Ce sentiment océanique
- Par Thierry LEDRU
- Le 11/10/2025
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« Au-dessous du monde des perceptions sensorielles et de l'activité mentale, il y a l'immensité de l'être. Il y a une vaste étendue, une vaste immobilité, et une petite activité frémissante à la surface, qui n'est pas séparée, tout comme les vagues ne sont pas séparées de l'océan. »
Eckhart Tolle
Le Pouvoir du moment présent.
Ce sentiment océanique, je l'éprouve parfois, cet étrange et inhabituel saisissement du monde. Je suis dans la nature, toujours, uniquement. Sauf comme lorsque cela m'arrive en écrivant. Dans le roman "Vertiges", il y a trente pages que j'ai écrites dans cet état, que je n'ai jamais retouchées, et dont j'avais du mal à me souvenir les avoir écrites. Et je sais pourtant que j'étais dans un état de conscience suprême, libre de tout, totalement impliqué, sans aucune pression, sans aucune attente, désir, volonté, espoir. Rien. Tout était là. Je n'étais que le transcripteur, le graveur, le scribe. C'était la première fois que je vivais cet état de conscience modifiée en écrivant. Je sais qu'à chacun de mes romans j'ai connu ces états délicieux. Je peux en retrouver les traces, des lignes qui, à mes yeux, ne m'appartiennent pas totalement.
Le sentiment océanique, c'est la découverte du fait de ressentir son existence à travers le prisme de la vie et non uniquement par le filtre de l'altérité. La vie et moi, nous sommes une même et unique entité alors que mon existence fait de moi un individu isolé.Si la vie et moi sommes une entité unique, c'est que je ne suis plus là. Et c'est là toute l'étrangeté du phénomène. Un état de conscience modifiée qui permet d'explorer ce que je n'avais pas conscience d'être.
Comment parvenir à saisir un état dont je ne peux pas avoir conscience autrement qu'en quittant l'état de conscience de mon existence ?
Les sportifs parlent parfois de la "zone", un état qu'ils n'expliquent pas mais dont ils sortent transformés.
"« Ce n'est pas un état dans lequel on se met, c'est un état qu'on trouve. Et si vous prenez conscience que vous êtes en train d'accomplir quelque chose d'extraordinaire, vous vous déconcentrez, et vous sortez donc de “la zone.” »
Le chemin vers cet état de conscience, je l'appelle la " zone tampon" ou la "zone ultime"
LIEN : "La zone tampon"
LIEN : la zone ultime.
Bien évidemment, ces états de conscience modifiée peuvent prendre des tournures très variées, selon les circonstances. Le sport, la musique, la création artistique en général, la méditation lorsqu'elle atteint la dimension de l'extase, la sexualité.
KUNDALINI :
"
« Ce que j’ai connu avec toi, ça ne m’était jamais arrivé, avec aucune femme. »
À quelques mots près. Avec elle. Ce qu’il n’avait jamais ressenti.
Est-ce qu’il mentait ? Pour quelles raisons ? Pour la retenir ? Qu’elle se sente valorisée ?
Elle avait du mal à admettre qu’elle puisse avoir procuré un plaisir inconnu à Sat. Qu’avait-elle fait pour ça ? Oui, elle savait bien qu’elle avait laissé parler ses désirs, qu’elle était dans un état particulier. Était-ce suffisant ?
La musique s’imposa. Et les pensées se calmèrent.
Elle s’appuya profondément dans le fauteuil, elle posa les mains sur ses cuisses puis elle ferma les yeux.
Respirations ralenties. Accompagner l’air à l’intérieur, le regarder se dissoudre.
La boule d’énergie en elle. Là, au bas de son ventre. Ce rayonnement calorique qu’elle regardait s’étendre, cette présence aimante. Une pure illusion ou une réalité à saisir ?
Un piano, quatre notes qui se suivent, bien distinctement, sur un rythme lent, le silence en arrière-plan puis l’arrivée d’une haleine tiède, des violons comme une respiration, longue, douce et profonde, une caresse qui s’affirme, qui s’étend, les quatre notes de piano comme une phrase répétée… « Re-gar-de-moi…Re-gar-de-moi… » Quatre syllabes cristallines, nulle injonction mais une invitation, les bras ouverts… « Re-gar-de-moi…Re-gar-de-moi… »
La boule de lumière dans son ventre.
Elle la suit des yeux, elle s’abandonne à ses désirs, à l’exploration des territoires, le déchirement des voiles anciens.
Plusieurs violons, comme des voix qui se répondent, des prières offertes au ciel, une montée régulière, une ascension vaporeuse, l’observation de la Terre, elle vole dans les airs.
La boule de lumière qui s’intensifie et c’est comme un séisme qui remonte et les ondes qui s’étendent, elle sent les cellules qui s’ouvrent, elle a envie de pleurer mais les larmes ruissellent à l’intérieur et elles s’illuminent, ce sont des gouttes étincelantes qui crépitent dans la lumière.
Elle pleure à l’intérieur des yeux et les larmes alimentent le brasier de son ventre, c’est un bonheur immense, comme une femme dans des bras qui protègent, une âme heureuse qui l’enlace, elle se sent enveloppée, câlinée, elle sait qu’elle est aimée, elle le sait désormais, elle est là, elle le sait, la présence…
Les violons qui montent dans une vague infinie, sans jamais que la pesanteur ne la freine, une vague qui l’entraîne.
La présence dans son corps, elle le sait, elle est là, c’est la vie qui s’aime dans l’amour qu’elle déploie.
Les violons qui montent encore, le piano qui s’affirme, d’autres voix de cordes, plus fortes, plus graves et les violons qui s’unissent dans un crescendo inépuisable, marche après marche et à chaque fois qu’elle se croit au bord du vide le chemin se dévoile, toujours plus haut, toujours plus haut. C’est un tremplin vers le ciel.
Les violons comme une montée de sève.
Elle a glissé les mains entre ses cuisses et son cœur s’affole. Une pression immobile, juste le maintien de la chaleur qui palpite.
Les violons comme un bonheur suspendu, au-delà du connu, les quatre notes de piano toujours là, rien ne peut couvrir leurs voix, « Re-gar-de-moi…Re-gar-de-moi… » Elle ne quitte pas des yeux la boule d’énergie qui rayonne, elle sent au bout de ses doigts des vibrations infimes, comme des étincelles.
Et c’est comme un cri qui se tait encore mais n’en peut plus de son silence, il faut qu’il parle, il faut qu’il se libère, ça n’est plus possible, les violons et le piano, comme les caresses d’un homme en elle, elle baigne dans un océan immatériel, elle ne sait pas ce qui l’envahit, tout ça est impossible, ça ne peut pas exister, les violons l’emportent, le ciel est en elle, la bouche grande ouverte, elle absorbe des nuages et des arcs-en-ciel, il pleut dans son corps des torrents de lave, les pluies s’évaporent et tombent à l’envers, elle ne comprend plus rien, le tambour de son cœur emplit ses oreilles et se mêle aux violons.
Dans ses mains posées en conque sur son sexe, elle entend l’écho de la vie comme on entendrait la mer. La rumeur de l’Océan qui sourd de son corps remonte de si loin qu’elle ne la reconnaît pas.
La vie lui parle d’une autre femme, elle est là, elle attend.
Patiemment.
Depuis si longtemps.
Le cri en elle.
Comme un amour qu’on lui offre."
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