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Démocratie ou pas ?...
- Par Thierry LEDRU
- Le 21/07/2025
On est resté quatre ans dans la Creuse. Effarés par les dégradations sur l'environnement. On en est parti pour se rapprocher de la famille mais on avait vite compris que l'avenir de ce territoire était des plus sombres.
Dans le Limousin, les militants face à la criminalisation de l'écologie politique
Par Eloi Boyé , publié le 11 July 2025
Carmen et Vincent, naturalistes et habitants de la Creuse. Photos : Eloi Boyé
Le plateau de Millevaches, en Limousin, est connu comme un territoire d’alternatives et de luttes écologiques et sociales. Dans le contexte réactionnaire actuel, ses habitants sont pris en tenailles entre une accélération des destructions environnementales et la stigmatisation des défenseurs du vivant.
5 octobre 2024. Des manifestants déambulent dans les rues de Guéret, en Creuse, pour s’opposer à l’« accaparement des forêts ». Organisée par des collectifs citoyens locaux, la manifestation, qui réunit plus de 2 000 personnes, vise principalement deux projets industriels : l’extension de la scierie Farges Bois à Égletons, en Corrèze, et la construction d’une usine de granulés de bois destinés au chauffage, à Guéret.
Article de notre n°70 « Qui veut la peau de l'écologie ? », en kiosque, librairie, à la commande et sur abonnement.
Le Limousin est en effet devenu depuis quelques années le théâtre d’une opposition entre ceux défendant une vision extractiviste de la gestion forestière et ceux qui appréhendent la forêt dans sa dimension économique mais aussi écologique et sociale. Des acteurs industriels aux visées court-termistes s’approvisionnent massivement dans la région. « On se sent submergé de projets industriels néfastes pour la forêt », témoigne Laurent Carayol, 58 ans, participant à la manifestation et membre de l’association L’Aubraie, créée pour promouvoir « une forêt vivante en Limousin ».
Des dispositifs policiers disproportionnés
C’est ainsi que le cortège est composé de jeunes militants écologistes, de membres de la filière bois, de nombreux retraités et de parents accompagnés de leurs enfants, qui déambulent joyeusement sous le soleil automnal. Une mobilisation « pacifique, bon enfant et très familiale », affirme Laurent Carayol, loin de la « convergence des luttes avec la participation d’éléments incontrôlables » crainte par la préfecture de la Creuse. Dans son arrêté pris avant la manifestation1, la préfète Anne Frackowiak-Jacobs envisageait une mobilisation qui devait « fédérer au sein de l’ultra-gauche » aux actions « radicales et violentes » et même la « propagation des violences urbaines au département de la Creuse ».
En prévision, la préfète avait déployé un « dispositif policier disproportionné », se souvient David quelques mois plus tard. Ce menuisier de 43 ans, natif du Limousin, vient d’achever une année de formation professionnelle en sylviculture et bûcheronnage. Il considère que la préfecture de la Creuse souhaitait « réprimer » les manifestants réunis à Guéret : un point de vue partagé par de nombreux militants présents.
« Cette criminalisation des mouvements écologistes provoque une mise sous silence : c’est une forme de censure. »
« Il fallait voir le déploiement des forces de l’ordre dans la ville, raconte Carmen, naturaliste habitant en Creuse. La préfecture avait été cloisonnée, il y avait des hélicos, des drones. » De tels déploiements de forces de l’ordre sont fréquemment constatés par des habitants dans le cadre de luttes forestières locales. Composé d’habitants du territoire dont une bonne part de sexagénaires, le groupe « forêt action » du Syndicat de la Montagne limousine s’oppose à la gestion industrielle des forêts, notamment au modèle de gestion par coupes rases.
Lors d’une de leur rencontre dans un bourg du plateau de Millevaches, l’un des membres évoque la présence d’agents des renseignements territoriaux à une réunion publique : « Mais de toute façon, ils sont tout le temps là ! » réplique Rémi, habitué à cette surveillance.
David, membre de divers collectifs de défense des forêts limousines.
Les relevés de plaques d’immatriculation par des gendarmes sur des lieux de rassemblement pacifique, les survols d’hélicoptères lors d’événements en pleine campagne ou les convocations en gendarmerie sont devenus monnaie courante, même lors d’actions parfaitement légales : « une criminalisation de l’écologie politique » que ces militants perçoivent comme croissante. Thibault, un autre membre du « groupe forêt », évoque ainsi sa certitude d’être « fiché » ainsi que d’autres habitants inscrits selon lui sur des fichiers de renseignement pour leurs actions militantes. « Ça met une pression. On se sent surveillé », témoigne-t-il.
La prévention face à l’intervention des forces de police est ainsi devenue un sujet de débats entre habitants militant pour la protection du vivant, qui se questionnent notamment sur la médiatisation de leurs luttes : « En même temps il faut qu’on informe le grand public, mais si on médiatise on va subir de la répression, affirme Thibault. Finalement, cette criminalisation des mouvements écologistes provoque une mise sous silence : c’est une forme de censure. »
Les écolos comme épouvantails
Cette présence policière et cette surveillance sont justifiées par la crainte de violences venues de l’« ultra-gauche » : un poncif des autorités publiques et de l’opposition politique aux mouvements écologistes du Limousin. Le terme est utilisé par les préfectures locales pour justifier des décisions administratives contre des militants, par des médias, ou par des représentants politiques : à l’image du député de Creuse Bartholomé Lenoir (Union des droites pour la République, UDR). Ce dernier, après avoir publié une pétition « contre l’ultra-gauche dans la Creuse », pointait le risque d’« implantation d’une ZAD en Creuse » lors d’une question au gouvernement à l’Assemblée nationale en novembre 20242.
Ce climat d’« acharnement » s’amplifie avec l’émergence des « mouvements populistes mondiaux », selon Thierry Letellier, maire de la petite commune de La Villedieu. Installé en Creuse depuis plusieurs décennies, cet éleveur d’ovins à la retraite représente une figure locale des combats alliant agriculture paysanne et protection du vivant. « C’est très facile de brosser les gens dans le sens du poil et de leur dire de se battre contre ceux qui vont les empêcher de prendre leur bagnole », constate-t-il, l’air soucieux.
« Les paysans peuvent casser et saccager absolument tout ce qu’ils veulent. Et simplement, tu mets trois écolos dans un champ, et il y a des centaines de policiers qui sont prêts à mutiler des gens. »
Carmen et Vincent témoignent de la haine que concentrent les personnes identifiées comme écologistes. Les deux naturalistes racontent les menaces subies du fait de leur engagement pour la protection des deux loups installés sur le plateau de Millevaches et leur coexistence avec l’élevage : « On nous menace sur les réseaux sociaux, il y en a qui menacent de débarquer chez nous », raconte Carmen. Les deux naturalistes témoignent également de l’aggravation du climat local faisant suite au déclassement du loup au sein de la convention de Berne, en décembre 2024 : « Ça a encore débridé le comportement de certains éleveurs : ça les conforte dans leur position. »
Ainsi, en mars 2025, la projection de leur documentaire La Part du loup à l’école forestière de Meymac a été annulée en raison de pressions exercées par la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs de Corrèze sur l’établissement d’enseignement professionnel. Carmen et Vincent évoquent également l’intrusion suivie de dégradations commises par des membres de la Coordination rurale dans les locaux de l’Office français de la biodiversité (OFB) en novembre 2024 : « C’est quand même une attaque frontale ! s’exclame Carmen. Mais on les laisse faire. »
Élevage ovin dans le Limousin.
Dans ce contexte de violence de certains acteurs agricoles, l’ancien éleveur Thierry Letellier dénonce le « deux poids, deux mesures » des autorités : « Les paysans peuvent casser et saccager absolument tout ce qu’ils veulent, constate-t-il. Et simplement, tu mets trois écolos dans un champ, et il y a des centaines de policiers qui sont prêts à mutiler des gens. »
L’entretien du clivage néo vs anciens ruraux
À l’image de l’hétérogénéité des opposants à une gestion industrielle des forêts, le clivage entre néoruraux sensibles aux questions écologistes et ruraux de longue date est loin d’être figé. En revanche, il est savamment entretenu. « Beaucoup de personnes ont un intérêt à stigmatiser le plateau, les néoruraux, l’ultra-gauche, témoigne un membre de Méga-Scierie Non Merci. Ça permet de rendre plus compliquée la contestation en faisant croire à une mobilisation étant le fait d’une minorité violente et dangereuse. »
« Le problème, c’est que ce genre d’accusations de violence des écolos perce ensuite dans l’opinion », déplore David. Originaire de Haute-Vienne, il s’installe en 2015 à Châtelus-le-Marcheix, en Creuse, département voisin. Entré au conseil municipal en 2022, il raconte avoir été rapidement assimilé à un néo-rural et à un militant violent du plateau de Millevaches à la suite de propositions sur les questions écologiques.
Il propose notamment de mettre en place une régie communale agricole, un outil permettant à la collectivité de porter elle-même une activité de production agricole et d’en contrôler le cahier des charges. « Les gens ont assimilé ça à des propositions du Syndicat de la Montagne limousine, se souvient-il. Ils reprennent tous ce que les médias dominants, la préfecture et Bartholomé Lenoir leur vendent et ils se complaisent dans cette définition : ça leur permet de rejeter en bloc toutes contraintes environnementales qui seraient en opposition avec la pleine jouissance de la propriété privée. »
La Villedieu, en Creuse.
Tout en percevant un réel climat anti-écologiste chez certains habitants du territoire, des membres du collectif Méga-Scierie Non Merci nuancent l’importance du clivage entre néoruraux et anciens habitants. « Certains ruminent mais ils boivent aussi un coup avec toi ! On arrive à se parler », déclare l’un d’entre eux. « Les réactions anti-écolos viennent aussi du fait que les luttes écologistes sont perçues comme une critique morale des gens, complète son camarade. Mais nous, on s’attaque au modèle économique et aux gros projets industriels : pas aux pratiques des personnes qui font des coupes rases pour gagner leur vie. »
Ainsi, la plupart des militants insistent sur les nombreuses convergences possibles entre habitants du territoire. « Face au climat national de multiplication de projets industriels totalement incohérents d’un point de vue écologique, il y a aussi un côté rassurant, estime David. Parce qu’en face, une prise de conscience gagne le cœur des populations et une fronde sérieuse s’organise : les habitants tissent des liens militants. C’est un système immunitaire écologique. »
1. Arrêté préfectoral modifiant l’arrêté n°23-2024-10-01-008 du 1er octobre 2024 autorisant la captation, l’enregistrement et la transmission d’images au moyen de caméras installées sur les aéronefs, préfecture de la Creuse.
2. « Vote solennel sur la première partie du projet de loi de finances pour 2025. Suite de la discussion de la seconde partie du PLF 2025 ». Assemblée nationale, 12 novembre 2024.
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Duplomb et la FNSEA
- Par Thierry LEDRU
- Le 20/07/2025
Ce soir, la pétition contre la loi Duplomb dépasse le cap du million de signatures.
https://reporterre.net/Loi-Duplomb-un-texte-ecocidaire-redige-par-la-FNSEA
Loi Duplomb : un texte écocidaire rédigé par la FNSEA
La proposition de loi sur l’agriculture a été largement coécrite par la FNSEA. Concentré de reculs environnementaux, elle est portée par le sénateur Laurent Duplomb, lui-même ancien élu du syndicat productiviste.
« Enfin ! » : mardi 6 mai, Arnaud Rousseau ne cachait pas sa joie. Le patron de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) saluait l’arrivée à l’Assemblée nationale de la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Un texte controversé, au contenu explosif : réautorisation des néonicotinoïdes, soutien aux projets de mégabassines et d’élevages industriels... Du pain bénit pour l’agrobusinessman, qui encensait ce « moteur législatif dont notre agriculture a besoin pour redémarrer ».
Si le président du puissant syndicat agricole apparaît si satisfait, c’est que le texte — examiné les mardi 13 et mercredi 14 mai en commission des affaires économiques — reprend quasiment mot pour mot ses revendications productivistes. Fin août 2024, FNSEA et Jeunes agriculteurs présentaient en effet leur loi idéale, pour « entreprendre en agriculture ». Au menu, déjà : l’épandage par drone, la réintroduction de pesticides interdits et la remise en cause du fonctionnement de l’Anses, l’agence chargée de donner le feu vert à la vente des produits phytosanitaires.
« Connivence » avec la ministre de l’Agriculture
« Clairement, il y a une filiation entre les demandes du syndicat et plusieurs articles de la loi », remarque Yoan Coulmont, chargé de mission plaidoyer de l’association Générations futures. Rien d’étonnant à cela : avant d’être le sénateur portant cette proposition de loi, Laurent Duplomb a été président FNSEA de la chambre d’agriculture de Haute-Loire, président pour sa région du géant du lait Sodiaal, membre du conseil de surveillance de la marque Candia. En bref, il est le petit messager de l’agro-industrie au palais du Luxembourg.
Une liaison dangereuse facilitée par « la connivence » entre l’élu auvergnat et la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, selon Thomas Uthayakumar, directeur des programmes et du plaidoyer de la Fondation pour la nature et pour l’Homme. La locataire de la rue de Varenne s’est toujours montrée en phase avec les positions du syndicat majoritaire. Sans surprise, elle a défendu bec et ongles cette proposition de loi, qu’elle juge « consensuelle ».
« Le RN agit comme le relais parlementaire de la FNSEA »
Mais la FNSEA ne s’est pas contentée de tenir le stylo du sénateur Duplomb. Comme relevé par « l’éco-lobbyiste » Jordan Allouche, la députée Renaissance Danielle Brulebois a ainsi déposé huit amendements explicitement coécrits avec le syndicat agricole. Ceux-ci proposent de supprimer la séparation entre vente et conseil en matière de pesticides, de reconnaître les bassines comme d’intérêt majeur, ou encore de restreindre la définition des zones humides afin de limiter leur protection.
Même scénario avec le Rassemblement national : sur les 54 amendements du parti d’extrême droite, pas moins de 15, tous déposés par la députée du Lot-et-Garonne Hélène Laporte, ont été « travaillés en collaboration avec la FNSEA ». La plupart concernent les élevages industriels, selon le pointage de Jordan Allouche, pour qui « le RN agit comme le relais parlementaire » du syndicat.
Par ailleurs, d’autres articles déposés par des députés du Rassemblement national reprennent fidèlement les positions de la FNSEA, sur l’Anses, notamment. Aucun de ces amendements n’est sourcé, mais rien n’oblige les députés à le faire. « C’est là que le bât blesse, pour le lobbyiste citoyen. Cette opacité pose une question de transparence démocratique. »
Coup de téléphone à François Bayrou
Outre cette influence rédactionnelle, l’organisation agricole a fortement poussé pour accélérer l’examen du texte. Mi-mars, Arnaud Rousseau téléphonait directement à François Bayrou afin de mettre la proposition Duplomb en haut de l’agenda parlementaire.
Avec succès. « Alors qu’on croule sous les textes à examiner, qu’on peine à trouver du temps pour débattre de l’énergie ou de la fin de vie, on arrive à débloquer une semaine entière pour étudier ce texte, s’agace la députée écologiste Marie Pochon. Et ce, alors même que des textes qui parlent plus directement des revenus agricoles, comme celui baptisé Egalim 4, ont été remis aux calendes grecques. »
Dernier point de pression, et non des moindres : nombre de députés ont reçu lettres, courriels et coups de fil de représentants agro-industriels les incitant à voter le texte. L’association nationale des producteurs de noisettes a par exemple écrit aux parlementaires du Sud-Ouest en dénonçant « les situations de distorsion de concurrence auxquelles ce texte pourrait mettre fin ». Lors d’une rencontre avec les élus de la Loire, la FNSEA leur a remis une « note d’analyse » — que Reporterre a consultée — sur la proposition de loi, rappelant la position « favorable » du syndicat sur ce texte.
Lire aussi : Pesticides : la fuite en avant des cultivateurs de noisettes
Une force de frappe inégalée par les associations écologistes. Tandis que certaines ONG ne sont jamais reçues par le ministère de l’Agriculture, « le syndicat majoritaire a ses entrées dans le bureau d’Annie Genevard », illustre Henri Clément, membre de l’Union nationale de l’apiculture française.
Pour l’apiculteur, le poids de la FNSEA tient aussi à ses muscles. « Ils peuvent bloquer des routes avec leurs tracteurs, mettre le bazar jusque dans des ministères [comme le saccage du bureau de Dominique Voynet en 1999], rappelle-t-il. Et bien souvent, ils ne sont pas — ou peu — poursuivis. »
« Ces revendications n’émanent pas de la base »
Qu’il soit discret ou offensif, « il y a un fort lobbying de la FNSEA », constate Pierrick Courbon, député socialiste de la Loire et apiculteur amateur. Avec un discours bien rôdé : « Tandis qu’ils minimisent fortement les enjeux autour des néonicotinoïdes, ils sur-dramatisent la portée de ce texte, observe-t-il, avec des propos comme “si vous êtres contre ce texte, c’est que vous êtes contre apporter une réponse à la crise agricole”. »
D’après l’élu, l’effervescence autour de la loi Duplomb tient surtout de « la mobilisation corporatiste ». En clair : le texte est davantage porté par la direction nationale de la FNSEA plutôt que par une volonté paysanne. « On entend partout que la loi répondrait aux demandes des agriculteurs, mais je n’ai pas entendu d’agriculteurs réclamer plus de néonicotinoïdes ou d’élevages industriels, abonde Marie Pochon. Ces revendications n’émanent pas de la base. »
« La FNSEA et les sénateurs de droite savent qu’ils ont l’oreille attentive de la ministre de l’Agriculture, donc ils foncent »
Un avis partagé par le sénateur socialiste de la Loire Jean-Claude Tissot, lui-même agriculteur : « Est-ce que le fait de supprimer toutes les avancées environnementales va apporter du revenu aux agriculteurs ? Pas du tout », nous disait-il en janvier. Le texte ne propose rien sur les prix agricoles, rien non plus sur le changement climatique. Selon un sondage du collectif Nourrir, seuls 4 % des agriculteurs répondants se disent préoccupés par « l’interdiction et la réduction de l’usage des phytosanitaires », quand ils sont 21 % à s’inquiéter du dérèglement climatique.
Alors, pourquoi une telle offensive ? « C’est une politique de la terre brûlée, estimait Jean-Claude Tissot en janvier. La FNSEA et les sénateurs de droite savent qu’ils ont l’oreille attentive de la ministre de l’Agriculture, donc ils foncent. » Pour Marie Pochon, les défenseurs de l’agroproductivisme entendent également surfer sur la vague réactionnaire. « Il existe une “internationale fasciste” qui a une lourde capacité d’entraînement et d’influence, dit-elle, avec des relais politiques et médiatiques qui sont des fabriques de l’ignorance et des fake news. »
Des décennies de bataille
Apiculteur retraité, Henri Clément connaît bien la FNSEA, pour avoir ferraillé contre elle depuis trente ans. « C’est l’agrobusiness qui pilote le syndicat, estime-t-il. Et c’est le syndicat qui copilote les politiques agricoles en France depuis des décennies. » Pour lui, la loi Duplomb n’est donc qu’un énième épisode dans une bataille de longue date.
« Dès la fin des années 1990, le syndicat agricole et ses antennes, comme l’Association générale des producteurs de maïs, ont tout fait pour défendre les néonicotinoïdes, se souvient le défenseur des abeilles. Ils n’ont jamais cessé de se battre contre leur interdiction. »
Dit autrement, les dirigeants syndicaux profitent d’un contexte favorable à leurs idées productivistes pour pousser leur avantage. Mais cette machine apparemment bien huilée n’avance pas sans embûches. Le 7 mai, la commission développement durable de l’Assemblée a vidé de sa substance la proposition de loi, en supprimant toutes les mesures controversées. Bien que cette instance n’ait été saisie que « pour avis », « c’est une première victoire, insiste le député insoumis Sylvain Carrière. Il y a un fort rejet de ce texte, parmi la population et parmi les députés. »
Le texte doit désormais être examiné les 13 et 14 mai par la commission des affaires économiques, dont la version sera soumise en séance plénière à la fin du mois.
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Sur notre terrain
- Par Thierry LEDRU
- Le 19/07/2025
Je précise tout de suite que le "notre terrain" n'est qu'une vision administrative, résultant d'un passage chez le notaire et par là même l'encaissement de son chèque par l'état. Si encore, je pouvais savoir à quoi cet argent va servir...
Bref.
On a donc acheté une maison et un hectare de terrain dans ce qui est dénommé "L'Ardèche verte". Plus vraiment verte en ce moment et qui le sera de moins en moins année après année.
On est resté quatre ans dans la Creuse et en quatre ans, on a planté des dizaines d'arbres, creusé une mare, organisé un potager bio.
Au niveau biodiversité, quand on est arrivé, c'était la misère. En dehors des mouches, on ne voyait pas grand-chose. Quand on est parti, ce terrain aurait fait le bonheur d'un entomologiste ou celui d'un ornithologue. Le terrain grouillait de vie.
Quant au potager, entièrement paillé, broyat, compost, multicultures, le sol était devenu en quatre ans, un concentré de vie.
On recommence tout à zéro ici. Le terrain n'était qu'un jardin d'agrément. On a déjà planté une vingtaine d'arbres et à l'automne, ça sera une cinquantaine de plus. Le potager est en place, entièrement couvert par des paillasses pour être à l'ombre. Dans deux ans, il sera ombragé par les robiniers faux-acacias dont la croissance est très rapide.
Pour ce qui est de la biodiversité, c'est très pauvre. On amende le sol autant que possible. Les engrais verts sont à la base de tout.
Engrais verts : comment enrichir et protéger le sol naturellement
https://engrais-biocorn.fr/engrais-verts-enrichissement-sol/
Un sol vivant et fertile est essentiel pour obtenir un jardin productif et des cultures en bonne santé. Pourtant, entre deux cultures ou pendant la période hivernale, il peut être mis à rude épreuve : érosion, perte de nutriments, compactage… Pour éviter ces désagréments et améliorer la structure du sol, les engrais verts constituent une solution naturelle et efficace.
Cette technique agricole utilisée depuis des siècles permet d’enrichir le sol, de fixer l’azote, de stimuler la biodiversité et de préserver l’humidité.
Mais comment choisir les engrais verts adaptés à votre terrain ? À quel moment et comment les semer pour en tirer tous les bénéfices ? Voyons en détail comment intégrer cette méthode dans un jardin bio.
Pourquoi utiliser des engrais verts ?
Améliorer la fertilité du sol
Les engrais verts jouent un rôle clé dans l’enrichissement du sol. En poussant, ils captent les éléments minéraux disponibles et les restituent lors de leur décomposition. Ils constituent ainsi un apport de matière organique naturel qui améliore la structure du sol et favorise le développement des micro-organismes bénéfiques.
En fonction des plantes utilisées, ils peuvent également fixer l’azote atmosphérique, un élément essentiel pour la croissance des cultures suivantes. C’est notamment le cas des légumineuses comme la féverole ou le trèfle.
Protéger le sol de l’érosion et du compactage
Pendant l’hiver ou lors des périodes de jachère, un sol nu est vulnérable. Le vent, la pluie et les écoulements d’eau peuvent entraîner une perte importante de matière organique et de nutriments.
Les engrais verts couvrent rapidement le sol, limitant ainsi l’érosion et le lessivage des éléments minéraux. Leurs racines, en pénétrant profondément, structurent le sol et le rendent plus perméable, limitant ainsi le compactage dû aux intempéries ou au piétinement.
Limiter la prolifération des adventices
Un sol couvert est un sol où les mauvaises herbes ont plus de mal à s’installer. En occupant l’espace, les engrais verts empêchent les adventices (les plantes non désirées ou mauvaises herbes pour certains) de germer et de proliférer.
Certains engrais verts, comme la moutarde ou le seigle, sécrètent même des substances qui ralentissent la germination d’autres plantes. Cette action allélopathique (interactions biochimiques réalisées par les plantes) est un atout supplémentaire pour réduire naturellement la pression des adventices sans recourir à des herbicides.
Attirer les auxiliaires et stimuler la vie du sol
Les engrais verts ne profitent pas qu’au sol : ils sont également bénéfiques pour la biodiversité du jardin. En fleurissant, certaines espèces attirent les insectes pollinisateurs et nourrissent la faune locale.
Sous terre, la présence de racines stimule la vie microbienne et favorise le développement des vers de terre, qui améliorent encore la structure et l’aération du sol.
Les différents types d’engrais verts
Il existe plusieurs catégories d’engrais verts, chacun ayant des propriétés spécifiques. Selon votre sol et vos objectifs, vous pouvez choisir l’un ou plusieurs types de plantes.
Les légumineuses : fixatrices d’azote
Les légumineuses sont des engrais verts de choix pour enrichir naturellement le sol en azote. Elles ont la capacité de fixer l’azote atmosphérique grâce aux bactéries présentes sur leurs racines.
Quelques exemples :
Trèfle blanc, rouge ou incarnat : idéal pour améliorer un sol pauvre en azote.
Luzerne : très utile pour les sols compactés, grâce à son système racinaire profond.
Féverole et vesce : riches en biomasse et adaptées aux rotations culturales.
Les graminées : protectrices du sol
Les graminées sont particulièrement intéressantes pour stabiliser le sol, limiter l’érosion et piéger l’azote.
Exemples :
Seigle : très résistant au froid, il couvre efficacement le sol en hiver.
Ray-grass : pousse rapidement et protège efficacement contre le lessivage.
Avoine : idéale pour améliorer la structure des sols lourds et humides.
Les crucifères : biofumigation et restructuration
Certaines crucifères, comme la moutarde ou le radis fourrager, sont utilisées pour lutter naturellement contre les parasites du sol grâce à leurs propriétés biofumigantes. (voir notre précédent article sur le sujet)
Elles sont aussi efficaces pour améliorer l’aération du sol grâce à leurs racines pivotantes qui brisent les couches compactes.
Comment semer et utiliser les engrais verts ?
Périodes idéales de semis
Le choix du moment pour semer dépend de votre objectif :
En automne : pour couvrir le sol pendant l’hiver et limiter le lessivage.
Au printemps ou en été : pour structurer le sol et enrichir la terre avant une culture principale.
Méthode de semis et densité
Semez vos engrais verts à la volée sur un sol légèrement préparé. Ratissez ensuite pour enfouir légèrement les graines et arrosez régulièrement en cas de sécheresse.
Veillez à respecter les densités recommandées afin de garantir une bonne couverture végétale.
Quand et comment les enfouir ?
Les engrais verts doivent être broyés et incorporés au sol avant leur floraison, pour éviter qu’ils ne montent en graines et deviennent envahissants.
Après la coupe, laissez sécher les résidus quelques jours avant de les enfouir légèrement pour favoriser leur décomposition.
Bonnes pratiques et erreurs à éviter
Choisir la bonne espèce : adaptez votre engrais vert à votre type de sol et à vos besoins.
Ne pas laisser fleurir : les engrais verts doivent être enfouis avant la floraison pour conserver leur efficacité.
Varier les espèces : alterner les engrais verts en fonction des saisons améliore la structure du sol et limite les maladies.
Ne pas oublier l’arrosage : certains engrais verts, comme la luzerne, ont besoin d’un sol légèrement humide pour se développer correctement.
Les engrais verts sont une solution simple, économique et écologique pour améliorer la fertilité et la santé du sol. En les intégrant dans vos rotations culturales, vous optimisez la structure du sol, limitez l’érosion et stimulez la biodiversité de votre jardin.
Que vous soyez jardinier amateur ou maraîcher bio, l’utilisation des engrais verts est un excellent moyen d’entretenir votre sol naturellement tout en préparant les prochaines récoltes.
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Pétition contre la loi Duplomb
- Par Thierry LEDRU
- Le 19/07/2025
Résultats ce soir : 608 808 signatures.
Dont la mienne, bien évidemment.
Et maintenant ?
Contestation de la loi Duplomb : la pétition contre le texte a dépassé les 500 000 signatures nécessaires à l'organisation d'un nouveau débat
La pétition contre la loi Duplomb a réuni plus de 500 000 signatures en quelques jours. Conformément au règlement de l'Assemblée nationale, elle peut désormais déboucher sur un nouveau débat, sans vote.
Article rédigé par franceinfo - Matthias Troude
Radio France
Publié le 19/07/2025 08:39 Mis à jour le 19/07/2025 16:02
Temps de lecture : 2min
Les opposants à la loi Duplomb, adoptée début juillet, rassemblés le 27 mai près de l'Assemblée nationale. (photo d'illustration) (LEO VIGNAL / AFP)
À peine adoptée à l'Assemblée, et déjà une mobilisation pour l'abroger. La loi Duplomb fait l'objet d'une des pétitions les plus plébiscitées de l'histoire : quelques jours après avoir été initiée par une étudiante sur la plateforme de l'Assemblée nationale(Nouvelle fenêtre), elle a dépassé samedi 19 juillet le cap des 500 000 signatures. Selon le règlement de l'Assemblée nationale, la Conférence des présidents de l'Assemblée peut donc désormais organiser un débat public dans l'hémicycle. La Conférence décide seule et aucun recours n'est possible.
Dans un message sur X (ex Twitter), le président du groupe socialiste à l'Assemblée, Boris Vallaud, "demande à Yaël Braun-Pivet et aux autres présidents de groupe l'inscription de cette pétition sur la loi Duplomb à l’ordre du jour de l’Assemblée dès la rentrée."
La loi Duplomb, adoptée la semaine dernière, réintroduit un pesticide interdit depuis 2018, favorise les élevages intensifs et le stockage de l'eau dans des mégabassines. Elle est largement dénoncée par les associations environnementales et les partis de gauche.
: à lire aussi Loi Duplomb : la façade de la permanence du député écologiste Jean-Louis Roumégas vandalisée à Montpellier par la Coordination rurale
Le succès de la pétition traduit "une colère qui n'a fait que monter depuis quelques mois", assure Nadine Lauverjat, déléguée générale de Générations Futures, association de défense de l'environnement, invitée de franceinfo samedi matin. D'ordinaire la plateforme de pétitions sur le site de l'Assemblée nationale "ne fonctionne pas tellement, peu de pétitions réussissent à vraiment franchir des caps assez importants", rappelle-t-elle. Pour Nadine Lauverjat, un débat serait déjà "une étape importante qui [permettrait] de remettre de la démocratie et de la discussion, faire valoir des arguments qui sont forts, amener d'autres élus à déposer une proposition de loi pour [la] contrer".
Une pétition qui recueille 100 000 signatures obtient le droit d'être affichée sur le site de l'Assemblée et se voit attribuer une commission, en l'occurrence la commission des Affaires économiques. Puis, si elle atteint 500 000 signatures dans au moins 30 départements ou collectivités d'outre-mer, elle peut être débattue dans l'hémicycle, sans vote, si la Conférence des présidents l'accepte, ce qui n'est jamais arrivé. Jusqu'ici, la pétition "pour la dissolution de la Brav-M" était la seule à avoir dépassé les 100 000 signatures à l'Assemblée.
Non à la Loi Duplomb — Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective.
Date limite de recueil des signatures 17/07/2026
La plateforme des pétitions de l'Assemblée nationale permet aux citoyens d'adresser des pétitions à l'Assemblée nationale et de signer des pétitions déjà déposées.
Chaque pétition est attribuée à l'une des huit commissions permanentes de l'Assemblée nationale, en fonction de la thématique qu'elle aborde. Les pétitions ayant recueilli au moins 100 000 signatures sont mises en ligne sur le site de l'Assemblée nationale pour plus de visibilité.
Après attribution de la pétition à une commission, les députés de la commission désignent un député-rapporteur qui propose ensuite soit d'examiner le texte au cours d'un débat faisant l'objet d'un rapport parlementaire, soit de classer la pétition.
La Conférence des présidents de l'Assemblée nationale peut également décider d'organiser un débat en séance publique sur une pétition ayant recueilli au moins 500 000 signatures, issues d'au moins 30 départements ou collectivités d'outre-mer.
608 808/500 000 SIGNATURES
Non à la Loi Duplomb — Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective.
Eleonore PATTERY
10/07/2025
Identifiant: N°3014
Je m'appelle Eléonore PATTERY, j’ai 23 ans, et je suis actuellement en Master QSE et RSE (Qualité, Sécurité, Environnement / Responsabilité Sociétale des Entreprises).
En tant que future professionnelle de la santé environnementale et de la responsabilité collective, j’apprends chaque jour à appliquer ce que vous — législateurs — refusez aujourd’hui de respecter vous-mêmes.
La Loi Duplomb est une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire.
Elle représente une attaque frontale contre la santé publique, la biodiversité, la cohérence des politiques climatiques, la sécurité alimentaire, et le bon sens.- Cette loi est un acte dangereux.
Pour les travailleurs, les habitants, les écosystèmes, les services écosystémiques, et pour l’humanité tout entière.
Elle fragilise les réseaux trophiques et compromet la stabilité de notre environnement — dont nous dépendons intégralement.
Nous sommes ce que nous mangeons, et vous voulez nous faire manger quoi ? Du poison. -
Loi Duplomb
- Par Thierry LEDRU
- Le 19/07/2025
Est-ce qu'il est nécessaire de dire ce que j'en pense ?
En tout cas, si je venais à apprendre qu'un des votants "pour" est atteint un jour d'un cancer, je sais que je n'aurais absolument aucune compassion pour lui ou elle.
Loi Duplomb : découvrez si votre député a voté pour ou contre ce texte controversé sur l'agriculture
Cette proposition de loi, censée répondre aux revendications de la profession, prévoit notamment la réintroduction d'un pesticide de type néonicotinoïde. Elle a été définitivement adoptée malgré l'opposition d'une partie des députés du "bloc central".
Mathieu Lehot-Couette
Publié le 08/07/2025 19:37
L'Assemblée nationale a définitivement adopté, mardi 8 juillet, la proposition de loi "visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur", déposée par les sénateurs Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (UDI). Les députés ont voté, à 316 voix pour et 223 voix contre, ce texte défendu par les principaux syndicats agricoles, dont la FNSEA, mais très décrié pour plusieurs mesures dénoncées par ses opposants comme des reculs en matière d'environnement et de santé publique. Il prévoit notamment la réintroduction de l'acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France depuis 2018, mais autorisé ailleurs en Europe jusqu'en 2033.
Comment le député de votre circonscription s'est-il positionné sur ce texte controversé ? Utilisez le moteur de recherche ci-dessous pour le découvrir. Les députés Michel Castellani et Estelle Youssouffa, membres du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot), ont fait savoir après le vote, auquel ils n'ont pas participé, qu'ils avaient voulu voter contre.
Comment votre député a-t-il voté sur la proposition de loi Duplomb ?
Franceinfo ne conservera pas votre adresse.
Pour
Xavier Breton
Droite Républicaine
1ère circonscription de l'Ain (01)
Pour
Romain Daubié
Les Démocrates
2ème circonscription de l'Ain (01)
Non-votant
Olga Givernet
Ensemble pour la République
3ème circonscription de l'Ain (01)
Pour
Jérôme Buisson
Rassemblement National
4ème circonscription de l'Ain (01)
Pour
Marc Chavent
Union des droites pour la République
5ème circonscription de l'Ain (01)
Pour
Nicolas Dragon
Rassemblement National
1ère circonscription de l'Aisne (02)
Pour
Julien Dive
Droite Républicaine
2ème circonscription de l'Aisne (02)
Pour
Eddy Casterman
Rassemblement National
3ème circonscription de l'Aisne (02)
Pour
José Beaurain
Rassemblement National
4ème circonscription de l'Aisne (02)
Pour
Jocelyn Dessigny
Rassemblement National
5ème circonscription de l'Aisne (02)
Utilisez la barre de recherche au dessus pour faire apparaître les résultats de votre recherche.
Source : Assemblée nationale - 17e législature, scrutin n°2957 - Crédit : franceinfo
La répartition des votes entre groupes parlementaires montre une fracture attendue entre d'un côté la droite et l'extrême droite, qui ont largement soutenu le texte, et de l'autre côté les groupes de gauche, qui ont massivement voté contre. Les députés du "bloc central", en revanche, ont voté en ordre plus dispersé. Si les groupes Ensemble pour la République, Horizons et MoDem ont tous majoritairement approuvé le texte, une partie de leurs membres se sont abstenu et d'autres ont même voté contre, comme certains l'avaient annoncé en amont.
Répartition des votes des députés par groupe parlementaire
Pour (316)
Contre (223)
Abstention (25)
Non-votant (13)
Il y a 316 Pour , 223 Contre , 25 Abstention , 13 Non-votant .
Nombre de votes
Le groupe La France insoumise a voté : contre à 71 voix.
Le groupe Gauche Démocrate et Républicaine a voté : contre à 17 voix.
Le groupe Ecologiste et Social a voté : contre à 38 voix.
Le groupe Socialistes et apparentés a voté : contre à 65 voix. 1 n'a pas voté.
Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires a voté : pour à 12 voix. contre à 3 voix. 6 se sont abstenus. 2 n'ont pas votés.
Le groupe Les Démocrates a voté : pour à 26 voix. contre à 9 voix. 1 s'est abstenu.
Le groupe Ensemble pour la République a voté : pour à 64 voix. contre à 14 voix. 10 se sont abstenus. 5 n'ont pas votés.
Le groupe Horizons & Indépendants a voté : pour à 26 voix. contre à 3 voix. 4 se sont abstenus. 1 n'a pas voté.
Le groupe Droite Républicaine a voté : pour à 47 voix. 1 s'est abstenu.
Le groupe Union des droites pour la République a voté : pour à 16 voix.
Le groupe Rassemblement National a voté : pour à 119 voix. 2 se sont abstenus. 2 n'ont pas votés.
Le groupe Députés non inscrits a voté : pour à 6 voix. contre à 3 voix. 1 s'est abstenu. 2 n'ont pas votés.
Source : Assemblée nationale - 17e législature, scrutin n°2957 - Crédit : franceinfo
En première lecture, le 26 mai dernier, la proposition de loi avait fait l'objet d'une motion de rejet qui avait empêché son examen à l'Assemblée nationale. Le texte avait ainsi terminé en commission mixte paritaire où quatorze députés et sénateurs se sont entendus sur une version commune, celle qui a été votée mardi. Plusieurs mesures ont été édulcorées à cette occasion. L'Anses, l'agence de sécurité sanitaire, dont l'indépendance au sujet de l'évaluation des pesticides était menacée, est davantage préservée dans la version finale. Une réglementation qui risquait de mettre en péril les zones humides a également été écartée à cette occasion.
Pas de quoi satisfaire les opposants qui dénoncent une "loi poison". Les parlementaires insoumis, écologistes et socialistes ont annoncé qu'ils déposeraient des recours devant le Conseil constitutionnel, estimant pour certains que la loi contrevient aux principes de précaution et de non-régression environnementale.
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L'animisme
- Par Thierry LEDRU
- Le 19/07/2025
En envoyant Jarwal le lutin en Colombie, dans la Sierra Nevada, là où vivent les Indiens Kogis, l'idée était bien d'explorer cette vision du monde et de la part d'un lutin, c'était une voie incontournable.
Jarwal le lutin : la Création
Le 03/01/2012
"Jarwal était surpris de ce bien-être qui l’envahissait à de brefs instants, de cette joie indéfinissable qui survenait sans aucune raison apparente. Cette idée que le monde qui l’environnait était extérieur à lui devenait absurde. Il n’y avait pas de rupture entre son observation et l’élément observé, ni entre lui, l’observateur et le Monde. Tout cela formait un Tout. Il en devinait même une impression encore plus fascinante. Le Monde existait à travers ses regards tout comme lui s’inscrivait dans ce Monde. L’un et l’autre se nourrissant. Deux éléments constitués de la même matière, animés de la même énergie, juste séparés en apparence par des formes multiples.
Il était un lutin entouré d’un Monde infini mais rien, en dehors de cette imagination illimitée de la Création, ne séparait les œuvres. Il y avait en lui, tout comme au cœur des arbres, des animaux, du ciel, de l’eau des éléments identiques. La Vie avait peut-être créé les formes pour accueillir des esprits capables d’observer la Vie.
La Vie s’observait à travers sa Création et elle existait par conséquent pour elle-même à travers l’attention que lui portaient toutes les formes créées. Les Kogis, les Maruamaquas, Gwendoline, le Petit Peuple, les oiseaux, les poissons, les arbres, les fleurs, les papillons et les chevreuils, les scarabées et les renards, tout ce qui vibrait au cœur de la Vie permettait à la Vie de se réjouir d’elle-même.
Peut-être ces formes innombrables n’étaient-elles que la matérialisation de la joie de la Vie pour elle-même, des émotions magnifiques qu’elle tenait à voir évoluer au cœur d’une nature mirifique. Les êtres humains et le Petit Peuple étaient peut-être nés de ses émotions les plus fortes. Peut-être représentaient-ils l’apogée de son amour pour elle-même. Et dès lors ces créatures portaient en elles l’ultime tentative de la Vie, l’apogée de son amour. L’objectif de ces formes animées, de ces âmes magnifiées consistait à honorer la Vie pour cet amour d’elle-même.
Tout ce qui vivait du flux originel portait un Amour ineffable. Seuls les hommes s’étaient séparés de cet Amour, avaient éteint cette conscience de la Vie en eux. Comme une création aléatoire, une tentative avortée, une esquisse inachevée. Les hommes devaient apprendre à devenir ce que la Vie leur proposait. Au risque de ne jamais devenir des êtres humains.
Un sourire intérieur et cette envie irrépressible de serrer la main de Gwendoline. Un partage indispensable.
Elle le regarda intensément, une certaine surprise et puis cet abandon au bonheur qui devenait si simple. Des mots d’amour dans le silence brillant des yeux."
Publication de l'Ecole Jungienne de Psychanalyse Animiste -
"L’animisme, ou le seul langage qui nous relie encore au monde
Réapprendre à écouter la terre plutôt que l’interpréter
« Les animistes sont des personnes qui reconnaissent que le monde est peuplé de personnes, dont beaucoup ne sont pas humaines, et que la vie se vit toujours en relation. »
— Graham Harvey, Animism: Respecting the Living World (trad. personnelle)
Le vertige d’un monde délié
Nous vivons une époque paradoxale. Jamais nous n’avons été aussi informés, connectés, outillés. Et pourtant, jamais nous n’avons été aussi seuls. Déliés de la terre, séparés du ciel, méfiants vis-à-vis des eaux, sourds aux messages du vent, nous habitons un monde désenchanté. Ce n’est pas un monde sans dieux : c’est un monde sans liens.
Les anciennes cosmogonies, les mythes, les saisons — tout cela, que nous reléguons au folklore — portaient en réalité une grammaire relationnelle. Le sol n’était pas un sous-sol, mais une matrice. L’arbre n’était pas un objet paysager, mais un être. Et la nature, loin d’être un décor, était un vis-à-vis.
L’animisme, ce qui reste quand on cesse de régner
Le mot « animisme » est souvent mal compris. On l’associe à des superstitions primitives, à des peuples lointains, à des pratiques chamaniques plus ou moins ésotériques. Mais l’animisme n’est pas une religion. C’est un mode de relation. C’est le nom donné à cette expérience directe que tout est vivant.
L’animisme ne demande pas d’y croire. Il demande d’écouter.
« Nous sommes des êtres spirituels, et nous avons besoin de spiritualité plus que jamais. Nous devons comprendre que la nature nous a donné naissance, qu’elle est notre maison et notre source de bien-être. »
— David Suzuki, The Sacred Balance (trad. française de l’édition 2009, Les Éditions Ecosociété)
La clé de cette spiritualité n’est pas une croyance imposée. Elle est une perception retrouvée.
Le chamanisme n’est pas la réponse : il est une mémoire
Le retour massif du chamanisme dans les sociétés occidentales interroge. Pourquoi des cadres, des thérapeutes, des artistes se tournent-ils vers la Mongolie, la Sibérie ou l’Amazonie pour trouver ce qui leur manque ?
Parce que nos terres ont été dépossédées de leurs mythes, et que notre langue n’a plus les mots pour dire l’âme du monde.
Mais attention : importer le chamanisme tel quel ne suffit pas. Car ce n’est pas notre mémoire, ce ne sont pas nos rythmes. Ce sont les rêves d’un autre peuple, les chants d’un autre monde. Le chamanisme peut être un miroir, une inspiration, un tison pour rallumer le feu. Mais il ne saurait devenir notre propre parole.
Ce que nous avons à retrouver, c’est notre propre façon d’être en lien avec le vivant, ici et maintenant, sur cette terre, avec cette langue, avec ces saisons.
Nos anciens savaient
Nous avons été animistes. Cela n’est pas réservé aux peuples dits “premiers”. L’Europe elle-même fut tissée de présences. Il y avait des esprits dans les sources, des génies dans les arbres, des nymphes dans les montagnes. Le monde était habité.
Les druides, les sages, les femmes-herboristes, les conteurs de veillées… Tous vivaient dans un monde peuplé, dans un monde où chaque chose avait une parole à offrir.
Puis est venue l’époque du soupçon, de la désacralisation, de la pensée-machine. Mais l’âme ne meurt jamais : elle se retire. Et aujourd’hui, elle nous appelle à la rejoindre là où elle s’est réfugiée : dans la douceur d’une lumière matinale, dans le chant d’un merle, dans la patience d’un ruisseau.
Rythme du monde, rythme de l’âme
Il ne s’agit pas seulement d’écologie. Il s’agit de rythme. Le grand désaccord de l’homme moderne, c’est qu’il ne bat plus au même tempo que le monde. Il s’est désaccordé.
L’animisme n’est pas un regard passéiste sur le monde. C’est un art d’habiter le présent dans sa densité vivante. C’est un recentrage. Une respiration. Une manière de se souvenir que nous ne sommes pas des cerveaux embarqués dans une machine biologique, mais des êtres traversés par des souffles plus vastes.
Le monde nous parle, mais savons-nous encore l’écouter ?
Les peuples animistes ne croient pas que la nature est sacrée. Ils savent qu’elle l’est. Cette connaissance n’est pas métaphysique. Elle est intime, sensorielle, quotidienne.
L’arbre ne se demande pas s’il doit pousser. Il pousse. La pluie ne justifie pas son action. Elle tombe. Le renard ne joue pas un rôle. Il suit sa nature. Le monde agit selon sa nécessité vivante, et c’est cela qui est juste.
« Chaque chose étant ordonnée à elle-même en faisant ce qu’elle sait faire, chaque chose étant dans son énergie propre, tout est juste. »
— Bertrand Vergely, Dieu veut des dieux, Le Passeur éditeur, 2018
Et nous ? Savons-nous encore ce que nous savons faire, profondément ? Sommes-nous encore capables de vivre dans notre propre rythme, et non dans celui imposé par la machine, le calendrier, le marché ?
Vers une spiritualité incarnée
L’animisme ne réclame pas de temples. Il réclame des lieux d’écoute. Il nous invite à faire silence, à ouvrir la main au lieu de la refermer, à consentir à ne pas tout comprendre. Il nous invite à redevenir élèves du monde.
Il ne s’agit pas de croire que la pierre a une âme. Il s’agit de laisser l’âme venir à soi quand on touche la pierre. Il ne s’agit pas de parler aux animaux. Il s’agit de les regarder dans les yeux et se souvenir de ce que nous avons oublié.
Le retour au vivant n’est pas une option
Nous vivons une époque où l’homme cherche un sens à son existence alors que le monde entier cherche un sens à la présence de l’homme. L’animisme est la seule réponse possible, non parce qu’elle est à la mode, mais parce qu’elle est fondamentale, oubliée, refoulée.
L’Occident ne retrouvera pas le lien par la technologie, ni par la psychologie seule, ni par la consommation éthique. Il le retrouvera en se tenant de nouveau humblement devant ce qui est, et en acceptant que le monde est sujet, pas objet.
Nous ne sommes pas au centre. Nous sommes dans le tissu. Et cela change tout."
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Ascension
- Par Thierry LEDRU
- Le 15/07/2025
On marche, Là-Haut.
Je ne tombe pas, mon corps suit le rythme, ma cheville tient, les mollets durcissent au fil des kilomètres mais j'ai appris à les détendre en visualisant l'enroulé du pied, jusqu'à la poussée totale des orteils, la musique dans les oreilles, les yeux rivés sur les pierres, sur les racines ou levés vers les sommets quand le chemin est plus facile. Des sorties de cinq, six heures, plus de mille mètres de dénivelée, les mains qui serrent les bâtons, les épaules qui poussent dans les montées ou supportent les appuis dans les descentes, on court parfois et il m'arrive d'en rire intérieurement.
Je suis Là-Haut, rien d'autre ne compte. Je continue l'ascension dans ma vieillesse, celle qui s'ajoute jour après jour mais qui ne peut éteindre la joie de l'effort, la sueur sur mon front, la brûlure de mes cuisses, le bonheur de l'eau du torrent, les cieux ouverts depuis les cimes.
J'ai vécu un moment très intense dans une descente raide, technique, des sangles rocheuses, couvertes de pierres qui glissaient sous les pieds. Dans un appui sur la cheville gauche, celle qui est devenue fragile, alors que rien ne le justifiait, j'ai eu un coup au ventre, l'impression que le pied allait se défausser et que j'allais tomber et j'ai senti la douleur dans mon corps, une électrification extrêmement précise, comme si la cheville se tordait, le craquement, la chute. Invraisemblable.
Je sais, depuis le temps, combien le corps garde en mémoire les traumatismes et ça n'est pas la première fois que surgit ainsi un souvenir traumatique. Je n'ai eu aucune pensée qui aurait pu raviver la peur, aucun déséquilibre, rien qui ne vienne justifier ce choc émotionnel. Et pourtant...
Je suis convaincu que tous nos traumatismes devraient être pris en charge pour être épurés. Nous gardons en mémoire des charges dangereuses. Cette peur fulgurante aurait pu m'amener à prendre un mauvais appui, à me priver de ma concentration pendant un quart de seconde, le temps suffisant pour plonger en avant.
Là, il ne s'agissait que du souvenir de la dernière entorse, rien de bien dramatique au regard des hernies discales. Ou de la menace générée par la sténose.
La puissance de l'inconscient est redoutable. Cette mémoire incontrôlable, ce chaos intérieur, il faut l'étreindre, l'explorer, l'ausculter, le disséquer parce qu'il est mortifère et qu'il porte atteinte à la vie. Je n'existe pas dans ce passé mais j'en ai gardé des traces. Je n'existe pas dans la menace de la sténose mais il arrive qu'elle impose sa présence dans l'instant. Cette gestion du temps, je l'apprends en montant Là-Haut. Ni passé, ni futur, juste le pas en cours, celui que je dois réussir, celui sur lequel je dois offrir toute mon énergie. Pour rester debout.
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Paul-Emile VICTOR : 1973
- Par Thierry LEDRU
- Le 15/07/2025
Il est malhonnête de dire que nous ne pouvions pas prévoir.
Pour les articles homonymes, voir Victor.
Paul-Émile Victor
Portrait d'après photo
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Paul Eugène Victor, dit Paul-Émile Victor ou PEV, né le 28 juin 1907 à Genève et mort le 7 mars 1995 à Bora-Bora, est un explorateur polaire, scientifique, ethnologue, écrivain français, fondateur et patron des expéditions polaires françaises durant vingt-neuf ans.
Biographie
Jeunesse et débuts de carrière (1907-1934)
Paul Eugène[1] Victor naît le 28 juin 1907 à Genève en Suisse, de parents français immigrés d'origine juive d'Europe centrale. Il est le fils d'Erich Heinrich Victor Steinschneider, issu d'un milieu aisé de juristes et d’industriels originaires de Bohême, et de Maria Laura Baum, issue d’une famille bourgeoise polonaise établie à Vienne, installés dans le Jura à partir de 1906. C’est le 10 juin 1907 qu'Erich Heinrich Victor Steinschneider obtient de la lieutenance générale impériale et royale du royaume de Bohême l’autorisation de changer son nom en « Éric Victor ». Soucieux de s'intégrer dans sa nouvelle patrie, cette francisation (en choisissant son troisième prénom comme patronyme) lui permet de masquer la consonance germanique de son nom dans un pays encore marqué par la guerre de 1870[2].
Les parents choisissent Genève, où ils connaissent une doctoresse réputée, pour qu'y naisse leur premier enfant, Paul, déclaré de nationalité autrichienne à sa naissance. Sa sœur Lily Marguerite naît le 30 novembre 1908.
Paul passe une partie de son enfance en France à Saint-Claude dans le Jura où son père possède une usine de pipes en bruyère, les « Établissements E.H.Victor »[3].
En 1916, ses parents déménagent à Lons-le-Saunier, toujours dans le département du Jura, où son père crée une nouvelle usine de pipes qui se diversifie en 1928 dans la fabrication de stylos, l'Angleterre, son principal pays débouché s'étant réservé le monopole de la vente de pipes sur son territoire[4].
Très jeune, Paul-Émile se réfugie dans le grenier, loué avec l'appartement de la « Villa Bernard »[5], propriété de la famille Bernard-Genin, où il se plonge dans une collection de livres et de revues, d'affiches et de récits d'aventures, d'exploration et d'ethnologie, qui éveillent en lui des rêves et la passion des voyages polaires et polynésiens[6]. Il entre aux Éclaireurs de France (où il devient « Tigre Souriant »[7]) dont il sera responsable local et avec qui il gardera des liens tout au long de sa vie. Il revient sur cet épisode de sa vie dans son livre de souvenirs « La Mansarde ».
En 1925, ayant obtenu les baccalauréats sciences-langues-math-philo, il poursuit une formation d’ingénieur à l'École centrale de Lyon qu'il quitte en fin de troisième année sans diplôme, pour passer et réussir le concours d'entrée de l'École nationale de navigation maritime de Marseille, dont il sortira diplômé le 26 novembre 1928. Il fait ensuite son service militaire dans la Marine nationale : incorporé en mai 1929 à Toulon, le matelot de deuxième classe Victor devient après ses classes élève officier sur le bateau-école cuirassé Voltaire puis aspirant sur le porte-avions Béarn. La Marine, dont il se fait une idée plus poétique, le déçoit[8].
En 1931, il obtient un brevet de pilote d'avion, grâce à son instructeur et ami, Claude de Cambronne. Les deux années suivantes, il est employé aux Établissements E.H. Victor mais rapidement, son désir d'aller explorer les îles polynésiennes l'en détourne. Arrivé à Paris en septembre 1933, il obtiendra bientôt le diplôme de l'Institut d'ethnographie du Trocadéro de Paris[9].
Premières expéditions au Groenland (1934-1939)
Demande de mission au Groenland par Paul-Émile Victor, mars 1934. Archives nationales.
Affiche pour une conférence de Paul-Émile Victor, Théâtre municipal de Lons-le-Saunier, 12 mars 1938.
En 1934, à la suite d'une rencontre décisive avec le célèbre et très médiatique commandant et explorateur polaire français Jean-Baptiste Charcot, il organise sa première expédition polaire grâce au Musée d'Ethnographie du Trocadéro de Paris et son directeur, Paul Rivet. Il embarque sur le Pourquoi-Pas ? du célèbre commandant et se fait débarquer avec trois compagnons, le médecin et anthropologue Robert Gessain, le géologue Michel Pérez[10] et le cinéaste Fred Matter-Steveniers, sur la côte est du Groenland pour sa première expédition polaire chez les « Eskimos » de la localité d'Ammassalik. Au cours de cette première année passée avec les inuits, il apprend à parler couramment leur langue.
En 1935, à son retour en France, fort de son aura et de son sens de la communication exceptionnel, il acquiert une notoriété médiatique grâce à de nombreuses conférences et articles sur ses aventures, dans des revues diverses.
En 1936, il réalise l'exploit de traverser le Groenland en traîneaux à chiens, d'ouest en est, avec ses compagnons Robert Gessain, Michel Pérez et le Danois Eigil Knuth. Arrivé à l'est, il reste quatorze mois seul à Kangerlussuatsiaq au sein d'une famille Inuit « comme un Eskimo parmi les Eskimos ». Aventure durant laquelle il a une liaison avec Doumidia, une « ravissante » jeune inuit de dix-neuf ans (il en a vingt-neuf).
À son retour en France à bord du Quest de Gaston Micard, il rencontre un nouveau grand succès médiatique et scientifique grâce à ses nombreuses conférences et articles de presse et de revue diverses et publie pour le Musée de l'Homme les résultats de son étude ethnologique et ses nombreuses notes et dessins sur la culture traditionnelle groenlandaise entièrement organisée autour du phoque.
En 1938, avec Michel Perez et le lieutenant Jacques Flotard (armée des Alpes, futur chef de corps de l’Ecole Militaire de Haute Montagne ), il effectue un raid transalpin Nice / Chamonix en traîneaux à chiens pour démontrer, avec succès, que les techniques polaires peuvent pallier les problèmes de transport d'hommes et de matériel en cas d'hiver rigoureux.
En 1939, il réalise une étude ethnologique en Laponie norvégienne, finlandaise, suédoise avec ses amis les docteurs Michel Latarjet et Raymond Latarjet.
Pilote de l'US Air Force (1941-1946)
Paul-Émile Victor, lors de la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, est mobilisé dans la marine française basée à Stockholm en Suède. Il est à la fois officier de renseignement et officier de liaison avec la Finlande alliée jusqu'à l'armistice de 1940. Il quitte la France à l'automne 1940 et séjourne au Maroc puis en Martinique dans le cadre de missions ethnologiques, et arrive aux États-Unis en juillet 1941.
En 1942, il s'engage dans l'US Air Force comme GI, avant de devenir, grâce à sa connaissance du milieu polaire, lieutenant-instructeur, pilote et parachutiste. Il prend par la suite le commandement d'une des escadrilles « recherche et sauvetage » de pilotes perdus en milieu polaire pour l'Alaska, le Canada et le Groenland et obtient à ce titre la double nationalité française et américaine.
Rentré en France en décembre 1945, il est démobilisé en juillet 1946 et se marie le 30 juillet, avec Éliane Decrais (1918-2017) dont il a un premier fils le 30 mai 1947, Jean-Christophe[11] puis les jumeaux Stéphane et Daphné le 6 novembre 1952. Le 30 septembre 1971, il aura un autre fils Teva (sculpteur) avec sa seconde femme Colette[12].
Chef des Expéditions polaires françaises (1947-1976)
Article connexe : Expéditions polaires françaises.
Les populations Inuits sont restées peu connues avant les récits des premiers explorateurs.
Le 28 février 1947, après 13 ans d'exploration et d'ethnologie, Paul-Émile Victor s'oriente vers les expéditions scientifiques en créant les Expéditions Polaires Françaises - EPF - Missions Paul-Émile Victor[13] grâce à son charisme, à son don pour les relations publiques et avec l'appui entre autres des médias, du gouvernement et du député et ministre André Philip.
De 1947 à 1976, il dirige les Expéditions polaires françaises. Au cours de ces vingt-neuf années, 150 expéditions sont menées, dix-sept d'entre elles qu'il vit et dirige personnellement en Terre Adélie en Antarctique et quatorze au Groenland en Arctique avec, entre autres, comme cadreur Samivel.
Il est également chef de l'Expédition glaciologique internationale au Groenland (EGIG), président du Scientific Committee on Antarctic Research (SCAR), président du Comité antarctique français pour l'Année géophysique internationale (AGI).
Paul-Émile Victor réalise en 1956 son premier voyage en terre Adélie. Il y installe, trois ans plus tard, la base antarctique Dumont d'Urville et la base Charcot 320 km vers l'intérieur du continent Antarctique. Pour progresser sur les zones glaciaires il fait fabriquer par l'intermédiaire de la Someto des chenilles spéciales dessinées par M. Cousin.
À partir de 1962, il s'intéresse puis se passionne pour la défense de l'homme et de son environnement et devient en 1968 délégué général de la Fondation pour la Sauvegarde de la Nature, créée par Louis Armand.
Le 1er mars 1965, il épouse en secondes noces à Tahiti, Colette Faure, une hôtesse de l'air qui vit dans une péniche voisine de la sienne, amarrée sur la Seine à Paris, dont il a un fils : Teva[14], né le 30 septembre 1971. C'est Colette qui lui fait découvrir le livre Printemps silencieux (Silent Spring) de l'océanographe américaine Rachel Carson, ouvrage qui le décide à s'investir pleinement dans le mouvement écologiste[15].
En 1974, il crée le « Groupe Paul-Émile Victor pour la défense de l'homme et de son environnement » avec notamment, Jacqueline Auriol, Alain Bombard, Jacques-Yves Cousteau, Haroun Tazieff, les professeurs Louis Leprince-Ringuet et Jacques Debat, groupe dont les travaux fourniront la matière de son livre Jusqu'au cou… et comment s'en sortir publié en 1979 chez Nathan, où il aborde ce que l'on appelle aujourd'hui le « développement durable » dans une perspective globale et pratique.
En 1976, à 69 ans, il prend sa retraite et transmet la direction des EPF à ses compagnons, notamment Jean Vaugelade et Gaston Rouillon, et devient membre du Conseil consultatif des TAAF (Terres australes et antarctiques françaises).
Les Expéditions Polaires Françaises, après avoir été intégrées dans l'Institut Français pour la Recherche et la Technologie Polaires (IFRTP), ont laissé la place, au début des années 2000, à l'Institut polaire français Paul-Émile-Victor (IPEV [archive]), basé à Brest.
Retraite en Polynésie (1976-1995)
Bora Bora, où demeure Paul-Émile Victor de 1977 à sa mort.
En 1977, il réalise son second rêve d'adolescent : avec sa femme Colette et leur fils, ils s'installent en Polynésie française sur leur motu, vierge, le Motu Tane (« l'île de l'homme » en langue tahitienne) à Bora-Bora, où il passe sa retraite à rédiger ses mémoires et des articles tout en dessinant beaucoup et en jouant encore, à l'occasion, de son énorme aura médiatique dans des causes diverses, et en recevant le gotha scientifique planétaire de passage dans cette île paradisiaque.
Les 5 et 6 octobre 1982 a lieu à l'hôtel Drouot la vente de sa bibliothèque polaire et de voyages. Le catalogue comporte une intéressante introduction de Paul-Émile Victor expliquant les raisons de la vente : « il n'est guère possible de faire venir mes 125 mètres linéaires de ma bibliothèque polaire » et « raison profonde… je ne veux pas qu'ils aillent se noyer dans une bibliothèque de Musée… »[16].
En 1987, pour fêter ses 80 ans, il retourne en février en terre Adélie, accompagné de quatre adolescents, son fils de 15 ans et trois étudiants français qui ont gagné un concours organisé par les Explorations polaires françaises et le journal Science et Vie[17]. Puis, le 5 mai, il pose pour la première fois le pied au pôle Nord avec l'expédition polaire en ULM de Hubert de Chevigny et Nicolas Hulot.
En 1988, sur son île, il est frappé par un accident vasculaire cérébral qui le paralyse à moitié, mais dont il récupère en grande partie.
En janvier 1989 est inauguré le « musée polaire Paul-Émile-Victor » à Prémanon, près des Rousses à 30 km de Saint-Claude, dans le Jura franc-comtois de son enfance, où il effectue de nombreux séjours lorsqu'il est en France. Ce musée fondé avec son ami jurassien Pierre Marc devient en 1998 le « Centre polaire Paul-Émile Victor », qui fermera définitivement ses portes le 31 mars 2016 pour faire place à l'Espace des Mondes Polaires Paul-Émile Victor.
Il fut « consul » du royaume d'Araucanie et de Patagonie à Bora-Bora[18].
Le 7 mars 1995, il meurt sur le Motu Tane à l'âge de 87 ans et, selon ses dernières volontés, est immergé en haute mer avec les hommages de la Marine nationale à bord du bâtiment de transport léger de la classe Champlain, le Dumont d'Urville.
Paul-Émile Victor est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages scientifiques, techniques, de vulgarisation et d'aventures, et de très nombreuses revues et articles. Il obtient le prix de l'Académie française en 1973 pour l'ensemble de son œuvre littéraire, la grand-croix de la Légion d'honneur et le titre de Satrape du Collège de 'Pataphysique.
Écrivain, dessinateur, protecteur de la nature avant l'heure, homme de cœur, de contact et de communication, « PEV » (comme l'appellent ses amis) a laissé en héritage - outre un institut polaire et un musée - un état d'esprit, celui qui a guidé sa vie d'explorateur et d'humaniste passionné, ouvert sur le monde et sur les autres. Depuis son plus jeune âge, il a porté et défendu des valeurs partagées avec le scoutisme telles que :
l'esprit d’équipe, le sens du partage et de l’intérêt général, voire de l'intérêt national ;
le sens de la responsabilité, personnelle et planétaire ;
l'intégrité, l'indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques et financiers ;
la curiosité, l'ouverture, la confiance en l’autre ;
le sens de la transmission, l'écoute et le soutien aux générations futures…
C'est pour pérenniser sa mémoire, son œuvre, ses convictions et ses valeurs que ses quatre enfants ont créé le fonds de dotation Paul-Émile-Victor, appelé, entre autres, à initier, monter ou soutenir tout projet, sportif ou non, polaire ou non, en concordance avec ces valeurs, fondamentalement humaines.