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Education nationale en crise
- Par Thierry LEDRU
- Le 31/08/2022
Ca fait plus de dix ans que j'écris ici que le mur au bout de l'impasse arrive à grande vitesse.
Tout ce que je lis avec cette nouvelle rentrée ne fait que le confirmer.
En 2010, j'ai dit que l'école publique n'existera plus en 2030. On y va, on y va...
TEMOIGNAGE. "Nous sommes de plus en plus dénigrés" : un enseignant stagiaire pose sa démission à la veille de la rentrée
Publié le 31/08/2022 à 07h00 • Mis à jour le 31/08/2022 à 11h20
Écrit par Christine Ravier
Jeune diplômé démissionnaire, Romaric Justes dénonce le dénigrement des profs à l'extérieur et la maltraitance à l'intérieur de l'Education nationale. • © RJustes
Romaric Justes est enseignant stagiaire en NSI (numérique et sciences informatiques) en lycée. Tout juste diplômé, il a décidé de ne pas se présenter devant les élèves à la rentrée. Il nous en explique les raisons.
Il vient de démissionner de l'Education nationale avec le sentiment que son cas relève d'un problème sociétal. Romaric Justes, un prof gersois du secondaire, a accepté de répondre à nos questions. Comme d'autres enseignants, il pense que c'est le moment de tirer la sonnette d'alarme sur la précarisation du métier et la situation ubuesque dans laquelle l'institution place trop souvent ses jeunes profs diplômés.
France 3 : Vous avez présenté votre démission à l'Éducation nationale voilà 4 jours, pourquoi ?
Romaric Justes : La première raison, c'est qu'après mon année de stage, j'ai été affecté à 5 heures de chez moi. J'ai une femme qui a un enfant, je ne peux pas me permettre de déménager si loin de ma famille.
Mais le problème de fond est la question de la reconnaissance de notre travail. On embauche à 1.550 € net sachant que j'ai un bac+5 et que j'ai passé un concours national. Dans le secteur informatique, les salaires sont beaucoup plus élevés que ce que je gagnerai jamais en étant prof.
J'ai une mère prof, l'enseignement m'est venu comme une passion. J'avais envie de partager mes connaissances. Comme la spécialité était nouvelle, je me suis dit que c'était une occasion de développer l'informatique car la France était l'un des derniers pays dans lequel cette matière n'était pas enseignée. J'ai toujours cette envie mais aujourd'hui, je n'en ai pas la possibilité technique.
France 3 : Qu'est-ce que vous entendez par là précisément ?
Romaric Justes : Il y a plusieurs facteurs. On se retrouve avec de plus en plus de contractuels, le métier est déjà difficile mais eux, en plus, n'ont pas la formation qu'on a. Dans l'informatique, il y a un vrai problème : on a ouvert un enseignement aux élèves alors qu'il n'y avait pas de profs formés. Les profs ont commencé à sortir en 2020, deux ans après l'ouverture de la spécialité.
Des profs de maths et de physique ont été formés rapidement à l'informatique, en un mois. Les gens en poste ne sont pas des informaticiens. Nous qui avons été formés, nous n'avons pas de postes, nous sommes volants (TZR dans le jargon)... on remplace ici et là.
Les profs formés à l'informatique n'ont donc pas priorité sur les profs de maths et physique. C'est ce qui est arrivé pendant mon année de stage. On m'a demandé d'enseigner les SNT (Science numérique et technologie) en 2nde, ce qui ne fait pas partie de ma formation. Bref, on a l'impression de se faire piquer les postes par des gens qui ne sont pas formés en NSI et de faire les bouche-trous dans une spécialité qui n'est pas la nôtre.
France 3 : Effectivement ça paraît incohérent...
Romaric Justes : ça va assez loin. En juin, j'ai été certifié enseignant sur une matière que je n'ai jamais enseignée. Je n'ai pas pu enseigner la matière sur laquelle j'ai été formé. Et j'ai subi un traitement que je qualifierai de proche de l'inhumanité.
Quand l'inspecteur m'a fait passer l'inspection finale, j'ai dit ce que je pensais, ce que je viens de vous expliquer : le fait que nous n'avons pas les postes qui sont de fait offerts aux profs de maths. Je me suis vu refuser ma titularisation. Il a menti sciemment dans son rapport. J'ai été convoqué au rectorat de Montpellier face à 6 personnes. Si ce n'est pas de l'intimidation, ça y ressemble...
Je me suis rendu compte que ces gens ne connaissaient pas ma spécialité. Donc l'avis qu'ils allaient donner était celui de personnes qui ne savaient rien de ce que j'étais censé enseigner. C'est pour vous dire comment sont traités les enseignants. On le joue au chantage, à l'intimidation... Pourquoi s'infliger ça si on peut gagner deux fois plus à côté ?
Quand j'ai eu mon CAPES, je n'ai pas eu de félicitations, ni quand j'ai été titularisé. La seule chose qu'ils m'ont offert, c'est de m'envoyer devant un jury qui ne connaissait rien à ma spécialité pour décider si oui ou non j'étais apte à enseigner...
France 3 : On entend beaucoup parler des conditions d'enseignement, des classes difficiles. Est-ce que ça a eu un poids dans votre décision ?
Romaric Justes : Non. Le fait que les classes soient hétérogènes, qu'il faille faire de la discipline, c'est mon travail, tout comme la gestion administrative, aller voir les CPE pour les heures de colle, le rendu du travail, etc. Je trouve que ça fait partie du boulot.
En discutant avec ma mère qui est enseignante depuis 30 ans, j'ai réalisé les changements sociétaux qui ont eu lieu : l'enfant est roi, il a toujours raison. S'il ne comprend pas, c'est forcément la faute du prof, etc. Je l'ai ressenti en discutant avec plusieurs de mes collègues. On a l'impression d'avoir devant nous des élèves qui ne devraient pas être là ou des élèves fantômes qui n'ouvrent pas la bouche ou ne sont même pas là physiquement.
Le malaise vient du fait que nous sommes de plus en plus dénigrés. Or on a été 60 à réussir le concours sur 1.200 candidats. Mais on a du mal à remplir certains CAPES aujourd'hui. Le fait que par manque de profs, on prenne des gens qui n'ont pas les diplômes pose problème. Donc il n'y a plus ce postulat qui faisait que quand on était recruté, on était considéré comme des spécialistes de notre domaine.
On est très peu payé, très peu considéré. On subit un peu le même sort que les policiers. Et certains médias comme les chaînes en continu, tout comme les hommes politiques auxquels elles sont liées, en rajoutent pour nous dénigrer.
France 3 : Que faudrait-il changer ?
Romaric Justes : Il faudrait changer la façon de former les enseignants. L'année de master 2 est divisée en 2 parties : 9 heures par semaine d'enseignement et 3 jours de cours à l'université. On donne les cours et on est étudiant dans le même temps. C'est extrêmement chargé. On a tous fini exténués. Pendant mon année de stage, je suivais mes cours à Montpellier les mardis, mercredis et jeudis et j'enseignais à Perpignan à 2 heures de voiture les lundis et vendredis. Ma vie de famille était dans le Gers.
Quand on sort du master, on est envoyé n'importe où en France. C'est ce qui arrive à beaucoup de jeunes enseignants qui se retrouvent dans des quartiers chauds d'Ile-de-France. Se dire qu'on est avec sa famille dans le sud et qu'on doit être titularisé en banlieue, c'est une mesure d'un autre temps. On ne peut pas demander ça aux jeunes enseignants avec le peu de reconnaissance qu'ils ont et ce salaire si bas.
Avant l'argument de l'emploi garanti à vie pouvait jouer, plus maintenant. Les profs devraient, comme l'on obtenu les instits, être titularisés dans l'académie dans laquelle ils ont fait leur formation. C'est un système qui date, qui n'est plus en phase avec la société d'aujourd'hui.
Rentrée scolaire 2022 : des professeurs témoignent de leur lassitude "On est le reflet des maux de la société"
Publié le 31/08/2022 à 20h00 • Mis à jour le 31/08/2022 à 20h08
Écrit par Rachel Cotte avec Elsa Assalit et Pauline Juvigny
durée de la vidéo : 03min 00
Parole de profs à la veille de la rentrée scolaire • ©France télévisions
Le 1er septembre marquera le début de l'année scolaire 2022-2023. Une rentrée notamment entachée par des problèmes de recrutement. Mais pour les professeurs interrogés en Gironde, le manque d'attractivité de la profession ne date pas d'aujourd'hui, et s'explique par de nombreux facteurs.
A la veille de la rentrée, toujours les mêmes sentiments. La joie de retrouver les élèves est entachée par des conditions d'enseignement qui se détériorent au fil des ans. En ce début d'année scolaire marqué par une hausse du nombre d'enseignants contractuels, des professeurs tirent la sonnette d'alarme. Le déficit d'attractivité du métier et le manque de moyens alloués plongent notre système éducatif dans une situation particulièrement difficile. Plus de 4 000 postes n'ont pas été pourvus cette année aux concours enseignants.
Pour Charlotte Bonneau, professeure de français au collège en Gironde, le problème de recrutement est loin d'être récent. "Je suis assez étonnée qu'on nous parle de rentrée spéciale alors que c'est pas du tout la première fois qu'on n'a pas un professeur devant chaque classe. L'augmentation des contractuels, on le vit depuis des années, j'ai l'impression d'en entendre parler depuis que je suis dans ce métier. On en subit les conséquences depuis longtemps", souffle cette enseignante de 37 ans, qui exerce depuis maintenant 13 ans.
"Revalorisation symbolique"
Pour tenter d'attirer de nouvelles recrues, le ministère de l'Education nationale a annoncé une future revalorisation salariale. A partir de la rentrée 2023, tous les professeurs devraient percevoir au minimum 2 000 euros nets par mois. Mais le problème ne se situe pas qu'au niveau des salaires selon l'enseignante. "On a fait que nous parler de l'école de la confiance mais moi ce que j'aimerais c'est qu'on nous fasse confiance [...] qu'on nous laisse travailler, valoriser nos initiatives et pas nous imposer des choses."
Selon Charlotte Bonneau, la hausse des salaires doit s'accompagner d'une "revalorisation symbolique". "Il faut arrêter de dire qu'on est récalcitrants. Chaque année, on nous rajoute des choses et on accepte, on le fait." Celle-ci évoque aussi la nécessité de mettre en place des aides pour pouvoir accueillir les élèves aux "profils particuliers", notamment ceux en situation de handicap.
Manque de moyens
Une meilleure prise en charge de ces élèves serait envisageable grâce à davantage de moyens, mais ceux-ci manquent cruellement selon Charlotte Laizet, professeure d'histoire-géographie de 42 ans. Un déficit qui ne touche par ailleurs pas que l'Education Nationale.
Les problèmes qui se posent à l'école se posent dans tous les services publics. On est le reflet des maux de la société. Il y a de moins en moins de moyens. La plupart d'entre nous, si on a choisi ce métier, c'est parce qu'on y croit, parce qu'on veut une école qui permette d'émanciper les élèves, de réduire les inégalités... On n'a plus les moyens de le faire.
Charlotte Laizet, enseignante en histoire-géographie
France 3 Aquitaine
Des évolutions "auxquelles on n'était pas préparés"
Selon Pascal Bourdon, 59 ans, professeur d'histoire-géographie depuis maintenant 37 ans, l'essor des réseaux sociaux a compliqué le processus de socialisation traditionnellement assuré par l'école. "Ces dernières années s'est développée l'individualisation des savoirs par les réseaux sociaux, l'Internet [...] Désormais, on a des individus de plus en plus autocentrés via les réseaux sociaux, entre autres. Mais nous, on doit faire du collectif. C'est une des évolutions que j'ai vues ces 15, 20, 30 dernières années, auxquelles on était pas préparés."
Malgré toutes ces difficultés, les professeurs assureront la rentrée, comme chaque année, pour leurs élèves. A l'instar d'Harold Sabourdy 41 ans, lui aussi enseignant en histoire géographie : "Comme les collègues, on sera devant les classes, demain, avec l'envie de bien faire."
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La nature rognée par les marchands.
- Par Thierry LEDRU
- Le 30/08/2022
Le tourisme de masse toujours plus puissant.
Les gens qui décident de vivre et d'habiter en ville ne devraient pas avoir le droit d'en sortir épicétou :)
Dans les zones rurales, on a les inconvénients de l'isolement, des trajets, des déserts médicaux, mais on a la beauté de la nature.
Et on ne va pas envahir les villes quand on a du temps libre.
Ma mémé Crédou, bigoudenne à fort caractère, une femme que j'adorais, avait une phrase très claire et qui s'appliquait à bien des situations :
"A chacun sa merde et les culs seront bien torchés".
Bisous Mémé
"Notre Vercors n'est pas fait pour ça" : un projet immobilier et touristique crée la polémique
Publié le 29/08/2022 à 16h08
Écrit par J.M avec Vincent Habran
C'est sur ce terrain, situé à côté des remontées mécaniques du Clos de la Balme, que devrait se situer l'immeuble de cinq étages - août 2022 • © France TV
Un ensemble immobilier touristique de près de 135 logements devrait voir le jour d’ici 2025 à Corrençon-en-Vercors. Un projet voulu par la municipalité iséroise mais qui, dans le village, ne fait pas l’unanimité.
C’est un petit village d’à peine 360 habitants qui pourrait bien devenir un haut lieu du tourisme d’ici quelques années. À Corrençon-en-Vercors (Isère), au Clos de la Balme plus exactement, la municipalité souhaite la construction d’un ensemble immobilier de près de 135 logements : 20 logements saisonniers, quelques appartements et chalets en accession à la propriété, et surtout une résidence de tourisme de plus de 90 logements, selon le dossier déposé en préfecture.
Pour la municipalité, ce projet est avant tout un moyen de diversifier l'offre touristique. "On n’a pas de résidence de tourisme sur Villard-de-Lans et Corrençon-en-Vercors. C’est un problème car on ne peut pas aller chercher des groupes du tour-opérateur ni des séminaires d’entreprises. Alors qu’aujourd’hui plein d’autres stations concurrentes et voisines fonctionnent comme ça, on se prive de cette clientèle qui permet d’amener une régularité sur l’ensemble de la saison," relate Thomas Guillet, le maire sans étiquette de Corrençon-en-Vercors.
Notre Vercors n'est pas fait pour ça
Loïs Habert, opposant au projet
Cette résidence s'ajouterait aux 4 000 lits déjà proposés aux vacanciers dans le village. Les opposants, regroupés en collectif, y voient un projet démesuré. "Le monde change. Il y a des modèles économiques qui existent déjà et d’autres qui n’existaient pas hier et qui existeront demain. Il faut arriver à se projeter sur celui de demain, pas reprendre ce qui s’est déjà fait dans les grandes stations et essayer de l’adapter à notre Vercors qui n’est pas fait pour ça," explique Loïs Habert, un opposant au projet.
D’autant qu’à quelques kilomètres de là, à Villard-de-Lans, un autre projet immobilier suscite la polémique. Au pied des remontées mécaniques, le grand parking devrait bientôt être remplacé par l’Ananda Resort, un complexe hôtelier quatre étoiles de plus de 900 lits.
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Crise du gaz et agriculture
- Par Thierry LEDRU
- Le 30/08/2022
Depuis des décennies, quelques spécialistes du sol alertent sur la dépendance aux engrais et sur leurs effets néfastes.
Eh bien, voilà une crise qui tombe à point nommé.
Il aurait fallu anticiper sur les techniques de conservation et amendement des sols. Sur le long terme, c'est d'une efficacité qui ne peut être contestée.
On a acheté notre maison il y a un an et demi. Les 4700 mètres carrés de terrain étaient quasiment à l'abandon. La nature s'en donnait à coeur joie. Pas question de faire pousser quoi que ce soit dans cette jungle de ronces, arbustes, orties, arbres, fougères. Dix-sept mois plus tard, on a été obligé d'acheter un deuxième congélateur de 400 litres malgré le fait qu'on donne aux voisins des paniers de légumes.
Broyat, BRF, compost, paillage, couverture végétale, azonte, carbone, tout est connu, expliqué expérimenté mais ça n'entre pas dans les têtes du milieu agricole qui ne jure que par la mécanisation et l'artificialisation des sols. Désolant.
AMENDEMENT DES SOLS /
Lorsqu’il s’agit d’avoir le plus beau des jardins, ou le potager le plus fructueux possible, un certain nombre de questions se posent. En effet, en plus de choisir les variétés de fleurs, arbustes, fruits ou légumes florissant aux périodes souhaitées, il va falloir prendre soin de son sol pour que la pousse soit optimisée. De ce fait, un certain nombre de techniques existent. Tandis que l’arrosage est parfait pour humidifier la terre, celle-ci doit aussi être enrichie pour que votre culture puisse avoir les apports nécessaires. Et dans ce contexte, avez-vous déjà entendu parler d’amendements ? Contrairement aux engrais, qui exercent une action directement sur les plantes, les amendements agissent sur la terre elle-même. Et c’est très pratique ! Naturels, ceux-ci ne vous feront pas risquer d’intoxiquer vos plantes par excès d’ingrédients chimiques.
Il est assez intéressant de savoir que l’amendement permet un travail efficace de la terre. Apportant drainage et aération. Il vous sera très efficace d’entretenir et d’humidifier votre sol grâce à ce humus riche et naturel.
Crise du gaz, donc des engrais : d'après Fertilizers Europe, 70% de la capacité de production européenne d'engrais est actuellement arrêtée.
"La pénurie d'engrais en Europe s'aggrave : plus des deux tiers des capacités de production ont été interrompues par la flambée des prix du gaz, ce qui menace les agriculteurs et les consommateurs bien au-delà des frontières de la région.
La pression exercée par la Russie sur les livraisons de gaz à la suite de l'invasion de l'Ukraine par Moscou porte préjudice aux industries de toute l'Europe. Mais les fabricants d'engrais sont particulièrement touchés, car le gaz est à la fois une matière première essentielle et une source d'énergie pour le secteur.
Les prix de gros des engrais, qui ont reculé après avoir atteint des sommets pluriannuels à la suite de l'agression de la Russie, sont de nouveau en hausse, les producteurs de l'Union européenne réduisant leurs capacités. Les prix de l'ammoniac en Europe occidentale ont bondi au cours des deux dernières années, selon les données de Green Markets, la société d'analyse des nutriments des cultures de Bloomberg. La raréfaction de l'offre maintiendra les prix à un niveau élevé, menaçant ainsi la productivité, les agriculteurs étant contraints de réduire leur utilisation de ce nutriment essentiel. Cette situation se répercutera sur les consommateurs qui verront l'inflation alimentaire s'accélérer.
"Nous sommes extrêmement préoccupés par le fait qu'avec l'augmentation continue des prix du gaz naturel, de plus en plus d'usines en Europe seront contraintes de fermer", a déclaré Maximo Torero, économiste en chef de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. "Cela fera passer l'UE du statut d'exportateur clé à celui d'importateur, ce qui exercera une pression accrue sur les prix des engrais et affectera par conséquent la prochaine saison de plantation."
Environ 70 % des capacités sont hors service, selon Fertilizers Europe, qui représente la plupart des producteurs du continent.
"La crise actuelle exige une action rapide et décisive de la part des décideurs européens et nationaux, tant pour le marché de l'énergie que pour celui des engrais", a déclaré Jacob Hansen, directeur général de Fertilizers Europe, dans un communiqué.
Cette semaine, de grands producteurs, dont le norvégien Yara International ASA et CF Industries, ont réduit ou arrêté leur production.
"Nous confirmons que nous réduisons et arrêtons la production de certaines usines d'engrais dans les différents sites de l'UE et ce, pour des raisons économiques", a déclaré un porte-parole de Borealis AG dans une réponse par courriel à des questions.
Dépendance à l'égard de la Russie
Les fabricants d'engrais en Europe ont été le plus durement touchés en raison de la dépendance de la région au gaz russe. L'industrie doit également faire face aux sanctions des États-Unis et de l'Union européenne sur les ventes de potasse en provenance du Belarus et à la décision de la Chine de limiter ses expéditions. Le commerce des nutriments russes a souffert de l'auto-sanction de nombreux expéditeurs, banques et assureurs, ainsi que des difficultés à assurer le service des exportations en provenance de Russie, un gros fournisseur de tous les principaux types de nutriments pour cultures.
L'Europe devenant un importateur net d'engrais, les retombées de la crise de l'offre vont s'étendre. La région commencera à entrer en concurrence avec les nations plus pauvres, notamment en Afrique, où l'insécurité alimentaire est exacerbée par des sécheresses et des conflits persistants.
Des millions de personnes en Afrique sont déjà confrontées à la famine et, selon l'Association internationale des engrais, la baisse prévue de 7 % des engrais dans le monde la saison prochaine, soit la plus forte baisse depuis 2008, pourrait entraîner une diminution des récoltes. Les petits exploitants agricoles dans les économies fragiles seront les plus vulnérables, a déclaré Laura Cross, directrice de l'information commerciale de l'association.
"Les fermetures d'usines d'azote en Europe ne sont pas simplement un problème en Europe", a-t-elle déclaré. "La réduction de l'offre à l'échelle observée cette semaine augmente non seulement le coût marginal de production des engrais azotés, mais resserrera également le marché mondial, ce qui exercera une pression sur la disponibilité des nutriments végétaux en Europe et au-delà."
Nous voyons déjà les prix augmenter à nouveau ailleurs. À la Nouvelle-Orléans, le prix de l'urée, un engrais azoté courant, a augmenté de plus de 20 % en prix hebdomadaires vendredi, soit la plus forte hausse depuis mars, quelques semaines après le début de la guerre, selon Green Markets.
L'Afrique doit devenir autosuffisante en matière d'engrais, déclare Agnes Kalibata, présidente de l'Alliance pour une révolution verte en Afrique, une coalition agricole du continent.
"Lorsque des défis comme celui-ci se produisent, la question est de savoir si nous avons la capacité de construire des usines d'engrais en Afrique, car investir dans les engrais est une évidence", a-t-elle déclaré dans une interview.
La fermeture des usines d'ammoniac en Europe a également un impact direct sur d'autres types d'approvisionnement en engrais, a déclaré Alexis Maxwell, analyste chez Green Markets. L'ammoniac est utilisé comme intrant pour fabriquer la plupart des produits finis d'engrais.
"L'Europe a besoin d'engrais et l'importation est sa meilleure option, mais ce sera un défi logistique important", a déclaré M. Maxwell. "La capacité mondiale de réserve d'azote est serrée après deux années de forte hausse de la demande." "
(publié par Cyrus Farhangi, traduction par DeepL)
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"Où va le Brésil ?"
- Par Thierry LEDRU
- Le 30/08/2022
Ce titre montre l'état de conscience des individus au regard de la planète. Ce que cette jeune femme défend au Brésil, ne concerne pas que ce pays mais l'ensemble de la planète. En premier point parce que la déforestation considérable que subit la forêt amazonienne a un effet planétaire et deuxièmement parce que ce combat est le même dans bien d'autres lieux du monde (Indonésie, Colombie, Australie, Nouvelle-Zélande, Canada, tous ces états qui ont des surfaces considérables de forêts et qui les exploitent de façon outrancière.
Donc, ce que dénonce cet article n'est pas qu'un problème du Brésil.
Épisode 5/5 : Txaï Surui ou la lutte indigène pour défendre l’environnement
Vendredi 26 août 2022
ÉCOUTER (4 MIN)
Txaï Surui, militante brésilienne pour l'environnement, devant le Musée de demain, à Rio de Janeiro. ©Radio France - Gilles Gallinaro
Provenant du podcast Le zoom de la rédaction
CONTACTER L'ÉMISSION
Résumé
Chercheurs d’or, trafiquants de bois, éleveurs de bétails envahissent chaque jour un peu plus les territoires indigènes. Txaï Surui, qui a porté la parole des peuples autochtones lors des discours d’inauguration de la COP 26, est aujourd’hui la cible de menaces et de harcèlement.
En savoir plus
Le 1er novembre 2021, à l’âge de 24 ans, cette étudiante en droit du peuple Surui est la seule à prendre la parole pour le Brésil, lors de la conférence pour le climat de Glasgow. « Mon ami d’enfance a été tué pour protéger la forêt, les indigènes sont sur le front du réchauffement climatique. » La voix tremblante, Txaï Surui témoigne et s’adresse au reste du monde : « Nous avons des idées pour retarder la fin du monde. »
À sa descente de l’estrade, ce jour-là, Txaï Surui comprend que cette nouvelle visibilité l’exposera pour le meilleur et pour le pire : « Un homme est venu me voir, il a tenté de m’intimider en me disant qu’il ne fallait pas que je parle mal du Brésil. On a ensuite découvert que cette personne travaillait au ministère de l’environnement. »
Cette vie sous pression constante, Txaï y est habituée. Son père Almir, chef de la communauté, et sa mère Neidinha militent depuis des décennies pour défendre leur terre. « Quand j’avais 14 ans, 15 ans, on a vécu un an sous protection permanente des forces armées, à cause des menaces qui pesaient sur mes parents et nous. »
Protégée il y a dix ans, aujourd’hui Txaï ne l’est plus. Depuis son discours, elle est même devenue la cible de harcèlement : « Aujourd’hui encore, regardez, sur Instagram, ils publient des fake news sur moi. C’est un compte bolsonariste avec 200 000 abonnés, ils utilisent tout pour décrédibiliser mon discours. Je reçois beaucoup de messages racistes, beaucoup de messages de haine. »
Élevages illégaux
Des menaces virtuelles, tant qu’elle reste loin sa région, le Rondonia. Cet État brésilien est l’une des plaques tournantes de la vente illicite de bœuf. Un trafic que Txaï dénonce : « Rien que sur une petite partie de notre territoire, on a repéré un élevage de 6 000 têtes de bétail, illégal, et vous savez où part toute cette viande ? interroge-t-elle. En France ! Elle est destinée à la chaine de supermarché Casino. »
Depuis deux ans, les associations avec lesquelles elle travaille, multiplient les procédures contre l’entreprise brésilienne JBS, le leader mondial du commerce de viande bovine : « Tous les éleveurs savent comment frauder sur l’origine du bétail et le vendre à JBS. Ils nourrissent les bœufs sur une terre indigène, quand ils veulent vendre les bêtes, ils les transfèrent sur d’autres parcelles pour que la traçabilité de cette viande soit en règle. »
Héritière désignée par son peuple pour défendre la préservation de son territoire, Txaï sait qu’elle se dresse face à système puissant et articulé : « Comment fonctionne la destruction de la forêt ? interpelle-t-elle. D’abord, ils déboisent, ensuite ils brûlent, ils font entrer le bétail et quand la terre devient trop pauvre, ils plantent le soja. »
"Victimes d’une guerre invisible"
Une politique extractiviste et productiviste défendue au Congrès brésilien par le front parlementaire du BBB (Bible, Balle et Bœuf), les élus évangéliques, les mouvements pro-armes et les représentants de l’agro-négoce. Des réseaux d’influence contre lesquels les communautés indigènes sont en guerre : « Nous sommes victimes d’attaques menées par l’agrobusiness, par des gens qui nous envahissent, 20 000 chercheurs d’or dans le nord qui détruisent la forêt, qui violent les femmes et ça n’est pas une guerre ? Des personnes qui meurent, qui disparaissent et ce n’est toujours pas une guerre ? Nous sommes victimes d’une guerre invisible. »
Dans cette guerre invisible, pour mener ses combats, Txaï Surui sait aussi qu’elle doit finir ses études de droit : « Je sais, je sais, sourit-elle. On dirait ma mère ! Il me manque six mois pour finir la fac, mais c’est très important parce que les bolsonaristes présentent des projets de loi qui autorisent l’exploitation des terres indigènes. Aujourd’hui, on voit que le travail des avocats indigènes fait la différence devant la Cour suprême. Notre chemin de lutte passe par la justice donc je vais terminer mes études, mais en ce moment c’est compliqué. »
En cette année électorale, Txaï répond aux sollicitations, enchaîne les conférences. À Rio, où nous la rencontrons, à peine revenue de Suède, elle dit que son peuple lui manque mais avoue qu’elle est aujourd’hui bien plus en sécurité loin de ses terres. Loin des « capangas », les équipes de sécurité privées des éleveurs de bétail.
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Les étoiles du plateau de Millevaches
- Par Thierry LEDRU
- Le 30/08/2022
Corrèze : le plateau de Millevaches devient une réserve de ciel étoilé
Publié le 30/08/2022 16:15
Article rédigé par
M.Lassaga, F.Guinle, F.Fort Images drone : l’Atelier Duho - France 2
France Télévisions
Le plateau de Millevaches, situé en Corrèze, est préservé de la pollution lumineuse. Grâce à une qualité de ciel exceptionnelle, il est classé réserve de ciel étoilé, un label rare.
En Corrèze, le plateau de Millevaches est idéal pour des touristes qui cherchent la tranquillité.
(Cette phrase contient une énorme contradiction : le tourisme tue la tranquillité et si je mets cet article malgré ce que je pense du tourisme, c'est pour montrer justement à quel point les medias ont un impact néfaste sur des lieux préservés. Q'ils se contentent de faire de la pub pour Paris et les Center parcs, ça sera très bien.)
L'étendue préservée est située loin des lumières de la ville, ce qui permet d'observer les étoiles dans le ciel. Le plateau de Millevaches est classé comme réserve de ciel étoilé, il fait partie des 19 sites labellisés dans le monde. "Pour être réserve de ciel étoilé, il faut être exempt de pollution lumineuse, ce qui est quasiment notre cas ici", décrit Violette Janet-Wioland, chargée de mission au Parc naturel régional du plateau de Millevaches (Corrèze).
Une biodiversité préservée grâce à la nuit noire
Les communes du plateau ont investi dans des LED et dès 22 heures, les lumières s'éteignent dans les rues. "Nous avons juste conservé quelques points lumineux, qui sont dits sécuritaires, à des carrefours notamment", détaille Philippe Brugère, maire de Meymac (Corrèze). Sur le plateau, la nuit noire aide à préserver la biodiversité. Le rythme biologique de la faune et de la flore n'est pas impacté par une barrière lumineuse. (Voilà la deuxième raison de la mise en ligne de l'article sur mon blog : l'éclairage des rues n'est aucunement une nécessité et son abandon est accepté par les populations locales qui regardent un peu plus loin que la "tradition" ou l'habitude. Effectivement, sur le plateau, les locaux ont bien compris que le bien-être des chauve-souris, par exemple, est plus important que le fait d'éclairer des rues.)
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Révolte paysanne
- Par Thierry LEDRU
- Le 28/08/2022
Un mouvement qui va prendre de l'ampleur. Les raisons sont multiples. L'avenir du monde paysan et de l'autonomie alimentaire, une alimentation de qualité cette fois, du pays passera par là ou ne se fera pas.
VENDANGES SAUVAGES CHEZ BERNARD ARNAULT
– « La terre au paysans » : une action contre l'accaparement des terres –
Ce dimanche 28 aout, des vendanges particulières ont eu lieu dans le Var. Particulières parce qu'elles ont lieu sur une parcelle de vignes rachetés par le milliardaire Bernard Arnault et son empire du luxe LVMH. Sur le terrain du château d’Esclans, il y produit du vin baptisé « Whispering Angel », l'un des rosés les plus chers du monde.
Particulières aussi parce qu'il s’agit de vendanges sauvages.300 personnes se sont rendues au milieu des vignes à l'appel de la Confédération Paysanne et des Soulèvements de la Terre, pour protester contre l'accaparement des terres agricoles par une minorité de privilégiés.
En effet, c'est une concentration silencieuse qui a lieu à l'écart des villes. D’ici 10 ans, la moitié des terres agricoles vont changer d’exploitant·e car les agriculteurs partent en retraite. C'est donc un sujet crucial : dans quelles mains iront ces terres ? Seront-elles redistribuées à des petits paysans ou à de gros propriétaires fonciers qui y pratiqueront une agriculture productiviste et polluante ?
Les données du recensement agricole sont sans appel : en 2000, la surface moyenne des exploitations était de 42 hectares. 10 ans plus tard, elle était de 55 hectares. En 2020, elle est de 69 hectares. Un quasi doublement en 20 ans. Ces 10 dernières années, le nombre de fermes a reculé de 21%. Cela veut dire que les terres sont moins bien réparties : elles appartiennent à un nombre plus petit de gros exploitants. C'est de la concentration foncière, au profit de gros acteurs comme LVMH. En 10 ans, le nombres d’emplois agricoles a reculé de 11%, soit une perte de 81000 emplois. Le monde paysan déjà affaibli disparaît au profit d'accapareurs et d'agro-industriels.
« On reprend la terre et ses fruits ! » répond le collectif Les Soulèvements de la Terre, après la récolte de ce matin. Les vendangeurs et vendangeurs sont allé presser le raisin fraichement cueilli, pour en faire une cuvée spéciale ! Elle servira à soutenir la lutte pour protéger les têtes agricoles, empêcher leur accaparement et pour une viticulture paysanne.
Selon les premiers avis, cette cuvée s'annonce déjà « très réussie ». Santé !
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Bouli Lanners
- Par Thierry LEDRU
- Le 28/08/2022
J'adore l'acteur et je suis admiratif de l'homme engagé.
« Moi, je suis décroissant parce qu’il y a une équation qu’on ne peut pas résoudre avec la croissance. On le sait ! On a dépassé les pics d’exploitation de tous les minerais. On a tout épuisé. C’est pas qu’il faut mettre le frein à main, c’est qu’il faut faire marche arrière ! »
Bouli Lanners : l’acteur écolo sort du bois
Le comédien et réalisateur belge, habitué des seconds rôles de films indépendants, est à l’affiche de la nouvelle saison d’Hippocrate, diffusé sur Canal + depuis le 5 avril. Il a reçu Reporterre chez lui, tout en malice et militantisme.
Liège (Belgique), reportage
Devant le portail, un pickup noir et beaucoup d’autocollants à l’arrière. L’un d’eux attire particulièrement le regard. Dans un cercle jaune, une tête de mort noire rappelle le symbole de la radioactivité. Au-dessus, trois lettres, « RAN », pour « Réveil antinucléaire ».
« Montez, c’est en haut des marches. » Bouli Lanners nous ouvre les portes de sa maison, sur une colline qui surplombe la gare de Liège, en Belgique. « Bouli », parce qu’il est hors de question qu’on le vouvoie, nous a-t-il fait comprendre au téléphone avant que nous prenions la route. Le comédien francophone nous attend les mains dans les poches, chemise épaisse à carreaux bleu sombre et rouge, bonnet noir, l’air rieur.
Bouli sur sa colline qui surplombe le centre-ville de Liège.
« On va se poser dehors, ça ne vous embête pas ? » Il fait 7 °C… Le comédien — alias Olivier Brun dans la saison 2 d’Hippocrate (sortie le 5 avril dernier), médecin en chef des urgences et gestionnaire de crise hors-pair — est hypocondriaque. « J’ai pas peur de me couper un bras, mais les virus, j’aime pas trop. Pour moi, c’était très très dur cette année. »
Il pose trois énormes plaids sur la table en teck, allume le poêle à bois « pour chauffer les petits pieds » et file préparer une tisane. À ses trousses, Gibus et Texas, ses deux « gosses », deux border terriers, dont le jeu préféré consiste à se disputer les « cucuches », des petits cochons en plastiques tout mordillés, disséminés partout dans le jardin. « J’ai fait un transfert. Si j’avais des gosses, je serais super casse-couilles, j’ai trop peur, je suis inquiet tout le temps. »
Texas, sa petite border terrier, s’est aventurée dans le bois qui lui est normalement interdit : « Mes chiens ont tendance à vouloir courser les renards. »
Bouli et Élise, sa femme, ont acheté cette maison il y a dix ans. Avant ça, ils ont habité vingt ans à bord d’une péniche sur les bords du canal de l’Ourthe (à Liège aussi). Sur les berges, avec leurs voisins, ils ont planté des arbres et se sont installés comme dans un village, mais illégalement : les chemins de halage sont publics. Le couple a ensuite recherché un environnement plus durable et vert.
« On a 10 000 m² de terrain en ville qui ne seront jamais construits ! »
Le barbu sort le bras de son plaid et montre le sommet de la colline : « Après la maison, j’ai acheté le bois puis les terrains autour pour pouvoir préserver un maximum de surface. Et mon voisin, sur la colline en face, a fait la même chose. Donc, on a 10 000 m² de terrain en ville qui ne seront jamais construits, j’ai mis tout mon argent dedans ! »
Bouli à l’entrée de son bois.
Pourquoi autant de surface ? Pour « rien » ! Il articule fort. Ce « rien », c’est la biodiversité, les pipistrelles (chauve-souris) qui nichent en bas de son jardin, les arbres, et, surtout, le regard des promoteurs immobiliers : « Ils ne comprennent pas. Je le vois dans leurs yeux. Ils me regardent et me demandent :
— Mais, vous allez en faire quoi ?
— Rien !
Et là, je vois le vide, et j’adore ce moment. Il vaut toutes les thunes que j’ai mises dans ce terrain ! »« Au moins je peux acheter les bouts de terrain autour de chez moi et appliquer à 56 balais des choses qui me hantent depuis que je suis tout petit. » À cet âge, Bouli l’avoue, il était très sensible, presque maladif face à l’artificialisation des terres. Il lançait déjà des débats avec ses parents et personne ne le comprenait. Alors le petit Philippe — Bouli est un surnom — se réfugiait dans la forêt. Le village où il a grandi, La Calamine (Kelmis en allemand), dans la région germanophone, se situe aux confins de la Belgique, de l’Allemagne et des Pays-Bas. « Mon père était douanier, ma mère faisait les ménages et était ouvrière saisonnière en Allemagne. Elle passait tous les jours la frontière en voyant mon père au poste et moi pour aller à l’école, je passais par les bois, la Hollande et l’Allemagne. »
Portrait de l’acteur et détail sur ses mains tatouées : « J’en ai sur tout le corps, je dois finir le dos, mais ça fait un mal de chien. »
Son premier voyage à vélo à treize ans a signé le début de la liberté : deux semaines à sillonner les Ardennes, seul avec sa gourde et ses premières cigarettes. Aujourd’hui avec Élise, ils parcourent la Belgique et la France à pied, munis de cartes IGN, avec une certaine attirance pour les chemins privés. « Tu fais une rando, t’as un chemin tracé puis là, tu tombes sur une pancarte, “propriété privée”, mais c’est par là que la nature voudrait que je continue mon chemin ! Le gibier passe bien, lui. » Et d’ajouter, le regard joueur : « Moi, je conseille à tout le monde : allez dans les propriétés privées ! Sauf en période de chasse ! »
L’acteur a galéré pendant des années avant de pouvoir vivre du cinéma. « Ça fait dix ans que ça marche bien, mais avant ça, y’a eu des années noires. » Il a survolé la période des trente ans, quand tous les copains se marient, font des enfants et que « toi t’as rien », la vie dans une « cabane en plein centre de Liège » : « Je sais ce que ça veut dire d’être pauvre ! »
Peintre contrarié après s’être fait renvoyer des Beaux-Arts, il a repris intensément le pinceau pendant le confinement. Un galeriste lui a déjà proposé une exposition, mais on ne lui fait pas : « Je sais très bien que c’est parce que je suis Monsieur Bouli Lanners, de toute façon je refuse de vendre mes tableaux. »
À ce moment-là de la discussion, il neige à gros flocons sur la terrasse. Notre hôte, imperturbable, a déployé le parasol. « Moi, je suis décroissant parce qu’il y a une équation qu’on ne peut pas résoudre avec la croissance. On le sait ! On a dépassé les pics d’exploitation de tous les minerais. On a tout épuisé. C’est pas qu’il faut mettre le frein à main, c’est qu’il faut faire marche arrière ! »
« C’est plus facile d’intégrer la fin du monde que d’intégrer la fin du capitalisme »
À ce moment-là, Bouli parle vite. Son ton rappelle celui de ses coups de gueule vidéo Instagram contre la consultation populaire décidée en pleine pandémie sur l’avenir des déchets nucléaires ou en soutien au personnel soignant. Le « mec du XXᵉ siècle, pas du XXIᵉ » méprise le mythe des nouvelles technologies providentielles censées nous sauver de l’effondrement, cette vieille idée de la modernité. « Mais aujourd’hui, c’est plus facile d’intégrer la fin du monde que d’intégrer la fin du capitalisme. »
Bisous avec Texas.
Une heure que l’on est dehors, l’eau s’amoncelle sur le parasol et les gouttes nous tombent dans le dos. Bouli se lève et nous propose de rejoindre son antre. Au bout du couloir trône son bureau, un meuble imposant en bois massif. Dans un coin de la pièce, les affiches de ses longs métrages, ceux qu’il a réalisés : Eldorado (2008), Les Géants (2011) et Les Premiers, les Derniers (2016). « C’est un temps pour un whisky, vous en voulez un ? J’ai trois cents bouteilles, on a le choix. » Il est 15 heures, on accepte.
C’est dans cette pièce qu’il a passé la soirée de lancement d’Hippocrate 2, seul, début avril. En temps normal, il aurait partagé un scotch avec toute l’équipe de tournage et couru les plateaux télé. Mais là, rien. Il a répondu aux interviews à distance. « Vous êtes les premiers que je vois. » Personne ne parle de la série en Belgique, elle n’y est toujours pas sortie. Mais lors de notre entretien, posé sur le canapé capitonné, le portable n’arrête pas de sonner. « Des textos, des messages Facebook, Instagram… Ça touche un public qui ne me connaissait pas. Donc le premier jour où j’étais là, tout seul avec ma bouteille de whisky, c’est loin. Maintenant, je suis avec ma bouteille de whisky et toute la France ! »
La Couverture Chauffante, c’est le nom qu’il a donné à son atelier de peinture, qu’il compte aussi convertir en bar pour ses copains. À la carte ? Son propre whisky, qu’il va bientôt récupérer après dix ans de fermentation ou son Vermouth dont il ramène une bouteille à sa femme pour le cocktail du soir.
Son personnage, Olivier Brun, est central dans la saison 2. Le service des urgences en proie à de violentes inondations dès les premières secondes du premier épisode, doit déménager et squatter le service de médecine interne. Les allées de l’hôpital débordent, c’est la panique tout le temps. Le tournage a eu lieu à l’hôpital Robert-Ballanger d’Aulnay-sous-Bois. « Jamais vécu dans un aussi petit décor avec autant de bienveillance de la part de tout le monde, dans une période où tu es censé te méfier de l’autre. »
Le tournage de la série a commencé en janvier 2020, puis l’équipe a fait une pause, comme tout le monde, pendant le premier confinement. Thomas Lilti, le réalisateur de la série, initialement médecin, a remis sa blouse blanche et rejoint un service Covid. Bouli, lui, a perdu trois de ses amis à cause de la pandémie. « Une année de merde. Et en même temps, la période de confinement, avec ce printemps exceptionnel, fait que j’ai pu terminer tout ce que je voulais faire depuis très longtemps dans mon jardin. » Des terrasses pour son potager sur la colline, apprendre à conserver ses légumes pour l’hiver et se remettre à la peinture pour la première fois depuis 27 ans, quand il était aux Beaux-Arts.
Son potager pour lequel il fait des terrasses, car rien n’est plat sur la petite colline de son jardin.
Alors qu’aujourd’hui tout décolle, l’acteur a envie de calmer le jeu. Et de se concentrer sur l’essentiel. Bouli Lanners a lui aussi chopé le virus de l’oisiveté en mars 2020. « Je suis un privilégié, ma maison est payée, je n’ai pas de dette, du coup, avec ce rythme beaucoup moins soutenu, je me suis dit, c’est terminé, je ne travaille plus que six mois dans l’année. »
Le zozo et les abeilles
Ses projets ? Le potager, les abeilles et les poules, qui arrivent bientôt. Pour le cinéma, deux tournages l’été prochain, dont un avec l’équipe de Groland, puis des cours à l’Insas, l’école de cinéma de Bruxelles, Hippocrate 3 — « si c’est Lilti aux manettes » — et l’adaptation de Nature humaine, un roman de Serge Joncour. « J’ai accepté cette proposition parce que, pour la première fois, ça touche à quelque chose de plus politique pour moi. » C’est l’histoire d’un paysan amoureux de la nature dans le Lot entre 1976 et 1999. Dans la ferme familiale, il va suivre tout ce que la société lui impose : l’élevage toujours plus intensif, les contrats avec les industriels. « Tout le monde le prend pour un zozo, comme moi quand j’étais petit. Je me dis que j’aurais dû être plus actif avant. »
Le chemin qui mène à son atelier.
Depuis un an, et la crise du Covid-19, le citoyen Bouli réalise que la Belgique ne tourne pas rond. Sa structure politique est « si complexe qu’en cas de crise majeure, ça ne marche pas. La première semaine de la crise, le débat ne reposait pas sur comment régler le problème, mais sur qui était compétent pour le régler ! On peut gérer des affaires courantes mais pas un accident exceptionnel. Alors, qu’est-ce qui se passerait en cas d’accident nucléaire ? » C’est dans ce combat aussi que Bouli met beaucoup d’énergie depuis quelques années. Le réalisateur a passé une semaine à Bure, dans la Meuse, près des opposants au projet Cigéo de « poubelle nucléaire » et observé la répression sur place. Il admire le courage de celles et ceux « qui ont tout abandonné pour cette lutte et vivent dans les bois depuis deux ans ». Il a été témoin de la pression quotidienne des forces de l’ordre, des charges aussi : « C’est la plaine, tu arrives au-dessus d’une colline, et là, toute une rangée de mecs habillés en noir. Les flics. J’ai vu vraiment des images comme dans Braveheart. Des combats comme dans les films de chevaliers. Il y a eu des ratonnades sévères. »
Depuis cinq ans, avec d’autres copains, il a créé le RAN. RAN pour « Réveil antinucléaire ». La tête de mort en autocollant à l’arrière du pick-up. « On est dans le côté dark du truc. On est moins autorisés que d’autres associations. » Bouli dégaine deux casquettes de sa réserve — le même crane noir et jaune pour effigie — et lance avec malice : « Tenez, vous allez repartir avec. »
Dans son atelier il ne voit pas le temps passer. Parfois Élise l’appelle pour lui rappeler que ça fait plus de dix heures qu’il n’a pas mangé. Sur d’immenses toiles carrées, il peint les horizons et la lumière du nord. Elles rappellent les grands espaces de ses films, les lignes et la perspective d’« Eldorado » ou « Des Premiers les Derniers » avec Albert Dupontel.
Filmographie :
Hippocrate saison 2 (2021)
Effacer l’historique (2020)
Petit Paysan (2017)
Les premiers, les derniers (2016)
9 mois ferme (2012)
De rouille et d’os (2012)
Le grand soir (2011)
Louise-Michel (2008)
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Mort de rire
- Par Thierry LEDRU
- Le 27/08/2022
Oui, bon, le titre est ironique. Mais franchement le tout électrique quand on connaît un peu les restrictions à venir au regard du changement climatique, il y a de quoi rire. Il n'y aura pas assez de terres rares, il n'y aura pas assez de composants électroniques, il n'y aura pas assez de bornes de recharge et mieux que tout, il n'y aura pas assez d'électricité disponible.
En Chine, la canicule met KO les stations de recharge Tesla
Dans Ecologie / Electrique / Véhicules électriques
Olivier Cottrel Le 26/08/2022 à 16:30
Marqué par plusieurs épisodes de canicule en France, l’été a été particulièrement chaud pour toute la planète. Conséquence de cette vague de chaleur inédite, en Chine, plusieurs infrastructures de recharge pour véhicules électriques ont été contraintes de stopper leur activité.
Certaines stations de recharge Tesla sont à l'arrêt pour rationner l'énergie disponible.
Il a fait très chaud un peu partout dans le monde tout l’été. Marquée par cette vague de chaleur et de sécheresse, la Chine a connu des températures inédites, dépassant parfois 45 °C par endroits.
Une situation critique, particulièrement dans la région du Sichuan, qui oblige les autorités chinoises à rationner l’électricité. Des mesures qui touchent notamment le fabricant de batteries CATL, qui alimente les constructeurs automobiles Toyota et Volkswagen, et dont le site de production a été mis à l’arrêt quelques jours.
Autre conséquence du rationnement de l’électricité, le gouvernement du Sichuan a ordonné à plusieurs opérateurs de bornes électriques d’interrompre leurs services. Une demande expresse qui concerne une quinzaine de stations de recharge Tesla, et plusieurs stations de l’opérateur Nio. Seuls deux superchargers Tesla ont eu l’autorisation de poursuivre leur activité, et encore, seulement la nuit.
La région chinoise du Sichuan, dont 80 % de l’électricité est produite par des barrages hydrauliques, connaît une fin d’été particulièrement critique, marquée par une sécheresse sans précédent qui affecte toute l’industrie et l’économie de la Chine.
Une situation inédite qui risque de se renouveler dans le futur, alors même que les gouvernements poussent à la généralisation de la mobilité électrique.