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"Ciel d'acier" de Michel Moutot
- Par Thierry LEDRU
- Le 05/12/2019
Bon, là, c'est clair, je suis ultra fan.
Après "Séquoias", je viens de lire "Ciel d'acier".
Mon deuxième roman de cet auteur, coup sur coup, et toujours cette soif dévorante de continuer à lire à des heures indues, l'esprit agité, fasciné, passionné.
L'écriture me plaît infiniment.
La construction, tout autant. Le mélange des époques, des premiers gratte-ciels jusqu'au WTC...Puis Ground zéro...
Les personnages sont vivants, là, devant moi, je les vois, je les entends, ils me touchent, ils me passionnent, leurs douleurs, leurs espoirs, leurs folies, leur énergie, leur détermination, leurs regards sur le monde.
Et puis, il y a toute cette incroyable précision dans les faits, une recherche historique de grande valeur.
Sans doute que l'intérêt de l'auteur pour les peuples indiens contribue à mon enthousiasme. Je les aime.
Ici, il s'agit des Indiens Mohawks. Ceux qui marchent sur les poutres d'acier à cent mètres du sol, ceux qui placent les charpentes métalliques, les "skyworkers" ou les "skywalkers".
Ceux qui construisent mais aussi qui démolissent quand c'est nécessaire...
On les retrouve donc dans la construction des premiers viaducs lorsque les "blancs" étendaient leur emprise sur le Nouveau Monde. Les Mohawks cherchaient à survivre et ils avaient compris qu'il était préférable de collaborer que de lutter avec les armes. Ils ont mis leurs talents au service de la construction des chemins de fer, puis des gratte-ciels. Parfois, ils furent respectés par les Blancs, non pas pour eux-mêmes mais pour la qualité de leur travail...J'ai beaucoup lu sur les attentats du WTC mais je ne m'étais pas penché réellement sur "l'après"...Sur les hommes qui se sont glissés dans les décombres à la recherche de survivants puis rapidement à la recherche des morceaux de corps. Les Mohawks étaient là, encore une fois. Certains y sont morts. Non pas dans des accidents mais par empoisonnement, des mois plus tard.
Inimaginable ce qu'ils ont vécu.
Tout est là. Dans ce livre.
Chef-d'oeuvre.
Grand Prix du Meilleur Roman des Lecteurs Points - 2016
ISBN : 2757859714
Éditeur : POINTS (14/04/2016)
Note moyenne : 4.12/5 (sur 147 notes)Résumé :
Chalumeau en main, John LaLiberté, ironworker comme ses ancêtres, sectionne l'acier à la recherche de survivants. Les Twin Towers viennent de s'effondrer sous ses yeux. Depuis le premier rivet porté au rouge dans un brasero, jusqu'à la construction de la Liberty Tower, six générations de Mohawks ont bâti l'Amérique. La légende dit qu'ils n'ont pas le vertige. Peut-on apprendre à maîtriser sa peur ?
«Aussi loin que je me souvienne j'ai voulu marcher sur les pas de mes ancêtres, sur des poutres de trente centimètres.»
Michel Moutot est reporter à l'Agence France Presse, spécialiste des questions de terrorisme international. Lauréat du prix Albert-Londres en 1999, correspondant à New York en 2001, il a reçu le prix Louis-Hachette pour sa couverture des attentats du 11 septembre.
«Entre information et fiction, rigueur et romanesque, Michel Moutot trouve l'équilibre et signe un livre par moments vertigineux.»
Télérama
Prix Gironde, nouvelles écritures 2015
J'ai eu envie d'en savoir plus encore et je suis allé fouiller sur le net.
Ce documentaire parle des Indiens Mohawks.
Cette vidéo montre des photographies d'époque.
Fascinant.
Sur une musique d'Ennio Morricone, du film "Il était une fois en Amérique".
Juste pour le plaisir, une scène d'anthologie. L'Amour.
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Inondations
- Par Thierry LEDRU
- Le 03/12/2019
Je lis sur les sites d'informations que les victimes des inondations demandent des explications sur les causes de ces désastres successifs.
L'urbanisation résidentielle et économique.
L'abandon de l'entretien des cours d'eau.
Le remembrement des années 1970.
La perte totale de bon sens.
Les visées électorales des élus ou de ceux qui veulent le devenir.
Les dessous de table.
Les pressions des industriels, dans tous les secteurs.
L'alibi des créations d'emploi.
L'accroissement démographique.
Est-ce qu'il y a des solutions pour améliorer la situation ?
Non.
Le mal est fait.
Les systèmes de pensées sont ancrés.
Il y aurait des tas de choses possibles, dans les actes. Mais il n'y aura pas les décisions nécessaires. Les mentalités sont figées.
Les photographies de l'article sont interactives : il suffit de déplacer le curseur pour visualiser l'avant et l'après.
AVANT/APRES. Dans le Var, l'urbanisation galopante aggrave les dégâts causés par les inondations
Franceinfo remonte le temps pour vous montrer l'étendue de cette bétonisation dans le département, qui imperméabilise les sols et empêche l'eau d'être naturellement absorbée par la terre.
Deux vagues d'inondations en une dizaine de jours. Le Var, dans le sud-est de la France, doit faire face à des catastrophes naturelles à répétition depuis fin novembre. Et les conséquences sont dramatiques : douze personnes ont perdu la vie et de nombreuses maisons ont été ravagées. Face à ces dégâts considérables, certains pointent du doigt une cause principale : l'urbanisation sans borne et la bétonisation du département, le long de la côte et des cours d'eau. Il faut dire qu'en soixante ans, la population du département a plus que doublé, passant de 413 000 habitants en 1954 à plus d'un milllion en 2016.
"On construit beaucoup. Donc forcément, on a des inondations qu'on n'aurait peut-être pas eues il y a une dizaine d'années, parce qu'il n'y avait pas de constructions à ces endroits-là, détaille Paul Marquis, prévisionniste à Météo 13, auprès de France 3. On passe d'une sécheresse à de très fortes pluies, on a donc des phénomènes qui vont être aggravés sur le ruissellement urbain notamment". L'urbanisation imperméabilise les sols et empêche l'eau d'être naturellement absorbée par la terre. Franceinfo remonte le temps pour vous montrer l'étendue des constructions dans le Var.
A Roquebrune-sur-Argens, le fleuve est bouché (et déborde)
Deux crues en quelques jours. C'est ce que viennent de vivre les habitants de Roquebrune-sur-Argens. Tous les yeux sont rivés sur le fleuve, l'Argens, qui a ravagé de nombreuses maisons en sortant de son lit. Un risque accentué par la proximité de plus en plus importante des habitations avec le cours d'eau. Autre problème : "Ce que l'on souhaite aussi, c'est qu'enfin on s'occupe de ce fleuve. Il a besoin d'être nettoyé !", pointe du doigt Antonius Jacobs, conseiller municipal de Roquebrune. Des détritus bouchent en effet le fleuve, accentuant son débordement à chaque épisode pluvieux.
A La Garde, la population a quintuplé en soixante ans
Une explosion démographique. Le village de La Garde, 5 000 âmes en 1955, est devenue une ville de plus de 25 000 habitants en l'espace de soixante ans. Cette croissance éclair s'est aussi accompagnée d'un développement urbain express, notamment le long de la côte.
A Saint-Raphaël, des nouveaux lotissements à perte de vue
Des maisons, des piscines, des routes, des ports... A Saint-Raphaël, la nature a peu à peu laissé place à des lotissements géants, le long de la côte méditerranéenne. Un phénomène qui accentue les risques lors des épisodes de fortes pluies, comme celui du 1er décembre.
A Fréjus, les habitations se rapprochent de la côte
A Fréjus, les autorités ont opté pour la prévention lors du dernier épisode d'inondations. Dimanche 1er décembre, plusieurs zones de la ville ont ainsi été évacuées : la subdivision des Floralies, les Passes du Colombier, du Verger des Arènes, du Verger Sainte-Croix et du Quarter Montourey. La raison ? Le risque que représentait le torrent du Reyran. La ville a gagné du terrain ces dernières années, comme au niveau de la station balnéaire de Saint-Aygulf.
La bétonisation de la commune s'est aussi développée dans le centre-ville, avec la construction d'un port près de Fréjus plage.
A La Londe-les-Maures, des habitations jouxtent la rivière du Maravenne
Cette fois, La Londe-Les-Maures a été plutôt épargnée par les intempéries. Mais ce répit pourrait être de courte durée. En 2015, la chambre régionale des comptes (CRC) Paca avait épinglé la politique d'urbanisation de la commune. En cause : des constructions dans la zone à proximité du Maravenne, un petit fleuve côtier, comme le rapporte France 3. Quatre ans plus tard, le maire de la commune dénonce "des démarches trop contraignantes" pour réaliser des travaux de protection.
A Hyères, on paye "les décisions des années 1970 à 1990"
Les inondations ont (encore) créé des situations de détresse à Hyères. Dimanche 1er décembre, deux personnes de la commune ont été secourues par les pompiers, selon France Bleu. La commune a connu une urbanisation galopante depuis quelques décennies, notamment autour de la plage de La Capte, autrefois préservée de la bétonisation.
"Nous payons aujourd'hui les décisions des années 1970 à 1990, avec un étalement urbain et des extensions et artificialisations des sols à outrance", explique Julien Meyrignac, directeur du groupe Citadia spécialisé dans l'urbanisme, dans Var Matin. "Il ne faut plus jouer aux apprentis sorciers, en construisant, par exemple, dans des zones exposées."
A Grimaud, une marina symbole de l'urbanisation
Les habitants de Grimaud ont eu une grosse frayeur. Le 1er décembre, deux lotissements de la ville se sont retrouvés sous l'eau. Une trentaine de personnes ont même dû être évacuées par les secours. La ville doit faire face à plusieurs menaces : des pluies violentes et la montée des océans, notamment dans Port Grimaud. Cette marina au cœur du golfe de Saint-Tropez est sortie de terre dans les années 1960... à la place d'une immense zone humide.
A Saint-Tropez, les villas ont colonisé la nature
Les vues aériennes de Saint-Tropez ne laissent pas de place au doute. Les belles villas avec piscine ont colonisé la nature, notamment à l'Estagnet, au cap Saint-Pierre ou vers la Pointe de la Rabiou. Une bétonisation dénoncée de longue date.
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Grève des enseignants
- Par Thierry LEDRU
- Le 01/12/2019
Etant donné que commencent déjà à fleurir sur les réseaux sociaux les mises au bûcher des enseignants, "tous ces fainéants privilégiés goinfrés de vacances", au regard de la prochaine grève, je tenais à poster cet article.
Lucien Marboeuf connaît très bien le problème. Il est enseignant. Son blog est très suivi. Ses interventions sont justes, éclairées et éclairantes, objectives, documentées.
Personnellement, je l'ai rarement vu aussi "remonté".Il y a de quoi...
Pourquoi les enseignants seront-ils massivement en grève le 5 décembre ?
@AFP https://blog.francetvinfo.fr/l-instit-humeurs/2019/11/30/pourquoi-les-enseignants-seront-massivement-en-greve-le-5-decembre.html
On sentait, ces dernières semaines, que quelque chose se passait : la colère, sur les réseaux sociaux, à son comble ; les mails syndicaux, reçus en nombre, comme rarement ; les débats et les échanges d’informations, en salle des maitres. Cette semaine, la tension est montée d’un cran dans les écoles : les premiers chiffres ont commencé à remonter du terrain, et ils indiquent une forte participation à venir. De nombreuses écoles fermeront jeudi 5 décembre, certaines pour la première fois depuis très longtemps. Il faut comprendre ce que signifie une école qui ferme : tous ses enseignants sont grévistes. 100%. Dans celles qui ne fermeront pas, il y aura sans doute une majorité de grévistes. On évoque le chiffre de 60% des instits en grève. Dans le secondaire, la grève s’annonce très suivie également.
Une journée de salaire perdue, qu’est-ce, comparé à ce que perdront les enseignants, si la réforme des retraites passe en l’état ?
Régimes spéciaux et privilégiés, vraiment ?...
On connait la partition du gouvernement, habilement jouée : cette grève est corporatiste, elle est le sursaut de ceux qui aujourd’hui sont privilégiés et qui demain vont perdre ce privilège, rentrer dans le rang : on peut comprendre qu’ils grognent, mais bon ça leur passera, l’égalité des retraites est à ce prix. C’est en substance la ligne de com’ choisie par l’exécutif, selon qui cette grève serait « avant tout une mobilisation contre la fin des régimes spéciaux ». Sauf que les régimes spéciaux en question ne concernent que 420 683 personnes, soit 1,42% de la population… Les fonctionnaires ne bénéficient pas à proprement parler d’un régime spécial (lire cet excellent article) : ils font partie des 6 477 839 français qui ne sont pas affiliés au régime général, ce qui n’est pas la même chose, et qui représentent 21,9% des actifs.
En pointant du doigt les « régimes spéciaux », et en jouant de ce terme pour parler des fonctionnaires, le gouvernement joue la carte de la division public / privé, l’éculée guéguerre du bon salarié qui trime contre le fonctionnaire privilégié. Ainsi, il laisse croire aux 78,1% affiliés au régime général qu’ils ne sont pas concernés par la réforme, et surtout il évite qu’on parle du cœur de sa réforme : la retraite par points, où le point devient la base du calcul en lieu et place du nombre de trimestres travaillés (un système déjà à l’œuvre pour les retraites complémentaires). Or la valeur de ce point n’est pas fixe, le gouvernement peut la modifier régulièrement. C’est la fin de la retraite fixe, pour tout le monde, régime général ou pas, il n’y a plus de garantie sur le niveau de retraite. Avec ce nouveau mode de calcul, rares sont les professions qui ne seront pas impactées. Mais certaines le seront plus que d’autres : les professions libérales, les fonctionnaires, et parmi eux particulièrement les infirmières, les aide-soignants et les enseignants.
Les profs, dindons de la farce
Dans la réforme telle que proposée actuellement, les fonctionnaires ont beaucoup à perdre : leur pension ne sera plus calculée sur les 6 derniers mois d’activité mais sur les 25 dernières années, avec un salaire moyen bien inférieur, forcément. La faiblesse des salaires et les évolutions de carrière plates, aujourd’hui compensées par la retraite, ne le seront plus. Pour ne pas pénaliser les fonctionnaires, il est prévu de faire entrer les primes dans le calcul de leur retraite. En effet, les primes constituent près de 30% du traitement moyen des fonctionnaires titulaires de l’Etat hors enseignants. Mais si les primes constituent jusqu’à 61,1% du traitement pour les cadre A+, elles ne constituent que 12% de celui des enseignants, 5,1% pour les instits. Les profs sont donc les plus lésés par ce nouveau calcul, tout le monde le sait, le rapporteur du projet de réforme, Jean-Paul Delevoye, le Président Macron, le ministre de l’Education nationale JM Blanquer (ses conseillers l’ont encore reconnu cette semaine devant les syndicats). Tout le monde le sait, mais on en reste là, personne ne fait rien, aucune solution n’est proposée pour les enseignants.
Comme on s’inquiète, on va voir les simulations proposées par les syndicats, évidemment, et même sans les prendre pour argent comptant, on frémit. Selon les estimations, un retraité prof perdra entre 300€ et 900€ de pension par mois, en fonction de sa carrière dans l’EN. On parle bien de 3 600€ à 10 800€ par an. Qui accepterait cela ?
Salaire de prof slovène
Le pire, donc, dans l’affaire, est qu’il n’est pas prévu de relever la rémunération des profs. Le Président Macron l’a clairement dit il y a quelques temps. Trop de monde, pas assez d’argent. Les enseignants français vont donc continuer à être à la ramasse de tous :
- des profs étrangers, qui touchent bien plus, surtout ceux des pays à l’économie comparable, les profs français se situant au niveau des profs slovènes, lettons, mexicains, polonais… Pire, alors que le salaire statutaire a augmenté partout dans l’OCDE entre 2005 et 2018 (+10% en moyenne dans le primaire, +9% au collège, +6% au lycée), il a baissé 6% en France depuis 2000… Le cout salarial annuel d’un instit par élève est en France de 1915€, alors qu’il est de 2784€ en moyenne ailleurs dans l’OCDE (et bien plus élevé chez nos voisins européens) : un prof coute bien moins cher en France qu’ailleurs…
- des cadres de la fonction publique, dont le salaire a augmenté de 24% entre 1984 et 2009 alors que celui des profs diminuait de 20% (-15% depuis 1990). Les fameuses primes demain comptées dans le calcul des retraites ont été multipliées par 2,4 chez les cadres de la fonction publique, moitié moins chez les profs…
- des salariés de formation similaire : un prof français touche 78% du salaire perçu dans le privé, presque ¼ de moins…
Nous en sommes là. Notre salaire est objectivement peu élevé, notre retraite va être amputée de plusieurs centaines d’euros par mois, le gouvernement le sait pertinemment mais a choisi de laisser pourrir la situation. Pendant ce temps, on a appris cette semaine que les concours de recrutement de profs sont encore cette année en chute libre : -8% d’inscrits au CAPES (-15% depuis 2016), -5% à l’agrégation (-22,3% depuis 2016). Les disciplines scientifiques notamment sont en crise. Plus personne ne veut devenir prof, ce métier de privilégié fainéant toujours en vacances.
Avec ce qui se prépare pour les retraites, la saignée sera encore plus terrible : qui voudra encore être enseignant ? Le niveau des reçus baissera automatiquement, et celui des élèves avec. C’est toute l’école qui sera impactée, autant dire toute la société.
Tiens, justement. L’agenda est parfait, pour le gouvernement, avec la publication de Pisa, l’étude internationale qui plonge l’école française dans le marasme tous les trois ans. Ce sera mardi 3 décembre, toute la presse ne parlera que de ça, des mauvais résultats de la France, et les profs seront immanquablement pointés du doigt comme les fossoyeurs de la nation. Alors, leur grève, deux jours plus tard, pensez…
Le rapport du Conseil d’orientation des retraites a-t-il manipulé les chiffres ?
A l’approche de la grève, tout le monde a entendu ce grand sage, il est dans votre entourage, dans votre environnement professionnel, il joue la figure de la pondération, c’est celui qui « donne de la hauteur au débat », qui ramène les grévistes au réel : « Vous êtes bien gentils avec votre grève, mais totalement irresponsables : le système des retraites est à bout de souffle, les études le disent, il faut le sauver et pour cela, il faut faire des efforts ! »
Ne lui répondez pas. Contentez-vous de le renvoyer à cet article, édifiant : « Le Conseil d’orientation des retraites a-t-il exagéré le déficit dans son rapport ? ».
On y découvre que le dernier rapport du COR, sur lequel s’appuie pour le gouvernement pour justifier la réforme à venir, est plus que sujet à caution, plusieurs économistes en critiquent les conclusions : le rapport ne prend en compte que la période lors de laquelle le déficit se creuse, contrairement aux précédents rapports ; il minimise la baisse des dépenses publiques liées aux retraites, augmentant artificiellement le déficit ; il ne prend pas en compte les excédents des Caf et de l’Unedic, habituellement versés au système des retraites et contribuant à son équilibre… On comprend que le rapport introduit les biais qu’il faut (quitte à modifier ses outils habituels d’analyse) afin de montrer que le système de retraites est très déficitaire. On découvre alors que le rapport est… une commande du Premier ministre. Ce dernier aurait-il commandé un rapport volontairement alarmiste afin de justifier son projet de réforme des retraites ? C’est ce que pensent un certain nombre d’économistes, dont Henri Sterdyniak qui vient de publier une note intitulée « Rapport du COR : un déficit construit de toutes pièces » : « Compte tenu de la commande, le COR se trouve obligé d’analyser des mesures visant à combler un déficit inexistant en 2025 ». Constatant que le rapport réussit malgré tout à faire apparaitre un déficit de plusieurs milliards en 2025, Sterdyniak estime que l’objectif de l’exécutif est clair : « Il s’agit de montrer que le système est déficitaire, donc qu’il faut des mesures de correction ». Donc que sa réforme est indispensable et de bon sens. CQFD.
Les profs s’apprêtent donc à perdre des milliers d’euros de pension chaque année, alors même que le déficit des retraites est tout sauf une évidence, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement.
Nota : on relira avec intérêt cette interview de Thomas Piketty, dans laquelle il dit notamment : "Ce sujet des retraites est majeur. Il illustre le fait qu’il y a toujours des alternatives. Il y a en effet plein de façons de faire un régime universel, car une fois qu’on a dit qu’on veut faire les mêmes règles pour tout le monde, en fait on n’a rien dit. Quelles sont ces règles communes ? Au départ, le gouvernement actuel s’est abrité derrière un principe de justice qu’il voulait infaillible : c’était le "un euro cotisé donne droit à un euro de retraite", quel que soit le régime et quel que soit le niveau de salaire. Sauf que ce soi-disant principe de justice revient à sacraliser les inégalités salariales telles qu’elles existent dans la vie active et à les reproduire à l’identique pendant toute la période de retraite et jusqu’à l’âge de la grande dépendance, où chacun doit essayer de trouver une solution pour finir sa vie".
On pourra aussi lire cet article de Forbes (pas franchement un média d'extrême gauche) dans lequel on lit cela : "La diversité et la spécificité des différentes catégories socio-professionnelles étaient justement à l’origine de la création de régimes de retraite séparés. Fusionner 42 régimes de retraite en un seul, la barre est mise très haute. A trop vouloir rendre la retraite “juste et équitable” pour tous, l’omelette du gouvernement va compter beaucoup d’œufs cassés".
Suivez l'instit'humeurs sur Facebook et sur Twitter @LucienMarboeuf.
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"Séquoias" de Michel Moutot
- Par Thierry LEDRU
- Le 01/12/2019
Séquoias
Michel Moutot
Prix Relay 2018
Milieu du XIXe siècle. Les frères Fleming, trois chasseurs de baleines, natifs de l’île de Nantucket, répondent à l’appel de l’or venu de la lointaine Californie, à l’autre bout des États-Unis d’Amérique.
À bord du Freedom, le navire dont ils ont hérité à la mort de leur père, Mercator, Nicholas et Michael forment leur équipage et mettent les voiles. Au terme d’une odyssée de six mois, de New York à Valparaíso, en passant par le cap Horn, les voici en vue de la terre promise. Mais le petit village assoupi dans la baie de San Francisco est devenu une cité grouillante où quelques chanceux descendus de la Sierra les poches pleines de pépites jouent leur fortune dans les tripots, tandis que d’autres se préparent à tenter l’aventure sur leurs traces. C’est le choix que fera Michael, le cadet. Mercator, lui, comprend rapidement que, loin de se tapir seulement dans les montagnes, la fortune est en réalité sous ses pieds, quitte à abattre la forêt de séquoias géants marquant l’entrée de la Porte d’Or.
Dans ce monde nouveau au cœur du Nouveau Monde, voici le roman d’une fratrie de baleiniers héroïques devenus chercheurs d’or, prêts à tout pour assouvir leur soif de conquête et de fortune, jusqu’à une ultime aventure, en mer de Béring.
Séquoias - Michel Moutot
RTL
"Un vrai bonheur de lecture. Une formidable aventure. "Le Magazine littéraire
"Roman d'aventures mené tambour battant, Séquoias joue simultanément sur plusieurs tableaux: fresque historique solidement documentée sur les Etats-Unis de la première moitié du XIXe siècle, l'épopée de Michel Moutot mène parallèlement une réflexion sur les fondements d'une société qui conjure la moindre pénurie en réactivant le mythe d'une abondance illusoire. "Marie Rogatien Le Figaro magazine
"Séquoias est plus qu'un roman historique à l'allure de saga littéraire, c'est une réflexion épique et habitée sur la création du Nouveau Monde. "Anne Berthod La Vie
"La Vie aime: passionnément
Michel Moutot s'avère un chroniqueur épique et minutieux. Pour les amateurs de romans d'aventures et de grands espaces, ce livre est un bijou."
Puisque je n'écris plus, j'ai recommencé à lire...
Beaucoup.
Des romans et quelques ouvrages divers.
"Sequoias" de Michal Moutot va me rester longuement en tête. Un chef-d'oeuvre, pour moi.
Une puissance évocatrice qui relève du cinéma. Une écriture magnifique, un scénario qui génère une véritable addiction. Impossible de ne pas s'offrir une séance de lecture par jour.
Les commentaires sont élogieux. Et je n'imagine pas qu'il en soit autrement. Personnellement, il n'y a rien, absolument rien à retirer de ce livre. Je n'ai pas ressenti le moindre détachement, la moindre lassitude ou déception. De chapitre en chapitre, la soif de lire reste la même.
Au-delà de l'histoire elle-même, il m'est venu le souvenir d'un article que j'avais écrit il y a quelques temps.
"Nous ne nous appartenons pas, intérieurement. Il n’y a pas de paix en nous mais des désirs infinis, une volonté de marquer notre territoire, notre environnement, comme on établirait des clôtures, la sédentarisation est un mal spirituel et une source de profits immenses."
Dans le roman de Michel Moutot, on voit évoluer les hommes du 19 ème siècle, des hommes obnubilés par la ruée vers l'or. Qu'il s'agisse de la chasse à la baleine, des mines d'or du "Nouveau monde" ou de toutes les exploitations possibles associées aux besoins de cette masse humaine. La Nature est uniquement une source à exploiter. Les dégâts occasionnés n'ont strictement aucune importance. Ce qui compte, c'est la possession et la possibilité de s'extraire de la misère sociale, d'atteindre une place enviée et de la garder.
Les hommes s'unissent ou se combattent. La Nature n'est qu'une ressource. Quitte à en épuiser les gisements : l'extinction des baleines, l'appauvrissement inévitable des gisements d'or, la quête effrénée de nouveaux lieux, l'abattage des forêts pour construire les villes, les bateaux, faire tourner les machines à vapeur.
C'est effroyable et tous les peuples agissent de la même façon, avec la même folie destructrice et la même intelligence créatrice. Une intelligence qui n'a que faire du bon sens ou de la vision à long terme, de l'impact sur les générations à venir, de la perte des biens naturels quand il s'agit d'acquérir les biens matériels.
Tous agissent de la même façon.
Tous, sauf les Indiens.
Qui seront donc exterminés.
C'est à travers ce constat que m'est revenu en mémoire cette réflexion sur l'ontogenèse et la phylogenèse.
Où en sommes-nous aujourd'hui, au 21 ème siécle ?
Il y a une rupture. Une scission entre cette masse humaine qui ne voit dans la nature que son potentiel exploitable et ceux qui, désormais, voient prioritairement les effets dévastateurs. Les nouveaux "Indiens" en quelque sorte. Des humains qui prônent un retour à l'équilibre, non pas un nouvel âge préhistorique mais une adptation de l'homme à la nature. Et non plus l'inverse.
Il ne s'agit pas de perdre ce qui a été acquis. La vie des hommes au 19 ème siècle n'est pas enviable.
Il s'agit d'équilibrer notre niveau de vie avec la vie elle-même et que nos existences ne soient plus la cause première de la disparition de la vie.
Combien de temps faudra-t-il pour que cette ontogenèse individuelle devienne la phylogenèse nécessaire au maintien de la vie sur Terre, combien de temps pour que l'évolution de chaque homme puis de l'espèce humaine dans son entièreté ne vienne plus porter atteinte à l'évolution de la vie elle-même, pour que la "sauvagerie moderne" de chacun, nourrie par l'inconscience collective, héritée de nos ancêtres, se tourne vers un monde durable, riche de sa biodiversité et non plus pour l'enrichissement démesuré de certains humains tout autant que l'appauvrissement de ceux qui ne peuvent suivre le rythme...?
Je n'ai pas la réponse.
Ce qui est certain, c'est que l'effacement de cet inconscient collectif, de cet impact considérable au regard des "exemples" passés, tout cela prendra beaucoup de temps.
C'est là que l'éducation, l'enseignement, l'exemplarité des parents représentent une source immense de progrès. Ou pas.
Quant aux instances dirigeantes, je n'attends plus rien d'elles.
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KUNDALINI : Commentaire (2)
- Par Thierry LEDRU
- Le 22/11/2019
- 2. NATHALIE LAMOTHE (site web) | 21/11/2019
Bonjour Thierry
Je viens de finir votre livre Kundalini . Je n'aurai qu'un mot : il m'a TRANSPERCE le coeur .
Tout ce que j'y ai lu a fait sens et résonance . Emotion , ouverture de conscience , des mots sur mon ressenti de vie , des mots sur mon parcours tantrique .
Je voulais vous remercier d'avoir éclairé la transformation dans laquelle je me sens en chemin. J'ai compris ma quête , ce qui appelle mon âme . Vivre ou exister ...
Quelle belle âme vous devez être pour avoir si magnifiquement et justement décrit la sexualité sacrée .
Quelle incroyable ode à l'amour ... c'est si rare .
Infinie gratitude .- 1. Thierry | 21/11/2019
Bonjour Nathalie
Mille mercis pour votre commentaire. Il me comble de joie. Je suis très touché. J'ai vu sur votre site web que vous êtes particulièrement concernée au travers de votre profession. Il était très important pour moi que des individus œuvrant dans le domaine de la sexualité puisse être touchés par ce livre. Que cela, en plus, fasse écho au regard de votre parcours personnel ajoute encore à ce bonheur.
Il y a peu de commentaires sur ce livre et j'en ai parlé avec une femme lectrice. Elle me disait qu'elle n'avait pas su traduire son ressenti mais plus encore qu'elle n'avait pas osé dire tout ce qu'elle avait éprouvé. Une retenue que je comprends devant un thème aussi intime.
Je vous remercie par conséquent d'avoir tenu à écrire ces quelques lignes.
Un grand bonheur.
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Ecriture : fin
- Par Thierry LEDRU
- Le 24/10/2019
J'arrête l'écriture de romans.
Je ne finirai pas le tome 3 de ma trilogie en cours.
"Tous, sauf elle" est terminé mais je ne souhaite pas qu'il soit publié étant donné que je n'achèverai pas la suite.
"Il faudra beaucoup d'amour", restera en l'état, soixante-dix pages.
Je ne veux pas tromper les lecteurs éventuels qui resteraient à attendre la fin de l'histoire avec ce tome 3 sans jamais l'obtenir.
J'ai supprimé du blog les deux pages de présentation de ces deux romans.
J'ai supprimé également "Les Eveillés". Il aurait fallu que je le travaille une nouvelle fois. Il ne me satisfaisait pas en l'état. Et je ne le ferai pas.
Le silence nécessaire dont j'ai besoin passe aussi par cet arrêt.
J'ai prévenu mon éditrice. Elle tient à publier "A coeur ouvert" en 2020. Il ne reste qu'à réaliser la couverture.
Il sera le dernier.
J'ai passé des milliers d'heures à écrire. J'ai aimé ces moments. Infiniment.
Mais le désir n'est plus là.
Il est évident que le résultat négligeable des ventes et bien plus encore des retours peu nombreux de lecteurs contribuent à cette décision mais tout cela tient avant tout dans le choix de me tourner vers d'autres priorités.
Celui de notre projet de maison avant tout. Et c'est une tâche compliquée au regard des critères qui nous sont incontournables.
Celui du temps que je veux consacrer à Nathalie, à nos enfants et aux quelques personnes que j'aime.
Celui du temps que je veux m'accorder sans être tenu par une exigence de qualité dans le partage écrit.
Peut-être aussi qu'il est temps que j'entre réellement dans ce silence que j'aime tant.
Les écrits ont fini par devenir trop bruyants. Ils prennent trop de place. Ils prennent trop de temps et d'énergie.
Cette décision de ne pas tenter la publication d'un roman sur lequel j'ai travaillé des centaines d'heures ne m'affecte aucunement et c'est une preuve, à mes yeux, de l'insignifiance de la chose, désormais.
Il est temps que je m'attelle à des actes utiles. Utiles pour ceux que j'aime et pour moi. Je sais ce que signifie la "bulle de l'auteur" et le temps est venu de m'en extraire.
Pour les mêmes raisons, ce blog n'aura donc plus autant d'articles. Je le laisse en l'état.
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Silence nécessaire
- Par Thierry LEDRU
- Le 18/10/2019
Je n'écris plus grand-chose ici et je ne poste plus d'articles pris sur la Toile.
Je n'en ai plus l'envie.
J'entre dans un silence nécessaire.
Il y aurait tellement de choses à écrire sur l'état de ce monde et ça serait tellement inutile.
Je ne crois en aucune évolution positive.
Et je ne suis nullement pessimiste.
Juste factuel.
"Quand tu les acceptes, les choses sont ce qu'elles sont ; quand tu ne les acceptes pas, les choses sont ce qu'elles sont."
Très bien. Puisqu'il en est ainsi, il est inutile de s'y attarder.
Je m'interroge grandement sur la poursuite de l'écriture de mes romans. Pour moi principalement puisque de toute façon, ils n'existent que pour un nombre très limité de lecteurs. Je tiendrai au courant ici ceux ou celles qui s'y intéressent.
Mes textes n'existent pas dans cette masse d'écrits qui se déverse continuellement dans la sphère médiatique. Et pourquoi existeraient-ils d'ailleurs puisque je ne sais pas les vendre ?
Non, je ne suis pas commerçant, je n'irai pas dans des salons, je ne quémanderai pas des articles, ni des commentaires.
Moi, j'écris. Le reste n'est pas de mon ressort.
Si personne ne souhaite en parler, c'est que l'impact de mes écrits n'est pas suffisamment intense. C'est ce que j'en retiens.
Il n'y a là aucune désespérance. C'est juste factuel, encore une fois.
J'ai commencé ce blog en 2009. Il y a à ce jour 3927 articles avec celui-ci.
Je les laisse en ligne.
S'ils peuvent intéresser encore quelques personnes, il n'y a aucune raison que je ferme ce site.
Mais j'entre dans un silence nécessaire.
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JUSQU'AU BOUT : Ni Dieu, ni maître
- Par Thierry LEDRU
- Le 16/10/2019
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Les jours suivants, il fut frappé par la célérité avec laquelle tout s’enchaîna. Comme un dénouement en accéléré. Une barque dans un courant puissant, sans rame, sans gouvernail, juste emportée dans une direction inconnue. Il avait descendu l’embarcation jusqu’à l’eau, croyant dès lors être maître du parcours à venir. Incroyable cette prétention humaine. Il se promit d’être plus vigilant, plus honnête avec lui-même. Il sentait bien, lorsque la clairvoyance l’envahissait, que rien ne lui appartenait vraiment. La vie n’était qu’une succession de réactions en chaîne et comme une boule de flipper constamment renvoyée aux quatre coins du jeu, l’individu, pour ne pas sombrer dans la folie se persuadait que le chemin était choisi. Espérant simplement que le maître de la partie aurait suffisamment de classe et d’adresse pour que les coups s’éternisent. Que ce maître s’assoupisse un instant et c’était la catastrophe. Tilt, game over et le tour était passé. Au suivant. Quelle dérision ! Naître dans un beau jeu, bien décoré, offrant de multiples épreuves, vibrer follement à chaque accélération, s’efforcer de toute son énergie à éviter la sortie, voilà les seuls bonheurs de cette existence. Il trouva qu’il avait eu la chance d’être tombé dans une belle partie, que son parcours jusqu’ici lui avait offert quelques satisfactions, puis la grande découverte, le grand amour et qu’il lui restait à sortir le grand jeu, usant pleinement de ses expériences pour atteindre le jackpot ! Il n’en était pas loin. Tout s’accélérait. Il faudrait rester lucide. Le meneur de jeu ne supporterait aucune faiblesse. Mais est-ce qu’il y avait réellement un meneur de jeu ? Ce n’était pas lui en tout cas, trop de paramètres lui échappaient. Alors qui ? Dieu ? Il n’y croyait pas. Celui-là n’avait été inventé que pour combler l’absence d’explication et permettre surtout aux instigateurs du mensonge de s’enrichir. Il suffisait de regarder le Vatican. Le hasard alors ? Oui, peut-être, juste le hasard. À chaque décision, plusieurs directions se dessinaient et selon la météo, l’humeur du moment, les rencontres sur le chemin, autant de circonstances incontrôlées, l’une ou l’autre de ces possibilités seraient mises en avant et les autres délaissées. Cette solution appellerait d’autres dénouements, d’autres options à venir et dans ce perpétuel imbroglio, l’individu s’efforcerait de se rassurer en affirmant jour après jour, que telle décision était la bonne ! Vaste supercherie. Rien ne nous appartenait et rien n’était écrit. Dieu n’y était pour rien et l’homme non plus. L’homme peut-être un peu plus, tout de même. Parfois, ne prenait-il pas certaines décisions, totalement inattendues, bousculant l’ordre logique des choses en cours, des décisions laissant les proches ou même la communauté entière totalement abasourdis ? Il chercha un exemple et pensa à Bernard Moitessier dans la course en solitaire autour du monde, qui décide de continuer, alors qu’il était en tête, et de ne pas rentrer au port, « pour sauver son âme ». Ça, c’était grand ! Il ne devait cette décision à personne d’autre que lui. Il n’y avait pas eu de hasard. C’était un acte pleinement volontaire, au-delà de la raison, quelque chose qu’il avait construit en réaction à une vie en société qu’il rejetait, à des valeurs qu’il ne reconnaissait pas. Oui, mais alors, il n’avait fait que réagir à une situation qui ne lui convenait pas. Tous ses actes avaient été déterminés par une mise en scène extrêmement compliquée dans laquelle il avait essayé de glisser une petite part de volonté, sa décision n’était pas neutre, elle lui avait été imposée, ses actes avaient été déterminés par la lutte qu’il avait engagée contre des concepts qu’il haïssait.
C’était effrayant.
Il se sentit comme une plume aux vents. Les réflexions s’enchaînaient à une vitesse étourdissante.
Notre vie ne nous appartenait pas et elle n’appartenait d’ailleurs à personne, l’essentiel, finalement, étant d’en être conscient et de gérer ce drame du mieux possible. Ni dieu, ni maître, ni rien du tout. Qu’une boule de flipper lancée, par hasard, dans une partie que personne ne contrôle, et où chaque péripétie entraînera d’autres péripéties, nullement choisies, justes subies, et dont la boule essayera de se sortir du mieux possible ou plutôt, avec le moins de mal possible, et avec parfois le sentiment prétentieux d’avoir pris une décision supérieure, d’avoir atteint le plus haut degré de conscience. Non, c’était affreux, un cauchemar. Il devait essayer de contrôler le jeu ! Au moins une fois, dans une circonstance, juste une, quelles qu’en soient les conséquences, mais qu’il puisse se dire, avant la fin, « ça c’est à moi. » Même s’il ne s’agissait que d’une réaction contre un système, qu’une révolte contre la dictature permanente des jours qui défilent hors de toute maîtrise, il devait au moins une fois montrer son opposition. Ce serait certainement dérisoire par rapport à toutes les années de soumission mais ce serait enfin un acte relativement personnel.
Il songea à sa rencontre avec Birgitt et Yolanda. Tout était du hasard. Depuis son départ de l’école, le passage au lac Charpal, l’arrivée dans les Landes. Pourquoi là et pas un peu plus loin ? Seul l’instant où il était parvenu à leur adresser la parole, à leur donner envie de s’arrêter, avait marqué le sceau de sa volonté. Quelques secondes. Il lui avait fallu pratiquement un an de dérives pour y parvenir."