Surdoué. Intellectuellement précoce. Haut Potentiel.

Jeanne Siaud-Facchin

"Etre surdoué ne signifie pas être plus intelligent que les autres, mais fonctionner avec un mode de pensée, une structure de raisonnement différente. L'intelligence de l'enfant surdoué est atypique. C'est cette particularité qui rend souvent difficile son adaptation scolaire, mais aussi son adaptation sociale. C'est aussi grandir avec une hypersensibilité, une affectivité envahissante, qui marquent la personnalité."


Psychologue-clinicienne, spécialiste des surdoués, Jeanne Siaud-Facchin a été membre du laboratoire d'exploration fonctionnelle cognitive de l'hôpital de la Salpêtrière à Paris, puis attachée à l'Unité d'adolescents du Pr Rufo, à l'hôpital de la Timone à Marseille.
Depuis une dizaine d'année, elle s'occupe des personnes surdouées, plus particulièrement des enfants. Elle a créé en 2003, à Marseille, CogitoZ, le premier centre français consacré à la prise en charge des troubles de l'apprentissage. Dans son cabinet, elle reçoit les familles, fait passer des tests de QI, explique aux parents les particularités de leurs enfants et les conseille. Jeanne Siaud-Facchin voit des enfants qui souffrent et elle juge ceci inacceptable : elle sait qu'un enfant surdoué peut être heureux et équilibré si on sait s'en occuper.
Elle a publié chez Odile Jacob en 2002 "l'Enfant surdoué, l'aider à grandir, l'aider à réussir", en 2006 "Aider l'enfant en difficulté scolaire" et, en 2008, "Trop intelligent pour être heureux ? L'adulte surdoué"

Elle a également postfacé "Trouble Tête" de Mathilde Monaque, témoignage sur la dépression écrit par une adolescente surdouée.




L'interview de Jeanne Siaud-Facchin dans "La Recherche" de décembre 2004 : « Un QI élevé peut cacher une fragilité ».


Jeanne Siaud-Facchin, "L'Enfant surdoué, l'aider à grandir, l'aider à réussir", Odile Jacob, 9/2002, collection "Guide pour s'aider soi-même", ISBN 2-7381-1159-9, environ 20€.

Quelques extraits:
"Etre surdoué, c'est penser dans un système différent, c'est disposer d'une forme d'intelligence particulière. C'est aussi grandir avec une hypersensibilité, une affectivité envahissante, qui marquent la personnalité."

Particularités sur le plan affectif ...
"... être d'une sensibilité extrême, muni de multiples capteurs branchés en permanence sur ce qui l'entoure .... capacité étonnante de ressentir avec une grande finesse l'état émotionnel des autres. Véritable éponge, l'enfant surdoué est, depuis toujours, littéralement assailli par des émotions, des sensations, des informations multiples qu'il lui est le plus souvent difficile de vivre, d'intégrer et d'élaborer."

Pourquoi est-on surdoué ?

"... composante génétiquement programmée ... mais pas programmable ..."
"... ne peut jamais s'acquérir ... On l'a ou on ne l'a pas, c'est tout ... "

L'hypersensibilité

"...  s'observe chez tous les enfants surdoués. Elle est plus ou moins perceptible selon les aménagements effectués par l'enfant, ...
" ... est à la fois un atout, par la finesse perceptive de l'environnement qu'elle permet, mais aussi une source de souffrances et de blessures affectives.
L'enfant surdoué, branché en permanence sur son environnement affectif, sur le monde émotionnel, est constamment bombardé d'informations sensorielles, assailli de messages affectifs."

Perception sensorielle exacerbée (= "hyperesthésie")

Vue: voit/retient mille et un détails
Ouïe: récolte en même temps des informations diverses en provenance de sources multiples.
Odorat: distingue un grand nombre d'odeurs (même quasiment pas perceptibles)
Goût: différencie des saveurs très proches, souvent gastronome.
Toucher: réactivité tactile très élevée, aime/recherche le contact physique, indispensable à son équilibre affectif.

La suite dans le bouquin.


L'interview de Jeanne Siaud-Facchin sur le site de ça se discute (émission du 9 avril 2003 : "Génies et surdoués : sont-ils condamnés à vivre dans un monde à part ?")
Ecoutez Jeanne Siaud-Facchin (MP3-4,5MB!) décrire l'enfant surdoué chez Jean-Luc Delarue ("Ca se discute")
Transcription pour les connexions lentes :

Delarue : "Jeanne, vous êtes psychologue-clinicienne, attachée à l'Unité d'adolescents de l'Hôpital de la Timonne à Marseille, où vous vous occupez plus particulièrement d'enfants et de personnes surdoués. Comment réagissez-vous à ce qui a été dit jusqu'à présent, sur le QI qui n'est pas quantifiable, etc ?"

Jeanne Siaud-Facchin (JSF) : "Il y a beaucoup, beaucoup de choses à dire; le QI, pas quantifiable, bien sûr, c'est vrai, on ne mesure pas l'intelligence; les tests de QI ne visent pas à mesurer l'intelligence, mais à évaluer le fonctionnement intellectuel d'un enfant, simplement pour pouvoir le comparer et avoir un indice diagnostique. Un QI ne "fait" pas un diagnostic : on parle d'abord d'un enfant et il me paraît incontournable d'avoir une approche globale de l'enfant et de bien comprendre quel est le sens, et la place, de cette particularité intellectuelle dans la dynamique globale de l'individu.

Mais c'est vrai que d'avoir un QI élevé, c'est, d'abord et surtout, pas tellement être quantitativement plus intelligent que les autres, mais surtout, je crois, avoir un fonctionnement qualitativement très différent au niveau intellectuel, càd avoir une forme d'intelligence différente, un système de pensée qui est très différent, qui décale beaucoup par rapport à l'école et qui explique d'ailleurs les difficultés scolaires que rencontrent beaucoup de ces enfants à l'école.

Mais c'est aussi et surtout une hypersensibilité, une hyperaffectivité extrêmement envahissantes, et qui marquent considérablement la personnalité :
- ils voient ce que d'autres ne voient pas,
- ils perçoivent ce que d'autres ne perçoivent pas,
- ils ressentent avec une force inouïe les émotions environnantes
et ça leur donne une forme de lucidité exacerbée sur le monde, qui peut être extrêmement douloureuse ..."

Claude Hagège : "L'hémisphère droit !"

JSF : Oui, de toutes façons, l'hémisphère droit; on sait à quel point les enfants surdoués effectivement fonctionnent beaucoup en activant leur hémisphère droit, avec toute la créativité, toute l'intuition que ça suppose, mais aussi l'ingérence affective constante, présente dans tous les actes de la vie des enfants surdoués, et y compris bien sûr dans l'acte cognitif, dans l'acte intellectuel.

Ils ne peuvent pas s'empêcher de penser, ils ne peuvent pas s'empêcher de réfléchir, ils ne peuvent pas, quelque part, s'empêcher de créer, ils ne peuvent pas s'empêcher de ressentir; la moindre variation émotionnelle dans l'environnement va être perçue par ces enfants-là, et c'est dificile de tout ressentir tout le temps, d'être bombardé émotionnellement de tas de choses.

Ce sont des enfants à risque et il faut s'en préoccuper, il faut apporter des réponses, scolaires, au niveau des familles, des parents, pour les aider. Quand on voit Bernard (adulte détecté sur le tard), c'est quand-même terrifiant d'en arriver là. Je crois que ce qui est important aussi aujourd'hui pour lui, c'est de donner sens à ce qu'il a vécu, de pouvoir avoir une forme de recul sur son histoire, sur ce qu'il a pu ressentir, ce qu'il a pu vivre.
Et c'est important de dépister, même plus tard ...

La famille de Marseille, moi, je crois que ce qui les sauve, c'est d'être en groupe, c'est d'être en bande, parce que justement ça les structure, ça leur permet d'avoir des repères identificatoires, qui est quelque chose de très difficile pour ces enfants-là, qui n'arrivent pas à se repérer dans le regard des autres, qui se sentent très souvent seuls, même quand ils sont avec les autres, qui ressentent souvent cette espèce de décalage avec les autres, et qui font des efforts terribles pour s'intégrer.

Je crois que ce qui est très douloureux aussi, c'est que, quelque part, l'intelligence est un double mal :
- d'abord, l'intelligence peut faire souffrir;
- et personne ne songe à plaindre quelqu'un d'intelligent; on ne dit pas : "Ah, tiens, oui, il est sympa, mais le pauvre, il est intelligent !"; ça ne traverse évidemment l'idée de personne, et pourtant ..., et pourtant ...

Delarue : Pourtant, ce sont les imbéciles qui sont heureux ...!

JSF : Non, enfin, en tous cas, je pense que l'insouciance permet une certaine sérénité, et ces enfants et ces adultes sont tout, sauf insouciants ! Ils ont au contraire une conscience aiguisée des choses et de la vie.

Delarue : Mais alors, il faut qu'ils trouvent une passion, un moyen de ...

JSF : Il faut d'abord qu'ils trouvent des gens qui soient capables de les entendre, de les comprendre, de les reconnaître, de les accepter; et de les accompagner pour les aider à grandir, à s'épanouir, à mettre à profit leur immense richesse, non seulement intellectuelle, mais aussi affective, et leur permettre d'être ce qu'ils sont tout simplement.

Accepter la différence, quelle qu'elle soit, pour ce qu'elle est, avec ses côtés formidables, ses côtés plus compliqués; être surdoué, c'est complexe !



J'ai été invité à participer à une réunion de parents d'enfants intellectuellement précoces.
Et bien, si je savais depuis longtemps déjà que l'enseignement était parfois désastreux pour les enfants en difficulté scolaires, j'ai pu prendre conscience que ça l'était tout autant avec les enfants à "haut potentiel. "
Quel gâchis, quel désastre. C'est effarant. Et la douleur de ces parents, leurs inquiétudes, leurs perdtions parfois sont des révélateurs indéniables de l'incapacité du système à prendre en considération la différence. Toutes les différences d'ailleurs;
"Il faut rentrer dans le moule même s'il est considérablement étroit. "
Pour ce qui est des enseignants, le problème est très simple. Ces enfants-là mettent à jour toutes leurs insuffisances. Non pas seulement professionnelles mais également existentielles. Toutes ces questions sur l'objectif final de l'enseignement. S'il s'avère que cet objectif est l'obtention d'un diplôme et l'accession à la vie professionnelle, il est évident que les EIP (enfants intellectuellement précoces) font voler en éclat l'insignifiance de ce but.
La pensée en arborescence est une caractéritique commune chez ces enfants. A la question très simple de savoir quelle est la singularité commune entre le chat et la souris, un EIP va répondre qu'il s'agit de deux prédateurs, le chat envers la souris, la souris envers le fromage, que ce sont deux rodeurs, deux mammifères, qu'ils peuvent tous les deux être domestiqués, qu'ils vivent principalement sous les climats tempérés, qu'on en trouve des traces depuis l'Antiquité, dans des récits mythologiques,  etc etc...La réponse tout simple que ce sont deux animaux ne lui viendra pas à l'esprit.
L'effervescence intellectuelle est une particularité qui peut finir par les placer en difficulté. Ils finiront par ne plus rien répondre.
A écouter ces parents, je réalisais que les difficultés de leurs enfants concernaient principalement le monde extérieur. Ou en tout cas qu'il s'agissait des difficultés les plus présentes dans l'esprit des parents. Après avoir abordé les "débats-philo" que je fais en classe avec mes élèves, il est rapidement apparu que la dimension intellectuelle ne représentait pas le seul problème...La dimension existentielle occupe bien entendu une place considérable dans l'esprit de ces enfants.
L'immense difficulté vient du fait que leur potentiel intellectuel les place justement dans une situation particulière au regard des apprentissages cognitifs et que la dimension existentielle s'en trouve reléguée au second plan alors qu'elle est, à mon sens, la source même de toutes les difficultés.
Je repensais à ce travail que je fais dans ma classe au sujet de l'attention et de la concentration. L'attention se porte sur l'environnement et la pensée en arborescence incite encore plus à cette attention. Une pensée précise va se trouver connectée à un réseau infini de pensées parce que la pensée initiale génère un phénomène d'attention qui vient dessiner en eux un emboîtement intellectuel nourri par la profusion de leurs connaissances et l'insatiable curiosité qui les anime.
La concentration aurait pour tâche de les amener à "peindre en jaune fluo" la pensée intiale et à éliminer toutes les autres. Mais cela semble quasiment impossible dans le registre intellectuel. Cela peut par contre s'avérer envisageable s'il s'agit d'une démarche existentielle. Parce que cette fois, ils deviennent le sujet d'étude. La philosophie existentielle ou la spiritualité est une observation des phénomènes intérieurs et non une accumulation de savoirs cognitifs. L'observation du penseur par le penseur lui-même favorise la rupture avec les chaînes de pensées; Jusqu'à ne plus penser au penseur et en oublier la pensée elle-même.
Il me semble évident que le travail sur la gestion des émotions est une priorité. Perceptions sensorielles à l'origine des émotions et la multiplication des émotions aboutissant au sentiment. Rien que d'effectuer ce cheminement leur permettrait d'établir cette observation interne et à se détourner provisoirement de ce monde extérieur qui les assaille. 
Il est étonnant en tout cas de constater que ce potentiel intellectuel est accompagné par une effervescence émotionnelle. J'aimerais comprendre ce que cela cache.
A suivre...

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