Blog

  • L'amnésie environnementale (2)

     

    La suite d'un ancien article à retrouver ici : L'amnésie environnementale

    EnquêteNature

    L’amnésie environnementale, clé ignorée de la destruction du monde

     

    https://reporterre.net/L-amnesie-environnementale-cle-ignoree-de-la-destruction-du-monde

    L'amnésie environnementale, clé ignorée de la destruction du monde

    Le climat se réchauffe, la biodiversité s’effondre, mais il est pourtant difficile de prendre conscience de l’ampleur de la crise environnementale. La raison ? Notre amnésie environnementale. Analyse d’un mécanisme psychologique essentiel mais ignoré.

    En fermant les yeux, on pourrait presque avoir l’impression d’être à la campagne. À une dizaine de mètres de la route principale, on peut encore entendre quelques grillons chanter dans les herbes hautes qui ont survécu à l’asphalte. De rares chardons griffent les pieds des passants. Le passage d’un poids lourd ou le bruit strident d’un avion au décollage ramènent cependant rapidement les visiteurs de la zone d’aménagement concerté (ZAC) des Tulipes à la réalité. Située dans le Val-d’Oise, à quelques kilomètres de l’aéroport du Bourget, cette zone industrielle s’étend sur près de 80 hectares. D’immenses entrepôts grillagés s’y étalent à perte de vue, entrecoupés par de longues artères bétonnés. Seul le ballet des camions et des voitures brise la monotonie du lieu.

    Il y a un demi-siècle, l’aspect de ce terrain, situé à cheval entre Gonesse et Bonneuil-en-France, était pourtant bien différent. Un habitant de la commune voisine de Villiers-le-Bel, âgé de 64 ans, se rappelle les « millions et millions de tulipes » qui y poussaient dans son enfance. Avant que ces champs ne soient recouverts de bureaux et de bâtiments logistiques, il allait souvent y cueillir des fleurs, ou jouer à attraper des musaraignes. Mireille et son mari, artisans traiteurs à Gonesse, se souviennent également avec émotion de cette époque. « C’était impressionnant, raconte Jacques. À mon arrivée en 1979, ça m’avait fait drôle de voir des tulipes partout. » Des plantations de fleurs sur lesquelles elle a été construite, la ZAC n’a gardé que le nom. En à peine deux générations, ces champs de tulipes ont complètement disparu de la mémoire collective des riverains. À Gonesse, la plupart des adultes ont seulement vaguement entendu parler de cette période. Les adolescents, quant à eux, expliquent « ne rien savoir » sur le passé agricole de la ZAC.

    La ZAC des Tulipes, à Gonesse.

    Cet oubli progressif de l’histoire environnementale des environs de Gonesse s’apparente à ce que le psychologue américain Peter H. Kahn nomme « l’amnésie environnementale », c’est-à-dire l’acclimatation des êtres humains, au fil des générations, à la dégradation de leur environnement. Au fur et à mesure que nos relations avec le vivant s’étiolent, nous l’intégrons de moins en moins dans notre cadre de référence. Nous finissons ainsi par considérer comme « normal » un état de dégradation environnemental avancé, explique Anne-Caroline Prévot, directrice de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et biologiste de la conservation au Muséum national d’histoire naturelle. Le biologiste marin Daniel Pauly parle quant à lui de « syndrome de la référence changeante ». Il a forgé ce concept en 1995 après avoir remarqué que les chercheurs spécialistes de la pêche prenaient comme référence scientifique la taille et la composition du stock de poissons du début de leur carrière. « Chaque génération de chercheurs oubliait que cet état qu’elle considérait comme normal était déjà dégradé par rapport aux générations précédentes, ce qui avait comme conséquence d’empêcher une prise de conscience globale de l’érosion de la biodiversité marine », précise Anne-Caroline Prévot, directrice de recherche au CNRS.

    La zone industrielle des Tulipes s’étend sur près de 80 hectares.

    On cultivait des roses à Fontenay-aux-Roses, des pêches à Montreuil, des ananas dans les serres du château de Choisy-le-Roi…

    En région parisienne, par exemple, un grand nombre de territoires fortement urbanisés étaient autrefois des hauts lieux de l’agriculture française. Au 18e siècle, explique Jan Synowiecki, historien et auteur d’une thèse sur l’histoire environnementale de Paris à l’époque moderne, « le paysage était majoritairement rural et alternait entre des espaces de céréaliculture, des villages, des pépinières et des jardins potagers ». On cultivait des roses à Fontenay-aux-Roses, des pêches à Montreuil, des ananas dans les serres du château de Choisy-le-Roi… « Les environs de Paris étaient remplis de pépinières. On y commercialisait des graines et du végétal de façon massive, qui approvisionnaient ensuite tout le royaume de France. » Les espaces de nature productive ont progressivement régressé à Paris et en proche banlieue tout au long du 19e siècle. Comme le rappelle Thomas Cormier, urbaniste à l’Institut Paris Région, l’urbanisation de la région parisienne, qui a commencé en 1920 et s’est fortement accélérée dans les années 1950, a progressivement eu raison de la majorité des espaces agricoles. Au fil du temps, ces derniers ont disparu de notre mémoire collective. Peu de Franciliens se rappellent que l’on pouvait autrefois chasser la bécassine dans le quartier du Marais, ou entendre des oiseaux chanter dans les champs de blé de la Butte-aux-Cailles. « Ces références font désormais partie du folklore, analyse Philippe J. Dubois, ornithologue et auteur de La grande amnésie écologique (éd. Delachaux et Niestlé, 2015). On finit par oublier que ces territoires étaient autrefois bien plus riches en biodiversité. »

    Les murs à pêches à Montreuil (Île-de-France) au début du 20e siècle.

    Cette amnésie tient avant tout au manque de transmission de notre mémoire environnementale, selon Philippe J. Dubois. Il évoque l’exemple d’un ingénieur agronome franc-comtois qu’il a rencontré au cours de ses recherches. Fils et petit-fils d’agriculteur, il ignorait tout de la fémeline, une race de vaches pourtant emblématique de la région, aujourd’hui disparue. Son grand-père, qui avait dû bien la connaître, n’en avait probablement jamais parlé à ses descendants. « En seulement deux générations, la fémeline avait totalement disparu de la mémoire collective », déplore-t-il. Selon lui, les individus ayant un contact intime avec le vivant sont parfois trop accablés par les changements qu’ils observent pour en parler à leurs enfants. Résultat : nous oublions peu à peu des éléments constitutifs de notre environnement, accélérant ainsi sans le vouloir sa dégradation.

    On peut ne pas remarquer que les hirondelles que l’on voyait dans notre enfance ont disparu

    L’amnésie environnementale n’est pas uniquement générationnelle : nous pouvons également en souffrir sur des échelles de temps beaucoup plus courtes, selon Philippe J. Dubois. En seulement quelques dizaines d’années, nous pouvons nous accommoder de la disparation de ce qui faisait notre environnement proche. Cela tient au fonctionnement de notre cerveau, selon le chercheur. « À l’image d’un ordinateur, notre cerveau fait continuellement des mises à jour de notre perception du monde en écrasant la version précédente. Si l’on n’est pas très attentif au vivant et à ses évolutions, on peut très vite oublier ce à quoi il ressemblait. »

    Une zone industrielle a remplacé les champs de tulipes.

    Si l’on n’a jamais vraiment prêté attention aux autres êtres vivants, par exemple, on peut ne pas remarquer que les hirondelles que l’on voyait dans notre enfance ont disparu, explique le chercheur. Le culte que notre société voue à l’immédiateté joue également contre notre mémoire : « Nous n’avons plus le temps de fixer notre attention sur des éléments qui montrent que les choses changent. On le voit avec le réchauffement climatique : les canicules sont toujours perçues comme exceptionnelles, alors qu’elles se multiplient depuis plusieurs années. »

    Afin de lutter contre l’oubli, l’importance d’« entrer en expérience avec la nature »

    L’amnésie environnementale a pourtant des conséquences « terrifiantes », selon les mots de Philippe J. Dubois. D’abord parce qu’elles nous rend indifférents à la dégradation de nos relations avec le vivant, et donc de notre qualité de vie, mais également parce qu’elle étouffe toute possibilité de changement, selon Anne-Caroline Prévot. « Si les communautés humaines ne pensent pas que la dégradation de l’environnement est importante car elles n’y font pas attention, il n’y a pas de raison que les politiques ou les institutions s’en chargent », explique-t-elle.

    «  L’éducation à l’environnement est primordiale.  »

    Afin de lutter contre cet oubli et ses effets délétères, la biologiste souligne l’importance de ce qu’elle appelle « entrer en expérience avec la nature » : « Il est important de prendre conscience de la relation que l’on a et que l’on a envie d’avoir avec la nature, d’en parler et de partager ses souvenirs. » « L’éducation à l’environnement est primordiale, ajoute Philippe J. Dubois. Elle devrait être une discipline à part entière, enseignée dès la maternelle. » Selon lui, renforcer l’éducation à l’environnement au sein des écoles pourrait permettre aux plus jeunes « d’ouvrir les yeux » sur le reste du vivant, et ainsi d’éviter qu’ils ne deviennent amnésiques. Accorder davantage d’importance à l’histoire de la biodiversité et de notre relation au monde est également essentiel, selon lui, « afin d’éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets ». Il ne s’agit pas uniquement, selon le chercheur, d’affubler les territoires dégradés de noms faisant allusion à leur passé, mais de conserver des traces concrètes de leur richesse environnementale. À la ZAC des Tulipes, par exemple, trop peu d’éléments permettent aux jeunes générations de se faire une idée de l’aspect historique de la région, et donc d’imaginer une alternative à ces alignements d’entrepôts sans âme : « Ce qu’il aurait fallu, c’est garder un petit bout de champ, qui aurait pu montrer qu’il s’agissait auparavant d’un lieu de culture de tulipes. »

    Prendre conscience de notre amnésie environnementale et de la dégradation historique du vivant peut être difficile à vivre, prévient Philippe Dubois. Elle conduit souvent à éprouver de la solastalgie, c’est à dire le sentiment douloureux de se trouver dans un environnement qui n’est plus le sien. Cette expérience est pourtant essentielle, selon le chercheur. « C’est en ayant des connaissances sur le passé que l’on peut prendre des bonnes mesures, préserver ce qui est préservable et éviter l’effondrement du vivant. La nature est comme un tsunami : la grande vague destructrice est souvent précédée de petites vagues annonciatrices. Si l’on oublie notre passé environnemental, le réveil sera d’autant plus difficile. »

  • Economie de guerre

    Pour bien comprendre dans quoi nous sommes entrés.

     

    Aux Forges de Tarbes, les commandes européennes dopent la fabrication d'obus

    information fournie par AFP •17/03/2025 à 19:43

    Un salarié fabrique des corps d'obus aux Forges de Tarbes, le 17 mars 2025 ( AFP / Ed JONES )

    Un salarié fabrique des corps d'obus aux Forges de Tarbes, le 17 mars 2025 ( AFP / Ed JONES )

    Les Forges de Tarbes, au bord de la liquidation en 2021, ploient sous les commandes, avec comme principal enjeu, augmenter la cadence de production des corps d'obus de 155 mm destinés à l'Ukraine et au réarmement des forces européennes.

    A Tarbes, sur le site de la société française Europlasma qui y emploie 80 salariés, l'objectif est de doubler le volume de production. C'est le seul centre de production en France de ces corps creux, qui sont ensuite envoyés à la société KNDS (ex-Nexter) qui dote les obus de leur charge explosive.

    "Nous sommes passés d'une production quasi à l'arrêt en 2022 à pas loin de 60.000 corps d'obus en 2024. En ce moment, notre rythme hebdomadaire est de 2.000 obus par semaine et on a l'ambition à la fin de l'année d'en produire 15.000 par mois", précise à l'AFP Jérôme Garnache-Creuillot, PDG d'Europlasma.

    Les Russes, eux, produisent 50.000 obus par jour, observe-t-il à titre indicatif.

    A Tarbes, Europlasma fabrique des obus de "155 mm standard Otan" et de "152 mm standard Pacte de Varsovie" pour des pays de l'est.

    - Pas seulement en Ukraine -

    La guerre en Ukraine depuis 2022 et les récents projets de réarmement européen invitent les industriels à redimensionner leur outil de production.

    Des corps d'obus entreposés dans les "Forges de Tarbes" le 17 mars 2025 ( AFP / Ed JONES )

    Des corps d'obus entreposés dans les "Forges de Tarbes" le 17 mars 2025 ( AFP / Ed JONES )

    Les obus pour l'Ukraine représentent une part importante de la production, mais l'activité ne dépend pas seulement du conflit entre Moscou et Kiev. Europlasma fait savoir qu'un des derniers contrats signés l'a été avec la République tchèque, pour 50.000 corps d'obus, dont 31.000 à livrer en 2025.

    La capacité des Forges de Tarbes pourra être poussée au maximum à 20.000 obus par jour, estime le PDG d'Europlasma. Ces projectiles sont utilisés par les canons français Caesar qui se sont imposés sur le champ de bataille ukrainien contre la Russie.

    "L'idée c'est de produire aux Forges de Tarbes et demain, d'être en mesure de fabriquer des obus de gros calibre à Valdunes", dans le département du Nord, où Europlasma a racheté en 2024 le dernier fabricant français de roues de trains, en faillite.

    L'entreprise est par ailleurs candidate à la reprise des Fonderies de Bretagne, sous-traitant du groupe automobile Renault implanté à Caudan (Morbihan), où elle envisage de produire chaque jour plus de 20.000 obus de moyen calibre (120 mm). "On pense que cela peut élargir la gamme de produits et capitaliser sur le modèle de l'industrie automobile", explique M. Garnache-Creuillot. "Avec le monde de l'auto, on a accès à des lignes de production automatisées, on change d'échelle. D'un point de vue stratégique, il y a un vrai enjeu".

    - Main d'oeuvre rare -

    Aujourd'hui, pour monter en puissance, les Forges de Tarbes se heurtent à des difficultés de recrutement et d'acquisition de machines-outils.

    "On a du mal à trouver de la main d'oeuvre qualifiée ou très qualifiée, on manque de chaudronniers, de forgerons, de soudeurs", regrette le PDG d'Europlasma.

    Pour les machines et les moules permettant de fabriquer les ogives, ce sont surtout les délais de livraison qui sont en cause, souvent doublés en ces temps de forte demande.

    Depuis le début du conflit, la France a livré 30.000 obus de ce type à Kiev, et l'objectif pour 2025 est d'en livrer 80.000 unités, indiquait le ministère français des Armées en janvier.

    "Il nous faut une augmentation très rapide des capacités de défense européennes. Et il nous la faut maintenant!" a lancé mardi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen devant le Parlement européen à Strasbourg.

    L'Europe produit désormais près de deux millions d'obus par an, contre 300.000 à 400.000 avant la guerre en Ukraine, observe Léo Peria-Peigné, spécialiste de l'armement et de l'industrie de défense à l'Institut français des relations internationales (IFRI). "Il y a une volonté de montée en puissance qui est énorme. La demande est potentiellement forte, si on passe du discours aux actes, les besoins vont augmenter", estime le chercheur.

  • Dévorer la terre

    Le zircon est utilisé dans l'industrie nucléaire.

    L'ilménite est utilisé en sidérurgie.

    Le rutile est utilisé comme source de titane métallique avec une large gamme d'applications dans des industries telles que l'aérospatiale, l'automobile, l'électronique et les dispositifs médicaux.

    Je donne ces précisions pour bien comprendre pour quelles raisons l'extractivisme ne sera jamais arrêté, quelles qu'en soient les conséquences.

    Et si les habitants de cette région du Sénégal ne parviennent plus à produire les fruits et légumes traditionnels, ils iront les acheter en magasins. Et tous les marchands seront contents...

     

    Et toujours cet argument de la création d'emplois et des retombées économiques. Je ne nie pas les besoins financiers de ce pays. Je précise juste que cet argument sera toujours prioritaire.

    Un moratoire, "cela voudrait dire 2.000 personnes au chômage et l'arrêt des retombées économiques pour l'Etat du Sénégal: ce serait irresponsable alors que le pays a vraiment besoin de se développer", estime-t-il. Frédéric Zanklan, directeur de Eramet Grande Côte.

     

    Au Sénégal, les machines géantes d'un groupe minier français avalent terres et désert

     

    information fournie par AFP •17/03/2025 à 18:16

    Vue aérienne de l'usine flottante et des installations de Eramet Grande côte (EGC), filiale du groupe minier français Eramet, exploitant une concession le sable minéralisé du désert de Lompoul, dans le nord du Sénégal, le 11 février 2025 ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    Vue aérienne de l'usine flottante et des installations de Eramet Grande côte (EGC), filiale du groupe minier français Eramet, exploitant une concession le sable minéralisé du désert de Lompoul, dans le nord du Sénégal, le 11 février 2025 ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    Dans un vacarme assourdissant, la "plus grosse drague minière au monde" et la gigantesque usine flottante d'un groupe minier français fendent les dunes du singulier désert de Lompoul, au Sénégal, une vision digne du film "Dune".

    Vingt-quatre heures sur 24, les deux machines géantes aspirent le précieux sable minéralisé des dunes de ce désert. Auparavant, elles ont avalé celui contenu dans des terres agricoles fertiles avoisinantes, qui produisent la majorité des légumes frais consommés au Sénégal.

    La drague mobile se déplace avec l'usine flottante sur un bassin d'eau artificiel long d'un demi kilomètre, aspirant 7.000 tonnes par heure de sable brut et d'eau mélangés, une eau pompée à plus de 450 mètres de profondeur.

    Cette mine colossale et itinérante du groupe minier français Eramet a causé depuis 2014 le déplacement de milliers d'habitants et paysans dans cette région agricole aux écosystèmes fragiles.

    Elle a aussi engouffré des kilomètres de terres le long de la côte atlantique de ce pays - l'impressionnant tracé de l'avancée de la mine étant visible depuis l'espace.

    C'est l'histoire d'"un désespoir et d'une désillusion qu'on a eu avec ce projet", lance à l'AFP Gora Gaye, 47 ans, maire de la communauté rurale de Diokoul Diawrigne, qui englobe le magnifique désert de Lompoul, l'un des plus petits au monde, un écosystème unique de dunes balayées par la brise de l'océan.

    Vue de la plus grosse drague minière au monde utilisée par Eramet Grande Côte (EGC), filiale du groupe minier français Eramet, exploitant sur une concession de sable minéralisé des dunes du désert de Lompoul, dans le nord du Sénégal, le 11 février 2025 ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    Vue de la plus grosse drague minière au monde utilisée par Eramet Grande Côte (EGC), filiale du groupe minier français Eramet, exploitant sur une concession de sable minéralisé des dunes du désert de Lompoul, dans le nord du Sénégal, le 11 février 2025 ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    Cet atout d'écotourisme dans ce pays en partie sahélien est actuellement défiguré par la mine.

    Depuis 2014, le groupe minier exploite ces dunes - utilisant la "plus grosse drague minière au monde" selon Eramet - pour en extraire les minéraux (zircon, ilménite, rutile et leucoxène), exportés à travers le monde pour le marché du bâtiment et ses dérivés, la métallurgie, la céramique.

    Une équipe de l'AFP a eu un accès rare aux installations de la mine, composée de la drague, de l'usine flottante de séparation des sables minéralisés et non minéralisés, d'une autre usine séparant les différents minerais par tri magnétique et électrostatique, d'un tronçon de chemin de fer privé jusqu'au port de Dakar, de logements, bureaux, routes sillonnées de véhicules 4X4, dénotant avec le calme de cette région arpentée par les dromadaires, les vipères et les oiseaux marins.

    Pendant des années, le sort des villageois déplacés et leur mobilisation dénonçant un accaparement des terres et un système de compensation "dérisoire" ont été peu écoutés, voire étouffés, à la faveur d'autorités locales et nationales complaisantes, dénoncent les détracteurs de la mine.

    - Écosystème unique -

    Mais la controverse a récemment pris une ampleur nationale quand la mine est entrée dans la zone du désert de Lompoul (nord).

    Montage daté du 13 mars 2025 montrant une image satellite distribuée par Landsat  USGS Data 2025, prise le 27 avril 2014 (g) et une image satellite distribuée par Copernicus Sentinal Data 2025 (d), prise le 7 mars 2025, montrant le tracé de la mine du groupe minier français Eramet ( LANDSAT USGS DATA 2025 / - )

    Montage daté du 13 mars 2025 montrant une image satellite distribuée par Landsat USGS Data 2025, prise le 27 avril 2014 (g) et une image satellite distribuée par Copernicus Sentinal Data 2025 (d), prise le 7 mars 2025, montrant le tracé de la mine du groupe minier français Eramet ( LANDSAT USGS DATA 2025 / - )

    Se joignant aux paysans, des élus locaux et entrepreneurs notamment dans le tourisme ont dénoncé vivement l'impact de ces activités.

    Fin janvier, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye lui-même a fait des déclarations fortes en Conseil des ministres au sujet de l'industrie extractive. "L'exploitation des ressources minières dans plusieurs localités du pays ne participe pas activement au développement territorial et ne profite pas aux populations locales", a-t-il lancé.

    Lors du Conseil du 12 mars, il a donné des directives à ses ministres sur la "transparence dans la gouvernance des ressources naturelles", leur demandant de "veiller à la gestion optimale des impacts environnementaux et sociaux de l'exploitation minière et pétrolière sur le bien-être des populations".

    Se réclamant du souverainisme et élu en 2024 sur un agenda de rupture avec les pratiques du passé, le nouveau pouvoir au Sénégal est scruté sur d'éventuelles décisions concernant les activités d'EGC.

    Vue aérienne de l'usine flottante reliée à la "plus grosse drague minière au monde" de Eramet Grande côte (EGC), filiale au Sénégal du groupe minier français Eramet, exploitant sur une concession le sable minéralisé du désert de Lompoul, dans le nord du Sénégal, le 11 février 2025 ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    Vue aérienne de l'usine flottante reliée à la "plus grosse drague minière au monde" de Eramet Grande côte (EGC), filiale au Sénégal du groupe minier français Eramet, exploitant sur une concession le sable minéralisé du désert de Lompoul, dans le nord du Sénégal, le 11 février 2025 ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    C'est en 2004 que les autorités sénégalaises en place à l'époque ont accordé au groupe minier - détenu à 27% par l'Etat français et 4ème producteur mondial de zircon - cette concession pour y exploiter ce convoité sable minéralisé.

    L'Etat du Sénégal détient 10% du capital de la filiale sénégalaise d'Eramet, Grande Côte Opérations (GCO), renommée depuis Eramet Grande Côte (EGC).

    "La mine, elle avance; le sort des personnes quand la mine est passée ce n'est plus le problème" d'Eramet, estime Cheikh Yves Jacquemain, hôtelier franco-sénégalais et propriétaire d'un écolodge de tentes traditionnelles dans le désert.

    A 150 mètres seulement de son campement, les deux machines tournent à plein régime. Parmi les sept sites d'hébergement touristique de Lompoul, six ont accepté le dédommagement de EGC ou une relocalisation. M. Jacquemain est toujours en négociation avec EGC pour obtenir des compensations financières "justes", pour lui et ses 40 employés.

    Le groupe minier est accusé de "dégrader les dunes et les sols", de "menacer les ressources hydriques", ainsi que la sécurité alimentaire et les activités économiques.

    Une habitante du village des "recasés" de Foth, le 11 février 2025, déplacée par l'exploitation minière menée dans le nord du Sénégal, sur une concession accordée par l'Etat sénagalais au groupe minier français Eramet ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    Une habitante du village des "recasés" de Foth, le 11 février 2025, déplacée par l'exploitation minière menée dans le nord du Sénégal, sur une concession accordée par l'Etat sénagalais au groupe minier français Eramet ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    Des communautés pointent une détérioration de leurs conditions de vie. L'une des récriminations est un système d'indemnisation jugé "dérisoire", basé sur un barème national datant des années 70 et qui ne valorise pas la terre agricole par rapport à la perte irrémédiable de revenus provenant de ces zones fertiles.

    - "Entreprise responsable" -

    EGC répond à l'AFP qu'en "entreprise responsable", le groupe indemnise les habitants "cinq fois plus" l'hectare nu que ce barème national, et qu'au total l'indemnisation moyenne est de 8 à 10 millions de FCFA l'hectare (entre 12.190 et 15.240 euros).

    Cette infographie dotée d'une image satellite montre le tracé de l'exploitation minière dans le nord du Sénégal par Eramet Grande Côte (EGC), filiale du groupe minier français Eramet, et qui exploite depuis 2014 un précieux sable minéralisé dans cette zone aux écosystèmes fragiles. La mine exploite actuellement le sable des dunes de Lompoul, l'un des plus petits déserts au monde ( AFP / Sylvie HUSSON )

    Cette infographie dotée d'une image satellite montre le tracé de l'exploitation minière dans le nord du Sénégal par Eramet Grande Côte (EGC), filiale du groupe minier français Eramet, et qui exploite depuis 2014 un précieux sable minéralisé dans cette zone aux écosystèmes fragiles. La mine exploite actuellement le sable des dunes de Lompoul, l'un des plus petits déserts au monde ( AFP / Sylvie HUSSON )

    Le maire de Diokoul Diawrigne indique à l'AFP que lui et sa communauté ont rejeté en 2022 l'étude d'impact environnementale présentée par GCO lors d'une audience publique. Mais l'étude a malgré tout été validée au niveau ministériel à l'époque.

    Reconnaissant qu'"au début" le projet minier avait suscité "un espoir" parmi la population, il n'a apporté, selon lui, que des "promesses non tenues, une destruction de notre écosystème, des intimidations, des déplacements de villages de manière catastrophique et un recul sur le plan du développement économique dans la zone des Niayes".

    Les détracteurs de la mine s'inquiètent du bouleversement de cet écosystème d'une biodiversité rare, composé de cuvettes interdunaires, des oasis où les sols permettent une agriculture "qui a produit jusqu'à un passé récent 80% des légumes frais consommés au Sénégal".

    Au fil des années, les habitants déplacés ont été relogés dans "quatre grands nouveaux villages" équipés de commodités, "un total de 586 maisons et des infrastructures communautaires (centre de santé, école, etc...) ont été construites à ce jour" par le groupe minier et 3.142 personnes sont concernées, indique EGC.

    Réunis sur la place du village des "recasés" de Foth, à 120 km au nord de Dakar, un alignement de concessions en dur sur une zone dépourvue de végétation, Omar Keïta et une vingtaine d'autres chefs de familles déplacées ont visiblement besoin d'exprimer leur colère.

    Vue aérienne du village de Foth, dans le nord du Sénégal, le 11 février 2025, construit par la société Eramet Grande Côte (EGC), filiale au Sénégal du groupe minier français Eramet, pour reloger les villageois déplacés dans cette région par l'exploitation minière menée par EGC depuis 2014 ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    Vue aérienne du village de Foth, dans le nord du Sénégal, le 11 février 2025, construit par la société Eramet Grande Côte (EGC), filiale au Sénégal du groupe minier français Eramet, pour reloger les villageois déplacés dans cette région par l'exploitation minière menée par EGC depuis 2014 ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    "On veut retourner sur nos terres et que notre village soit reconstruit pour retrouver notre vie d'avant... Je lance un appel au président du Sénégal et même à la France!", s'exclame Omar, 32 ans, visage soucieux.

    Il ose à peine montrer la chambre - "prêtée par son grand frère" - et la promiscuité où il vit "depuis six ans" avec sa femme et ses trois enfants: un lit, une commode, et un matelas pour lui par terre. Il déclare qu'on ne lui a pas attribué de maison.

    Des affirmations que nie le directeur général de EGC, Frédéric Zanklan: "chaque famille est relogée selon l'état de la famille au moment du recensement", dit-il à l'AFP, ajoutant que si les familles s'agrandissent "ce n'est pas de leur fait".

    - Appel au président -

    Omar réplique qu'avant son déplacement, il "avait (ses) champs et (sa) maison". "On gagnait nos vies dignement mais GCO a remis ma vie à zéro, je dois tout reconstruire...".

    "Le sol était fertile dans notre village, mais ici je suis même obligé d'aller travailler dans les champs d'autres personnes", indique-t-il.

    Ibrahima Ba, agriculteur déplacé par l'exploitation minière menée dans le nord du Sénégal sur une concession accordée au groupe minier français Eramet, dans le village des "recasés" de Foth, le 11 février 2025, construit par Eramet Grande Côte (EGC) ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    Ibrahima Ba, agriculteur déplacé par l'exploitation minière menée dans le nord du Sénégal sur une concession accordée au groupe minier français Eramet, dans le village des "recasés" de Foth, le 11 février 2025, construit par Eramet Grande Côte (EGC) ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    Dans la cour de sa concession, Ibrahima Ba, 60 ans, ne décolère pas non plus: "nous avons régressé dans tous les sens".

    "Je suis toujours agriculteur. La différence est que dans mon village, le sol était très fertile, l'eau était douce, on n'avait aucun problème".

    "Nous demandons au président Diomaye Faye et à son Premier ministre de venir en aide à la population de Foth et des Niayes; nous croyons qu'ils peuvent faire quelque chose parce que c'est un pays étranger qui veut détruire la vie des citoyens sénégalais", lâche-t-il.

    Dans un entretien à l'AFP, M. Zanklan déclare que la société est "dans un cadre tout à fait légal" dans ses activités, qui "respectent la convention minière" signée avec le gouvernement.

    "C'est un projet qui bénéficie au Sénégal", plaide-t-il. EGC affirme avoir "généré 149 millions d'euros de retombées économiques pour le Sénégal en 2023", et avoir versé "25 millions d'euros sous forme d'impôts, de taxes et de dividendes" sur un chiffre d'affaires de la société de 215 millions d'euros en 2023.

    Il met en avant les "près de 2.000 personnes qui travaillent au niveau de la mine et des usines de séparation, dont 97% sont des Sénégalais, et 48% de ces travailleurs proviennent du bassin d'emploi local", affirme-t-il.

    En 2023, l'Initiative pour la transparence dans l'industrie extractive (ITIE) a classé EGC comme 4ème contributeur minier au budget de l'Etat du Sénégal, souligne-t-il.

    Une partie des installations de l'usine de séparation des minerais de Eramet Grande Côte (EGC), le 12 février 2025 à Diogo, au Sénégal ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    Une partie des installations de l'usine de séparation des minerais de Eramet Grande Côte (EGC), le 12 février 2025 à Diogo, au Sénégal ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    La société indique aussi être "la première entreprise minière à restituer les terres valorisées au Sénégal", après un processus de réhabilitation constaté par l'AFP sur une partie de la zone avec des essences d'arbres permettant une diversification des cultures.

    Mais les communautés déplorent que les terres ne leur sont pas "rendues", mais remises à l'Etat sénégalais - la terre étant propriété de la Nation dans ce pays et les paysans qui l'exploitent en ayant l'usufruit.

    - "Un moratoire" -

    Dans la même région, arpentant un champ sans culture et montrant des mares brunâtres, Serigne Mar Sow déplore les "dégâts incommensurables" de la mine, selon lui.

    L'eau pompée pour la drague est redéversée dans le bassin artificiel et s'infiltre vers la nappe phréatique superficielle. EGC assure ainsi que les activités maraîchères "en bénéficient".

    "On cultivait ici des légumes et des bananes et vous voyez que toutes les plantes sont mortes, c'est à cause de cette eau qui inonde nos champs car la drague de GCO se trouve à 2,5 km d'ici", se désole pour sa part M. Sow. "Le sol n'est plus fertile".

    Une partie des installations de l'usine flottante et de la "plus grosse drague minière au monde" de Eramet Grande Côte (EGC), le 12 février 2025, dans le nord du Sénégal ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    Une partie des installations de l'usine flottante et de la "plus grosse drague minière au monde" de Eramet Grande Côte (EGC), le 12 février 2025, dans le nord du Sénégal ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    Montrant des plants de manioc et des bananiers morts, il accuse cette eau redéversée de contenir des "produits chimiques".

    "Il y a 15 à 20 parcelles qui ont été abandonnées à cause de cette eau qui remonte. Il y a une diminution drastique de nos espaces de récolte" et des emplois afférents.

    De son côté, EGC affirme que le processus d'extraction "est purement mécanique" et qu'"aucun produit chimique n'est utilisé".

    Aujourd'hui, le maire de Diokoul Diawrigne "demande à l'Etat de faire un moratoire, d'arrêter la mine pour un moment, et qu'on évalue via des études sérieuses l'ensemble des dégâts qui ont été causés et qui vont l'être, en comparaison à ce que cela a rapporté à l'Etat et aux communautés".

    "Il ne faut pas qu'on ferme les yeux sur ce drame; quel que soit ce que le Sénégal gagne dans cette affaire, il faudra se tourner vers les communautés, voir ce qu'elles sont en train de vivre et les accompagner".

    Frédéric Zanklan estime de son côté qu'il n'y a "pas besoin de moratoire". "S'il y a des inquiétudes, toute autorité peut venir voir par elle-même".

    Il précise que le groupe espère augmenter la capacité d'absorption de la drague à 8.500 tonnes par heure à partir de 2026.

    Frédéric Zanklan, directeur général de Eramet Grande Côte (EGC), filiale au Sénégal du groupe minier français Eramet, lors d'un entretien avec l'AFP, le 12 février 2025 sur le site de l'usine flottante et de la "plus grosse drague minière au monde", exploitant depuis 2014 le précieux sable minéralisé dans le nord du Sénégal ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    Frédéric Zanklan, directeur général de Eramet Grande Côte (EGC), filiale au Sénégal du groupe minier français Eramet, lors d'un entretien avec l'AFP, le 12 février 2025 sur le site de l'usine flottante et de la "plus grosse drague minière au monde", exploitant depuis 2014 le précieux sable minéralisé dans le nord du Sénégal ( AFP / PATRICK MEINHARDT )

    Un moratoire, "cela voudrait dire 2.000 personnes au chômage et l'arrêt des retombées économiques pour l'Etat du Sénégal: ce serait irresponsable alors que le pays a vraiment besoin de se développer", estime-t-il.

    En attendant, de jour comme de nuit, la drague continue à engouffrer les dunes de Lompoul avec fracas, loin de la quiétude passée du plus petit désert d'Afrique.

  • Eliminer la pensée philosophique

    Pensez-vous que ça soit anodin ? Qu'il n'y ait aucune intention cachée, autre que budgétaire ?

     

    La tribune « Dire non à la disparition de la philosophie ! » est parue dans le quotidien Le Monde :

    https://www.lemonde.fr/.../nous-n-acceptons-pas-que-des...

    Les départements de philosophie des universités d’Amiens, de Créteil, de Lille, de Nanterre et de Paris-VIII ont tous récemment appris que les avis émis par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) concernant l’accréditation de leur licence et/ou de leur master étaient défavorables ou réservés.

    Cela signifie que, si rien n’est fait, et si le ministère et les présidences des universités suivent cet avis du Hcéres, la quasi-totalité des diplômes nationaux de philosophie délivrés depuis des décennies par les universités situées sur le quart nord de la France auront disparu en septembre 2026.

    La philosophie n’est pas la seule touchée : beaucoup d’autres disciplines, en général relevant des humanités (sociologie, arts, lettres, science politique, sciences de l’éducation, etc.), sont concernées par ces rapports sévères qui obéissent manifestement à des considérations budgétaires plutôt que de traduire des objectifs académiques. La philosophie l’est de manière tellement systématique que cela en est sidérant.

    Les arguments avancés dans les différents rapports témoignent d’une mauvaise foi évidente et d’une ignorance complète des spécificités de cette discipline : décomptes erronés des étudiants ou des enseignants, description partielle et partiale des méthodes d’enseignement, insistance sur la nécessité d’une refonte des savoirs enseignés en « compétences », intimations à moins enseigner les exercices classiques de la discipline, injonctions contradictoires et rompant avec le principe de liberté pédagogique.

    Par ailleurs, ces évaluations contreviennent à un principe fondamental de l’enseignement supérieur et de la recherche qui garantit la qualité pédagogique et scientifique des méthodes et des savoirs dispensés : l’évaluation par les pairs. Dans la plupart des comités Hcéres formés pour évaluer les licences et masters de philosophie ne figure aucun enseignant-chercheur de philosophie, voire de sciences humaines.

    L’attaque est claire, politique, et extrêmement structurée. Elle vise, d’une part, des universités situées sur des territoires économiquement fragilisés, dont une grande partie des étudiants sont en grande précarité sociale, issus de milieux défavorisés, et n’ont souvent pas les moyens d’aller étudier dans d’autres universités : une telle attaque revient donc à remettre en cause la démocratisation du savoir et le principe de l’égalité des chances. Elle prend, d’autre part, pour cible privilégiée des disciplines qui ne correspondent pas aux attentes néolibérales d’une utilité et d’une rentabilité immédiates.

    A l’ère des fake news, de la post-vérité et de la montée en puissance des technologies d’intelligence artificielle, la jeunesse a plus que jamais besoin de se forger un esprit critique, une réflexion et une sensibilité indispensables pour surmonter les défis du monde à venir : technologiques, écologiques, sociaux et politiques.

    Voilà à qui et comment le gouvernement a décidé de faire assumer, entre autres victimes expiatoires, le coût du milliard d’économies qu’il exige de l’enseignement supérieur, d’une université déjà à bout de forces, après vingt ans de coupes budgétaires et de gestion managériale brutales.

    Nous n’acceptons pas que soient ainsi abandonnés nos étudiantes et étudiants, nos collègues vacataires, et que disparaisse toute opportunité de poursuivre des études de philosophie dans les Hauts-de-France et dans certains départements de la région parisienne. Nous n’acceptons pas que des territoires de plus en plus vastes soient privés de l’accès à certains savoirs. Nous refusons cette casse sociale et ce mépris.

  • Liberté et responsabilité

     

     

    « Là liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ». 

    "Formule exécrable en ce qu’elle place la liberté dans une logique de la concurrence alors que la liberté ne peut être véritablement comprise que dans une logique de solidarité." Christian GODIN (Au fil de la philosophie)

     

    Je mets de côté toute la problématique liée au fait que nous sommes des êtres "déterminés", que cette fameuse liberté n'est qu'une illusion et que cette liberté ne peut s'acquérir entièrement qu'au regard du travail intérieur qui consiste à identifier tout ce qui agit en nous. Je suis juste libre d'identifier l'étendue de ma geôle avant de tenter d'y creuser des ouvertures.

    Ce qui m'intéresse ici, c'est de reprendre une phrase souvent entendue chez les individus qui réclament le droit de manger des animaux (et donc de valider leur souffrance), de prendre l'avion comme bon leur semble, de partir en croisière, de consommer à outrance, bref, de se lover confortablement dans le déni d'une situation planétaire qui relève de la destruction. 

    Cette liberté d'agir comme bon leur semble porte atteinte à ma liberté de vivre dans un monde préservé, autant que faire se peut. Et se pose dès lors ce problème de la responsabilité et de la solidarité. 

    Si je rejette cette responsabilité qui consiste à participer à des phénomènes mortifères, c'est donc que j'ai décidé de ne pas me montrer solidaire envers mes condisciples et encore moins envers les générations futures. 

    Bien entendu, les cas de conscience peuvent révéler une situation très complexe. Le cas présenté par Sartre est très représentatif : un jeune homme qui se demande s'il doit s'engager dans la Résistance ou rester auprès de sa mère dépendante. 

    La réponse est que nous sommes "condamnés" à prendre une décision, condamnés dans le sens où les conséquences ne peuvent se poser simplement du côté du bien ou du mal mais se combinent, s'entremêlent et génèrent une crise qui n'a pas de solution. Il n'y a pas de juste milieu. 

    Dans le cas d'un positionnement envers l'état de la planète, il ne s'agit pas de se heurter à un dilemme insoluble : ne pas manger d'animaux, ne pas prendre l'avion pour du tourisme, ne pas partir en croisière, ne pas consommer à outrance, ce sont des décisions qui ne mettent aucunement en péril notre intégrité physique ou celle d'autrui. Ces décisions ne nous privent pas de notre liberté puisque ce choix est libre. Personne ne peut me contraindre à ne pas manger d'animaux etc... Cette décision relève de ma liberté et cette liberté que je m'octroie prend forme parce que je décide de me montrer responsable et solidaire. 

    Le repli sur soi dans une "liberté égoïste" (Lévinas) doit être contrée par la responsabilité envers autrui. 

    Par conséquent, les individus qui viendraient me reprocher mon "intransigeance" en m'accusant de porter atteinte à leur liberté, je suis en droit de leur répondre que leur liberté individuelle participe à la condamnation de tous à en subir les effets. 

    Le problème actuel, c'est qu'il y a beaucoup plus d'individus prônant l'entière liberté que d'individus oeuvrant à établir une responsabilité inconditionnelle.

    "Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité. Etre libre, rien n'est plus grave. La liberté est pesante et toutes les chaînes qu'elle ôte au corps, elle les ajoute à la conscience." Victor HUGO

     

  • Les seniors en croisière

    Bheopu cmaarg01

     

    Bon, inutile que je précise ce que je pense de ces gens-là, tout comme ceux qui prennent l'avion pour aller prendre le soleil ou voir la "belle nature préservée". Intéressant de voir l'âge habituel de ces personnes qui aiment les croisières : des retraités pour la majorité. C'est à dire ceux et celles qui ont participé au désastre autant que possible et qui continueront jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus. Les "après moi le déluge". Le plus sidérant, c'est de penser qu'ils sont sans doute, en grande partie, grands-parents. L'égoïsme total.

     

    Au salon mondial du tourisme de Paris, les stands des croisières ne désemplissent pas, signe d'un intérêt grandissant des Français à la fois pour les petits bateaux en mode expédition polaire ou les mastodontes en Méditerranée.

    "Je vous ai déjà vues l'année dernière!", lance une commerciale à deux clientes sur le stand Grands Espaces qui propose des croisières d'expédition dans les régions polaires lors de ce salon qui s'est ouvert jeudi et ferme ses portes dimanche.

    Marie-Dominique du Fontenioux, 73 ans et Laurence Bolloré Bourdin, 71 ans sont déjà parties avec cette compagnie l'année dernière à Spitzberg, en mer du Groenland. "Pour la nature et les animaux, il y a des oiseaux à foison", se souvient Marie-Dominique du Fontenioux.

    Les croisières plutôt qu'une destination fixe car "on est attachées à la mer", assure son amie Laurence Bolloré Bourdin.

    Les deux bretonnes se sont offert aussi en novembre dernier trois semaines sur un bateau Costa, direction les Antilles depuis Marseille. Un voyage bien différent des bateaux d'expédition polaire qui ne comptent que quelques dizaines de voyageurs.

    "Je voulais du soleil pas cher", lance Marie-Dominique qui en est à sa troisième croisière alors que son amie en compte "une dizaine".

    Selon Cruise Lines International Association (CLIA), la principale voix de la communauté mondiale du secteur des croisières qui doit publier dans les semaines à venir les chiffres pour 2024, le nombre de Français ayant voyagé en croisière sur les trois premiers trimestres de 2024 est en hausse de 1% à 388.000.

    C'est toutefois encore loin derrière les Allemands (1,9 million) et les Britanniques et Irlandais (1,8 million).

    "La croisière est encore un marché relativement récent en France, avec une croissance significative observée depuis un peu plus de 15 ans", explique à l'AFP Leonardo Massa, vice-président Europe du sud de la division croisière du groupe MSC.

    - "Effet wahou"-

    Sur le stand de CroisiEurope, autre opérateur, l'animatrice confirme à l'AFP "un engouement constant" pour les croisières sur les 50 bateaux du groupe qui naviguent en Europe, sur le Mékong et en Afrique.

    Des visiteurs s'informent sur les croisières au stand de CroisiEurope lors du Salon mondial du tourisme à Paris, le 13 mars 2025 ( AFP / Ludovic MARIN )

    Des visiteurs s'informent sur les croisières au stand de CroisiEurope lors du Salon mondial du tourisme à Paris, le 13 mars 2025 ( AFP / Ludovic MARIN )

    L'entreprise basée à Strasbourg transporte essentiellement des jeunes retraités mais aussi des familles pour les destinations telles que l'Espagne, le Portugal, l'Italie.

    "Ce qui plaît au Français dans les croisières, c'est la qualité du service, le côté +tout compris+", explique à l'AFP Didier Arino, qui dirige le cabinet Protourisme.

    Sur les grands bateaux aux milliers de cabines, souvent cibles de critiques pour leur impact environnemental, il y a "l'abondance d'activités, de nourriture, de spectacles, de boutiques", ajoute-t-il estimant que les Français aiment "l'effet +wahou+, le gigantisme".

    Qu'il s'agisse des croisières sur les énormes bateaux ou plus intimistes de découverte et d'aventure, les vacanciers veulent "sortir du quotidien et s'offrir des souvenirs", estime M. Arino.

    Anne Gayot, 64 ans, se renseigne quant à elle pour sa première croisière qu'elle souhaite faire en Norvège. "Je fuis le tourisme de masse", explique-t-elle à l'AFP, donc pas question de choisir un gros bateau et une destination soleil. Habituée des randonnées, elle voyage seule cette fois et a choisi la croisière vers une destination "pas encore trop connue".

    Quant au climat, Didier Arino estime "que cela peut refroidir une partie de la clientèle qui se sent coupable surtout dans des villes comme Marseille".

    Des ONG avaient d'ailleurs bloqué en septembre dernier l'arrivée de bateaux dans la ville pour dénoncer la pollution causée par ces navires.

    Ces dernières années, Venise ou Amsterdam ont interdit leur centre-ville aux géants des mers.

    "C'est pour cela que les armateurs développent des bateaux moins polluants", selon M. Arino. Et "il y a aussi un travail à faire sur l'électrification des ports" qui leur permet de couper le moteur à quai, poursuit-il.

    Mais "c'est comme pour l'avion, les gens disent que c'est polluant mais le prennent quand même", résume-t-il.

  • L'effet global

     

    Atmosphere terrestre

    J'avais déjà lu des écrits sur cet "effet global", vécu par certains astronautes. Mais sans même quitter la planète, dépasser la fine "coquille" atmosphérique, ces témoignages de connexion ultime existent depuis bien longtemps. Le problème, c'est que pour y parvenir, le cheminement n'est pas celui suivi par les millions ou milliards d'individus dont le souci premier est celui mentionné par l'article : économie, société, planète. ce que j'écris dans la dystopie en cours, c'est justement l'effondrement de ce système et par conséquent, la possibilité pour les survivants de découvrir l'autre voie : planète, société, économie. Si nous ne le décidons pas volontairement, les limites planétaires s'en chargeront.

     

    Dans chacun de mes romans publiés, j'ai toujours tenté d'exprimer cet état.

    Jarwal le Lutin : de la réalité au Réel

    LE DÉSERT DES BARBARES : La conscience de la nature

     

    Hans Mues

     

     

     

    dSnpootesriu36tur1im2cg1cm7i:m,s01g3ctf7a10a16u c64m0411a 0f  ·

    EFFET GÉNÉRAL

     

    Ron Garan, un ancien astronaute de la NASA, a passé 178 jours dans l'espace et a accumulé plus de 114 millions de kilomètres en parcourant 2 842 orbites autour de la Terre. Votre voyage n'a cependant pas été seulement sur des chiffres impressionnants. 

    Au cours d'un de ces voyages, il a vécu quelque chose que peu d'humains n'ont jamais connu : ce qu'on appelle l'effet global, un phénomène qui transforme notre façon de voir notre planète.

    L'effet général est un choc de réalité commune entre astronautes. En regardant la Terre depuis l'espace, ils se rendent compte viscéralement que la planète est un système unique, fragile et interconnecté. Pour Garan, l'expérience a été si remarquable qu'il la décrit comme un « grand réveil ». Lors d'une interview avec le site Big Think, il a révélé : « Certaines choses deviennent indéniablement claires quand vous êtes là-haut. "

    De sa fenêtre sur la Station spatiale internationale, Garan a été témoin de phénomènes naturels impressionnants : des tempêtes éclairs ressemblant à des éclats paparazzi, des aurores boréales dansant comme des rideaux brillants, et l'atmosphère terrestre si mince que vous pouviez « presque la toucher de vos mains. "Mais c'était la délicatesse de cette cape qui l'a marqué. « J'ai réalisé que tout ce qui soutient la vie sur terre dépend d'une couche fragile, presque comme du papier », a-t-il expliqué.

    L'atmosphère, avec ses quelques kilomètres d'épaisseur, protège toutes les formes de vie des conditions hostiles de l'espace. Pour Garan, cette vision a mis en évidence un paradoxe : alors que la biosphère est vibrante et pleine de vie, les systèmes humains traitent la planète comme une « subvention à l'économie mondiale. En d'autres termes, nous donnons la priorité à la croissance économique au détriment des systèmes naturels qui nous soutiennent. « Nous vivons un mensonge », a-t-il déclaré.

    L'astronaute a également souligné comment des problèmes tels que le réchauffement climatique, la déforestation et la perte de biodiversité sont traités comme des problèmes isolés alors qu'ils sont en fait les symptômes d'un problème plus important : la déconnexion humaine avec la planète. "Depuis l'espace, il est clair que nous ne nous voyons pas comme faisant partie d'un tout. « Tant que nous ne changeons pas cette mentalité, nous continuerons à être en crise », a-t-il dit.

    La solution, selon Garan, est un changement radical de priorités. Au lieu de penser « économie, société, planète », nous devrions inverser l'ordre : « planète, société, économie ». Ce simple échange reflète la nécessité de placer la santé environnementale comme base de toutes les autres décisions. « C'est la seule façon d'évoluer vraiment », a-t-il argumenté.

    Un autre point crucial est l'indépendance. Garan a comparé l'effet global à "une lampe éclair" – une révélation sur la façon dont chaque action humaine, aussi petite qu'elle puisse paraître, affecte l'équilibre mondial. « Nous n'aurons pas de paix sur terre tant que nous n'aurons pas reconnu que tout est interconnecté », a-t-il déclaré.

    Depuis son retour sur Terre, Garan s'est consacré à des projets qui favorisent la durabilité et la coopération mondiale. Son message est clair : nous devons de toute urgence repenser notre place dans le monde.

    Avez-vous déjà imaginé ce que ça serait de voir la Terre sous cette perspective ? Même si cela n'arrive pas, la vision de Garan nous rappelle que chaque choix – de la consommation d'énergie à l'utilisation des ressources – est un pas vers la préservation (ou la destruction) de cette délicate « coquille » que nous appelons notre maison.

  • En soins palliatifs

    Voilà l'expression qui m'est venue lorsque j'ai entendu parler du plan du gouvernement présenté par la ministre de l'écologie. Je ne dis pas que les mesures annoncées sont inutiles, bien que très insuffisantes mais elles valident surtout l'idée que le gouvernement, comme ceux de tous les pays industrialisés, ont acté le fait que nous n'échapperons pas à une hausse importante des températures.

    "Ce plan doit préparer la France à vivre dans un monde à +4°C d'ici 2100 afin de protéger la population." 

    A + 4 degrés, on ne protège plus personne, on compte les morts.

    Ce qui signifie une hausse de plus ou moins 2 degrés dans 25 ans, à quelques années près. Ce qui me sidère, c'est qu'il n'est jamais question de décroissance. Tous les gouvernements rêvent de croissance pour éponger des dettes astronomiques et tous les grands groupes pétroliers investissent par milliards dans la quête effrénée de pétrole. Et l'UE prévoit de débloquer 800 milliards pour l'armement. Et la France est censée organiser en 2030 des JO d'hiver "écologiques".

    Bon, c'est clair. On est entré dans la phase des soins palliatifs. On ne sauvera pas le malade. La fièvre continuera à grimper. Et ça n'est pas la prochaine COP ou autres grandes messes sous l'emprise des lobbies qui y changeront quelque chose ni les plans successifs de "transition écologique". Tous ceux qui s'intéressent au problème savent pertinemment que nos modèles de sociétés consuméristes ne sont plus viables. 

     

    Crise climatique : le gouvernement livre son Plan national d'adaptation et laisse les associations sceptiques

     

    La version finale, présentée lundi, comporte quelques nuances par rapport à la première mouture dévoilée à l'automne. Ce troisième plan met l'accent sur la mise en œuvre d'une cinquantaine de mesures au niveau local, d'ores et déjà jugées insuffisantes par certains experts du climat.

    Article rédigé par Louis San

    France Télévisions

    Publié le 10/03/2025 18:31

    Temps de lecture : 5min La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, à l'Assemblée nationale, à Paris, le 12 février 2025. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

    La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, à l'Assemblée nationale, à Paris, le 12 février 2025. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

    La copie a été revue. Avec plus d'un an de retard, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a présenté, lundi 10 mars, la version finale de la troisième édition du Plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc). Ce plan doit préparer la France à vivre dans un monde à +4°C d'ici 2100 afin de protéger la population.

    Cette nouvelle mouture du Pnacc a été légèrement modifiée par rapport à la première, dévoilée en octobre 2024. Le ministère a souligné qu'elle était le fruit de plusieurs mois de concertation avec "toutes les parties prenantes", Etat, collectivités territoriales, acteurs économiques, citoyens. Au total, ils ont produit 6 000 contributions, dont 176 "cahiers d'acteurs".

    L'un des priorités du plan est de réaliser une cartographie des vulnérabilités, avec une attention soutenue pour les établissements de santé, les infrastructures de transport ou de sécurité. L'accent est mis sur les territoires et secteurs les plus menacés comme le littoral, les montagnes, les forêts et l'agriculture. Parmi les mesures, le renforcement des protections pour les travailleurs exposés aux canicules, différentes études pour mieux adapter transports et exploitations agricoles ou encore une protection des principaux sites culturels français (tour Eiffel, mont Saint-Michel...).

    Le confort d'été mieux intégré au DPE

    Une autre mesure concerne la rénovation énergétique, afin d'adapter "les logements aux fortes chaleurs et pas seulement au froid". Il est prévu que le confort d'été soit mieux pris en compte dans le calcul du diagnostic de performance énergétique, le décrié DPE. Concrètement, "un travail sera lancé pour étudier la possibilité d'intégrer des gestes de confort d'été au dispositif MaPrimeRénov'", précise le ministère. Des mesures pour encourager le secteur bancaire à financer l'adaptation sont également mises en avant. Sous la houlette d'Agnès Pannier-Runacher et du ministre de l'Economie, Eric Lombard, une mission "sur le rôle du système bancaire dans la prévention des risques sera réalisée" au premier semestre 2026.

    Le gouvernement a aussi insisté sur la place que doit prendre la trajectoire de référence d'adaptation au changement climatique (Tracc), c'est-à-dire le fameux scénario qui projette la France à +4°C d'ici la fin du siècle, en passant par un palier à +2,7°C en 2050. La démarche pour "donner une valeur juridique" à la Tracc doit connaître un coup d'accélérateur. Alors que l'exécutif voulait l'intégrer "progressivement" dans les textes publics, il affirme maintenant que la réflexion doit être achevée d'ici la fin de l'année.

    Si certaines avancées sont enregistrées dans cette version finale du plan, des reculs sont également à signaler. Le Monde(Nouvelle fenêtre) rapporte ainsi que les entreprises du transport et de l'énergie ne seront plus obligées d'"instaurer progressivement" des plans d'adaptation, mais seront seulement incitées à le faire.

    Flou sur le financement

    La question du financement reste le point le plus épineux de ce plan. Adèle Tanguy, chercheuse à l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), a salué sur le réseau social BlueSky(Nouvelle fenêtre) la mise en place d'une mission d'adaptation réunissant les agences de l'Etat, comme l'Ademe (l'agence de la Transition écologique), le Cerema (le Centre d'études et d'expertise sur les risques) et les agences de l'eau. Mais l'experte rappelle que ces agences disposent de "budgets diminués" et font face "à beaucoup de défiance politique, ce qui crée de l’incertitude". En effet, l'Ademe a été violemment critiquée, en janvier, par des figures de droite.

    "Il est essentiel que l'adaptation soit dotée de moyens à la hauteur des enjeux", a déclaré Agnès Pannier-Runacher, disant avoir augmenté les enveloppes "à hauteur de 40%". Une affirmation "à nuancer", estime l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE), car en dépit des allégations, "les crédits dédiés à l'adaptation se maintiennent mais n'augmentent pas".

    Autre voix critique, Oxfam juge le Pnacc "inopérant", pointant un manque "de gouvernance adaptée et de moyens budgétaires pour sa mise en œuvre". Condamnant un "brouillon inabouti", l'ONG écrit qu'il "prévoit de financer les politiques d’adaptation avec des fonds qu’il vient tout juste de supprimer, comme la coupe dans le Fonds vert" décidée pour le budget 2025. Oxfam accuse ainsi le gouvernement de "financer l'adaptation au détriment de la lutte contre le changement climatique". "Le changement climatique est un risque certain", a estimé de son côté Anne Bringault, directrice des programmes pour le Réseau action climat(Nouvelle fenêtre). Et de mettre en garde : "Il est plus que temps de le prendre réellement en compte dans les politiques publiques."