temporiser, qui s'habituent à leur condition d'esclaves et ne se rendent pas compte de la valeur de la liberté qu'ils n'ont jamais connue. Si, contrainte par la force des armes, la nation est soumise au pouvoir d'un seul, il ne faut pas s'étonner qu'elle serve, mais bien le déplorer, ou plutôt, supporter ce malheur avec patience et se préserver pour un avenir meilleur. Il peut aussi arriver qu'un peuple ait de la reconnaissance pour un de ces hommes rares qui lui ait donné des preuves de grande prévoyance pour les sauvegarder, d'une grande hardiesse pour les défendre, d'une grande prudence à les gouverner ; s'il s'habitue à la longue à lui obéir et à se fier à lui jusqu'à lui accorder une certaine suprématie, sait-on alors s'il fera aussi bien là où on le place que ce qu'il a procuré lorsqu'il était à sa place naturelle, d'égal à égal avec d'autres, comme l'on se trouve entre compagnons ou amis ?
  Mais quel est ce vice qui atteint la grande majorité des hommes, le petit peuple ignorant, prêt à obéir, à servir, jusqu'à se faire tyranniser, n'ayant plus aucune possibilité de se démettre de celui qui est alors leur maître ? La contrainte ne durerait pas s'il n'y avait pas un accord entre les partis. Ce qui suit est le ressort secret de la domination, le soutien et le fondement de toute tyrannie. Les tyrans s'entourent toujours de quelques gens très dévoués et fidèles (de leur famille ou des commis), car ceux-ci partagent les avantages du tyran et en tirent avantage. Ces dix commandent à cent, lesquels recrutent mille autres, et les mille empêchent le reste du peuple à vivre libre et heureux. La contrainte est acceptée par un grand nombre, lesquels la supportent de par leur nature : ce sont des êtres dépendants, instables, hésitants. C'est là tout le rouage de l'État, et ses fonctionnaires vous obligent à payer le tribut à l'Armée et les diverses taxes qui augmentent sans cesse, sans aucun contrôle. Mais quel est ce vice qui atteint la grande majorité des hommes, le petit peuple ignorant, prêt à obéir, à servir, jusqu'à se faire tyranniser, n'ayant plus aucune possibilité de se démettre de celui qui est alors leur maître ? La contrainte ne durerait pas s'il n'y avait pas un accord entre les partis. Ce qui suit est le ressort secret de la domination, le soutien et le fondement de toute tyrannie. Les tyrans s'entourent toujours de quelques gens très dévoués et fidèles (de leur famille ou des commis), car ceux-ci partagent les avantages du tyran et en tirent avantage. Ces dix commandent à cent, lesquels recrutent mille autres, et les mille empêchent le reste du peuple à vivre libre et heureux. La contrainte est acceptée par un grand nombre, lesquels la supportent de par leur nature : ce sont des êtres dépendants, instables, hésitants. C'est là tout le rouage de l'État, et ses fonctionnaires vous obligent à payer le tribut à l'Armée et les diverses taxes qui augmentent sans cesse, sans aucun contrôle.
  C'est par manque d'éducation, puis pas l'habitude que s'émousse la volonté ; c'est ainsi que par lâcheté ou faiblesse, vous perdez votre droit à la liberté et vous finissez par vous y accommoder. Les impôts sont de plus en plus lourds, jusqu'à vous priver des moyens de vous associer et de vous organiser pour reprendre votre liberté. Autant vous êtes démunis, autant l'Armée du tyran se renforce, réprime toute rébellion, et alors le poids de la soumission est terrible à supporter. Est-ce là vivre heureux ? Est-ce même vivre ? Apprenons à lutter contre cet état insupportable, je le dis à tous ceux qui veulent faire figure d'homme. C'est par manque d'éducation, puis pas l'habitude que s'émousse la volonté ; c'est ainsi que par lâcheté ou faiblesse, vous perdez votre droit à la liberté et vous finissez par vous y accommoder. Les impôts sont de plus en plus lourds, jusqu'à vous priver des moyens de vous associer et de vous organiser pour reprendre votre liberté. Autant vous êtes démunis, autant l'Armée du tyran se renforce, réprime toute rébellion, et alors le poids de la soumission est terrible à supporter. Est-ce là vivre heureux ? Est-ce même vivre ? Apprenons à lutter contre cet état insupportable, je le dis à tous ceux qui veulent faire figure d'homme.Liberté - Egalité - Fraternité : ça ne veut plus rien dire !« Le mot pour qualifier dignement le mercantilisme et tout ce qui est médiocre est, comme on sait, le mot "libéral" ». (Volonté de Puissance, Livre IV, Pourquoi les faibles sont victorieux). Le "libéralisme" est le parti de ceux qui veulent imposer la dictature du Marché, la "libre-concurrence", la puissance par l'argent, en quelque sorte. On connait trop les inconvénients de la libre-concurrence et de la compétition dans le travail : fusions, délocalisations, les ententes de prix illicites qui faussent la concurrence... le harcellement au travail. 
 La Boëtie, ami de Michel de Montaigne, publia ce Discours en 1576. [Nouvelle traduction en français moderne de Séverine Auffret du texte intégral, Éditions Mille et une Nuits]. Nous avons considérablement résumé son texte admirable.  Tout est donc expliqué par l'éducation. C'est de là que peut venir le changement de paradigme. Rien d'autre n'est possible. 
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                De la servitude moderne.- Par Thierry LEDRU
- Le 31/10/2010
 Ca fait mal. http://www.dailymotion.com/video/xaze5w_de-la-servitude-moderne-1ere-partie_news http://www.dailymotion.com/video/xazf3b_de-la-servitude-moderne-2eme-partie_news http://www.dailymotion.com/video/xazgc4_de-la-servitude-moderne-3eme-partie_news Mais c'est un mal nécessaire. Il faut sortir de tout ça. http://www.delaservitudemoderne.org/francais1.html "Quelle époque terrible que celle où des idiots dirigent des aveugles." William Shakespeare
 "Toute vérité passe par trois stades :
 En premier lieu on la ridiculise;
 en deuxième lieu on s'y oppose violemment;
 enfin on l'accepte comme si elle allait de soi.""Toute vérité passe par trois stades :
 En premier lieu on la ridiculise;
 en deuxième lieu on s'y oppose violemment;
 enfin on l'accepte comme si elle allait de soi."
 SchopenhauerDe la servitude moderne est un livre et un film documentaire de 52 minutes produits de manière totalement indépendante ; le livre (et le DVD qu’il contient) est distribué gratuitement dans certains lieux alternatifs en France et en Amérique latine. Le texte a été écrit en Jamaïque en octobre 2007 et le documentaire a été achevé en Colombie en mai 2009. Il existe en version française, anglaise et espagnole. Le film est élaboré à partir d’images détournées, essentiellement issues de films de fiction et de documentaires.
 
 L’objectif central de ce film est de mettre à jour la condition de l’esclave moderne dans le cadre du système totalitaire marchand et de rendre visible les formes de mystification qui occultent cette condition servile. Il a été fait dans le seul but d’attaquer frontalement l’organisation dominante du monde.
 
 Dans l’immense champ de bataille de la guerre civile mondiale, le langage constitue une arme de choix. Il s’agit d’appeler effectivement les choses par leur nom et de faire découvrir l’essence cachée de ces réalités par la manière dont on les nomme. La démocratie libérale est un mythe en cela que l’organisation dominante du monde n’a rien de démocratique ni même rien de libérale. Il est donc urgent de substituer au mythe de la démocratie libérale sa réalité concrète de système totalitaire marchand et de répandre cette nouvelle expression comme une trainée de poudre prête à incendier les esprits en révélant la nature profonde de la domination présente.
 
 D’aucuns espéreront trouver ici des solutions ou des réponses toutes faites, genre petit manuel de « Comment faire la révolution ? ». Tel n’est pas le propos de ce film. Il s’agit ici de faire la critique exacte de la société qu’il nous faut combattre. Ce film est avant tout un outil militant qui a pour vocation de faire s’interroger le plus grand nombre et de répandre la critique partout où elle n’a pas accès. Les solutions, les éléments de programme, c’est ensemble qu’il faut les construire. Et c’est avant tout dans la pratique qu’elles éclatent au grand jour. Nous n’avons pas besoin d’un gourou qui vienne nous expliquer comment nous devons agir. La liberté d’action doit être notre caractéristique principale. Ceux qui veulent rester des esclaves attendent l’homme providentiel ou l’œuvre qu’il suffirait de suivre à la lettre pour être plus libre. On en a trop vu de ces œuvres ou de ces hommes dans toute l’histoire du XXº siècle qui se sont proposés de constituer l’avant-garde révolutionnaire et de conduire le prolétariat vers la libération de sa condition. Les résultats cauchemardesques parlent d’eux-mêmes.
 
 Par ailleurs, nous condamnons toutes les religions en cela qu’elles sont génératrices d’illusions nous permettant d’accepter notre sordide condition de dominés et qu’elles mentent ou déraisonnent sur à peu près tout. Mais nous condamnons également toute stigmatisation d’une religion en particulier. Les adeptes du complot sioniste ou du péril islamiste sont de pauvres têtes mystifiées qui confondent la critique radicale avec la haine et le dédain. Ils ne sont capables de produire que de la boue. Si certains d’entre eux se disent révolutionnaires, c’est davantage en référence aux « révolutions nationales » des années 1930-1940 qu’à la véritable révolution libératrice à laquelle nous aspirons. La recherche d’un bouc émissaire en fonction de son appartenance religieuse ou ethnique est vieille comme la civilisation et elle n’est que le produit des frustrations de ceux qui cherchent des réponses rapides et simples face au véritable mal qui nous accable. Il ne peut y avoir d’ambigüité sur la nature de notre combat. Nous sommes favorables à l’émancipation de l’humanité toute entière, sans aucune forme de discrimination. Tout pour tous est l’essence du programme révolutionnaire auquel nous adhérons.
 
 Les références qui ont inspiré ce travail et plus généralement ma vie sont explicites dans ce film : Diogène de Sinoppe, Étienne de La Boétie, Karl Marx et Guy Debord. Je ne m’en cache pas et ne prétend pas avoir inventé l’électricité. On me reconnaîtra simplement le mérite d’avoir su m’en servir pour m’éclairer. Quand à ceux qui trouveront à redire sur cette œuvre en tant qu’elle ne serait pas assez révolutionnaire ou bien trop radicale ou encore pessimiste n’ont qu’à proposer leur propre vision du monde dans lequel nous vivons. Plus nous serons nombreux à diffuser ces idées et plus la possibilité d’un changement radical pourra émerger.
 
 La crise économique, sociale et politique a révélé la faillite patente du système totalitaire marchand. Une brèche est ouverte. Il s’agit maintenant de s’y engouffrer sans peur mais de manière stratégique. Il faut cependant agir vite car le pouvoir, parfaitement informé sur l’état des lieux de la radicalisation de la contestation, prépare une attaque préventive sans commune mesure avec ce que nous avons connu jusqu’à maintenant. L’urgence des temps nous impose donc l’unité plutôt que la division car ce qui nous rassemble est bien plus profond que ce qui nous sépare. Il est toujours très commode de critiquer ce qui se fait du côté des organisations, des individus ou des différents groupes qui se réclament de la révolution sociale. Mais en réalité, ces critiques participent de la volonté d’immobilisme qui tente de nous convaincre que rien n’est possible. Il ne faut pas se tromper d’ennemis. Les vieilles querelles de chapelle du camp révolutionnaire doivent laisser la place à l’unité d’action de toutes nos forces. Il faut douter de tout, même du doute.
 
 Le texte et le film sont libres de droits, ils peuvent être copiés, diffusés, projetés sans la moindre forme de contrainte. Ils sont par ailleurs totalement gratuits et ne peuvent en aucun cas être vendus ou commercialisés sous quelque forme que ce soit. Il serait en effet pour le moins incohérent de proposer une marchandise qui aurait pour vocation de critiquer l’omniprésence de la marchandise. La lutte contre la propriété privée, intellectuelle ou autre, est notre force de frappe contre la domination présente.
 
 Ce film qui est diffusé en dehors de tout circuit légal ou commercial ne peut exister que grâce à l’appui de personnes qui en organisent la diffusion ou la projection. Il ne nous appartient pas, il appartient à ceux qui voudront bien s’en saisir pour le jeter dans le feu des combats.
 Jean-François Brient et Victor León Fuentes
 SchopenhauerDe la servitude moderne est un livre et un film documentaire de 52 minutes produits de manière totalement indépendante ; le livre (et le DVD qu’il contient) est distribué gratuitement dans certains lieux alternatifs en France et en Amérique latine. Le texte a été écrit en Jamaïque en octobre 2007 et le documentaire a été achevé en Colombie en mai 2009. Il existe en version française, anglaise et espagnole. Le film est élaboré à partir d’images détournées, essentiellement issues de films de fiction et de documentaires.
 
 L’objectif central de ce film est de mettre à jour la condition de l’esclave moderne dans le cadre du système totalitaire marchand et de rendre visible les formes de mystification qui occultent cette condition servile. Il a été fait dans le seul but d’attaquer frontalement l’organisation dominante du monde.
 
 Dans l’immense champ de bataille de la guerre civile mondiale, le langage constitue une arme de choix. Il s’agit d’appeler effectivement les choses par leur nom et de faire découvrir l’essence cachée de ces réalités par la manière dont on les nomme. La démocratie libérale est un mythe en cela que l’organisation dominante du monde n’a rien de démocratique ni même rien de libérale. Il est donc urgent de substituer au mythe de la démocratie libérale sa réalité concrète de système totalitaire marchand et de répandre cette nouvelle expression comme une trainée de poudre prête à incendier les esprits en révélant la nature profonde de la domination présente.
 
 D’aucuns espéreront trouver ici des solutions ou des réponses toutes faites, genre petit manuel de « Comment faire la révolution ? ». Tel n’est pas le propos de ce film. Il s’agit ici de faire la critique exacte de la société qu’il nous faut combattre. Ce film est avant tout un outil militant qui a pour vocation de faire s’interroger le plus grand nombre et de répandre la critique partout où elle n’a pas accès. Les solutions, les éléments de programme, c’est ensemble qu’il faut les construire. Et c’est avant tout dans la pratique qu’elles éclatent au grand jour. Nous n’avons pas besoin d’un gourou qui vienne nous expliquer comment nous devons agir. La liberté d’action doit être notre caractéristique principale. Ceux qui veulent rester des esclaves attendent l’homme providentiel ou l’œuvre qu’il suffirait de suivre à la lettre pour être plus libre. On en a trop vu de ces œuvres ou de ces hommes dans toute l’histoire du XXº siècle qui se sont proposés de constituer l’avant-garde révolutionnaire et de conduire le prolétariat vers la libération de sa condition. Les résultats cauchemardesques parlent d’eux-mêmes.
 
 Par ailleurs, nous condamnons toutes les religions en cela qu’elles sont génératrices d’illusions nous permettant d’accepter notre sordide condition de dominés et qu’elles mentent ou déraisonnent sur à peu près tout. Mais nous condamnons également toute stigmatisation d’une religion en particulier. Les adeptes du complot sioniste ou du péril islamiste sont de pauvres têtes mystifiées qui confondent la critique radicale avec la haine et le dédain. Ils ne sont capables de produire que de la boue. Si certains d’entre eux se disent révolutionnaires, c’est davantage en référence aux « révolutions nationales » des années 1930-1940 qu’à la véritable révolution libératrice à laquelle nous aspirons. La recherche d’un bouc émissaire en fonction de son appartenance religieuse ou ethnique est vieille comme la civilisation et elle n’est que le produit des frustrations de ceux qui cherchent des réponses rapides et simples face au véritable mal qui nous accable. Il ne peut y avoir d’ambigüité sur la nature de notre combat. Nous sommes favorables à l’émancipation de l’humanité toute entière, sans aucune forme de discrimination. Tout pour tous est l’essence du programme révolutionnaire auquel nous adhérons.
 
 Les références qui ont inspiré ce travail et plus généralement ma vie sont explicites dans ce film : Diogène de Sinoppe, Étienne de La Boétie, Karl Marx et Guy Debord. Je ne m’en cache pas et ne prétend pas avoir inventé l’électricité. On me reconnaîtra simplement le mérite d’avoir su m’en servir pour m’éclairer. Quand à ceux qui trouveront à redire sur cette œuvre en tant qu’elle ne serait pas assez révolutionnaire ou bien trop radicale ou encore pessimiste n’ont qu’à proposer leur propre vision du monde dans lequel nous vivons. Plus nous serons nombreux à diffuser ces idées et plus la possibilité d’un changement radical pourra émerger.
 
 La crise économique, sociale et politique a révélé la faillite patente du système totalitaire marchand. Une brèche est ouverte. Il s’agit maintenant de s’y engouffrer sans peur mais de manière stratégique. Il faut cependant agir vite car le pouvoir, parfaitement informé sur l’état des lieux de la radicalisation de la contestation, prépare une attaque préventive sans commune mesure avec ce que nous avons connu jusqu’à maintenant. L’urgence des temps nous impose donc l’unité plutôt que la division car ce qui nous rassemble est bien plus profond que ce qui nous sépare. Il est toujours très commode de critiquer ce qui se fait du côté des organisations, des individus ou des différents groupes qui se réclament de la révolution sociale. Mais en réalité, ces critiques participent de la volonté d’immobilisme qui tente de nous convaincre que rien n’est possible. Il ne faut pas se tromper d’ennemis. Les vieilles querelles de chapelle du camp révolutionnaire doivent laisser la place à l’unité d’action de toutes nos forces. Il faut douter de tout, même du doute.
 
 Le texte et le film sont libres de droits, ils peuvent être copiés, diffusés, projetés sans la moindre forme de contrainte. Ils sont par ailleurs totalement gratuits et ne peuvent en aucun cas être vendus ou commercialisés sous quelque forme que ce soit. Il serait en effet pour le moins incohérent de proposer une marchandise qui aurait pour vocation de critiquer l’omniprésence de la marchandise. La lutte contre la propriété privée, intellectuelle ou autre, est notre force de frappe contre la domination présente.
 
 Ce film qui est diffusé en dehors de tout circuit légal ou commercial ne peut exister que grâce à l’appui de personnes qui en organisent la diffusion ou la projection. Il ne nous appartient pas, il appartient à ceux qui voudront bien s’en saisir pour le jeter dans le feu des combats.
 Jean-François Brient et Victor León Fuentes
 
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                Une réalité instable.- Par Thierry LEDRU
- Le 29/10/2010
 Je suis stupéfait et parfois consterné par la puissance des croyances. Ces croyances qui construisent en nous une certaine réalité. Un exemple. J'ai dans ma classe un élève qui a toujours été considéré par les enseignants comme un perturbateur, un enfant paresseux, soutenu par les parents, un "fardeau", comme me l'a dit la collègue précédente... Comme chaque année, je refuse de lire les dossiers scolaires de mes élèves et je leur dis le premier jour de classe que je ne sais rien sur eux, que je ne veux pas qu'ils entrent dans ma classe avec l'idée qu'ils vont encore être jugés sur leurs "défauts", comme s'ils avaient une étiquette collée sur le front, qu'ils savent quels comportements ou quelles lacunes ont servi aux enseignants précédents pour que ce jugement les poursuive et qu'ils doivent par conséquent travailler sur eux-mêmes pour se défaire de cette étiquette, que je fais toujours la différence entre leur nature d'enfant et leur fonction d'élève et que ce qu'ils font n'est pas la même chose que ce qu'ils sont, que je ne veux pas qu'ils établissent en eux des croyances liées aux regards et aux "condamnations" que leur porte les enseignants, qu'il m'importe avant tout qu'ils cherchent en eux ce qu'ils veulent être et non se laisser piéger par l'image néfaste dont certains adultes les affublent. "Vérifie toujours à chaque instant, que tes pensées, tes choix, tes décisions et tes actes sont à l'image de la personne que tu veux être." C'est affiché au-dessus du tableau et je les renvoie souvent à ce texte. C'est leur propre regard qui doit être le seul juge de paix. Je ne suis parfois, quand c'est nécessaire, que le déclencheur de cette réflexion en eux. Cet enfant dont je parlais au début a totalement changé. Il s'est révélé très curieux, dynamique, intéressé et intéressant, il participe, apprend ses leçons, lit à la maison, raconte à ses parents tout ce qu'il vit en classe. La maman est venue me voir pour me faire part de son bonheur, ainsi que de son mari, quant au plaisir de son fils de venir à l'école. "A table, on ne peut plus en placer une, il a toujours quelque chose à raconter." Ce petit garçon s'est cassé le bras trois jours avant la rentrée de septembre, c'est dire la peur qu'il avait de revenir en ce lieu maudit... Je suis évidemment très heureux de son évolution. Mais également consterné, effrayé par la puissance destructrice ou bénéfique des croyances que nous adoptons. Ce petit gars avait une mauvaise image de lui-même et ne parvenait plus à en sortir. A force d'entendre qu'il était "nul", il avait fini par adopter le comportement associé à cette image. Cette certitude en lui d'être un moins que rien le conduisait immanquablement à n'exister qu'à travers des attitudes "rebelles". En le félicitant à la moindre occasion, en le valorisant, en l'encourageant, sans jamais porter de jugement sur ce qu'il faisait mais en le renvoyant si nécessaire à l'image qu'il voulait avoir de lui-même, je sais que j'ai réussi à inverser en lui cette croyance que l'école ne pourrait jamais le rendre heureux. Le soir de la réunion avec tous les parents d'élèves, j'ai considérablement insisté sur la force des mots. Dire à un enfant qui vient de faire une bêtise, "tu es vraiment nul" au lieu de dire "ce que tu as fait est vraiment nul", c'est ancrer en lui une image destructrice. Nos actes ne sont pas ce que nous sommes mais le reflet d'une émotion qui parfois nous dépasse : la colère, la jalousie, la paresse, l'inattention, l'indifférence, c'est ce qui existe en nous à un instant T mais ce n'est pas ce que nous sommes intrinsèquement parlant. Si l'individu n'avait pas commis cet acte, il serait toujours le même. C'est le jugement porté par les pairs qui ancre dans l'individu cette idée que je suis ce que je fais. Un jugement qui doit disparaître. Les évènements qui surviennent dans nos existences sont générés par de multiples paramètres et il suffirait qu'un de ces paramètres diffèrent pour que cette "réalité" change. Ce petit garçon en est un exemple supplémentaire. Il a suffi que sa "réalité" quotidienne prenne une autre tournure pour qu'il devienne un autre élève. Mais l'enfant est toujours le même, l'individu n'a pas changé dans sa profondeur. C'est la façon dont il gère les évènements exogènes qui a changé parce que la réalité de sa vie d'élève a changé. Où se situe la réalité dès lors ? Est-il possible d'identifier clairement ce que nous sommes, cette réalité intime, existentielle ? Dès lors que nous subissons des atteintes diverses et que nous n'avons pas la lucidité de faire la part des choses entre les tourments internes de nos interlocuteurs et notre réalité, comment établir une image stable et claire de ce que nous sommes ? On imagine bien l'immense difficulté que cela représente chez de jeunes enfants... Il y aurait donc une réalité instable, liée à notre vie sociale, et une réalité existentielle, liée à notre être. Mais cette réalité d'être est-elle un état originel ou quelque chose qui se construit en fonction de la réalité instable de notre vie sociale ? Si l'an prochain, ce petit garçon de ma classe, en arrivant au collège, tombe sur un ou plusieurs professeurs destructeurs, qui sera-t-il ? Un élève perturbateur ou un élève passionnant et passionné ? Existe-t-il en nous un individu stable ou sommes-nous uniquement des individus formatés et modelables ? L'idée m'effraie considérablement. Il suffit de penser à ces gardiens des camps de concentration. Certains n'auraient jamais imaginé tenir un tel rôle...Rien en eux ne les destinait à une telle abomination. Comment ont-ils pu se laisser entraîner de la sorte ? La force des conditionnements, des peurs, le désir d'adhérer à un pénomène de groupe pour exister et prendre une importance ...Il n'y avait chez certains d'entre eux aucune haine du peuple Juif. Bien d'autre paramètres sont entrés en jeu. La réalité sociale avait pris le pas sur la réalité existentielle. On sait que certains se sont suicidés à la libération comme si l'effondrement de cette réalité sociale avait brisé en eux la réalité existentielle et que le dégoût de soi avait pris le pas sur tout le reste. On connaît ces histoires de jeunes de banlieue, brûleurs de voitures, dealers, petits pions au coeur d'une bande et qui un jour, pour diverses raisons, prennent conscience avec une violence immense de l'errance de leur existence et sortent de cette réalité sociale pour retrouver leur réalité existentielle. Certains deviennent éducateurs de rues. La lutte constante de cette vie ne reviendrait-il pas à identifier constamment ce qui relève de cette réalité instable des conditions de vie et ce qui concerne notre réalité intérieure. Ce que nous faisons n'est pas nécessairement ce que nous sommes. Le bonheur serait par conséquent de réussir à vivre en actes comme en esprit. Faire ce que nous sommes, à chaque instant, dans chaque circonstance de vie pour que cette vie instable ne prenne jamais le dessus sur notre réalité. Etre réel dans notre réalité. 


 
         
                                     
                                     
                                     
                                     
                                     
                                     
                                     
                                    