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  • JUSQU'AU BOUT : Crise

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    Le retournement vers soi. Il ne s’agissait pas de se contenter d’un regard humain mais d’instaurer un regard différent, neuf, épuré, jusqu’à l’effacement de cet humain. Qu’il ne reste qu’une forme de vie en symbiose avec d’autres formes de vie. L’oubli de soi, quand il ne s’agit que d’une forme aiguë de prétention, était la clé nécessaire à cette ouverture vers le monde. Il tenait la solution et la joie qui le gonflait aurait pu le faire voler au-dessus de la cime des arbres.

    Ce fut comme une naissance. Et l’accession à une nouvelle lumière.

    Pas, cette fois, la lumière artificielle d’une salle d’hôpital mais la lumière de l’univers. Un rayonnement d’étoile, un embrasement au cœur de ses fibres, un noyau en fusion, une âme libérée, un envol. Des vagues de frissons qui cascadent.

    Un autre état de conscience, différent de celui prôné par l’esprit humain. Un état naturel. Un état de connivence avec le monde. Nous serions donc en dehors de la vie, attachés comme du bétail à tirer dans une fuite aveugle des fardeaux imposés, à nous abrutir jour et nuit de drogues licites, à nous interdire, par tous les moyens, de nous observer. Il pensa à ses journées de travail, à ses six heures en classe, à ses deux heures au bureau, à l’entretien de son logement et de son fourgon, de son vélo et de toutes ses petites affaires, aux courses, à la télévision et à la radio, à ces informations d’un monde en débâcle, aux discussions sur le mauvais temps et le prix de l’essence, et à tous les passe-temps dérisoires pour occuper les dernières minutes de cette mort camouflée dans une journée quotidienne. Toutes nos activités nous tournaient irrémédiablement vers un extérieur artificiel, à des distances considérables de nous-mêmes et du monde. De notre complicité avec ce monde. Nous étions tous dans un état de non vie.

    Il s’assit au sommet d’une butte. Il dominait la cime des arbres. Le paysage devant lui s’étendait jusqu’à l’horizon. Il eut peur brutalement de ce qu’il découvrait.

    Il eut peur du moment où il redescendrait parmi les morts.   

    Il eut envie de leur parler. Il eut pitié d’eux. Pour la première fois, il aima l’humanité. Pendant quelques secondes. Pourquoi cette humanité avait-elle abandonné ce bonheur ?

    Il chercha… Et comprit qu’il ne devait pas le faire. Chercher, c’était encore faire appel à l’esprit humain pour répondre à une question qui concernait un ordre planétaire, une harmonie universelle d’où l’homme s’était retirée.

    Il déposa son sac, sortit sa serviette et l’étala. Il se déshabilla et s’allongea au soleil. Les yeux fermés.

    Une brise légère mais régulière coiffait le sommet dégagé et repoussait les insectes. Il pensa aux rennes de Scandinavie qui progressent sur les crêtes ventées pour se protéger des taons. Il suivit leurs longues marches. Vaste troupeau obéissant à des migrations séculaires, chaque individu posant ses pas dans les pas de ses ancêtres, acceptant la loi du groupe sans même y penser, perpétuant sereinement un ordre naturel. Un faucon survolait les troupeaux. La danse suspendue de l’oiseau le conduisit au bord de l’océan. Jonathan Livingstone l’accueillit. Le goéland avait acquis la liberté à travers le vol, il avait brisé les règles établies et choisi de développer des qualités extraordinaires pour éveiller sa propre connaissance. Mais s’il avait atteint une liberté sublime, il ne le devait qu’à une volonté farouche. Ce n’était pas un exemple accessible à tous. Le développement de cette connaissance hors du commun n’avait été rendu possible qu’à travers l’extrême perception et l’absolue maîtrise de son essence. Il avait retrouvé enfoui sous de misérables comportements quotidiens toutes les possibilités de son corps et de son esprit. De son être unifié. Aujourd’hui, le culte de la personnalité qui servait de référence ne représentait en fait que la consolidation d’un système pervers, nullement l’accession à cette connaissance supérieure. Ce n’était pas l’homme qui était promu mais sa totale participation à une vie de masse. Et les quelques individus parvenant à s’extirper de cette foule anonyme cautionnaient par cette fausse réussite un esclavage doré, totalement éloigné de toute essence. Rien ne s’éveillerait. Ce n’était pas l’homme libre qui pouvait jaillir mais juste l’homme privilégié, profitant avidement de l’opulence sordide des plaisirs offerts par ce système, l’embellissement frénétique des murs de la prison. Et celui qui y parvenait apparaissait comme le plus heureux et le meilleur des hommes. Et la foule envieuse continuait à rêver avec le même enthousiasme aveugle, la même convoitise. Se nourrissant d’espoirs de gloire et de fortune quand la paix de l’âme restait à portée de main, accessible à tous, sans distinction sociale, raciale ou d’intelligence. C’est l’esprit seul, sa sensibilité et sa capacité à goûter pleinement l’importance d’un brin d’herbe comme celle d’une étoile qui ouvrait les portes du monde.

    Il s’étonna de la fluidité de son raisonnement. Il ne se souvenait pas avoir connu auparavant des éveils aussi flamboyants. Il ne pouvait certifier qu’il parviendrait à échanger de telles idées mais ce bonheur  était déjà si inattendu qu’il lui suffisait amplement. Il douta d’ailleurs d’une possible transmission de tels raisonnements. N’était-ce pas à chacun de constituer sa propre théorie ? Sa propre vérité…Opposée à cette vacuité terrible qui nous étouffait. Soudainement, encore une fois, le vide de l’existence telle qu’elle était instituée, lui brûla la gorge. Physiquement. Il s’assit, prit la gourde et avala plusieurs goulées d’eau fraîche. L’angoisse disparût mais la tension dans laquelle l’esprit s’était maintenu céda d’un coup. Les larmes coulèrent, librement, sur les joues. Il fallait pleurer, il le sentait, c’était une délivrance nécessaire, pas une fuite ou un abandon mais un lien avec ce monde oublié et battu. La rencontre triste de deux consciences esseulées, la complicité fabuleuse de deux esprits en sursis, deux êtres condamnés à plus ou moins brève échéance, sentant au-dessus de leurs consciences effrayées la menace permanente d’un sabre que l’espèce humaine tenait fièrement.

    Il refusa de sombrer dans les noirceurs et se releva. Il reprit son sac et s’engagea sur une sente. Il força son pas durant de longues minutes, crachant des bouffées de déprime dans les souffles jaillis de ses poumons, dans les brûlures de ses muscles, les gouttes de sueur qui voilaient ses yeux. Il sentit combien la peur pouvait étouffer les plus beaux sentiments, les plus intenses émotions. Il avait entrevu son retour parmi les hommes et la terreur qui s’était dressée l’avait tétanisé. Comment supporter ce mensonge immonde ? Ca ne lui semblait plus possible.

    Il marcha comme un forcené, évadé d’une prison morale et qui court, qui court, sentant dans son dos la rage haineuse des morts.

    Il serpenta entre les arbres, hors de tout objectif et de toute conscience réelle. Ce fut une fuite sans but. La douleur était en lui, les terreurs l’habitaient. Et il souffrait davantage encore de ne pas maîtriser ces assauts morbides, de ne pas parvenir au contrôle de soi et de devoir, pour trouver une certaine paix, consumer ses forces dans des défis déraisonnés.

    Il atteignit un nouveau sommet, simple colline déboisée, ouverte sur les horizons. Dans la dernière montée, un vertige l’avait ébloui. Il décida de manger. Espérant surtout y trouver l’absence de pensées dont il avait besoin.

    Face à lui s’étendaient des pentes boisées, vastes mers de couleurs superbes sur lesquelles les rayons solaires, variant leurs inclinaisons et leurs intensités, jouaient pendant des heures. Il devina, sous le secret des frondaisons, les itinéraires répétés des animaux, leurs parcours ancestraux, incessamment agressés par des hommes envahisseurs. Il sentit l’angoisse pesante des espèces encerclées, les cris suppliants des arbres abattus, les râles étouffés d’une terre labourée, toutes ces souffrances quotidiennes qui resserraient impitoyablement sur des êtres fragiles leurs étreintes mortelles. Il aperçut au loin une brume étrange, surplombant une vallée invisible. Etait-ce une vapeur échappée d’un lac ou la pollution d’une ville ? Embryon de pluie ou haleine putride. C’est de nos âmes que s’élevait ce poison. L’empreinte des hommes sur la Terre. Le cerf, au fond des bois, percevait le parfum pestilentiel des fumées d’usine, le ronflement des moteurs, le vacarme des avions, le hurlement aigu des tronçonneuses, les appels des chasseurs vers les meutes excitées des chiens. Même le parfum âcre de sa sueur agressait les narines des animaux aux abois. L’homme n’était toujours qu’une menace, que le complice cynique de la mort. Le dégoût. Il n’était qu’un humain. Les fumées de son fourgon, les routes dont il profitait, les champs sulfatés pour les récoltes forcées dont il se nourrissait, les bétails engraissés pour des populations obèses, les mers vidées par les filets dérivants, les centrales nucléaires pour des électricités gaspillées, les forêts vierges rasées pour des meubles coûteux, les fleuves agonisants sous les rejets nitratés, les décharges sauvages et les dépotoirs engorgés. On immergeait dans les fosses marines des containers de déchets radioactifs comme on jetait par les fenêtres des voitures un paquet de cigarettes. Le geste était le même. C’est la mort qu’on propageait.

    Le dégoût.

    Il ne voyait pas d’issue et sentait combien ses réflexions le conduisaient à une impasse. Si les animaux vivaient dans la peur permanente, la planète elle-même ressentait-elle cette angoisse ? Représentions-nous désormais le mal absolu ? 

    Sa simple présence éveillait dans les arbres des frissons inquiets. Et les gens incrédules mettaient cela sur le compte du vent. Un pigeon passa devant lui. Son vol était puissant et rapide. Etait-ce une fuite, la recherche désespérée d’un dernier refuge ? On trouvait jusque dans les mers australes des traces de dérivés chimiques. Où pouvait-il aller ? Les feuilles des arbres, autour de lui, le regardaient avec des yeux terrifiés. Des hordes d’insectes affolés fuyaient devant ses pas aveugles. Les nuages empoisonnés pleuraient des larmes acides.

    Les hommes avaient propagé la mort. Ils étaient son plus fidèle allié. L’humanité comme l’étendard de la grande faucheuse.

    Le dégoût.

    La violence du dégoût.

    Il se leva et prit le chemin du retour. Un court instant, des désirs de suicide. Il en gardait sur les lèvres un goût sucré, presque bon. L’anéantissement salvateur de la culpabilité. Et l’impression d’un geste enfin à soi.

    Il ne devait pas rester seul. Il en mourrait. C’était certain.

    Tête baissée, il parcourut les bois, la mort aux trousses. Et c’est ce sentiment effroyable de la fin à venir que les hommes étouffaient sous des agitations frénétiques. Ne pas savoir, ne pas écouter ni sentir. Rien. Vivre dans l’aveuglement, juste pour se supporter. Nous étions la mort et nous le savions. Mais nous maintenions avec obstination l’interdiction de le dire.

    Il finit par courir espérant que la violence de l’effort empêcherait toute intrusion raisonnée.

    Arrêter de penser et ne penser qu’à cela.

    C’était donc cela le rôle du sport. Juste le complice d’une dictature complexe. L’opium du peuple, un de plus.

    Ne pas penser. Courir. Etouffer le dégoût sous des épuisements musculaires.

    « Arrête de penser ! » cria-t-il dans le silence craintif des bois. Des sanglots échappés bloquaient ses souffles dans la gorge serrée.

    « Arrête de penser, gémit-il, arrête, c’est plus supportable. »

    A l’orée d’une clairière, il s’arrêta. Il ne se souvenait pas de cet espace dégagé. Il regarda autour de lui et ne reconnut rien. Au premier instant, il se dit qu’il était perdu mais l’absurdité de cette conclusion le frappa. Parmi les hommes il était perdu. C’est ici qu’il était quelque part. Mais il n’y trouvait pas les repères inculqués. Et se sentait totalement égaré.

    Avant de s’effondrer, il fonça, droit devant.

    Ce n’est pas le temps qui s’égrena mais la répétition mécanique de ses foulées, la force de ses respirations, l’usure de ses muscles, le choc dans son crâne des pas retombés, les crachats de salive qui suintaient aux coins des lèvres. Et les larmes salées qui coulaient de son corps comme un pus honteux.

    Honteux.

    C’est ainsi qu’il déboucha sur une route. Il reconnut l’accès au lac. Il était descendu trop bas. Il remonta le ruban goudronné et songea à ces milliards de kilomètres balafrant la planète, cicatrices sans cesse entretenues, élargies, renforcées, reliées entre elles par des réseaux de plus en plus étendus. Il crut devenir fou et comprit qu’il découvrait la vraie raison. Les fous, de leurs côtés, traçaient de nouvelles routes pour rejoindre plus rapidement leurs semblables.

    Le parking, le fourgon. Il courut encore, s’engouffra, ferma la porte et sauta fébrilement sur la boîte de cannabis. Anesthésier les flots de pensées sous des brouillards parfumés, étouffer fébrilement des consciences insupportables.

     

     

  • Croissance intérieure, décroissance extérieure.

    L'expression est volontaire et s'oppose bien évidemment à la croissance extérieure liée à l'accumulation des biens matériels.

    L'enseignement se concentre sur la croissance des connaissances mais pas sur le développement du connaissant. L'objectif inavoué est de conditionner les individus à une agitation extérieure qui consiste déjà à accumuler. Les connaissances permettront d'obtenir un niveau social favorable à la continuité de cette accumulation. L'individu s'est construit sur ce schéma.

    "Toujours plus" disait François de Closet, il y a longtemps déjà.

    Rien, dans ce fonctionnement, ne contribue à la croissance intérieure. Il n'y a aucune connaissance de Soi mais l'hégémonie sans cesse renforcée de l'ego dans le conflit permanent des compétitions sociales. "Toujours plus" et surtout plus que l'autre.

    Mes élèves qui comparent leurs résultats et veulent avoir plus que l'autre.

    Le salarié qui veut avoir une augmentation.

    Le PDG qui veut développer son entreprise.

    Le candidat aux présidentielles qui veut avoir plus de voix que ses opposants.

    "Toujours plus".

    Jusqu'à être beaucoup moins. Intérieurement. Puisqu'il n'y a plus aucun regard, aucune observation, aucun recul, aucune réflexion. Juste ce tourbillon incessant.

    Seule importe la "considération extérieure", le regard que les autres poseront sur cette réussite sociale qui consiste à accumuler.

    J'ai connu, quand j'étais petit, un vieux monsieur, François, un ancien "Poilu". Il vivait tout seul dans les bois. Il avait une connaissance extraordinaire de la forêt. Il vivait de la pêche, de son jardin. Une petite pension de blessé de guerre...Je l'aimais infiniment. Je n'ai jamais oublié ni son visage, ni sa voix. Il m'a beaucoup appris. Non pas uniquement des connaissances liées à la nature mais également une connaissance intérieure...

    "Ecoute la forêt, Thierry."

    Je ne comprenais pas. Mais j'écoutais. On marchait en silence. Il vivait dans une toute petite maison en pierres. Une simplicité d'ermite. Il n'en était pas malheureux. Toujours le même pantalon, un pull de marin, un bonnet. Je l'aidais à faire son bois de chauffage.

    Oh, comme je l'ai aimé. Il est mort, une nuit, dans son lit. J'avais onze ans.

    Il en savait bien plus que tous les savants.

  • Jarwal le lutin (tome 4)

                              LE CONSEIL

     

     

    « Il s’appelle Tian. »

    Les trois enfants étaient assis sur le lit de Marine. Elle racontait sa journée.

    « Il est arrivé ce matin. Il est d’origine asiatique, de Chine exactement. Il est né en France mais ses parents vivaient en Chine quand il y a eu un début de révolution. Ils ont été obligés de s’enfuir parce que son père avait participé à une manifestation sur la place Tian’An men. Ils ont eu beaucoup de mal à quitter le pays et ils ont tout perdu. Ils sont arrivés en France parce que son père avait un cousin qui vivait à Paris. Mais ses parents n’ont pas voulu rester dans une grande ville. Ils avaient ouvert un restaurant chinois mais ils ne supportaient pas la vie là-bas. Et Tian non plus ne s’y faisait pas.

    -Comment ils ont fait pour ouvrir un restaurant s’ils avaient tout perdu en s’enfuyant ? demanda Léo.

    -Tian m’a dit que la communauté chinoise est très solidaire et plusieurs personnes leur ont prêté l’argent nécessaire. Maintenant qu’ils ont tout remboursé et qu’ils avaient de quoi partir ailleurs, ils ont décidé de venir par ici.

    -Pourquoi dans les Alpes ?

    -Son père dit que c’est important de pouvoir marcher en montagne. Le grand-père de Tian emmenait souvent son fils en montagne. C’est pour ça aussi qu’il ne supporte pas les grandes villes. Il dit que les gens y sont hallucinés.

    -Hallucinés ?

    -Oui, Rémi, il dit que les gens y vivent tous dans une agitation permanente, comme s’ils devaient tous courir dans le même sens.

    -Comment ça se fait qu’il t’a déjà raconté tout ça ? demanda Léo.

    -Le prof principal a demandé que quelqu’un s’occupe de Tian pendant les premiers jours et j’ai levé la main.  Il est assis à côté de moi à chaque cours et je l’ai accompagné à la cantine aussi. Alors, on a beaucoup discuté.

    -Et pas les autres élèves ?

    -Ben, pas trop, non. En fait, quand ils ont vu que je m’occupais de lui, ils ne se sont pas trop intéressés. Ils préfèrent rester entre eux. Ma copine Lou est venue avec nous aussi.

    -Tu lui as parlé de Jarwal ?

    -Non, Rémi. Mais je pense que ça va être possible. J’aurais du mal à vous raconter tout ce qu’on s’est dit mais je sens bien que Tian s’intéresse à des choses différentes. Il est un peu étrange.

    -Pourquoi ça étrange ?

    -Ben, sans doute comme nous trois, j’imagine. Pas du genre à parler du dernier jeu vidéo à la mode par exemple. Il aime beaucoup les livres et surtout la poésie. Il écrit des Haïkus.

    -C’est quoi ça ? demanda Léo.

    -Dans la vieille mare, une grenouille saute, le bruit de l’eau. En voilà un, par exemple. Mais ça s’écrit comme une poésie, avec des vers. Tian m’a dit que c’était d’origine japonaise et que le but était plus d’évoquer une situation que de la décrire.

    -Dis donc, Marine, il t’a fait un sacré effet ce Tian ? lança Rémi, goguenard.

    -Gnagnagna, j’en étais sûre que tu allais me sortir ça, toi.

    -Bon et dis donc, ta copine Lou, tu pourrais pas lui parler de Jarwal aussi. Tian et Lou, ça ferait déjà deux personnes.

    -C’est surtout qu’elle te plaît bien ma copine, hein, petit frère ?

    -Dites donc, tous les deux, intervint Léo, je vous signale que Jarwal a disparu depuis deux semaines alors au lieu de faire des plans sur la gommette, vous feriez mieux d’y réfléchir.

    -Des plans sur la comète, Léo, rectifia Marine. Pas sur la gommette.

    - Sur la cassette, la maisonnette, la voiturette, la pâquerette, ça ne change rien au problème.

    -Oui, Léo, tu as raison. Et crois-moi que j’y pense autant que toi.

    -Je commence à croire qu’on l’a déçu parce qu’on n’a pas trouvé d’autres enfants. Il est peut-être parti chercher ailleurs.

    -Tu me déprimes Rémi. C’est affreux. Si c’est ça, on ne le reverra jamais.

    -J’en sais rien Léo. Peut-être justement que si on invitait Tian et Lou, on le ferait revenir.

    -Vous imaginez un peu qu’on le fasse et que Jarwal ne revienne jamais ?

    -Là, c’est sûr frangin qu’on passerait vraiment pour des guignols.

    -De toute façon, les garçons, c’est déjà le cas.

    -C’est pas faux Marine, acquiesça Rémi.

    - Je ne crois pas les garçons que Jarwal soit parti parce que nous n’avons pas trouvé d’autres enfants. Il nous a dit qu’il savait que ça serait difficile et qu’il nous faudrait du temps. Il n’est pas du genre à se montrer impatient.

    -Alors pourquoi a-t-il disparu ?

    -Je n’en sais rien Léo. Il s’est sans doute passé quelque chose d’imprévu et qui s’est révélé extrêmement important pour lui.

    -Tu crois que ça peut avoir un rapport avec Jackmor ? interrogea Rémi.

    -Encore faudrait-il qu’il soit toujours vivant ?

    -Tu sais Léo, je pense qu’il ne faut pas voir Jackmor avec une durée de vie limitée. Il sera toujours présent parce qu’il se sert des hommes mauvais pour prendre forme. Alors, ça n’est pas le choix qui manque.

    -Oui, Marine, c’est vrai, tu as raison. J’ai du mal à imaginer que ça soit possible en fait. Pour moi, dans les deux histoires que Jarwal nous a racontées, Jackmor est mort à la fin alors qu’en réalité, il a juste disparu le temps de retrouver une autre enveloppe corporelle.

    -Oui, c’est cela petit frère. Juste une question d’énergie spirituelle en fait. D’ailleurs, je me demandais si c’est pareil pour nous.

    -Quoi donc ? demanda Rémi.

    -Je me demandais si nous n’existions pas comme énergie spirituelle avant d’être des humains dans un corps.

    -C’est le voyage de l’eau qu’a vécu Jarwal qui te fait dire ça ?

    -Oui, Léo, toutes ces âmes en attente, qui observent le monde pour décider quelle va être l’incorporation la plus favorable à leur développement. C’est comme ça que j’ai compris l’histoire en tout cas.

    -Moi aussi, Marine mais j’étais incapable d’en faire un résumé comme toi. C’est tout mélangé dans ma tête.

    -Faut dire qu’il y a de quoi s’y perdre, intervint Léo.

    -Ben, en fait, Léo, ça dépend. Et si c’était maintenant qu’on était perdu ?

    -Comment ça ?

    -Et si les choses qu’on ne comprend pas, c’est parce qu’il y a celles qu’on nous a enseignées qui prennent trop de place. Enfin, tu vois le genre ?

    -Tu veux dire qu’on ne comprend pas parce que tout ce qu’on sait déjà nous empêche de comprendre ? Pas très logique tout ça Marine. Regarde les maths par exemple ! Comment est-ce qu’on pourrait comprendre les nombres décimaux sans avoir appris à compter d’abord. C’est comme un escalier, tu ne peux pas arriver en haut sans passer par toutes les marches.

    -Oui Rémi, je suis entièrement d’accord. Mais le problème, c’est qu’une fois que tu es engagé dans l’escalier, tu ne progresses qu’en fonction de l’objectif de la marche suivante. C’est un peu comme si on n'était plus libre en fait. Bien entendu que tu progresses mais c’est dans une voie toute tracée. Et pendant ce temps-là, tu ne vois pas qu’il y a d’autres escaliers.

    -Mais peut-être que de progresser, ça permet de créer des passerelles entre les escaliers. Je veux dire par exemple, les maths, c’est grâce à elles aussi que les explorateurs de la planète sont partis sur les océans. Ou que les architectes ont su construire des temples.

    -C’est pas faux Rémi. Toutes les connaissances peuvent se recouper, elles se nourrissent entre elles. Mais alors, pourquoi est-ce qu’on a du mal parfois à accepter ce que Jarwal nous raconte ?

    -Peut-être Marine que c’est parce qu’on monte que sur des escaliers où on nous a appris à marcher. Mais qu’il y en a d’autres qu’on ignore totalement. Comme si ces autres escaliers étaient construits dans une autre maison.

    -Et bien, si c’est ça, je n’appelle pas ça une maison mais une prison, s’exclama Léo. Et je suis bien content que Jarwal nous fasse passer la tête par la fenêtre.

    -Et je la vois bien ta bille de clown qui regarde par la fenêtre ! lança Rémi.

    -En tout cas, si la connaissance se construit dans une prison, il faut accepter l’idée de passer la tête entre les barreaux et de s’interroger au lieu de continuer à monter les marches comme des condamnés résignés.

    -Yep, grande sœur, personne ne me passera la corde au cou !

    -Alors, donc, pour en revenir au sujet du départ, il est donc possible que les âmes existent avant d’être enfermées dans un corps.

    -Pas enfermées Léo, étant donné qu’elles retourneront dans l’espace pour attendre une prochaine vie. C’est juste un passage provisoire.

    -Alors donc, mon âme a déjà vécu, c’est ça ? Et elle m’a choisi pour continuer à progresser ?

    -Toi, Rémi, moi, les parents, tout le monde en fait.

    -Mais comment peut-elle choisir un individu qui n’existe pas encore ? Comment peut-elle savoir ce qui va se passer dans la vie d’une personne qui n’existe pas ? C’est dingue ce truc !

    -Oui Rémi, c’est dingue comme tu dis. Ou alors, c’est juste un autre escalier dans une autre maison.

    -Moi, je sais comment savoir tout ça, annonça Léo.

    -Ah, ouais, et comment petit frère ? demanda Rémi, intrigué.

    -Faut retrouver Jarwal. »

     

    L’évocation de cette disparition inexpliquée mit un terme à l’échange, comme si des volets venaient de se fermer sur la fenêtre.

    Une obscurité intérieure. Un doute assassin. Des pensées secrètes. Et puis cette impossibilité de maintenir le silence, comme une pression trop forte qu’il fallait libérer.

    « Vous croyez que Jarwal aurait pu nous mentir ? Qu’il se serait juste amusé avec nous ?

    -Ah, toi aussi, tu as pensé à ça petit frère, avoua Rémi.

    -Moi aussi les garçons. C’est tellement étrange cette disparition. Je me suis dit qu’il voyageait comme ça, pour occuper son temps et s’amuser aux dépens d’enfants crédules. Mais je n’arrive pas à y croire réellement.

    -Moi non plus, renchérit Rémi. Je pense qu’il lui est arrivé quelque chose.

    -Oui, sans doute, mais je suis fatiguée d’y penser tout le temps. Parfois, en classe, je m’aperçois que je n’écoute plus le prof et que je suis suspendue à un message que j’entendrai à l’intérieur. Comme quand il nous a parlé le jour où on a retrouvé sa timbale.

    -Bon, en tout cas, je suis content d’en parler avec vous, annonça Léo parce que j’avais un peu honte de douter de l’honnêteté de Jarwal. Et puis ça m’embêtait aussi d’imaginer qu’il pouvait s’en apercevoir et en même temps, je ne pouvais pas m’empêcher d’y penser. C’est affreux d’ailleurs de voir qu’on ne maîtrise même pas ce qui nous vient dans la tête.

    - Les enfants, il est temps d’aller vous coucher, il y a école demain et c’est tard déjà. »

    La voix montait du bas de l’escalier.

    -Oui, p’pa, on y va.

    -Allez, les garçons, il ne faut pas se décourager. Il va revenir, » murmura Marine.

     

    Les garçons ne s’y trompaient pas. La voix de leur sœur n’avait pas de consistance, comme si le doute la fissurait.

    Ils rejoignirent leur chambre et se coulèrent sous la couette.

    Les yeux ouverts, fixant le plafond, les trois enfants appelèrent Jarwal jusqu’à ce que le sommeil les emporte.

  • Ecriture et caméra intérieure

    Dans la création cinématographique, le réalisateur fait appel au jeu de l'acteur. L'acteur vit son rôle et le réalisateur saisit ce que l'acteur vit.

    Dans la création littéraire, l'écrivain tient les deux rôles. Il est l'acteur, il vit intérieurement les émotions, les sentiments, il souffre, aime, se réjouit, se lamente, se découvre, se perd et il doit simultanément tenir la caméra pour saisir chaque évènement de l'intérieur.

    Il ne s'agit donc pas de se contenter de décrire ou d'analyser. On serait sinon dans une démarche scientifique, cognitive, matérialiste, évènementielle. Un chirurgien qui opère ne doit pas éprouver la moindre émotion pour son patient, c'est une question de survie pour l'opéré.

    L'auteur doit donc plonger à l'intérieur, au plus profond de l'humain. Comme une caméra qui irait fouiller les tréfonds de l'âme.

    Mais dans ce travail, l'auteur n'est plus l'acteur, il est le réalisateur qui saisit ce que l'acteur éprouve.

    Mais s'il n'est plus acteur, l'auteur devient émotionnellement inerte. Comme un chirurgien.

    C'est donc un dédoublement existentiel qui s'impose. 

     

    J'ai mis dix ans à comprendre qu'on ne décrit pas une scène. On la vit.

    J'ai encore mis dix ans à réaliser que je devais tenir la caméra sans influencer cette vie, sans la pervertir par des interprétations conditionnées, sans me glorifier d'être un chirurgien alors que justement je devais me libérer de ce rôle.

    Il me faudra bien encore dix ans pour parvenir à restituer clairement la musique qui résonne maintenant en moi.

     

  • Crise de l'enseignement

    Crise du recrutement : comment attirer les futurs profs ?


    « Posons-nous la question, combien de nos enfants veulent-ils aujourd’hui devenir professeur ? » se demandait Nicolas Sarkozy lors de son discours sur l’éducation le 28 février à Montpellier. Conséquence directe de la politique menée durant le quinquennat (paupérisation des profs, dégradation des conditions de travail, réforme de la formation, dénigrement du métier et de ses acteurs par les ministres successifs…), mais pas seulement puisque la tendance est la même ailleurs, recruter des profs est devenu difficile et la pénurie est conséquente. Il y a cette année aux concours 43% de candidats en moins par rapport à 2011, et il y aura deux fois moins de candidats admissibles que de postes offerts. Problème de quantité donc, et mécaniquement de qualité, qui interroge l’avenir proche.

    Les candidats à la Présidentielle devraient se plonger dans le rapport que vient de publier l’OCDE et qui donne plusieurs pistes pour tenter d’enrayer la baisse des vocations. Ils y trouveraient plus que des idées sur le recrutement : une ligne politique ambitieuse mettant l’enseignant au cœur du système et redonnant au métier toute son attractivité.

    Le rapport de l’OCDE préconise de modifier les modalités de recrutement, améliorer le statut du métier sur le marché du travail, élever les salaires  , revoir la formation, de repenser l’environnement de travail, le rôle d’un professeur qui doit avoir plus de responsabilités et être plus investi dans la vie de l’école, avoir de réelles perspectives de carrière et dont le bien-être personnel doit être pris en compte… Mazette !

    Le recrutement

    Les études menées dans 65 pays (parmi lesquels la France est le seul à ne pas avoir fourni de données…) sont très claires sur le fait qu’il existe une corrélation directe entre la réussite des élèves aux évaluations internationales (PISA) et le niveau d’excellence de l’enseignement. Il ne suffit donc pas d’attirer les jeunes vers l’enseignement, il faut attirer les meilleurs qui, à niveau égal de qualification, vont voir ailleurs. Pour cela, il faut proposer aux jeunes diplômés de haut niveau ce qu’ils cherchent : le meilleur équilibre statut valorisant / environnement professionnel / sentiment de participer personnellement à un projet / revenus financiers.

    Le rapport plaide également pour la mise en place de nouveaux critères de sélection : donner plus de place lors du recrutement à l’enthousiasme du candidat, son aptitude à percevoir les besoins des élèves et à apporter une réponse adaptée, son investissement et son engagement personnel, des critères qui jouent autant sur la qualité de l’enseignement que les compétences strictement disciplinaires.

    Il faut également faciliter l’accès aux concours à des personnes ayant eu des expériences professionnelles extérieures à l’éducation : la richesse de leur profil ne peut que bénéficier à l’enseignement.

    En France, les critères de formation restent disciplinaires, la personnalité du candidat n’est pas prise en compte. La réforme de la formation (masterisation) a eu tendance à figer les filières et à formater le profil des candidats, dont la variété et le niveau vont s’appauvrissant.

     

    La formation

    Le rapport insiste sur la nécessité d’une formation initiale de grande qualité.

    Les enseignants doivent savoir précisément ce qui leur sera demandé dans leur métier, du point de vue des connaissances disciplinaires comme de la manière de les enseigner. L’accent théorique doit être mis sur les derniers développements de la recherche en matière de techniques d’enseignement ; l’enseignant est invité à développer lui-même ses idées et à innover, sous la tutelle d’un enseignant formateur. Une place importante doit être faite à la pratique dans les classes, le contact et les échanges avec les professeurs en fonction, à travers de nombreuses expériences de terrain.

    Le rapport insiste aussi sur l’importance d’une formation continue de haut niveau. Il ressort de l’étude que les enseignants souhaitent développer leurs compétences tout au long de leur carrière, et 55% des enseignants interrogés auraient aimé plus de formation sur les 18 derniers mois. La formation continue doit entre autre mettre l’accent sur la mutualisation des pratiques.

    En France, la formation initiale a été singulièrement allégée avec la masterisation et la partie pratique a été réduite à la portion congrue au fil des années. Quant à la formation continue, elle est faible en heures (à titre d’exemple, Singapour offre 100 heures de formation continue par an à chaque enseignant) et trop souvent peu adaptée à la réalité du métier et aux besoins des profs.

     

    Les premières années

    Une fois les profs efficacement recrutés et correctement formés, encore faut-il parvenir à les garder ! Dans cette optique, les premières années sont décisives, un enseignant quitte plus souvent le métier dans les 5 premières années d’exercice que par la suite.

    Il faut donc ménager les enseignants débutant afin de leur garantir une entrée progressive dans le métier. Or ce sont généralement eux qu’on retrouve sur les postes et dans les établissements les plus difficiles. Une solution consiste à mener une politique d’incitation envers les plus expérimentés afin de les attirer sur ces postes sensibles dans des fonctions d’encadrement des enseignants débutant.

    Durant ces premières années, il est important que l’enseignant puisse compléter sa formation initiale par des formations ciblées en fonction de ses besoins. Un pays comme la Chine propose à ses jeunes enseignants 240 heures de formation dans les 5 premières années.

    En France, quasiment rien n’est fait sur ce sujet. Certaines académies « protègent » les profs la première année en leur affectant un poste censément moins difficile, notamment dans le primaire. Mais pour l’écrasante majorité des profs, les 5 premières années seront les plus dures de leur carrière, celles où ils connaîtront les conditions d’exercice les plus extrêmes, alors même qu’ils ne sont pas encore armés pour y faire face.

     

    Les conditions de travail

    Le rapport estime que pour améliorer les conditions de travail à l’école, il faut repenser un certain nombre de choses dans l’organisation et dans la manière de travailler.

    Le premier levier est la qualité des relations avec les élèves, entre collègues et avec la hiérarchie. Il faut donc instaurer un dialogue social fécond dans les établissements, et modifier les rapports verticaux en donnant davantage d’autonomie et de responsabilités aux enseignants, qui veulent avoir le sentiment d’être soutenus et accompagnés par la hiérarchie.

    Le travail en équipe, le partage des savoir-faire et des ressources, la mutualisation des savoirs doit être au cœur d’une pratique éducative riche et vivante.

    En France, les enseignants sont trop souvent infantilisés, on ne leur donne que peu de responsabilités effectives, le travail en équipe est encore globalement déficient et dépend trop du chef d’établissement, et il n’est pas rare de voir des conflits très forts entre direction et équipe enseignante. La réforme des lycées, mal expliquée et mal accompagnée, a accentué le climat de tension. Quant aux conditions matérielles, elles sont tout simplement déplorables : il n’est pas rare de compter 5 ordinateurs pour 60 profs et une seule imprimante.

     

    Le lien famille / école

    D’après le rapport, resserrer le lien entre l’école et les familles peut, au-delà des bénéfices directs pour la vie de la communauté éducative, sensiblement améliorer l’image du métier. En effet, les personnes qui ont un contact plus régulier avec l’école sont généralement plus positives avec elle, car elles la perçoivent mieux. Il faut donc développer des relations suivies et personnalisées avec les familles, expliciter davantage le lien entre les apprentissages et la vie après l’école, concevoir des programmes d’accompagnement des familles dans l’environnement éducatif, multiplier les rencontres et les opérations de sensibilisation, etc.

    En France, le lien avec les familles est globalement insuffisant, celles-ci manquent souvent d’informations, au moment de l’orientation des élèves par exemple ; quand des choses intéressantes sont mises en place, les initiatives sont presque toujours locales, il n’y aucune dynamique au niveau national.

     

    Le salaire

    Les évaluations internationales de PISA ont mis en évidence le fait que le niveau de rémunération des enseignants est directement corrélé aux performances des élèves. Un salaire élevé attirera plus de jeunes diplômés de haut niveau qui auront tendance à s’investir davantage dans leur métier.

    Or, si depuis 2000 le salaire des enseignants à globalement augmenté dans les pays de l’OCDE, le salaire au bout de 15 ans de métier ne représente que 80 % de la rémunération d’un individu âgé de 25 à 64 ans, diplômé de l’enseignement supérieur et employé à temps complet.

    Il faut donc une politique volontariste du point de vue financier, quitte à mettre l’accent sur les filières souffrant d’une grave pénurie de profs, mathématiques et sciences. Offrir plus aux futurs profs de maths ou de sciences, c’est ce qu’a fait (dans un système dérégulé certes) l’Angleterre ces deux dernières années, allouant  une prime de 20 000 livres aux meilleurs candidats.

    La France est un  des rares pays de l’OCDE où le salaire des enseignants a baissé sur cette période. Leur pouvoir d’achat a baissé de 10% en 10 ans. Malgré l’annonce d’une revalorisation pour les profs débutant en novembre, la réalité est simple à percevoir : 80% des profs n’ont pas été augmenté depuis 5 ans, alors même que le salaire moyen d’un prof français est inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE.

     

    Le bien-être des enseignants

    Voilà une notion bien révolutionnaire ! Mais ne nous y trompons pas, l’OCDE n’est pas une ONG philanthrope : son objet est de dégager les conditions optimales de production. Appliqué à l’enseignement, ce précepte fait émerger la nécessité de veiller à ce que tout enseignant se sente bien dans son métier, donc bien dans sa tête et dans sa vie.

    Afin de préserver cet équilibre travail / vie personnelle, il faut entre autres développer les possibilités de congé sans solde, la prise de recul à travers des périodes sabbatiques, ou encore veiller à ce que les enseignants puissent étendre leurs compétences tout au long de leur carrière, et  pas seulement d’un point de vue strictement éducatif, puisque le rapport préconise de faire des échanges ponctuels avec l’industrie et le commerce.

    En France : le bien-être des enseignants n’est pas une notion connue.

     

    L’enseignant au cœur du système

    Pour un enseignant français, la lecture de ce rapport est une expérience… troublante ! C’est qu’on n’est pas habitué à ce qu’on se préoccupe de nous ! On a plutôt l’habitude d’être pointés du doigt, par les responsables politiques en premier lieu, par la doxa aussi qui a vite fait de juger que les profs sont des fainéants privilégiés…

    Alors forcément, quand un rapport international émanant d’un organisme peu soupçonnable de gauchisme place l’enseignant au cœur du système éducatif et du projet scolaire, le désigne comme la solution quand on entend si souvent qu’il est le problème, on se dit qu’il existe une voie, un chemin encore vierge dans notre pays, qui vaut d’autant d’être essayé que les autres ont jusqu’ici mené à des culs-de-sac.

    Mais attention, cette révolution ne pourra se faire sans les enseignants eux-mêmes, appelés à se remettre en question et à interroger leur pratique, et dont le métier et les missions sont immanquablement destinées à évoluer.

     

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  • Le calme

    "Un Maître Zen est invité à la télévision. L'émission est en direct. Sur le plateau, dans les coulisses, à la régie, c'est l'effervescence. L'animateur plaque fiévreusement sur son crâne une mèche rebelle, parle dans son micro, écoute son oreillette, range ses fiches et toutes les annotations faites par ses conseillers pour mener la discussion...

    Enfin, tandis que les dernières secondes s'égrènent avant que l'émission ne commence, le présentateur s'assoit face au maître et lui souffle :"

    Pas trop nerveux, avec toute cette excitation autour de vous ?

    -Non, dit paisiblement le Maître Zen. En dehors de cette agitation, tout est calme. "

     


     

  • Besoins matériels. (spiritualité)

    Cette impression de "voir" une balance à plateaux. D'un côté les biens matériels et de l'autre les "nourritures spirituelles".

    Cette crise économique a un intérêt. C'est de créer une impossibilité financière de courir après l'accumulation de biens matériels. Elle est par contre dramatique lorsqu'elle touche les biens vitaux.

    Elle peut générer une rupture dans le paradigme éducatif. N'étant plus "guidé" par les besoins d'un être dérivé, nous éliminons les produits et services dont nous n'avons pas réellement besoin.

    Phénomène surprenant, la "masse" de biens matériels pesant dans la balance s'allégeant continuellement, cette "énergie" qui n'est plus dépensée de façon frénétique se trouve disponible et se transfère "naturellement" dans le plateau des biens spirituels. Comme si la "qûete" devait se faire, comme si la Vie portait en elle-même une direction établie, un besoin irrépressible d'activer le potentiel intérieur.

    Les sociétés matérialistes ont bâti leur expansion sur ce besoin vital d'explorer les potentiels. Les progrès technologiques sont les effets de cette énergie dépensée. J'ai lu il y a quelques jours qu'une petite fille avait été sauvée par des chirurgiens après avoir été opérée in vitro. Fabuleux progrès qui sauve une vie. Jamais, je ne critiquerai ce progrès, il est réel et nécessaire.

    Quand je vois par contre, les files d'attente devant les magasins apple pour la sortie de l'ipad4, j'ai envie dy mettre le feu et de hurler sur ces gens.

    Mais il y a aussi cette multitude de blogs, forums, livres, conférences sur l'exploration spirituelle. Un mouvement qu'il est impossible d'ignorer et de balayer d'un revers de main méprisant. Une certitude que cette population a consommé cette rupture matérialiste et cherche désormais à combler le vide sur le plateau de la balance.

    Les désirs de biens matériels s'épuisent. Les nourritures spirituelles croissent. 

  • Conscience du monde. (spiritualité)

    Il est impossible d'avoir une vision globale du monde au regard des évènements qui s'y produisent. Tout ce fatras restera immanquablement initié par des visions intentionnelles. Paris Match ou Sciences et Vie...Le premier est dans le registre de l'absolument superficiel, épisodique, éphémère et sans aucune analyse de son propre commentaire. L'objectif est commercial et nullement existentiel. Le deuxième oeuvre à l'explication rationnelle des évènements associés à tous les "comment" qui nous interpellent.

    La philosophie avait pour tâche d'explorer les pourquoi...

    Mais il y a davantage de lecteurs de Paris Match que de Spinoza et la philosophie a fini par sombrer dans les zones obscures du monde intellectuel.

     

    L'Humanité a donc fini par écouter tout ce qui vient de l'extérieur jusqu'à en devenir sourde à son espace intérieur. Chaque individu s'identifie à la lecture évènementielle dans laquelle il se sent reconnu. Du "people" le plus insignifiant jusqu'aux plus éminents scientifiques. Des appartenances.

    On en vient même à étiqueter la démarche spirituelle parce qu'il faut bien que chacun s'y retrouve dans ce fatras. Il faut bien qu'on nous indique quelle est la "bonne" route. Il s'est produit le même phénomène avec la philosophie...Qu'en est-il ressorti ? Est-ce que de l'Histoire de la philosophie, il reste une donnée, une seule, à laquelle on puisse donner l'attribut de "Patrimoine de l'Humanité"? ...Aucune. Non pas parce qu'elles n'avaient aucune valeur (qui oserait dire que Socrate n'avait aucune valeur) mais parce que l'Humanité n'a considéré la Philosophie que comme un épiphénomène évènementiel lié à l'existence de leurs initiateurs. Il est certain que les conflits d'ego n'ont pas servi la Philosophie elle-même...Il n'a été pour beaucoup dans cette démarche qu'une intention de reconnaissance. Effrayant détournement.

     

    La spiritualité me semble emprunter la même voie. Ou plutôt les multiples voies générées par la multitude d'ego qui y cherchent la même reconnaissance.

    Je ne serais pas surpris dans quelques années, si je suis encore là, de constater que cette approche existentielle sera tombée dans l'oubli. Tout comme la philosophie. Pour les mêmes raisons. Les spiritualistes ne cherchent pas l'ouverture des consciences mais la reconnaissance des consciences identifiées envers leur travail...Effrayant détournement.