"Ce sont des criminels"

Oui, on peut le dire. Et avec préméditation de surcroit. Car qui oserait dire que la situation actuelle n'était pas prévisible ? La seule différence avec un criminel de droit commun, et elle est de taille, c'est que sur le plan judiciaire, les gouvernants ne risquent rien. Aux prochaines élections, ceux en place passeront le témoin et sortiront des radars. Ils ne quitteront pas la scène politique pour autant mais ils pourront toujours arguer qu'ils n'y sont pour rien. Ça fait des décennies que ça dure. Qui a déjà été condamné pour ces crimes ? Personne puisque la "Justice" ne les reconnaît pas. C'est très bien ficelé et ça fonctionnera encore longtemps. 

 

"Ce sont des criminels" : dans le cortège des manifestants pour l'hôpital public, les soignants mettent en cause les gouvernants

 

Les soignants étaient appelés à manifester samedi pour alerter sur les difficultés de l'hôpital public. Dans le cortège parisien, les professionnels racontent un quotidien fait de manque de moyens, aux conséquences désastreuses.

Article rédigé par

franceinfo - Anne-Laure Dagnet

Radio France

Publié le 04/12/2021 18:30Mis à jour il y a 16 minutes

 Temps de lecture : 3 min.

Des soignants lors de la manifestation pour l'hôpital public, le samedi 4 décembre 2021 à Paris. (ANNE-LAURE DAGNET / RADIO FRANCE)

Des soignants lors de la manifestation pour l'hôpital public, le samedi 4 décembre 2021 à Paris. (ANNE-LAURE DAGNET / RADIO FRANCE)

"Olivier Variant !", scandent les manifestants dans le cortège. Samedi 4 décembre, à l'appel de dizaines de collectifs, syndicats et organisations, des membres du personnel de l'hôpital public ont manifesté dans toute la France, notamment à Paris, pour "défendre le système de santé". Tous ont dénoncé le manque de personnel, les problèmes de rémunération et des conditions de travail dégradées. Ils ont lancé un cri d'alerte car ces problèmes ont été accentués par la crise du Covid-19, poussant l'hôpital public à un point de rupture.

Des conséquences dramatiques pour les patients

Bien qu'ils viennent de toute la France, le constat est le même pour les personnels : l'hôpital public est à l'os. Ils décrivent une situation qui devient dramatique. "Aujourd'hui, en France, il y a des morts parce qu'il n'y a plus de Smur", les structures mobiles d'urgence et de réanimation, s'écrie Christelle, infirmière-anesthésiste à l'hôpital du Bailleul (Sarthe).

"Je suis dans un endroit où il n'y a plus de Smur la nuit, depuis deux ans. C'est à pleurer !"

Christelle, infirmière-anesthésiste à l'hôpital du Bailleul (Sarthe) 

à franceinfo

Julie, médecin en soins intensif à Voiron (Isère), liste, elle aussi, de nombreux exemples des dysfonctionnements de l'hôpital public. "Un greffon rénal a été jeté à Grenoble par manque d'accès au bloc opératoire, des gens ne sont pas opérés dans les temps... C'est notre quotidien", déplore-t-elle. Elle estime que la situation est catastrophique : "Il y a déjà beaucoup de retards et de pertes de chances."

Manque de personnel et restrictions budgétaires

Mathieu, médecin à l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart (Hauts-de-Seine), est confronté tous les jours au manque de moyens. Il estime que 20% des lits sont fermés au sein de son établissement. "Il y a 25 patients dans le couloir, tous les jours, aux urgences." Il impute principalement ces difficultés aux problèmes de recrutement. "Il nous manque du personnel soignant et nous sommes dans une politique de restrictions budgétaires majeures. Cela fait qu'on cherche des personnes en intérim la veille pour le lendemain, après avoir harcelé le personnel qui est épuisé", déplore ce professionnel. 

A l'hôpital de Mayenne, Florence, infirmière, subit les mêmes conséquences. "On travaille dans une usine. On ne peut pratiquement plus prendre nos pauses et on revient sur nos jours de repos pour remplacer les collègues parce qu'on est à flux tendu", décrit cette professionnelle de santé. Elle estime qu'il manque 22 infirmières dans son hôpital : "On voit que le métier n'attire plus parce qu'on n'a pas de moyens. On a été là pendant la crise du Covid-19, on est encore là aujourd'hui mais on est usés. On n'en peut plus."

Donner "des perspectives" à l'hôpital

Pour beaucoup de manifestants, la crise du Covid-19 a accéléré les départs des soignants, faisant exploser une organisation qui craquait déjà. "Le système, qui est tenu à bout de bras par ceux qui sont encore là, est en train de s'écrouler", alerte Julie. Les soignants quittent l'hôpital par vague : "Le système s'écroule parce qu'il tenait jusqu'ici sur des vocations quasi christiques et sacrificielles", analyse Emmanuelle Seris, médecin à Sarreguemines (Moselle) et porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf).

Au-delà de leurs dirigeants directs, ces soignants en veulent aux gouvernements successifs qui n'ont rien fait d'après eux pour remettre sur pied l'hôpital public.  Christelle appelle notamment les directions d'hôpitaux et des agences régionales de santé à s'expliquer. "Qu'elles prennent leurs responsabilités de dire, devant nous, pourquoi les lits sont fermés, pourquoi les urgences ferment, pourquoi les Smur ferment. Ce sont des criminels !"

Seule solution, pour Emmanuelle Seris : prendre le problème à bras le corps. "Si maintenant on nous dit qu'on va augmenter les lits, les effectifs et les étudiants en médecine, on aura effectivement des perspectives. Tant que ce n'est pas le cas, les gens quittent le système de santé pour se réorienter parce que ce n'est plus possible de soigner correctement."

Les soignants ont manifesté à Paris, samedi 4 décembre. Un reportage d'Anne-Laure Dagnet

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Hôpital public : "Nous sommes des chefs de service qui essayons de gérer la misère", alerte la cheffe du service pédiatrie de l'hôpital Necker à Paris

 

"Le Covid n'y est pour rien."

 

De nombreux syndicats et collectifs de professionnels hospitaliers et libéraux appellent à se mobiliser samedi pour dénoncer leurs conditions de travail et l'état inquiétant des hôpitaux publics.

Article rédigé par

franceinfo

Radio France

Publié le 04/12/2021 09:55

 Temps de lecture : 3 min.

Isabelle Desguerre, cheffe du service neuropédiatrie à l'hôpital Necker de Paris. (AURELIE LADET / MAXPPP)

Isabelle Desguerre, cheffe du service neuropédiatrie à l'hôpital Necker de Paris. (AURELIE LADET / MAXPPP)

"On risque d'avoir une vague de désertion des soignants qui va encore s'aggraver", alerte sur franceinfo samedi 4 décembre Isabelle Desguerre, la cheffe du service pédiatrie de l'hôpital Necker à Paris, et membre du collectif Inter-Hôpitaux qui appelle à manifester à Paris. "Nous sommes dans l'impasse, nous sommes des chefs de service qui essayons de gérer la misère", a déploré la médecin, qui explique que la pandémie de Covid-19 a été le "révélateur" du manque de moyens dans les hôpitaux publics.

franceinfo : Vous aviez participé à un mouvement de "démission collective" des chefs de service il y a deux ans. Que s'est-il passé ?

Isabelle Desguerre : Il ne s'est clairement rien passé, si ce n'est que ça s'est aggravé en termes de tension, nous avions alerté sur la situation critique pour soigner dans de bonnes conditions les patients. Avec le risque que les soignants désertent l'hôpital : nous le percevions clairement à ce moment-là. Les propositions faites au Ségur n'ont rien réglé du tout, c'est-à-dire que les propositions ont été des propositions salariales et vraiment à minima. Et elles n'ont absolument pas abordé les sujets importants qui sont la réorganisation de l'hôpital public, la tarification à l'acte qui est un vrai problème. Donc, à l'heure actuelle, nous sommes dans l'impasse. Nous sommes des chefs de service qui essayons de gérer la misère.

Dans votre hôpital, Isabelle Deguerre, quelle est la situation ?

C'est très simple. Depuis plus de 6 mois, j'ai 5 lits sur 25 de fermés, ce qui fait 20% faute de soignants, alors qu'on est en pleine épidémie infectieuse de bronchiolite et qu'on a des malades partout, dans tous les couloirs. Les urgences de pédiatrie débordent dans tous les hôpitaux et sur l'hôpital Necker, il y a 12% de lits qui sont fermés, faute de soignants. Donc, on a une situation qui est extrêmement compliquée, qui est épuisante pour les soignants parce qu'on est sur le fil en permanence. Tout le monde a peur de ne pas bien faire. Cela épuise à moyen terme, toutes les équipes. On risque d'avoir une vague de désertion des soignants qui va encore s'aggraver. Et là, pour l'instant, elle a touché surtout des infirmières et des paramédicaux, aides-soignants, kinés et autres. Je pense qu'elle va toucher les médecins aussi, en particulier les jeunes qui vont se tourner en dehors de l'hôpital et qui sont très découragés. Les soignants se posent des questions éthiques sur leur métier de tous les jours. L'argent ne règle pas tout, loin de là, parce qu'il est question d'organisation du soin et de possibilité de soigner dans des conditions correctes, conditions qui ne sont pas respectées à l'heure actuelle. J'ai beaucoup de jeunes qui décident de changer de métier.

Quelle place a le Covid-19 dans cette crise que vous décrivez ?

Le Covid a été juste le révélateur d'un dysfonctionnement. Le Covid a même donné l'illusion aux soignants qu'on avait peut-être un moyen de travailler à l'hôpital différent, même si les conditions étaient très difficiles et effroyables. Les gens se sont beaucoup mobilisés, les infirmières ont été dans différents services, les médecins aussi. Tout le monde y a mis du sien, mais ce qui a changé, c'est toute la pesanteur administrative qui a totalement disparu durant cette période-là et surtout la pesanteur financière. Celle qui fait qu'on ne nous parle pas de soigner les gens, on nous parle de ce qu'ils vont rapporter. Le Covid n'y est pour rien."

 

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