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  • Pétition contre la loi Duplomb

    Résultats ce soir : 608 808 signatures.

    Dont la mienne, bien évidemment.

    Et maintenant ? 

     

    Contestation de la loi Duplomb : la pétition contre le texte a dépassé les 500 000 signatures nécessaires à l'organisation d'un nouveau débat

    La pétition contre la loi Duplomb a réuni plus de 500 000 signatures en quelques jours. Conformément au règlement de l'Assemblée nationale, elle peut désormais déboucher sur un nouveau débat, sans vote.

    809 commentaires

    Article rédigé par franceinfo - Matthias Troude

    Radio France

    Publié le 19/07/2025 08:39 Mis à jour le 19/07/2025 16:02

    Temps de lecture : 2min Les opposants à la loi Duplomb, adoptée début juillet, rassemblés le 27 mai près de l'Assemblée nationale. (photo d'illustration) (LEO VIGNAL / AFP)

    Les opposants à la loi Duplomb, adoptée début juillet, rassemblés le 27 mai près de l'Assemblée nationale. (photo d'illustration) (LEO VIGNAL / AFP)

    À peine adoptée à l'Assemblée, et déjà une mobilisation pour l'abroger. La loi Duplomb fait l'objet d'une des pétitions les plus plébiscitées de l'histoire : quelques jours après avoir été initiée par une étudiante sur la plateforme de l'Assemblée nationale(Nouvelle fenêtre), elle a dépassé samedi 19 juillet le cap des 500 000 signatures. Selon le règlement de l'Assemblée nationale, la Conférence des présidents de l'Assemblée peut donc désormais organiser un débat public dans l'hémicycle. La Conférence décide seule et aucun recours n'est possible.

    Dans un message sur X (ex Twitter), le président du groupe socialiste à l'Assemblée, Boris Vallaud, "demande à Yaël Braun-Pivet et aux autres présidents de groupe l'inscription de cette pétition sur la loi Duplomb à l’ordre du jour de l’Assemblée dès la rentrée."

    La loi Duplomb, adoptée la semaine dernière, réintroduit un pesticide interdit depuis 2018, favorise les élevages intensifs et le stockage de l'eau dans des mégabassines. Elle est largement dénoncée par les associations environnementales et les partis de gauche. 

    : à lire aussi Loi Duplomb : la façade de la permanence du député écologiste Jean-Louis Roumégas vandalisée à Montpellier par la Coordination rurale

    Le succès de la pétition traduit "une colère qui n'a fait que monter depuis quelques mois", assure Nadine Lauverjat, déléguée générale de Générations Futures, association de défense de l'environnement, invitée de franceinfo samedi matin. D'ordinaire la plateforme de pétitions sur le site de l'Assemblée nationale "ne fonctionne pas tellement, peu de pétitions réussissent à vraiment franchir des caps assez importants", rappelle-t-elle. Pour Nadine Lauverjat, un débat serait déjà "une étape importante qui [permettrait] de remettre de la démocratie et de la discussion, faire valoir des arguments qui sont forts, amener d'autres élus à déposer une proposition de loi pour [la] contrer". 

    Une pétition qui recueille 100 000 signatures obtient le droit d'être affichée sur le site de l'Assemblée et se voit attribuer une commission, en l'occurrence la commission des Affaires économiques. Puis, si elle atteint 500 000 signatures dans au moins 30 départements ou collectivités d'outre-mer, elle peut être débattue dans l'hémicycle, sans vote, si la Conférence des présidents l'accepte, ce qui n'est jamais arrivé. Jusqu'ici, la pétition "pour la dissolution de la Brav-M" était la seule à avoir dépassé les 100 000 signatures à l'Assemblée. 

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    Plateforme des pétitions de l’Assemblée nationale

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    Liste des pétitions

    Aide

     

    Non à la Loi Duplomb — Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective.

     

    Date limite de recueil des signatures 17/07/2026

    Pétition

    La plateforme des pétitions de l'Assemblée nationale permet aux citoyens d'adresser des pétitions à l'Assemblée nationale et de signer des pétitions déjà déposées.

    Chaque pétition est attribuée à l'une des huit commissions permanentes de l'Assemblée nationale, en fonction de la thématique qu'elle aborde. Les pétitions ayant recueilli au moins 100 000 signatures sont mises en ligne sur le site de l'Assemblée nationale pour plus de visibilité.

    Après attribution de la pétition à une commission, les députés de la commission désignent un député-rapporteur qui propose ensuite soit d'examiner le texte au cours d'un débat faisant l'objet d'un rapport parlementaire, soit de classer la pétition.

    La Conférence des présidents de l'Assemblée nationale peut également décider d'organiser un débat en séance publique sur une pétition ayant recueilli au moins 500 000 signatures, issues d'au moins 30 départements ou collectivités d'outre-mer.

    608 808/500 000 SIGNATURES

    Non à la Loi Duplomb — Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective.

    Avatar Eleonore PATTERY

    10/07/2025

    Identifiant: N°3014

    Je m'appelle Eléonore PATTERY, j’ai 23 ans, et je suis actuellement en Master QSE et RSE (Qualité, Sécurité, Environnement / Responsabilité Sociétale des Entreprises).

    En tant que future professionnelle de la santé environnementale et de la responsabilité collective, j’apprends chaque jour à appliquer ce que vous — législateurs — refusez aujourd’hui de respecter vous-mêmes.

    La Loi Duplomb est une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire.
    Elle représente une attaque frontale contre la santé publique, la biodiversité, la cohérence des politiques climatiques, la sécurité alimentaire, et le bon sens.

    - Cette loi est un acte dangereux.
    Pour les travailleurs, les habitants, les écosystèmes, les services écosystémiques, et pour l’humanité tout entière.
    Elle fragilise les réseaux trophiques et compromet la stabilité de notre environnement — dont nous dépendons intégralement.
    Nous sommes ce que nous mangeons, et vous voulez nous faire manger quoi ? Du poison.

  • Loi Duplomb

    Est-ce qu'il est nécessaire de dire ce que j'en pense ?

    En tout cas, si je venais à apprendre qu'un des votants "pour" est atteint un jour d'un cancer, je sais que je n'aurais absolument aucune compassion pour lui ou elle.

     

    Loi Duplomb : découvrez si votre député a voté pour ou contre ce texte controversé sur l'agriculture

     

    Cette proposition de loi, censée répondre aux revendications de la profession, prévoit notamment la réintroduction d'un pesticide de type néonicotinoïde. Elle a été définitivement adoptée malgré l'opposition d'une partie des députés du "bloc central".

    Mathieu Lehot-Couette

    Publié le 08/07/2025 19:37

    L'Assemblée nationale a définitivement adopté, mardi 8 juillet, la proposition de loi "visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur", déposée par les sénateurs Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (UDI). Les députés ont voté, à 316 voix pour et 223 voix contre, ce texte défendu par les principaux syndicats agricoles, dont la FNSEA, mais très décrié pour plusieurs mesures dénoncées par ses opposants comme des reculs en matière d'environnement et de santé publique. Il prévoit notamment la réintroduction de l'acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France depuis 2018, mais autorisé ailleurs en Europe jusqu'en 2033.

    : à lire aussi Néonicotinoïde, mégabassines, élevage intensif... Les mesures clés de la proposition de loi Duplomb, controversée mais définitivement adoptée

    Comment le député de votre circonscription s'est-il positionné sur ce texte controversé ? Utilisez le moteur de recherche ci-dessous pour le découvrir. Les députés Michel Castellani et Estelle Youssouffa, membres du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot), ont fait savoir après le vote, auquel ils n'ont pas participé, qu'ils avaient voulu voter contre.

    Comment votre député a-t-il voté sur la proposition de loi Duplomb ?

    Franceinfo ne conservera pas votre adresse.

    Pour

    Xavier Breton

    Xavier Breton

    Droite Républicaine

    1ère circonscription de l'Ain (01)

    Pour

    Romain Daubié

    Romain Daubié

    Les Démocrates

    2ème circonscription de l'Ain (01)

    Non-votant

    Olga Givernet

    Olga Givernet

    Ensemble pour la République

    3ème circonscription de l'Ain (01)

    Pour

    Jérôme Buisson

    Jérôme Buisson

    Rassemblement National

    4ème circonscription de l'Ain (01)

    Pour

    Marc Chavent

    Marc Chavent

    Union des droites pour la République

    5ème circonscription de l'Ain (01)

    Pour

    Nicolas Dragon

    Nicolas Dragon

    Rassemblement National

    1ère circonscription de l'Aisne (02)

    Pour

    Julien Dive

    Julien Dive

    Droite Républicaine

    2ème circonscription de l'Aisne (02)

    Pour

    Eddy Casterman

    Eddy Casterman

    Rassemblement National

    3ème circonscription de l'Aisne (02)

    Pour

    José Beaurain

    José Beaurain

    Rassemblement National

    4ème circonscription de l'Aisne (02)

    Pour

    Jocelyn Dessigny

    Jocelyn Dessigny

    Rassemblement National

    5ème circonscription de l'Aisne (02)

    Utilisez la barre de recherche au dessus pour faire apparaître les résultats de votre recherche.

    Source : Assemblée nationale - 17e législature, scrutin n°2957 - Crédit : franceinfo

    La répartition des votes entre groupes parlementaires montre une fracture attendue entre d'un côté la droite et l'extrême droite, qui ont largement soutenu le texte, et de l'autre côté les groupes de gauche, qui ont massivement voté contre. Les députés du "bloc central", en revanche, ont voté en ordre plus dispersé. Si les groupes Ensemble pour la République, Horizons et MoDem ont tous majoritairement approuvé le texte, une partie de leurs membres se sont abstenu et d'autres ont même voté contre, comme certains l'avaient annoncé en amont.

    Répartition des votes des députés par groupe parlementaire

    Pour (316)

    Contre (223)

    Abstention (25)

    Non-votant (13)

    Il y a 316 Pour , 223 Contre , 25 Abstention , 13 Non-votant .

     

    Nombre de votes

    Le groupe La France insoumise a voté : contre à 71 voix.

    Le groupe Gauche Démocrate et Républicaine a voté : contre à 17 voix.

    Le groupe Ecologiste et Social a voté : contre à 38 voix.

    Le groupe Socialistes et apparentés a voté : contre à 65 voix. 1 n'a pas voté.

    Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires a voté : pour à 12 voix. contre à 3 voix. 6 se sont abstenus. 2 n'ont pas votés.

    Le groupe Les Démocrates a voté : pour à 26 voix. contre à 9 voix. 1 s'est abstenu.

    Le groupe Ensemble pour la République a voté : pour à 64 voix. contre à 14 voix. 10 se sont abstenus. 5 n'ont pas votés.

    Le groupe Horizons & Indépendants a voté : pour à 26 voix. contre à 3 voix. 4 se sont abstenus. 1 n'a pas voté.

    Le groupe Droite Républicaine a voté : pour à 47 voix. 1 s'est abstenu.

    Le groupe Union des droites pour la République a voté : pour à 16 voix.

    Le groupe Rassemblement National a voté : pour à 119 voix. 2 se sont abstenus. 2 n'ont pas votés.

    Le groupe Députés non inscrits a voté : pour à 6 voix. contre à 3 voix. 1 s'est abstenu. 2 n'ont pas votés.

    Source : Assemblée nationale - 17e législature, scrutin n°2957 - Crédit : franceinfo

    En première lecture, le 26 mai dernier, la proposition de loi avait fait l'objet d'une motion de rejet qui avait empêché son examen à l'Assemblée nationale. Le texte avait ainsi terminé en commission mixte paritaire où quatorze députés et sénateurs se sont entendus sur une version commune, celle qui a été votée mardi. Plusieurs mesures ont été édulcorées à cette occasion. L'Anses, l'agence de sécurité sanitaire, dont l'indépendance au sujet de l'évaluation des pesticides était menacée, est davantage préservée dans la version finale. Une réglementation qui risquait de mettre en péril les zones humides a également été écartée à cette occasion.

    Pas de quoi satisfaire les opposants qui dénoncent une "loi poison". Les parlementaires insoumis, écologistes et socialistes ont annoncé qu'ils déposeraient des recours devant le Conseil constitutionnel, estimant pour certains que la loi contrevient aux principes de précaution et de non-régression environnementale.

     

     

     

     

     

  • L'animisme

     

    Jarwall le gardien du livre

    En envoyant Jarwal le lutin en Colombie, dans la Sierra Nevada, là où vivent les Indiens Kogis, l'idée était bien d'explorer cette vision du monde et de la part d'un lutin, c'était une voie incontournable. 

    Jarwal le lutin : la Création

    Le 03/01/2012

     

    "Jarwal était surpris de ce bien-être qui l’envahissait à de brefs instants, de cette joie indéfinissable qui survenait sans aucune raison apparente. Cette idée que le monde qui l’environnait était extérieur à lui devenait absurde. Il n’y avait pas de rupture entre son observation et l’élément observé, ni entre lui, l’observateur et le Monde. Tout cela formait un Tout. Il en devinait même une impression encore plus fascinante. Le Monde existait à travers ses regards tout comme lui s’inscrivait dans ce Monde. L’un et l’autre se nourrissant. Deux éléments constitués de la même matière, animés de la même énergie, juste séparés en apparence par des formes multiples.

    Il était un lutin entouré d’un Monde infini mais rien, en dehors de cette imagination illimitée de la Création, ne séparait les œuvres. Il y avait en lui, tout comme au cœur des arbres, des animaux, du ciel, de l’eau des éléments identiques. La Vie avait peut-être créé les formes pour accueillir des esprits capables d’observer la Vie.

    La Vie s’observait à travers sa Création et elle existait par conséquent pour elle-même à travers l’attention que lui portaient toutes les formes créées. Les Kogis, les Maruamaquas, Gwendoline, le Petit Peuple, les oiseaux, les poissons, les arbres, les fleurs, les papillons et les chevreuils, les scarabées et les renards, tout ce qui vibrait au cœur de la Vie permettait à la Vie de se réjouir d’elle-même.

    Peut-être ces formes innombrables n’étaient-elles que la matérialisation de la joie de la Vie pour elle-même, des émotions magnifiques qu’elle tenait à voir évoluer au cœur d’une nature mirifique. Les êtres humains et le Petit Peuple étaient peut-être nés de ses émotions les plus fortes. Peut-être représentaient-ils l’apogée de son amour pour elle-même. Et dès lors ces créatures portaient en elles l’ultime tentative de la Vie, l’apogée de son amour. L’objectif de ces formes animées, de ces âmes magnifiées consistait à honorer la Vie pour cet amour d’elle-même.

    Tout ce qui vivait du flux originel portait un Amour ineffable. Seuls les hommes s’étaient séparés de cet Amour, avaient éteint cette conscience de la Vie en eux. Comme une création aléatoire, une tentative avortée, une esquisse inachevée. Les hommes devaient apprendre à devenir ce que la Vie leur proposait. Au risque de ne jamais devenir des êtres humains.   

    Un sourire intérieur et cette envie irrépressible de serrer la main de Gwendoline. Un partage indispensable.

    Elle le regarda intensément, une certaine surprise et puis cet abandon au bonheur qui devenait si simple. Des mots d’amour dans le silence brillant des yeux."

     

     Publication de l'Ecole Jungienne de Psychanalyse Animiste - 

     

    "L’animisme, ou le seul langage qui nous relie encore au monde

    Réapprendre à écouter la terre plutôt que l’interpréter

    « Les animistes sont des personnes qui reconnaissent que le monde est peuplé de personnes, dont beaucoup ne sont pas humaines, et que la vie se vit toujours en relation. »

    — Graham Harvey, Animism: Respecting the Living World (trad. personnelle)

    Le vertige d’un monde délié

    Nous vivons une époque paradoxale. Jamais nous n’avons été aussi informés, connectés, outillés. Et pourtant, jamais nous n’avons été aussi seuls. Déliés de la terre, séparés du ciel, méfiants vis-à-vis des eaux, sourds aux messages du vent, nous habitons un monde désenchanté. Ce n’est pas un monde sans dieux : c’est un monde sans liens.

    Les anciennes cosmogonies, les mythes, les saisons — tout cela, que nous reléguons au folklore — portaient en réalité une grammaire relationnelle. Le sol n’était pas un sous-sol, mais une matrice. L’arbre n’était pas un objet paysager, mais un être. Et la nature, loin d’être un décor, était un vis-à-vis.

    L’animisme, ce qui reste quand on cesse de régner

    Le mot « animisme » est souvent mal compris. On l’associe à des superstitions primitives, à des peuples lointains, à des pratiques chamaniques plus ou moins ésotériques. Mais l’animisme n’est pas une religion. C’est un mode de relation. C’est le nom donné à cette expérience directe que tout est vivant.

    L’animisme ne demande pas d’y croire. Il demande d’écouter.

    « Nous sommes des êtres spirituels, et nous avons besoin de spiritualité plus que jamais. Nous devons comprendre que la nature nous a donné naissance, qu’elle est notre maison et notre source de bien-être. »

    — David Suzuki, The Sacred Balance (trad. française de l’édition 2009, Les Éditions Ecosociété)

    La clé de cette spiritualité n’est pas une croyance imposée. Elle est une perception retrouvée.

    Le chamanisme n’est pas la réponse : il est une mémoire

    Le retour massif du chamanisme dans les sociétés occidentales interroge. Pourquoi des cadres, des thérapeutes, des artistes se tournent-ils vers la Mongolie, la Sibérie ou l’Amazonie pour trouver ce qui leur manque ?

    Parce que nos terres ont été dépossédées de leurs mythes, et que notre langue n’a plus les mots pour dire l’âme du monde.

    Mais attention : importer le chamanisme tel quel ne suffit pas. Car ce n’est pas notre mémoire, ce ne sont pas nos rythmes. Ce sont les rêves d’un autre peuple, les chants d’un autre monde. Le chamanisme peut être un miroir, une inspiration, un tison pour rallumer le feu. Mais il ne saurait devenir notre propre parole.

    Ce que nous avons à retrouver, c’est notre propre façon d’être en lien avec le vivant, ici et maintenant, sur cette terre, avec cette langue, avec ces saisons.

    Nos anciens savaient

    Nous avons été animistes. Cela n’est pas réservé aux peuples dits “premiers”. L’Europe elle-même fut tissée de présences. Il y avait des esprits dans les sources, des génies dans les arbres, des nymphes dans les montagnes. Le monde était habité.

    Les druides, les sages, les femmes-herboristes, les conteurs de veillées… Tous vivaient dans un monde peuplé, dans un monde où chaque chose avait une parole à offrir.

    Puis est venue l’époque du soupçon, de la désacralisation, de la pensée-machine. Mais l’âme ne meurt jamais : elle se retire. Et aujourd’hui, elle nous appelle à la rejoindre là où elle s’est réfugiée : dans la douceur d’une lumière matinale, dans le chant d’un merle, dans la patience d’un ruisseau.

    Rythme du monde, rythme de l’âme

    Il ne s’agit pas seulement d’écologie. Il s’agit de rythme. Le grand désaccord de l’homme moderne, c’est qu’il ne bat plus au même tempo que le monde. Il s’est désaccordé.

     

    L’animisme n’est pas un regard passéiste sur le monde. C’est un art d’habiter le présent dans sa densité vivante. C’est un recentrage. Une respiration. Une manière de se souvenir que nous ne sommes pas des cerveaux embarqués dans une machine biologique, mais des êtres traversés par des souffles plus vastes.

    Le monde nous parle, mais savons-nous encore l’écouter ?

    Les peuples animistes ne croient pas que la nature est sacrée. Ils savent qu’elle l’est. Cette connaissance n’est pas métaphysique. Elle est intime, sensorielle, quotidienne.

    L’arbre ne se demande pas s’il doit pousser. Il pousse. La pluie ne justifie pas son action. Elle tombe. Le renard ne joue pas un rôle. Il suit sa nature. Le monde agit selon sa nécessité vivante, et c’est cela qui est juste.

    « Chaque chose étant ordonnée à elle-même en faisant ce qu’elle sait faire, chaque chose étant dans son énergie propre, tout est juste. »

    — Bertrand Vergely, Dieu veut des dieux, Le Passeur éditeur, 2018

    Et nous ? Savons-nous encore ce que nous savons faire, profondément ? Sommes-nous encore capables de vivre dans notre propre rythme, et non dans celui imposé par la machine, le calendrier, le marché ?

    Vers une spiritualité incarnée

    L’animisme ne réclame pas de temples. Il réclame des lieux d’écoute. Il nous invite à faire silence, à ouvrir la main au lieu de la refermer, à consentir à ne pas tout comprendre. Il nous invite à redevenir élèves du monde.

    Il ne s’agit pas de croire que la pierre a une âme. Il s’agit de laisser l’âme venir à soi quand on touche la pierre. Il ne s’agit pas de parler aux animaux. Il s’agit de les regarder dans les yeux et se souvenir de ce que nous avons oublié.

    Le retour au vivant n’est pas une option

    Nous vivons une époque où l’homme cherche un sens à son existence alors que le monde entier cherche un sens à la présence de l’homme. L’animisme est la seule réponse possible, non parce qu’elle est à la mode, mais parce qu’elle est fondamentale, oubliée, refoulée.

    L’Occident ne retrouvera pas le lien par la technologie, ni par la psychologie seule, ni par la consommation éthique. Il le retrouvera en se tenant de nouveau humblement devant ce qui est, et en acceptant que le monde est sujet, pas objet.

    Nous ne sommes pas au centre. Nous sommes dans le tissu. Et cela change tout."

     

  • Ascension

     

    On marche, Là-Haut.

    Je ne tombe pas, mon corps suit le rythme, ma cheville tient, les mollets durcissent au fil des kilomètres mais j'ai appris à les détendre en visualisant l'enroulé du pied, jusqu'à la poussée totale des orteils, la musique dans les oreilles, les yeux rivés sur les pierres, sur les racines ou levés vers les sommets quand le chemin est plus facile. Des sorties de cinq, six heures, plus de mille mètres de dénivelée, les mains qui serrent les bâtons, les épaules qui poussent dans les montées ou supportent les appuis dans les descentes, on court parfois et il m'arrive d'en rire intérieurement.

    Je suis Là-Haut, rien d'autre ne compte. Je continue l'ascension dans ma vieillesse, celle qui s'ajoute jour après jour mais qui ne peut éteindre la joie de l'effort, la sueur sur mon front, la brûlure de mes cuisses, le bonheur de l'eau du torrent, les cieux ouverts depuis les cimes.

    J'ai vécu un moment très intense dans une descente raide, technique, des sangles rocheuses, couvertes de pierres qui glissaient sous les pieds. Dans un appui sur la cheville gauche, celle qui est devenue fragile, alors que rien ne le justifiait, j'ai eu un coup au ventre, l'impression que le pied allait se défausser et que j'allais tomber et j'ai senti la douleur dans mon corps, une électrification extrêmement précise, comme si la cheville se tordait, le craquement, la chute. Invraisemblable.

    Je sais, depuis le temps, combien le corps garde en mémoire les traumatismes et ça n'est pas la première fois que surgit ainsi un souvenir traumatique. Je n'ai eu aucune pensée qui aurait pu raviver la peur, aucun déséquilibre, rien qui ne vienne justifier ce choc émotionnel. Et pourtant...

    Je suis convaincu que tous nos traumatismes devraient être pris en charge pour être épurés. Nous gardons en mémoire des charges dangereuses. Cette peur fulgurante aurait pu m'amener à prendre un mauvais appui, à me priver de ma concentration pendant un quart de seconde, le temps suffisant pour plonger en avant.

    Là, il ne s'agissait que du souvenir de la dernière entorse, rien de bien dramatique au regard des hernies discales. Ou de la menace générée par la sténose.

    La puissance de l'inconscient est redoutable. Cette mémoire incontrôlable, ce chaos intérieur, il faut l'étreindre, l'explorer, l'ausculter, le disséquer parce qu'il est mortifère et qu'il porte atteinte à la vie. Je n'existe pas dans ce passé mais j'en ai gardé des traces. Je n'existe pas dans la menace de la sténose mais il arrive qu'elle impose sa présence dans l'instant. Cette gestion du temps, je l'apprends en montant Là-Haut. Ni passé, ni futur, juste le pas en cours, celui que je dois réussir, celui sur lequel je dois offrir toute mon énergie. Pour rester debout. 

    P8140136

     

     

  • Paul-Emile VICTOR : 1973

    Il est malhonnête de dire que nous ne pouvions pas prévoir. 

    Page d’aide sur l’homonymie

    Pour les articles homonymes, voir Victor.

    Paul-Émile Victor

    Portrait d'après photo

     

     

    modifier - modifier le code - modifier WikidataDocumentation du modèle

    Paul Eugène Victor, dit Paul-Émile Victor ou PEV, né le 28 juin 1907 à Genève et mort le 7 mars 1995 à Bora-Bora, est un explorateur polaire, scientifique, ethnologue, écrivain français, fondateur et patron des expéditions polaires françaises durant vingt-neuf ans.

    Biographie

    Jeunesse et débuts de carrière (1907-1934)

    Paul Eugène[1] Victor naît le 28 juin 1907 à Genève en Suisse, de parents français immigrés d'origine juive d'Europe centrale. Il est le fils d'Erich Heinrich Victor Steinschneider, issu d'un milieu aisé de juristes et d’industriels originaires de Bohême, et de Maria Laura Baum, issue d’une famille bourgeoise polonaise établie à Vienne, installés dans le Jura à partir de 1906. C’est le 10 juin 1907 qu'Erich Heinrich Victor Steinschneider obtient de la lieutenance générale impériale et royale du royaume de Bohême l’autorisation de changer son nom en « Éric Victor ». Soucieux de s'intégrer dans sa nouvelle patrie, cette francisation (en choisissant son troisième prénom comme patronyme) lui permet de masquer la consonance germanique de son nom dans un pays encore marqué par la guerre de 1870[2].

    Les parents choisissent Genève, où ils connaissent une doctoresse réputée, pour qu'y naisse leur premier enfant, Paul, déclaré de nationalité autrichienne à sa naissance. Sa sœur Lily Marguerite naît le 30 novembre 1908.

    Paul passe une partie de son enfance en France à Saint-Claude dans le Jura où son père possède une usine de pipes en bruyère, les « Établissements E.H.Victor »[3].

    En 1916, ses parents déménagent à Lons-le-Saunier, toujours dans le département du Jura, où son père crée une nouvelle usine de pipes qui se diversifie en 1928 dans la fabrication de stylos, l'Angleterre, son principal pays débouché s'étant réservé le monopole de la vente de pipes sur son territoire[4].

    Très jeune, Paul-Émile se réfugie dans le grenier, loué avec l'appartement de la « Villa Bernard »[5], propriété de la famille Bernard-Genin, où il se plonge dans une collection de livres et de revues, d'affiches et de récits d'aventures, d'exploration et d'ethnologie, qui éveillent en lui des rêves et la passion des voyages polaires et polynésiens[6]. Il entre aux Éclaireurs de France (où il devient « Tigre Souriant »[7]) dont il sera responsable local et avec qui il gardera des liens tout au long de sa vie. Il revient sur cet épisode de sa vie dans son livre de souvenirs « La Mansarde ».

    En 1925, ayant obtenu les baccalauréats sciences-langues-math-philo, il poursuit une formation d’ingénieur à l'École centrale de Lyon qu'il quitte en fin de troisième année sans diplôme, pour passer et réussir le concours d'entrée de l'École nationale de navigation maritime de Marseille, dont il sortira diplômé le 26 novembre 1928. Il fait ensuite son service militaire dans la Marine nationale : incorporé en mai 1929 à Toulon, le matelot de deuxième classe Victor devient après ses classes élève officier sur le bateau-école cuirassé Voltaire puis aspirant sur le porte-avions Béarn. La Marine, dont il se fait une idée plus poétique, le déçoit[8].

    En 1931, il obtient un brevet de pilote d'avion, grâce à son instructeur et ami, Claude de Cambronne. Les deux années suivantes, il est employé aux Établissements E.H. Victor mais rapidement, son désir d'aller explorer les îles polynésiennes l'en détourne. Arrivé à Paris en septembre 1933, il obtiendra bientôt le diplôme de l'Institut d'ethnographie du Trocadéro de Paris[9].

    Premières expéditions au Groenland (1934-1939)

    Demande de mission au Groenland par Paul-Émile Victor, mars 1934. Archives nationales.

    Affiche pour une conférence de Paul-Émile Victor, Théâtre municipal de Lons-le-Saunier, 12 mars 1938.

    En 1934, à la suite d'une rencontre décisive avec le célèbre et très médiatique commandant et explorateur polaire français Jean-Baptiste Charcot, il organise sa première expédition polaire grâce au Musée d'Ethnographie du Trocadéro de Paris et son directeur, Paul Rivet. Il embarque sur le Pourquoi-Pas ? du célèbre commandant et se fait débarquer avec trois compagnons, le médecin et anthropologue Robert Gessain, le géologue Michel Pérez[10] et le cinéaste Fred Matter-Steveniers, sur la côte est du Groenland pour sa première expédition polaire chez les « Eskimos » de la localité d'Ammassalik. Au cours de cette première année passée avec les inuits, il apprend à parler couramment leur langue.

    En 1935, à son retour en France, fort de son aura et de son sens de la communication exceptionnel, il acquiert une notoriété médiatique grâce à de nombreuses conférences et articles sur ses aventures, dans des revues diverses.

    En 1936, il réalise l'exploit de traverser le Groenland en traîneaux à chiens, d'ouest en est, avec ses compagnons Robert Gessain, Michel Pérez et le Danois Eigil Knuth. Arrivé à l'est, il reste quatorze mois seul à Kangerlussuatsiaq au sein d'une famille Inuit « comme un Eskimo parmi les Eskimos ». Aventure durant laquelle il a une liaison avec Doumidia, une « ravissante » jeune inuit de dix-neuf ans (il en a vingt-neuf).

    À son retour en France à bord du Quest de Gaston Micard, il rencontre un nouveau grand succès médiatique et scientifique grâce à ses nombreuses conférences et articles de presse et de revue diverses et publie pour le Musée de l'Homme les résultats de son étude ethnologique et ses nombreuses notes et dessins sur la culture traditionnelle groenlandaise entièrement organisée autour du phoque.

    En 1938, avec Michel Perez et le lieutenant Jacques Flotard (armée des Alpes, futur chef de corps de l’Ecole Militaire de Haute Montagne ), il effectue un raid transalpin Nice / Chamonix en traîneaux à chiens pour démontrer, avec succès, que les techniques polaires peuvent pallier les problèmes de transport d'hommes et de matériel en cas d'hiver rigoureux.

    En 1939, il réalise une étude ethnologique en Laponie norvégienne, finlandaise, suédoise avec ses amis les docteurs Michel Latarjet et Raymond Latarjet.

    Pilote de l'US Air Force (1941-1946)

    Paul-Émile Victor, lors de la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, est mobilisé dans la marine française basée à Stockholm en Suède. Il est à la fois officier de renseignement et officier de liaison avec la Finlande alliée jusqu'à l'armistice de 1940. Il quitte la France à l'automne 1940 et séjourne au Maroc puis en Martinique dans le cadre de missions ethnologiques, et arrive aux États-Unis en juillet 1941.

    En 1942, il s'engage dans l'US Air Force comme GI, avant de devenir, grâce à sa connaissance du milieu polaire, lieutenant-instructeur, pilote et parachutiste. Il prend par la suite le commandement d'une des escadrilles « recherche et sauvetage » de pilotes perdus en milieu polaire pour l'Alaska, le Canada et le Groenland et obtient à ce titre la double nationalité française et américaine.

    Rentré en France en décembre 1945, il est démobilisé en juillet 1946 et se marie le 30 juillet, avec Éliane Decrais (1918-2017) dont il a un premier fils le 30 mai 1947, Jean-Christophe[11] puis les jumeaux Stéphane et Daphné le 6 novembre 1952. Le 30 septembre 1971, il aura un autre fils Teva (sculpteur) avec sa seconde femme Colette[12].

    Chef des Expéditions polaires françaises (1947-1976)

    Article connexe : Expéditions polaires françaises.

    Les populations Inuits sont restées peu connues avant les récits des premiers explorateurs.

    Le 28 février 1947, après 13 ans d'exploration et d'ethnologie, Paul-Émile Victor s'oriente vers les expéditions scientifiques en créant les Expéditions Polaires Françaises - EPF - Missions Paul-Émile Victor[13] grâce à son charisme, à son don pour les relations publiques et avec l'appui entre autres des médias, du gouvernement et du député et ministre André Philip.

    De 1947 à 1976, il dirige les Expéditions polaires françaises. Au cours de ces vingt-neuf années, 150 expéditions sont menées, dix-sept d'entre elles qu'il vit et dirige personnellement en Terre Adélie en Antarctique et quatorze au Groenland en Arctique avec, entre autres, comme cadreur Samivel.

    Il est également chef de l'Expédition glaciologique internationale au Groenland (EGIG), président du Scientific Committee on Antarctic Research (SCAR), président du Comité antarctique français pour l'Année géophysique internationale (AGI).

    Paul-Émile Victor réalise en 1956 son premier voyage en terre Adélie. Il y installe, trois ans plus tard, la base antarctique Dumont d'Urville et la base Charcot 320 km vers l'intérieur du continent Antarctique. Pour progresser sur les zones glaciaires il fait fabriquer par l'intermédiaire de la Someto des chenilles spéciales dessinées par M. Cousin.

    À partir de 1962, il s'intéresse puis se passionne pour la défense de l'homme et de son environnement et devient en 1968 délégué général de la Fondation pour la Sauvegarde de la Nature, créée par Louis Armand.

    Le 1er mars 1965, il épouse en secondes noces à Tahiti, Colette Faure, une hôtesse de l'air qui vit dans une péniche voisine de la sienne, amarrée sur la Seine à Paris, dont il a un fils : Teva[14], né le 30 septembre 1971. C'est Colette qui lui fait découvrir le livre Printemps silencieux (Silent Spring) de l'océanographe américaine Rachel Carson, ouvrage qui le décide à s'investir pleinement dans le mouvement écologiste[15].

    En 1974, il crée le « Groupe Paul-Émile Victor pour la défense de l'homme et de son environnement » avec notamment, Jacqueline Auriol, Alain Bombard, Jacques-Yves Cousteau, Haroun Tazieff, les professeurs Louis Leprince-Ringuet et Jacques Debat, groupe dont les travaux fourniront la matière de son livre Jusqu'au cou… et comment s'en sortir publié en 1979 chez Nathan, où il aborde ce que l'on appelle aujourd'hui le « développement durable » dans une perspective globale et pratique.

    En 1976, à 69 ans, il prend sa retraite et transmet la direction des EPF à ses compagnons, notamment Jean Vaugelade et Gaston Rouillon, et devient membre du Conseil consultatif des TAAF (Terres australes et antarctiques françaises).

    Les Expéditions Polaires Françaises, après avoir été intégrées dans l'Institut Français pour la Recherche et la Technologie Polaires (IFRTP), ont laissé la place, au début des années 2000, à l'Institut polaire français Paul-Émile-Victor (IPEV [archive]), basé à Brest.

    Retraite en Polynésie (1976-1995)

    Bora Bora, où demeure Paul-Émile Victor de 1977 à sa mort.

    En 1977, il réalise son second rêve d'adolescent : avec sa femme Colette et leur fils, ils s'installent en Polynésie française sur leur motu, vierge, le Motu Tane (« l'île de l'homme » en langue tahitienne) à Bora-Bora, où il passe sa retraite à rédiger ses mémoires et des articles tout en dessinant beaucoup et en jouant encore, à l'occasion, de son énorme aura médiatique dans des causes diverses, et en recevant le gotha scientifique planétaire de passage dans cette île paradisiaque.

    Les 5 et 6 octobre 1982 a lieu à l'hôtel Drouot la vente de sa bibliothèque polaire et de voyages. Le catalogue comporte une intéressante introduction de Paul-Émile Victor expliquant les raisons de la vente : « il n'est guère possible de faire venir mes 125 mètres linéaires de ma bibliothèque polaire » et « raison profonde… je ne veux pas qu'ils aillent se noyer dans une bibliothèque de Musée… »[16].

    En 1987, pour fêter ses 80 ans, il retourne en février en terre Adélie, accompagné de quatre adolescents, son fils de 15 ans et trois étudiants français qui ont gagné un concours organisé par les Explorations polaires françaises et le journal Science et Vie[17]. Puis, le 5 mai, il pose pour la première fois le pied au pôle Nord avec l'expédition polaire en ULM de Hubert de Chevigny et Nicolas Hulot.

    En 1988, sur son île, il est frappé par un accident vasculaire cérébral qui le paralyse à moitié, mais dont il récupère en grande partie.

    En janvier 1989 est inauguré le « musée polaire Paul-Émile-Victor » à Prémanon, près des Rousses à 30 km de Saint-Claude, dans le Jura franc-comtois de son enfance, où il effectue de nombreux séjours lorsqu'il est en France. Ce musée fondé avec son ami jurassien Pierre Marc devient en 1998 le « Centre polaire Paul-Émile Victor », qui fermera définitivement ses portes le 31 mars 2016 pour faire place à l'Espace des Mondes Polaires Paul-Émile Victor.

    Il fut « consul » du royaume d'Araucanie et de Patagonie à Bora-Bora[18].

    Le 7 mars 1995, il meurt sur le Motu Tane à l'âge de 87 ans et, selon ses dernières volontés, est immergé en haute mer avec les hommages de la Marine nationale à bord du bâtiment de transport léger de la classe Champlain, le Dumont d'Urville.

    Paul-Émile Victor est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages scientifiques, techniques, de vulgarisation et d'aventures, et de très nombreuses revues et articles. Il obtient le prix de l'Académie française en 1973 pour l'ensemble de son œuvre littéraire, la grand-croix de la Légion d'honneur et le titre de Satrape du Collège de 'Pataphysique.

    Écrivain, dessinateur, protecteur de la nature avant l'heure, homme de cœur, de contact et de communication, « PEV » (comme l'appellent ses amis) a laissé en héritage - outre un institut polaire et un musée - un état d'esprit, celui qui a guidé sa vie d'explorateur et d'humaniste passionné, ouvert sur le monde et sur les autres. Depuis son plus jeune âge, il a porté et défendu des valeurs partagées avec le scoutisme telles que :

    l'esprit d’équipe, le sens du partage et de l’intérêt général, voire de l'intérêt national ;

    le sens de la responsabilité, personnelle et planétaire ;

    l'intégrité, l'indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques et financiers ;

    la curiosité, l'ouverture, la confiance en l’autre ;

    le sens de la transmission, l'écoute et le soutien aux générations futures…

    C'est pour pérenniser sa mémoire, son œuvre, ses convictions et ses valeurs que ses quatre enfants ont créé le fonds de dotation Paul-Émile-Victor, appelé, entre autres, à initier, monter ou soutenir tout projet, sportif ou non, polaire ou non, en concordance avec ces valeurs, fondamentalement humaines.

  • "Les scientifiques sont coupables"

    "Tandis que tous les efforts se portent sur la recherche des survivants, un début de polémique émerge : pourquoi les services météo n'ont-ils pas anticipé l'intensité des pluies de vendredi matin ?"

    Cette phrase tirée d'un article concerne le bilan humain des inondations au Texas et la recherche des "coupables". Car bien évidemment, les lyncheurs sont de sortie et les spécialistes météorologiques sont clairement pointés du doigt. Dans une population américaine qui a élu un climatosceptique notoire, il est de bon ton de s'en prendre aux "scientifiques qui auraient dû alerter sur les risques."

    Franchement, être un lanceur d'alerte aujourd'hui, c'est compliqué. Si vous dites qu'il faut un changement radical planétaire pour lutter contre le réchauffement climatique, c'est à dire une anticipation sur le pire à venir, vous êtes conspués et si vous n'avez pas su prévenir les populations des risques immédiats, vous êtes coupables d'incompétence.

    Mais il faut se souvenir que TrumpMusk ont déclenché des licenciements massifs et des pertes de budget. 

     

    Les prévisions météo globales face à des vents contraires sous l’administration Trump

     

    ouragan Dorian

    L'ouragan Dorian en 2019. Les centres de la NOAA homologués par l'OMM, comme le US National Hurricane Center à Miami, partagent avec le monde de précieuses données prévisionnelles. Keystone

    Donald Trump mène une offensive inédite contre tout ce qui touche aux questions environnementales et climatiques. Le président américain s’en prend à certaines agences scientifiques américaines avec des coupes qui pourraient détériorer la prévision météorologique et climatique partout sur la planète. Les milieux scientifiques et l’Organisation météorologique mondiale (OMM) tirent la sonnette d’alarme.

    Ce contenu a été publié sur 11 juin 2025 - 10:00

    11 minutes

    Le second mandat de Donald Trump a débuté sur les chapeaux de roues par une vertigineuse série de décrets, directives, licenciements et retournements politiques. Et les questions relatives à l’environnement et au climat sont depuis le début dans sa ligne de mire. L’une de ses premières mesures a été d’amorcer le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat – pour la deuxième fois.

    Mais Donald Trump s’en prend aussi à la recherche scientifique, notamment par des suppressions d’emplois massives dans certaines agences fédérales. C’est le cas de l’Administration nationale des océans et de l’atmosphère (NOAA), une agence dont les travaux de recherche et les données sont indispensables à l’Organisation météorologique mondiale (OMM), sise à Genève, ainsi qu’aux services de prévision météorologique partout sur la planète.

    La période est troublée pour la NOAA, l’une des principales agences dans le monde chargées de la prévision météo, de l’analyse du climat et de la conservation des milieux marins. Plus d’un millier de scientifiques et de spécialistes y ont été licenciés ou ont démissionné. Presque autant devraient bientôt connaître le même sort. Ces réductions représenteraient près de 20%Lien externe de l’effectif de la NOAA, qui emploie environ 13’000 personnes.

    Manifestation NOAA

    Manifestation devant un bâtiment de la NOAA à Boulder, dans le Colorado, le 3 mars dernier, pour dénoncer les licenciements au sein de l’institution par l’administration Trump. Reuters

    La NOAA, qui abrite aussi le service météorologique national des États-Unis, devrait encore voir ses moyens réduits ces prochaines années. Une propositionLien externe publiée par la Maison Blanche le 2 mai appelle le Congrès à diminuer le budget de l’agence d’au moins 25%, à 1,5 milliard de dollars pour 2026. L’administration Trump souhaite en outre tirer un trait sur la division de la NOAA chargée de la recherche océanique et atmosphérique et réduire les moyens destinés à la modélisation et la surveillance, par satellite notamment.

    Ces réductions s’inscrivent dans une tentative de couper toutes les dépenses liées au Green New Deal de l’ancien président Biden et de cibler certains programmes particuliers de la NOAA accusés par l’administration Trump d’avoir financé des actions pour «radicaliser» les élèves et «propager l’alarme environnementale».

    Les coupes dans le domaine de la prévision météorologique auront un impact mondial

    Les voix critiques avertissentLien externe que ces réductions pourraient affecter sévèrement le public américain tout comme les capacités de prévision météorologique en général. Il y aura en effet moins de spécialistes pour scruter le ciel.

    «Le personnel du service météorologique national sera dans l’incapacité de maintenir le niveau de services actuel, ont déclaré cinq ex- responsables dans une lettre ouverte. Notre pire cauchemar est qu’avec des bureaux de prévisions en tel sous-effectif, des vies soient inutilement perdues.»

    Les conséquences de ces coupes se feront également sentir à l’échelle mondiale.

    Pour l’OMM, qui célèbre cette année son 75e anniversaire, le leadership des États-Unis en matière de météorologie, de climat, d’hydrologie, d’océanographie et des sciences de l’atmosphère est d’une grande importance. La NOAA est un membre et un contributeur clé de l’OMM et de ses réseaux d’échange de données et d’observation, qui impliquent 193 pays. Les États-Unis contribuent à hauteur de 18 millions de dollars (15 millions de francs) au budget ordinaire de l’OMM, soit 22% du total.

    Contenu externe

    Made with Flourish

    L’OMM estime qu’il est trop tôt pour savoir si des programmes spécifiques seront affectés par les coupes américaines. Il est certain en revanche que les enjeux sont élevés.

    «Les États-Unis fournissent des données et une expertise essentielles en matière de météo, de climat et d’eau, toutes nécessaires au bien-être national et global dans un monde interconnecté», explique Clare Nullis, porte-parole de l’OMM.

    À titre d’exemple, les États-Unis fournissent jusqu’à un quart du flux de données satellitaires météorologiques utilisées à l’échelle de la planète. Et produisent 3% des observations météorologiques de surface partagées au niveau mondial et 12% des profils de radiosondage en altitude, qui sont des observations depuis le sol indispensables à la prévision météorologique.

    Les centres, satellites, études et renseignements de la NOAA reconnus par l’OMM permettent le suivi des phénomènes météorologiques extrêmes en Europe. Ils sont utilisés pour coordonner les secours en cas de catastrophe dans les Caraïbes et protéger les populations contre les cyclones tropicaux. Le US National Hurricane Center de Miami fournit des données prévisionnelles qui ont permis de «sauver des milliers de vies», selon l’OMM. Les centres de la NOAA suivent aussi la déforestation et les effets de la crise climatique dans la forêt amazonienne et fournissent un soutien à des secteurs économiques clés comme l’aviation et l’agriculture, aux États-Unis comme dans le reste du monde.

    lac de Brienz

    La police évacue les débris du lac de Brienz après qu’un violent orage a déclenché une coulée de matériau et endommagé bâtiments, véhicules, routes et infrastructures de transport public, le 13 août dernier. Keystone / Alessandro Della Valle

    Une «attaque frontale» contre la recherche sur le climat

    Partout sur la planète, des scientifiques s’expriment plus directement sur les impacts de ces coupes. Quelque 3300 expertes et experts de 34 pays ont signé une lettre ouverteLien externe adressée aux responsables du Congrès ainsi qu’au Secrétaire au commerce, Howard Lutnick. Ils les exhortent à mettre un terme à «l’assaut actuel» contre la NOAA.

    Ces scientifiques dénoncent les attaques incessantes contre cette agence et d’autres institutions scientifiques américaines de premier plan. Des attaques qui, selon eux, ravagent des décennies de précieuse recherche scientifique. A leurs yeux, ces coupes signifieraient en outre une abdication du leadership américain en matière de science du climat et une érosion du statut de puissance scientifique des États-Unis.

    Climatologue à la Cornell University, Natalie Mahowald, l’une des signataires de la lettre ouverte, parle d’une «attaque frontale» contre la recherche sur le climat.

    «Ils menacent de réduire la collecte de données des stations météorologiques et les prévisions météo. Cela signifie qu’elles seront dégradées et que nous perdrons des volumes de données de long terme nécessaires à la compréhension du climat. Qui plus est, toutes les recherches de la NOAA sur le climat sont menacées. Celles menées au sein des installations propres de la NOAA aussi bien que les financements aux universités, explique-t-elle. Tous le travail de l’OMM en sera affecté.»

    Scientifique de l’environnement à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), Jacopo Riboldi met lui aussi en garde contre les conséquences néfastes pour la prévision météorologique, l’OMM et la recherche sur le climat global.

    «Les coupes budgétaires de l’administration Trump vont entraîner une incroyable perte d’expertise… De précieuses données utilisées par des scientifiques du monde entier risquent de devenir inaccessibles. Les logiciels pourraient ne plus être entretenus et dysfonctionner. Cela aura un impact sur les recherches à l’avenir, car il faudra redévelopper des outils et collecter à nouveau des données.»

    >>Écoutez ici le dernier épisode du podcast «Inside Geneva» qui traite de l’avenir de la coopération climatique sans les États-Unis (en anglais).

    L’OMM joue un rôle crucial pour la promotion de la recherche climatique et la coordination des partenariats public-privé dans le domaine de la météo, selon Jacopo Riboldi. Des États-Unis «non coopératifs et disruptifs» impactent l’ensemble du monde et risquent de dévaluer les valeurs intrinsèques de l’agence onusienne, ajoute-t-il.

    Des prévisions météorologiques dégradées

    Une série d’articlesLien externe de presse relèvent que les coupes au sein de la NOAA pourraient rendre les prévisions météo américaines moins fiables. Avec des conséquences indirectes qui inquiètent les professionnels ailleurs dans le monde.

    Des scientifiques australiens jugentLien externe que la réduction des effectifs aux États-Unis et le gel des collaborations internationales aura un «effet paralysant» sur la recherche climatique. Et pourraient «gravement dégrader» l’aptitude de l’Australie à prévoir la météo avec précision.

    La Société météorologique du Japon se déclareLien externe «profondément préoccupée» par ces reculs américains et leurs conséquences «non seulement pour les États-Unis mais aussi pour les agences météorologiques internationales».

    Dans la Confédération, MétéoSuisse, l’organisme météorologique national, utilise indirectement les prévisions et analyses américaines via l’échange de données mondial. «Si ce partage est limité, moins de données seront intégrées dans les modèles météorologiques. Théoriquement, cela influera sur la qualité des prévisions», indique Marco Gaia, chef Précision et conseil à MétéoSuisse.

    >>À lire aussi: les scientifiques s’appuient sur une constellation croissante de satellites et sur l’intelligence artificielle pour obtenir des informations plus précises sur les émissions de gaz à effet de serre:

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    Chercheuse kenyane au Grantham Institute for Climate Change de l’Imperial College de Londres, Joyce Kitumai juge «profondément troublants» les licenciements massifs et les réductions de financement aux États-Unis.

    «Des décennies durant, les contributions de la NOAA ont permis d’améliorer la précision des prévisions, de notre compréhension des tendances météorologiques extrêmes et des projections climatiques à l’échelle du monde. Ses systèmes d’observation de la planète, ses programmes satellitaires et ses réseaux de surveillance des océans sont l’épine dorsale de nombreuses collaborations internationales. Une NOAA affaiblie – par la perte de personnel ou de production scientifique, la réduction du partage de données et les coupes financières – fait planer une détérioration de la qualité, de la cohérence et de la disponibilité de ces informations cruciales», détaille-t-elle.

    Joyce Kitumai travaille aussi pour le département météo du Kenya. Elle souligne la gravité de la situation pour son pays, très vulnérable à des phénomènes extrêmes comme les inondations et les sécheresses.

    «Si la NOAA réduit ses capacités ou restreint l’accès à ses données et à ses outils de modélisation, cela aura des répercussions dans notre région, note-t-elle. En particulier pour les prévisions saisonnières et à long terme, essentielles à la planification et à la prévention des catastrophes.»

  • Contre la montre

     

     

    Au plus près de la réalité, seul le présent compte.

    Je pense que j'en suis là. Mais il y a un paramètre personnel qui a joué un rôle considérable. Depuis plusieurs années, je ne devrais pouvoir me déplacer que très difficilement, voire avec une canne et surtout souffrir jours et nuits. Et puis, non, finalement. Et la médecine n'y comprend rien.

    Donc, à travers cette épreuve quotidienne, je me suis retiré sans pour autant jamais cesser de lire et de m'informer mais avec cette distanciation liée à mon état. La priorité, c'était de continuer à pouvoir marcher et à monter sur les sommets. L'état du monde me devenait secondaire parce que de toute façon, si je mourais intérieurement, cloîtré dans mon lit, ce monde n'existerait plus du tout pour moi. Mais je marche encore et c'est ce qui contribue à ce que je continue à m'intéresser à cette humanité déliquescente.

    Par contre, je n'ai aucune visée pour autrui, aucun désir d'apporter quoi que ce soit. J'écris et je partage mais sans aucune intention. Que chacun et chacune en fasse ce qu'il veut. Non pas que ça ne m'intéresse pas mais juste que je n'ai aucun droit sur personne. 

    J'ai bien assez à tenter de gagner le contre la montre dans lequel je suis engagé, tout en sachant que je ne le gagnerai pas. L'idée est contraire à celle d'un contre la montre où l'individu doit aller d'un point A à un point B le plus vite possible, en courant de toutes ses forces. Moi, je vise la durée la plus longue possible et je sais que pour mettre toutes les chances de mon côté, je dois rester serein, contemplatif de cette vie qui m'anime encore et me permet de bouger. Et d'user des forces disponibles sans les brûler. Il s'agit d'avancer, sans s'occuper du temps que ça me prend. Je peux me réveiller demain avec un mal de dos épouvantable, un blocage complet, l'impossibilité de lancer ma jambe gauche en avant. Et il faudrait que je concentre mon énergie à tenter de comprendre le chaos de ce monde humain, à tenter d'y apporter des pistes de résolution ?  

    Et d'ailleurs, comment pourrais-je envisager de pouvoir changer les choses alors que les forces destructrices en action existent depuis des millénaires et n'ont jamais cessé de se renforcer et d'étendre leur pouvoir ? Dois-je m'épuiser dans cette lutte commune alors que j'ai besoin de toute mon énergie intérieure pour rester valide ? Non, bien évidemment. Et quand la colère revient devant l'immense impéritie des gouvernants, j'éteins tout et je vais m'asseoir dans l'herbe pour l'écouter pousser où je monte lentement au sommet d'une montagne ou je m'allonge et je regarde les nuages. On pourrait penser que c'est une fuite quand c'est bien au contraire la concentration des forces vitales. Pour continuer à exister tout autant que de sonder le monde en marche. 

  • Mutation des pouvoirs

    Une personne dont j'apprécie beaucoup les analyses. 

     

    Tchamé Dawa

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    Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai demandé à quel moment notre société allait enfin toucher le fond. Je disais "enfin", comme si ce moment allait être le début d'une période où le bon sens et la justice reviendraient, comme si les causes de l'effondrement allaient produire autre chose. Comme si le monde, au terme d'une période de décadence initiatique allait se remettre à l'endroit, la conscience éclairée, et ne plus laisser place aux absurdités qui ont ravagé notre société.

    Mais plus nous avançons, plus j'observe et plus je me rends compte que les temps actuels correspondent à une recomposition des pouvoirs, bien plus qu'à l'avènement d'une émancipation générale des forces du capital et de la souffrance qu'elles engendrent.
    Je ne vois pas disparaître le pouvoir des élites économiques, technocratiques ou militaro-financières, bien au contraire. Ce que je vois c'est que ces pouvoirs mutent dangereusement vers des formes plus autoritaires, épaulées par des technologies révolutionnaires (il n'y a plus que les technologies qui sont révolutionnaires de nos jours). Ce à quoi nous assistons impuissants est une redistribution des rôles, en Europe, aux USA, au Moyen Orient, en Afrique, etc. dont les populations locales subissent les conséquences sans en tirer de bénéfices.

    Les peuples sont les dindons de la farce, et je me demande comment on a pu imaginer qu'il y aurait "un monde d'après", ce "monde d'après" qui a tant fait fureur pendant la crise Covid, dont on disait qu'il allait nécessairement émerger car on saurait tirer les leçons du tragique épisode de 2020/2021. Mais que s'est-il passé ? Tout l'inverse du "monde d'après" fantasmé: recul de la démocratie, enrichissement honteux des plus grandes fortunes mondiales, mainmise de l'Europe sur les souverainetés nationales, piétinement du droit, invalidation d'élections ou même déni du résultat des urnes, comme en France.

    La protection sociale et toutes les institutions d'état dédiées au bien public sont systématiquement détruites, la précarisation est généralisée, et le contrôle social s'étend dangereusement. Les opposants sont broyés, menacés, tandis que certains meurent dans d'étranges circonstances. Les pouvoirs en place mais aussi les partis, avec l'aide des médias, instrumentalisent les mécontentements populaires et les divisions sont telles, la haine croît à une telle vitesse, qu'on envisage mal comment nous allons éviter une guerre civile. Chaque fête populaire vire à l'émeute.

    Comment sortir par le haut d'une situation pareille? On voit bien la spirale infernale: l'effondrement (économique, climatique, sécuritaire) est repris dans le narratif du pouvoir pour justifier des mesures qui respectent l'agenda des requins de la finance et provoquent encore plus de dégâts dans nos vies. Les politiques publiques servent avant tous les intérêts privés.

    Car le pire de tout ceci est sans doute la perte complète de souveraineté du peuple. Les grandes décisions sont prises sans lui et ne font l'objet d'aucun débat public. la constitution est instrumentalisée, détournée de son esprit et la représentation nationale est pervertie par des logiques partisanes de conquête du pouvoir, de carrière, voire de soumission à des intérêts économiques spécifiques. Les syndicats sont moribonds et n'ont pas plus d'effet que des organisateurs de kermesse. Quant aux élections, elles ne sont plus qu'un rituel obligatoire pour entretenir l'illusion d'un changement possible. Elles ne servent qu'à la mobilisation de militants au service de partis qui ont besoin pour durer que le système perdure, et qui font mine de le combattre. Formidable arnaque du militantisme partisan qui a leurré un certain temps un très grand nombre d'entre-nous. Formidable perte d'énergie populaire que ce militantisme, réducteur de la pensée, adepte du spectacle et des slogans, et qui en tout contradicteur reconnaît un ennemi.

    Tout ça pour dire que l'idée d'une issue positive à cet effondrement induit une sorte d'attente qui pourrait s'avérer extrêmement douloureuse. Car le gros des troupes en est là: tout le monde attend. Résister à cet effondrement, à l'oppression incessante que ce monde exerce sur chacun d'entre nous semble ainsi se limiter à "tenir le coup", c'est à dire à supporter l'impuissance, à étouffer les colères, à calmer les angoisses et gérer les coups de mou, bref, à tenir jusqu'au moment où... le "monde d'après" surgira ! Et cette attente d'un changement est paradoxale, en ce sens qu'elle doit à peu près tout à la paralysie qui naît de la peur du changement dans sa propre vie. Bouger, on voudrait bien, oui...mais c'est risqué ! Eternel dilemme.

    Nous voici donc à tourner en rond dans notre impuissance consentie, car quoique nous fassions, quelles que soient nos victoires sur la pesanteur ambiante, vient toujours le moment où il nous faut nous confronter de manière récurrente, à une forme de l'oppression nouvelle. On refait alors le tour de la cage dans laquelle nous nous sommes retrouvés enfermés. Prison technologique car nous voilà livrés à l'œil des caméras de surveillance et aux lecteurs de QR codes, et aliénation mentale, due à un déferlement d'images, de slogans et d'injonctions qui conduisent à la perte de concentration et d'attention, à l'abrutissement progressif et généralisé.

    Dans ces conditions, on le comprend, résister consiste évidemment en premier lieu à ne pas perdre la tête, ni le moral, à survivre économiquement, à comprendre ce qui se passe et à faire confiance au temps qui passe. D'autant plus qu'il y a au cœur de chacun d'entre-nous cette dangeureuse et irrationnelle conviction que le temps finira par jouer pour nous, parce que tout ceci est tellement absurde que cela ne peut pas durer éternellement et qu'ainsi, quelque chose DOIT et VA nécessairement arriver. Quoi ? Nul ne le sait. On lit des essais, on écoute les spécialistes auxquels on accorde un pouvoir visionnaire, mais force est de constater que certains voire la plupart se perdent en conjectures, et que ces brillants esprits n'ont pas eux-mêmes la moindre idée de ce qui vient. Pourtant, la certitude subsiste, un peu dingue, que quelque chose va se produire et qu'avec le temps, tout finira par passer: les salauds seront défaits, les guerres s'arrêteront et les mômes de Gaza ne seront plus mis en pièces ou abattus comme du gibier.

    Mais vu d'aujourd'hui, le "monde d'après" a vraiment une sale gueule et tout semble réuni pour qu'il devienne encore plus laid. L'effondrement pourrait très bien accoucher du pire s’il n’est pas accompagné d’un véritable projet alternatif crédible et motivant, dont personne n'a encore imaginé les modalités ou le contenu. C'est urgent, car comme l'écrivait Walter Benjamin, « derrière chaque fascisme, il y a une révolution manquée ». J'ai malheureusement bien peur qu'avec les Gilets jaunes, nous ayons raté le coche."