Yuka et moi.
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/12/2017
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Une heure et demie à courir dans la neige avec Yuka.
J’aime sa soif de vivre, son énergie, son bonheur à suivre les pistes des chevreuils. Il fait deux fois plus de kilomètres que moi et quand il revient à mes côtés, il vient frotter sa truffe contre moi.
Il n’aurait jamais dû pouvoir remarcher. Encore moins courir.
Et c’est tout à l’heure, alors que je courais dans la neige sur les chemins de montagne que j’ai réalisé à quel point nos histoires comportent une épreuve similaire.
Je n’aurais jamais dû pouvoir remarcher normalement. Encore moins courir.
Quand j’ai roulé sur Yuka avec le camion, le premier chirurgien qu’on a vu nous a dit qu’il serait préférable de l’euthanasier parce qu’il ne pourrait plus jamais marcher.
Marine et moi, on a refusé.
Quand ma jambe gauche a été paralysée par trois nouvelles hernies discales, après avoir déjà été opéré deux fois en vingt ans, le chirurgien a dit que je risquais de perdre ma jambe gauche, définitivement, et peut-être même, vu la complexité de l’opération envisagée, de perdre la jambe droite.
J'ai refusé l’opération.
Et aujourd’hui, Yuka et moi, on court dans la neige.
Et tout à l’heure, alors qu’il cavalait devant moi et que nous arrivions au sommet d’une colline, je me suis arrêté. Yuka est revenu vers moi et il s’est allongé.
On avait tous les deux les yeux tournés vers les montagnes. Je ne sais pas ce que Yuka regardait exactement. Il ne bougeait plus. Ce qui est éminemment rare quand il est en montagne !
Je ne regardais rien de précis, juste cette vision qui balaie, sans s’arrêter sur rien, une contemplation lente et bienheureuse. Et comme souvent cette chaleur qui me parcourt a jailli, pas une bouffée de chaleur musculaire parce que j'étais en plein effort mais un rayonnement qui se déverse comme une trombe d’eau et me fait frissonner de la tête aux pieds.
Il me suffit de cette contemplation lente, comme si la vie que je ressens autour de moi venait couler dans mes fibres.
J’aime infiniment ces moments.
Il me semble que Yuka, au regard de son immobilité, éprouvait le même bonheur.
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