SOLARIS

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SOLARIS

Un film de Steven SODERBERGH (2002)

Avec Georges CLOONEY, Natasha McElhone

Je ne suis aucunement passionné par les films de science fiction. Mais le titre SOLARIS m'avait intrigué. 

J'avais vu, il y a longtemps, la version d'Andreï TARKOVSKI que j'admire profondément. Des films qui m'ont considérablement marqué. ANDREÏ ROUBLEV, LE SACRIFICE, NOSTALGHIA, LE MIROIR et l'immense STALKER.

STALKER d'Andreï Tarkovski


C'est donc avec une certaine appréhension que je me suis lancé dans la version de SODERBERGH.

Et j'aurais eu tort de ne pas dépasser mes craintes car ce film est, pour moi, absolument magique, magnifique, d'un esthétisme et d'une puissance émotionnelle indéniable.

C'est avant tout une histoire d'amour, une histoire de science fiction, au premier abord mais ce n'est pas ainsi que je le vois, bien que la majeure partie du film se déroule dans une station spatiale, aux abords de la planète SOLARIS.

Chris Kelvin (Georges CLOONEY) est un psychologue envoyé en urgences dans la station Prometheus, à la suite d'un message reçu par un des astronautes s'y trouvant, un message très énigmatique qui semble contenir une menace.

Dès son arrivée, il découvre des traces de sang dans les couloirs.

L'astronaute qui avait contacté Chris s'est suicidé et Chris cherche à comprendre ce qui se passe dans la station.

L'ambiance est lourde et on peut s'attendre à une suite horrifique. Il n'en est rien, absolument pas. Je n'aurais pas tenté de le visionner si je n'en avais été convaincu, à moins que Soderbergh ait totalement renié l'oeuvre de Tarkovski, ce que je ne pouvais imaginer au regard du profond respect que lui portent les grands réalisateurs. 

Chris rencontre Snow ( Jérémy DAVIES, informaticien, impressionnant dans son jeu) et Gordon (Viola DAVIS, médecin, tout aussi parfaite).

Aucun de ces deux personnages ne donnent d'explication au mystère qui rode dans la station.

La quasi totalité du film tournera autour de quatre personnages et un mystère semblant émaner de la planète SOLARIS.

Dès la première nuit, Chris rêve de sa femme, de leur rencontre, de leur approche, de l'émergence de leur amour et à son réveil, Rehya (Natasha McElhone, absolument magnifique, superbement filmée) est à ses côtés. Sauf que Rehya, sur Terre, est morte.

Et à partir de là, le film bascule dans le paranormal et nous entraîne dans une réflexion profonde, troublante, puissante sur le poids du passé, de la culpabilité, de la puissance du sentiment amoureux, de l'impact des souvenirs sur le présent, de la frontière entre la folie et la raison.

La musique du compositeur Cliff MARTINEZ est d'une qualité sans égale. Elle m'a fait penser à un compositeur, LOSCIL, que j'aime infiniment. Une musique aucunement angoissante, ni stressante mais qui développe une aura de mystère tout en étant parfois contemplative, méditative, particulièrement lorsqu'on voit la planète SOLARIS par un hublot.

SOLARIS aurait donc la capacité à matérialiser les souvenirs les plus intenses et cela expliquerait l'apparition parfaitement « naturelle » de Rehya.

Gordon, le médecin, prévient, à maintes reprises Chris que Rehya n'est pas humaine mais celui-ci ne peut pas l'admettre et, après un déni complet à sa première rencontre avec la "réincarnation" de sa femme, s'enfonce dans le bonheur de ces retrouvailles miraculeuses.

Il n'est pas question de dévoiler la suite.

Le film oscille entre flash-back et situations présentes dans la station. On découvre peu à peu toute l'histoire de ce couple, tragiquement détruit.

La mise en scène, le jeu des acteurs et actrices, la beauté visuelle, la lumière, les prises de vue, tout est à mon sens parfait, énigmatique et beau, étrange et émouvant.

On pourrait dire qu'il ne se passe rien, que le scénario est creux, vide, sans aucune surprise. Il n'y a pas pléthore d'effets spéciaux, pas de monstre, pas de combat, pas de cascades, pas de rebondissements inattendus et pourtant, pourtant, il m'était impossible de décrocher .

Comme si SOLARIS, la planète, m'avait moi aussi phagocyté...

Le mystère de cette réincarnation, Rehya, tout aussi vraie que nature, mais malgré tout en proie à une totale incompréhension de ce qu'elle est réellement, est un fil conducteur qui ne peut être rompu. (Natasha McELHONNE m'a fortement impressionné, elle est belle, fragile, émouvante, rayonnante, désemparée). Tout autant que la perdition progressive de Chris (excellent Georges CLOONEY) qui vit dans cet amour retrouvé une deuxième chance qu'il refuse de rompre. Des premiers jours où il rejette, rationnellement, cette incarnation incompréhensible à sa totale adhésion, on suit son cheminement intérieur, la progression des sentiments qui finissent par l'emporter sur la raison.

Se pose dès lors le fond de l'histoire.

Et là, il ne s'agit que de mon interprétation.

La présence du passé en nous, des traumatismes, des regrets, des remords, de la culpabilité, de la honte, de la colère, de l'incompréhension, de tout ce qui peut rester ancré et nous tourmenter, est-ce donc possible que ça soit si puissant, si intense que le présent s'en trouve modelé, transformé, sculpté, jusqu'à nous égarer, jusqu'à nous priver de notre bon sens, de notre instinct vital à nous protéger de la folie ? Car si nous ne sommes plus là, inscrits dans le temps présent, c'est que nous ne sommes plus nulle part et que nous avons sombré dans un espace temps qui relève peut-être de la folie.

Il pourrait en être ainsi du futur mais le futur n'est pas émotionnel puisqu'il n'a pas été vécu. Il est toujours possible d'imaginer des émotions mais elles n'auront évidemment pas l'impact que peuvent avoir les émotions vécues dans le passé.

Le passé, on le sait tous, existe en nous au regard des émotions que nous y avons connues. Sans ces émotions, le passé disparaît. Mais dans le cas de l'amour, de l'amour flamboyant, l'amour ultime, l'amour sublime, il est impossible que les émotions s'effacent. Ou alors, il ne s'agissait pas d'amour mais de la croyance de l'amour.

Par conséquent, Chris, en retrouvant sa femme décédée, malgré l'impossible compréhension du phénomène, retrouve la puissance de l'amour, l'énergie vitale, le fondement même de l'existence de tout. Et sa raison vacille, emportée par le flot surpuissant des émotions réanimées.

Quelle est donc cette planète capable de tels phénomènes ? Doit-on la chercher quelque part dans l'Univers ? Ou est-elle plus simplement en nous, dans les méandres de notre cortex ?

L'amour est-il donc une forme de déraison, une déraison délicieuse qui serait pourtant à la source même de la vie ? La vie, ici représentée par SOLARIS, cette planète capable d'offrir une deuxième chance à l'amour, recréant à travers les émotions les plus intenses le sens même de l'existence, nous démontre-t-elle que la raison est une limite qu'il faut repousser ?

Peut-être.

Mais un des quatre personnages va également nous montrer que cette déraison délicieuse peut conduire à des extrêmes qui ne sont pas recevables. Le fil du rasoir est tranchant...

Et puis vient la fin de l'histoire.

Et les dernières paroles prononcées.

« Tout nous a été pardonné. »

A chaun et chacune d'en comprendre le sens et de réaliser à quel point ce pardon qu'on s'accorde est une véritable guérison. 

Un film dont je garde une multitude d'images, une floraison d'émotions, une infinité de réflexions que je ne peux toutes révéler au risque de spoiler.

Ce qui serait déraisonnable.

 

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