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Le champ profond de Hubble
- Par Thierry LEDRU
- Le 31/12/2024
- 0 commentaire
Le champ profond de HUBBLE
Le 30 décembre 1924, Edwin Hubble (1889-1953), après une série d’observations réalisées quelques mois plus tôt, annonçait officiellement une découverte qui allait changer radicalement notre connaissance de l’univers : des nébuleuses, que l'on croyait situées à l’intérieur de notre Galaxie (le terme s’écrit avec une majuscule quand il s’agit de la nôtre, appelée aussi la Voie lactée), s’avéraient être d’autres galaxies indépendantes et beaucoup plus éloignées qu’on ne le pensait.
La Voie lactée, n’était donc pas l’univers, mais juste une partie infinitésimale, une galaxie parmi des milliards d’autres. Quelques précurseurs, tels Emmanuel Kant ou William Herschel soupçonnaient déjà cette réalité, les travaux d’Edwin Hubble la confirmèrent de manière irréfutable. Troublant de penser qu’à l’époque où les relativités restreintes et générales d’Einstein avaient déjà révolutionné notre vision de l’univers, la tendance majoritaire était de croire que la Galaxie (la nôtre donc, c’est bien de le repréciser) représentait en quelque sorte l’univers tout entier !
Un télescope spatial, lancé en 1990 et toujours en activité, fut baptisé Hubble en hommage aux travaux d’Edwin.
Belle intuition car en 1995, ce télescope réalisera le fameux « champ profond de Hubble » sur une minuscule zone du ciel assez sombre où seules 4 étoiles de faible luminosité sont visibles (et serviront de guides).
Quand j’écris « minuscule zone du ciel » c’est plus qu’un euphémisme : la zone représente un 30 millionième du ciel. En gros, imaginez vous, dans un champ, tendre une épingle à bout de bras ; la tête de cette épingle représentera la zone photographiée. On peut aussi opter pour un bouton de chemise à 25 mètres, un ballon de foot à 900 mètres etc. Dans cette minuscule zone du ciel, totalement sombre hormis les 4 étoiles à faible luminosité citées plus haut, après des durées d’exposition de plusieurs dizaines d’heures (pour capter un maximum de lumière) sur quatre longueurs d’onde différentes, le télescope spatial produira une image devenue légendaire où l’on dénombrera pas moins de 3000 galaxies.
C’est peu dire que, face à l'immensité, nous sommes bien peu de chose...
Robert Loï
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Les droits des "êtres non-humains"
- Par Thierry LEDRU
- Le 29/12/2024
- 0 commentaire
Il me semble que c'est Albert Einstein qui a écrit : " Le chaînon manquant entre le singe et l'homme, c'est nous. "
Si nous n'accordons pas de droits aux être non humains, sommes-nous réellement humains ou pas encore ?
"Mais peuvent-ils souffrir ?" : 5 textes philosophiques sur la sensibilité animale
Par Pauline Petit
Publié le vendredi 26 mars 2021 à 17h50
12 min
"La question n'est pas : peuvent-ils raisonner ?, ni peuvent-ils parler ?, mais peuvent-ils souffrir ?", Jeremy Bentham.
© Getty - Frans Lemmens
De la reconnaissance de la souffrance animale à la question de l'extension des droits aux "êtres non-humains" : parcours à travers quelques essais philosophiques qui ont durablement marqué la réflexion sur l'éthique animale, de Porphyre à Tom Regan en passant par Jean-Jacques Rousseau.
Ni véritable frère humain comme il peut apparaître sous la plume de La Fontaine, parlant et s'affairant à divers métiers, ni simple objet aux facultés automatiques comme le suggérait Descartes, l'animal est considéré comme un être vivant doué de sensibilité. C'est en raison de la reconnaissance, progressive, des capacités qu'ont les animaux à ressentir de la douleur que la question de leurs droits a évolué.
En janvier dernier, la proposition de loi contre la maltraitance animale a été adoptée à l'Assemblée nationale. Elle prescrit, entre autres, le durcissement des sanctions pour mauvais traitement, l'interdiction progressive de la détention d'animaux dans les cirques et des élevages destinés à la production de fourrure. Majoritairement saluées, ces mesures reflètent un souci grandissant du respect des animaux. Depuis 2015 en France, ceux-ci sont en effet définis par le Code civil (art. 515-14) comme : "Des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens."
À écouter
En quoi le bien-être animal est-il une question politique ?
Le Temps du débat
39 min
Mais aux yeux de certains philosophes et juristes, ce statut soulève au moins une contradiction. Définis par leur sensibilité, qui les distingue des biens et des choses, les animaux demeurent pourtant "soumis au régime des biens" là où les lois n'encadrent pas leur protection. Si cette ambivalence nous frappe, c'est que la question de la sensibilité des animaux nous taraude depuis des siècles : comment la définir ? Est-elle différente de celle des êtres humains (l'animal éprouverait de la douleur comme une simple sensation tandis que l'homme souffrirait de façon consciente et vécue) ? Qu'implique-t-elle du point de vue de nos comportements envers ces êtres avec lesquels nous partageons le monde ?
Ces questions, aux implications philosophiques, éthiques et même politiques, ont été traitées dans nombre d'essais. Au cours de l'histoire, il s'est toujours trouvé des philosophes appelant à une reconception de la condition animale. Ce sont les penseurs antiques qui prônent le régime végétarien pour des raisons éthiques, les savants des Lumières qui remettent en cause la "chaîne des êtres" classique selon laquelle l'espèce animale se trouve soumise à celle des humains, ou encore les philosophes moraux anglo-saxons qui avancent l'idée de droits pour les "êtres non-humains". Retour sur quelques-uns de ces grands textes philosophiques qui ont marqué la réflexion éthique sur la sensibilité animale.
À lire
La diète-éthique de Porphyre : tu ne mangeras pas ton semblable souffrant
Parmi les motivations invoquées par les défenseurs des animaux, un point fait consensus : la souffrance animale existe. "Si les animaux ne souffraient pas, dit-on, la question de leur statut moral, celle de notre responsabilité à leur égard, ne se poserait pas davantage que pour les arbres, les légumes, les roches ou les rivières", constate le philosophe Jean-Baptiste Jeangène Vilmer dans Éthique animale (PUF, 2008). Et les carottes, ne souffrent-elles pas quand on les déterre en tirant sur leurs fanes ? La question, un brin moqueuse, parfois opposée aux défenseurs du bien-être animal révèle le soupçon porté sur la véracité, ou au moins le degré, de cette souffrance. Tuer une bête pour la manger ne serait pas plus problématique que de cueillir une salade.
L'argument est loin d'être nouveau. Porphyre de Tyr, philosophe néo-platonicien connu pour avoir été le disciple de Plotin, y répondait déjà au IIIe siècle dans son traité sur l’abstinence de la chair des animaux :
"Mettre sur le même pied plantes et animaux, voilà qui est tout à fait forcé. La nature des uns en effet est de sentir, de souffrir, de craindre, de subir un dommage et donc aussi l’injustice. Les autres n’ont aucune sensation et donc rien qui leur soit inapproprié ou mauvais, un dommage ou une injustice." Porphyre, De l'abstinence, III (vers 271)
À lire
Dans ce traité en trois volumes, le philosophe énumère diverses raisons de ne pas mettre de chair animale dans assiette. Il s'adresse à un ami, Firmus Castricius, lequel, apprend-il avec déception, s'est remis à consommer de la "pâture carnée" et a même condamné publiquement le végétarisme ! En s'appuyant sur des observations des comportements animaux, Porphyre montre qu'ils raisonnent, communiquent avec leurs semblables comme avec les hommes, souffrent… Bref, que les animaux ont une intelligence et que celle-ci doit nous empêcher d'établir une séparation ontologique entre notre espèce et la leur, au nom de laquelle on aurait le droit de les tuer pour notre simple plaisir gustatif. Selon Porphyre, c'est "par gloutonnerie que les hommes refusent la raison aux animaux."
On connaît d'autres végétariens illustres : Pythagore défend ce régime parce qu'il croit en la métempsycose : maltraiter un animal ou le tuer, c'est peut-être faire du mal à un proche réincarné. Quant à Plutarque, il considère que manger des animaux n'est tout simplement pas un besoin. Cette question, loin d'être marginale, a été diversement traitée selon les écoles philosophiques antiques, comme l'explique le professeur de littérature Renan Larue :
"Les uns proclament que l’espèce humaine est la finalité de l’univers, que les autres créatures ne sont que des moyens et qu’il faut honorer la divinité en lui offrant des sacrifices. Les autres assurent au contraire que l’homme est une partie du monde créé, que nous devons considérer les animaux comme nos parents, et que les dieux, qui sont bons, interdisent qu’on verse en leur nom le sang de victimes innocentes. Ceux-là considèrent que nous perdrions notre humanité à accorder des droits aux bêtes ; ceux-ci que nous la perdons à chaque fois que nous les maltraitons, que nous les mettons à mort et que nous mangeons leur chair . Renan Larue, Le Végétarisme et ses ennemis (PUF, 2015)
À écouter
Depuis quand défend-on les animaux?
La Fabrique de l'Histoire
53 min
Pitié pour les animaux : Jean-Jacques Rousseau contre l'animal-machine
Au XVIIe siècle, dans la lignée de Descartes, une certaine lecture mécaniste de l'animal se développe en Occident. Si on s'intéresse à l'animal, c'est surtout pour mettre en lumière ce qui fait la spécificité de l'être humain. Selon Descartes, tous deux sont comparables à des machines. Mais l'être humain, contrairement à l'animal, échappe au statut de pur automate en cela qu'il possède une âme - c'est le dualisme cartésien de l'âme et du corps.
L'hypothèse de l'animal-machine principalement théorisée par les successeurs de Descartes a amené certains d'entre eux à considérer l'animal comme un être dont les réactions sont automatisées et non pleinement senties et vécues. Malebranche, rapporte-t-on, aurait déclaré après avoir battu son chien qui répondait à l'attaque par des aboiements : "Regardez, c'est exactement comme une horloge qui sonne l'heure !" On en convient désormais, la scène relève de la maltraitance. Pour autant, l'idée selon laquelle les animaux seraient, à l'instar d'objets, dénués de sensibilité consciente (ou alors sous une forme minimale) n'a pas disparu. En quelque sorte, elle se trouve transposée dans le droit avec la soumission de l'animal au régime des biens, et se manifeste dans la conception d'un animal-marchandise selon laquelle on accepte, par exemple, que des animaux atteints de maladie contagieuse soient abattus plutôt que vaccinés.
À écouter
Vers un nouveau pacte Homme/Animal (4/4) : L’animal est-il une personne comme les autres ?
Cultures Monde
58 min
Cette fable de l'animal-machine est cependant remise en cause au XVIIIe siècle. Le développement de la classification du vivant permet une meilleure connaissance des espèces animales et de leurs spécificités biologiques et comportementales. Le Traité des animaux (1755) de Condillac ou encore les Lettres philosophiques sur l'intelligence et la perfectibilité des animaux (1768) de l'éthologiste Georges Leroy qui décrivent le caractère finalisé du comportement animal, contribuent à faire entendre que la condition de l'animal et celle l'homme ne sont pas si éloignées. Dépassant l'opposition entre l'instinct animal versus la raison humaine pour aller sur le terrain de la morale, Jean-Jacques Rousseau fait de la sensibilité commune aux deux espèces la raison pour laquelle l'homme doit respecter les bêtes :
"On termine aussi les anciennes disputes sur la participation des animaux à la loi naturelle. Car il est clair que, dépourvus de lumières et de liberté, ils ne peuvent reconnaître cette loi ; mais, tenant en quelque chose à notre nature par la sensibilité dont ils sont doués, on jugera qu'ils doivent aussi participer au droit naturel, et que l'homme est assujetti envers eux à quelque espèce de devoirs. Il semble, en effet, que si je suis obligé de ne faire aucun mal à mon semblable, c'est moins parce qu'il est un être raisonnable que parce qu'il est un être sensible ; qualité qui, étant commune à la bête et à l'homme, doit au moins donner à l'une le droit de n'être point maltraitée inutilement par l'autre." Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755)
En faisant de la sensibilité la condition par laquelle les êtres vivants, humains comme animaux, ont des droits naturels, le philosophe inclut tous les êtres souffrants au sein d'une communauté morale. S'il n'est pas "libre", l'animal a néanmoins des droits en vertu de la sensibilité qu'il partage avec l'homme et celui-ci, des devoirs envers lui : "Il ne fera jamais du mal à un autre homme ni même à aucun être sensible, excepté dans le cas légitime où sa conservation se trouvant intéressée, il est obligé de se donner la préférence à lui-même."
À écouter
Radiographies du coronavirus, la chronique
5 min
Jeremy Bentham, la souffrance est la seule question qui vaille
Quelques années après son confrère genevois, le philosophe et juriste britannique Jeremy Bentham fait de la sensibilité des animaux le fondement de la relation éthique entre humains et animaux. L'année de la rédaction de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, énoncé des droits naturels et imprescriptibles communs à tous les êtres humains, Bentham publie son Introduction aux principes de Morale et de Législation. Il y présente sa doctrine utilitariste et propose d’intégrer les animaux à la communauté de droit, dont ils sont exclus en tant qu'êtres non doués de raison, en vertu de leur capacité à souffrir :
"Le jour arrivera peut-être où le reste de la création animale acquerra les droits que seule une main tyrannique a pu leur retirer. Les Français ont déjà découvert que la noirceur de la peau n'était pas une raison pour abandonner un homme au caprice de ses persécuteurs sans lui laisser aucun recours. Peut-être admettra-t-on un jour que le nombre de pattes, la pilosité ou la terminaison de l'os sacrum sont des raisons tout aussi insuffisantes d'abandonner un être sentant à ce même sort. Quel autre critère doit permettre d'établir une distinction tranchée ? Est-ce la faculté de raisonner, ou peut-être la faculté de parler ? Mais un cheval ou un chien adulte est un être incomparablement plus rationnel qu'un nourrisson âgé d'un jour, d'une semaine ou même d'un mois - il a aussi plus de conversation. Mais à supposer qu'il n'en soit pas ainsi, qu'en résulterait-il ? La question n'est pas : 'peuvent-ils raisonner ?', ni 'peuvent-ils parler ?', mais 'peuvent-ils souffrir ?'" Jeremy Bentham, Introduction aux principes de la morale et de la législation, chap. XVII (1789)
Le passage se trouve dans un essai qui, par ailleurs, traite de tous autres sujets. Il est cependant devenu incontournable de la littérature sur l'éthique animale, en vertu de ce déplacement : la considération morale envers les animaux ne tourne plus autour de la raison, mais de la sensibilité. Bentham emploie ce qu'on appelle aujourd'hui "l'argument des cas marginaux". Si une capacité comme la parole, par exemple, était un critère pertinent sur lequel fonder la considération morale, nous n'en aurions pas pour les nourrissons dont on ne comprend pourtant pas - ou mal - le babillage. Comme l'écrira Henry Sidgwick, philosophe britannique du XIXe siècle qui s'inscrit dans la pensée utilitariste de Bentham, "la différence de rationalité entre deux espèces d’êtres sensibles ne permet pas d’établir une distinction éthique fondamentale entre leurs douleurs respectives" (The Establishment of Ethical First Principles, Mind, 1879).
À écouter
L'économie du bonheur (1/4) : Dans la peau de Jeremy Bentham
Entendez-vous l'éco ?
59 min
Peter Singer, considérer les intérêts des animaux non-humains
Si l'on suit l'utilitarisme de Bentham, et que l'on considère avec lui que le bonheur est un bien et la souffrance un mal à minimiser, la sensibilité entre dans le champ de la morale. Au XXe siècle, Peter Singer, un philosophe australien et professeur de bioéthique à l'université de Princeton, va appliquer cette théorie pour proposer une véritable "libération des animaux". En tant qu'êtres sensibles, ceux-ci devraient bénéficier d'une égale considération de leurs intérêts :
"Si un être souffre, il n’y a aucune justification morale qui permette de refuser de prendre en considération cette souffrance. Quelle que soit la nature d’un être, le principe d’égalité exige que sa souffrance soit prise en compte de façon égale avec toute souffrance semblable — dans la mesure où des comparaisons approximatives sont possibles — de n’importe quel autre être. Si un être n’a pas la capacité de souffrir, ni de ressentir du plaisir ou du bonheur, alors il n’existe rien à prendre en compte." Peter Singer, La Libération animale (1975)
Pour Peter Singer, les animaux subissent des "discriminations" de la part des êtres humains au nom de la différence des espèces. L'ouvrage décrit de nombreuses situations dans lesquelles la souffrance des "animaux non-humains" n'est pas considérée : expériences en laboratoire où l'on verse du décapant pour four dans les yeux de lapins, élevages intensifs où des veaux sont maintenus malades afin que leur viande reste blanche, etc. Pour le philosophe, cette souffrance infligée est d'autant plus injustifiable qu'elle n'est pas nécessaire : puisque la survie de l'être humain ne dépend pas d'une alimentation carnée, Singer en appelle par exemple au boycott de l'industrie de la viande.
À écouter
L’antispécisme, retour sur une révolution philosophique
La Grande table (2ème partie)
33 min
L'essai est devenu un incontournable de la littérature sur l'exploitation animale. Mais il valut aussi à son auteur antispéciste d'être qualifié par le magazine The New Yorker de "philosophe vivant le plus controversé", d'"homme le plus dangereux du monde" par The Guardian, ou encore le titre de "Professeur de la mort" par The Wall Street Journal, en raison de certaines propositions comme : "S’il faut choisir entre la vie d’un être humain et celle d’un autre animal, nous devons sauver celle de l’humain ; mais il peut y avoir des cas particuliers où l’inverse sera vrai, quand l’être humain en question ne possède pas les capacités d’un humain normal".
Ce n'est pas que le philosophe préfère le chien au bébé - ou si c'est le cas, cela ne guide pas son raisonnement -, mais que, suivant une logique utilitariste et antispéciste, il conteste le caractère sacré de la vie humaine par rapport à celle d'une autre espèce, appelant dès lors à l'égale considération des intérêts des êtres concernés par des décisions éthiques… ce qui n'équivaut pas à une égalité des vies. En quelque sorte, le "droit" de l'être vivant à ne pas souffrir prévaut sur celui de ne pas être tué, comme l'explique le philosophe Jean-Baptiste Jeangène Vilmer :
Singer est un utilitariste qui distribue la considération morale en fonction du critère de la souffrance : il suffit de souffrir pour être patient moral. De ce point de vue, il est également un welfariste, c'est-à-dire que le principe qui est à l'origine de son système est la minimisation de la souffrance, donc la maximisation du bien-être animal (...). Singer n'a pas d'objection de principe d'élever un animal pour le tuer, tant que son bien-être est maximisé, c'est-à-dire s'il est élevé de manière humaine et tué sans douleur - mais il doute que ce soit réalisable et économiquement viable dans nos sociétés. C'est donc par pragmatisme et non par principe qu'il défend le végétarisme. Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Éthique animale (préface de Peter Singer PUF, 2008)
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Mais peut-être Peter Singer ne va-t-il pas encore assez loin. C'est en tout cas ce que pensent les abolitionnistes dont fait partie le professeur américain de philosophie morale Tom Regan, partisan d'une théorie du droit des animaux qui ne viserait pas simplement à améliorer leur sort, mais à abolir, tout bonnement, leur exploitation. Le but n'est pas d'élargir les cages, mais de les vider ! Dans un ouvrage également devenu un classique de l'éthique animale, Les Droits des animaux (1983), Regan dénonce l'insuffisance de la position réformiste qui vise seulement à améliorer le bien-être animal, même considérée comme une étape intermédiaire. "Les pratiques qui ont été abolies, comme l'esclavage, écrit-il, n'ont pas d'abord été réformées."
Alors que Peter Singer veut maximiser le bien-être des animaux en considérant leurs intérêts, Tom Regan veut abolir leur exploitation en leur reconnaissant des droits moraux. S'ils en ont, ce n'est pas en raison de critères comme la rationalité, le langage ou la conscience (critères également écartés par Singer, Bentham et Rousseau), ni même uniquement la capacité de souffrir (Singer), mais parce qu'ils sont des "sujets-d'une-vie" ("subject-of-a-life") :
"[Les animaux] portent au monde le mystère d'une présence psychologique unifiée. Comme nous, ils possèdent différentes capacités sensorielles, cognitives, conatives et volitives. Ils voient et entendent, croient et désirent, se rappellent et anticipent, dressent des plans et ont des intentions. De plus ce qui leur arrive leur importe (…). Pris collectivement, ces états psychologiques et ces dispositions, et bien d'autres encore, nous aident à définir la vie mentale et le bien-être corrélatif de ces sujets-d'une-vie (selon ma terminologie) que nous connaissons mieux sous le nom de ratons laveurs et lapins, castors et bisons, écureuils et chimpanzés, vous et moi." Tom Regan, Les Droits des animaux (1983)
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Comment ajuster le droit à la condition animale ?
Esprit de justice
58 min
Alors que "Peter Singer dit : avoir une considération morale pour un être implique de reconnaître qu'il a des intérêts selon le critère de la sensibilité, Tom Regan dit : attribuer des droits moraux à un être implique de reconnaître qu'il a une valeur inhérente selon le critère du fait d'être sujet-d'une-vie", synthétise Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, toujours dans Ethique animale.
Partant d'un même constat - l'indignation face à la souffrance animale - ces grands textes sont loin de recouvrir toutes les positions philosophiques en matière d'éthique animale. Ils ouvrent cependant la voix aux grandes questions qui l'animent, comme celle de l'outil le plus adapté pour défendre les animaux (la compassion ou la justice), l'utilité d'une réforme pour leur bien-être ou la nécessité de l'abolition pure et simple de l'exploitation animale, ou encore celle du spécisme et de l'antispécisme.
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Protéger les animaux pour se protéger soi-même ?
La Transition
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Références
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L'inconscient qui écrit.
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/12/2024
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Ce que j'écoute quand j'écris.
Rien ne nous appartient dans la création littéraire.
Ni l’inspiration, ni le talent, ni la maîtrise, ni l’euphorie, ni le moindre mot.
Il n’y a pas de liberté quand on s’aventure dans ce territoire.
C’est lui qui dicte ses lois.
Nous sommes les jouets de son humeur et de son immensité.
Qu’il devienne indifférent à notre présence et nous nous égarerons, comme des âmes littéraires en peine, qu’il devienne attentionné et nous nous envolerons dans les hautes sphères.
J’ai longtemps cogné contre les murs de la geôle quand « l’encrier » s’asséchait. Je ne le fais plus.
Maintenant, je sais que les mots continuent à manigancer des histoires en secret, dans ma tête, sans se faire entendre, je sais qu’ils attendent d’être prêts pour jaillir. Je les laisse monter leur spectacle. J’attends que le rideau s’ouvre. Il finit toujours par s’ouvrir. L'inconscient est un faiseur d'histoires, un ajusteur de mots, c'est dans ce gouffre insondable que tout se crée.
L'écrivain prend forme lorsque son humilité laisse l'inconscient remonter à la surface. On ne doit pas "vouloir écrire" mais juste "aimer écrire".
La volonté est un étouffoir de l'inconscient littéraire. L'amour en est le tuteur.
Quand on aime vraiment, on ne s'octroie pas la liberté de l'être aimé. Il en est de même avec les mots. Ils ne nous appartiennent pas. Ils sont comme ces chats de la maison qui passent près de vous sans vous accorder le moindre intérêt et qui parfois viendront se blottir sur vos genoux. On n'oblige pas un chat à s'asseoir sur ses genoux. On n'oblige pas les mots à se coucher sur une feuille.
Ils n'auraient rien de beau à dire.
Et donc, j'écris le quatrième tome d'une histoire qui ne m'appartient pas. Je ne sais pas où elle m'entraîne, je ne connais rien de la suite et j'avance à petits pas, sans aucune inquiétude malgré l'incertitude. je suis entré dans cette confiance absolue parce que je n'ai pas le choix et que j'ai abandonné toute volonté d'écrire.
Il y a vingt ans, je m'obligeais à écrire tous les jours ou toutes les nuits et si je n'écrivais pas, je m'attelais à corriger, à relire, à m'imprégner et avec les années, j'ai pris conscience que ce travail venait d'une inquiétude, d'une tension, d'un doute. Celui de ne pas aller au bout. Celui de perdre le fil, celui d'oublier ce que j'avais construit, celui de ne pas retrouver la trame et tous les détails, celui de trahir mes personnages.
"Mes" personnages. Mais ils ne sont pas à moi. C'est juste qu'ils reprennent vie. Oui, je sais, ça peut paraître absurde, voire totalement ridicule. Mais c'est ainsi que je vis avec eux. Je les accompagne et je ne sais pas où ils vont. Bien sûr que c'est moi qui pose les mots sur l'écran mais je n'ai plus cette prétention de dire que toute leur vie m'appartient. Ils me la racontent. Ce tome 4, je l'ai commencé il y a un an et je ne sais pas ce que les personnages vont devenir. Et si je raconte ça aujourd'hui, c'est parce que les rêves occupent une partie de mes nuits et qu'ils me racontent des événements dont je n'imaginais pas la direction. Et lorsqu'ils surviennent, je réalise que c'est une évidence. Une évidence qui ne m'était pourtant pas venue.
Que se passe-t-il dans cet inconscient ? D'où viennent ces images alors que je ne les ai même pas conçues en phase d'éveil ?
Un jour, il faudra que j'écrive un roman sur ces phénomènes.
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Onfray et l'ignorance des climatosceptiques.
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/12/2024
- 6 commentaires
Oui, je sais, j'avais dit que je ne posterai plus rien sur les chiffres liés au climat. Alors, disons que cette fois, c'est uniquement pour montrer à quel point les climatosceptiques, dont Michel Onfray fait partie, sont à des années lumière du début d'un raisonnement objectif.
“ L'ennui en ce monde, c'est que les imbéciles sont sûr d'eux et les gens censés pleins de doutes…” Bertrand RUSSELL
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Proudhon
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/12/2024
- 0 commentaire
Ces esprits étaient entendus, écoutés,acclamés ou critiqués et conspués mais ils existaient dans la sphère sociale. Aujourd'hui, à l'ère du divertissement, Proudhon, n'aurait strictement aucune chance d'être entendu.
L’hydrologie régénérative
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/12/2024
- 0 commentaire
On a vendu notre maison et on part dans trois mois pour le nord de l'Ardèche. Neuf mille mètres carrés de terrain.
On va pouvoir implanter une petite forêt et comme une source traverse le terrain, on va creuser des canaux en espalier sur la partie en pente et une mare en bas. Tant qu'on aura l'énergie et la force de creuser des trous, on plantera des arbres.
On laisse ici quelques deux-cents arbres qui continueront à grandir.
Charlène Descollonges répare le cycle de l’eau grâce à l’hydrologie régénérative
L’hydrologie régénérative est constituée de deux principes clés. Le premier est le quatuor : ralentir, répartir, infiltrer et stocker l’eau dans le sol, et, le second, de densifier la végétation.
https://lareleveetlapeste.fr/charlene-descollonges-repare-le-cycle-de-leau-grace-a-lhydrologie-regenerative/
Texte: Liza Tourman Photographie: Yannick Perrin 4 décembre 2024
Repenser la gestion des rivières, des eaux pluviales en ville par l’aménagement du territoire, l’activité agricole et/ou forestière afin de réparer les cycles de l’eau. Telle est l’ambition de l’hydrologie régénérative. Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue, nous raconte l’histoire d’un cycle de l’eau régénéré.
Pour une hydrologie régénérative
Charlène Descollonges est ingénieure hydrologue indépendante, co-fondatrice et co-présidente de l’association “Pour une hydrologie régénérative » qu’elle a créée en 2022 avec Simon Ricard et Samuel Bonvoisin, deux ingénieurs spécialisés sur la gestion de l’eau en contexte agricole. Son objectif est de régénérer massivement les cycles de l’eau à l’échelle des bassins versants et des continents.
« On se base sur le recyclage continental de l’eau verte qui est l’eau évapotranspirée par le végétal et qui est recyclée en eau bleue par ce dernier à l’intérieur des continents » précise-t-elle pour La Relève et La Peste.
L’hydrologie régénérative est constituée de deux principes clés. Le premier est le quatuor : ralentir, répartir, infiltrer et stocker l’eau dans le sol, et, le second, de densifier la végétation.
« Ralentir l’eau de pluie qui arrive à la parcelle en l’infiltrant dans les sols pour qu’elle puisse bénéficier à la végétation qui va la recycler en eau bleue. Le tout autour du triptyque : eau, sol, arbre » détaille Charlène Descollonges pour La Relève et La Peste.
« On a largement dégradé ce cycle des eaux verte, bleue et grise. L’eau verte a été profondément perturbée par le changement de la couverture et l’usage des sols causés par la déforestation, l’artificialisation, la transformation de prairies en monocultures. Tout cela affecte la trajectoire de la goutte de pluie qui ne va plus pouvoir s’infiltrer. » prévient Charlène Descollonges pour La Relève et La Peste
La notion d’eau verte est récente et commence à peine à être documentée. Si l’on fait la somme de l’empreinte des eaux verte, bleue et grise, on obtient ce que l’on appelle l’empreinte eau. En France, cette dernière est dominée à 80% par notre empreinte eau verte. Nous nous l’approprions démesurément à travers nos activités agricoles et forestières. Ensuite, nous avons l’empreinte eau bleue, associée à la consommation de l’eau que nous allons prélever et consommer à travers l’irrigation agricole ou l’évaporation des centrales nucléaires en circuit fermé.
« Il y a les impacts des hydrosystèmes : stocker l’eau dans des grands barrages ou des grands ouvrages comme les méga-bassines. Les rivières sont perturbées lorsqu’on les dévie, les canalise ou les enterre, ce qui accélère les flux d’eau en surface, quand on ne les supprime pas. Pour finir, il y a les impacts de l’empreinte eau grise qui sont tous les flux de polluants que l’on émet dans l’environnement et qui terminent dans les hydrosystèmes.
Quand on fait la somme de l’empreinte des eaux bleue, verte et grise à l’année, on est, à l’échelle de l’humanité, à 24 000 milliards de mètres cubes d’eau. C’est comme si on détournait la moitié de tous les fleuves ceux du monde pour notre usage »
Un autre cycle est possible
Un cycle qui allierait activités humaines et ce bien commun si précieux qu’est l’eau. Ce dernier contribuerait à sa régénération plutôt qu’à sa destruction. Certains pays sont des précurseurs en la matière.
« La Slovaquie est le premier pays européen à avoir largement déployé l’hydrologie régénérative sur son territoire. Ils ont axé leur gestion de l’eau en milieu forestier mais aussi agricole et fluvial. Il y a un ouvrage qui nous intéresse beaucoup en France que l’on appelle les “check dams”. Ce sont de petits barrages assez rustiques qui permettent de ralentir les flux d’eau dans les ruisseaux forestiers et la gardent dans des talwegs (ligne de plus grande pente d’une vallée secs, ndlr). Ces ruisseaux ne sont à la base pas considérés comme des cours d’eau puisqu’ils sont intermittents. Ils les réhydratent et créent ainsi des cours d’eau. » explique Charlène Descollonges pour La Relève et La Peste
D’autres ouvrages ont montré leur efficacité et n’attendent qu’à être répliqués à grande échelle. Comme les bassins d’infiltration, des petites cuvettes creusées pour optimiser l’infiltration des eaux de pluie en contexte agricole et forestier. Du côté de l’Australie, de l’Inde ou encore du Mexique, il y a les baissières, des fossés creusés perpendiculairement à la pente pour ralentir les eaux de ruissellement sur les courbes de niveau et où derrière chacune d’entre elles se trouve un bourrelet de terre dans lequel on plante des haies. Des alliances avec le Vivant sont possibles notamment avec une espèce ingénieure bien connue.
« Le castor, 8 millions d’années d’expérience ! Il cohabite avec tout un écosystème que ce soit les végétaux, les zones humides, les truites, les saumons et ses prédateurs. Il s’adapte dans un contexte rivière qui est foisonnant. Ils sont capables de recréer des zones humides, de ré-inonder des plaines et de faire remonter le niveau du cours d’eau, réhydrater la nappe d’accompagnement et d’aggrader le lit de la rivière pour qu’elle puisse s’écouler latéralement. Cela crée ainsi des nouveaux chenaux diversifiés et complexifiant la rivière. » se réjouit Charlène Descollonges pour La Relève et La Peste
Des solutions à portée de mains
Aujourd’hui, l’agroécologie intègre l’approche hydrologie régénérative avec les couverts permanents, les inter-cultures, les engrais verts, les amendements organiques ou encore le biochar. Tout ce qui augmente le taux de matière organique dans un sol permet de mieux stocker l’eau.
Les associations de cultures et les champignons nourrissent les sols et les structures. L’agroforesterie ou l’agriculture syntropique permettent d’optimiser sur des petites surfaces la production autour des arbres. Enfin, on peut citer l’agriculture biologique de conservation des sols qui est l’alliance à priori impossible entre l’agriculture biologique et l’agriculture de conservation.
« Dans mon livre « Agir pour l’eau », j’essaie de faire le lien entre le ralentissement de nos modes de vie et celui du cycle de l’eau. Pomper, consommer, rejeter, canaliser les rivières pour le transport fluvial et artificialiser les sols pour construire des routes pour aller toujours plus vite contribue à son accélération. Pour le ralentir, on doit mettre un frein à nos modes de vie, de consommation, de mobilité. C’est la sobriété. » décrypte Charlène Descollonges pour La Relève et La Peste
Il est possible de s’informer et de se sensibiliser avec le mouvement d’alliance pour le peuple castor (MAPCA) et de prendre soin de nos cours d’eau. Cette association préconise de se mettre en lien avec les services compétents sur la gestion des rivières. Il y a aujourd’hui 1600 techniciens de rivière en France montés en association (ARRA, association rivière Rhône-Alpes Auvergne) qui apprennent ces nouvelles techniques. Pour aller plus loin et sur un plan juridique, le mouvement de reconnaissance des droits des rivières et des fleuves agit afin de les intégrer aux documents d’urbanisme.
Des mesures phares pour opérer le basculement
Selon Charlène, il y a aujourd’hui des actions et des solutions possibles afin de réhydrater nos paysages. A l’échelle nationale, il est possible de réformer la PAC, notamment en interdisant l’usage des pesticides. Dans un premier temps sur les périmètres de captage d’eau potable puis de les étendre par la suite. Toujours selon Charlène, développer massivement les paiements pour services environnementaux (PSE) permettraient des rémunérations intéressantes pour les agriculteurs.
Aux yeux de l’hydrologue, d’autres problématiques sont à prendre en compte pour préserver le cycle de l’eau. « Les questions du nucléaire et de la réouverture des mines de lithium pour assouvir nos besoins en énergie doivent être repensées sous le prisme de la sobriété en passant par la décarbonation de notre mobilité ainsi que de notre industrie » précise-t-elle pour La Relève et La Peste.
Pour Charlène, d’autres pistes accessibles se passent à l’échelle locale. Là où nous créons du lien avec les habitants et les politiques de proximité et aussi où nous avons le pouvoir d’agir sur le terrain de manière efficace et immédiate. Dans ses préconisations : les barrages (parfois mimétiques) de castors, les ouvrages d’hydrologie régénérative cités plus haut. Quant au niveau national, elle préconise l’arrêt de projets comme les méga-bassines ou les grandes infrastructures routières pour aménager le territoire via la mise en œuvre de la loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette).
« Il faut aussi désimperméabiliser les sols en contexte urbain : les parkings, les cours d’école, tous les espaces qui peuvent être re-végétalisés » détaille Charlène Descollonges pour La Relève et La Peste.
Enfin, Charlène Descollonges plaide pour l’éducation des enfants. Certaines associations, comme la Water Family dont l’hydrologue est ambassadrice, font de la sensibilisation dans les écoles autour de l’eau, des rivières ou des zones humides afin d’apprendre à les observer, les comprendre et les protéger.
« Dès le plus jeune âge, ils parlent de l’empreinte eau. C’est génial car quand les enfants rentrent à la maison, ils demandent aux parents de mettre en place des potagers et de choisir une viande issue d’une agriculture locale et biologique par exemple » s’enthousiasme Charlène Descollonges pour La Relève et La Peste.
Sensibiliser les enfants, mais les adultes aussi. Charlène nous confie que même dans des grandes entreprises qu’elle est amenée à côtoyer et qui n’ont pas de modèle régénératif, les lignes bougent. Notamment dans certaines institutions financières avec des personnes qui emploient des termes comme décroître ou décroissance économique. Cela lui donne une note d’espoir malgré un climat ambiant délétère.
« Il y a un proverbe Africain qui dit : on entend l’arbre qui tombe, mais pas la forêt qui pousse. Je pense vraiment qu’une forêt est en train de pousser » conclut-elle d’un ton optimiste.
Un autre monde est possible. Tout comme vivre en harmonie avec le reste du Vivant. Notre équipe de journalistes œuvre partout en France et en Europe pour mettre en lumière celles et ceux qui incarnent leur utopie. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté.
"Se distraire à en mourir"
- Par Thierry LEDRU
- Le 24/12/2024
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"La perversion de la cité commence par la fraude des mots."
Platon
Et lorsque l'usage des mots s'appauvrit, les pensées se fanent, la justesse des propos se dégrade et dans l'esprit de la masse, il ne reste que "l'opinion" ou pire encore la "rumeur".
Se contenter du divertissement, de la futilité, de l'amusement, c'est fermer sur soi le cadenas de l'esprit limité. Et il ne reste qu'une masse manipulable qui se réjouit de l'accumulation de son inconscience.
Neil Postman
Thérèse de Chérisey (Traducteur)Michel Rocard (Préfacier, etc.)EAN : 9782360150144
254 pages
NOVA Editions (15/09/2010)3.89/5 44 notes
Résumé :
L'esprit d'une culture peut se flétrir de deux manières. Dans la première - celle d'Orwell -, la culture devient une prison. Dans la seconde, celle de Huxley la culture devient une caricature. (...) Huxley nous enseigne qu'à une époque de technologie avancée, la dévastation spirituelle risque davantage de venir d'un ennemi au visage souriant que d'un ennemi qui inspire les soupçons et la haine. C'est nous qui avons les yeux sur lui, de notre plein gré. Nul besoin de tyran, ni de grilles, ni de ministre de la Vérité. Quand une population devient folle de fadaises, quand la vie culturelle prend la forme d'une ronde perpétuelle de divertissements, quand les conversations publiques sérieuses deviennent des sortes de babillages, quand, en bref, un peuple devient un auditoire et les affaires publiques un vaudeville, la nation court un grand risque : la mort de la culture la menace."Mayotte, à qui la faute ? "
- Par Thierry LEDRU
- Le 22/12/2024
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Au-delà du drame humain, les catastrophes naturelles ou autres, les phénomènes de grande ampleur, m'intéressent de par l'analyse des manques qui se révèlent et l'analyse des réactions. Ici, encore, il y a beaucoup d'enseignements à retirer.
https://bonpote.com/mayotte-a-qui-la-faute/
Mayotte, à qui la faute?
Publication :
22/12/2024
Mis à jour :
22/12/2024
©Crédit Photographie : TWA
Alors que l’on ne connaît toujours pas le nombre de décès consécutifs au passage du Cyclone Chido, qui a ravagé Mayotte le vendredi 13 décembre 2024, la France semble plongée dans un état de sidération.
Il n’a pas fallu longtemps pour que la classe politique et les piliers de comptoir médiatiques nous gratifient de leurs éléments de langage sur les causes du drame. La recherche des responsabilités, qui devient très vite une chasse au bouc-émissaire, est désespérément banale.
S’il est parfaitement normal de chercher à comprendre les causes du désastre, qu’on veuille donner un sens à l’inacceptable ou qu’on souhaite empêcher qu’une telle catastrophe se reproduise, encore faut-il prendre le temps de mettre à distance l’émotion et la politique politicienne pour regarder ce que les recherches sur la prévention des risques de catastrophes ont produit depuis plus de … 60 ans.
La faute au réchauffement climatique
Le 6e rapport d’évaluation du GIEC indique que le réchauffement climatique intensifie les cyclones, sans pour autant augmenter leur fréquence. Ce fait scientifiquement établi a conduit des activistes du climat à nommer les cyclones du nom des compagnies pétrolières, le réchauffement climatique résultant à 90% des émissions liées à la combustion des énergies fossiles.
Au lendemain de la catastrophe, et avant même la parution des études d’attribution, des voix se sont élevées pour faire de Chido un effet du changement climatique. Au-delà des questions de méthode qui font débat chez les scientifiques, il est faux de poser un lien causal direct entre le réchauffement global et le désastre à Mayotte.
Une catastrophe “naturelle” résulte toujours de la combinaison entre un phénomène physique, appelé aléa, et une situation d’exposition et de vulnérabilité. La vulnérabilité réside conjointement dans la fragilité physique qui rend sensible aux effets de l’aléa et la capacité à lui opposer une réponse appropriée (comportement préventif, mise en sécurité, etc.).
La vulnérabilité et l’exposition résultent d’un système de causes imbriquées, qui interagissent entre elles:
des facteurs conjoncturels comme l’état physique des personnes, la période (jour ou nuit, vacances scolaires, élection), l’existence de crises concomitantes.
des facteurs intermédiaires plus structurels : état du bâti, organisation des secours, état des services de soins, inégalités de développement, exclusion, etc.
des causes profondes qui ne sont pas forcément perçues par les acteurs sociaux et économiques, mais déterminent pourtant les cadres de pensée, d’organisation et d’action : héritages de l’histoire, valeurs et croyances, régimes politiques, système économique.
Depuis la fin du du XIXe siècle, les sciences sociales ont entrepris de “dénaturaliser les catastrophes” en mettant en lumière leurs dimensions sociales et territoriales. C’est ce qui explique par exemple que les conséquences des ouragans Chido et Irma en 2017 soient différentes : 11 morts aux Antilles françaises pour potentiellement plusieurs milliers à Mayotte. Pourtant, comparé à Irma Chido est un “petit” cyclone : 220 km/h contre 320 km/h pour Irma.
Concernant le bâti, Saint-Barthélémy, l’île des milliardaires, n’a subi que des dommages matériels superficiels, alors que Saint-Martin et Mayotte ont été dévastés.
L’aléa n’explique jamais à lui seul la catastrophe : même dans un climat non réchauffé par l’Homme, Chido aurait ravagé l’île. En revanche, dans ce contexte d’extrême vulnérabilité, tout incrément de réchauffement supplémentaire, parce qu’il augmente l’intensité de l’aléa, aggrave le risque, car il accroît la pression sur un système social et territorial déjà très fragile.
La faute aux prévisions et aux prévisionnistes
À chaque catastrophe climatique ressurgit l’idée “qu’on ne pouvait pas prévoir”, ce qui est doublement faux.
Les cyclones ont ceci de particulier que leur trajectoire est difficile à prévoir. Les prévisions ont fortement progressé, grâce aux modèles numériques : la position d’un cyclone peut être prévue 24 heures à l’avance avec une erreur moyenne inférieure à 100 km. Ce temps reste court pour procéder à des évacuations, mais suffisant pour mettre à l’abri les personnes. En outre, c’est la position de l’œil (donc du “mur”) qui compte, sachant que les îles sont petites. Ainsi, le cyclone peut très bien passer au large ou la vitesse des vents être moins forte que dans le pire scénario.
Depuis plus de vingt ans, la quasi-totalité des catastrophes climatiques qui ont affecté les pays développés, qu’on soit en Europe, en Amérique du Nord ou en Asie, ont été correctement prévues. Le problème vient généralement du moment où les autorités décident de donner l’alerte, des messages qui sont transmis aux populations et des moyens qui sont déployés (évacuation, confinement, etc.).
Pour autant, le “qui aurait pu prédire” ne relève pas forcément du pur cynisme. Dans les pays riches, l’absence de catastrophes meurtrières, la confiance dans le progrès technique et la qualité de la gestion de crise, qui ont drastiquement réduit le nombre de morts et des dommages matériels, ont créé une illusion de sécurité absolue, si bien que la catastrophe reste du domaine de l’inimaginable, quand bien même le risque est connu. D’ailleurs, le dernier rapport sur la vulnérabilité de Mayotte en cas de catastrophe naturelle a été produit sous la houlette de l’ex-député LR de Mayotte en mars 2024.
Comme pour le changement climatique, le risque était connu de longue date. La question n’a jamais été de savoir si, mais quand. Mais le désastre est resté inconcevable, car il crée une situation de dissonance cognitive entre la réalité de la menace et les croyances collectives attachées à une modernité qui repose sur le projet cartésien de se rendre “comme maître et possesseur de la nature”.
La faute aux victimes
Depuis plusieurs années monte un discours qui impute aux victimes la responsabilité de leur sort. Certains commentateurs médiatiques l’ont poussé jusqu’à l’abjection en expliquant que certaines l’avaient bien cherché, et ouvrir ainsi la fenêtre d’Overton sur la hiérarchisation des morts.
Le transfert de la culpabilité sur les victimes s’est nourri de la relecture de la notion de résilience par l’idéologie néolibérale, qui met en avant la liberté de choix et d’action des individus. L’autonomie, les capacités d’auto-organisation, l’accent porté sur l’action individuelle sont inhérents à la notion de résilience qui entre ainsi en écho avec les valeurs portées par le néolibéralisme. Ce dernier s’est ainsi réapproprié la résilience, pour transférer sur les individus le coût et la responsabilité morale et juridique de leur sécurité.
L’identification de la vulnérabilité comme composante du risque a conduit à revoir la place des comportements individuels qui concourent, en amont des crises, à la prévention des risques de catastrophes. La recherche a montré qu’il était indispensable de développer des capacités de réponse des individus en cas de crise. Les politiques de réduction des catastrophes naturelles ont alors promu la “culture du risque”, fondée sur la mémoire, la sensibilisation, la connaissance des comportements appropriés et la préparation aux situations d’urgence. Cette dernière est d’autant plus importante dans les territoires insulaires que l’éloignement et l’isolement empêchent l’arrivée immédiate des secours. Aux Antilles françaises par exemple, la Croix-Rouge déploie le plan “72h autonomie” en cas de séismes pour augmenter la résilience des populations.
Selon la loi française, chaque citoyen doit être acteur de sa sécurité. Cela ne signifie pas que chaque citoyen peut être acteur. En effet, la capacité de réponse dépend de la combinaison singulière entre les caractéristiques de la personne, du groupe, du bien matériel ou de la fonction qu’on considère, des ressources, moyens et capitaux à sa disposition et des structures et modes d’organisation collectifs. Elle ne relève donc pas des seuls individus et fluctue dans le temps.
Comme pour le climat, l’action individuelle n’est possible que si les structures collectives garantissent l’existence, l’accès et le maintien dans le temps des ressources nécessaires à cette action. À cet égard, le discours qui assigne les vulnérables à leur condition et en fait des victimes passives, en niant leur liberté de choix et leurs capacités d’apprentissage, ne vaut pas mieux que celui qui occulte les dimensions collectives indispensables à l’action individuelle.
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La faute à l’immigration
Au cours des quarante dernières années, Mayotte a connu une très forte croissance démographique, alimentée par une immigration clandestine massive et incontrôlée, comme le rappelle Fahad Idaroussi Tsimanda dans sa thèse qui étudie la vulnérabilité des migrants comoriens. Les migrants viennent, pour l’essentiel, des îles voisines, Comores et Madagascar et de la région des grands lacs africain. Souvent en situation irrégulière et sans ressources économiques viables, ils rejoignent les bidonvilles, formes d’habitat précaire informel et souvent illégal, qui s’étalent sur des collines fortement exposées aux aléas naturels (cyclones, mouvements de terrains, séismes).
L’immigration clandestine est à l’origine de fortes tensions sociales au sein de l’archipel. Malgré la départementalisation, qui a fait en 2011 de Mayotte le 101e département français, et les promesses des gouvernements successifs, et bien que Mayotte ait l’un des PIB par habitant les plus élevés de la région, la moitié de la population vit avec moins de 260 euros par mois, soit 6 fois moins que dans l’hexagone et 3 fois moins qu’en Guyane. Parmi les plus pauvres, une majorité est née à l’étranger et est en situation irrégulière.
Comme le soulignait en 2023 FI Tsimanda, la croissance démographique rapide, qui se nourrit de l’immigration, a des conséquences lourdes pour les Mahorais : insécurité liées à la présence de gangs et de bandes rivales, situation sanitaire dégradée avec une épidémie de choléra qui s’est déclarée au printemps 2024, services publics saturés et insuffisants, habitat dégradé, pressions sur la ressource en eau avec des pénuries accrues par des sécheresses qui augmentent et s’intensifient avec le réchauffement climatique. Les tensions intercommunautaires s’expriment dans des mouvements comme les « coupeurs de route » initiés par des Comoriens et les décasages initiés par des Mahorais.
Les migrants en situation irrégulière cumulent les facteurs de vulnérabilité. La grande pauvreté, aggravée par l’absence de travail formel et l’irrégularité de leurs revenus, les contraint à gagner les bidonvilles. Cette population est jeune, avec des taux élevés de fécondité. Elle compte beaucoup d’enfants en bas âge et de jeunes nés à Mayotte de parents étrangers. On compte aussi beaucoup de mineurs isolés. La barrière de la langue et la peur d’être expulsé fragilisent les migrants sans papiers en cas d’alerte : les messages en français n’ont pas été reçus et de nombreux clandestins ont craint de rejoindre les abris.
En comparaison, l’île de Saint-Martin accueille aussi des migrants sans papiers, notamment Haïtiens, qui rejoignent les bidonvilles littoraux. Ces derniers ont été totalement détruits par Irma en 2017, sans que le nombre de victimes n’y soit analogue. Bien mieux intégrés car indispensables aux activités touristiques de l’Île, ces migrants ont en effet pu se réfugier sans crainte dans les abris.
Occulter le poids de l’immigration clandestine dans la trajectoire démographique et socio-économique de l’île est une erreur d’analyse et une faute politique, qui nourrit le ressentiment des Mahorais. Mais faire de l’immigration une cause de la catastrophe est tout aussi infondé. Ce n’est pas la migration en soi qui est un facteur de vulnérabilité, mais l’incapacité à accueillir dignement les migrants et à réduire les inégalités de développement régionales à l’origine des migrations.
La faute au racisme
En 2005, lorsque l’ouragan Katrina frappe la Nouvelle-Orléans, beaucoup d’observateurs font du racisme la clé d’explication du désastre. Les travaux de recherche de Julie Hernandez ont pourtant produit des analyses bien plus nuancée. En Louisiane, le racisme à l’encontre des populations afro-américaines s’exprime encore aujourd’hui de façon structurelle et systémique. Au moment de Katrina, le racisme a joué au niveau de l’État fédéral, notamment dans les prises de parole de Georges Bush et son épouse à propos des réfugiés noirs qui avaient réussi à fuir au Texas. Il a également été très présent dans le récit que les médias ont produit, y compris de manière inconsciente, sur la catastrophe. Ainsi, les photographies montrant des Noirs qui allaient chercher de la nourriture dans la ville inondée étaient légendées par les termes de voleurs ou de pillards, alors que lorsqu’ils s’agissaient de Blancs, elles parlaient de personnes tentant d’assurer la survie de leur famille.
Il ne s’agit donc pas de nier le racisme. Mais la catastrophe elle-même ne résiste pas à une lecture raciale. Quelle que soit l’origine ethnique des victimes, c’est d’abord la pauvreté qui a joué : les riches, qu’ils soient noirs, blancs ou latinos ont évacué la ville, alors que les pauvres, y compris les Blancs, y sont restés prisonniers. De même, alors que les quartiers riches, situés en bordure du Lac Ponchartrain, ont été les plus inondés, la plupart des victimes se trouvent dans les quartiers pauvres. Ces quartiers pauvres sont majoritairement noirs, du fait de la composition ethno-raciale de la ville et parce qu’il existe une corrélation forte entre pauvreté et couleur de la peau, du fait des discriminations historiques à l’encontre des populations afro-américaines, mais ils abritaient aussi des Blancs, des Latinos et des minorités issues des diasporas asiatiques.
Ainsi, en faisant du racisme le déterminant de la catastrophe, on confond la cause et la conséquence. La vulnérabilité s’enracine dans les inégalités de développement, qui découlent en partie des discriminations attachées au racisme, mais en partie seulement. Il ne s’agit pas de nier le racisme plus ou moins conscient et volontaire de certains discours, mais d’analyser correctement la fabrique de la vulnérabilité pour espérer la réduire.
La faute à la colonisation
La compréhension de la vulnérabilité s’est enrichie des apports des courants post-coloniaux, qui ont montré la construction historique de certains mécanismes générateurs d’inégalités. La prise en compte des héritages de la colonisation ont été particulièrement éclairants pour comprendre les sous-jacents des organisations sociales, politiques et territoriales à l’origine de l’extrême vulnérabilité, dans le cas des catastrophes qui ont frappé Haïti ou la Caraïbe ces deux dernières décennies.
Pour autant, nier le rôle des héritages historiques est tout aussi absurde que d’en faire l’alpha et l’oméga de la situation à Mayotte. Le processus de décolonisation de l’archipel est complexe. Il s’inscrit dans un contexte géopolitique particulier, qui s’accommode mal des raccourcis et des anachronismes. C’est justement parce que Mayotte a connu un développement socio-économique rapide, après l’indépendance des Comores de 1975, que s’est instauré un déséquilibre à l’échelle régionale, alors même que l’écart de développement avec les autres régions françaises n’a pas été comblé.
En particulier, le chantier de « rattrapage des autres départements français » mis en place au tournant des années 2000 afin de préparer la départementalisation, reposait sur un processus politique, administratif et technique de transformation des institutions mahoraises. Des efforts importants ont été déployés pour moderniser les infrastructures, de santé ou d’enseignement. Cette politique de développement exogène a évidemment eu des conséquences sur les structures socio-territoriales mahoraises, accentuées par la rapidité du processus, du fait du déséquilibre socio-économique régional créé. Il est à l’origine de la trajectoire démographique et du creusement des inégalités au sein de l’archipel, ces deux facteurs ayant contribué à exacerber les vulnérabilités.
Par conséquent, lire la trajectoire de vulnérabilité de l’archipel au seul prisme de la colonisation revient à nier les choix des Mahorais et les étapes qui ont accompagné l’indépendance du territoire. C’est aussi détourner le regard des acteurs politiques du reste de la région.
Alors, à qui la faute ?
Chaque désastre est devenu une opportunité pour faire triompher ses valeurs, son idéologie et ses convictions, quitte à se livrer parfois à une instrumentalisation écœurante.
S’appuyer sur les résultats de la recherche est essentiel pour prévenir les catastrophes. Et la recherche montre qu’il est faux de retenir un facteur explicatif unique pour expliquer les désastres. Ceux-ci s’enracinent dans un système de causalité complexe.
Plaquer coûte que coûte des cadres interprétatifs théoriques sur des situations singulières est la meilleure façon de s’interdire de comprendre la fabrique des vulnérabilités et d’agir efficacement. C’est assigner les vulnérables à leur condition de victimes et les condamner à subir encore et encore des crises. C’est remplacer les injonctions normatives et moralisatrices contre lesquelles on prétend lutter, par d’autres formes de normativité tout aussi délétères. Paresse intellectuelle, cynisme ou naïveté, peu importe. Les victimes n’ont pas besoin de ça.