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L'enfant et la mort
- Par Thierry LEDRU
- Le 08/12/2009
- 0 commentaire
On parlait de la vie et de la mort en classe cet après-midi et une élève a dit :
"En fait la vie en nous, c'est comme une boisson gazeuse. Ca s'agite beaucoup et les bulles vont vers le haut parce que ça veut dire qu'on s'améliore, c'est un peu comme le Paradis mais à l'intérieur et quand on va vers la mort, les bulles sont moins agitées parce que ça fait longtemps que c'est ouvert. Et quand on est mort, c'est comme une eau plate."
Un grand moment de bonheur. -
Spiritualité laïque
- Par Thierry LEDRU
- Le 06/12/2009
- 2 commentaires
http://www.barbier-rd.nom.fr/journal/article.php3?id_article=556
Depuis l'année universitaire 2005-2006, avec une petite équipe d'enseignants et de tuteurs militants, nous poursuivons une passionnante expérience de recherche-action pédagogique, dans le cadre de la licence de Sciences de l'éducation en ligne de l'Institut d'Enseignement à Distance (IED) de notre université. Au deuxième semestre, dans mon cours sur "le recherche-action existentielle et transpersonnelle", j'utilise la fonction du WIKI du logiciel CLAROLINE qui permet une écriture collective et anonyme sur une thème de recherche. C'est ainsi qu'autour de "Qu'est-ce qu'une spiritualité laïque", les étudiants de licence, tous travailleurs salariés, élaborent, progressivement, la réflexion présentée ici à la date du 11 mars 2006.
Recherche-action existentielle et transpersonnelle sur le thème "Qu'est-ce qu'une "spiritualité laïque ?"
C'est une démarche expérientielle et existentielle de soi-même, indépendante des institutions religieuses. Il s'agit d'une réflexion profonde sur l'ensemble des expériences de la vie en reliance avec l'Autre et ce qui nous entoure, qui nous amène à avoir une meilleure perception du réel et une conscience de plus en plus grande de l'être humain au sein de son environnement. Ces expériences et cette conscience d'être en interdépendance constante avec le monde, forment la manière d'être en vie. La spiritualité se traduit par des paroles et des attitudes d'ouverture à l'égard des autres, par des attitudes de tolérance et de compassion. La spiritualité s'éprouve avant de se penser. Quand on se sent envahi, lors de certaines expériences de vie, par cette dimension spirituelle de soi-même, on en ressort différent, ça nous émeut, ça nous chahute, ça nous bouscule, ça nous change. C'est comme un rendez-vous avec l'essentiel en soi, une écoute de ce qui s'exprime le moins. Ce sont des instants qui bouleversent une vie.
Atteindre un accomplissement spirituel en accord avec ses valeurs et principes, sans relation quelquonque avec la religion. Juste l'accomplissement de son être. Etre en accord avec soi-même et aller dans le sens que l'on souhaite donner à sa vie sans influence quelconque.
C'est une compréhension de soi et du divin en nous et en toutes choses, sans aucun artifice religieux particulariste qui divise par des symboles des dogmes et autres attributs. Un esprit laic, universel, sans aucun teintage ethnico-religieux sous la forme clivatrice, pour en terminer avec les enfantillages des religions qui tentent de s'appropier une vérité inébranlable. Une union constante en ce fond commun, en cet amour universel et inconditionnel qui transcende les divisions et nous unit TOUS.
C'est une liberté absolue de conscience éprouvée et mise en pratique pour le bonheur d'être au monde, en disponibilité avec soi et les autres, et comme toutes les libertés, elle n'est pas seulement voyage imaginaire, philosophique et fraternel mais aussi engagement social. La spiritualité laïque est de l'ordre de "l'imaginaire sacral et philosophique". L'être spirtuel se pose la question de la façon dont il vit, que fait-il de sa vie avec les autres et quelles valeurs sociales contribue-t-il à dispenser. La spiritualité laîque commence par une mise en action de sa pensée.
La spiritualité entraîne un travail intérieur de l'être, la spiritualité laïque peut être le moyen de se libérer de la religion ou de toute autre forme de pensée, de croyance imposées sous prétexte d'une Verité. La spiritualité laïque permet de trouver sa propre harmonie, une dimension sacrée de la vie en découle. Elle entraîne l'être tout entier dans différents univers qui lui sont connus ou encore inconnus.
Une spiritualité laïque s'adresse à ceux qui ont l'intuition d'une dimension sacrée de la vie. Tendre à plus de cohérence dans sa vie et de se porter mieux, de trouver une certaine harmonie intérieure, ou encore de donner un sens à nos actions et plus généralement à notre vie, au-delà de la satisfaction des besoins matériels. Cette spiritualité doit être personnelle et ne doit pas tendre vers un mouvement sectaire. De plus, nous n'en avons pas forcément conscience de cette spiritualité laïque au quotidien, souvent les personnes qui ont connu une expérience proche de la mort, relativisent leur vie matérielle et ont un sens plus profond de la vie. Mais on peut se poser la question, en se libérer de croyances, du dogme religieux, avons-nous tous une spiritualité ?
Mais finalement spiritualité et laïcité sont -ils bien des termes que l'on peut lier ? Une personne laïque peut elle accepter cette notion de spiritualité ? Les laïcs n'ont ils pas cette façon de penser qui les laisse neutres quant à toute source de croyance et la spiritualité n'est elle pas une croyance à quelque chose ? La spiritualité laïque est conforme au besoin qu'on éprouve de se libérer de mythologies religieuses et de croyances qui ne correspondent pas aux découvertes fondamentales de la science moderne. Cette tendance est éprouvée par le besoin que l'on a de se libérer de toutes formes matérielles, de toutes technologies, de se sentir en paix sans aucun accessoires.
La laïcité est une sorte de neutralité bienveillante à laquelle fait référence une société pour s'établir et se développer, affirmant ainsi une certaine autonomie vis-à-vis des religions. Une telle société prône la liberté de conscience de sujets libres et responsables, capables de penser par eux-mêmes en vue de faire avancer des questions de société car la laïcité évolue avec son temps. En ce sens, on peut dire qu'elle a un lien avec la spiritualité car elle est tournée vers l'autre, avec une réelle capacité d'écoute, de compréhension et de tolérance pour tenter de mieux vivre ensemble.
Peut-être qu'il peut y avoir plusieurs approches dans la compréhension de ce qu'est "la spiritualité laïque". Et si, pour répondre à la question de savoir si on peut lier ces deux termes que sont "spiritualité" et "laïcité", on commençait par consulter le dictionnaire pour définir les termes ?
« Spiritualité : qualité de ce qui est esprit : la spiritualité de l'âme. Tout ce qui a pour objet la vie spirituelle. Spirituel : qui appartient à l'esprit, à l'âme. Relatif à la religion, à la vie de l'âme. Relatif à l'Eglise. Où il y a de l'esprit, de la finesse, de l'intelligence. Spiritualiser : donner un esprit, une âme « à »… dégager de toute matérialité. Larousse 1979. » « Relatif au domaine de l'intelligence, de l'esprit, de la morale. Valeurs spirituelles. Relatif à la religion, à l'église. Larousse 1989. »
« Laïque : qui n'appartient pas au clergé. Laïcité : système qui exclut les Eglises de l'exercice du pouvoir politique ou administratif, et notamment de l'organisation de l'enseignement. Laïciser : éliminer tout principe de caractère religieux. Dictionnaire Larousse 1979 » « Laïque : indépendant des organisations religieuses, neutre sur le plan confessionnel ; qui est étranger à la religion, au sentiment religieux. Laïcité : caractère de ce qui est indépendant des conceptions religieuses ou partisanes. Système qui exclut les églises du pouvoir politique ou administratif. Laïciser : soustraire à l'autorité religieuse. Dictionnaire Larousse 1989. Idem Larousse 1994 » « Laïque : qui n'a pas de caractère religieux. Laïcité : principe de séparation des églises et de l'état. Laïciser : ôter tout caractère religieux à. Dictionnaire de poche Hachette 2003 »
Si on pense le terme de « spiritualité » comme figé dans la sphère du religieux, et le terme de « laïcité » comme ce qui est « anti-religieux », il semble alors que la spiritualité laïque soit quelque chose d'incompréhensible. Il y a une exigence d'ouverture dans la compréhension des termes de spiritualité et de laïcité pour penser la spiritualité laïque. Le terme "spiritualité" tire son origine du terme "esprit" mais ce dernier était entendu dans certains milieux comme synonyme de "l'esprit saint". Il faudra attendre E.Mounier pour voir apparaître l'utilisation du mot esprit "sans étiquette". Les termes de laïc et ses dérivés : laïcat, laïcité… furent longtemps réservés à la désignation des non-clercs, puis des anticléricaux, et ce sens envahit fort longtemps le champ des relations entre l'Eglise comme institution (les clercs, le dogme, les pratiques) et le reste de la société. Il faudra le compagnonnage né des luttes sociales et des guerres de la première moitié du XXème siècle pour qu'apparaissent une laïcité plus ouverte et le début d'une tolérance à son égard dans les milieux religieux traditionnels. En témoigne un texte de 1949 signé André Latreille et Joseph Vialatou dans la revue "Esprit", définissant la laïcité comme "l'expression juridique de la liberté de l'acte de foi". Il fallut attendre 1946 pour que certaines autorités ecclésiastiques déclarent que "la laïcité pouvait être tolérée".
Mais ce serait une erreur de confondre laïcité et esprit anti-religieux .Le mot "laïque" est parfois interprété dans un sens anti-religieux.Mais l'important dans la spiritualité laïque à ce qu'il me semble, c'est d'apprendre à vivre avec d'autres, à tolérer les différences, à porter secours à celui qui est dans le besoin, se mettre d'accord sur une éthique, une morale.La "spiritualité laïque" n'a pas de sens anti-religieux. Certes la religion peut être comprise d'abord comme une institution qui se définit en fonction de la collectivité tandis que la spiritualité se ramène au travail intérieur de l'individu. Mais s'il est juste d'avancer que l'encadrement devient parfois un enrôlement, une forme de soumissions au dogme, faut-il nier qu'il soit possible de poursuivre une expérience spirituelle dans le cadre d'une religion ?
La spiritualité laïque apparait comme une nouvelle tendance qui manifeste le besoin que l'homme éprouve de trouver une certaine harmonie intérieure, ou encore de donner un sens à ses actions et plus généralement à sa vie, au-delà de la satisfaction des besoins matériels. Une spiritualité laïque s'adresse à ceux qui ont l'intuition d'une dimension sacrée de la vie et qui cherchent à vivre en accord avec cette intuition. Cela se traduit jour après jour par des paroles et des attitudes d'ouverture à l'égard des autres, des attitudes de tolérance et de compassion, par une droiture dans l'engagement et par un travail sur soi, jour après jour, que ce soit avec ou sans Dieu. Les voies sont multiples, mais la sagesse est Une. Cela suppose d'être d'une grande rigueur avec soi-même. La spiritualité laïque ce serait donc l'expression d'un besoin de spiritualité avec ou sans Dieu.
La spiritualité laïque est la recherche en toute liberté de connaissance pour construire sa vie et trouver l'art de vivre. Elle n'est pas anti-religieuse, car elle permet l'ouverture aux autres sans distinction de culture, religion, classe sociale.
Personnellement je suis athée (limite anti-cléricale, précise cet interlocuteur) et je ne pense pas que la spiritualité laïque soit un besoin de spiritualité à tout prix, mais effectivement une recherche de connaissances pour construire sa propre vie, trouver un art de vivre qui permet de m'ouvrir aux autres, c'est là qu'est la vraie richesse.
spiritualité laïque… c'est toucher le ciel comme on se gratte le menton. Sans y faire attention- comme ça- car ça nous prend. Mais, en le faisant, c'est être attentif à soi et à l'univers. On se relie à l'univers parce que ça va de soi et l'on fait de cette façon là parce que ca ne va pas de soi. Spirituel par réflexe, laïque par vigilance.
En vérité, toucher le ciel de la sorte n'est pas si facile, ce n'est pas un nouvel acte de foi, un nouvel « au-dessus » de l'existence, d'ailleurs il n'y a pas de récompense éternelle pour nos souffrances et paradoxalement la spiritualité laïque demande pourtant de « sacrés » efforts et ne délivre parfois qu'une simple fragilité.
Je ne suis pas sûre que le but d'une spiritualité se soit de toucher le ciel car même dans la religion, toucher le ciel n'est pas l'important en soi. Bien sûr, c'est une image, mais je n'aurai peut-être pas employé ce terme là. La spiritualité représente plus pour moi, l'ascension au sommet de son âme, équipé de toutes ces connaissances, de son amour, de l'amour de la vie en général. Et la laïcité peut-être la capacité de croire que l'on peut se réaliser avec soi même, la laïcité est certainement la croyance en l'homme, à la vie. D'où ce contraste saisissant entre l'association de ces deux mots qui me paraissent bien différents dans leurs significations respectives !
Considérons l'importance du retour du spirituel dans nos sociétés : il faut remarquer qu'il n'est plus rattaché nécessairement à des églises, à des croyances religieuses. Il s'est laïcisé. En ce sens, on parle d'une différence entre religion et spiritualité. Pour bien des gens, la religion est identifiée à un ensemble de normes, d'obligations morales et à une appartenance à des institutions ecclésiales, plutôt qu'à une vie spirituelle plus personnelle et incarnée. Aujourd'hui on cherche une spiritualité plus respectueuse du corps et qui valorise les réalités matérielles. On se distancie d'une religion à tendance dualiste et manichéenne ; celle-ci présentait la matière et la sexualité comme mauvaises, et prêchait une moralité stérile et qui générait des sentiments de culpabilités maladives, comme la psychanalyse l'a mis en évidence. Une religion qui n'est pas en mesure de favoriser une spiritualité, c'est à dire une rencontre existentielle, n'est qu'idolâtrie ou même une idéologie. Si on peut utiliser les termes de religion et de spiritualité comme synonyme c'est dans le sens où à la base de l'expérience religieuse on trouve une dimension constitutive de l'anthropologie qui est que la personne est un être d'altérité. La personne est un être « avec ». Elle n'est pas jetée dans le monde mais reliée à la réalité, à autrui, à la transcendance. C'est l'autre qui lui révèle son humanité ; autrui est le miroir qui la renvoie au plus profond d'elle-même. On se reconnaît humain en présence d'un autre être humain. Découvrir l'autre comme autrui et non comme projection de ses propres besoins est l'aboutissement du développement humain. La nudité de l'être humain exprime bien cette dimension relationnelle, cette dimension de dépendance existentielle (pas comprise comme soumission mais comprise comme révélatrice d'une altérité qui fonde nos libertés) des hommes. L'homme n'est donc pas habillé de soi-même mais référé à autrui. C'est en s'acceptant nu que l'homme dépasse sa tendance possessive et dominatrice pour être dans un rapport de liberté et de gratuité avec autrui. L'altérité est opposée à une dépendance maladive. C'est à l'intérieur de cette dimension d'altérité que s'enracine la spiritualité laïque, la question de la transcendance, voire l'expérience religieuse. En ce qui concerne la spiritualité laïque, c'est une spiritualité qui n'est en rien fondée sur la peur et le déni. Elle est ouverture aux autres, enracinée dans une dimension d'altérité. Et on ne peut parler d'ouverture et de respect que si nos paroles sont authentiques, que si nous ne nous cachons pas derrière des masques. La relation aux autres ne peut être authentique que si nous sommes honnêtes et, ce, déjà avec nous même. L'autre a le droit à la vérité, sinon il ne peut pas nous respecter vraiment tel que l'on est. La meilleure façon de respecter l'autre c'est de ne pas lui mentir sur nous-même. Parler de spiritualité laïque c'est parler d'une spiritualité authentique parce qu'elle ne nous fait pas peur, parce qu'elle ne fait pas peur aux autres. Elle nous donne la liberté de nous exprimer sans peur du « qu'en dira t-on ? ». Elle nous autorise à penser autrement. Parce que respecter l'autre, c'est parfois lui dire : « là, je ne suis pas d'accord avec toi ». On a le droit d'être différent. Spiritualité laïque et ouverture ne font pas « sens » ensemble si on plie les genoux, si on baisse les bras, si on dit « amen à tout », si on courbe l'échine et si finalement on baisse les yeux en signe de soumission. On n'a pas à avoir peur d'être qui on est. Et c'est ce que permet la spiritualité laïque. Une spiritualité fondée sur la peur et qui engendre la peur n'est pas une spiritualité authentique. Elle est une idéologie.
Gestionnaire(s) du cours ELE 616 : René Barbier -
La société civile.
- Par Thierry LEDRU
- Le 06/12/2009
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La grippe A et la société civile : [11/11/2009]
l’avènement d’un 3e pouvoir fort
J’observe avec intérêt, comme des millions de gens, le combat international qui se livre actuellement autour de la grippe A et de son vaccin, opposant d’un côté les pouvoirs politiques et pharmaceutiques, et de l’autre les citoyens de nombreux pays du monde.
Ce combat me semble crucial et emblématique à plus d’un titre.
Divers auteurs, dont Nicanor Perlas (La société civile : le 3e pouvoir), ont en effet souligné l’importance d’une répartition triangulaire du pouvoir qui, en plus du politique et de l’économique, ferait intervenir la société civile. Chacun peut voir tous les jours ce que devient le monde quand il est seulement livré au pouvoir et à l’argent, et aux alliances immanquables qui se tissent entre les deux. Il est devenu impératif qu’au-delà des seuls processus démocratiques, dont chacun connaît les faiblesses, les citoyens puissent aussi massivement exprimer et défendre leurs revendications, quand celles et ceux qu’ils ont élus ne représentent plus leurs opinions, leurs idées, leurs valeurs.
Depuis le Sommet de la Terre de Rio, en 1992, auquel assistaient des milliers d’ONG venues du monde entier, réunies dans un sommet parallèle (le Forum Global), depuis aussi l’avènement d’Internet, on assiste à une évolution et un développement formidables de la société civile. Celle-ci présente plusieurs particularités spécifiques.
D’abord, une ramification phénoménale, comme on peut le voir dans le cas de la grippe : des informations, des messages, des pétitions, des vidéos et articles, ont été propagés de toutes parts, avec une grande diversité d’opinions, d’éclairages, de sources. Immanquablement, on a pu voir des infos très folkloriques, certaines carrément paranoïaques, d’autres mal ou pas étayées, mais loin de m’en offusquer, je vois plutôt là le signe de quelque chose de riche, multiforme, non régimenté, duquel finit quand même par se dégager un fond commun qui – on le voit aujourd’hui – peut réussir à s’imposer. Face à la pensée unique, face à la concentration des pouvoirs économiques, médiatiques et politiques, un tel réseau vivant, un tel maillage polymorphe se révèle être une force et prévient toute prise de pouvoir par une personne, une association, une ONG.
Ensuite, une forme de désintéressement, puisque contrairement aux pouvoirs économiques et politiques, les membres de la société civile qui s’engagent pour une cause n’ont le plus souvent rien à en attendre personnellement. Ils ne sont pas rémunérés pour cela, ils n’en tirent ni pouvoir, ni argent. Tout le contraire : ils dépensent souvent beaucoup de temps et d’énergie pour défendre une cause collective, et prennent parfois des risques personnels importants. Même si des dérives sont toujours possibles (et existent), dans l’ensemble ce désintéressement – associé au maillage multiforme évoqué ci-dessus – prévient la corruption et la récupération des acteurs civils. Dans le cas de la grippe A, je connais de nombreuses personnes qui depuis des mois n’économisent pas leur temps, leur énergie et leurs moyens pour contrer la désinformation massive à laquelle nous avons eu droit initialement, et dont les recherches ont pu ensuite être relayées par des millions de gens.
Enfin, la société civile est de plus en plus la garante d’une certaine conscience collective, là où au contraire tant de décisions politiques et de productions de l’économie n’ont servi qu’à favoriser l’inconscience, l’abrutissement et l’irresponsabilité à tous les niveaux. Dans les modèles de répartition triangulaire des pouvoirs, la société civile est d’ailleurs traditionnellement associée à ce qui est culturel (au sens large) et spirituel (au sens non religieux du terme). A travers la société civile, l’humanité semble en voie d’acquérir une conscience collective, ce dont il y a tout lieu de se réjouir, tant c’est devenu impératif face aux défis qui nous attendent.
Face à cette manipulation massive des pouvoirs politiques et économiques qu’est l’affaire de la grippe A, la société civile s’est galvanisée, mobilisée, renforcée : elle a réagi avec de plus en plus de force, de solidarité, de richesse et d’élan.
L’enjeu, aujourd’hui, dépasse donc largement la seule grippe A. Ce qui est véritablement en jeu, à travers cette bataille éminemment symbolique, c’est la prise par la société civile de la place qui lui revient, une bonne fois pour toutes. Si la situation se retournait (en imaginant que les pouvoirs publics recourent à la force, p. ex.), si cette bataille était perdue, ce serait désastreux non seulement pour notre santé à tous, évidemment, mais en raison du symbole fort que représente actuellement ce combat. A travers cette lutte bien précise, en effet, la société civile est en train de prouver qu’elle est désormais incontournable, qu’elle représente bel et bien ce 3e pouvoir avec lequel les deux autres devront à l’avenir devoir systématiquement compter. Pas seulement en matière de santé, mais aussi d’écologie, de social, d’éducation, et ainsi de suite.
Les tentatives classiques dérisoires auxquelles on assiste çà et là, ces derniers jours, de vouloir mettre la lutte anti-vaccin de la grippe A sur le dos d’une ou de secte(s), dans l’espoir de jouer une fois de plus la carte de la peur et de manipuler l’opinion, montrent bien à quel point le politique et l’économique sont à court d’arguments valables pour contrer ce formidable mouvement de la société civile.
Il est donc important que la dite société civile ne baisse pas la garde trop tôt, sur ce sujet de la grippe : l’histoire et l’expérience ont montré que lorsque de tels intérêts sont en jeu, on peut s’attendre à tout.
Ce serait un joli retournement des choses, au final, si cette campagne mondiale autour de la grippe provoquait dans la société civile un tel sursaut immunitaire contre le virus de la désinformation et le cancer des intérêts privés qu’elle soit à l’avenir prête à livrer de nombreux autres combats de même importance collective !
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Sysiphe.
- Par Thierry LEDRU
- Le 06/12/2009
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Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un coeur d’homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux."
("Le mythe de Sisyphe", Albert Camus, Gallimard, 1942)
Wikipédia.
Inspiré par la philosophie existentialiste, il fait le rapprochement entre la vie comme un éternel recommencement obéissant à de grands cycles du lambda avec Sisyphe, héros de la mythologie grecque. Pourquoi une telle punition ? Camus cite plusieurs versions du mythe, la plupart expliquant la punition de Sisyphe par une insulte faite aux dieux. Une version prête à Sisyphe, mourant, la volonté d'éprouver l'amour de sa femme, en lui demandant de ne pas lui donner de sépulture et de jeter son corps sur la place publique, après sa mort. Selon une autre version, Sisyphe découvrit la liaison entre le maître de l'Olympe, Zeus, et Egine ; il s'en alla monnayer l'information auprès du père, le fleuve Asopos. En échange de sa révélation il reçoit une fontaine pour sa citadelle. Sa trop grande perspicacité irrita les dieux qui le condamnèrent à porter un bandeau et à pousser au sommet d'une montagne un rocher, qui roule inéluctablement vers la vallée avant que le but du héros ne soit atteint.
Contrairement au Sisyphe que l'on présente habituellement dans la littérature, Camus estime qu'"il faut imaginer Sisyphe heureux". Sisyphe trouve son bonheur dans l'accomplissement de la tâche qu'il entreprend, et non dans la signification de cette tâche.
"Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni fertile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux."
Il fonde son raisonnement sur de nombreux traités philosophiques et l'œuvre de romanciers comme celle de Dostoïevski et de Kafka et que le bonheur revient à vivre sa vie tout en étant conscient de son absurdité, car la conscience nous permet de maîtriser davantage notre existence.
La révolte
Refusant le suicide, Camus catégorise trois genres : le héros absurde (dont il donne l'exemple de Don Juan, du comédien et du conquérant), le suicidaire et le croyant :
- Le héros absurde fait face à l'absurdité de la vie. Il va même jusqu'à l'apprécier, recherchant toujours la même flamme, la même passion qui l'anime, comme le fait Don Juan en recherchant toujours cette première passion de femme en femme.
- Le suicidaire ne voit plus aucun sens à sa vie et fait le « Grand Saut », au même titre que le croyant, échappant ainsi à l'absurdité de sa condition.
- Le croyant, quant à lui, se livre à une cause et ne se préoccupe pas de l'essence existentialiste qui ronge tant les humains qui y ont fait face, ayant perdu la lumière et se retrouvant seuls face à leurs pensées.
Derrière ces trois archétypes de l'absurdité, Camus entend montrer que la révolte est le seul moyen de vivre sa vie dans un monde absurde. Cette révolte est plus importante dans le fait de se révolter que dans les causes défendues en elles-mêmes. Camus propose donc une théorie de l'engagement passionné et conscient qui est compatible avec le climat politique de son temps.
J'ai repris avec plaisir la lecture de cet ouvrage et j'ai retrouvé l'émotion qui m'avais étreint lorsque, adolescent, j'avais plongé dans ce texte. J'y avais trouvé le fondement dans mon engagement vers les montagnes. Une "révolte," un certain rejet des valeurs matérialistes, un désir de "conquête", non des sommets mais de mon potentiel, l'utilisation lucide et totale de mes capacités, même s'il fallait sans cesse "redescendre, " je sentais combien ces voyages en altitude me remplissait, comblait le vide d'une existence sans autre but que l'insertion sociale, les projets d'avenir, le parcours scolaire...C'était absurde effectivement, dérisoire bien que nécessaire. Mais cette nécessité n'était pas de mon ressort, elle m'était totalement imposée. L'alpinisme m'offrait au contraire une "voie" personnelle, l'inutilité du geste, de l'objectif. Monter pour redescendre ensuite, sans rien rapporter d'autres que le développement d'une quête spirituelle. Je prenais ma liberté.
Je suis heureux aujourd'hui de ressentir ceette flamme. Elle ne s'est jamais éteinte, elle a survécu aux trombes d'eau qui auraient pu l'éteindre...Je retourne toujours vers les sommets et j'y trouve désormais une paix intérieure, un apaisement à travers le jeu. Il ne s'agit plus d'une révolte, d'une euphorie "conquérante" mais de l'observation de ce que je suis devenu, de mon insertion aussi dans ce monde que je fuyais, de l'amour pour cette nature, pour la vie, de ma façon d'éprouver l'existence. Comme s'il me fallait monter en altitude pour pouvoir juger lucidement de ce qu'est réellement cet observateur.
L'amour et la nature sont les ciseleurs talentueux du diamant qui brille en chacun de nous.
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Penser et agir
- Par Thierry LEDRU
- Le 05/12/2009
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La peur n'est qu'une pensée la plupart du temps. Il convient donc d'apprendre à "penser". Pour ce qui est du danger réel, lorsqu'il est là, il ne s'agit pas de penser mais d'agir. Le reste, c'est de la dispersion.
A mon sens, le problème n'est pas de savoir avec quoi on peut éliminer la peur mais de savoir d'où elle vient. Et comme elle est nourrie par la pensée, la même "forme" de pensée ne peut pas s'en défaire. Elle ne fera que renvoyer le problème sur un autre plan ou la contenir épisodiquement. Mais, potentiellement, elle est toujours là.
Je ne peux pas me plaindre de situations que je provoque. Je dois les assumer ou les changer.
Je ne peux pas me plaindre de l'obscure réalité quand mon regard lui donne cette teinte.Je ne peux pas me plaindre de la peur dès lors qu’elle n’est qu’une projection temporelle, une pensée sans réalité.
C’est d’ailleurs ce contrôle que les situations dangereuses volontairement déclenchées peuvent permettre.
Si je suis en montagne avec mes garçons, en tête dans une voie d’escalade, si je me retrouve dans un passage ardu que j'ai du mal à lire et que je me mets à penser que si je tombe, ils vont vivre un cauchemar ou que je risque de souffrir, ça ne servira à rien dans le fait que je dois dépasser ce passage. Il faut que je concentre mes pensées pour qu’elles soient au service de mes actes: la lecture du rocher, le positionnement de mon corps, la mise en place des coinceurs. Il ne doit y avoir rien d’autre et la peur ne serait qu’un voile sur la lucidité.
Mais c’est très compliqué…
S’il s’agit d’un danger réel, immédiat, parfaitement identifié et qui n'est pas issu de mon imagination, alors mon attitude se doit d’être différente. Je dois agir et la pensée sera au service de cette action indispensable. La pensée redevient l’outil qu’elle ne doit pas cesser d’être. Il n’est pas question de se laisser emporter par les conséquences éventuelles de ce danger mais de rester ancré dans l’instant afin que les actes soient efficaces. Les pensées « temporelles » qui projettent l’individu dans un avenir incertain sont une dispersion qu interfèrent sur la qualité des actes.
La peur est intimement liée à notre perception du temps. Nous avons peur d’un passé qui nous hante et que nous craignons voir rejaillir ou nous avons peur d’un avenir que nous imaginons. Nous nous projetons par la pensée dans un espace qui n’existe pas toujours dans la réalité immédiate. Notre réaction à cette projection créé cette peur. Dont nous finissons par avoir peur… Si j’ai peur de ce qui peut arriver à mes enfants, ça n’a aucune réalité dans la vie. Ca n’est qu’une projection de mon mental, une dérive de mes pensées. A travers cette peur, j’entretiens mon identification à mon « rôle » de parent et l’ego s’en trouve conforté dans sa position.Je suis un bon père parce que j’ai peur et que j’essaie de protéger mes enfants d’un danger que j’imagine…
C’est évidemment absurde. Ca n’a aucune réalité. C’est une création de ma pensée en fonction des conditionnements auxquels j’aime me soumettre, sans me l'avouer, parce qu’ils renforcent mon ego (ou mon Moi). Cette peur me valorise. Le pire étant de transmettre cette peur à ses propres enfants comme une preuve d'amour...
"La réalité procure le stimulus, vous procurez la réaction. Vous ajoutez quelque chose en réagissant. Et si vous examinez cette chose, vous constatez que c'est toujours une illusion, une exigence, une attente, un désir insatiable. Toujours. Les exemples d'illusions abondent. "
"Chaque fois que vous êtes malheureux, vous ajoutez quelque chose à la réalité et c'est cette addiction qui vous rend malheureux. Je vous le répète, vous ajoutez quelque chose : vous ajoutez votre réaction négative."Anthony de Mello
. Il a fallu que je me retrouve au-dessus du vide, sur des prises pourries, pour cesser de penser et retrouver mon "intégrité".Elle n’aide pas non plus le skieur.
« La pensée ne cuit pas le riz, » dit un proverbe chinois.
Une fois que je serai en bas et que je me retournerai sur ma trace, je pourrai y penser, réactiver les images lorsque j’ai contourné ce bloc, évité cette barre, franchi le goulet…Tout cela relève de la pensée parce que je serai entré dans un domaine temporel qui n’est plus l’instant présent. Je créerai ainsi un catalogue de souvenirs qui me serviront d’expériences, de références. L'expérience du passé est un pas déjà fait dans le futur.A cet instant, la pensée est utile. Lorsque je me présenterai en haut d’un autre couloir, ces pensées me serviront de repères. Je chercherai à m’en détacher dès que j’entrerai dans l’action.
Lorsque je descends un couloir à skis, il m’est complètement inutile de penser à ce que je fais au risque « d’alourdir » mon corps. Il s’agit de rester dans un état de conscience physique, de respiration, de détente, de maîtrise, juste un ensemble de perceptions corporelles à l’intérieur duquel les pensées n’ont rien à faire. L’intuition d’un danger, la lecture de l’itinéraire, l’observation de la pente, la consistance de la neige, rien de tout ça n’est du domaine de la pensée mais de la perception immédiate, dans l’instant présent. Cette vigilance est un état de « non-pensée. »
Une pensée n’a aucun effet sur la réalité, c’est l’action qui produit un effet. Lorsque la pensée « j’ai faim » arrive, ça n’est pas elle qui vous nourrit mais l’action que vous allez déclencher pour répondre à cette pensée, issue elle-même d’une sensation. L’important n’est donc pas de se perdre dans un florilège de pensées mais de les recevoir comme un point d’entrée dans l’action. Il s’agit de rester ancré dans le réel et non se disperser dans une dimension mentalisée. Bien entendu que les pensées sont nécessaires et il convient de les laisser s’exprimer. Mais elles ne sont que des outils et pas l’artisan.
Le danger réclame une action, pas une pensée qui s’emballe.
L'expérience du canyoning m'a montré d'ailleurs à quel point j'aurais mieux fait de beaucoup moins "penser". Mais là, il y avait un élément "perturbateur", c'était le fait que Léo ne savait rien. Et je me suis fait piéger par la force du lien. -
La peur.
- Par Thierry LEDRU
- Le 04/12/2009
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"Chaque fois que vous êtes malheureux, vous ajoutez quelque chose à la réalité et c'est cette addiction qui vous rend malheureux. Je vous le répète, vous ajoutez quelque chose : vous ajoutez votre réaction négative.
La réalité procure le stimulus, vous procurez la réaction. Vous ajoutez quelque chose en réagissant. Et si vous examinez cette chose, vous constatez que c'est toujours une illusion, une exigence, une attente, un désir insatiable. Toujours. Les exemples d'illusions abondent. " Anthony de Mello
A mon sens, il en est de même avec la peur. La peur est intimement liée à notre perception du temps. Nous avons peur d’un passé qui nous hante et que nous craignons voir rejaillir ou nous avons peur d’un avenir que nous imaginons. Nous nous projetons par la pensée dans un espace qui n’existe pas dans la réalité. Notre réaction à cette projection crée cette peur. Dont nous finissons par avoir peur… Si j’ai peur de ce qui peut arriver à mes enfants, ça n’a aucune réalité dans la vie. Ca n’est qu’une projection de mon mental, une dérive de mes pensées. A travers cette peur, j’entretiens mon identification à mon « rôle » de parent et l’ego s’en trouve conforté dans sa position. Je suis un bon père parce que j’ai peur et que j’essaie de protéger mes enfants d’un danger que j’imagine…C’est évidemment absurde. Ca n’a aucune réalité. C’est une création de ma pensée en fonction des conditionnements auxquels j’aime me soumettre parce qu’ils renforcent cet ego (ou mon Moi). Cette peur me valorise. Le pire étant de transmettre cette peur à ses propres enfants comme une preuve d'amour...
S’il s’agit d’un danger réel, alors mon attitude se doit d’être différente. Je dois agir et la pensée sera au service de cette action indispensable. La pensée redevient l’outil qu’elle ne doit pas cesser d’être. Il n’est pas question de se laisser emporter par les conséquences éventuelles de ce danger mais de rester ancré dans l’instant afin que les actes soient efficaces. Les pensées « temporelles » qui projettent l’individu dans un avenir incertain sont une dispersion qu interfèrent sur la qualité des actes.
Mais c’est très compliqué…
Si je suis en montagne avec Nathalie, en tête dans une voie d’escalade, que je me retrouve dans un passage dangereux, si je me mets à penser à une chute éventuelle, ça ne servira à rien dans le fait que je dois dépasser ce passage. Il faut que je concentre mes pensées pour qu’elles soient au service de mes actes : la lecture du rocher, le positionnement de mon corps, la mise en place des coinceurs, il ne doit y avoir rien d’autre et la peur ne serait qu’un voile sur la lucidité.
C’est d’ailleurs ce contrôle que les situations dangereuses volontairement déclenchées peuvent permettre.
Je ne peux pas me plaindre de l'obscure réalité quand mon regard lui donne cette teinte. Je ne peux pas me plaindre de la peur dès lors qu’elle n’est qu’une projection temporelle, une pensée sans réalité.
Je ne peux pas me plaindre de situations que je provoque. Je dois les assumer ou les changer.Quant à celles qui ne dépendent pas essentiellement de moi, je me dois de m'y préparer au mieux. Pour éviter le pire.
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La noétique.
- Par Thierry LEDRU
- Le 02/12/2009
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"L'autorisation noétique" (Joëlle Mauraz, René Barbier, sur des études à partir de Krishnamurti, Aurobindo et Jung) est définie comme un cheminement vers la réalisation de soi. Elle s'enracine dans un travail de connaissance de soi (et non de savoir), menant à un métissage des aspects inconnus, niés ou refoulés, ou ignorés par conditionnement et des aspects conscients, connus, dans un lieu intermédiaire de la psyché. Jung parle de "pré-conscient"( une passerelle entre le conscient et l'inconscient). Le but est de parvenir à un élargissement de la conscience que l'on a de soi et du monde.
La visualisation.
C'est un exemple de ce que propose cette noétique. Il ne s'agit pas de "savoir" mais bien de "connaissance", il s'agit donc de le vivre à travers diverses expériences, de l'éprouver.
En 1942, Jacobson s'est aperçu que lorsqu'une personne s'imaginait par exemple en train de courir, l'image mentale de son corps en mouvement avait un impact sur son physique et ses muscles. Bien avant Jacobson, les techniques du yoga avaient déjà découvert l'impact de la visualisation, utilisées maintenant dans diverses thérapies (la PNL, la sophrologie, l'hypnose...)
L'image mentale permet de développer le pouvoir créatif de l'individu et de le conduire vers des changements positifs de sa vie. Cette technique est appuyée par les découvertes de certains scientifiques "quantiques" comme Fritjof Cappra. D'après leurs travaux, notre univers physique ne serait pas constitué de matière, comme l'ont affirmé d'autres scientifiques mais d'une force appelée ENERGIE. La matière serait la forme la plus condensée de cette énergie mais elle se révèlerait, à des niveaux d'analyse subtils, tels que les niveaux atomiques, sous la forme de particules de plus en plus fines, les unes à l'intérieur des autres, pour finalement se réduire à l'état d'énergie pure. D'un point de vue physique tout ce qui existe serait énergie et l'être humain ferait partie intégrante de cette énergie.
L'énergie émet des vibrations, à des vitesses différents, qui lui confèreraient des qualités différentes, du plus subtil au plus grossier. La pensée, serait selon les philosophies orientales et certains physiciens quantiques, une énergie relativement subtile.
Unedes lois de l'énergie est qu'un niveau vibratoire d'énergie tend à attirer l'énergie de même qualité et de même vibration. Ainsi, selon cette approche, quelqu'un qui développe sans cesse des énergies négatives attirrera les personnes émettant le même type d'énergie. L'inverse est évidemment possible.
cette théorie rejoint le concept de synchronicité décrit par Jung ou les "champs morphogénétiques" de Rupert Sheldrake. Il existe une coïncidence significative ou une correspondance entre un évènement physique qui ne sont pas causalement reliés l'un à l'autre, des idées analogues ou identiques se présentant simultanément à différents endroits. Ni les unes, ni les autres de ces manifestations ne peuvent se s'expliquer par la causalité sur laquelle repose notre vision cartésienne du monde physique.
Ainsi nos pensées mobiliseraient une énergie qui tendrait à attirer et à créer la forme correspondante sur le plan matériel.
Selon Shakti Gawain, ce processus est un processus d'ouverture de la conscience au cours duquel l'individu découvre ses inhibitions, ses limites, ses conditionnements et parvient à les dépasser.
Abraham Maslow a également travaillé dans cette voie." Vers une psychologie de l'être". Bien d'autres encore. Chaque "école" de pensée use de termes différents mais l'idée reste la même :
L'énergie. -
Une expérience (suite)
- Par Thierry LEDRU
- Le 01/12/2009
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Nathalie crie « bout de corde. »
Je n’ai pas de relais. Aucun ancrage possible, aucun point d’assurance. Impossible de rester suspendu, je dois avancer.
« Nat, détache toi et monte en même temps que moi, corde tendue. »
Pas le choix. Si un de nous deux tombe, on part.
Les yeux rivés sur les « prises »…
Léo, Léo, Léo.
Ne pas tomber. Vas-y Nat, tu peux le faire.
Garder l’équilibre, avancer en souplesse, anticiper, ne pas hésiter, ne pas rester trop longtemps sur un appui, rien ne tient longtemps, se mettre en apesanteur…La volonté comme support. Se poser sur l’énergie comme sur un socle solide. Ancrer les doigts sur la terre et des yeux tout retenir.
Un bosquet enfin. Je m’attache. J’avale la corde. Nathalie m’a toujours suivi. Bon Dieu, quelle énergie. Je me surprends à sourire. Je l’aime. J’ai une confiance totale en elle. On va s’en sortir. On va s’en sortir.
Nathalie me rejoint. Des coulées de sueur sur son visage. On ne s’est même pas arrêté pour enlever nos vestes. En pleine paroi, le soleil nous cuit, pas un souffle d’air.
« Si tu n’avais pas nettoyé les prises, je ne serais jamais passé là-dedans. C’est dingue, comment tu fais pour savoir où tu peux tenir ?
-Je ne sais pas Nat, je ne sais pas. »
Troisième longueur. A l’horizontale, pas moyen de monter, je traverse vers les arbres. On doit être cent cinquante mètres au-dessus de la rivière. J’atteins la forêt. Aucun soulagement. J’ai juste envie de courir jusqu’en haut. Ca n’est pas fini. Nathalie arrive, on enlève la corde, je fais des anneaux autour de la poitrine et on monte droit dans la pente. On crève de soif.
Un mur de ronces, d’arbustes entremêlés, rien, aucun passage, on est au pied d’une barrière végétale d’une densité invraisemblable. Aucune échappatoire.
Le calice jusqu’à la lie.
Je rentre tête baissée dans le mur, envie de tout briser, de tout détruire, de raser cette jungle d’épineux. L’impression que tout ce qui griffe et déchire s’est regroupé ici. La corde et le sac sur mon dos s’accrochent sans cesse, je dois déployer des efforts gigantesques pour gagner un mètre. Nathalie me suit dans le sillage de la tranchée que j’essaie de creuser. On est à quatre pattes, impossible de se redresser, je ne sais pas vers quoi on se dirige, comme si ça n’allait jamais s’arrêter. J’aperçois des bouts de verre, des bouteilles brisées à moitié recouvertes de terre, puis des éclats de tuiles, un grillage, un seau…Il doit y avoir une route au-dessus de nous. C’est le dépotoir du coin. Il faut monter. J’ai des étoiles devant les yeux, le cœur dans la bouche, la gorge en feu, des tremblements dans les bras. Je redescends de deux mètres avec la terre qui s’effondre sous mes pieds. La pente est toujours aussi raide, il faut prendre les ronces à pleines mains pour se hisser. J’essaie de tirer sur mes manches pour protéger ma peau mais ça ne tient pas, j’ai la rage, une haine qui me pousse vers le haut, je veux sortir de ce merdier, je rampe, je casse, j’entends Nathalie qui me suit, elle veut utiliser un bout de bois pour taper sur les ronces mais elle n’a même pas la place pour armer son bras, on est empêtré dans un amas compact, serré, d’une densité invraisemblable, toutes les plantes se sont entremêlées pour résister à la pente et à l’érosion, ce sont les racines qui retiennent le sol, il n’y a même pas de traces animales, rien, aucune sente, rien de vivant ne doit s’aventurer dans ce fouillis, sinon des souris.
« Il faut qu’on sorte de là Nathalie, j’en peux plus. »
Une église qui sonne au-dessus de nous, je devine un mur blanc.
Cinq coups.
« Putain, c’est cinq heures. Léo doit croire qu’on est mort ! »
Je recommence à tout briser, à ramper, je suis à plat ventre, je ne peux pas me redresser, je râle, je m’encourage, la corde doit être déchirée par les ronces, ma veste, le sac, les sangles, tout s’accroche et me retient. J’ai les mains en feu, déchirées, lacérées.
Là, une trouée. Une ouverture, un coin de ciel, un mur, à cinq mètres.
« Nat, y’a une sortie, je vois un mur ! »
Je saisis un tronc, je me laisse tomber sur un buisson de ronces et d’orties, j’écrase tout ce que je peux, j’ai une jambe prise dans un amas de branches, je me mets sur le dos, je me retourne, je rampe, la corde s’accroche, je me débats, je me relève, la sortie, là, juste devant moi.
J’avance à quatre pattes dans un champ. On est juste sous le mur de l’église. Je m’écroule dans l’herbe.
Je suis vidé. Je ferme les yeux. Le cœur qui bat comme un tambour.
J’entends Nathalie qui lutte encore.
Mon bras droit tressaute sans cesse.
Je n’ai plus de salive.
Et ce sourire intérieur qui me saisit.
« Viens Thierry, lève-toi, il faut qu’on trouve une voiture. »
Je me redresse en tremblant et je la suis. Je suis vidé.
Nathalie ne lâche rien.
« Il faut qu’on descende en voiture. Pas question de chercher un chemin.
-Mais t’as vu dans quel état on est ? Personne ne va nous prendre si on fait du stop.
-J’arrête la première voiture qui passe, je ne vais pas faire du stop. »
On trouve un robinet à l’entrée du cimetière. Je suis entrain de boire quand une voiture arrive sur le parking. Nathalie descend immédiatement vers la conductrice. Une moto s’arrête à son tour.
Je bois, je bois, des litres d’eau. Je regarde Nathalie qui explique la situation. Je ne sais pas ce qu’elle dit. Il lui faut deux minutes pour convaincre les deux personnes. Une femme et un homme. Un rendez-vous amoureux peut-être. Je m’approche. Nathalie explique où on a laissé la voiture. L’homme connaît l’endroit. Un quart d’heure de voiture. Ils sont d’accord pour nous descendre. Je suis estomaqué que Nathalie ait réussi à les convaincre aussi vite.
J’ai une crampe dans le bras droit. Des tremblements dans les jambes.
Nathalie doit m’aider pour enlever mon baudrier. J’ai envie de vomir.
On met des couvertures et des vieux tissus pour protéger la banquette de nos habits terreux et on part.
On explique pendant la route ce qu’on a vécu, Léo qui nous attend, qui ne sait pas si on est vivant.
Un car nous ralentit sur la route sinueuse.
« Et en plus, vous ne savez pas si votre garçon a réussi à redescendre tout seul », dit la femme.
On n’y avait même pas pensé…
Un doute effroyable. Et s’il lui était arrivé quelque chose avant qu’il ne rejoigne le chemin. J’essaie de me souvenir des obstacles qu’on avait rencontrés avant d’arriver à la cascade…Non, Léo ne peut pas tomber là-dedans, c’est impossible, pas lui.
On arrive sur le parking, tout au bout d’une piste caillouteuse. On ne voit pas Léo. Un coup au cœur, la peur, terrible, une vague qui me submerge, je descends de la voiture avant qu’elle ne soit arrêtée, je crie.
« Léo !!!
-Regarde Thierry, sa veste est là ! »
Sur le capot. Il est redescendu, il est vivant, il doit nous chercher en bas du torrent ou alors il est descendu au village pour prévenir les secours.
J’appelle encore. On réfléchit.
Je vais descendre en voiture au village. Nat va rester là. Non, je vais d’abord appeler la gendarmerie pour savoir si Léo a déclenché les secours.
« Tiens, le voilà votre garçon ! »
L’homme nous le montre du bras.
On se retourne vers le chemin.
Léo.
On court vers lui, on le prend dans nos bras, on le serre. On reste tous les trois enlacés.
« Mais où vous étiez ?
-On s’est foutu dans une galère, tu ne peux pas imaginer. On ne voulait plus descendre par le torrent.
-Ca fait combien de temps que tu es là ?
-Trois heures. J’avais décidé de casser une vitre et d’appeler les secours. J’étais remonté une dernière fois sur le chemin. Je pensais que vous alliez arriver par là. »
Toutes les explications qui déboulent en désordre.
Nos deux convoyeurs nous laissent. On les remercie chaleureusement.
On prend les gourdes dans le coffre. J’ai des crampes et les mains en feu. Elles sont lacérées. Des chapelets d’épines. J’arrive à peine à enlever mes habits.
Léo s’est assis à l’arrière. Il ne dit rien. On continue à lui expliquer tout ce qui s’est passé.
« On savait que tu devais être mort d’inquiétude. On ne pouvait pas te joindre. On a fait une autre connerie, on aurait dû te laisser la clé de la voiture, on aurait pu s’appeler. On voulait te rejoindre le plus vite possible.
-Mais si vous aviez suivi le torrent, vous seriez descendus beaucoup plus vite.
-Oui, on le sait maintenant mais on ne voulait plus retourner dans l’eau. On ne pensait pas qu’on allait tomber sur une falaise. On s’est laissé piéger. On n’a pas assez réfléchi. On est désolé Léo, su tu savais comme on a pensé à toi, tout le temps, c’était ça le pire. Se dire que tu nous croyais morts. C’est ça qui nous a donné la force d’avancer, tout le temps.
-J’aurais préféré être avec vous.
-Oui, on sait Léo. Mais on ne pouvait pas te faire descendre dans cette cascade alors qu’on avait failli y mourir tous les deux. Ca aurait été complètement dingue. Mais on sait très bien que ce que tu as vécu est encore pire. Toi, tu ne savais rien.»
S’expliquer, raconter, vider les émotions, les questionnements…Pendant la route, à la maison, pendant le repas…Le lendemain encore…
Et puis ce besoin de tout écrire.
Garder une trace. En tirer les enseignements.
Il faut des combinaisons néoprène, elles permettent de flotter et de ne pas avoir à lutter contre le poids de l’eau. Il faut faire des rappels avec une poignée de spéléo à ouverture automatique. Le descendeur d’escalade est un piège une fois qu’on est dans l’eau. La corde double de quarante-cinq mètres était trop longue et devenait trop lourde une fois gorgée d’eau. Les techniques d’alpinisme ne suffisent pas pour la pratique du canyoning. Mais elles nous ont servi pour franchir la falaise. Sans cette pratique de la montagne, on serait tombé…
Des ressources insoupçonnées. Un autre enseignement. On le savait déjà, on connaissait ce potentiel généré par la situation d’urgence.
Ce mental qui porte ce que je sais faire en montagne, ces connaissances techniques et la maîtrise de mon corps. Sans lui, je serais tombé. Mais il a également montré ses dissonances, les tourments qu’il ne sait pas contrôler.
Et cette énergie, encore là cette fois, cette force en moi qui n’est pas à moi…
La conscience d’une vie bien plus réelle que mon existence.