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Le moi. (spiritualité/ le moi)
- Par Thierry LEDRU
- Le 16/12/2009
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Le trou dans l'arbre est donc ignoré par notre obstination à nous concentrer sur l'environnement et les relations qu'il génère. Notre nature réelle est détournée, étouffée, ignorée parce qu'elle est beaucoup moins saisissable, elle réclame une vigilance constante. Le philososphe écossais du XVIII ème siècle, david Hume, regardait constamment "à l'intérieur de lui-même" pour essayer d'y découvrir une entité qu'il aurait pu appeler son "vrai moi" mais il tombait toujours sur les perceptions sensorielles et les "habitus." (La notion d'habitus (Aristote et Socrate) a été popularisée en France par le sociologue Pierre Bourdieu. L'habitus est pour lui l'ensemble des expériences incorporées et de la totalité des acquis sociaux appris aux cours d'une vie par le biais de la socialisation).
Cette difficulté provient du fait que le moi qui sous-tend toute expérience ne peut pas lui-même être expérimenté d'une façon objective. Dans une expérience, il y a l'objet expérimenté et le sujet d'expérience, l'expérimentateur. Comment faire de l'expérimentateur l'objet d'expérience lui-même ? Comment se détacher du sujet expérimenté lorsque ce sujet est l'expérimentateur ? Si je cherche à éclairer un suet à travers mon raisonnement, je dirige sur lui la "lumière" de mon raisonnement mais que vais-je éclairer si le sujet est lui-même la source de la lumière ? Ce rayon lumineux ne risque -t-il pas d'être manipulé par l'émetteur lui-même, ne risque -t-il pas d'être influencé, détourné, "enluminé" ?
Cela ne signifie pas pour autant que le vide dans le trou de l'arbre ne peut pas être éprouvé mais qu'il ne peut pas l'être dans le même champ d'expériences que l'environnement, avec les mêmes "outils". Ca ne serait qu'une hallucination à laquelle nous finirions par nous identifier comme nous le faisons pour notre "moi". Ca ne servirait à rien. Notre identité sociale, physique, psychologique, émotionnelle est fluctuante, instable, elle varie au fil des expériences. Ce sont des catalogues de caractéristiques qui ne sont pas intangibles. Mais il existe pourtant également un Moi, une entité immuable qui a le pouvoir de considérer ces changements sans que ces changements n'influent sur lui. C'est l'identité véritable. L'expérimentateur. Mais un expérimentateur qui doit parvenir à se dessaisir de lui-même comme "objet"...Ce serait un état de conscience pure, dépourvu de tout contenu. Il ne s'agit pas là de s'observer dans les évènements extérieurs mais d'entrer dans un espace sans expérience et que cette observation ne devienne pas elle-même une expérience...Au risque de renvoyer l'expérimentateur face à son objet... Etre conscient de n'être conscient de rien...Comme si l'on écoutait mais qu'il n'y ait rien à entendre. Mais ce silence est un bruit inaudible, il est toujours là. Alors quelle est cette conscience qui n'a conscience de rien ? Dans quel "univers" intérieur se trouve-t-telle ?
Beaucoup de mystiques ont écrit qu'elle était de l'ordre de "l'inneffable."
Le Tao Te King
"Le Tao qui peut être décrit n'est pas le Tao."
Le Mandukaya Upanishad.
"Ce n'est pas la connaissance extérieure
ce n'est pas la connaissance intérieure
pas plus que la suspension de la connaissance
ce n'est pas savoir
ce n'est pas ignorer
pas plus que ce n'est l'ignorance elle-même
ça ne peut pas être davantage vu que compris
on ne peut pas y indiquer de frontière
c'est ineffable et au-delà de la pensée
c'est indéfinissable
ce n'est connu qu'en le devenant."
Maître Eckhart, le mystique chrétien du XIII ème siècle.
"Tout ce que l'homme vit ici extérieurement en multiple est intrinsèquement Un. Ici, toutes les brindilles d'herbe, bois et pierres, toutes choses sont Unes. C'est la plus profonde profondeur."
Le vide dans le trou de l'arbre, le Moi, comme le point de fusion de la Vie.
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Le trou dans le bois. (spiritualité /le moi)
- Par Thierry LEDRU
- Le 15/12/2009
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Daniel Cowan fait une analogie entre notre perception de notre moi et un trou dans un morceau de bois...Ce trou peut être décrit par rapport à la couleur du bois, sa forme, sa dimension, la texture du bois, la régularité du contour etc...mais il ne s'agit réellement jamais du trou lui-même, c'est à dire du vide qui le constitue, de la qualité de l'air qui s'y trouve, en fait de tout ce qui se trouve dans l'espace même de ce trou et non de ce qui l'entoure. Les qualités du trou sont trop abstraites pour être clairement définies et surtout nous avons l'habitude (le conditionnement) de porter notre attention vers l'environnement plutôt que vers le sujet lui-même. Il en est de même avec notre "moi". Notre sens d'identité personnelle est généré par notre environnement et toutes les expériences vécues dans cet environnement. Nous construisons notre schéma en fonction de nos interractions avec cet environnement, notre capacité à nous y insérer, à y prendre forme, à nous modeler en fonction de toutes les influences que nous subissons. Possessions, rôles, appartenances, croyances, statuts, sont des données rapportées au fil de l'existence et nous les érigeons en identité. Et pourtant, ce "moi" n'est qu'un ectoplasme fabriqué sur mesure, par l'individu lui-même mais en fonction d'intentions projetées vers l'environnement. Il se moule en choisissant l'atelier de poterie qui répond à ses désirs. Cette identité devient son bien le plus précieux et il s'efforcera de la renforcer par des rencontres, des expériences, des situations qui valideront ces "choix".
Qu'en est-il si par malheur pour lui cet environnement vient à être perturbé à un tel point que les repères s'estompent ou disparaissent ? Que reste t-il de l'individu ? A quoi peut-il se raccrocher pour ne pas tomber dans le vide existentiel qu'il avait justement toujours évité d'explorer ? Cette conscience du vide survient avec une telle violence que tous les repères volent en éclat. Il n'y a plus de bois autour du trou. Divorce, chômage, dépression, maladie, accident, décès d'un proche, les éléments capables de ronger le bois comme des animaux xylophages sont nombreux et redoutables. Le plus souvent inattendus.
Jusque là, le "moi" se nourrissait de tout ce qui était "non moi" mais convenait à l'image de cette "identité". Si l'environnement devient une source de peur et de danger, ce vide jamais exploré n'offre aucun ancrage. C'est le néant qui apparaît, un néant aussi terrifiant que l'image que l'on a de la mort, il ne reste rien, l'individu a disparu parce que l'environnement ne le maintient plus en état. La mort nous sépare de la reconnaissance de nos proches, de la possession de nos biens, de nos réalisations matérielles, de tout ce qui nous entoure autant que de tout ce que nous portons, souvenirs, sentiments, attachements. Ces "pensées" ne sont d'ailleurs bien souvent que des excroissances de nos expériences environnementales. Elles sont générées par nos relations, c'est à dire encore une fois par des éléments autour du trou dans le bois...
Ce travail d'identification exige une dépense d'énergie constante et souvent une imagination débordante afin de multiplier les expériences favorables à cette construction. Les psychologues appellent ce fonctionnement "le renforcement psychologique". La vie devient donc une consolidation permanente par "expériences extérieures." Il se peut très bien que la personne soit parfaitement heureuse de ce fonctionnement. Mais elle instaure un fonctionnement très égotique dans le sens où l'environnement se doit d'entretenir ce fonctionnement. La plupart des activités humaines consistent à défendre cette identité et le bas niveau de synergie s'explique ainsi facilement...Il y a "moi", ce vide entouré par des entités vides qui existent de par leur environnement et qui me font vivre. Ca ne créé aucune cohésion, fusion, osmose mais un entrelac de relations de dépendances.
On en revient par conséquent toujours au même problème. Que se passe -t-il si tout s'effondre ?
La possibilité pour le trou d'exister enfin.
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Les voyageurs du possible.
- Par Thierry LEDRU
- Le 12/12/2009
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Un film de Priscilla Telmon, une personnalité que j'estime grandement.
"Voyage au Tibet interdit" est un film à voir absolument.
"Les gardiens de l'eau" est un film sur l'Inde et le problème de l'eau.
http://www.dailymotion.com/video/x905vf_inde-les-gardiens-de-leau13_tech
http://www.dailymotion.com/video/x9060u_inde-les-gardiens-de-leau23_tech
http://www.dailymotion.com/video/x90640_inde-les-gardiens-de-leau33_tech
La technique d'épuration naturelle dévoilée dans la troisième partie est un bel exemple de ce que nous pourrions faire ici aussi...
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Pyramide de Maslow.
- Par Thierry LEDRU
- Le 12/12/2009
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Les besoins que tout individu cherche à satisfaire par ordre de priorité.
1.Survie : besoins physiologiques : faim, soif, sommeil, …
2.Sécurité : besoins de sécurité : protection morale et physique…
3.Socialisation : besoins de socialisation : amitié, affection, échange…
4.Estime : besoins d’estime : respect de soi, considération, prestige…
5.Accomplissement : besoins d’accomplissement : réalisation personnelle…
Où en sommes-nous actuellement dans notre société occidentale ?
Est-ce que cette crise économique a une incidence dans notre cheminement sur cette pyramide ?
La peur générée par la crise écologique (réchauffement climatique, catastrophes naturelles, oppositions exacerbées des scientifiques, atonie des dirigeants, vision court termiste...) ne créé t-elle pas une atteinte immense dans le sentiment de sécurité ?
Si nous ne pouvons même plus être à l'abri sur la planète, comment le serions-nous dans notre pays, dans notre maison ?
La socialisation ne risque -t-elle pas d'être limitée par cette atteinte à ce besoin de sécurité ou va -t-elle engager une conscience commune et par conséquent une démarche planétaire ?
L'estime de soi peut elle être renforcée par cette lutte commune contre un risque général ?
Ne pouvons-nous pas trouver dans la conscience partagée par tous les peuples une unité jamais établie à travers la compétitivité économique ?
Cette réalisation personnelle peut elle user de cet tremplin ?
Existe t-il une quête spirituelle à saisir dans cette problématique planétaire ?
Je n'ai aucune réponse...Je cherche.
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JUSQU'AU BOUT : La conscience.
- Par Thierry LEDRU
- Le 11/12/2009
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JUSQU'AU BOUT
"On peut considérer les choses de deux façons : soit vous voyez la conscience comme unique mais possédant différents niveaux, comme si elle habitait dans un immeuble. Vous démarrez au rez-de- chaussée et vous essayez de gravir les étages. Le risque dans ce genre de métaphore, c’est de pouvoir à tout moment retomber aux étages inférieurs. Si par contre, vous considérez que les consciences sont multiples, vous les voyez comme possédant chacune une maison. Pour progresser, vous devez quitter la première demeure et intégrer la suivante. La distance vous séparant de la première demeure abandonnée vous protègera quelque peu du risque de faire demi-tour. Il faut en fait établir une séparation importante pour ne pas céder à la tentation. Et les tentations sont extrêmement nombreuses et perverses. Pour notre part, nous voyons quatre niveaux de conscience séparés. Le premier, c’est celui de l’homme endormi. C’est un état passif. Même si l’individu garde quelques souvenirs de ses rêves, il n’a rien contrôlé. Il s’est abandonné et ne cherche rien d’autre dans cet état que le repos. Le deuxième état, c’est celui de l’homme réveillé. A première vue, c’est un état de conscience actif, l’individu semble prendre des décisions, faire des projets, rencontrer d’autres personnes. Il s’agit en fait d’un état de sommeil agité. On dit « agité » car effectivement il connaît des moments d’activité. Mais il n’a toujours pas conscience de son moi profond, de son essence, de sa place comme participant dans une nature identique à lui-même. Il est toujours dans son moi enveloppé. Il n’existe qu’à travers sa personnalité qui n’est pas un état d’existence, ni de conscience. C’est un état d’inconscience où l’individu est actif mais jamais pensif. Tout arrive à cet homme là, ce qui fait qu’en réalité, il n’agit pas. Il réagit ! Malgré tout, il reste persuadé d’être conscient, ce qui rend extrêmement difficile toute tentative de l’attirer sur une autre voie. Le troisième état laisse entrevoir à de brefs instants des halos de clarté, la prescience que quelque chose de supérieur existe, qu’il est possible de le découvrir, qu’on se dirige vers une illumination. Mais tout cela provient de l’extérieur, c’est par exemple une musique, un paysage, une relation amoureuse, un regard d’enfant, parfois l’usage de drogues. Comme il n’y a aucune maîtrise de ces états, tout s’effondre désespérément, parfois au bout de quelques secondes. Nos conditions de vie sont beaucoup trop difficiles et abrutissantes pour permettre à l’individu de se mouvoir durablement dans ces états sublimes. Ce n’est pas l’homme lui-même qui est coupable mais ce que l’homme en général a fait de la vie. Une course effrénée. Il existe néanmoins un grand espoir lorsque l’individu a pu goûter à ce bref instant de bonheur. Si une aide extérieure peut le guider, un professeur ou un livre, à la demande bien sûr de cet individu, il est possible qu’il parvienne peu à peu à s’engager dans une voie nouvelle. C’est un travail très long. Voilà la difficulté principale. Quant au quatrième état, il existe lorsque l’individu parvient à contrôler ces états d’illumination, lorsqu’il a conscience de lui-même, hors de toutes pressions extérieures, baignant dans une paix absolue, et qu’il reçoit l’ensemble des émotions et des connaissances relatives à l’essence de l’être et à sa communion avec l’univers. Ce sont souvent des états décrits par des religieux, des mystiques, des ermites, quelques écrivains, des maîtres yogis, des sportifs parfois lorsque leurs activités impliquent un engagement dans une nature sauvage. Bien souvent, les hommes ne dépassent pas les deux premiers états, ceux qui éprouvent parfois quelques moments de clairvoyance en sont souvent effrayés et rejettent cela sur le compte de la fatigue, de l’alcool, du stress ou de toutes autres excuses réductrices. Le troisième état leur reste donc fermé. Quant au quatrième état, il ne peut être atteint qu’après avoir éprouvé durant de longues années de terribles échecs et quelques moments de sérénité et d’éblouissement, mais surtout après avoir réalisé un considérable travail sur soi."
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La vérité
- Par Thierry LEDRU
- Le 11/12/2009
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Un jour, un jeune disciple alla voir son maître et lui dit : "Maître, je vous en prie, dites-moi tout de la vérité car je n'arrive pas à la trouver."
Son maître prit une pomme qui se trouvait là et lui dit:
"Dites moi donc ce qu'est ceci?"
Le jeune moine croyant que son maître se moquait de lui, lui répondit:
"C'est une pomme.
-Et bien non ! lui répondit le maître. "Pomme" est le mot que l'on a inventé pour désigner ce qui est devant toi mais qu'est-ce?"
Le jeune moine, interloqué, réfléchit quelques instant et dit :
"C'est un fruit.
-"Fruit "est également un mot et ce qui est devant toi n'a rien d'un mot, alors qu'est-ce donc?"
Le moine eut beau tourner la question dans tous les sens, les réponses qui lui venaient à l'esprit n'étaient toujours que des mots. Alors, résigné, il demanda à son maître de lui donner la réponse.
Celui-ci dit :
"Lorsque l'esprit n'a plus de réponse à fournir, devant son impuissance, vient la vérité. Crois-tu que l'arbre qui est devant toi soit réellement un arbre ? Pas plus que la pomme car "arbre" est un mot. Si tu revois cette pomme dans quelques jours,elle sera pourrie. Pourtant, tu croiras toujours être en présence d'une pomme mais tu seras passé à côté du processus de la vie qui anime ce que tu appelles "pomme".. -
Lâcher prise.
- Par Thierry LEDRU
- Le 10/12/2009
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Dans la vie de tous les jours, cette attitude d'acceptation de ce qui est n'est pas une soumission à une quelconque fatalité, c'est au contraire une lutte constante contre les entraves que l'on se fabrique. Ca réclame une lucidité délicate à maintenir...Je suis responsable de ce que je vis et lorsque je ne le suis pas parce qu'il s'agit d'éléments extérieurs et bien je les accepte, je les assume mais sans colère, ils sont là, je dois les éprouver, les surmonter et pour le faire il s'agit avant tout de ne pas les refuser.
Pendant l'ascension, le lâcher-prise consiste à rester dans cet état de sérénité en maîtrisant les actes sur lesquels j'ai une influence et à rejeter de mon esprit les situations qui m'échappent. Le contrôle du mental a dans cette optique une importance considérable. Je sais pour l'avoir vécu que la conscience de l'instant présent ne peut être réelle qu'à partir du moment où ce lâcher-prise est constant. Les tourments psychologiques sont des fardeaux dès lors que la situation réclame une implication totale de l'individu. Il ne me servirait même à rien de regretter par exemple de n'avoir pas pris un coinceur no8 (matériel d'escalade). Il n'est pas là et y penser ne me l'amènera pas dans les mains. Rester là, dans l'instant, ne rien laisser perturber ce que je vis, ne pas créer d'entraves.
Une fois que tout cela aura été effectué, il ne restera qu'à attendre le créneau météo favorable. Ce laps de temps, il serait inutile que je le remplisse de pensées anarchiques sur l'éventualité d'un accident, une retraite compliquée, une issue tragique...Ca ne serait qu'un fardeau que je transporterai en plus de mon sac le jour venu. Il s'agit au contraire d'entrer dans une sérénité apaisante, sachant que j'ai accompli tout ce que je devais faire pour ce projet. Le lâcher-prise consiste à ne pas parasiter tout le travail effectué au risque de créer une peur invalidante. Bien sûr qu'une chute de pierres est toujours possible, un imprévu, mon compagnon de cordée qui fait une erreur mais ce sont des éventualités qui ne m'appartiennent pas, contre lesquelles je ne peux rien, sinon de faire en sorte d'avoir une condition physique irréprochable.
Je prends un exemple : j'ai l'intention de faire un sommet par une voie réputée difficile, un niveau que je n'atteins que rarement et qui va nécessiter de ma part un engagement complet. Je vais m'y préparer, mettre au point un entraînement progressif, une alimentation réfléchie, une hygiène de vie la plus équlibrée possible, des sorties en montagne pour travailler mon endurance, des séances d'escalade avec des objectifs élevés par rapport à mon niveau habituel, etc...
Pour ma part, je ne vois pas le lâcher-prise comme une "perte" de soi mais bien au contraire comme un état de plénitude. Il s'agit d'être dans un état de relâchement vis à vis de mes actes, de mes décisions, de mes intentions, de mes réflexions...Il s'agit à mon sens de faire la distinction entre les éléments qui sont totalement de mon ressort ( l'idée d'une voie déjà tracée, c'est un autre sujet...) et les éléments qui ne me concernent pas, même s'ils font partie de ma vie, mais sur lesquels je ne peux rien et pour lesquels il est donc inutile que je dépense une quelconque énergie.
Le lâcher-prise consiste dès lors à ne pas m'attarder ou à me tourmenter pour ces éléments qui m'échappent. Il ne reste qu'à les recevoir. Il n'est pas question pour autant de les subir ou de s'y soumettre mais ils n'ont pas à être couverts par des émotions. Les pensées émotionnelles afférentes à ces situations sont des fardeaux et elles ne m'aideront en rien à les régler. C'est ce que j'appelle la "réaction" par rapport à la "réalité".
Un exemple typique est de se tourmenter par rapport à un jugement qui m'est attribué par une personne. Si je sais que ce jugement correspond aux à-priori, aux conditionnements, aux traumatismes de cette personne ou à une mauvaise interprétation de sa part, il est inutile que je cherche à "lutter" pour rétablir ce que je sais être la "vérité" à mon sujet. C'est à cette personne de faire ce travail. Si je sais que je ne suis pas responsable de cet état, je ne peux rien y faire. Ce qui réclame à postériori une observation lucide de ce que j'ai envoyé comme "informations" à cette personne. Si je m'aperçois qu'effectivement je me suis mal exprimé ou mal comporté, alors je me dois d'intervenir pour ME corriger. Mais il ne s'agit pas de vouloir intervenir sur l'opinion que cette personne a de moi. C'est juste la nécessité de faire ce que je dois faire pour ne rien porter, pour n'avoir aucune responsabilité liée à une quelconque erreur de ma part. Ensuite, ce que cette personne va faire de ma rectification ne me concerne pas. C'est SON travail.
Le lâcher-prise consiste à faire cette distinction dans toutes les situations et à laisser tomber les fardeaux, les "emprises" mentalisées qui sont liées à notre égo. Dès lors qu'on a une intention qui ne nous concerne pas, on se place dans la situation de la désillusion éventuelle. On est entièrement responsable dès lors de la tristesse, de la détresse qui nous submerge.
Ne pas lâcher-prise consiste à apporter nos réactions à la réalité, des réactions émotionnelles qui ne sont que les reflets de nos intentions, de nos espoirs, de nos attentes, de nos désirs, de nos conditionnements, de notre histoire, de nos fonctionnements mentalisés...Tout ce qu'on traîne...Et auquel on s'est identifié.En tout cas, ce "lâcher prise", je pense qu'il est possible de l'appliquer en diverses circonstances dans le sens où il est envisageable de s'ancrer volontairement dans ce "détachement" sensitif et mental, de ne devenir que cette présence dans l'absence...
J'ai l'impression lorsque je marche depuis des heures en montagne que la perdition de mon énergie favorise un "détachement" envers cette enceinte corporelle dans laquelle je prends forme. Le fait d'être entré et de me complaire dans la mécanique lancinante de la marche génère un décrochement du mental mais également une évaporation physique. Non seulement mes pensées tombent avec ma sueur, je les égrène sur les pentes mais je perds aussi cet attachement dans lequel j'existe en permanence. C'est difficile à exprimer en quelques mots sans décrire tout le cheminement.L'idéal, c'est d'en écrire un roman. Ou plusieurs.
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Rendez-vous avec la mort. (spiritualité/mort)
- Par Thierry LEDRU
- Le 09/12/2009
- 2 commentaires
Un matin, le khalife d'une grande ville vit accourir son premier vizir dans un état de vive
agitation. Il demanda les raisons de cette apparente inquiétude et le vizir lui dit :
- Je t'en supplie, laisse-moi quitter la ville aujourd'hui même.
- Pourquoi ?
- Ce matin, en traversant la place pour venir au palais, je me suis senti heurté à l'épaule.
Je me suis retourné et j’ai vu la mort qui me regardait fixement.
- La mort ?
- Oui, la mort. Je l'ai bien reconnue, toute drapée de noir avec une écharpe rouge. Elle est
ici, et elle me regardait pour me faire peur. Car elle me cherche, j'en suis sûr.
Laisse-moi quitter la ville à l'instant même. Je prendrai mon meilleur cheval et je peux
arriver ce soir à Samarkand.
- Était-ce vraiment la mort ? En es-tu sûr ?
- Totalement sûr. Je l'ai vue comme je te vois. Je suis sûr que c’était elle. Laisse-moi
partir, je te le demande.
Le khalife, qui avait de l'affection pour son vizir, le laissa partir. L'homme revint à sa demeure,
sella le premier de ses chevaux et franchit au galop une des portes de la ville, en direction de
Samarkand.
Un moment plus tard, le khalife, qu'une pensée secrète tourmentait, décida de se déguiser,
comme il le faisait quelquefois, et de sortir de son palais. Tout seul, il se rendit sur la grande
place au milieu des bruits du marché, il chercha la mort des yeux et il l'aperçut, il la reconnut.
Le vizir ne s'était aucunement trompé. Il s'agissait bien de la mort, haute et maigre, de noir
habillée, le visage à demi dissimulé sous une écharpe de coton rouge. Elle allait d'un groupe à
l'autre dans le marché sans qu'on la remarquât, effleurant du doigt l'épaule d'un homme qui
disposait son étalage, touchant le bras d'une femme chargée de menthe, évitant un enfant qui
courait vers elle.
Le khalife se dirigea vers la mort. Celle-ci le reconnut immédiatement, malgré son déguisement,
et s'inclina en signe de respect.
- J'ai une question à te poser, lui dit le khalife, à voix basse.
- Je t'écoute.
- Mon premier vizir est un homme encore jeune, en pleine santé, efficace et honnête.
Pourquoi ce matin, alors qu'il venait au palais, l'as-tu heurté et effrayé ? Pourquoi
l'as-tu regardé d'un air menaçant ?
La mort parut légèrement surprise et répondit au khalife:
- Je ne voulais pas l'effrayer. Je ne l'ai pas regardé d'un air menaçant. Simplement, quand
nous nous sommes heurtés, par hasard, dans la foule et que je l'ai reconnu, je n'ai pas pu
cacher mon étonnement, qu'il a dû prendre pour une menace.
- Pourquoi cet étonnement ? demanda le khalife.
- Parce que, répondit la mort, je ne m'attendais pas à le voir ici. J'ai rendez-vous avec lui
ce soir, à Samarkand.
Farid ud-Dîn Attar, poète et mystique soufi de la Perse.