L'Enfant Intérieur (2).

Apprivoiser son enfant intérieur

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Adulte, nous avons pourtant un enfant qui vit en nous dans le présent. C’est la partie sensible, créative, et régénératrice de notre intériorité.
Mais c’est aussi une partie blessée. Cet enfant qui continue à vivre en nous, quel que soit notre âge, est désigné, par le terme d’«enfant intérieur».
Elle fait de plus en plus partie de notre culture psychologique contemporaine. Mais en quoi donc cette notion d’«enfant intérieur» est-elle si parlante ?…


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C ’est le psychologue Carl Gustav Jung qui remit au grand jour la notion du « puer aeternus », le nom latin donné à l’archétype de l’enfant intérieur. On retrouve des figures archétypales d’enfant à travers les grands mythes de l’humanité. Ainsi, l’enfant divin peut-il prendre les traits du Divin Enfant dans la crèche de Bethléem, mais tout aussi bien celui d’un enfant joueur, comme Krishna jouant de la flûte. Ou encore il peut s’exprimer dans des figures de héros littéraires promus au rang de mythes comme le malicieux Thyl Uylenspiegel de la culture flamande. Quoiqu’il en soit, selon Jung, l’énergie archétypale de l’enfant intérieur est présente en chacun de nous, l’archétype étant un héritage psychique transmis par l’inconscient collectif.

Pour Jung, l’énergie archétypale de l’enfant intérieur génère une démarche où la personne tend à être de plus en plus en accord avec elle-même. Ceci implique une intégration des différents éléments qui composent l’ensemble de sa propre personnalité. L’archétype de l’enfant unifie les éléments conscients et inconscients de la personne.

Se prendre en charge soi-même

Bien que l’on doive à Jung la notion d’enfant intérieur, c’est à partir des années 60 dans les écrits de psychothérapeutes fameux comme Winnicott, Alice Miller, Charles Whitfield, qu’elle fait fortune. Ce qui est à noter, c’est que la notion d’enfant intérieur est utilisée dans de nombreux ouvrages psychologiques destinés à un large public comme les ouvrages de John Bradshaw, Hal et Sidra Stone, Eric Berne avec l’analyse transactionnelle, comme ceux faisant référence à la PNL, ou à l’hypnose, et plus généralement dans tous les groupes de self-help.

Ces ouvrages se vendent très bien. Et pour cause. Se relier à son enfant intérieur est une façon de se guérir soi-même en devenant son propre psychothérapeute. Or, dans la culture contemporaine, se prendre en charge soi-même est une valeur forte. De plus, et c’est peut-être cela qui est le plus important, il semble que la grosse majorité des adultes soit concerné.

L’enfant blessé

En effet, qui n’a jamais réagi de façon démesurée à l’un ou l’autre petit évènement ? Qui n’a jamais réagi de façon disproportionnée à l’une ou l’autre parole? Ce sont parfois des pleurs, parfois des rages, parfois des cris. Et ces pleurs, ces rages, ces cris, sont le fait non d’un adulte équilibré et fort qui, par ailleurs, peut mener une vie active et responsable, mais de l’enfant blessé qui continue à vivre intérieurement en lui. Cet enfant blessé n’a pas eu l’attention dont il avait besoin et devenu adulte, il continue à réclamer cette attention. Le problème est que ses demandes sont impérieuses et demandent satisfaction immédiate. D’où cris et grincements de dents. Sanglots et pleurs. Ou alors abattement, retrait, coupure avec autrui. Tous les cas de figures sont possibles.

Notre personnalité est composée de multiples facettes. Il se peut même que nous ressentions la présence en nous de plusieurs personnages et point de vue. D’un instant à l’autre, les points de vues peuvent changer, ou pire, s’exprimer simultanément. On est tiraillé entre plusieurs voix. La voix de la raison, la voix du coeur, la voix de l’intuition, celle du devoir. Et ainsi de suite. D’où l’utilité de se référer à la notion d’enfant intérieur. En effet, lorsque la rage, la honte, la culpabilité et autres émotions du même acabit prennent la direction de la situation, la personne peut identifier que c’est l’enfant blessé et vulnérable qui est en train de pleurer, de crier, de tempêter. Il importe alors, l’ayant identifié, de s’en occuper. S’en occuper, c’est d’abord renouer avec lui. Un autre concept intéressant entre alors en ligne de compte, c’est la notion d’adulte intérieur.

S’il y a un enfant blessé en chacun de nous, il ya aussi un adulte qui, tout au long de la vie, tire des leçons de l’expérience qu’il fait, réussit à accomplir certaines choses avec succès, trouve les ressources pour faire face aux situations qui le mettent en péril. Bref, il y a un adulte intérieur qui est doté d’une force que l’enfant blessé n’a pas. Et cette force est une ressource… à partir du moment où c’est une force aimante. Autrement dit, il est possible de confier son enfant intérieur à l’adulte intérieur, pourvu que celui-ci le protège, l’aime et lui donne la permission de vivre tel qu’il est. Prendre soin de son enfant intérieur, c’est tout simplement l’aimer. Bref, nous devenons ainsi notre propre parent intérieur.

L’enfant intérieur, un élan vital

Ceci dit, le concept d’enfant intérieur doit vraiment être bien intégré avant d’y avoir recours méthodologiquement. L’enfant intérieur, ce n’est évidemment pas que la partie blessée en nous. Il y a aussi un élan créatif et joyeux vers la vie en chacun de nous. L’enfant intérieur, il s’émerveille, il éprouve la faculté de s’étonner, de jouer dans l’instant présent, de se faire plaisir, de ressentir toutes les émotions. Et il est habité par un élan vital. Cet élan vital, c’est le besoin de se développer, de croître, de s’exprimer. Chacun a un élan vital, mais il s’exprime chaque fois à travers un corps et une nature singulière. Les forces ne sont pas distribuées de la même façon en chacun de nous. Une personne ayant une résistance à la fatigue relativement limitée est bâtie tout autrement qu’une personne ayant une grande résistance à la fatigue. L’élan qui poussera chacune d’elles à se développer et à croître est une manifestation de l’enfant intérieur… mais celuici s’exprimera dans leur vie avec des qualités et une puissance différentes.



Le Farceur

Autre figure de l’enfant intérieur : le «farceur», que l’on traduit par «trickster », notion mise en évidence par l’anthropologue Paul Radin, dans son travail avec Jung. Le farceur, c’est l’enfant dionysiaque, qui remet en cause les structures anciennes et s’en moque, qui les détruit et les renouvelle, dans une dérision et une autodérision relativement déstabilisante. Ce mythe du Farceur divin se retrouve évidemment dans toutes les cultures. Il s’agit d’un enfant intérieur indiscipliné, frondeur et moqueur, doué d’une énergie débordante.

Un mélange

Lorsque l’enfant intérieur s’exprime en nous et dans nos vies, il se peut que les différentes facettes de l’enfant blessé, l’enfant créatif et le farceur dionysiaque se mélangent de façon inégales, selon qui l’on est, ce que l’on a vécu et ce que l’on vit. Par ailleurs, qui dit croissance ne dit pas perfection. Certaines personnes pensent qu’en contactant leur enfant intérieur, et en le laissant s’exprimer, elles vont devenir peu à peu fluides et créatives, ceci sans ombre. Elles aspirent à un enfant intérieur idéalisé… un enfant intérieur lumineux. Elles aspirent à une lumière sans ombre. Mais voilà, dans la réalité terrestre, il n’existe pas de lumière sans ombre. Même Jésus, même Bouddha, même Lao Tseu n’éliminent pas l’ombre. Ils l’intègrent, ce qui est bien différent. Il n’y a donc pas d’enfant intérieur «parfait» ayant des qualités de fluidité, de créativité, auxquelles ces personnes pourraient avoir recours de façon omniprésente et omnipuissante, ceci, pensent-elles, après avoir guéri l’enfant blessé. La perfection n’est pas la plénitude. Et peut-être est-il bon de prendre conscience qu’un processus de développement est loin d’être linéaire. Tout ne va pas se dérouler sagement, étape après étape, tel qu’on le souhaiterait. Non, tout est bien plus mélangé que cela, même s’il arrive que certains caps soient franchis et que la route apparaisse limpide pour quelques temps.

Une explosion de créativité personnelle

Des artistes comme Victor Hugo, Franz Kafka, Proust, Beethoven, Mozart, ou plus près de nous Pablo Picasso, Henri Michaux, Marguerite Duras, Stanley Kubrick, et bien d’autres artistes anonymes, sont des personnes complexes, paradoxales et bien souvent tourmentées. Et pourtant, tout leur art manifeste une connexion puissante avec l’enfant intérieur. Car l’enfant intérieur nous fait essentiellement ressentir le désir puissant de nous réaliser nous-mêmes, en dépit des blessures. Ou peut-être même grâce aux blessures, celles- ci étant tellement profondes qu’il semble alors que la vie ne puisse se manifester que dans une explosion de créativité personnelle.

Un artiste, qu’il soit reconnu ou non, a besoin de créer, étant ouvert à l’énergie vitale de l’enfant intérieur. Les blessures de l’enfance peuvent même devenir inspirantes. La différence avec les personnes ordinaires, c’est qu’un artiste ne s’arrête pas à la dimension historique de sa souffrance d’enfant. Il ne reste pas rivé en elle. Il va au-delà, ce qui, notons-le, ne signifie pas qu’il ne la ressent pas. Il alchimise sa souffrance d’enfant par l’art.



Accepter sa présence

Les souffrances intérieures graves et les traumas ont toujours une double potentialité. Soit, elles nous donnent accès à une renaissance de façon périodique, et à un surcroît important de vie et d’énergie. Soit, elles nous figent et nous font mourir à petit feu. Il arrive même que certaines personnes soient totalement brisées. Dans des peaux d’adultes parfois très vieux, un bébé hurle encore. A peu près tous, nous sommes plus ou moins habités par des souffrances d’enfant blessé. En cela, nous ne sommes pas seuls. Notre conjoint, notre ami, notre voisin, lui aussi, doit faire avec la partie blessée en lui.

Mais il cependant possible d’écouter cet enfant intérieur qui souffre de n’avoir pas existé aux yeux de ses parents. Pour la plupart des personnes ordinaires que nous sommes, la première étape est sans conteste d’accepter le concept même d’enfant blessé. Pour prendre soin de lui, il faut tout simplement l’accepter. Accepter la présence de cette partie fragile et réactive qui est en soi, c’est accepter l’enfant blessé. A cet égard, Margaret Paul, psychothérapeute témoigne de l’expérience de Laure.



«Si tu es là, réponds, parle-moi»

Laure, femme hyperactive avait toujours beaucoup investi son travail qui était très important pour elle. Elle était en psychothérapie, et traversait une période de stress professionnel intense et de troubles affectifs. Elle résistait beaucoup à la notion même d’enfant intérieur. Mais son anxiété et son stress firent qu’elle devint de plus en plus inefficace dans ses activités. C’est dans ces conditions qu’elle rencontra son enfant intérieur. Voici ce qu’elle en dit : «J’étais toute seule dans ma voiture et j’ai pensé que s’il y avait du vrai dans cette histoire d’Enfant Intérieur, je n’avais qu’à, au moins, essayer. Alors, je me suis dit en moi-même : «Si tu es là et que tu m’entends, dis quelque chose». Et j’ai été suffoquée d’entendre une petite voix crier : «Au secours !». (1)
Bouleversant témoignage que celui-là. Il illustre que nous pouvons, si nous l’acceptons, nous ouvrir à une dimension intérieure blessée. Qu’a fait Laure ? Elle s’est intérieurement adressé e à son enfant intérieur en disant : «Si tu es là, réponds, parle-moi» !

Comme si c’était un enfant réel

Il est donc possible de s’adresser à cette partie blessée en nous… et d’avoir une réponse. Il est possible d’en prendre soin. On peut prendre soin de son enfant intérieur, comme si l’on prenait soin d’un enfant réel. Si vous rencontrez un petit enfant en sanglots et perdu dans un grand magasin, vous allez le rassurer, le consoler, le prendre par la main pour l’accompagner à la caisse, et attendre avec lui le retour de sa maman afin qu’il ne se sente pas seul et abandonné. Il en est de même pour l’enfant blessé en nous.

La partie mûre et adulte en nous, qui s’est fortifiée au cours des années, peut protéger la partie enfantine blessée et fragile en nous. Cette dernière reste figée dans une souffrance sans cesse réactivée par des évènements présents qui font écho au passé. C’est un véritable dialogue intérieur de reparentage bienveillant que nous pouvons effectuer alors. Un exemple de dialogue. Supposons que vous vous sentez nul et perdu face à quelque chose à effecteur, par exemple un clou à enfoncer dans un mur pour accrocher un tableau :
Adulte intérieur :
Qu’est-ce qui ne va pas ?
Enfant intérieur :
Je me sens nul
Adulte intérieur :
Tu n’es pas nul. Tu ne dois pas réussir à planter ce clou pour que je t’aime et que je reste avec toi. Tu ne dois rien réussir pour que je t’aime. Je t’aime.


Le dialogue intérieur

Le dialogue entre l’adulte et l’enfant intérieur est une méthode très bien décrite par John Bradshaw dans son livre «Retrouver l’enfant en soi». Il explique qu’il consacre tous les jours un moment à son enfant intérieur. Ainsi, durant la rédaction de son livre, il n’arrivait pas à se concentrer très longtemps. Voilà ce que cela donne(2) :
- Le grand John : Salut, Petit John. Quel âge as-tu en ce moment ?
- Le petit John : J’ai six ans.
- Le grand J. : Petit John, comment ça va ?
- Le petit J. : Je suis fatigué d’écrire. Je veux jouer et j’ai l’épaule en compote.
- Le Grand J. : Je suis désolé. Je ne me rendais pas compte que j’étais si dur avec toi. Qu’estce que tu aimerais faire maintenant ?


Inexistence et suradaptation

L’exemple ci-dessus est donné à titre indicatif. Si on veut aller plus avant, il convient d’approfondir les techniques d’accès à l’enfant blessé [le dialogue, poser des questions, écrire des lettres, écrire des contes, l’hypnose, le rêve éveillé, etc...]. Le but de ces différentes techniques est de relier l’enfant intérieur à l’adulte intérieur-parent. Après avoir identifié la voix de l’enfant blessé en nous, il reste encore à arriver à exprimer les émotions refoulées de l’enfant blessé. Blessé, il l’est parce que ses besoins premiers d’amour, de reconnaissance, de valorisation n’ont pas été rencontrés. Les blessures profondes sont celles qui touchent à la racine même du sentiment d’existence. La personne en grande souffrance n’a tout simplement pas la sensation du «je suis» parce qu’on ne lui a pas donné la possibilité de ressentir que son existence était désirable. C’est là un drame fondamental : se sentir inexistant.



Un entrelacement de rôles…

Se retrouver exilé de sa propre existence, peut venir d’une suradaptation. L’enfant est coupé de lui-même, noyé dans une famille souffrante. Une famille où le silence prédomine, par exemple. Il est interdit d’y vivre émotions et désirs non conformes. Ou alors une famille où il y a entrelacement de rôles et où personne n’a accès à un moi distinct des autres. Ainsi, si la mère est souffrante, tout le monde va souffrir. Si la soeur est dépressive, ou le frère colérique, l’ensemble s’en ressent. Chacun ressent et vit ce que les autres ressentent et vivent. Difficile alors de se construire soi-même et d’avoir une identité. C’est particulièrement à la période de l’adolescence, où la quête d’identité est intense, que des rôles peuvent se rigidifier. L’infernale roue de la répétition se met en marche : si on a été sauveur, on va adopter vraisemblablement une attitude de sauveur dans ses relations ultérieures. «La logique de l’absurdité» comme la nomme Alice Miller est à l’oeuvre.
Exprimer les émotions refoulées de l’enfant blessé aide la personne à prendre conscience de la mise en place de son propre fonctionnement relationnel. Etre un bon parent pour soi-même Après que les émotions refoulées de l’enfant blessé en nous aient été mises à jour, exprimées et reçues par l’adulte intérieur, la deuxième étape consiste à se réapproprier sa propre croissance. Pour être de moins en moins la proie du scénario familial douloureux, il importe que l’enfant intérieur puisse désobéir. Désobéir à toutes les lois parentales qui l’ont coupé de lui-même. C’est paniquant de désobéir à ce qui donne depuis si longtemps une identité, fût-elle construite sur des bases étrangères à soi et donc finalement peu solides. Aussi, pour que ce soit possible, notre enfant intérieur doitil pouvoir s’appuyer sur un parent-adulte intérieur en qui il a confiance. Un adulte intérieur qui, somme toute, arrive à être un bon parent. Car lorsque les parents réels n’ont pas pu permettre à l’enfant d’être lui-même, il importe de devenir le bon parent de soi-même.

Devenir le bon parent de soi-même n’est certes pas facile lorsqu’on n’a pas de modèle. Mais personne ne peut faire ce chemin à notre place : «Vous devez faire votre deuil de votre enfance réelle et de vos parents. Votre enfant doit intérieur doit savoir que c’est vous, en tant qu’adulte, qui assumerez le rôle nécessaire de parent.» [Bradshaw].

Qui embrasse qui ?

Personne ne peut aimer l’enfant blessé qui est en nous mieux que nous-mêmes. Bien sûr, cela demande des efforts, une démarche, et une motivation forte. Ce n’est pas donné. Donc, il est tentant de donner à l’autre, l’amie, l’amante, l’époux, ou toute autre personne ayant un lien affectif proche et fort, la tâche de s’occuper de l’enfant blessé qui est en nous. Tâche évidemment impossible à assumer. Dans un texte hilarant et grave, l’écrivain Milan Kundera décrit les relations du personnage avec sa compagne et montre que ni lui, ni elle ne s’étreignent, mais que ce sont leurs deux mères qui s’embrassent à travers eux. On aurait pu tout aussi bien dire qu’il s’agit de l’étreinte de deux enfants blessés, vu que l’enfant blessé est sous l’emprise intérieure de la mère, du père, des parents.



Un enjeu narcissique

Pour la plupart d’entre nous, nos enfants blessés s’interposent donc dans nos relations affectives. Les problèmes viennent très souvent de l’enjeu personnel qui se trouve en dessous de la relation affective. Cet enjeu est de combler les carences de l’enfance, qui sont essentiellement des carences narcissiques. Ce sont alors un cortège de demandes impossibles à satisfaire… et cependant ces demandes sont faites. Ceci inconsciemment, bien entendu. Dès qu’on entre en relation de proximité, l’enfant blessé s’exprime. Et c’est seulement soi-même qui puisse réellement faire face à ces demandes. Ceci dit, que font les millions de couples occidentaux, sinon faire avec cette donnée là ? Donnée mise à jour, travaillée parfois. Et parfois pas. Donnée acceptée ou refusée. Chacun fait avec, comme il peut, selon là où il en est.

Et mes parents réels ?

Autre question : dans ce travail de relation avec l’enfant intérieur, que faire avec ses parents réels? Pas de réponse toute faite, bien entendu. Cela dépendra et des parents et de la relation que la personne a avec eux. Et de la décision prise par la personne. Bradshaw dit ceci : «Chacun de vous doit laisser son adulte intérieur établir des frontières avec ses vrais parents. Souvenez-vous : votre enfant intérieur s’en remet à vous maintenant : il s’attend à ce que vous le protégiez». Et cette protection que nous nous devons à nous-mêmes passe parfois par un retrait.
La meilleure des options, celle qui est la plus gratifiante, est la voie du pardon. Le pardon est une façon de ne pas rester attaché maladivement à des parents dysfonctionnels. Le pardon permet de les quitter. Mais il advient après un long travail où la souffrance refoulée a été exprimée et reçue, où un reparentage positif est constamment effectué et intégré, où l’enfant créateur trouve à s’exprimer, et où la grâce a lieu...

On ne peut ignorer l’enfant blessé. Il se rappelle toujours à nous. Et en ce sens, il est un aiguillon sur le chemin de la découverte de qui l’on est réellement.
Qui l’on est réellement. C’est véritablement une très grande question. La question de tous les philosophes. La question des sages. La question des thérapeutes. Notre question à tous. Devenir qui l’on est, c’est un chemin. Celui de toute la vie sans doute. Arrivé dans la seconde partie de la vie, la question de l’individuation devient plus pressante. C’est là que le travail avec les différentes parties de soi que recouvre le concept d’enfant intérieur prend peut-être toute son ampleur. Car devenir qui l’on est, c’est découvrir sa voix, à soi. Peu importent les images d’Epinal. Même si elle est éraillée, ou rauque, cette voix –la sienne- est valide, unique, nécessaire.

Marie-Andrée Delhamende



(1) in M. Paul, cfr livre ci-dessous.
(2) in Bradshaw, cfr livre, p. 270.

LIVRE

- Carl Gustav Jung, C. Kerenyi, P.Radin, «Le Fripon divin», Editions Georg.
- M. Paul, «Renouez avec votre enfant intérieur», Editions Le Souffle d’Or.
- J. Bradshaw, «Retrouver l’enfant en soi», Le Jour éditeur.



Paru dans l'Agenda Plus N° 212 de Novembre 2009

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