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  • Les minimalistes

    Beaucoup ne verront en eux que des "traîne-misère", des marginaux, des associaux.

    De notre côté, c'est vers ce mode de vie que nous tendons de plus en plus.

    Je suis devenu un vrai "récupérateur professionnel" dans les bennes à déchets du secteur. Tout ce que je ramène trouve une utilité. Je suis en passe de fabriquer un séchoir solaire pour la préservation des fruits et légumes en plus de ceux qui sont conservés dans les "bocaux lacto-fermentés". J'ai trouvé une plaque noire en métal et les vitres dans une benne d'un magasin de jardinerie. Je fais le tour des bennes les dimanches ou le soir après la fermeture des magasins. Certains patrons me laissent fouiller, ils me connaissent, ils connaissent mes idées et lorsque j'ai vraiment besoin de quelque chose à acheter, c'est vers eux que je vais : donnant-donnant.

    J'ai fabriqué avec des palettes démontées une serre sur roulettes pour les semis. Les vitres viennent de la déchetterie du secteur. J'ai récupéré 22 panneaux métalliques qui servaient d'étagères-présentoirs. Tous jetés...Des panneaux coupe-vent d'une pergola, des roulettes pour mettre sous la serre à semis, des tuyaux pour réparer les gouttières de la maison, des briquettes pour les tours à plantes grasses, j'ai démonté des dizaines de palettes, je récupère les pointes quand elles sont encore droites, toutes les planches sont entreposées pour les meubles, étagères, décoration et celles qui ne sont pas en état servent pour la cheminée. Même mes habits viennent parfois des bennes à ordures : j'ai trouvé une veste ultra chaude des employés de la DDE, avec les chaussures de sécurité, pile ma pointure. La veste est tachée, uniquement ça. En parfait état, tout autant que les chaussures. 

    C'est hallucinant tout ce que les gens jettent, sans même se demander ce qui pourrait encore servir.

    Le principe des déchetteries est absurde. Il devrait s'agir d'espace de récupération et de distribution. Cela coûterait d'ailleurs bien moins cher à la collectivité. 

    "On ne jette plus, on fait tourner".

    A Pontcharra s'est ouvert une "recyclerie". Les gens peuvent y déposer les objets dont ils veulent se débarrasser au lieu de les jeter. L'endroit emploie des personnes en réinsertion. L'ambiance est sympathique, très bien rangé, on y trouve des vêtements, des meubles, de la vaisselle, des livres à 1 euro, des disques, de l'électroménager, des outils, de la décoration, tout le nécessaire pour la vie quotidienne...Tout à des prix insignifiants mais le volume des ventes suffit à péréniser le système. 

    Ces quatre jeunes de la vidéo vivent en marge du système marchand. Ils ne s'y opposent pas en manifestant et en cassant les vitrines des magasins : ils n'y vont tout simplement pas...

    Le révolutionnaire n'est pas dans la lutte directe. Il s'éloigne simplement de ce qui ne lui convient pas.

     

     

    ACTUALITÉ

    Ils sont devenus minimalistes : comment vit-on sans frigo, électricité ni eau courante ?

    Par Laurent NEVEU

    Vivre sans eau courante, sans électricité, sans équipement électroménager, c’est bien joli. Mais comment se doucher ou conserver de la nourriture ? Dans une ferme près de Vire (Calvados), quatre amis ayant adopté un mode de vie minimaliste nous expliquent les alternatives qu’ils ont mises en place pour assurer leurs besoins de base, en impactant le moins possible leur environnement.

    Comment cuire ou chauffer quand on n’a pas de cuisinière ?

    Antoine, Corentin, Baptiste et Guillaume, alias « les Bilous », ex-étudiants ingénieurs devenus maraîchers bio ont adopté un mode de vie minimaliste depuis deux ans, dans une ferme de Saint-Germain-de-Tallevende (Calvados).

    Lire : « Depuis deux ans, on vit avec le minimum, sans se tuer à la tâche, dans notre ferme normande »

    Ils y disposent d’un four à pain (photo ci-dessus) qu’ils ont modelé avec l’argile de leur sol. « On le fait fonctionner une fois par semaine, pour du pain, puis des plats chauds et enfin pour sécher des choses avec la chaleur résiduelle. »

    Il y a aussi plusieurs mini-réchauds à même le sol, sous un appentis près de leur habitation, également en terre et alimenté par du bois. Sans oublier le gros poêle à bois de la pièce de vie qui permet de chauffer les liquides.

    Comment conserver quand on n’a pas de réfrigérateur ?

    Avec une cave, creusée dans le terrain. Les jeunes maraîchers y stockent patates, conserves lacto-fermentées (processus de conservation avec de l’eau salée, semblable à celui de la choucroute), sauces pimentées et caisses remplies de bocaux de compotes.

    Pour d’autres denrées supportant la température ambiante, les Bilous recourent à des étagères suspendues ou à des coffres en métal « pour les protéger des rongeurs ». Avec ce mode de vie, évidemment, pas question de garder du steak haché à disposition : ça tombe bien, la mini-communauté mange peu de viande.

    Une étagère suspendue, « pour éviter les rongeurs ». (Photo : Ouest-France)

    La cave semi-enterrée, avec patates et conserves. (Photo : Ouest-France)

    Comment se nourrir en hiver quand rien ne pousse ?

    Les apprentis fermiers ne sont pas des extrémistes de l’autosuffisance. Ils achètent certains produits qu’ils ne peuvent pas faire pousser. Mais l’hiver, ils privilégient des alternatives issues de traditions anciennes : comme les conserves : « On mange beaucoup de compotes ! » Ou les châtaignes séchées, très riches en nutriments. Antoine cherche même un mode de préparation pour les glands, encore plus nourrissants.

    Le coin cuisine où Antoine prépare un thé. (Photo : Ouest-France)

    Comment se laver sans eau courante ?

    Déjà, ces garçons se lavent moins souvent, comme de plus en plus de scientifiques le conseillent. Et ils recourent alors à l’eau du ruisseau voisin : « L’été, quand on pelletait de la terre, on s’y plongeait sans souci ! »

    Bon, faut pas être frileux non plus, car on parle d’un cours d’eau en Normandie, pas en Guadeloupe ! L’hiver, c’est toilette avec de l’eau chauffée sur le poêle.

    Voici la « salle de bains », où se désaltèrent aussi les chats. Le ruisseau sert à se laver, l’été. (Photo : Ouest-France)

    Comment rester en bonne santé ?

    Ces conditions de vie rudimentaires peuvent favoriser le développement de maladies, pourraient penser certains. Après deux ans d’expérience, le constat est plutôt inverse, observe Antoine : « On travaille beaucoup dehors, sans stress, on bouge pas mal et on a une alimentation saine. Je ne suis tombé malade qu’une seule fois ! »

  • Coronavirus et pangolin

    Le pangolin, l'animal le plus braconné au monde.

     

    Le facteur a transmis le courrier. C'est un acte volontaire.

    Le pangolin n'a rien transmis du tout. Il s'en contrefiche du coronavirus, il n'avait pas l'intention de l'adresser à qui que ce soit.

    Je déteste ces tournures de phrases qui semblent vouloir entendre que la nature est responsable des tourments humains quand ceux-ci sont tout simplement assez abrutis et irrespectueux pour les créer eux-mêmes...

    C'est comme les journalistes qui annoncent quand une avalanche emporte des skieurs : "La montagne a encore tué".

    Mais, oui, bien sûr, elle avait même super bien préparé son coup, la vilaine...

    Tout ça peut paraître dérisoire, anecdotique et juste associé à de la dialectique mais les mots, dans l'assemblage que les gens leur donnent, disent bien plus que le mot tout seul...

    Ce que cela sous-entend, c'est que la nature reste encore et toujours un élément dangereux, un environnement pervers qu'il faut dominer à tout prix.

    La preuve, le pangolin... Saleté de bestioles qui depuis qu'elle est massacrée par les humains pour être mangée ou réduite en poudre pour faire bander les sexes mous des mâles, en arrive à nous contaminer... C'est lamentable. Ce sont donc des animaux dangereux.

    C'est comme l'histoire de ce gars qui traverse le désert et qui rencontre un autre gars affairé à planter des piquets avec un drapeau rouge. Le premier demande :

    "Pourquoi plantez-vous des drapeaux ?

    -Pour empêcher les lions de venir.

    -Mais il n'y a pas de lions dans le désert, ils sont dans la savane, réplique le premier.

    -Oui, c'est bien la preuve que ça marche !"

    Etre convaincu de la justesse de sa folie ne ramène pas la raison.

    J'avais déjà mentionné ici "la plastisphère", étudiée par quelques scientifiques et qui promet de belles variétés de microbes... Les humains accuseront-ils les océans ? Ou le plastique qu'ils y jettent ? 

     

    "Plastisphère"


     

     

    Le pangolin a-t-il transmis le coronavirus à l’homme ?

     

    En l’espace de six semaines, l’épidémie de coronavirus s’est propagée dans plusieurs régions du monde, contaminant près de 30 000 personnes. Une étude menée par des chercheurs chinois révèle que le pangolin, un mammifère prisé du marché de Wuhan, pourrait être le responsable de la transmission du virus à l’homme.

    • La Croix (avec AFP), 

    Lecture en 2 min.

    Le pangolin a-t-il transmis le coronavirus à l’homme ?
    Un jeune pangolin se nourrit de termites au Zoo de Singapour, le 30 juin 2017.ROSLAN RAHMAN/AFP
        
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    Du rat pour la peste, au chien pour la rage, l’histoire et la science nous ont souvent enseigné le rôle prédominant des animaux dans la transmission d’un virus à l’homme. Des chercheurs de l’Université d’agriculture du sud de la Chine ont identifié le pangolin, petit mammifère à écailles menacé d’extinction, comme « un possible hôte intermédiaire » du coronavirus.

    Un animal qui héberge un virus sans être malade et peut le transmettre à d’autres espèces est appelé « réservoir ». Dans le cas du nouveau coronavirus, il s’agit certainement de la chauve-souris : selon une récente étude, les génomes de ce virus et de ceux qui circulent chez cet animal sont identiques à 96 %. Mais le virus de chauve-souris n’étant pas équipé pour se fixer sur les récepteurs humains, il est sans doute passé par une autre espèce pour s’adapter à l’homme, appelé « hôte intermédiaire ».

    Or, après avoir testé un millier d’échantillons provenant d’animaux sauvages, les savants ont déterminé que les génomes de séquences de virus prélevés sur les pangolins étaient à 99 % identiques à ceux trouvés sur des patients atteints du nouveau coronavirus. Le nouveau virus a fait son apparition en décembre dans un marché de Wuhan (centre) où nombre d’animaux, dont des mammifères sauvages, étaient vendus pour être mangés.

    Vu la nature de ce coronavirus, les experts soupçonnaient « l’hôte intermédiaire » d’être un mammifère. L’hypothèse d’un serpent, un temps avancée, avait vite été balayée. Lors de l’épidémie de Sras (2002-2003), également causée par un coronavirus, l’intermédiaire était la civette, un petit mammifère. Dans le cadre de ses mesures pour enrayer la récente épidémie, la Chine a annoncé fin janvier une interdiction temporaire du commerce d’animaux sauvages, interdisant pour une période indéterminée l’élevage, le transport ou la vente de toutes les espèces animales sauvages.

    Braconnage en masse et commerce illégal

    Près de 100 000 pangolins sont victimes chaque année en Asie et en Afrique d’un trafic illégal qui en fait l’espèce la plus braconné au monde, largement devant les éléphants ou rhinocéros, dont les cas sont bien plus médiatisés. Leur chair délicate est très prisée par des gourmets chinois et vietnamiens, tout comme le sont leurs écailles, leurs os et leurs organes par la médecine traditionnelle asiatique.

    Neil D’Cruze, responsable de l’organisation Protection mondiale des animaux (WAP), explique qu’« un tel commerce d’espèces sauvages est responsable de terribles souffrances pour les animaux et met en danger la santé des humains, comme nous pouvons le voir aujourd’hui ».

    « Si nous voulons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour prévenir les épidémies de maladies mortelles telles que le coronavirus, alors une interdiction permanente du commerce des espèces sauvages, en Chine et dans le monde, est la seule solution », a-t-il estimé.

    En 2016, la Convention internationale sur le commerce d’espèces sauvages menacées d’extinction (Cites) a voté l’inscription des pangolins à son annexe 1, qui interdit strictement son commerce. Malgré cette mesure, leur trafic n’a fait que s’accroître, selon des ONG.

  • Haute montagne : zone interdite

     

    Dans les Alpes, le réchauffement climatique est encore plus rapide qu’en plaine. La fonte du permafrost et le recul des glaciers menacent des structures humaines et bouleversent la pratique de l’alpinisme. Nous sommes partis à la rencontre des chercheurs et des guides de la région pour mieux comprendre quel futur se dessine sur le massif du Mont-Blanc. 

    Sur la place du Triangle de l’Amitié, qui offre, en plein centre de Chamonix, une vue magnifique sur le massif du Mont-Blanc, Sylvain Coutterand est en terrain connu. Ce glaciologue arpente à chaque saison les pentes des montagnes environnantes pour mesurer l’évolution des glaciers. En ce froid matin du début de janvier, un habitant l’interpelle pour prendre de ses nouvelles et discuter de la marche du monde. Avant de repartir, le chercheur glisse qu’il vient de publier un guide d’itinéraires en randonnée glaciaire. « Ah mais dans cinq ou dix ans, il sera périmé votre bouquin », plaisante à moitié son interlocuteur.

    Dans les Alpes, les effets du réchauffement climatique sont déjà très palpables et personne ne sait à quel point la machine va continuer à s’emballer dans les prochaines décennies. Depuis le début du 20ème siècle, la plus haute chaîne de montagnes d'Europe occidentale a connu une hausse des températures moyennes de 2 degrés, soit un degré de plus qu’à l’échelle de l’hémisphère nord. Il a aussi été mesuré dans les Alpes suisses entre 1970 et 2015 que la couverture neigeuse a perdu 8,9 jours par décennie à une altitude comprise entre 1 139 et 2 540 mètres, selon une étude publiée en 2016.

    Le signe le plus visible du réchauffement est le recul des langues glaciaires 

    Dans le massif du Mont-Blanc, le signe le plus visible du réchauffement est le recul des langues glaciaires qui laissent leur empreinte sur les pentes. « Le climat de Chamonix aujourd’hui est celui de Briançon il y a 30 ans », note Sylvain Coutterand. Briançon est situé 150 kilomètres plus au sud dans les Alpes.

    Pour donner plus de corps à ses propos, le glaciologue démarre sa voiture. Direction le village des Moussoux niché sur le versant sud de la vallée de Chamonix. La route grimpe raide à flanc de montagne et offre bientôt un panorama grandiose. « En face, le glacier des Bossons que l’on voit arrivait jusqu’à la route en 1818. Il a perdu 1 050 mètres de longueur depuis 1980, date de sa dernière avancée ».

    Le glacier des Bossons en 1818... 
    ... puis en 1920, 1983, et 2011  

    Mais il y a encore plus inquiétant concernant un glacier voisin. « À 3 400m, le glacier de Taconnaz devient un glacier tempéré, alors que plus haut c’est toujours un glacier froid. Ce glacier a gagné 1 ou 2 degrés en profondeur. Cette transformation thermique de la glace peut créer d’énormes éboulements vers la vallée dans le futur. C’est pour cela que le glacier est surveillé de près par la ville de Chamonix et par des chercheurs », confie Sylvain Coutterand.

    Le glacier de Taconnaz, en 1920 et en 2019

    Le danger de la fonte du permafrost

    Depuis quelques années, les éboulements de roches ou de glace se multiplient à haute altitude dans les Alpes avec la fonte du permafrost : un sol gelé en permanence qui agit comme un ciment pour lier les rochers entre eux. « Durant les 20 dernières années, le permafrost a disparu dans les faces sud du massif du Mont-Blanc jusqu’à 3 300m et le permafrost d'une température supérieure à -2°C est remonté de 3 300m à 3 850m et ne devrait plus se trouver dans les faces sud d’ici 2100 en dessous de 4 300m ou même, d’après les scénarios les plus critiques, totalement disparaître des faces sud du Mont-Blanc », selon le Centre de recherches sur les écosystèmes d’altitude.

    Dans le canton des Grisons en Suisse, l’effondrement d’un immense pan du Piz Cengalo le 23 août 2017 avait alerté l’opinion sur le danger potentiel du réchauffement du sol. Environ 3 millions de mètres cube de roche avaient dévalé ce sommet de 3369 mètres avant de toucher le village de Bondo qui avait heureusement été évacué à temps. Mais le bilan était lourd : les vies de huit randonneurs avaient été emportées par les blocs. 

    Les Chamoniards avaient eux assisté en 2005 à une tragédie plus symbolique. Dans la face ouest des Drus, deux pics jumeaux qui dominent la vallée de Chamonix, le pilier Bonatti - du nom du génial alpiniste italien qui avait grimpé le premier cette face jugée imprenable - s’était effondré dans un nuage de poussière qui avait ébranlé les montagnards. La médaille que portent les guides de Chamonix, compagnie d’alpinisme la plus prestigieuse au monde, affiche depuis toujours la ligne de crête très reconnaissable des Drus. 

    « Les changements vont dépendre de la rapidité du changement climatique. A chaque fois qu’on a un nouveau scénario scientifique, il est pire que le précédent. Sur le permafrost, on a un changement très important avec une hausse de 0,10 à 0,15 degré de la roche chaque année. Cela pose d’ailleurs une problématique aux scientifiques qui aimeraient comprendre pourquoi la roche se réchauffe si vite. Ce dégel en profondeur provoque en effet une augmentation de la fréquence des éboulements », analyse Ludovic Ravanel, géomorphologue et chercheur au CNRS.

    Les montagnes légendaires qui se hérissent sur le massif du Mont-Blanc pourraient-elles être emportées par une hécatombe d’éboulis dans les prochaines décennies ? « Non, dans 50 ans, on reconnaîtra toujours le paysage. Toutes les montagnes ne vont pas s’écrouler. Cela dépend de leur géomorphologie. Mais c’est sûr que d’autres morceaux de montagne vont s’écrouler », affirme Ludovic Ravanel.

    Pour les populations alpines, cela soulève des questions nouvelles concernant leur sécurité. « Des éboulements de glaciers de grande ampleur pourront provoquer des avalanches qui iront jusqu’au fond des vallées », estime le glaciologue Sylvain Coutterand.

    « Le problème c’est que nos analyses se fondent sur les événements passés » 

    Dans le bureau de Jean-Marc Bonino, directeur du service aménagement et montagne à la mairie de Chamonix, des photographies de glaciers du massif du Mont-Blanc décorent les murs. Merveilles naturelles, les glaciers prennent de plus en plus une teinte menaçante pour la commune. « Le problème c’est que nos analyses se fondent sur les événements passés. Mais elles n’intègrent pas l’évolution future. C’est une limite », dit-il.

    Alors, en partenariat avec des pôles de recherche, son équipe a lancé un programme nommé Adapt Mont-Blanc pour recenser les constructions humaines menacées par le réchauffement climatique. « Il y a le glacier de Taconnaz que l’on étudie pour savoir si un éboulement peut toucher les villages en-dessous et d’autres études sont menées au refuge des cosmiques, aux télésièges des Grands montets et de Bochard tous deux menacés par la fonte du permafrost », poursuit Jean-Marc Bonino.  

    De nombreuses infrastructures déstabilisées par le dégel 

    À travers les Alpes, 47 structures construites en haute montagne ont été classées comme à risque lors d’un recensement récent.  « J’ai mené une étude sur la déstabilisation des infrastructures en montagne à cause de la fonte du permafrost. On a recensé environ 30 éléments d’infrastructures qui ont été affectés depuis les années 1990 et on note une accélération depuis 2010. Il y a par exemple la gare d’arrivée d’un télésiège à Val Thorens, qui avait été construite trois ans plus tôt. Mais avec la fonte du permafrost elle a été déstabilisée. Cela avait été mal pensé », détaille Pierre-Allain Duvillard, chercheur à l’Université Savoie Mont-Blanc et spécialiste des infrastructures en montagne. Dans la vallée de Chamonix, le télécabine du Bochard a été fermé l’an passé pour cette raison.

    Les sentiers qui mènent aux refuges de haute montagne subissent eux aussi plus fréquemment les affronts de la montagne. « On voit les effets du changement climatique sur les sentiers de montagne, notamment les sentiers d’accès aux refuges. Il y a l’avancée des moraines des glaciers en recul, qui entraînent de nombreux changements du paysage. Cela nous conduit à modifier certains accès pour randonneurs, comme le sentier qui mène au refuge du couvercle ou celui du plan de l’M. Nous n’ interdisons pas aux gens la haute montagne car il faut bien desservir les refuges, mais beaucoup de changements sont à l’oeuvre », dit Jean-Marc Bonino.

    93 des 100 plus belles courses d’alpinisme du massif du Mont-Blanc ont été modifiées par le changement climatique 

    Les activités humaines dans la zone des neiges éternelles sont aussi remises en question. Dans une publication scientifique référence publiée dans la revue scientifique Arctic, Antarctic and Alpine Research, plusieurs spécialistes ont mesuré l’impact des conséquences du changement climatique sur les 100 plus belles courses d’alpinisme du massif du Mont-Blanc sélectionnées par le célèbre alpiniste-écrivain Gaston Rébuffat dans un guide publié en 1973. Le résultat est sans appel : sur les 95 itinéraires étudiés (5 ont été écartés de l’étude car ils étaient soit des doublons d’autres itinéraires ou de simples randonnées à basse altitude), 93 ont été modifiés à cause du réchauffement climatique et trois n’existent tout simplement plus à cause d’éboulements ou du retrait d’un glacier. 

    « Les guides, cela les affecte sur le plan mental »

    Guide et chercheur, Jacques Mourey a co-signé cette étude reprise dans de nombreuses publications. « Aujourd’hui, dans certaines parties du massif du Mont-Blanc il n’y a plus de neige à 4 000 mètres pendant les mois d’été. Les guides, cela les affecte sur le plan mental. L’alpinisme est une pratique qui va encore évoluer. Entre le moment où l’on a réalisé l’étude sur les 100 courses de Rebuffat et le moment où l’article a été publié, il y a eu trois voies qui étaient classées en niveau 1 (soit un impact léger du changement climatique) qui sont passées en niveau 3 (impact très important) », raconte t-il.

    Dans leur publication, les auteurs expliquent comment des itinéraires sont désormais évités par les alpinistes. « C’est le cas de la traversée du Dôme de Miage (3 673m), une très belle et célèbre ascension dans la neige. Pendant l’été 2015, une crevasse s’est ouverte sur l'arête sommitale, laquelle est devenue plus étroite et glacée. De plus, une chute de pierres s’était produite sur la route, augmentant la difficulté technique et l’exposition aux chutes de rochers. La ligne de crête n’était donc plus empruntée, les grimpeurs préférant descendre par le même chemin que celui suivi lors de la montée (...) Cela rend cette course moins aérienne et plaisante et le nombre de personnes ayant dormi au refuge des Conscrits, lequel est situé sur l’accès à cette course, a chuté de 25%. La situation s’est répétée en 2016 et 2017 avec des conséquences économiques importantes pour le gardien du refuge » peut-on lire.

    « En ce mois de janvier 2020 où les températures sont élevées et l’enneigement assez faible, on fait des courses d’alpinisme que l’on faisait avant en juillet ou août »

    Ce n’est qu’un exemple parmi des centaines d’autres de l'adaptation humaine contrainte face aux mouvements des montagnes. « L’alpinisme traditionnel que l’on pratiquait en itinéraire sur glace ne se fera plus au moment de l’été. En ce mois de janvier 2020 où les températures sont élevées et l’enneigement assez faible, on fait des courses d’alpinisme que l’on faisait avant en juillet ou août. Il y a beaucoup de monde sur les sommets actuellement car les conditions sont idéales, alors qu’il y a encore quelques années les ascensions hivernales étaient beaucoup plus difficiles et réservées à l’élite des alpinistes », pointe Ludovic Ravanel, issu lui-même d’une longue lignée familiale de guides. 

    Des télécabines fantômes le long des anciens glaciers

    Dans 50 ans, l’aspect du massif du Mont-Blanc aura bien changé. Dans son bureau, le directeur de l’aménagement de la commune nous montre une vue d’artiste qui représente les montagnes qui dominent le paysage. Les glaciers vont continuer leur recul, à l’inverse de la forêt qui avec la hausse des températures gagnera en altitude. Attrait touristique à la réputation internationale depuis le récit en 1741 des deux Anglais, William Windham et Richard Pococke, qui avaient raconté dans les gazettes littéraires de l’époque leur expédition vers la Mer de glace, ce gigantesque glacier en fort recul ne sera bientôt plus accessible par le télécabine qui y descend depuis la gare d’altitude de Montenvers. Une problématique qui inquiète les Chamoniards. La Mer de glace est un joyau touristique et une machine à cash : environ un demi-million de visiteurs emprunte chaque année le télécabine du Montenvers pour admirer la grotte de glace creusée dans le glacier.

    « Pour nous l’enjeu à la Mer de glace, c’est de faire remonter le télésiège du Montenvers plus haut de 700 mètres pour que les visiteurs aient un accès direct au glacier. Mais cela est il pertinent de courir après le glacier qui va continuer son recul ? », s’interroge Jean-Marc Bonino. Si le réchauffement continue son accélération, le prochain téléphérique débouchera lui aussi dans quelques décennies sur des blocs de roche plutôt que sur la glace. Une métaphore du déni des montagnards face au réchauffement climatique ?

     

  • La lassitude de l'apocalypse

    Un visuel apocalyptique montrant une foule en panique sur une place, face à une immense vague

     

    « La psychologie dit que pour créer de l’implication, nous devons proposer trois idées positives face à chaque menace climatique que nous mentionnons » 

    Pourquoi sommes-nous incapables d’agir pour éviter les catastrophes climatiques que nous voyons venir ? Dans un Ted talk, le psychologue norvégien Per Espen Stoknes répond que les principales barrières sont dans notre tête. Mais aussi que les solutions pour nous sortir du déni et changer enfin nos comportements existent.

    Il existe une probabilité non négligeable pour que nous vivions au cours de ce siècle une famine mondiale, que les canicules mortelles deviennent la norme en France, que des épidémies tuent des centaines de millions de personnes et que des centaines de millions d’autres voient leur maison engloutie sous les eaux. Tout ça parce que nous n’aurons pas voulu changer nos comportements à temps.

    « Lassitude de l’apocalypse »

    Mais pourquoi diable sommes-nous incapables de réagir face à l’évidence et l’imminence du danger ? La réponse est peut-être que nous souffrons d’une sorte de « lassitude de l’apocalypse ». C’est en tout cas l’hypothèse de Per Espen Stoknes, psychologue norvégien, spécialiste en psychologie organisationnelle et président du Centre pour la croissance verte à la Norwegian Business School. 

    « Le plus gros obstacle à la lutte contre les perturbations climatiques se trouve entre nos deux oreilles » 

    Également docteur en sciences économiques, il a donné en septembre dernier un Ted talk intitulé « Comment transformer la lassitude de l’apocalypse en action contre le réchauffement climatique ? ». Pour le psychologue norvégien, « le plus gros obstacle à la lutte contre les perturbations climatiques se trouve entre nos deux oreilles ». Autrement dit, dans la tête. « Compilant un corpus croissant de psychologie et de sciences sociales, j’ai passé des années à étudier les cinq défenses internes qui empêchent les gens d’agir », raconte Per Espen Stoknes.

     Dans un discours d’un quart d’heure parfaitement huilé façon TED (anecdote concernante, développement décontracté en marchant dans un rond rouge, slides épurées, et conclusion rebouclant sur l’anecdote concernante), Per Espen Stoknes détaille ces 5 barrières mentales que nous érigeons entre nous, la prise de conscience du danger et le passage à l'action.

    « Collapse porn » et dissonance cognitive

    La première d’entre elles est la « distance » : le danger est trop loin géographiquement (pauvres ours polaires) et temporellement (le coup de chaud sera pour nos petits-enfants). « Cela semble extérieur à mon cercle d’influence, donc je me sens impuissant », résume-t-il. La deuxième barrière est la « lassitude de l’apocalypse » proprement dite. Les gens seraient lassés, effrayés et paralysés par trente ans de communication alarmiste et de « collapse porn ».

    « Les valeurs mangent les faits, et mon identité trompe la vérité tous les jours » 

    Viennent ensuite les barrières de la « dissonance cognitive » et du « déni », qui nous évitent de nous confronter à notre responsabilité, notre culpabilité et nos peurs. C'est la fameuse formule : « Je pollue mais mon voisin a une plus grosse voiture que moi », ou encore : « À quoi bon changer de régime alimentaire si je suis le seul à le faire ? ». Enfin, il y a le cinquième et ultime obstacle, que Per Espen Stoknes appelle « l’identité », peut-être le plus résistant de tous : lorsque nos valeurs politiques et morales sont heurtées de plein fouet par le besoin de changement. Une vision du monde impliquant de grosses voitures et un petit gouvernement aura du mal à accepter le besoin climatique de rouler en petites voitures et de renforcer l’action gouvernementale. « Les valeurs mangent les faits, et mon identité trompe la vérité tous les jours », dit le psychologue (« identity trumps truth », l’expression a une autre saveur en anglais dans le texte).

    Extrait de la conférence TED de Per Espen Stoknes. 

    Heureusement, contre les « 5 D » (Distance, Doom, Dissonance, Denial, iDentity), le docteur Stoknes propose 5 solutions pour réveiller les gens, les « 5 S » : Social, Supportive, Simple, Signal et Story. Face à la distance, le lien social rend la problématique bien plus concrète. Si mon voisin installe des panneaux solaires sur son toit, j’aurai tendance à me laisser entraîner. Ainsi les photos aériennes montrent-elles dans la vidéo une expansion de proche en proche de tels panneaux, presque comme une « contagion » bactérienne.

    « La psychologie dit que pour créer de l’implication, nous devons proposer trois idées positives face à chaque menace climatique que nous mentionnons » 

    Pour briser la deuxième barrière, un vent de positive attitude suffirait : parler des délicieuses recettes vegan plutôt que de la fin des barbecues, et parler des millions d’emplois générés par le renouvelable plutôt que de la fin du monde… « La psychologie dit que pour créer de l’implication, nous devons proposer trois idées positives face à chaque menace climatique que nous mentionnons ». De quoi ouvrir la brèche pour la troisième barrière : rendre simple l’engagement pour détruire la dissonance cognitive. Si, par le design ou l’architecture, nous rendons vertueux nos choix par défaut, la dissonance n’a plus de raison d’être. En changeant la taille de l’assiette à la cantine, on remplit moins et on gâche moins de nourriture sans même s’en être rendu compte. Ce sont les fameux nudges, au potentiel incitatif ambivalent.

    Extrait de la conférence TED de Per Espen Stoknes. 

    Enfin, le psychologue assure que le déni pourrait être effacé par la mise en place de signaux ou barèmes qui nous permettraient de visualiser nos progrès et nous encourageraient à plus de vertu. En visualisant les bienfaits en direct de l’énergie que vous économisez et des déchets que vous réduisez, la perspective de cette récompense et d'une certaine satisfaction en découlant l’emporterait sur la culpabilité de l’inaction et le risque de déni. De même, plutôt que de braquer une identité mise à mal, il serait plus judicieux de proposer une alternative attrayante, assure Per Espen Stoknes. Il s'agit de construire un nouvel imaginaire, un storytelling enthousiasmant et suscitant l’adhésion collective. Bref, de faire de la politique de long terme.

    Positive attitude ou catastrophisme positif

    Si l’approche psychologique et théorique du chercheur norvégien offre une synthèse intéressante, cette stratégie anti-catastrophisme n’est pas nouvelle dans les rangs des écolos. La communication « positive et constructive » dont parle Cyril Dion est par exemple à la racine de l’énorme succès de son documentaire Demain. Dans un autre style, le chercheur Pablo Servigne défend, lui, un « catastrophisme positif ». Pour lui comme pour les autres collapsologues, l’effondrement est inévitable. Que ce soit pour empêcher le pire ou pour préparer l’après, tout le monde semble en tout cas d’accord pour arrêter de crier à l’apocalypse.

    Chez Usbek & Rica, on vous laisse choisir à quelle sauce vous voulez explorer le futur. On parle certes des apocalypses, étayées par les faits, mais aussi des solutions pour changer de modèle énergétique ou consommer moins, ainsi que de l’effondrement et de l’entraide nécessaire pour surmonter la catastrophe. À vous de voir sur quel lien vous préférez cliquer…

    SUR LE MÊME SUJET :

    Changement climatique : les 8 apocalypses à venir

    Une France 100 % renouvelable en 2050, c'est possible

    Cyril Dion : « Faire un plan pour une révolution positive et constructive »

    Pablo Servigne : « Je défends un catastrophisme positif »

    « Parler de solutions au problème climatique, c'est mentir aux gens »

     

  • Formatage et soumission

    Un blog incontournable : Bernard COLLOT

    http://education3.canalblog.com/

    03 février 2020

    Le formatage à la soumission et à la domination

    gilets-jaunes

    Actualité aidant, on commence à beaucoup re-parler de la domination ! Domination des élites, domination de la finances et des financiers, domination de la classe dite supérieure… (j’ai déjà abordé le sujet de la domination ou celui des pouvoirs)

    La domination la plus facile à repérer étant celle des dictatures,  le référent universel étant Hitler. Celle de Staline est aussi bien pratique. Avec eux, ça permet de pouvoir dire : « Ah ! Mais non, notre président c’est pas ça ! Nous, nous ne sommes pas dans une dictature ! etc. » Déjà si on évoque Franco ou Pinochet, ce ne sont pas pour tout le monde des dictateurs… mais Castro ou Moralès oui ! Pas question non plus de mettre notre Napoléon dans cette case, mais Robespierre est lui parfait pour situer dans la galerie, en plus c’est dans les manuels scolaires d’histoire[1] !

    Quand la dictature devient plus diffuse comme celle de l’économie de marché, du libéralisme ou du capitalisme avec ceux qui en tirent les ficelles, elle est moins perceptible et on ne peut plus faire grand-chose ne serait-ce que parce qu’on ne sait plus qui abattre… et il faudrait trop en abattre. La révolte devient plus difficile (voir les Gilets jaunes).

    Comme nous faisons ni plus ni moins partie des espèces animales (il n’y a pas si longtemps que l’on commence à l’admettre) grosso-modo l’éthologie distingue trois sortes de comportements sociaux animaux. Les espèces solitaires comme le chat (sauvage), le lynx : dès qu’il atteint l’état adulte, un chat n’a pas besoin d’autres chats pour assurer sa survie, il n’a pas besoin de dominer d’autres chats ou de se soumettre à d’autres chats. Les espèces grégaires : leur survie devient collective (troupeaux, hardes, meutes…)  et dépend du dominant ou de la dominante qui doivent se faire reconnaître et être reconnus. Les espèces sociales : il n’y a plus ni dominants ni dominés. Pour les abeilles par exemple et par anthropomorphisme on a pendant longtemps considéré qu’une colonie d’abeilles avait une « reine » alors que ce n’est qu’une abeille à qui la colonie  a attribué la fonction de pondeuse et c'est la clonie qui régule sa ponte en fonction des besoins (langage des phérormones).

    Dans les écoles de 3ème type, les enfants m’ont convaincu que nous étions bien par nature une espèce sociale, mais l’histoire et la réalité  montrent que nous n’en sommes encore qu’au stade grégaire, ou que nous sommes maintenus dans un état grégaire… par des dominants qui n’assurent justement pas comme dans les autres espèces la survie et le bien être de tous.

    Bon, je ne vais pas continuer à enfoncer les portes déjà bien ouvertes. Mais je voudrais pointer cette domination à  laquelle nous participons sans nous en rendre compte et tout en nous défendant de faire partie des dominants, ceci en me restreignant au domaine de l’école.

    Aucun enseignant de l’école publique n’acceptera qu’on lui dise qu’il participe au formatage des enfants à la soumission, et de fait il est convaincu qu’au contraire il cherche à les émanciper. Émanciper : Rendre quelque chose, un peuple libre, l'affranchir d'une domination, d'un état de dépendance, d'une tutelle.

    Ce ne sont pas les personnes qui sciemment formatent à la soumission (tout au moins pas toutes) mais les systèmes dans lesquels elles vivent, qui les emploie, ou auxquels elles participent.

    Dans un récent débat auquel je participais, une maman a parlé du pipi à l’école. Un détail (je l’ai déjà évoqué ici) ! Mais un détail qui conditionne les enfants à plier leurs moindres besoins à ce qu’édicte une autorité. Une enseignante  de maternelle présente s’est bien sûr défendue :

    « Bien sûr j’emmène tous les enfants faire pipi à la récré, mais je ne les oblige pas à faire pipi ! Et puis est-ce que vous vous rendez compte que si je les laisse y aller pendant la classe, il y a tous les risques qui peuvent leur arriver. Je dois assurer la sécurité, et puis s’il leur arrive quoi que ce soit, c’est moi qui serai responsable. »

    Elle avait effectivement raison : dans l’école, ce ne sont pas les risques qui font peur aux enseignants, mais la responsabilité dont ils risquent, eux, d’avoir à répondre. Malheureusement les innombrables exemples appuient cette peur. On a beau leur rappeler que depuis longtemps les CEMEA en particulier ont expliqué que ce n’est pas en éliminant les risques qu’on assure la sécurité mais par l’éducation au risque, on a beau leur expliquer qu’inversement la probabilité d’un accident était bien plus grande lorsque tout était interdit,  rien n’y fait. Les instits comme moi dont des enfants pouvaient aller seuls dans le village pendant le temps scolaire ne peuvent être que des irresponsables, même lorsque je lui expliquais qu’en 40 ans de carrière il n’y avait jamais eu le moindre accident ou incident[2].

    Cette enseignante de toute bonne foi était dans l’école maternelle ; mais depuis pas mal d’années  cette école ne va plus dans le sens que préconisait Pauline Kergomard en 1910, c'est-à-dire centrée sur l'épanouissement de l’enfant, elle est devenue centrée sur la préparation à l’école primaire. « L'école maternelle est la première étape du parcours des élèves », Pauline Kergomard parlait, elle, d’enfants. L’école doit faire ingurgiter un programme à des élèves (pas à des enfants) sous la direction d’un « maître »[3] simultanément à une même tranche d’âge. Il est évident que les heures passées sous cette direction ne peuvent être troublées par des sorties intempestives pour aller faire pipi ! Ainsi, dès 3ans aujourd’hui, la satisfaction d’un besoin physiologique naturel est soumis à une autorité, et cela se prépare dès l’âge de 3 ans même lorsque les médecins alertent sur le danger de la rétention de la miction.

    J’avais aussi évoqué un autre détail : « Mettez-vous en rang » Absolument rien ne justifie cet alignement plusieurs fois quotidien avant de rentrer dans une salle de classe, sauf que symboliquement il marque bien qu’au coup de sifflet ou de sirène chaque enfant n’est plus un enfant mais un élève devant se fondre dans un groupe d’élèves, tous identiques (soumission collective). Les années qui ont précédé la guerre de 14-18, il y avait même l’entrainement à la marche au pas, il fallait préparer les futurs soldats à un conflit, ceci par les écoles des deux côtés du Rhin.

    Ce ne sont que deux « détails » dont à la rigueur des enseignants peuvent avoir conscience, mais toute l’école n’est faite que du formatage à la soumission. Soumission aux horaires contraires à la physiologie et à la santé (problème insoluble des rythmes[3], soumission aux places assignées, soumission à l’immobilité, soumission au contrôle de la parole, soumission aux programmes qui édictent toutes les activités à exécuter (on les appelle "travail"), soumission à ce qui doit être appris… et même pensé, soumission à la « délocalisation » dans les lieux assignés (carte scolaire), soumission  au règlement,… soumission à l’obéissance qu’on ose appeler socialisation. Soumissions qui ne sont que celles que leur imposera ensuite  notre société. On le dit même : « il faut bien qu'ils s'habituent ! »

    À l’énoncée de ce qui ne sont que des faits, on me répond « OUI ! MAIS, on est bien obligé, on ne peut pas faire autrement, il faut bien que… » Même Proudhon ou Marx n’imaginaient pas l’éducation du peuple autrement (tous deux avaient il est vrai étudié brillamment l’un au Collège Royal de Besançon, l’autre GymnasiumFriedrich-Wilhelm de Trèves)

    Bien sûr des enseignants, des pédagogies essaient d’atténuer  ce formatage. Les pédagogues du début du siècle dont les 3 F (Freinet en France, Ferrer en Espagne, Freire au Brésil) luttaient bien dans leur pédagogie contre cette soumission, en lui substituant la coopération, mais en restant dans le cadre général peu changé, d’où la marginalité dans laquelle leurs pédagogies sont restées. C’est toute la conception du système éducatif étatique qui formate bien à la soumission, parce qu’il n’y a évidemment pas de dominants sans soumis.  (voir PS en fin de billet)*

    Ce qui revient sans cesse à propos de l’école c’est le « respect » de l’autorité. L’autorité de ceux à qui un statut l’a conférée : les enseignants, eux-mêmes devant respecter l’autorité de l’administration de l’Education nationale,  qui doit respecter l’autorité d’un ministre. Les parents « manquant d’autorité » accusés en somme de mal préparer leurs enfants à l’autorité scolaire. Toute l’architecture de la société depuis longtemps repose sur l’acceptation inconditionnelle d’une autorité. Quel est le fondement de la justice ? Faire respecter l’autorité, celle de la loi, mais cette loi a toujours été édictée par les dominants. Il n’y a pas d’autorité sans sanctions ou répression pour la faire respecter (principal rôle de la justice). Pour qu’il y ait des soumis il faut qu’il y ait une autorité reconnue et surtout acceptée, de gré ou de force. Lorsque l’autorité de l’école et de ses opérateurs est contestée, elle ne peut plus fonctionner ! Elle ne peut surtout plus fonctionner  pour assurer la finalité à peine dissimulée qui lui est assignée par l’État depuis Guizot, puis Jules Ferry, puis l'OCDE.

    On parle depuis quelque temps, y compris notre ministre, de « bienveillance » ou d’autorité bienveillante. Pourquoi ? Parce qu’il est apparu qu’elle pouvait être  plus efficace que la répression forcenée pour faire accepter l’école à des enfants. On n’a pas changé d’un iota l’école (depuis son origine), on cherche à rendre la soumission plus acceptable, j’ose dire à la rendre moins visible, moins contestable et avoir moins de potentiels récalcitrants ou rebelles dérangeants[4].

    Si l’école formate à la soumission, elle prépare aussi quelques dominants à être convaincus  qu’ils « méritent » de dominer. Aujourd’hui on commence même à reconnaitre que les stades suprêmes du système scolaire, comme l’ENA par exemple, fabriquent des « crétins diplômés », comme les appelle Emmanuel Todd, qui régissent notre vie. Avant, c’était la naissance  qui plaçait automatiquement  quelques-uns en position de dominants, qu’ils soient crétins ou non (aristocratie). Puis cela a été la ploutocratie (accession de la grande bourgeoisie à la domination), puis l’oligarchie (domination d’élites). Bien sûr le milieu dans lequel on nait détermine toujours qui dominera, mais on a inventé la méritocratie pour justifier leur domination. 

    Le mérite, c’est tout le système scolaire qui l’estampille en agitant tout au long de son parcours des bouts de papier à obtenir (évaluations, bulletins, examens, diplômes, concours). Suivant comme chacun aura bien« exécuté » ce qu’on lui disait de faire pendant une quinzaine d’années  ou plus de sa construction en adulte, aura fait des « efforts », il sera ceci ou cela dans la hiérarchie sociale. Cette position dans la hiérarchie sociale, si elle détermine le degré de confort (salaire), elle vous place dans l’échelle des dominants.  Avec bac+5 vous pouvez être enseignant et avoir un pouvoir sur des enfants. Si après vous « réussissez » l’école supérieure de l’EN, vous pouvez être inspecteur et avoir du pouvoir sur les enseignants. Encore un peu plus et vous pouvez devenir inspecteur d’académie et avoir un pouvoir sur les inspecteurs. Et tout en haut, le ministre ? Pas de problème en allant jusqu’à l’ENA vous pouvez être ministre de l’Education (ou de l’agriculture !) et avoir un pouvoir  sur tous (et sur tous les enfants de France ! Sans même savoir ce qu’est un enfant !). Le formatage vise autant les dominants que les dominés, les dominants croyant leur domination justifiée, les dominés acceptant sans broncher la domination, elle aura été intégrée.

    Si vous lisez ou écoutez tous les beaux discours sur l’école, tous les beaux mots alignés,  vous n’entendrez jamais cela, et pour cause. La pire des dictatures est celle que l’on ne perçoit pas, son principal outil est l’école. Heureusement qu’il reste encore quelques mauvais élèves

    - « La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s'évader » Aldous Huxley (je pourrais rajouter « qui ne voient plus leur prison »).

    - Discours de la servitude volontaire - La Boétie

    - « Personne n'est plus esclave que celui qui se croit libre sans l'être » Johann Wolfgang Goeth

    - « Celui qui ne dispose pas des deux tiers de sa journée pour lui-même est un esclave, qu'il soit d'ailleurs ce qu'il veut : politique, marchand, fonctionnaire, érudit. » Friedrich Wilhelm Nietzsche

    - Et « La domination adulte : l’oppression des mineurs », réquisitoire sans concession de Yves Bonnardel

     * PS – On me rétorque souvent que je caricature l’école publique. Pourtant ce que je souligne n’est que du banal, de l’ordinaire, du quotidien.  C’est ce qu’est globalement l’école. Bien sûr, dans ce cadre il y a tout ce que les enseignants arrivent à faire, souvent à leurs risques et périls. Mais je pense qu’il n’échappe à personne que les pédagogies qu’on peut appeler émancipatrices  n’ont jamais pu se développer complètement, encore moins se généraliser et quel que soit la couleur des gouvernements,  alors que sur le simple plan des apprentissages qui sont officiellement le souci de l’Education nationale elles ont plus que prouvé leur efficience. Il serait temps d’ouvrir les yeux.

     

     

     

  • Nazisme et management moderne.

     

    Johann Chapoutot : "Le nazisme, une multitude de centres de pouvoir qui sont autant de petites féodalités"

     

    Entretien |Avec sa description du travail dans l'Allemagne nazie, l'historien Johann Chapoutot bat en brèche quelques idées reçues comme un supposé "Etat fort" propre au IIIe Reich. Et tisse des liens avec certains aspects du management moderne, lorsque l'individu disparaît au profit de l'entreprise.

    Dans une usine d'armement à Berlin en janvier 1944

    Dans une usine d'armement à Berlin en janvier 1944• Crédits : Berliner Verlag/Archiv/picture alliance via Getty Images - Getty

    Dans son livre Libres d'obéir : le management, du nazisme à la RFA, qui vient de paraître chez Gallimard, l'historien Johann Chapoutot souligne une continuité entre les techniques d’organisation du régime nazi et celles que l’on retrouve aujourd’hui au sein de l’entreprise. Extraits de son entretien dans "la Grande table idées".

    Raphaël Bourgois : Associer nazisme et management est un mouvement de pensée assez contre-intuitif. Dans un premier temps, on ne voit pas très bien le rapport. 

    Johann Chapoutot : En effet. Et même quand on le fait, on se dit que si les nazis se sont intéressés au management, cela devait forcément être sous un angle vertical, autoritaire et oppressif. Alors qu’en fait, pas du tout.

    A travers la figure de Reinhard Höhn notamment, sur laquelle vous avez particulièrement travaillé, vous montrez que de hauts fonctionnaires nazis ont réfléchi très tôt aux questions d’organisation du travail. 

    Reinhard Höhn, jeune juriste brillant, et fonctionnaire appartenant à la SS, va se voir confier la mission de réfléchir à la meilleure façon d’administrer l’immense territoire du Reich avec des moyens réduits. Le Reich s'est étendu de manière inédite dans l'histoire allemande, et parce qu'il y a de plus en plus d'hommes sous l'uniforme, il y a moins de "ressources humaines" à l'arrière. Il faut donc penser la transformation de l'administration, pour faire plus avec moins. Par ailleurs, en matière économique, il s'agit de produire des quantités absolument inouïes d’armement afin de conquérir l'Europe, de l'Atlantique à l'Oural. C’est dans ce contexte que Reinhard Höhn va mettre au point sa conception de la Menschen-führung, "la direction des hommes", un mot inventé pour parler de management parce que les nazis refusent d’utiliser des termes anglais. Ce qui est intéressant, c’est qu’après 1945, cette conception va continuer d’alimenter le monde du travail en Allemagne. Bénéficiant des lois d'amnistie à partir de 1949, Reinhard Höhn va être employé par un syndicat patronal et, très rapidement, se voir mandaté pour créer une école de cadres. C’est ainsi qu’il fonde en 1956 l’académie de Bad Harzburg au sein de laquelle il va former un certain nombre de dirigeants de grandes entreprises allemandes.

    Depuis les travaux de la philosophe Hannah Arendt et ce que l’on nomme "la banalité du mal", c'est-à-dire l'efficacité bureaucratique au service de la solution finale, qui a permis d'organiser la mort de six millions de juifs dans les camps de concentration, on considère que le régime nazi avait atteint une certaine perfection dans la mise en œuvre de ses différentes politiques. 

    Nous sommes aussi influencés par les discours que les nazis ont tenu sur eux-mêmes : l'organisation impeccable, les trains qui arrivent à l'heure, etc. Dans la pratique, à partir de 1933, on observe que l’administration nazie, c’est une cacophonie permanente, un gigantesque maelström entropique, consommateur de temps, d'énergie et d'argent. Le nazisme est une "polycratie", une multitude de centres de pouvoir qui sont autant de petites féodalités, autour de services et d'agences multiples. A tous les niveaux surgissent des initiatives, des petits chefs. Cette polycratie a longtemps été considérée comme une pratique spontanée, non réfléchie. Mais en fait elle a été théorisée par des spécialistes de droit public et des organisations, comme Reinard Höhn, qui vont en faire une forme de darwinisme administratif consistant à placer sur le même champ de compétences une multiplicité d'institutions comme la police, l'armée, le parti, les ministères, plus les agences ad hoc, qui se multiplient sous le Troisième Reich. Ce qui engendre une concurrence absolument démentielle et une lutte quasi à mort entre ces différentes instances.

    Un des enseignements que l'on peut tirer de "Libres d'obéir : le management, du nazisme à la RFA" est aussi une certaine hostilité nazie à l’Etat, l’état comme principe d’organisation de la société, qui s’opposerait à l’élan vital. Le Reich n'aurait donc jamais incarné un modèle d'Etat fort ?
     

    En effet, l'idée-force du nazisme, c’est que l'état doit être pulvérisé. Hitler, dans ses discours, dit que l'état doit disparaître. Et Reinhard Höhn fait partie de ces gens qui vont penser, avec quarante ans d'avance, ce que dans les années 1970 on va appeler le New Public Management, c'est-à-dire le remplacement de l'Etat par des agences ad hoc, des agences qui ont un projet, un budget, une mission et qui ne sont là que pour cela. Alors que l'Etat, ça pose problème, c'est une structure qui est pérenne, qui demeure et qui coûte de l'argent. Comme on le voit dans le cas du service public, dont Radio France est un bon exemple. Les agences, c'est parfait : ce sont des institutions qui n'ont de durée d'existence que le temps que leur mission soit accomplie.
     

    Et dans le prolongement de cette idée, vous montrez qu'un régime illibéral comme le Troisième Reich pouvait valoriser plus de liberté qu'on ne le pensait. Associer le terme de libéralisme au nazisme est également assez paradoxal.

    Les nazis considèrent que leur Etat est un état de droit national-socialiste. Pas une dictature puisque le Führer est celui qui a non seulement tout compris à la nature et à l'Histoire, mais aussi au sens du bien du peuple. Donc, quand le Führer veut quelque chose, c'est le citoyen qui le veut. L’idée est qu’en lui obéissant, je m'obéis à moi-même, à des principes qui vont faire ma prospérité, ma santé et mon bonheur. Donc si je suis un bon nazi, je suis libre. Et ce qui est vrai au niveau politique l’est également au niveau économique : il n'y a pas d'opposition entre patrons et ouvriers. La lutte des classes, c'est une invention marxiste. Pour les nazis, il n'y a pas de luttes des classes parce qu'il y a une unité de race. Lorsque je suis employé ou ouvrier, je suis un compagnon-producteur. Quand je suis dans l'usine ou dans l'entreprise, là encore j'obéis à moi-même. 

    Peut-on dire qu’il existe une matrice nazie du management ? 

    Le management, c’est-à-dire la réflexion sur l'organisation optimale d'une structure de production, préexiste au nazisme. C’est le français Henri Fayol, mathématicien et ingénieur, qui en a posé les bases. Mais Fayol a été critiqué par les nazis parce que trop cartésien. A l’époque, les nazis reprochaient aux Français d'être trop autoritaires dans leur mode de management. A l'administration française, jugée centralisatrice, verticale, hiérarchique, Reinhard Höhn va opposer sa vision de la "direction des hommes". Il oppose donc l'administration française au management à l'allemande qui pour lui se veut beaucoup plus libéral. Les nazis avaient compris que pour pouvoir produire aussi massivement, il fallait motiver ce que l'on appelait le "matériau humain", qu'on appelle aujourd'hui la ressource humaine. Qu'on ne conduit pas les gens à la schlague. Et c'est pour cela qu'il y a une réflexion sur la joie dans le travail. En 1933 est créé à l'échelle du Reich un gigantesque comité d'entreprise, la Kraft durch Freude (KdF, "la force par la joie"), chargée d'organiser les loisirs des ouvriers. 

    Entre cette notion de "travail par la joie " et le concept très contemporain de Happiness Manager – avec ses séances de sophrologie, de tournoi de baby foot à l'heure de la pause, vous établissez une filiation. N’est-ce pas un peu provocateur ? 

    Pour les nazis, le but était de reconstituer la force de travail de telle sorte que l'individu soit plus productif. Le terme de "performance" est fondamental dans la pensée nazie, c'est un terme polysémique qui veut dire à la fois productivité, performance, rentabilité. Et pour les nazis, il est très clair que l'individu n'a pas d'existence en soi, pas de droits en dehors de sa productivité. Autrement dit, si vous n'êtes pas capable de produire pour le Reich, vous n'avez pas le droit à la vie. Le parallèle que je vois avec l'idée contemporaine de rendre les gens heureux au travail dont se réclament les Happiness Managers c’est qu’elle n'est pas à visée philanthropique. Il y a un "projet business" derrière.

    Ne s’agit-il pas un livre réquisitoire contre les managers ? On a vu à l’occasion de certains procès récents émerger la notion de management "par la terreur" ? 

    Il ne s'agit pas de faire du réductionnisme nazi. Mais de montrer que les nazis sont bel et bien de notre temps et de notre lieu - l'Occident des XIXe et XXe siècles - qu'ils sont encore les acteurs participants de notre monde. Ils ne sont ni possédés par le démon, ni fous comme on le dit quand on veut s'en protéger. On a vu à l'occasion du procès France Télécom resurgir l’idée qui consiste à considérer le matériau humain comme un poids mort. Le top management de France Télécom a lui aussi considéré la ressource humaine comme un poids : ils parlaient de "ballast", un poids non performant puisqu'il s'agissait de transformer via France Telecom les anciens PTT - c'est-à-dire une organisation publique et un service public - en Orange, c'est-à-dire une organisation dynamique, agile, flexible, agressive, rentable, etc. Et pour cela, il fallait supprimer des dizaines de milliers d'emplois, c'est-à-dire les être non rentables, non adaptables, que dans un imaginaire social darwinien assumé, il fallait virer d'une manière ou d'une autre. Le président Lombard avait même dit que ces gens-là pouvaient bien sauter par la fenêtre, peu importait."

     


    J'avais posté il y a quelques temps déjà un article qui promouvait la nudité au travail.

    "Tous à poil"

    On y lit que les relations humaines ont changé.

    Se pose la question de l'intention qui se trouve cachée dans cette expérience : le profit, la performance, la rentabilité.

    Il ne s'agit que d'un "bien-être" qui rapporte... pas juste d'un bien-être.

    C'est là qu'apparaît la toute-puissance du paradigme marchand, de la main mise de l'entreprise sur l'individu. L'individu n'a pas d'existence en dehors de sa productivité et si son bien-être peut contribuer à son rendement, alors l'entreprise s'y intéresse. On peut bien évidemment considérer que c'est mieux que la vie des employés de Foxcoon, par exemple, ces ouvriers qui doivent porter des couches pour ne pas devoir aller aux toilettes et donc "perdre du temps pour l'entreprise". Mais sur le fond, il n'en reste pas moins que les individus, même dans une entreprise qui se dit "humaine", restent avant tout des employés. Est-ce donc cela le but premier de l'existence ? 

    Il faudrait qu'une instance non gouvernementale étudie les effets du travail sur l'individu et cela sur plusieurs générations et tente d'établir la liste des effets néfastes de cette pression. Combien de maladies, combien de suicides, combien de vies brisées, de couples anéantis, d'enfants délaissés ? Je n'ose même pas l'imaginer.


     

  • Pentes raides...

    Léo, le benjamin de la fratrie et quelques compagnons de pentes raides.

    Les 50 degrés, là où l'erreur n'est pas envisageable. 

    Saison 2018-2019

  • L'apprentissage du conformisme.

    "Un jour, un petit garçon partit pour l’école.
    C’était encore un bien petit garçon, et l’école était fort grande.
    Mais quand le petit garçon
    Découvrit qu’il pouvait arriver à sa classe
    En entrant directement par la porte de la cour
    Il se sentit content.
    Et l’école n’avait déjà plus l’air
    Tout à fait aussi grande.

    Un matin
    Alors que le petit garçon était à l’école depuis un certain temps
    La maîtresse dit :
    “ Aujourd’hui nous allons faire un dessin ".
    Il aimait faire des dessins
    Il savait en faire de toutes sortes :
    Des lions et des tigres,
    Des poules et des vaches,
    Des trains et des bateaux.

    Et il prit sa boîte de crayons
    Et commença à dessiner.
    Mais la maîtresse dit : “ Attendez !
    Ce n’est pas le moment de commencer ! ”
    Et elle attendit jusqu’à ce que tout le monde ait l’air prêt.

    “ Maintenant dit la maîtresse,
    Nous allons faire des fleurs ”.
    “ Chic ! ” pensa le petit garçon
    Il aimait faire des fleurs,
    Et il commença à en faire de magnifiques
    Avec ses crayons rose et orange et bleu.
    Mais la maîtresse dit : “ Attendez !
    Je vais vous montrer comment faire ”.
    Et elle en fit une rouge avec une tige verte

    “ Voilà ” dit la maîtresse,
    “ Maintenant vous pouvez commencer ”.
    Le petit garçon regarda la fleur dessinée par la maîtresse
    Puis il regarda ses fleurs à lui.
    Il aimait mieux ses fleurs que celles de la maîtresse
    Mais il ne le dit pas.
    Il retourna simplement son papier
    Et fit une fleur comme celle de la maîtresse.
    Elle était rouge avec une tige verte.

    Un autre jour
    Le petit garçon avait ouvert
    La porte d’entrée tout seul,
    La maîtresse dit : “Nous allons faire quelque chose en modelage ”

    “ Chouette ” pensa le petit garçon,
    Il aimait le modelage.
    Il savait faire toutes sortes de choses avec la terre :
    Des serpents et des bonshommes de neige,
    Des éléphants et des souris,
    Des autos et des camions
    Et il commença à pétrir et à malaxer
    Sa boule de terre.

    Mais la maîtresse dit :
    “ Attendez, ce n’est pas moment de commencer ! ”
    Et elle attendit que tout le monde ait l’air prêt.
    “ Maintenant ” dit la maîtresse,
    “ Nous allons faire un plat ”
    “ Super !” pensa le petit garçon
    Il aimait faire des plats
    Et il commença à en faire
    De toutes les formes, de toutes les grandeurs.
    Mais la maîtresse dit : “ Attendez !
    Je vais vous montrer comment faire ”.
    Et elle montra à tout le monde comment faire
    Un grand plat profond.

    “ Voilà ” dit la maîtresse
    “ Maintenant vous pouvez commencer ”
    Le petit garçon regarda le plat de la maîtresse
    Puis il regarda les siens
    Il aimait mieux les siens que ceux de la maîtresse
    Mais il ne dit rien.

    Il ré-enroula seulement toute sa terre en une grosse boule.
    Et fit un plat comme celui de la maîtresse.
    C’était un plat profond.

    Et bientôt
    Il ne fit plus de choses de lui-même du tout.
    Alors il arriva
    Que le petit garçon et sa famille
    Déménagèrent dans une autre maison,
    Dans une autre ville,
    Et le petit garçon
    Dut aller dans une autre école.

    Cette école était encore plus grande
    Que l’autre
    Et il n’y avait pas de porte
    Pour aller directement de dehors dans sa classe.
    Il devait monter, monter des grandes marches
    Et marcher le long d’un grand corridor
    Pour arriver à sa classe.

    Et le premier jour
    Qu’il était là,
    La maîtresse dit :
    “ Aujourd’hui, nous allons faire un dessin ”.
    “ Chouette ” pensa le petit garçon
    Et il attendait que la maîtresse dise quoi faire
    Mais la maîtresse ne dit rien
    Elle se promena seulement autour de la classe.
    Quand elle arriva près du petit garçon
    Elle dit : “ Tu ne veux pas faire un dessin ? ”
    “ Si ” dit le petit garçon. “ Qu’allons nous faire ? ”
    “ Je ne sais pas avant que tu le fasses ” dit la maîtresse
    “ Comment vais-je faire ce dessin ? ” demanda le petit garçon ?
    “ Oh ! Vraiment comme tu veux ! ” dit la maîtresse.
    “ Et n’importe quelle couleur ? ” demanda le petit garçon.

    “ Si tout le monde faisait le même dessin,
    Comment saurais-je qui a fait quoi,
    Et lequel est à qui ? ” expliqua la maîtresse
    “ Je ne sais pas ” dit le petit garçon.

    ... Et il commença à faire une fleur rouge
    Avec une tige verte."

    Helen E. Buckley (traduit de l’anglais)