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  • Le déconditionnement.

    Finalement, quand je lis des livres sur la spiritualité, je vois souvent apparaître la nécessité de désapprendre, de "se libérer du connu." Comme si toute cette connaissance accumulée n'était qu'un paravent dressé devant la réalité.

    Je m'interroge dès lors sur mon rôle d'enseignant. Je participe à cette obstruction, à ce conditionnement, à cet éloignement de la réalité. Les concepts dont j'use ne sont que des idées formatées.

    Je me souviens d'une histoire racontée par Anthony De Mello.

    "Je suis prisonnier de guerre depuis un an, j'attends que mon gouvernement paie une rançon pour que je sois libéré. Mes geôliers, avec lesquels j'ai lié une certaine amitié, décident un matin de me montrer mon pays, en m'amenant à la frontière. Nous montons dans un véhicule et nous roulons pendant quatre heures. J'imagine déjà les paysages que j'aime. Enfin, nous arrivons à destination, nous descendons du camion et mes geôliers me laissent contempler les montagnes, les vallées, mon pays, mon beau pays.

    Quelques instants après, un geôlier s'approche et me dit.

    Nous n'avons pas pu aller jusqu'à la frontière en fait. C'est trop dangereux. Nous sommes encore dans mon pays. Le tien est au-delà de ces montagnes."

    Nous remontons dans le véhicule. Je suis abasourdi, assommé. A quoi ai-je réagi ? D'où venait cette émotion ? Uniquement ce conditionnement lié à mon imagination, à la transformation de la réalité, une interpétation associée à mes désirs. Je ne voyais pas ce qui existait mais ce que j'espérais voir, ce que mes souvenirs contenaient, jusqu'à me priver de toute perception sensée. Il ne s'agissait d'ailleurs même pas de mes sens mais d'une déraison qui usait des sens pour valider ce à quoi elle était attachée. Je ne voyais pas ce qui existait mais ce que je voulais voir exister. 

    "Mon pays" n'était qu'un concept, une représentation mentale, un concept partagé par des millions de concitoyens que j'imaginais être ceux de mon peuple, de ma patrie. D'autres concepts...

    Mes geôliers luttaient pour le maitien de leurs propres concepts et ils étaient finalement aussi enfermés que moi."

     

    Tout cela est consternant...

    Et mon travail avec les enfants consistent justement à les faire adhérer par une multitude de connaissances, à un conglomérat gigantesque de concepts, d'appartenance, de limitations dans leurs perceptions innées de la réalité.

    Lorsqu'ils auront grandi, certains d'entre eux apprendront peut-être à "se libérer du connu."

     

    Ils devront apprendre à regarder un arbre sans pour autant le nommer et lui donner toutes les caractéristiques scientifiques qu'ils auront amassées, ils apprendront à regarder l'Océan, les nuages, un pissenlit, une sauterelle, un ver de terre, un grain de poussière.

    Non pas regarder avec leurs yeux, écouter avec leurs oreilles, non pas user de leurs sens mais apprendre à ressentir sans rien saisir de connu, totalement vidés de tout pour qu'enfin la réalité les emplisse.

     

    Mais pourquoi perdre tout ce temps, et pourquoi perdre en route ceux et celles qui ne recontreront jamais l'intersection leur permettant de changer de voie ? Combien d'individus perdus en route en les conduisant sur un chemin tout tracé, intentionnel, matérialisé, scientifiquement prouvé, religieusement adoré, socialement reconnu.

    C'est effrayant. Et ce que je fais vivre à ces enfants est effrayant.

     

    C'est pour ça que j'écris les histoires de Jarwal le lutin.

    Je sais aujourd'hui qu'il s'agit de me purifier, de me laver de ces souillures dispensées depuis si longtemps. Et que je continue à propager parce que je n'ai socialement pas le choix...

     

    C'est pour ça aussi que je dis désormais que c'est Jarwal qui m'écrit. Il me libère d'un fardeau, il m'aide à rester debout.

    Il trace pour moi une autre voie.

    J'ai autre chose à donner aux enfants que des cartes du monde et des frises historiques, des classifications scientifiques et des règles de langage. Juste des concepts.

    C'est insignifiant.

     

    Je n'espère rien par rapport à l'existence de Jarwal. Il ne sera peut-être pas lu, jamais découvert. Mais je sais ce qu'il me donne et je l'aime infiniment.    

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  • Jarwal le lutin : l'instant présent

    Et bien, quand je trouve un moment, j'écris, je rêve de Jarwal la nuit, je pense à lui en vélo.

    J'ai besoin de lui. C'est lui qui m'écrit.


    TOME 3

    Chapitre 1

     

    Jarwal et les enfants s’installèrent à l’abri de leur cercle de pierres. Le petit Lac vert devant leurs yeux comblés de douceurs, les montagnes rayonnantes de soleil, des nuages blancs étirés courant sur les plaines célestes, le silence de la Terre.

    Ils avaient œuvré ensemble à la construction de leur refuge, un assemblage de dalles et de roches qu’ils s’étaient acharnés à déplacer, à porter, à réunir, attentifs aux indications de Jarwal, maître d’ouvrage. Des rires et de la sueur, des efforts partagés, un lieu de vie à bâtir, une empreinte dans la nature accueillante, un point de rencontre, un abri offert aux marcheurs, aux voyageurs inconnus, un cadeau pour les jours de vent.

    Ils s’étaient engagés dans la tâche sans aucune réticence. Ils avaient appris des Kogis le don de soi. Des escaliers dans la montagne, au cœur de la forêt luxuriante, un ouvrage à préserver, à entretenir, pour soi et tous ceux qu’on ne connaissait pas, des êtres humains qui béniraient les ouvriers disparus, un devoir de mémoire, des générations plus tard. Aucune prétention devant le travail achevé. Juste un bonheur à offrir, le ciment de l’amour.

     

    Jarwal, assis en tailleur, reprit le Livre et l’ouvrit délicatement. Il le posa sur ses jambes et regarda les enfants. Des yeux brillants comme des étoiles, des sourires contenus, une attente délicieuse. Ce regard intérieur qui se posait sur des émotions en croissance, des germes de ravissement qu’il suffisait de laisser grandir, sans jamais devenir la plante elle-même, sans jamais s’identifier à cette joie éphémère.

    L’absence de Gwendoline avait étouffé en lui ce bonheur de l’instant. Les enfants lui avaient permis de revenir à la vie. La douleur du passé n’était qu’une émotion inventée. Il était responsable de sa tristesse, de la source de ses émotions, comme un flot auquel il s’était abandonné.

    Il devait l’expliquer aux enfants, révéler ses faiblesses pour les valider et les comprendre.

    « Vous savez mes amis, j’étais triste tout à l’heure. Et je vous remercie de ce délai que vous m’avez accordé, j’en avais besoin, il fallait que je laisse s’éteindre cette douleur. La disparition de Gwendoline est une souffrance qui rejaillit parfois et les émotions débordent, comme si elles sortaient de leur lit.

    -C’est la même chose pour moi, Jarwal, avoua Léo. Parfois, je me mets en colère et après, quand je suis redevenu calme, je me dis que ça ne servait à rien.  

    -Si quelqu'un vous insulte, les enfants, si quelqu’un vous fait du mal, la colère que vous ressentez, elle n'est pas venue en vous depuis l'extérieur, ce ne sont pas les mots qui sont tombés en vous comme un chargement néfaste. Cette colère, c'est vous qui lui avez donné vie. C'est une incapacité à maîtriser ce qui se passe en vous. L'autre n'est pas responsable. Les émotions n'ont aucune existence si vous les ignorez. Si vous vous y abandonnez, c'est vous qui leur donnez vie. L'autre, d'ailleurs, est satisfait du mal que vous fabriquez en vous en imaginant qu'il en est le responsable. Vous lui donnez la puissance dont il rêvait. Vous succombez à vous-mêmes. Et non à lui. Si par contre, vous décidez d'observer en vous ce qui survient, vous devenez le maître de vos émotions étant donné qu'au lieu de vous soumettre à leur puissance, vous vous placez au-dessus d'elles. C'est votre conscience qui analyse et qui vous apprend le contrôle. Cette conscience agit comme un Maître intérieur, il est là et il regarde, il s'amuse de cette agitation qui aimerait vous emporter et à laquelle vous ne succombez pas. La colère retombe comme un soufflé qui dégonfle. Votre "agresseur" s'en trouve d'ailleurs totalement ébahi, stupéfait, vous êtes là, vous le regardez avec un détachement qu'il ne comprend pas parce que ça n'est même pas lui que vous observez mais vous-même. Lui, il a disparu et ses paroles sont tombées dans un puits sans fond. Il n'y a plus de colère parce que votre observation intérieure a pris le pas sur cette émotion insignifiante et inutile. C’est vous que vous observez et pas lui. Et cette agression verbale devient un cadeau inestimable. Vous êtes le Maître intérieur.

    -Je ne vais quand même pas remercier celui qui m’a mis en colère ? contesta Léo.

    -Et pourquoi pas ? rétorqua Jarwal. Etant donné qu’il te permet de mieux te connaître, tu peux lui en être reconnaissant.

    -Ça risque d’être difficile quand même.

    -Et je le comprends bien, Léo. Moi-même, j’ai du mal à concevoir la disparition de Gwendoline comme quelque chose de positif… Je continue à apprendre. Qu'en est-il maintenant si l'émotion propagée est de la joie ? Est-ce que je dois l'accueillir et la laisser m'emporter ou est-ce que je dois également l'observer ? Il convient pour ma part de la laisser s'étendre en sachant que l'autre n'en est pas responsable et que vous ne pourrez pas lui reprocher de ne pas la prolonger. C'est vous qui avez laissé s'étendre cette joie. Pas l'autre. Un ami qui ne vous offre plus cette joie n'est pas responsable de votre déception. C'est encore vous. C'est votre façon de commenter la vie à travers vos émotions. Ca n'est pas la vie réelle mais ce que vous en faites, une image de la vie peinte par vos émotions. Vous pouvez en profiter tout en restant conscient qu'il ne s'agit que d'une illusion, un jeu éphémère, un moment de bonheur que vous vous donnez mais que l'autre n'a pas à entretenir sinon vous le prenez en otage de votre bonheur alors qu'il n'y est pour rien. La personne dont je dois me méfier, c'est celle qui me fait croire que le bonheur est durable, qui voudrait que cette joie ne disparaisse jamais. Et cette personne, c'est moi-même. Les autres ne sont pas responsables. C'est ce qu'on apprend de plus beau quand on aime.   

    -Et quand tu as dit tout à l’heure que tu voulais arrêter un peu de lire, j’étais déçu, avoua Rémi.

    -Et moi aussi, ajouta Léo.

    -Mais c’est nous qui avons créé cette déception, commenta Marine. Ce qui était important en fait, c’était que nous comprenions que tu avais besoin d’une pause.

    -Et vous l’avez fait, mes chers amis.

    -Et toi alors Jarwal ? Cette tristesse pour Gwendoline. Comment fais-tu ? demanda Marine, un peu gênée de cette intrusion dans la vie du lutin.

    -Et bien, parfois, je n’y arrive plus, cette tristesse me submerge, elle m’emporte. Je ne suis pas infaillible. Alors, j’essaie d’observer cette émotion sans chercher à l’étouffer. Je sais aujourd’hui, avec ma longue expérience, que la vie reprendra le dessus. Ma tristesse ne changera rien à la situation, elle ne ferait que cacher la réalité de l’instant.

    -Et donc, quand je suis impatient que tu lises ton histoire, je m’empêche de profiter de l’instant présent, c’est ça ?

    -Oui, exactement Rémi. La construction de notre abri aurait pu être gâchée pour toi si tu étais resté attaché à cette pensée de ce qui allait advenir. Et ça n’aurait pas fait arriver plus vite cette lecture. En plus, à chaque minute, tu aurais trouvé que l’abri ne montait pas assez vite, tu te serais peut-être mis en colère, tu aurais reproché à Léo de ne pas travailler assez ou tu aurais travaillé n’importe comment, tu aurais bâclé la tâche.

    -Il faut donc observer les émotions et comprendre qu’elles nous appartiennent ?

    -Oui, c’est ça Marine. Je ne dis pas qu’il faut les rejeter, ça serait absurde mais il faut comprendre qu’elles viennent de nous et que nous en sommes donc responsables.  Ne t’invente pas des armées d’ennemis pour excuser tes propres faiblesses. C’est une devise que je me répète parfois.

    -Et bien, moi, l’émotion que je vois, c’est l’envie de connaître la suite de l’histoire et là, c’est tout de suite ! lança Léo.

    -Ah, ah, cher Léo, on y vient, on y vient. »

     

    Les garçons s’allongèrent, Marine s’assit en tailleur. Jarwal tourna les pages, lentement, toujours avec cette précaution respectueuse. Il lissa le papier, une caresse délicate, il fixa les mots, silencieux, comme s’il devait rétablir un contact, accorder son esprit à ce qui allait suivre.

    Il respira profondément et commença.

     

    « Jarwal s’était réveillé en sursaut.

    Il ne lui restait que très peu d’images de son rêve. Un visage très marqué, comme un parchemin millénaire labouré par le temps, des yeux perçants et pourtant très doux, des jets de fumée projetés sur son front. Un choc intérieur à chaque fois, comme une lutte engagée dans les tréfonds de son âme. Une voix qui répétait inlassablement une mélopée envoûtante. 

    La forêt vibrait sous les effluves de lumières naissantes. Les oiseaux de nuit entamaient leur silence diurne. D’autres les remplaçaient en accueillant la clarté.

    Gwendoline bougea à ses côtés. Jarwal la regarda dormir. Des rayons délicats, glissant entre les feuillages qui les protégeaient, dessinaient des reflets apaisants sur ses joues, des aubes pâles qui habillaient sa peau.

    Elle lui avait dit qu’il s’appelait Jarwal, qu’il était un lutin, qu’il avait déjà combattu Jackmor, qu’un Indien Kogi était venu lui demander de l’aide. Et qu’elle était venue le rejoindre parce qu’elle avait senti qu’il était en danger. Elle lui avait dit qu’ils s’aimaient. Il ne s’en souvenait pas et il avait pourtant ouvert les bras au milieu de la rivière, une force incompréhensible en lui, quelque chose qui le dépassait, au-delà de la raison. Et elle était apparue au milieu d’une gerbe d’eau.

    Elle poussa un petit soupir et s’étira en ouvrant les yeux.  

    « Bonjour Gwendoline.

    -Bonjour mon amour.

    -Tu as bien dormi ?

    -Parfaitement bien puisque je t’ai retrouvé. »

    Une question le taraudait, ce vide en lui qu’il devait combler, toutes ces inconnues qui se bousculaient.

    « Je voulais te demander quelque chose ? Comment es-tu arrivé ici ?

    -Comme toi mon amour, en suivant le chemin de l’eau. C’est Kalén qui te l’a enseigné et j’ai retenu tout ce qu’il te disait, sans que tu le saches. Et Léontine aussi.

    -Pourquoi l’as-tu fait sans me le dire ?

    -Parce que tu ne voulais pas que je prenne le risque de venir ici. Ce voyage comporte des risques.

    -En quoi ça consiste ?

    -Il s’agit de se fragmenter pour rejoindre les particules d’eau qui enveloppent la Terre. Elles agissent comme des chemins.

    -Se fragmenter ?

    -Oui, reprendre notre forme initiale en quelque sorte. Nous sommes constitués principalement d’eau comme tout ce qui vit. Et cette eau a une mémoire. Chaque particule contient la totalité de ce que nous sommes. Et pour reprendre notre forme terrestre, il est nécessaire de trouver un point d’eau. Comme un placenta.

    -Qui est Kalén ? Tu m’as juste dit qu’il s’agissait d’un jeune Kogi. Mais qui est ce peuple ?

    -Kalén est un chaman, le fis d’Izel qui était le plus grand chaman de ce peuple. Ils vivent dans les forêts et les montagnes, nous sommes en Colombie. Jackmor est venu avec une armée de Conquistadors pour les voler. Voler leur or. Ils les font travailler dans une mine, ils les maltraitent. Jackmor a tué Izel parce qu’il contestait ses ordres.

    -Pourquoi Kalén est-il venu demander mon aide ? Qu’est-ce qu’il attendait de moi ?

    -Il espérait que tu l’aides à transporter son peuple dans une vallée perdue, loin de Jackmor et de ses hommes. Il n’a pas suffisamment de connaissances et d’énergie pour le faire tout seul et personne de son peuple ne peut l’aider. Il n’y a qu’un chaman et c’était Izel. Kalén n’avait pas fini sa formation auprès de son père. »

     

    Jarwal retomba dans le silence, les yeux dans le vague. Une lourde tristesse.

    Comment pourrait-il aider Kalén alors qu’il ne se souvenait plus de rien, qu’il n’avait aucune idée de ce qu’il fallait faire pour déclencher cette fragmentation ? Il n’était qu’une enveloppe vide, un ectoplasme translucide.

     

    « Je ne peux rien pour Kalén et son peuple. Je n’ai plus aucune connaissance. Je ne suis plus le Jarwal que tu as connu.

    -Non, c’est faux. Totalement faux. Tu es toujours le lutin que j’aime. Je suis persuadée que cette perte de mémoire ne durera pas. Il faut retrouver Kalén. Il pourra nous aider. Allez, levons-nous et cherchons ce village dont tu as parlé hier. Est-ce que tu te souviens du chemin que tu as suivi pour arriver ici ? »

    Ils quittèrent leur abri sommaire et s’étirèrent au soleil.

    « Oui, je m’en souviens. C’est ce qu’il y avait avant que j’ai oublié. Un peu comme si je venais de naître alors qu’au contraire, j’ai disparu.

    -Tu n’as pas disparu. Tu es toujours là, tu es bien réel. Ta mémoire n’est pas ce que tu es. Quelle soit alourdie par les drames, enjôlée par les bonheurs ou vide de tout, elle n’est qu’un message que tu portes. Elle n’est pas la vie.»

    Elle le serra dans ses bras.

    « Le lutin que j’aime est bien réel. Il est là, même si une partie de son passé a disparu. Et pour moi, rien n’a changé dans cette réalité. »

     

    Jarwal laissa vibrer en lui cette reconnaissance inconditionnelle, comme une existence inaltérable, une vie préservée par-delà les épreuves, par-delà les effacements. Le bonheur de l’amour.

     

    Léontine vint bourdonner devant leurs yeux.

    « Bonjour petite mouche, lança Gwendoline.

    -Bonjour mes amis ! Il y a par ici des fruits délicieusement sucrés. Je ne regrette pas d’être venue. Mais ils sont hors de portée pour vous, j’en suis désolée.

    -Et bien, nous nous contenterons des galettes que j’ai apportées.

    -Et je les adore, s’extasia Jarwal.

    -Ce sont tes préférées, je les ai faites juste avant de partir, je savais que ça te ferait plaisir.

    -Et bien, je les aime sans m’en souvenir. L’impression que je n’en avais jamais mangé avant.

    -C’est d’ailleurs bien ce qu’on devrait faire à chaque fois qu’on mange. Faire comme si c’était la première fois et ne pas se servir des émotions passées. Sinon, on finit par manger sans même en apprécier les délices.

    -Tu vas me dire que c’est un bienfait que ma mémoire se soit évaporée ?

    -Et pourquoi pas ? C’est peut-être bien souvent un fardeau au lieu d’être une chance.

    -Ou alors, c’est qu’on ne sait pas réellement en user et qu’on oublie de la maîtriser.

    -Et voilà, je savais bien que tu étais toujours le lutin que j’aime ! s’exclama Gwendoline. Tu aimes toujours autant raisonner ! »

     

    Elle lui souriait de tout son être, une lumière qui émanait de ses yeux, comme une marée de joie, un courant libéré, une certitude validée.    

     

  • JARWAL LE LUTIN : Commentaire (1)

    Une grande lectrice de romans jeunesse (bibliothécaire de profession) à laquelle j'ai demandé son avis en mettant en ligne sur un forum le chapitre 2 du tome 1, la rencontre entre Jarwal et les trois enfants.

    Beaucoup de bonheur pour moi.

    Florine.

    "Tout d'abord je remarque que c'est la fille qui est la chef de file, ça n'est pas pour me déplaire car c'est rare dans la littérature jeunesse ou les filles et femmes sont encore souvent vu comme timides et sans entrain... Je t'avais dit que certains thèmes sont un peu redondants en littérature jeunesse notamment la lutte du bien contre le mal, mais ce qui est important aussi c'est que souvent ces théories véhicules des concepts et valeurs importantes pour l'enfant / l'ado... donc ensuite, tout dépend comment on se sert de ces thèmes et comment on fait ressortir ces valeurs, sans que ce soit trop moraliste...

    Un bon roman (jeunesse) est un roman qui donne des pistes sans donner de véritable ligne de conduite : à l'enfant (l'ado) de construire et placer ces galons avec cela. Le fait d'un (ou plusieurs) enfants élus est du déjà vu mais est essentiel pour que l'enfant puisse s'identifier au personnage principal... Je me dis que peut-être que ton texte est autant adapté à des garçons qu'à des filles (ce qui n'est pas toujours le cas) -mais nous allons voir la suite je n'en suis qu'à l'intro-

    Présenter cela par le biais de l'histoire me parait un bon point pour toi, les enfants sont souvent passionnés d'histoire et ça permet aussi de leur donner des pistes pour leur culture générale qu’ils retiendront sans peine. Enfin ce qui me parait important c'est que outre certaines valeurs que tu vas certainement aborder, tu abordes aussi le thème de la transmission, des valeurs donc, des savoirs mais aussi d'une certaine part de rêve. J'entame donc le chapitre Le vocabulaire m'a l'air recherché... ("erratique", "miroitante", "éberlués") aussi tu utilises des images ("posé dans un écrin de pierres plates" ) ce qui ne peut à mon avis qu'ouvrir les jeunes à la lecture : ça n'est pas en se mettant à leur niveau qu'on les fait progresser ! ça non ! c'est à eux d'évoluer, ils en sont grandement capables. Donc j'apprécie ce point, car on lit encore trop de roman au style et au vocabulaire totalement plats...

    "Léo essayait de reconnaître un de ses copains sous un fabuleux déguisement. Rémi se demandait comment cet étrange individu avait pu apparaître aussi soudainement, sans qu’ils n’aient rien entendu."

    J'aime bien ce passage car je trouve que ça donne vie aux personnages, ça leur octroie une véritable indépendance et une prestance. Ils sont capables de se poser des questions et de chercher des réponses, ils ne sont pas naïfs... Je ne sais pas si je me fais bien comprendre, en fait je trouve que ça leur donne une vrai consistance et un certain caractère.

    "-Beaucoup de choses sont possibles Marine. Sauf celles qu’on juge impossibles. Ce sont nos pensées qui construisent la réalité". J'aime bien cette phrase aussi, qui invite l'enfant à se questionner, c'est en somme une note philosophique (et la philosophie, on est capable d'en faire à tout âge comme tu le sais ) La façon dont parle Jarwal le lutin me plait, elle est intriguante et invite à la réflexion (j’ai aimé l’exemple du grain de sel). De même que la notion de progrès. « Il ne s’agit pas d’abandonner le Progrès mais de savoir l’utiliser en toute conscience. » « Il faudrait que vous deveniez des porte-parole, que vous propagiez ces histoires » finalement c’est une histoire de conteurs ! au final : J’aime beaucoup cette histoire, c’est un roman que j’aimerais avoir dans la bibliothèque et que je conseillerais avec plaisir !

    Au niveau de la forme : rien à redire, c’est fluide à lire, le vocabulaire est recherché. Au niveau du fond : cela implique de la réflexion, il y a une pointe de « suspense » qui donne envie d’en savoir plus, l’histoire renferme des valeurs importantes qui peuvent aider à se construire. Pour ton objectif « philosophique » je pense que ça doit être atteint sans problème vu cet extrait ! et c'est ce qui est plaisant, d'autant plus quand c'est mêlé à une histoire bien ficelée empreinte d'imaginaire.

    Vraiment je trouve cela très bon (c’est même bien mieux que certains ouvrages que j’ai pu lire à vrai dire) Ça me donne envie de lire tout le roman… Surtout tiens moi au courant de son avancement. Le tome 1 est-il déjà édité ? si oui chez quel éditeur ? (tu peux me donner ces renseignements par mp si tu le veux)

    Quel talent que de savoir écrire surtout ne t’arrête pas !

  • La souffrance qui libère.

     

    P3150032

     

    La souffrance comme une issue. La dernière clé.

    Toutes les situations, tous les évènements, des plus anodins aux plus traumatisants concourent à l’émergence du moi et à sa progression dans le temps. Mais je vois une distinction profonde entre cette « existence » perçue par ce moi et la « vie » perçue par bien autre chose.

    L’existence est constituée par tout ce que le moi accumule. La vie, elle, n’a pas besoin d’accumuler quoique ce soit. Elle est. Constante et immuable.

    Est-ce que le moi peut réellement la saisir, est-ce que le moi, dans le chaos de ses pensées, dans le fatras incommensurable de son existence peut réellement percevoir cette conscience du soi et de la vie ? Non pas le moi et ses troubles, mais le Soi, dans la dimension spirituelle qui le relie à la vie.

    Le Soi.

    Qu’en est-il ? Le moi est une entité individuelle modelée par d’autres entités individuelles, par d’innombrables imbrications dans lequel le moi s’identifie. On peut clairement se demander si la notion de Soi et la conscience de la vie lui sont accessibles. Que peut-il saisir dans son fonctionnement, sinon, une idée mentalisée ? La vision d’un Tout et l’appartenance du Soi à ce Tout sont-ils de pures hallucinations d’un mental qui se gargarise d’un cheminement spirituel, comme un piédestal à sa magnificence ?

    Il serait bien plus profitable et honnête que ce soit le Soi qui conçoive le moi, que ce soit lui qui observe les agitations frénétiques de ce petit individu mais dans cette soumission de l’individu à son identification, c’est le moi qui part à la recherche d’un Soi dont il a entendu parler et qui comblerait son désir de séduction. Car celui-là qui est au cœur de son Soi est beau et sage…

    Vaste mystification. Que peut saisir une entité centrée sur elle-même quand elle se dit être en quête du Tout ? 

    La fourmi a t-elle conscience de la forêt dans laquelle elle travaille, de la planète sur laquelle elle existe, de l’Univers ? Possédons-nous une conscience plus élaborée que celle de la fourmi ? Oui, bien évidemment ou alors c’est que la fourmi cache bien son jeu… Bien, et alors ? Dès lors que le moi part à la recherche d’un Graal qui dépasse son entendement, que peut-il trouver d’autre qu’une entité à sa dimension, c'est-à-dire bien autre chose que le Soi ? Alors, il nous faut chercher sur le chemin des religions…Mais les religions sont issues du mental. Aucune religion, à mes yeux, ne peut être un tremplin. Elles ne sont qu’une boucle qui ramène le moi vers lui-même. Puisqu’il en est l’instigateur sous le joug d'esprits soi-disant élus, soi-disant porteurs d'une parole divine. La parole divine n'a pas de mots, pas plus que de Livres ni de rituels. Elle est au-delà de l'entendement humain, elle résonne là où le mental se tait.

    De toute façon, tant que le raisonnement, la linguistique, la dialectique, la logique, la rhétorique entrent en action, c’est le moi qui cherche ce qui ne lui est pas accessible. Dès lors qu’il y a un observateur et une quête, l’individu reste dans un cheminement mentalisé et par conséquent le moi…Il a conscience de sa recherche et s’en glorifie et imagine dès lors être sur la voie. C’est juste celle qui le ramène à lui-même. Mais par des chemins enluminés de métaphysique, ce qui donne un aspect valorisant à la quête…

    Vaste mystification. La métaphysique est lucide quand elle est capable de juger de son insuffisance. C’est le moi qui se regarde par des fenêtres plus larges. Mais il n’y a pas de nouvel horizon. Pas celui du Soi.

    Faut-il donc passer par un autre canal que le moi pour saisir le Soi ? Mais s’il n’y a plus de moi, il n’y a peut-être plus de conscience, de vigilance, il n’y a plus rien qui puisse saisir puisque tout a disparu… Ça serait considérer que seul le mental a la capacité de saisir… Je ne pense pas que ça soit le cas. Là, il s’agit juste d’un formatage.

    On a appris à penser pour saisir. « Je pense donc je suis. » Sacrée catastrophe que cette affirmation.

    « Je pense donc je fuis. » Je fuis la possibilité d’entrer dans une dimension qui m’échappe dès lors que je pense. Ça ne nous donne pas de piste quant à la quête de ce Soi. Pour l’instant, il reste insaisissable. Mais n’est-ce pas justement la solution à l’énigme ?

    Puisque le moi ne peut pas saisir un Soi, autre qu’une enveloppe grossie de son propre moi, puisque le Soi ne peut pas être conscience de lui-même puisque cela reviendrait à concevoir un Soi détaché du Tout, c'est-à-dire immanquablement une individualité, ce qui serait antinomique dans l’idée du Tout, il n’est dès lors pas possible de saisir le Soi par le moi. Tout simplement.

    Le Soi aperçu par le moi est nécessairement une entité séparée du Tout et par conséquent autre chose que le Soi.

    Le Soi est Conscience et non conscience. Il ne peut pas être conscientisé car il faudrait qu’il s’individualise et qu’il s’identifie à l’observateur. Le ciel ne peut pas voir le ciel. Il faudrait qu’il prenne de la hauteur et c'est inconcevable! L’Univers ne peut pas s’observer.

    Le Soi ne pourrait donc pas se connaître. Ni par lui-même puisqu’il ne serait plus le Soi mais une entité séparée du Soi, ni par le moi qui ne peut pas connaître ce qui le contient. Bon, ça semble à peu près se tenir tout ce charabia.

    Mais alors qu’en est-il des expériences mystiques ? Des révélations qui font basculer parfois en quelques instants, des individus « basiques » à des êtres éveillés ? Qu’ont-ils aperçu, ressenti, perçu, « compris » (pas de façon rationnelle bien entendu…), que leur est-il arrivé ? Est-ce que le moi peut basculer dans une dimension qui ne serait pas le Soi mais un « simple » état de conscience modifiée ? Comment considérer que ces gens puissent évoluer dans un monde mentalisé en ayant eu accès à une vision unifiée de la vie ? Comment gérer ce genre d’antagonismes ? Comment passer du haut en bas, de l’intériorité mentalisée à l’universalité dés-identifiée ? Les voyageurs des NDE ? Les guérisons « spontanées » et inexpliquées ? Que s’est-il passé ?

    Le moi, dans ces expériences extrêmes, n’a rien à voir. Il est bien trop futile et insignifiant pour s’engager dans des voies aussi radicales. Écoutons les paroles des « expérimentateurs »…C’est stupéfiant. Tellement éloigné de notre vision mécaniste et rigoriste de la vie.

    Le Tout s’est-il laissé découvrir, le Soi s’est-il révélé ? Mais alors, tout ce que j’ai écrit au-dessus ne tient pas. Tout ça ne serait donc bel et bien que du charabia métaphysique. C’est sans doute qu’il faut chercher ailleurs. Et se passer même du langage.

    La souffrance devient-elle la clé pour ouvrir l’enceinte ? Lorsque plus rien ne permet au geôlier de prendre conscience qu’il fabrique lui-même la prison qu’il s’obstine à ignorer, la souffrance réelle, physique, psychologique, existentielle, ne devient-elle pas l’ultime accès à la liberté ? Cette rupture, totale, incompréhensible, imprévisible, comme si parvenu à une altitude inconnue, le mental n’avait plus d’oxygène, que les pensées et les résistances ne pouvaient plus prendre forme, n’avaient plus de nourriture, une perte d’identification.

    La douleur a tout rongé, jusqu’à la dernière image, les rôles les plus essentiels, ni mari, ni père, rien, il ne reste rien que cette douleur insoutenable jusqu’à ce qu’elle disparaisse à son tour. Cette rupture, ce vide. Cette absence de tout, plus rien, aucune sensation, plus de corps, plus de peur, aucune pensée, le néant sans rien pour le voir, rien…

    La douleur est physique ; la soufffrance est psychologique. Elle s'unissent la plupart du temps même si parfois les liens ne nous semblent pas évidents. Les voies de l'être sont parfois impénétrables...Au premier abord.

    Comment expliquer qu’il n’y a rien ? Ni même rien pour s’en rendre compte. Toute la difficulté pour l’exprimer vient du fait qu’il n’en reste rien. Puisqu’il n’y a plus rien pour s’en souvenir, pour que ça se grave. Rien ne s’est gravé dans ce rien.

    Voilà le point ultime où j'étais arrivé, cloué au fond de mon lit sur une croix tombée au sol. Cinq hernies discales en trente ans de vie. Deux opérations manquées. Puis à 44 ans, trois hernies énormes, paralysie d'une jambe, atrophie musculaire, des douleurs à devenir fou...Aucune solution chirurgicale. Un calvaire.

    Et puis cette phrase, soudaine, au milieu d’auras bleutées, comme des corps de méduses aimantes qui m'entouraient.

     « Tu n’es pas au fil des âges un amalgame agité de verbes d’actions conjugués à tous les temps humains mais simplement le verbe être nourri par la vie divine de l’instant présent. Laisse la vie te vivre, elle sait où elle va.»

    Ça n’était pas moi. Ça venait d’ailleurs. C’était trop long pour que je l’élabore moi-même dans cet état d’hébétude. Qu’est-ce que c’était ?  « Qui » était-ce ?

    Des nuits entières à me poser cette question, des mois, des années plus tard, des heures à y penser en marchant, sur mon vélo, assis dehors, sous les étoiles, à tenter de retrouver dans ce vide environnant une source, un point de départ, un noyau de clarté, un point lumineux d’où aurait jailli cette fulgurance.

    Dans ce vide intersidéral que la douleur avait engendré, dans cette incapacité à être moi, à penser même, comment une telle complexité pouvait-elle se concevoir ? Il existerait donc un autre émetteur ?...Et je pourrais recevoir ces émissions inconnues ?...Le Soi ? Ce vide, était-ce cela « la vacuité ? »

    S'éveiller à la vacuité est-ce voir que personne ne souffre ici, qu’il y a une sensation mais personne pour en prendre livraison. La douleur porte-t-elle un enseignement salvateur ? Pointe-t-elle vers ce qui est au-delà de la douleur ?

    « Les quatre nobles vérités qui sont à l'origine du bouddhisme sont : la vérité de la souffrance ou de l'insatisfaction inhérente, la vérité de l'origine de la souffrance engendrée par le désir et l'attachement, la vérité de la possibilité de la cessation de la souffrance par le détachement, entre autres, et finalement la vérité du chemin menant à la cessation de la souffrance, qui est la voie médiane du noble sentier octuple. »

    Je ne sais pas ce qu’est ce sentier octuple. Je comprends par contre cet attachement à la douleur, comme à tout le reste. Toutes les identifications qui s’opposent au Soi, qui le couvrent comme autant de salissures.

    La douleur est un purificateur forcené. Elle brise la coquille et libère le noyau. Mais ce noyau n’est pas une entité individuelle. Il est le flux vital. L’énergie créatrice. Et dans l’amour inconditionnel, ineffable, incommensurable de l’énergie, il n’y a pas de mal, pas de douleur, pas de traumatisme puisqu’il n’y a plus de moi et que le moi entretient tout ce à quoi il est identifié.

    N’être plus rien efface jusqu’au mal tout comme il efface le bien. Il n’y a que ce qui est. Et ce qui est ne porte pas les fardeaux mentalisés du moi. Bien et Mal ne sont que des rumeurs. La douleur comme la libération du Tout en moi. Comment pourrais-je y voir du Mal ?

    Bien et Mal, juste deux termes qui n’ont aucune réalité dans le flux vital. Cette absence de lucidité qui entretenait ces rumeurs. Et en venir à honorer la douleur lorsque le moi est éteint. Il y a autre chose. Une autre réalité, sans doute la seule. Lorsque le rêve éveillé est brisé et que toutes les rumeurs s’éteignent dans la lumière de la Conscience. Pas « ma » conscience mais l’Autre. Celle qui libère et unifie.

    "Nous sommes comme des noix ; nous avons besoin d'être brisés pour être découverts". Khalil Gibran.

    J'ai vécu la brisure intégrale, jusqu'à ne plus rien attendre que la mort et c'est lorsque j'ai senti en moi l'humus de la terre, comme un espace empli de vie que moi, petit individu en souffrance, j'ai cessé d'attendre quoi que ce soit.

    Et là, dans cet effacement de l'individu, je me suis enraciné dans la vie de la terre et j'ai découvert la lumière des cieux.

    Mais ça ne sera jamais transmissible et aucune de mes paroles, aucun de mes écrits ne pariendra à partager ce qui relève de l'indicible. 

    Il me reste juste à bénir la vie en moi, à chaque instant. Puisque seul, cela existe.

     

     

     

  • La colère et la joie.

    Cet après-midi, alors que nous lisions en classe, le roman d'Adeline Malaterre, "la Corne d'abondance", un passage décrivant une émotion intense d'un personnage m'a amené à lancer une réflexion sur le thème de la conscience des émotions.

    Ca arrive souvent ces changements de direction  en cours de séance...On peut passer des math à la géo en trente secondes en mêlant de l'histoire à de la philo...D'ailleurs en histoire, on travaille sur le siècle des Lumières et l'importance des philosophes dans l'émergence des idées humanistes et ça finit immanquablement sur Diderot, Rousseau, Voltaire et tout ce qu'ils ont apporté à l'humanité.

     

    "Les émotions...Si quelqu'un vous insulte, la colère que vous ressentez, elle n'est pas venue en vous depuis l'extérieur, ça n'est pas les mots qui sont tombés en vous avec un chargement de colère, ni un coup de vent chargé de colère qui est passé sur vous. Cette colère, c'est vous qui lui avez donné vie. C'est une incapacité à maîtriser ce qui se passe en vous. L'autre n'est pas responsable. Les émotions ne sont pas des charges matérielles que vous décidez de porter comme un fardeau, elles n'ont aucune existence si vous les ignorez. Si vous vous y abandonnez, c'est vous qui leur donnez vie. L'autre, d'ailleurs, est satisfait du mal que vous fabriquez en vous en imaginant qu'il en est le responsable. Vous lui donnez la puissance dont il rêvait. Vous succombez à vous-mêmes. Et non à lui. Si par contre, vous décidez d'observer en vous ce qui survient, vous devenez le maître de vos émotions étant donné qu'au lieu de vous soumettre à leur puissance, vous vous placez au-dessus d'elle. C'est votre conscience qui analyse et qui vous apprend le contrôle. Cette conscience agit comme un Maître intérieur, il est là et regarde, il s'amuse de cette agitation qui aimerait vous emporter et à laquelle vous ne succombez pas. La colère retombe comme un soufflé qui dégonfle. Votre "agresseur" s'en trouve d'ailleurs totalement ébahi, stupéfait, vous êtes là, vous le regardez avec un détachement qu'il ne comprend pas parce que ça n'est même pas lui que vous observez mais vous-même. Lui, il a disparu et ses paroles sont tombées dans un puits sans fond. Il n'y a plus de colère parce que votre observation intérieure a pris le pas sur cette émotion insignifiante et inutile. Et cette agression verbale devient u cadeau inestimable.

    Vous êtes le Maître intérieur.     

    La personne que je dois absolument protéger, celle à qui je dois apporter la plus grande attention, c'est mon ennemi. C'est lui qui me fait grandir.

     

    Qu'en est-il maintenant si l'émotion propagée est de la joie ? Est-ce que je dois l'accueillir et la laisser m'emporter ou est-ce que je dois également l'observer pour la neutraliser ?

    Il convient pour ma part de la laisser s'étendre en sachant que l'autre n'en est pas responsable et que vous ne pourrez pas lui reprocher de ne pas la prolonger. C'est vous qui avez laissé s'étendre cette joie. Pas l'autre. Un ami qui ne vous offre plus cette joie n'est pas responsable de votre déception. C'est encore vous.

    C'est votre façon de commenter la vie à travers vos émotions. Ca n'est pas la vie réelle mais ce que vous en faites, une image de la vie peinte par vos émotions. Vous pouvez en profiter tout en restant conscient qu'il ne s'agit que d'une illusion, un jeu éphémère, un moment de bonheur que vous vous donnez mais que l'autre n'a pas à entrtenir sinon vous le prenez en otage de votre bonheur alors qu'il n'y est pour rien.

    La personne dont je dois me méfier, c'est celle qui me fait croire que le bonheur est durable, qui voudrait que cette joie ne disparaisse jamais. Et cette personne, c'est moi. Les autres ne sont pas responsables.

    C'est ce qu'on apprend de plus beau quand on aime.   

     

     

     

  • Jarwal et les Kogis : les Conquistadors

    L'or des Conquistadors.

    Rien n'a changé depuis ce temps-là...

     

    "Jackmor et ses soldats avaient contourné un massif érodé, une marche harassante pendant laquelle ils avaient abandonné deux hommes blessés qui ne parvenaient plus à suivre le rythme imposé. Le groupe avait quitté le sentier pour ne pas marquer leur passage et s’était imposé un raccourci épuisant dans des pierriers interminables. Les soldats étaient stupéfaits par la capacité incompréhensible de leur chef à se repérer dans ce dédale de sommets, de faces ruiniformes, de champ de pierres, de gorges et de ravins.

    Ils ne pouvaient deviner que Jackmor n’était pas limité par son champ de vision, qu’il avait la capacité à prolonger ses regards à travers les pensées. L’objectif visé lui apparaissait clairement même s’il n’était pas visible. Son présent se projetait visuellement dans le futur à atteindre.

    Ils parvinrent au village des Kogis sans avoir marqué la moindre pause. Les soldats s’effondrèrent et leurs compagnons écoutèrent leur récit du combat. Jackmor, sous le regard ébahi de ses hommes éreintés, ne s’accorda qu’une gorgée d’eau fraîche.

    Un lieutenant vint le prévenir qu’un nouveau filon d’or avait été découvert au fond de la galerie, une veine d’une pureté absolue, dix fois plus importante que tout ce qu’ils avaient déjà amassé.

    Jackmor tenta de se maîtriser, de ne pas montrer l’extraordinaire excitation qui enflamma tout son être, un bouleversement monumental, une émotion exacerbée, comme la première bouffée d’air du nouveau-né.

    Cette nouvelle changea complètement ses plans. Plus question de s’enfuir. Il fallait organiser la défense, dresser des murailles, piéger la montagne, affaiblir les assaillants par tous les moyens jusqu’à ce qu’ils abandonnent. Il devait préserver ses hommes. Tant qu’ils lui étaient utiles.  

    Il traversa le village, il voulait voir cet or.

    Les Kogis étaient réfugiés dans les huttes. Sauf un. Un jeune homme. Il se tenait fièrement sur le seuil d’une cabane rudimentaire. Il ne bougea pas. Jackmor fut surpris par ce regard perçant, vindicatif, accusateur. Les Kogis ne laissaient jamais transparaître leurs émotions, il s’était même demandé même s’ils en avaient. Il ne s’y était jamais vraiment intéressé en fait. Dans ces yeux aiguisés qui le jugeaient, il réalisait son indifférence, son absence totale d’observation, comme s’il n’avait jamais pris conscience de leur existence. Etait-ce donc des hommes ?

    Une confrontation silencieuse, une rencontre impromptue, dérangeante, cette impression inexplicable que ce jeune garçon, malgré sa fragilité, possédait une force intérieure bien supérieure à la puissance dont il se voulait le maître.

    Il ne put s’empêcher de se retourner alors qu’il avait déjà dépassé le garçon. Il était toujours là et son regard brillait toujours de la même flamboyance. Comme une pointe dans son dos.

    Il s’obligea à penser à l’or, il fallait le voir, le toucher. Il força son pas. Il arriva à l’entrée de la galerie gardée par deux soldats. Il se munit d’une torche et entra. Cette euphorie en lui, la puissance de ce plaisir, rien ne pouvait l’égaler. Avec l’or, il pouvait tout posséder. Tout devenait si simple. Les Maîtres de tous les savoirs se compromettraient pour obtenir leur part. Pas de lutte, aucun combat, aucune guerre, aucune machination, aucun délai d’obtention, l’or humiliait n’importe quel esprit, l’or faisait ramper les empereurs, anéantissait toute résistance, pourrissait les cœurs les plus nobles, cet abandon de tout dans les regards avides, rien pour lui ne pouvait égaler ce plaisir.

    Trancher des têtes ne procurait pas ce bonheur de la possession des âmes. Les rabaisser, les avilir, détrôner les plus résistants, voilà ce qui le grandissait, c’était le pouvoir ultime, l’absolue domination. L’histoire du monde se construirait dans les noirceurs de l’or. Il voulait en devenir le représentant le plus célèbre, marquer l’humanité entière par son pouvoir.  

     

    Il parvint au fond de la mine, une dernière saignée dans la montagne, il balaya le faisceau tremblant de la torche, fébrile, brûlant d’impatience. Là, dans l’angle d’une faille fraîchement taillée, le liseré scintillant qui filait vers le haut, une veine épaisse, une artère ambrée, l’or coulant dans la roche, toute la maîtrise du monde à saisir. Il imagina longuement les visages fascinés, assoiffés, voraces, soumis et obéissants, veules et serviles, il les posséderait jusqu’au tréfonds de leur humiliation. Il en serait le Maître. Les hommes seraient à ses pieds, des serfs jusqu’aux rois, et il s’amuserait éternellement de leur bassesse, il les regarderait, avec un plaisir ineffable, se vautrer dans la fange de leur âme souillée.

     

    Il rejoignit la hutte principale du village. Ses hommes l’avaient confisquée afin qu’il y soit au mieux.

    Il n’aimait pas ces masures. Du bois, de la terre séchée, des troncs grossièrement taillés pour soutenir la structure, des meubles tellement misérables. Un vulgaire hamac pour dormir. Non, ces Kogis ne pouvaient pas être des hommes. Ce visage inquisiteur tout à l’heure, ce garçon insolent qui avait osé le défier, qui n’avait même pas baissé les yeux sur son passage, ça ne pouvait pas être un homme. Ni lui, ni ses semblables n’avaient montré la moindre marque de résistance, juste ces regards détachés, inertes, cette acceptation lâche de tout ce qu’ils subissaient. Des hommes ne pouvaient se comporter de cette façon. Ils les connaissaient trop bien pour se tromper. Ces Kogis n’avaient rien à voir avec les hommes. Ils étaient autre chose.    

    Un dérangement étrange qui ne voulait pas s’effacer. Comme s’il était en train de manquer l’essentiel. Une leçon à tirer. Et qu’il ne voulait pas la voir. Qui étaient-ils, ces Kogis ? Et comment était-il possible qu’il ne parvienne pas à lire leurs pensées ? Il s’était dit dans un premier temps qu’ils n’étaient que des animaux. Ils ne pouvaient pas saisir les pensées de créatures aussi inférieures. Mais peut-être se trompait-il ?

    Le regard de ce jeune garçon le tourmentait.

     

     

    Kalén regardait en lui cette émotion inconnue de la vengeance, cette colère mouvante qui venait battre en lui comme des vagues montantes, un ressac indomptable qui rognait ses résistances, érodait inlassablement la plénitude de son enfance, ce ressentiment incontrôlable qui montait dans ses fibres comme un magma dévastateur. Il n’avait aucune expérience, aucune connaissance, aucun repère. Les Sages ne lui avaient pas enseigné les noirceurs de l’homme et il en recevait les outrages avec une violence incommensurable, comme un nouveau monde se présentant à lui. Jackmor et ses hommes ne pillaient pas seulement la terre de son peuple, ils détruisaient l’équilibre des âmes, violentaient les êtres humains, propageaient comme une maladie redoutable des émotions néfastes. Ce peuple barbare portait en lui la fin des Kogis. Que deviendrait la Terre si les peuples indigènes succombaient sous les marées incessantes des pilleurs ? De quelles émotions la Terre allait-elle être submergée si le déséquilibre s’amplifiait, si la rupture entre les êtres humains et leur Mère était définitive, comment la vie serait-elle possible si l’avidité des hommes dévastait l’amour ? Ces envahisseurs ne savaient aimer que leur image. Ils étaient vides à l’intérieur."

  • Le monde arabe.

    Le Japon concentre les regards et les inquiétudes.

    Et la rébellion lybienne est massacrée.

    http://blog.syti.net/index.php?article=350

     

    Il faut sauver l'Arabie Saoudite à tous prix et en laissant Kadhafi reprendre le pouvoir en Lybie, les rébellions à venir sont brisées. C'est en tout cas, le pari que font certains pays Occidentaux. Il faut sauver la croissance mondiale en interdisant un emballement des prix du pétrole. La rébellion lybienne a déjà enflammé les prix mais une contamination à l'Arabie Saoudite serait désastreuse pour les financiers et leurs comptes en banque.

    Le gvt français et anglais semblaient parier au contraire sur une réussite de la rébellion lybienne et sans doute l'établissement de contrats pétroliers bien juteux, pensant sans doute que la contamination à l'A.S est impossible. Il n'y a qu'à voir ce qu'il vient de se passer à Bahrein d'ailleurs...Kadhafi n'est pas le seul assassin du secteur.

    Je ne crois pas un seul instant aux intentions humanistes des gvts occidentaux. Malheureusement. Et j'imagine bien les "brain storming" à tous va dans les salles secrètes des palais présidentiels. Comment maintenir la croissance ?...  La grande question qui les tourmente...

     

    Un choc pétrolier associé désormais à une catastrophe nucléaire conduiraient à un effondrement des marchés boursiers.

    Il s'en suivrait également un changement considérable dans nos vies quotidiennes.

    Et il est à espérer qu'on y arrive. Aussi douloureux cela va-t-il être. Il en va en fait de l'avenir des générations futures. La nôtre est en train de prendre en pleine figure ce qu'elle a semé depuis les années d'après guerre. L'emballement matérialiste. On pouvait le comprendre au sortir d'une guerre mondiale et de ses souffrances. Mais personne ensuite n'a jamais relâché l'accélérateur.

    Et là, le moteur (et pas que nucléaire) s'emballe.  

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  • Nikola Tesla

    La fin de l'hégémonie du nucléaire va peut-être relancer les recherches de cet homme, un génie oublié parce que sa vision n'avait aucun avenir financier...

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Nikola_Tesla

     

    http://frenzy.chez.com/Tesla.htm

     

    http://frenzy.chez.com/Tesla2.htm

     

    http://frenzy.chez.com/Tesla3.htm

     

    http://frenzy.chez.com/Tesla4.htm

     

    Quand on voit le temps perdu...

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