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  • Attention et concentration.

     

     

    « Si vous faites attention, vous ne pouvez pas être concentrés. »

     

    Un travail en classe sur cette idée que l’attention est une nécessité.

     

    « Fais attention quand tu écris, quand tu calcules, quand tu apprends ta leçon…! »

     

    Et bien non justement. L’attention est source de dispersion et elle est très représentative du fonctionnement actuel de ce monde « moderne. »

    Lorsque nous faisons attention, nous sommes à l’écoute de tout ce qui nous environne, dans un florilège de perceptions liées à nos sens, attentifs justement à ne rien laisser passer, une discussion, un bruit, un mouvement, tout ce qui peut nous remplir de cette activité ambiante, une espèce de « caméra sensorielle », capable de distinguer le moindre déplacement, le moindre son, la moindre odeur, le moindre frôlement. Il faut imaginer un réseau routier sur lequel notre attention bifurquerait anarchiquement. Il est très long et ardu d'apprendre à "conduire".

     

    La concentration implique au contraire l’établissement d’un horizon limité, une interdiction de changer de chemin, comme si une voie unique était tracée et qu’elle devait être empruntée sans aucune interférence, dans le refus de toutes perceptions étrangères, une lobotomie sensorielle, uniquement attachée à la validation du travail entamé. Il n’y a qu’un objectif et rien ne doit s’y greffer.

     

    Le silence et la solitude sont des alliés de choix. On peut dès lors se demander comment 30 enfants dans une classe peuvent y parvenir…Quand je vois d’ailleurs la difficulté pour un groupe d’adultes à rester « concentré », il y a une certaine aberration à en attendre davantage d’un groupe d’enfants.

     

    Il me semble que cette fameuse attention est très représentative de cette dispersion ambiante. Les marchands, les médias, les autres, les contraintes sociétales, sont des éléments perturbateurs.

    Les marchands sont d’ailleurs passés maîtres dans l’art d’entretenir l’attention.

    « Attention, ce nouveau smartphone va révolutionner votre vie, attention cette nouvelle voiture sera une compagne fidèle, attention cette nouvelle série télé est un évènement, cette télé réalité va vous bouleverser, attention, attention, attention, ne manquez pas tout cela, vous le regretteriez. Soyez dans le coup !»

     

    Et les consommateurs ne cessent de faire attention sans jamais se concentrer.

    L’attention est un phénomène tourné vers l’extérieur quand la concentration est une plongée intérieure. Dès lors, elle est un ennemi de la consommation.

    Un ermite silencieux est un citoyen économiquement sans intérêt…

    La concentration implique une observation de soi afin de ne pas quitter la voie intérieure. Alors que ce monde moderne est une ouverture constante sur l’extérieur.

    Bien sûr qu’il est profitable de faire attention lorsqu’on marche en forêt. Il n’est pas question de le nier ou de rejeter ces bonheurs multiples. On peut par contre y adjoindre une certaine concentration dans la plénitude qu’on y trouve. Comme si la nature ramenait immanquablement l’individu vers soi. Une boucle en quelque sorte. Marcher en montagne est autant une ouverture aux sens qu’un état de méditation dans l’intériorisation que l’activité déclenche. Encore faut-il aller marcher avec des personnes oeuvrant à l’exploration intérieure et non aux commentaires des dernières nouveautés technologiques ou de la campagne présidentielle…Il y a des sujets de discussion qui sont des insultes aux arbres.

     

    Quand j’entends mes élèves discuter du dernier jeu vidéo à la mode, alors qu’ils marchent en montagne, sous les frondaisons des arbres, au bord d’un torrent, je me dis que le travail à faire est gigantesque avant de les amener au silence…De l’attention à la concentration, le chemin est long et parsemé de pièges de toutes sortes.

     

    Cette attention pourrait être visualisée sur un plan horizontal, une espèce d'extension destinée à capter tous les éléments générés par les esprits engagés dans le même fonctionnement.

    La concentration implique un mouvement vers le centre. Une plongée verticale déclenchant simultanément une élévation du même ordre. Les perceptions environnementales ne sont plus des interférences dispersives mais des phénomènes aléatoires qui s'estompent naturellement.

    Juste des risées sur l'Océan intérieur. 

  • L'école.

    Tout ce qu'il conviendrait de faire. Et il y a urgence...

     

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    DEI-France

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    LETTRE OUVERTE

    A Monsieur Eric DEBARBIEUX

     

    Saint-Denis, le 22 avril 2011

    Objet : Assises nationales sur le harcèlement à l’Ecole / 2 et 3 mai 2011

                Monsieur,

    DEI-France est une association – section française de l’ONG Défense des enfants International, habilitée auprès des Nations Unies – qui promeut la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et milite donc de façon globale et pluridisciplinaire pour le respect des droits des enfants à être protégés – contre toute violence notamment – en même temps que pour leurs droits à participer à leur éducation et à exercer progressivement leurs libertés, qui sont des gages évidents d’une meilleure protection. C’est dans cet état d’esprit que deux de nos membres ont été signataires de la « lettre ouverte » qui a été adressée au ministre de l’Education nationale en janvier sur le sujet, et que nous participerons aux prochaines Assises sur le harcèlement à l’Ecole.

    Nous avons pris connaissance avec intérêt de l’étude de victimation que vous avez réalisée avec  Georges FOTINOS à la demande d’UNICEF-France sur les violences dans les écoles primaires. Nous sommes heureux qu’enfin une étude sociologique donne directement la parole aux enfants pour recueillir leur « expertise » sur ce qu’ils vivent au quotidien. Nous apprécions également qu’une étude similaire ait été lancée par le ministre dans les collèges dont nous pensons qu’ils cristallisent plus encore que l’école primaire ces phénomènes de violences et de harcèlement. 

    Dans la perspective de la mise en débat, à l’occasion des prochaines Assises des 2 et 3 mai sous votre caution scientifique, de propositions pour lutter contre les phénomènes de harcèlement entre pairs dans l’institution scolaire, nous souhaitons attirer votre attention sur les écueils suivants :

    • S’il est indispensable de trouver des solutions pour prévenir et lutter contre les phénomènes de harcèlement entre pairs, il ne faut pas oublier pour autant toutes les autres formes de violences auxquelles sont confrontés les élèves, parfois même du fait de l’organisation de l’institution scolaire, dont les acteurs soulignent de plus en plus les tensions professionnelles et les déficits de formation auxquels ils sont eux-mêmes exposés.  
    • Il y a lieu de ne pas se désintéresser non plus des situations où des élèves  - en l’absence de tout comportement violent apparent - retournent contre eux-mêmes la violence qu’ils ressentent, et l’expriment par des comportements d’autoagressivité voire d’autodestruction ou encore de désinvestissement, d’évitement et de repli. Moins perturbateurs pour la communauté scolaire, ces enfants n’en sont pas moins, eux aussi, en réel danger.
    • Enfin et surtout, s’il faut viser à repérer, pour mieux les accompagner, les victimes et les auteurs potentiels de ces violences, il ne faut pas en rester, dans la recherche des causes comme des solutions, à une approche strictement individuelle : il y a lieu bien sûr de faire prendre conscience aux élèves de leur responsabilité individuelle, y compris au sein de groupes, mais il n’en reste pas moins vrai que les causes essentielles de ces phénomènes de harcèlement sont collectives, comme les solutions d’ailleurs. 

    A ce sujet, nous tenons à vous signaler les solutions originales que DEI-France promeut depuis longtemps mais pour lesquelles nous n’avons pas trouvé une oreille attentive de la part des  prédécesseurs de Monsieur Luc Chatel[1]. Elles peuvent être résumées dans les quelques items qui suivent :

    • Approche et enseignement des fondements du droit dès l’école primaire et, au collège, un enseignement plus poussé de l’organisation de notre système judiciaire et des notions de droit civil et pénal utiles à tout citoyen.
    • Une approche et un enseignement particulier aux droits de l’homme, à commencer par les droits de l’enfant, non seulement à être protégé mais aussi à être acteur de son éducation et à exercer progressivement ses libertés – d’expression, d’information, de conscience – aussi bien dans la famille que dans l’école ou dans la cité.
    • Sensibilisation des élèves aux phénomènes de groupe, à la gestion des conflits, à la relation à l’autre, à « l’apprivoisement » des différences (handicap, âge, sexe, etc.). Une approche sous des formes actives - théatre forum, expressions artistiques ou autres - permet ainsi des apports plus théoriques comportant, adaptées aux contextes, des notions de philosophie, d’anthropologie, de sociologie, de psychologie, d’éducation sexuelle, à la santé, à la gestion des conflits, etc.
    • Une organisation des établissements scolaires – en matière de locaux, de groupes classes, de rythmes scolaires, de vie scolaire, de présence de permanences médicales et sociales, -  qui mette en œuvre concrètement les droits de l’enfant à être protégé dans son intimité, sa santé, contre toute forme de violence ou de négligence, mais aussi ses droits à être écouté, pris au sérieux, à avoir un pouvoir sur sa vie en participant, avec l’accompagnement des adultes, aux décisions qui le concernent.
    • En matière de discipline, l’élaboration avec les élèves et tous les acteurs de l’établissement de règles de vie connues et valables pour tous mais tenant compte de la « spécificité d’enfant » des élèves[2] ; l’utilisation de sanctions restauratrices plutôt que la mise à l’écart ; le développement et la formation des élèves aux pratiques de médiation entre pairs et une présence d’adultes disponibles et en nombre suffisant, plutôt que le recours à des systèmes de surveillance désincarnés dont on connaît bien les limites.
    • S’agissant des méthodes pédagogiques, le développement de méthodes actives et coopératives, du « faire ensemble » aussi bien entre élèves qu’entre élèves et adultes ; la valorisation du travail de l’élève plutôt que de la seule parole de l’enseignant.
    • Quant à l’évaluation, l’abandon du système actuel construit sur les notes[3], le classement, le tri entre bons et mauvais, ceux qui réussissent et ceux qui échouent, pour retenir comme objectif principal du nouvel outil d’évaluation l’utilité pour l’enfant de mesurer ses progrès et de lui donner, ainsi qu’à sa famille, les éléments lui permettant de s’orienter au mieux pour la poursuite de ses études et pour sa formation professionnelle.
    • La formation de tous les personnels scolaires au développement d’une nouvelle forme d’autorité fondée non pas sur une différence de statut adulte-enfant ou enseignant-enseigné mais sur la capacité de cette autorité à autoriser et pas seulement à interdire, à protéger les élèves, à faire de l’Ecole un lieu « secure » tout en les aidant progressivement à grandir intellectuellement, à s’ouvrir à d’autres cultures que familiale et à acquérir leur autonomie en les accompagnant dans une prise de risque maîtrisée.
    • Plus fondamentalement une affirmation forte dans les objectifs de l’école obligatoire, et localement dans les projets d’école et d’établissement, de la volonté de réconcilier « réussite » individuelle  et apprentissage du vivre en société, d’éduquer aux notions de bien collectif, de travail en équipe et de promouvoir les valeurs de solidarité [4].
    • Une formation indispensable des personnels aux implications éducatives de leur mission de service public, au delà de leur fonction d’enseignant, d’ATSEM, d’ATOS ou de personnel de direction ; et un minimum de connaissance de psychologie des enfants, des situations de handicap, des droits de l’enfant et du rôle des autres acteurs publics de l’enfance et de la famille.
    • L’ouverture de l’Ecole sur l’environnement par l’implication des personnels, des enfants et des familles dans l’élaboration d’un projet éducatif territorial et global permettant d’articuler de façon cohérente tous les espaces-temps de l’enfant [5].

    Si ces propositions peuvent paraître très générales et parfois éloignées du seul problème des violences et harcèlements entre pairs, elles nous semblent pour autant essentielles : nous sommes convaincus que ces violences et harcèlements trouvent en large partie leur source dans le fonctionnement actuel de l’institution scolaire qui engendre lui-même de la souffrance, de l’exclusion[6] et donc de la négligence et de la violence. Elles sont aussi la reproduction par les enfants de replis identitaires ou de mise à l’écart de la différence dans notre société qui tend à une normalisation de plus en plus forte, quand elle ne disqualifie pas purement et simplement toute une partie de la population qui ne peut avoir accès aux conditions quotidiennes d’une sécurité de base..

    Nous espérons vivement que, sous votre caution scientifique, les Assises organisées par le ministre de l’Education nationale sauront éviter les écueils d’une réduction de la violence à l’Ecole aux seuls phénomènes visibles de harcèlement entre pairs et d’un oubli des responsabilités collectives et institutionnelles en la matière ; qu’elles déboucheront aussi sur des propositions de solution qui, loin des systèmes de surveillance déshumanisés, et bien au delà des seuls dispositifs de repérage individuel des auteurs ou victimes de harcèlement, sauront s’attaquer aux causes profondes et collectives de ces violences que malheureusement les orientations du gouvernement ces dernières années, en termes d’effectifs et de formation des personnels, de scolarisation des 2-3 ans, de modification des textes sur la discipline, de responsabilisation à outrance des parents ou les discours nostalgiques sur une autorité à l’ancienne  n’ont fait qu’accroître.

    En vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien porter à cette lettre, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de ma haute considération

    Jean-Pierre ROSENCZVEIG,

    Président

     

    Copie à : M. Georges FOTINOS et M. Jacques HINTZY, président d’UNICEF-France



    [1] Nous avons rencontré un conseiller du Ministre Xavier DARCOS en février 2008 : cf lettre adressée le 10 mars 2008:

    http://www.dei-france.org/DEI-communiques-commentaires/2008/Lettre_MEN_13-03-2008.pdf

    Voir aussi les recommandations de notre rapport alternatif au Comité des droits de l’enfant au chapitre éducation loisir et culture :

    http://www.dei-france.org/rapports/2008/index_rapport2008.html

    [2] Comme il en existe déjà dans certaines écoles primaires, par exemple l’école Marie Curie à Bobigny.

    [3] Cf la proposition de L’AFEV et d’autres associations dans le domaine scolaire :

    http://suppressiondesnoteselementaire.org/

    [4] Voir l’Appel de Bobigny signé par plus de 40 organisations : syndicats, réseaux de villes, associations complémentaires de l’Education Nationale et d’éducation populaire, associations de parents…

    http://blogs.mediapart.fr/edition/appel-de-bobigny/article/181010/appel-de-bobigny-vers-un-grand-projet-national-pour-len

    [5] Cf la proposition n°10 de l’appel de Bobigny

    [6] Voir les conclusions de la journée du refus de l’échec scolaire 2010 organisée par l’Association de la fondation étudiante pour la ville : http://www.afev.fr/communication/Bilan_jres_2010_AFEV_web.pdf

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  • L'inquiétude.

    Rémi, notre garçon (20 ans dans 7 jours) est parti pour un raid à vélo pendant trois mois, tout seul.

    Départ Genève, passage par Moscou, Transsibérien pendant 5000 kilomètres, Transmongolien jusqu’à Oulan Bator puis départ pour les steppes.

    Une continuité finalement si on pense à tout ce qu’on a fait avec nos trois enfants. Sauf que Rémi franchit une étape élevée d’un coup…

     

    D’où le sujet du jour : l’inquiétude. 

     

    Imaginons que j'ai montré à Rémi que j'étais inquiet. S'il se retrouve dans une grosse galère, cette peur qui m'appartient s'est ancrée en lui et elle va rajouter une pression alors qu'à ce moment précis, il a besoin de tout son potentiel et de sa lucidité. C'est ma peur qui l'alourdit, comme un fardeau.
    Cette inquiétude est totalement inutile pour moi, elle crée une pression pénible mais je l’entretiens malgré tout, comme si je me devais d’être inquiet, un bon père qui a peur pour son fils, une bonne conscience que je me donne. C’est totalement absurde. Cette inquiétude n'aidera pas non plus Rémi. Elle va même avoir un effet particulièrement néfaste. Il aura peur, non pas pour lui mais pour moi et ça le figera dans l’expectative et le doute alors qu’il aura besoin de réagir rapidement.

    Si par contre, j'ai transmis à Rémi ma confiance, si j'ai su l'accompagner dans sa préparation et qu'on est assuré d'avoir fait tout ce qu'on pouvait, qu'on a parlé de tout ce qui pouvait lui arriver et que je lui montre que je n'ai aucun doute sur sa capacité à gérer l'urgence, j'ai ancré en lui une force supplémentaire, celle de cette confiance.
    Pour moi, cette confiance ne servira à rien sinon d’éviter à l’inquiétude de refaire surface. Mais pour Rémi, elle peut être utile.

    En définitive, toutes mes émotions actuelles n'ont aucune importance. Mais celles qui se sont produites avant peuvent avoir un rôle à jouer.

    C'est l'expérience du canyonning qui me l'a montré. C'est ma peur pour Léo qui ne savait pas si on était vivant, c'est d'imaginer son inquiétude qui nous a fait, ma femme et moi, perdre cette lucidité qui nous aurait permis de continuer à descendre la gorge au lieu de remonter la falaise. Comble de la situation, cette inquiétude partagée nous a doublement égarés.  

     

    Dans le cas de Rémi, c’est finalement notre propre bien-être qu’on chercherait à préserver en transmettant cette inquiétude. Une tentative pour mettre un terme ou un frein à une aventure qui dépasse nos capacités. Mais ça n’est pas à Rémi qu’on penserait dans cette pression. Juste un apaisement qui conviendrait à notre vie sédentaire. Il y a dans l’idée du voyage une peur viscérale, une perte de nos repères, de nos murailles, celles de la maison qui nous abrite et celles de nos habitudes qui nous rassurent. Partir, c’est faire voler en éclat tout ce qui correspond à cette vie ancrée.


    On peut aussi, de façon irrationnelle, imaginer que Rémi perçoit nos émotions, malgré les distances et qu'il a davantage besoin de notre soutien que de nos peurs. Après tout, on n’en sait rien alors dans le doute, il vaut bien mieux opter pour le positif.

    Par conséquent, le choix est fait.

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  • Le libre penseur

    La libre-pensée ou libre pensée (expression attribuée à Victor Hugo dans un discours de 1850) est l'attitude philosophique consistant à refuser tout dogmatisme, religieux ou autre, et à ne se fier qu'à sa raison (rationalisme). Dans sa forme, l'expression est ambigüe puisque si la pensée peut être libre par rapport aux autorités, elle ne peut se libérer de la réalité.

    Le problème, à mes yeux, est que la raison, est particulièrement formatée et ne concourt pas à la liberté. Elle n'en est qu'un outil. Elle ne libère pas l'ouvrier. Si on considère qu'un libre penseur est un esprit qui a la capacité à s'opposer à des dogmes, il n'est pas libre pour autant puisqu'il réagit à des paramètres auxquels il s'oppose. Il lutte dans la geôle des conditionnements qu'il combat. Ce combat, lui-même, est une enceinte qui l'amène à adopter des attitudes, des réactions, des conflits, des confrontations d'idées. Mais on peut tout de même lui accorder un certain hommage devant la difficulté de la tâche. Il ne me viendrait pas à l'idée de critiquer un Voltaire par exemple...

    Plutôt que "libre penseur", je préfère l'expression du "penseur qui se libère".

    On peut se demander s'il ne convient pas d'arrêter de penser pour atteindre la liberté. C'est sans doute pour ça que j'aime autant l'effort physique de longue durée... Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de pensée mais un état de plénitude intérieure nourrie par l'énergie qui vibre dans les fibres. C'est la Nature finalement qui est le plus doux garant de la liberté. L'humanité est un amalgame de pensées qu'on cherche à gérer et dès lors on perd sa liberté de ne plus penser. Le "libre penseur" est celui qui s'est libéré de la pensée...

    Cette réalité dont on ne peut se défaire, il est tout de même permis de ne pas la commenter. Ce qui n'élimine pas l'observation. La pensée est tournée vers l'autre. Là, en ce moment, si je pense, ça n'est pas pour moi mais pour transmettre ce que je porte et que je connais.je n'avais pas besoin d'écrire ce texte pour éprouver cette liberté de non-pensée. En décidant de la partager, j'entre de nouveau dans le cadre des pensées afin de constuire un texte éventuellement compréhensible. Je me soumets dès lors à cette nécessité. Mais je l'ai identifiée, j'en connais les détours. Et je sais qu'il me suffira d'aller marcher demain en montagne pour qu'elle s'efface.

    Le libre penseur est celui qui a établi en lui-même le cheminement favorable à l'émergence d'une pensée soumise à sa raison et non d'une pensée intrusive et qui possède également le cheminement permettant de se libérer de cette pensée lorsqu'elle n'a plus de raison d'être.

    Le libre penseur ne peut pas être attaché à son désir de liberté au risque de créer une entrave. S'il n'existe qu'à travers son originalité, il en devient dépendant. Que sera-t-il s'il ne trouve plus de pensées formatées à combattre ? Un libre penseur enchaîné à l'absence de combat. Le libre penseur qui est conditionné à son désir de liberté ne peut pas être libre...

    Il n'y a bien que l'absence de pensées qui puisse être source de liberté.

  • La maladie ou le "mal l'a dit"

     

    Et si nous n'entendons pas ce que le "mal" nous dit, c'est la maladie qui prend le relais. Il y a des signes précurseurs et au lieu de nous précipiter chez le médecin allopathe, qui d'ailleurs devrait apprendre à dire "allo, il y a quelqu'un?", au lieu de s'acharner à faire taire ce que le mal dit, si nous apprenions à nous entretenir avec nous-mêmes, si nous apprenions à aimer la vie qui est là au lieu de nous plaindre des conditions de vie qui sont devenues douloureuses, si nous parvenions à comprendre pourquoi le mal nous parle et à en retirer le bien qu'il contient, cette évolution vers une compréhension plus fine de nous-mêmes, si nous abandonnions cette habitude inculquée d'entrer en conflit avec le mal alors qu'il est là pour notre bien, peut-être est-ce que ça irait mieux...

     

    Je ne rejette pas la médecine allopathique, la techno-science et les formidables avancées qui sont les siennes. Les chirurgiens qui vont sauver les accidentés de la route ou les combattants lybiens n'ont pas à se poser de questions sur les tréfonds de l'âme de celui qui agonise... Je rejette par contre les techniciens qui ne sont plus que des "urgentistes". La technique en soi est vide de toute compassion si elle n'est pas accompagnée par l'écoute envers ce que le "mal a dit".  Ce technicien n'est sinon qu'un mécanicien et on sait tous que nos voitures retombent inévitablement un jour en panne...

    Les traitements qui sont construits sur l'idée de la causalité sont des traitements fragmentaires. "Une douleur, une cause," est un raisonnement éminemment simpliste.

    Le corps est le reflet d'un monde intérieur qui ne s'arrête pas à l'usure d'une pièce, à l'encrassage d'une tuyauterie, à la rupture d'une durite. Ce qui importe, c'est de remonter à la source du problème et non de se contenter de l'effet visible. Si un garagiste s'arrêtait à vous vendre un bidon d'huile sans essayer de trouver la fuite, vous le traiteriez de charlatan...C'est surprenant que certains médecins se satisfont d'un médicament sans savoir pourquoi celui-ci est devenu à leurs yeux indispensables et que nous retournions les voir lorsque le traitement n'a aucun effet durable et que la perte d'huile s'obstine à réapparaître...

    L’homéopathe qui s’astreint à faire un état des lieux avant de se diriger vers un traitement fait preuve de cet égard indispensable envers le patient. Et si celui-ci s’appelle « patient », c’est bien qu’il est capable de faire preuve de patience envers la guérison. Il n’est pas dans l’attente immédiate d’un effet mais dans l’obtention d’une compréhension de ce qu’il est et de ce que le mal lui dit. La guérison viendra en son heure. Et si l’individu emprunte une « voie express » pour arriver à destination, il ne s’en plaindra pas.

     

    Hippocrate, lui-même, estimait que le médecin devait prendre en charge, non pas la maladie, mais le patient. Rien que ce regard holistique marque une distanciation immense avec la pratique de « ces techniciens de surface » qui s’intéressent à la pièce sans observer, analyser, parcourir, ausculter l’architecture entière et plus encore l’architecte lui-même…

    C’est ce regard spirituel qui manque effroyablement. Cette voie également tournée vers l’architecte et non uniquement la structure. Il reste en plus de ce travail envers la conscience intime de l’architecte à l’accompagner dans la conscience de ce qui constitue l’énergie permettant l’existence de l’architecte…J’entends déjà certains médecins arguer que ça n’est pas de leur ressort. Effectivement, ça n’est pas « uniquement » de leur ressort. C’est aussi à l’école de le faire, aux familles, aux médias, à la culture, aux individus entre eux.

    « L’homme n’est rien d‘autre que la Nature prenant conscience d’elle-même, » écrivait Elisée Reclus au XIXème siècle.

    La maladie n’est-elle pas dès lors le symptôme d’une Nature qui souffre d’une inconscience envers elle-même ? Ou d’une indifférence, d’un éloignement destructeur ?

     

    Là encore, lorsque je lis les textes concernant les indiens Kogis, j’ai du mal à considérer que nous sommes dans une voie de progrès et que eux sont restés figés dans une culture ancestrale et primitive. Je dirais plutôt qu’ils ont continué à avancer dans une voie de connaissance spirituelle et que nous avons foncé tête baissée dans une voie mécaniste. Non seulement nous ne nous intéressons pas assez à l’énergie constituant la vie des architectes mais nous avons en plus perdu de vue les architectes eux-mêmes dans le fatras de leurs architectures.

     

    Effroyable désastre.

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  • Intérieur, extérieur...

    J'en suis de nouveau là...Cette impression extrêmement puissante que la "réalité" que je perçois n'est qu'une infime partie de ce qui est. Des bouleversements qui surviennent, des marées de frissons, totalement inattendus, n'importe quand, en pleine nuit ou au volant de ma voiture, en vélo ou au moment de taper dans une balle de tennis, en croisant le regard d'un de mes élèves dans la classe, en regardant par la fenêtre, en suivant des yeux ma princesse qui traverse le salon, en entendant la voix de ma fille, en contemplant la lune ou en écoutant le chant du rouge-gorge qui ne quitte plus notre jardin...Comme une enveloppe qui se déchire.

    Je n'ai plus peur désormais...

     



    "VERTIGES"
    Extrait.

    « Il ouvre les yeux…
    Un disque ardent rayonne au-dessus des montagnes. Des cascades de bleu glacé caressent les pentes de neige endormies. Un calme d’une froideur métallique emplit l’espace. Là-haut, une veilleuse s’est allumée et répand sur les choses envoûtées une lumière féerique, une limpidité cristalline. Aucun chuchotement n’ose troubler l’immobilité des montagnes. L’air, lui-même, est suspendu à cette vapeur bleutée. Le relief a perdu son agressivité, les pointes se sont nivelées, les cassures se sont comblées. Cette sublime phosphorescence attendrit l’ensemble et éveille une harmonie totale. Une cloche de verre semble protéger de toute intrusion ce lieu sanctifié. La lune donne sa clarté comme une bénédiction.
    Il a l’impression que le disque blanc s’ouvre sur un autre monde, comme un hublot pour des spectateurs curieux…Il se sent observé…Cette idée voyage longuement dans son corps étalé, au creux de son cocon de neige. Cette atmosphère si intense résonne en lui comme dans une coque vide. Il se fond dans cette étreinte qui par moments s’adoucit de pâleurs ou se charge de mauves.
    Il ne sait pas ce qui l’a réveillé…
    Est-ce cette vibration subtile qui s’est insinuée dans son ventre, comme une onde souterraine remontée des âges glacés, ou cette mélodie de silences aigus qui a transpercé la carapace de son cerveau éteint ?
    Il est trop près de la vie de la montagne, il ressent trop profondément l’ineffable beauté qui l’entoure pour pouvoir mourir. Il le comprend brutalement sans pouvoir l’exprimer. Les idées jaillissent en lui comme un flot libéré. La vie du monde est en lui et le soutient. Tant que ses yeux restent fixés à la Terre, il ne peut pas partir…Mourir, c’est retourner ses yeux au-dedans de soi et oublier l’Univers.
    Cette phrase se grave dans son cerveau. Hypnotisé, il entreprend dans sa tête le lent processus de l’homme qui se lève. Ses genoux soudés par le froid se déplient en craquant, les coudes parviennent à se bloquer pour supporter le poids du corps, le dos, sculpté par la douleur, retrouve dans sa mémoire une posture acceptable.
    Il est debout…Du moins, ses jambes le portent. Pour le reste du corps, trop tordu, il ne s’agit pas d’une position connue.

    Le glacier s’étire devant lui, nonchalamment, maquillé par endroits d’embruns scintillants qui offrent à la lune leurs miroitements étoilés. Des clairières de lumière diffuse guident les présents de l’astre vers des étendues insatiables. Dans cette cérémonie amoureuse, tout n’est qu’offrande.

    Comme un somnambule fasciné, il chemine lentement entre les crevasses ouvertes. Il perçoit dans ses os les craquements de la glace et son sang est teinté par la nuit bleutée…Il se croyait vidé de tout mais il comprend maintenant qu’il s’est simplement retourné…Son intérieur est dehors…Il a déjà ressenti cela, autrefois, sur un sommet…Peut-être n’est-ce pas si loin d’ailleurs. Il ne parvient plus à distinguer le temps qui passe. Il est assailli de sensations inconnues. Il saisit avec une précision extrême la rotation de la Terre, les courants d’air dans l’atmosphère, les soulèvements des océans aimantés par la lune, les mouvements indicibles de la croûte terrestre…Il en est presque effrayé. Tout ce qu’il capte est si éloigné de l’humain. Pourquoi lui donne-t-on à connaître tout cela ? Qui est responsable ?
    Il ne distingue plus son corps.
    Il regarde sa main et il aperçoit dans les rides des sillons d’étoiles filantes. Il emmène cette main vers l’endroit supposé de sa joue, mais il ne reçoit aucune information connue. Il a peur de disparaître dans l’espace, et, simultanément, il comprend que c’est déjà fait.
    Il ne s’agit plus simplement d’une cellule au bout d’un doigt, travaillant aveuglément pour cette zone limitée, ignorante du corps qui la porte, il ne s’agit plus d’un individu vivant à l’intérieur d’un espace inconnu, insensible à l’immensité qui le contient. Il est entré ailleurs…Dans une dimension synergétique, dans un état d’ultime clairvoyance.
    La cellule, au bout du doigt, est intimement liée au Tout…Et dans son entité, simple et unique, le Tout est inscrit…
    Il devine alors combien il n’est pas lui. Mais bien plus. Sans savoir ce que c’est…Il est incapable de continuer sa découverte. Tout va trop loin. Il a l’impression brutalement que sa conscience est en expansion, qu’elle est inscrite dans le même élan qui porte l’Univers, qu’à l’intérieur de son crâne en fusion, un processus s’est engagé, qu’il ne contrôle rien et que ce n’est qu’un début.
    Il voudrait être sûr de ne rien oublier mais sitôt pensée, l’idée disparaît. Il en ressent une profonde injustice. Plus il tente de se concentrer, moins il comprend…Il doit s’abandonner, il le sent. Tout ce qui se passe d’ailleurs, n’est que ressenti. La raison est trop restrictive. Il faut s’en dépouiller. Ne rien vouloir. Ce serait encore trop humain. Et l’humain est si faible. Il faut autre chose. Et c’est en lui, il en est certain. Mais où ?
    Devenir la sensation pure.
    Ne pas vivre dans le monde mais vivre du monde.
    Non, la solution n’est pas en lui, il le sent, il le sait, la solution, c’est le monde…
    Etre soi, c’est se défaire de soi et entrer dans la complicité avec l’espace, avec la matière vivante qui grandit inexorablement, comme sa conscience. L’Univers est en lui, il le comprend et il s’étend avec lui, sur sa lancée.
    Il dérive dans des courants de lumière inconnue. L’étendue des révélations qui s’éveillent le bouleverse.
    Une étrange impression de chaleur se pose sur son visage. Pourtant, rien à l’horizon n’indique la venue du soleil. Il voudrait comprendre mais sitôt prononcée, cette volonté anéantit toutes ses chances de saisir. Il cesse de penser et se laisse porter par sa marche lancinante.
    Il écoute avec sa peau, et de nouveau une tiédeur le frôle.
    Des courants solaires se sont insinués dans la nuit. Eclaireurs de l’astre, ils annoncent au monde l’élévation prochaine. Des effluves bienfaisants caressent sa peau. Il est heureux.
    Il voit avec sa peau !
    Jamais il n’aurait cru cela possible. Devant cette conscience nouvelle, il cherche encore à comprendre comme s’il ne pouvait pas se défaire de cette habitude. Il sait que quelque chose a changé. Mais il ne sait pas ce que c’est. Le mot « clarté » revient sans cesse. Il pressent qu’il ne s’agit pas du soleil ou d’une lumière visible mais d’un regard sur lui-même. Une compréhension mystérieuse qui lui avait toujours échappé. A la fois, et de nouveau de façon imprécise, il devine combien il lui reste de chemin à parcourir.
    Intérieurement.
    Comme si le fait d’avoir entamé une découverte, d’avoir entrouvert une porte inconnue, lui ouvrait un horizon gigantesque, un panorama infini de consciences, toutes, à mesure de leur éloignement, plus profondes les unes que les autres. Un sentiment d’excitation le gagne, remplacé aussitôt par une inquiétude profonde. Est-il capable de voir plus loin, a-t-il les capacités d’apprendre encore ? Et apprendre quoi ? Il ne sait pas ce qu’il reste à découvrir. Il ne domine rien.
    Il n’est pas en apprentissage.
    Il est en révélation.
    Les idées l’épuisent. Tout va si vite. Il al ‘impression d’être ouvert. Et que toutes les idées existantes tombent en lui, c’est effrayant et bouleversant à la fois. Il voudrait continuer mais il ne sait pas dans quel sens diriger ses pensées…
    Diriger…
    Quel mot prétentieux ! Il en rirait s’il en avait la force. Qu’est-il donc s’il ne contrôle pas ses progrès, si tout lui arrive, si tout vient en lui mais qu’il ne soit pas capable de faire venir. Y a-t-il l’homme qu’il voit, qu’il peut toucher, sentir, et puis, caché derrière une conscience primaire et immédiate, un autre lui-même, différent, conscient d’autres consciences, connaissant d’autres connaissances, vivant une autre vie, une vie secrète, étouffée, maintenue cloîtrée comme si les révélations à dire faisaient peur. Et laquelle de ces deux vies, ou peut-être plus, est la plus réelle ? Celle du monde des vallées n’est-elle donc qu’un songe ? Celle-ci, loin de tout et surtout des hommes, est-elle encore une vie ? Ou juste une fuite ? Faut-il vivre parmi les autres quand on veut se connaître ? Ou la grande solitude est-elle la condition unique et indispensable ?
    « Alors jusqu’ici, je n’ai jamais vécu ? »
    La question est tombée. Il n’a pas pu la retenir. Dans le flot de pensées qui l’assaille, ce jugement implacable s’est imposé.
    Il essaie de se sauver en se remémorant des évènements importants qu’il aurait réellement dominés, quelque chose qu’il aurait conduit, totalement, de l’essence même de l’idée à sa conception, de sa réalisation à sa conclusion et enfin l’enseignement à en retirer. Il ne trouve rien…Les idées lui ont été données, les cheminements ont été tracés, les enseignements lui ont échappé. Rien n’est de lui. Il n’a pas agi, il a réagi...Subir, seul ce mot lui convient. Un dégoût de soi, mêlé d’une épouvantable tristesse, le submerge…Rien ne lui appartient et surtout pas lui-même. Il le sent et c’est une douleur effroyable.
    Il a été vécu. A travers l’autre, celui qui s’appelle Jonathan. Lui, le vrai, ne s’est éveillé qu’ici. Sa vie au grand jour commence.
    S’il parvient à rester à la surface. Si Jonathan ne reprend pas la place.
    Il cherche à établir une liste d’actes à accomplir pour rester maître de lui-même. Il ne trouve rien. Il est épuisé. Tout s’embrouille. Il découvre et ne peut rien retirer de cet enseignement. Il apprend sans comprendre pleinement. Tout continue à tomber en lui. Est-ce qu’il faut s’en contenter ? N’est-ce pas déjà un merveilleux chemin ? Que faut-il pour rester conscient ? Et penser que l’on est conscient, est-ce une preuve suffisante ? N’y a-t-il pas encore tromperie ? Penser que l’on pense à soi, est-ce un acte de maîtrise, une certitude d’avoir atteint un degré supérieur de conscience ? Celui qui est en moi possède-t-il un jugement impartial, totalement objectif ? Il a peur. Les mots sont effrayants. Il ne se souvient même pas les avoir appris un jour. Ils tombent en lui comme dans un gouffre béant. Le flot ne s’interrompt plus. Il sent pourtant, que cette fois, il doit se laisser porter, que cette fois, tout ce qui se passe en lui est bon à prendre. Même s’il s’agit toujours d’un état de dépendance, même si les idées ne sont pas à lui mais en lui, il convient simplement pour l’instant de les laisser éclater au grand jour, de les saisir le plus fidèlement possible, de les préserver enfin. Et peut-être un jour de les comprendre. Il doit cesser d’avoir peur…
    Mais puisque ces idées sont en lui, elles doivent bien lui appartenir ! Tombent-elles de l’Univers dans un esprit prêt à les accueillir ou remontent-elles d’une mémoire gigantesque ? Tout est-il déjà inscrit quelque part à l’intérieur ? Cette connaissance suprême, comment la conserver, l’approfondir, la développer si elle disparaît sans prévenir, s’il est impossible de la contrôler. Si tout est perdu à chaque fois, comment atteindre la félicité ? Où la mémoire range-t-elle cette béatitude, cette lucidité extrême, cette complicité avec l’Univers ? Existe-t-il quelque chose de durable ?
    Il n’a pas le temps de finir une phrase qu’une autre survient, qu’un flot de pensées absorbe le précédent, qu’une question s’impose avant le début de l’esquisse d’une réponse. Il est noyé de mots. Chaque révélation en appelle dix autres. Il croit devenir fou…Conscience, Univers, clairvoyance, harmonie, osmose, béatitude…Des mots ignorés semblent avoir pris vie en lui et s’écrivent dans un foisonnement inaltérable.
    Comme si tout avait déjà été là.
    Il descend…

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  • Un sacré fatras.

    Et qui pourtant sert encore de fondations...Consternant.


    Georges Minois sur le sujet des Textes bibliques.  Un ouvrage intitulé  "Les origines du mal : une histoire du péché originel".


    Voici un résumé trouvé sur internet.

    "Pourqui les hommes sont-il mortels ? Pourquoi souffrent-ils tellement et font-ils souvent souffrir leurs semblables ? Depuis l’Antiquité, des hommes élaborent des explications surnaturelles. Le premier livre de la Bible en présente une qui aura un impact énorme sur les croyances et la vie d’une multitude d’hommes. Vers le VIe siècle avant notre ère, les rédacteurs de la Genèse ont imaginé un récit qui attribue l’essentiel de la responsabilité au Diable (le tentateur, jaloux de la nouvelle créature de Dieu), à Ève (la première à commettre « la » faute) et à Adam (qui s’est laissé séduire par sa femme).

    Le récit de la consommation du fruit défendu occupe une place minime dans l’Ancien Testament. Il n’est pas mentionné dans les Évangiles. C’est Paul de Tarse (St Paul) qui a lancé l’idée que le Christ s’est incarné et a subi le supplice de la croix, pour que Dieu le Père pardonne le péché commis par Adam et Ève, un péché qui a scellé le sort de l’Humanité entière : l’expulsion de l’Éden, la transmission de ce péché à tous les hommes, la condition d’être mortel, les souffrances de l’accouchement, la domination de la femme par l’homme, l’obligation de travailler, la honte de la nudité.

    Jusqu’à la fin du IVe siècle, les chrétiens ont avancé des opinions contradictoires sur la culpabilité d’Adam et Ève et sur l’impact de ce péché (le mal est alors souvent expliqué par l’action du Diable). Augustin d’Hippone (St Augustin), un évêque africain obsédé par le problème du mal, est l’inventeur de l’expression « péché originel » et le grand artisan d’une lecture littérale du récit de la Chute. Il organise des conciles à Carthage, qui aboutissent à l’affirmation de la doctrine du péché originel par le pape en 418. Á partir de ce moment, le problème est réglé pour l’Église. Simplement les théologiens consacreront une énergie considérable à comprendre, à expliquer et à justifier une idée qui paraîtra, au fil des siècles, de plus en plus incompréhensible et même scandaleuse : Dieu, tout-puissant et infiniment bon, a condamné sans pitié l’humanité entière à d’injustes souffrances, par la faute de ses deux premières créatures et n’a accepté de pardonner que parce que son Fils bien-aimé a subi un supplice effroyable.

    Au XVIe siècle, l’interprétation du récit de la Chute devient une « pomme » de discorde entre catholiques et protestants. C’est alors que l’Église romaine veut en quelque sorte clôturer le procès d’Adam. Aussi le concile de Trente fait-il du péché originel un dogme. Désormais tout catholique qui refuse le caractère historique du récit biblique est hérétique et encourt l’anathème. Autres dogmes du même concile : tous les hommes — à l’exception de la mère du Christ, « l’Immaculée Conception » — héritent du péché originel et doivent être baptisés pour qu’il soit effacé. Les enfants sans baptême ne peuvent aller au ciel. Leur âme va dans un endroit déjà imaginé par Thomas d’Aquin au XIIIe siècle : les limbes.

    L’Église s’interdit de revenir sur les dogmes qu’elle a proclamés et ne peut donc faire autrement, aujourd’hui, que de continuer à affirmer, comme « vérités essentielles de la foi », le caractère historique du péché d’Adam et le rachat de ce péché par le supplice du Christ. Ces dogmes sont donc répétés dans la dernière version du Catéchisme de l’Église catholique, publié par le Vatican en 1997 (éd. française en 1998 aux éd. du Cerf). L’Église reconnaît toutefois le caractère irrationnel de ses explications : « La permission divine de l’activité diabolique est un grand mystère » (Catéchisme, § 395), « La transmission du péché originel est un mystère que nous ne pouvons comprendre pleinement » (§ 404).

    G. Minois montre que, tout au long de l’histoire du christianisme, des auteurs ont imaginé des interprétations symboliques du récit biblique : par exemple Pélage au IVe siècle ou Lamenais au XIXe. Ces conceptions ont été systématiquement refusées par l’Autorité catholique et les protestants fondamentalistes. L’énoncé de ces conceptions valait à leurs auteurs l’excommunication de l’Église et autres sanctions (à commencer par Pélage, qui fut expulsé de Rome et dont les biens furent confisqués).

    À partir des années 1960, la question du péché originel a suscité une profusion de spéculations théologiques, publiées parfois dans un langage incompréhensible pour le commun des mortels. À titre d’exemple, citons Louis Panier, professeur à la Faculté théologique de Lyon, qui s’exprime en langage lacanien. Après avoir rappelé qu’il ne sait pas ce qu’est le péché originel, mais que le texte biblique contient « une vérité qui me concerne en tant que sujet », Panier réinterprète tous les éléments du récit. Par exemple, le fait que Dieu ait dit à Ève, en la chassant du paradis, « ton mari dominera sur toi » serait à entendre comme ceci : « Dieu n’établit pas le pouvoir des hommes, il révèle à la femme la faille “insue” où il sera question pour elle d’entendre l’altérité de la parole. » (Le Péché originel, éd. du Cerf, 1996, p. 96). Sa conclusion : « Le péché originel concerne donc ce qui en chaque homme structure l’humanité, pour autant que pour chaque “un” l’unicité est signifiée, posée sous un signifiant qui se détache dans le réel (dans la chair du monde), ce sur quoi s’établit cette humanité singulière. » (p. 146). On en vient à se demander s’il faut embrasser la foi lacanienne pour conserver la foi dans le catholicisme.

    L’ouvrage de Minois fait voyager à travers toute l’histoire de la culture chrétienne. En effet, la doctrine du péché originel a façonné l’image occidentale de l’homme. Elle a alimenté la culpabilisation du plaisir sexuel (pour beaucoup de théologiens, Adam et Ève ont commis le péché de la chair), mais aussi de la désobéissance et même de la connaissance scientifique. Elle a justifié l’ordre social (l’homme étant foncièrement incliné au mal, il faut de la violence pour maintenir l’ordre) et la misogynie – Paul de Tarse (St Paul) a affirmé que « ce n’est pas Adam qui se laissa séduire, mais la femme qui, séduite, se rendit coupable de transgression ». Le péché originel n’a pas seulement occupé les théologiens, il a été l’objet de réflexion pour de nombreux philosophes : Pascal, Leibniz, Kant, Hegel… Au XVIIIe siècle, il est devenu la cible privilégiée des rationalistes. Au XIXe, Adam sera « tué » par le darwinisme. Les chrétiens qui accepteront la théorie de l’évolution en maintenant l’Adam historique devront se livrer à des contorsions intellectuelles qui aboutiront à la doctrine actuelle de l’Église : le corps est « tiré d’une matière déjà existante et vivante », mais chaque « âme » est créée par Dieu.

    Minois consacre le dernier chapitre du livre aux progrès de la biologie et de la médecine, nouveaux « arbres de la connaissance ». Pour bon nombre de croyants, il y a là des risques de désobéissance à Dieu tout à fait comparable à celle d’Adam et Ève. On peut dès lors se demander si des représentants de religions, qui ont imposé des règles absurdes, ont leur place dans les comités d’éthique."

    http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1057

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  • Divin dilemme.

    Osho, « maître spirituel » s’évertuait à condamner les religions. Je ne vais pas le blâmer…

    Je suis par contre surpris par le raisonnement dont il usait.

     

    Selon lui, Dieu ne peut pas exister étant donné que la création n’est pas achevée et que l’évolution est une théorie acceptée par tous les esprits objectifs depuis Darwin.

    Dieu, en tant qu’être parfait, n’aurait pas pu se tromper dans sa création. Les Textes disent que ça lui a pris six jours et qu’ensuite, comme tout cela lui plaisait, il est parti se reposer…Est-ce qu’il aurait pu se tromper à ce point-là et ignorer que cette création ne resterait pas figée ? Qu’elle lui échapperait en quelque sorte…

    C’est impensable si on accorde à Dieu le fait d’être parfait.

     

    Voilà, en résumé. Je ne vais pas m’étendre sur le fait que tout ceci n’est issu que de Textes écrits par des humains et par conséquent hautement subjectifs…Le débat est sans fin.

     

    Ce qui m’interpelle, c’est l’idée que Dieu, dans l’éventualité de son existence bien entendu (mais ça n’est pas le sujet), aurait nécessairement opté pour une création figée. Cette phrase « il vit que tout était bien », ne signifie pas obligatoirement, à mon sens, que les données insérées dans l’Univers et sur la Terre étaient définitivement intangibles. Il peut au contraire s’agir simplement d’une « mise en marche », comme les éléments précurseurs indispensables à l’évolution. Dieu est peut-être intéressé par l’évolution et non adepte d’une vie cristallisée. Comment d’ailleurs concevoir qu’un Dieu imaginerait que la Vie puisse être une création enkystée alors que tout ce que nous voyons de la Vie clame le contraire.   

    A mon sens, l’erreur de Dieu aurait été de croire (c’est amusant d’associer ce verbe à Dieu) que la Vie n’évoluerait pas.

    Imaginons maintenant qu’il savait très bien ce qu’il faisait et, qu’une fois, insufflé les éléments vitaux, il se serait reposé pour voir la suite.

    Dieu serait un « expérimentateur » et non un simple Créateur.

     

    Regardons les artistes, peintre, dessinateur, musicien, écrivain. Leurs créations sont figées. C’est ce qui les pousse d’ailleurs à en créer une autre. Celle qui est terminée n’a plus aucun intérêt. Comment imaginer que Dieu se serait éreinté à créer quelque chose qui n’aurait plus aucun intérêt ?

     

    L’évolution est bien plus intéressante à observer. Dieu ne serait pas qu’un artiste. Sa création n’a pas de limite parce qu’elle est une expérience. Nous sommes quelques-uns des expérimentés.  Pas nécessairement les plus pertinents si on observe les dégâts occasionnés à l’expérience.

     

    Se pose dès lors le problème de l’intérêt de l’expérience.

    Si nous considérons que Dieu continue à observer l’évolution comme un expérimentateur assidu, on est en droit de se demander s’il n’est pas un peu déçu. Avait-il imaginé un tel désastre quant à l’ensemble des éléments insérés dans l’expérience ? Cette espèce humaine est éminemment un sérieux problème. Complexe, inattendue, brutale et parfois aimante, destructrice et parfois géniale, indifférente et parfois compatissante.

    Imaginons que Dieu dans son interrogation pèse le pour et le contre. Il a déclenché l’expérience mais n’est jamais intervenu, comme tout bon scientifique. Il faut aller à terme sans influer sur les évènements naturels. Bon, très bien mais là, cet homme met en danger la totalité de l’expérience.  Que faire ? C’est intéressant d’imaginer un Dieu perturbé ! Ca l’humanise !  

    Mais que peut-il faire ? Intervenir pour extraire cet élément qui échappe à toute raison (ou qui se sert de sa raison contre lui-même…) afin de laisser l’expérience se poursuivre tranquillement ? Après tout, on peut envisager une multitude de voies évolutives une fois l’humanité retirée du manège…Ca peut être intéressant pour Dieu alors que là, franchement, il doit un peu s’en mordre les doigts…Ca sent le roussi (radioactif entre autre.) Et puis, après tout, c’est lui le patron. Le bocal lui appartient.

     

    En même temps, c’est un constat d’échec et ça, c’est dur à encaisser, même quand on est Dieu.

    Se peut-il que cet homme change de voie un jour prochain, évolue enfin vers une conscience non duale et cesse de se prendre pour le nombril du monde ? Dieu a bien dû voir que tous ces êtres humains ne sont pas à mettre dans le même sac. Ils sont, tout de même parfois, d’une richesse intérieure éblouissante et il serait malheureux de se passer de ces grands moments de bonheur que ces êtres lui procurent. Cruel dilemme divin. D’autant plus que Dieu ne peut pas demander son avis à qui que ce soit. Ca doit le miner un peu parfois d’ailleurs cette solitude. Heureusement qu’il y a parfois ces « Eveillés » qui se connectent. Tiens, oui, c’est vrai. Ca serait vraiment malheureux de supprimer l’humanité et de se priver de l’immense sérénité de ces individus. Et puis cette multitude d’enfants, comment les condamner alors qu’ils n’ont encore rien pu décider ? Ca serait injuste.  

      

    Que peut-il faire ? S’il veut rester objectif, et on est en droit d’espérer que Dieu le soit, il ne peut pas laisser ses émotions l’envahir et lui dicter une décision arbitraire et inique.

    Du coup, il est peut-être retourné s’asseoir et il regarde la suite. 

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