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    • Thierry LEDRU
    • Presle
  • Depuis longtemps

    Tout a commencé quand mon frère qui avait trois ans de plus que moi a eu un accident de voiture. Cliniquement mort à dix-neuf ans. Je suis resté dans sa chambre d'hôpital de fin juin à début septembre et il est sorti vivant. Ce que j'ai vécu là-bas, à ses côtés, a été ma première confrontation avec la notion de Bien et de Mal.

    Et dès lors, je n'ai cessé d'y réfléchir.

    De travailler avec de jeunes enfants m'a sans cesse amené à me remettre en question. Jusqu'au dernier jour de ma carrière. Et c'est dans les cinq dernières années que ce conflit intérieur a pris une dimension immense. La décision de me mettre en désobéissance civique et de refuser d'obéir aux injonctions ministérielles.

    J'ai réalisé quelques années plus tard (il y a cinq ans que je suis en retraite) que mes actes étaient nourris par ma situation sociale et c'est depuis cette mise en retrait que ma vision a évolué et que la notion de Bien et de Mal ne concerne plus que l'état de la planète et son exploitation mortifère.

    L'an prochain, cela fera vingt ans que nous ne mangeons plus d'animaux. Je ne dis jamais que je ne mange pas de viande mais je dis que je ne mange pas d'animaux et la nuance est de taille car la première expression ignore volontairement que cette "viande" est à l'origine un être vivant. Cette dialectique  des mangeurs de viande n'est qu'un moyen de réduire la dissonance cognitive. Manger de la viande exclut le fait d'avoir tué un animal qui, pour sa part, ne se considérait pas comme de la viande. Il y a donc vingt ans que la notion de Bien et de Mal envers la nature est entrée dans ma vie.

    Mais je suis sidéré que les choses n'évoluent pas davantage dans la population. Et ça n'est qu'une partie du problème.

    La surconsommation est un Mal. Nos modes de vie sont destructeurs et la transition écologique une véritable foutaise commerciale.

    Il n'y aura de transition qu'au jour où nous considérerons le Vivant comme une part de nous-mêmes et non pas comme un "environnement", qu'au jour où nous aurons conscience que nous tuons la planète et que sans elle nous disparaitrons.

    Il ne s'agit donc pas de trouver comment faire pour continuer à vivre de la même façon mais d'accepter l'idée que nous devons nous transformer intérieurement. Le reste suivra. Et sans aucun manque, aucune frustration, remords, regrets, détresse et autres états douloureux mais bien au contraire dans une joie profonde, celle de participer à l'extraordinaire beauté de la Vie.

    Le Bien et le Mal (1)

    Le Bien et le Mal (2)

    Le Bien et le Mal (3)

    Le Bien et le Mal (4)

    Le bien et le mal : mise à jour.

     

  • Bien et mal

    Loin de moi l'idée de me lancer dans une analyse philosophique de ces deux notions essentielles. On peut trouver des dizaines de pages sur ce thème sur le net. D'ailleurs la philosophie, je m'en suis éloigné tout autant que de la démarche spirituelle, le développement personnel, la quête de soi etc...

    Pour moi, l'urgence n'est pas là et toutes ces pratiques ne sont toujours que des retours vers l'humain alors qu'il s'agit de se tourner vers la nature.

    Il n'est pas justifié de chercher à vivre mieux en soi quand la nature va si mal. La question que je me pose, par conséquent, c'est de savoir si ne pas faire de mal à la nature revient à lui faire du bien.

    Et la réponse est négative.

    Ça n'est pas suffisant. Ne pas faire de mal à la nature, c'est une position neutre qui, bien qu'elle soit déjà recommandable, ne répond pas aux urgences. Il faut aller plus loin et agir, à son échelle, pour propager le bien, c'est à dire des actes réels, et non des réflexions ou une satisfaction au regard de la neutralité.

    Nous avons donc planté des arbres, beaucoup d'arbres, ceux qui n'avaient aucune chance de survivre parce qu'ils étaient au milieu d'une piste forestière ou sur un talus qui serait saccagé par la DDE. On les déterre et on les plante sur notre terrain.

    J'ai également creusé une mare et la vie qui s'y est installée est magique. Il y a quelques jours, j'ai vu deux tritons marbrés, des animaux en régression à cause de la disparition des zones humides, des mares, des étangs et de la pollution des eaux. Pour les libellules, je ne les compte plus alors qu'elles sont également en régression, pour les mêmes raisons. Dytiques, notonectes, gyrins, planorbes, argyronètes, grenouilles, crapauds, couleuvres, hérissons, passereaux, tout ce monde vient à la mare.

    Là, il s'agit de faire le bien. Agir pour la biodiversité.

    Je l'ai déjà dit ici, nous ne mangeons plus d'animaux depuis une vingtaine d'années. Le potager nous nourrit, hormis la farine, les céréales, l'huile, le sucre, le sel et autres aliments que nous ne pouvons produire.

    Faire le bien, c'est agir.

    Il y a quelques jours, j'ai eu la chance de voir une libellule posée sur un poteau de la terrasse de la mare. Elle venait de quitter son exuvie, enveloppe dans laquelle elle a vécu à l'état aquatique. Elle est restée plusieurs heures immobile.

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    Un quart des 68 espèces de libellules et demoiselles est menacé de disparition

    Libellule Leucorrhinia pectoralis grande pile

    Libellule Leucorrhinia pectoralis grande pile • © Luc Bettinelli

    Écrit par Patrick Ferret

    Publié le 22/07/2024 à 08h00

    Aquatiques et terrestres, les insectes appartenant à la famille des odonates, libellules et demoiselles, sont de véritables gardiens de nos milieux naturels. Or, une espèce de libellule sur quatre est menacée en Centre-Val de Loire. Un signal inquiétant pour l'état de santé de nos écosystèmes.

    À proximité d'une mare ou d'un petit cours d'eau, deux paires d'ailes transparentes posées sur un corps allongé et coloré, les libellules, vives et élégantes, font partie de ces rares insectes qui évoquent d'heureux souvenirs et suscitent notre sympathie. Mais aurons-nous encore longtemps l'occasion de les observer ?

    Les odonates, n'échappent pas à la tendance alarmante des dernières décenniese déclin massif, à l'échelle mondiale, des populations d'insectes, tant en nombre d'individus qu'en diversité des espèces.

    Les libellules et demoiselles en gardiennes de l'environnement

    Pour la ponte, l'éclosion des œufs, puis le développement des larves, les milieux aquatiques sont essentiels pour les odonates. Une fois leur taille maximale atteinte, les larves sortent de l'eau pour une dernière mue, les libellules adultes se libèrent de l'exuvie, l'enveloppe larvaire, et entreprennent une vie plus terrestre, vouée à la chasse aux insectes et à la reproduction.

    Un gomphe serpentin vient de quitter son enveloppe larvaire appelée exuvie

    Un gomphe serpentin vient de quitter son enveloppe larvaire appelée exuvie • © Eric Sansault / ANEPE Caudalis

    Ainsi, par leur mode de vie, par la diversité de leurs habitats, les libellules et demoiselles sont de véritables sentinelles de nos milieux naturels. Leur préservation contribue de façon importante au maintien de la biodiversité et au bon état de conservation des écosystèmes, à la fois aquatiques et terrestres.

    Un plan d'action pour sauver les odonates

    Un Plan National d’Actions (PNA) dédié aux odonates a été lancé en France en 2010. Il est décliné dans notre région par la DREAL Centre-Val de Loire et animé par l'association tourangelle  ANEPE Caudalis (Association naturaliste d'étude et de protection des milieux naturels).

    Une première liste rouge régionale des libellules et demoiselles a ainsi pu être établie en 2012, réactualisée 10 ans plus tard, en 2022 (les listes rouges de l'UICN, Union internationale pour la conservation de la nature, mesurent le risque de disparition d'une espèce sur un territoire donné). L'évolution est franchement inquiétante puisque le quart des espèces de libellules présentes en Centre-Val de Loire est désormais menacé de disparition.

    Le constat est même alarmant, et l'enjeu national, pour au moins 2 espèces emblématiques des bords de Loire, le gomphe à pattes jaunes (Gomphus flavipes) et le gomphe serpentin (Ophiogomphus cecilia), qui sont fortement associées aux habitats particuliers à ce système fluvial.

    En quelques années seulement, on enregistre un effondrement des populations de gomphes à pattes jaunes, entraînant la quasi-disparition de cette espèce dans notre région.

    Un gomphe serpentin vient de quitter son enveloppe larvaire appelée exuvie

    Un gomphe serpentin vient de quitter son enveloppe larvaire appelée exuvie • © Eric Sansault / ANEPE Caudalis

    "On est passé d'une espèce relativement commune à une espèce qu'on ne voit plus du tout, se désole Renaud Baeta, chargé de mission biodiversité, animateur du plan régional d'actions en faveur des libellules. On a perdu 99% de la population de gomphe à pattes jaunes. En cherchant assidûment on arrive à trouver une exuvie par an, mais cela fait des années que l'on n'a pas observé d'adulte volant."

    Une hétérogénéité régionale face à l'accueil des libellules

    Dans notre région, les secteurs propices à l’activité agricole intensive, comme la Beauce, la Gâtine tourangelle ou la Champagne Berrichonne de l’Indre n’accueillent aujourd’hui que très peu, voire pas du tout, d’espèces menacées d'odonates. À l’inverse, on peut encore les observer encore dans les grandes zones naturelles humides les mieux conservées comme le bassin de Savigné, la Sologne, l’Orléanais forestier ou la Brenne. Ces grandes écorégions sont donc primordiales pour la conservation des libellules et demoiselles de notre région.

    Le déclin des populations de libellules ne date pas d'hier, la destruction de leurs habitats a commencé il y a plus d'un siècle : urbanisation, drainage et assèchements de marais, recalibrage des cours d'eau, agriculture intensive, pollution aux pesticides et aux engrais, homogénéisation des paysages...

    Mais cette tendance s'est considérablement aggravée ces dernières décennies avec les premiers effets du réchauffement climatique :

    "Les longues périodes de sécheresse que nous traversons sont catastrophiques pour toutes les espèces liées aux têtes de bassins-versants, explique l'odonatologue tourangeau. Ces libellules sont inféodées aux suintements, aux zones de sources, aux petits ruisseaux, qui se retrouvent à sec pendant plusieurs mois, les larves ne peuvent survivre. Et, au niveau des mares, des étangs, ce n'est pas mieux, ces plans d'eau deviennent de plus en plus des bassines, des milieux aquatiques qui se simplifient à l'extrême, qui s'appauvrissent."

    La double peine des libellules

    Plus spécifique à notre région, en effet, que le réchauffement climatique, la gestion, ou la non-gestion, des étangs constitue également une sérieuse menace pour la survie de nos libellules et demoiselles :

    "Aujourd'hui, poursuit Renaud Baeta, soit les étangs ne sont plus gérés, et des poissons comme les carpes y prolifèrent, détériorent la qualité du plan d'eau en mangeant toute la végétation. Il n'y a plus d'oxygène, plus de nourriture, plus de caches pour les larves. Soit, au contraire, on y pratique une activité piscicole de plus en plus intensive, on retire la végétation et on nourrit les poissons aux granulés. Tout l'écosystème qui permet aux libellules de se reproduire disparaît..."

    La petite nymphe à corps de feu, photographiée en Indre-et-Loire. Les libellules témoignent de l'état de santé de nos écosystèmes, aquatiques et terrestres

    La petite nymphe à corps de feu, photographiée en Indre-et-Loire. Les libellules témoignent de l'état de santé de nos écosystèmes, aquatiques et terrestres • © Eric Sansault / ANEPE Caudalis

    Le premier PRA, plan régional d'actions, pour les odonates visait surtout à mieux connaître les espèces, leurs habitats et leur mode de vie. Le second, en cours de rédaction, va devoir s'attaquer concrètement à la gestion des milieux naturels :

    "Ce n'est pas simple, reconnaît le chargé de mission biodiversité. On travaille à l'échelle de rivières, mais aussi d'étangs, de mares, qui sont souvent privés".

    Les leviers d'action sont complexes, mais il faut impérativement mieux gérer les zones humides, les restaurer, pour y maintenir ces espèces et obtenir des milieux plus résilients face au changement climatique. L'alarme que sonnent les libellules, ce sont tous nos écosystèmes qui sont fortement dégradés.

    Renaud Baeta, animateur Plan Régional d'Actions en faveur des libellules

    Presque toutes les familles d'insectes sont confrontées à un effondrement de leur population. Les libellules et demoiselles, liées, par leur cycle de vie, autant aux écosystèmes d'eau douce qu'aux milieux terrestres, cumulent les difficultés. Pour arriver à les protéger, il va falloir sérieusement se retrousser les manches. Pouvoirs publics, collectivités, acteurs du monde rural, propriétaires terriens...l'heure est à la mobilisation générale !

    "On ne luttera pas contre l'effondrement de la biodiversité d'un simple coup de baguette magique. Si l'on veut inverser la dynamique, il va falloir accepter de revenir sur pas mal de choses, sur nos pratiques intensives, sur des habitudes liées à nos modes de vie. Ce n'est pas en restaurant une petite rivière de temps en temps qu'on va y arriver. Mais avec une vraie vision, une volonté politique forte de restauration des zones humides et l'arrêt de toutes les pratiques qui utilisent de l'eau à outrance."

    On ne semble guère en prendre le chemin ; les signaux envoyés par le gouvernement pour calmer la colère dans le monde agricole ont de quoi désespérer l'odonatologue-défenseur de l'environnement :

    On n'a pas cherché à trouver des solutions bénéfiques à la fois pour les agriculteurs et pour la biodiversité. C'est encore cette dernière que l'on sacrifie en situation de crise, au nom d'une prétendue efficacité. C'est inquiétant, nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis. À un moment donné, sans insectes, cela va devenir très compliqué !

    Renaud Baeta, animateur Plan Régional d'Actions en faveur des odonates

    Difficile, dans ces circonstances, de rester optimiste. Mais pour finir tout de même sur une note positive, le naturaliste parvient à trouver une raison d'espérer :

    "Je reste très impressionné par la capacité de résilience des écosystèmes, et notamment des zones humides. Si l'on creuse un trou pour récupérer un peu de sable ou du granulat au milieu de nulle part, disons un champ de maïs, en quelques années on va regagner une biodiversité incroyable. Des plantes, des insectes, des amphibiens, des oiseaux migrateurs vont s'y installer ! Cela me rassure vraiment. On n'en est pas encore à un point de non-retour, où une zone humide ainsi créée resterait stérile. Tout n'est pas perdu !"

  • "Comment l'humanité se viande"

    Je ne l'ai pas encore lu mais c'est assûrément mon prochain achat. A moins que je puisse convaincre la médiathèque de l'acheter, ce qui sera utile à d'autres.

    C'est un sujet pour lequel je n'ai pas besoin d'être sensibilisé... Mais c'est toujours utile et nécessaire de renforcer ses propres connaissances.

     

    Comment l'humanité se viande par Gancille
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    EAN : 9782374254272
    192 pages

    Rue de l'échiquier (01/03/2024)

    4.62/5   4 notes

    Résumé :

    Alors que les protéines animales ne sont plus nécessaires à la nutrition d’une majorité d’humains, des centaines de millions d’animaux sont tués chaque jour pour être mangés. Cette exploitation de masse, érigée en système global, ne soulève pas seulement une question éthique fondamentale. Elle constitue un risque écologique crucial qui met en péril l’habitabilité de la planète.
    L’élevage accapare 77 % des surfaces agricoles mondiales quand la pêche se déploie dans plus de la moitié des océans. L’un et l’autre sont sans conteste les principaux fossoyeurs de la biodiversité sauvage. Mais ils sont aussi en passe de devenir les tout premiers contributeurs du changement climatique : le secteur de la viande représente déjà près de 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et la demande en produits d’élevage pourrait encore croître de 144 % d’ici le milieu du siècle.
    Face à ce désastre, l’heure n’est plus à distinguer ou à opposer les pratiques industrielles et artisanales. En réalité, les deux se combinent sous l’effet d’un appétit insatiable de protéines animales qui dévore la planète.
    Cette situation critique place chacun face à ses responsabilités. Alors qu’émergent des alternatives attractives à la consommation carnée, citoyens, agriculteurs, collectivités, entreprises et gouvernements ont désormais le pouvoir d’encourager une transition alimentaire respectueuse du vivant et déterminante pour la survie de l’humanité.

    4.10★ (205)

     

    Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique

    LinaLily

    LinaLily

    18 avril 2024

    ‘Le principal fléau de l'humanité n'est pas l'ignorance, mais le refus de savoir' disait Simone de Beauvoir. En nous interpellant avec embrasement et urgence dans son dernier essai « COMMENT L'HUMANITÉ SE VIANDE », Jean-Marc Gancille dévoile un pan caché du véritable impact de notre alimentation carnée. Véritable plaidoyer sans concession, précis, rigoureux, documenté et argumenté qui dénonce une situation alarmante si rien n'évolue dans nos habitudes alimentaires.

    Près de 80% des terres arables sont accaparées par le bétail et leur alimentation : l'équivalent en superficie du continent Américain. L'heure est pourtant au déni et la filière viande profite de l'angle mort pour s'engraisser : abolir ce
    carnage est un enjeu existentiel pour l'humanité, notre appétit de protéines animales étant suicidaire avec ou sans modération, la production de viande générant à elle seule 3 fois plus d'émissions de GES que l'ensemble du trafic aérien mondial.

    L'impact de notre consommation carnée est vertigineux. Plus de 80 milliards d'animaux terrestres sont abattus chaque année : au-delà du chiffre qui donne la nausée et qui traduit notre faillite morale, il induit un risque majeur et une menace planqués derrière un écran de fumée pourtant dénoncés par les scientifiques, les organismes internationaux et les agences alimentaires et sanitaires. En France notre rapport à la viande reste un puissant marqueur identitaire et nous regardons ailleurs alors que les protéines animales détruisent le monde : elles ne sont pourtant plus nécessaires à la nutrition d'une majorité d'humains.


    Jean-Marc Gancille dénonce l'aberration dans un implacable constat. Pour nourrir les animaux de rente, près de 85% des cultures mondiales de soja sont exploitées, première cause de déforestation au Brésil : une vraie bombe atomique en devenir. La FAO publie en 2006 le rapport ‘L'OMBRE PORTÉE DE L'ÉLEVAGE qui fera enfin vaciller l'agro-industrie. Une étape majeure dans la prise de conscience mondiale. L'élevage serait responsable de 14,5% de la production de GES. Cet accaparement de la surface terrestre par l'élevage nuit terriblement à la vie animale sauvage qui voit son territoire morcelé, dispersé et pollué. Les conflits permanents entre éleveurs et protecteurs du loup et de l'ours en France traduisent notre incapacité à partager nos territoires au profit d'une expansion du bétail qui elle, n'a rien de naturel.

    En 2023 l'ONU alertait sur le risque imminent d'une crise mondiale de l'eau douce et appelait à modifier nos régimes alimentaires en les orientant vers des produits moins consommateurs d'or bleu.

    Marcher sur nos somptueuses plages Bretonnes infestées d'algues vertes n'a plus le charme d'antan : chiens, chevaux, humains y ont déjà laissé la vie. La faute aux élevages intensifs de porcs dont le lisier empoisonne les cours d'eau. Dans le Doubs, c'est la rivière la Loue qui est saturée d'azote et de phosphore en raison de la production faramineuse de comté. La filière a recours à un trop grand nombre de vaches par rapport à la surface du territoire.

    L'auteur dessine les contours d'un panorama affligeant et consternant : l'élevage souille l'eau que nous buvons, l'air que nous respirons et les sols que nous foulons. Une dégradation continue est en marche : le surpâturage est devenu problème mondial quant au pastoralisme qui a des consonances pittoresques, il est lui aussi problématique : la flore est dévastée, les sols érodés.

    En pointant du doigt les méfaits pernicieux de notre appétit pour la viande,
    Jean-Marc Gancille nous met en garde sur la mise en danger de notre santé ainsi que celle des animaux. Nos 8 milliards de corps d'humains représentent des hôtes attractifs pour de nombreux pathogènes tels que parasites, virus, bactéries. Au total, 60% des maladies infectieuses et 75% des maladies émergentes ont une origine animale

    Dans cet essai ‘coup de poing' l'auteur s'attaque aux idées reçues et déconstruit méthodiquement les discours dominants, leur ambivalence, les éléments de langage véhiculant tant d'illusions vertes sur le sujet.

    • Non, les prairies pâturées n'ont pas capacité à fixer le carbone atmosphérique. Il n'est pas nécessaire de répandre du fumier pour cultiver. La seule solution durable pour réduire l'usage des engrais aujourd'hui consiste à étendre les surfaces de prairies riches en légumineuses qui elles, ont la capacité de fixer l'azote de l'air dans le sol.

    • Manger local ou locavorisme n'a un impact significatif que si le transport est responsable d'une part importante de l'empreinte carbone finale des aliments or il n'est responsable que de 6% des émissions de GES alors que la production de viande et produits laitiers représentent 83%.

    • La Chine ne connait pas la honte à construire ces immeubles porcheries géants cauchemardesques de 26 étages emprisonnant 650 000 cochons. L'état de l'Idaho et ses feed-lots ou parcs d'engraissement regroupent eux pas moins de 150 000 bovins sur une seule ferme. le lobby agricole Français s'appuie sur ces exemples de démesure pour crier haut et fort que l'élevage intensif n'existerait pas dans notre pays vantant l'image d'Epinal d'élevages à taille humaine. L'auteur nous met en garde sur cette distorsion flagrante : la demande en France de protéines animales est massive : on tue par an 1,2 milliard d'animaux. 95% des porcs connaissent l'enfer concentrationnaire, 99% des lapins engraissent jour et nuit en batterie ne connaissant aucun répit. Plus de 8 animaux sur 10 en France sont issus d'élevages intensifs.

    • Un autre cliché à déconstruire : la viande serait indispensable à la sécurité alimentaire. Il n'en est rien ! le bétail mange 41% de la production céréalière mondiale et 76% de celle du soja pour ne fournir que 18% des apports en calorie et 37% des protéines de l'humanité. Se tourner vers des régimes végétaliens contribuerait à répondre aux enjeux d'insécurité alimentaire.

    • Autre fausse idée : le petit élevage paysan aurait une influence positive sur le dérèglement climatique. Un ruminant nourri à l'herbe voit son espérance de vie s'agrandir, le moment d'abattage est plus tardif, la production de viande est moindre et le méthane continue d'être émis. L'empreinte carbone se révèle alors la plus élevée dans le système d'alimentation à l'herbe !

    Nous sommes seuls responsables et décideurs du contenu de nos assiette et les chiffres alarmant interrogent sur notre déni. Les viandes cachées se trouvent dans les nuggets, pizzas et sandwichs. Les français mangent 2 fois plus de viande que la moyenne mondiale, nul doute qu'à ce rythme aucun des objectifs de consommation durable de viande n'aura de chance d'être atteint. Les lobbies surfent sur l'hypocrisie générale.

    Alors que la transition vers d'autres modes d'alimentation devrait être la priorité, jamais les animaux n'ont été autant exploités et massacrés qu'aujourd'hui.

    La prise de conscience collective reste dramatiquement faible, l'enjeu ne suscitant que très peu de discussions sur les questions éthiques et sanitaires : il est plus que temps de mener un vrai plan d'action pour nous offrir une chance d'éviter le pire.

    Des solutions existent pour opérer un changement radical et salvateur et sortir de ce système carniste. Végétaliser l'alimentation est un premier levier primordial, l'élevage extensif souvent réputé vertueux n'est pas une réponse satisfaisante à la crise majeure que nous vivons. L'abandon de la viande et des produits laitiers devrait être une priorité absolue des plans climatiques. Il y aura d'incommensurables coûts financiers et humanitaires induits par un dérèglement climatique global dans un monde à +4 °, bien plus que si nous pratiquons une transition de l'élevage vers des productions végétales. Notre imaginaire de chasseur cueilleur d'un autre temps est resté figé comme une sorte de résistance au changement. Nous sommes encore persuadés d'être au sommet de la pyramide des prédateurs, nimbés d'une croyance de notre toute puissance.

    L'auteur débusque nombre de procédés rhétoriques utilisés par les communicants : vanter le côté naturel, donc sain par essence d'un mode de consommation, est un subterfuge. Sélection génétique, insémination artificielle, antibiotiques, hormones, compléments alimentaires, robots de traite, supervision par ordinateurs, chaines d'abattage mécanisée n'ont rien de naturel ! Cette manipulation des géants de l'agro-alimentaire diabolise les substituts et invisibilise une réalité industrielle pernicieuse et une souffrance silencieuse.

    Réduire le cheptel de 30% depuis 2021 comme l'ont fait les Pays-Bas, taxer la viande dont le prix est largement sous- évalué aujourd'hui sont autant de leviers d'action pour enrayer la chute. Tout comme encourager une agriculture végane rejetant élevage ET fertilisants d'origine animale.

    En laissant les écosystèmes évoluer d'eux-mêmes, ces derniers enclenchent un processus de reconstruction salutaire. Les loups réintroduits à Yellowstone ont freiné l'expansion des wapitis , les arbres ont pris de la hauteur offrant une ombre bienvenue à de nouvelles espèces d'amphibiens, d'oiseaux. le réensauvagement pourrait atténuer le réchauffement climatique.

    Nous ne pouvons parler des protéines animales sans dénoncer le massacre continu des habitants des mers. Plus de la moitié de la superficie des océans est exploitée par la pêche si peu médiatisée. le fond des océans est moins accessible, les profondeurs abyssales sombres et peu propices à l'éclairage. Jouant un rôle majeur dans le cycle du carbone ces océans absorbent entre 15% et 40% du Co2 émis par les activités humaines. Plancton, coraux et poissons nous sauvent la mise et pourtant le chalutage de fonds continue détruire les sédiments, vrais réservoirs de carbone.

    Autre mythe atomisé par l'auteur : celui de la petite pêche soi-disant durable : la Méditerranée est la mer la plus surexploitée au monde alors que 92% des bateaux qui y évoluent font moins de 12 mètres. En vidant les mers de leurs habitants, nous raccourcissons notre durée de vie de façon dramatique. A l'heure actuelle moins de 3% de l'océan bénéficie d'un haut niveau de protection, ce qui au vu de la catastrophe en devenir, n'est vraiment qu'une goutte d'eau.

    Au coeur même de cet enjeu crucial qu'est l'habitabilité future de notre planète, il y a la sentience animale, un concept crucial attribuant un statut moral aux animaux. L'anthropocentrisme est encore bien trop présent: jamais le sort des animaux n'est vu comme une injustice en soi qu'il s'agit de combattre. Cesser de manger de la viande est un choix simple, éthique, écologique à portée de chacun. Y renoncer de manière définitive aurait un effet colossal.

    « Seul un projet d'écologie sentientiste permettrait de relever ce défi, marqueur d'une rupture dans notre évolution face à la spirale de destruction qui menace de tout emporter sur son passage, ce serait comme un nouveau départ, un pacte refondé entre nous et le vivant, la condition même d'une dignité retrouvée et finalement notre seule planche de salut' conclue l'auteur.

    Une efficace méthode Danoise prônant des cours d'empathie a vu le jour dans 1000 écoles françaises afin de lutter contre le harcèlement scolaire. Espérons que l'ouverture des chakras saura inclure d'autres espèces que la nôtre. Les enseignants des écoles pilotes ont utilisé une mascotte - l'ami ours - pour incarner les valeurs du respect, de la bienveillance, de la tolérance et du courage. Les enfants peuvent aller le voir en cas de chagrin, pour lui raconter ce qu'il se passe ou le donner à un camarade pour le consoler.

    Gageons qu'en suggérant à ces enseignants lire cet ouvrage indispensable de toute urgence et de troquer la mascotte de l'ours contre celle d'un lapin, d'un cochon, d'un veau ou d'un agneau, notre regard changera sur ces grands sacrifiés. En cessant d'exploiter une fois pour toute ce vivant comme une ressource soumise à notre bon vouloir, nous comprendrons enfin tout l'enjeu de ce changement capital de paradigme. Un élan neuf pour une société plus juste.


     


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    HypathieBlog

    HypathieBlog

    16 avril 2024

    Dans ce petit essai de 152 pages, Jean-Marc Gancille reprend son plaidoyer commencé avec Carnage, pour les animaux, pour une écologie sentientiste, et au final pour une agriculture végane sans élevage et sans amendements animaux.

    La première partie de l'ouvrage rappelle les chiffres affolants d'animaux tués (80 milliards chaque année) juste pour nourrir les 8 milliards d'habitants qui peuplent la planète, dont 4 milliards environ de classes moyennes aux besoins insatiables. Sans oublier que le
    carnage est également sur les mers et les océans du globe. le pire, si c'est possible, a lieu en mer. L'emprise humaine de la pêche artisanale et industrielle est en effet bien plus importante que sur terre, les océans occupant plus de place sur le globe que les terres émergées. Avec les inconvénients que l'on sait maintenant, sauf à vivre dans un caisson hyperbare insonorisé depuis 20 ans. Accaparement de terres cultivables pour nourrir des bêtes, destruction des habitats des animaux, de la biodiversité terrestre animale et végétale, de la faune marine, réchauffement climatique dû à la déforestation et aux émissions de méthane, pollution de l'air à l'ammoniac, des eaux par eutrophisation avec les rejets d'effluents tels le lisier de porc. Antibiorésistance, pollution médicamenteuse, et dégâts pour la santé publique par consommation excessives de protéines et de graisses animales ; risques accrus de mutation de virus provenant de zoonoses frappant des animaux aux organismes affaiblis, tous génétiquement identiques et vivant confinés, et donc d'épidémies ravageuses pour les humains. Les maladies épidémiques de grippe, variole, malaria, tuberculose, typhus, diphtérie, rougeole, fièvre jaune, peste, choléra sont apparues il y a 10 000 ans avec l'élevage, du fait de la proximité entre humains et animaux.
    L'auteur s'applique dans un chapitre à démystifier nos croyances et sentimentalismes culturels pittoresques à propos de la chasse, de l'élevage et de la consommation de viande. Tels les prairies stockant le carbone, les amendements organiques "nécessaires" pour les cultures, fumier, purin ou leur compromis moderne, le lisier, l'entretien des paysages par les paysans, le bocage (talus entourant les champs, surtout garants des limites des propriétés et contenant les animaux, les empêchant de fuir), le mythe du "petit élevage" comme de la "petite pêche artisanale", tous aussi destructeurs sinon plus que l'intensif, car à plus forte intensité foncière donc d'occupation d'espace, le pastoralisme (subventionné) ravageant les flancs de montagne et en guerre contre les prédateurs (loups, lynx, ours) et tous les animaux sauvages accusés de disséminer la tuberculose bovine et toutes sortes de pestes ; le locavorisme pas forcément plus vertueux s'il est obtenu sous serre chauffée, et last but not least, la 'transition écologique' (en prouvant que l'humanité n'a jamais au cours de son histoire transitionné vers d'autres formes d'organisation sociale que celle dont nous subissons aujourd'hui les conséquences), toutes des croyances que nous avons dû nous inventer et entretenir pour justifier le massacre.


    Jean-Marc Gancille plaide en conclusion pour la sortie planétaire de l'élevage et du système carniste avant que nous ayons tout détruit pour satisfaire nos estomacs : le désert avance, le futur sera végétal ou ne sera pas. La phrase de Gunther Anders "nous ne vivons plus dans une époque mais dans un délai" est en exergue de l'ouvrage. Quelques lueurs d'espoir tout de même : l'élevage bovin (le plus destructeur) est en perte de vitesse, sans aides, hélas, pour une transition professionnelle en douceur ; certains pays, la tête sous les excréments, tels la Hollande, pourtant dirigée par une coalition de centre-droit veut imposer une diminution de 30 % de son cheptel, mesure très impopulaire, c'est dire si la situation est devenue intenable ; la FAO, l'ONU et l'OMS lancent des avertissements sur les désastres à venir, et des coalitions internationales tentent de démontrer le vrai coût des protéines animales en incluant dans leur prix les nombreuses externalités négatives afin de faire pression sur les institutions européennes, dont il convient de rappeler que le budget de la PAC (Politique Agricole Commune : 37 % du budget de l'UE) contribue largement au ravage et à ses conséquences désastreuses à venir. Passer à une alimentation végétale est facile et peu coûteux à faire. Cela dépend de chacun de nous de s'y engager et d'en constater les avantages. Il suffit juste de faire une révolution culturelle dans nos mentalités, nos assiettes suivront. Très documenté de statistiques émanant d'organismes scientifiques tout à fait sérieux et reconnus, cet ouvrage de bonne vulgarisation est à mettre entre toutes les mains.

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    marieparledelivres

    marieparledel...

    08 juillet 2024

    A l'occasion d'une opération Masse Critique chez Babelio, j'ai choisi de lire cet ouvrage étant vivement intéressée au sujet de la cause animale et étant moi-même végétarienne depuis des années.

    Dans un premier temps, l'auteur énonce des chiffres vertigineux pour démontrer l'impact néfaste de l'alimentation carnée pour l'environnement (et aussi notre santé). Cet ouvrage est richement documenté et vous pourrez retrouver toutes les sources. Cette partie pourra certainement convaincre l'ensemble des sceptiques ayant besoin de preuves. de mon côté, j'étais déjà sensibilisée donc j'ai trouvé ça difficile de lire une succession de données chiffrées.

    En revanche, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire la seconde partie du livre qui aborde les solutions que l'on pourrait apporter pour végétaliser notre alimentation, remodeler l'agriculture (et la pêche) telle qu'on la connait aujourd'hui.

    J'ai fortement apprécié cet ouvrage pour sa capacité à démonter un à un les arguments et idées reçues en faveur de l'élevage et contre le régime végétalien. J'ai apprécié aussi que l'on rappelle le caractère sentient des animaux, apportant une touche d'humanité à cet ouvrage parmi l'ensemble des chiffres

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    Citations et extraits (4) Ajouter une citation

    MrDimitriG

    MrDimitriG

    14 juillet 2024

    La production de viande génère à elle seule trois fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que l’ensemble du trafic aérien mondiale. D’ici à la moitié du siècle, la demande en produits d’élevage pourrait encore croître de 144%. Un perspective cauchemardesque, a fortiori sur une planète qui vient de connaître les huit années les plus chaudes jamais enregistrées depuis le début des relevés (1850). Mais qui a conscience que les cinq plus gros producteurs de viande et de produits laitiers dans le monde sont responsables de davantage d’émissions annuelles de gaz à effet de serre qu’ExxonMobil, Shell ou BP ? Pas grand monde. Quand les pétroliers restent la cible prioritaire des activistes, que la consommation d’énergie fossile demeure l’alpha et l’oméga du débat public, que la transition énergétique est le point focal de l’attention médiatique, que Greta Thunberg incarne la génération climat plutôt que la génération végane, la filière viande profite de l’angle mort et s’en sort plutôt bien. L’”éléphant dans la pièce”, comme disent les Anglais.
    p. 19


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    kikiberard22

    kikiberard22

    06 juillet 2024

    Alors que 85% des Français se disent opposés à l'élevage intensif, une part équivalente de la viande et des poissons consommés est produite de cette façon.
    Cette dissonance cognitive ne s'exprime pas seulement en termes éthiques mais également écologiques.
    La croyance la plus répandue consiste en effet à considérer le petit élevage paysan comme vertueux : respectueux des animaux, bon pour le climat et même régénérateur de biodiversité. Les amateurs de viande sont nombreux à s'en autopersuader pour mieux digérer leur "Meat Paradox".
    Mais les faits sont têtus : l'élevage sur pâturages a une empreinte plus élevée que l'intensif sur la plupart des critères environnementaux, au point que Georges Monbiot considère le bœuf et l'agneau élevés en bio sur pâturages comme les produits agricoles les plus nocifs au monde (publications scientifiques et méta-analyses à l'appui).
    Le même mécanisme de défense cognitive se manifeste à l'égard de la pêche : la diabolisation de sa forme industrielle a pour corollaire l'idéalisation d'une petite pêche artisanale durable.
    Selon une étude de la FAO, on estime pourtant que 40% des prises mondiales sont le fait de la pêche artisanale. Quoique "petite" et souvent informelle, celle-ci accomplit donc largement sa part du carnage.
    Dans une société qui demeure culturellement speciste, que le récit dominant concède juste qu'il faille consommer "moins mais mieux" n'a rien de surprenant. Le flexitarisme est d'autant plus pratique qu'il est purement déclaratif et invérifiable. Mais surtout, en supposant l'existence de pratiques d'élevage, de pêche et d'abattages respectueuses et responsables, il permet de maintenir l'écran de fumée derrière lequel l'ensemble de la filière perpétue impunément un massacre qui dévore la planète.


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    kikiberard22

    kikiberard22

    06 juillet 2024

    Les animaux des élevages intensifs ( volailles, porcs, bovins ) sont principalement nourris aux fèves et tourteaux de soja.
    Près de 85% des cultures mondiales de soja leur sont en effet réservés. Cette production en provenance d'Amérique Latine s'effectue aux dépens des écosystèmes naturels.
    Selon Greenpeace, la viande bovine serait à elle seule responsable de 63% de la destruction de la forêt Amazonienne, à la fois directement car des pans entiers de celle-ci sont coupés pour installer des élevages destinés à l'exportation, mais aussi indirectement parce que de très vastes étendues sont rasées pour produire du soja OGM cultivé à grand renfort de pesticides.
    Cette pression insoutenable est la première cause de déforestation au Brésil. Et les chiffres officiels sont probablement bien au-dessous de la réalité : de nouvelles méthodes d'analyse d'images satellites ont révélé que plus de 3 millions d'hectares d'Amazonie Colombienne ont été déboisés illégalement pour le pâturage entre 1985 et 2019.

  • Un autre regard

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    Je continue mes photos avec un effet miroir.

    Je marche aux aguets pour trouver le lieu propice, un arbre, une roche, une plante, un horizon, le ciel, une lumière...

    "Que l'importance soit dans ton regard, non dans la chose regardée" André Gide.

     

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  • Deux cartes

     

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    "La température de l'eau au large de la Croatie est montée jusqu'à 29.7°C. Oui, 29.7°C dans l'eau en Méditerranée. Et ce n'est pas isolé : toute la Méditerranée centrale monte jusqu'à 29°C jusqu'à 31°C en Israël en lien avec une canicule interminable.

    Au planétaire, pour un mi-juillet 2023 et 2024 sont à égalité, TRES largement en tête depuis 1850.

    Je rappelle que les espèces marines sont très sensibles aux anomalies de températures. Leur gamme de température optimale est largement plus restreinte que les espèces terrestres. Les impacts de ces canicules marines seront énormes."

    @climatebookgr

     

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  • Restaurer la nature

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    On a dépassé la centaine d'arbres plantés en trois ans sur notre terrain. On mange ce que produit le jardin. On se déplace très peu. On n'achète rien qui ne soit nécessaire. J'ai les mêmes vêtements depuis bien, bien longtemps. Le soir, on utilise des lampes solaires portatives. Nathalie fabrique elle-même les produits d'entretien et de toilette. On recycle, rénove, récupère, répare. On ne prend évidemment jamais l'avion. 

    On ne peut rien faire de plus à part mourir pour limiter totalement notre empreinte.

     

    La restauration de la nature est notre seule solution pour le climat

    Richard Heinberg, Résilience

    1er juillet 2024 (traduction DeepL)

    Le changement climatique est un problème énorme et compliqué. C'est pourquoi de nombreuses personnes ont une tendance compréhensible à le simplifier mentalement en se concentrant sur une seule cause (les émissions de carbone) et une seule solution (les énergies alternatives). Jan Konietzko, spécialiste du développement durable, a appelé cela la "vision tunnel du carbone". Cette simplification excessive du problème conduit à des solutions techniques qui, en réalité, ne règlent rien. Malgré les milliers de milliards de dollars déjà dépensés dans les technologies à faible teneur en carbone, les émissions de carbone continuent d'augmenter et le climat est déstabilisé plus rapidement que jamais.

    Pour comprendre le changement climatique, il faut embrasser la complexité : non seulement les gaz à effet de serre piègent la chaleur, mais nous mettons également à mal les systèmes naturels qui refroidissent la surface de la planète et séquestrent le carbone atmosphérique - les systèmes de glace, de sol, de forêts et d'océans. La compréhension de cette complexité permet d'envisager de nouvelles façons de penser le changement climatique et d'y apporter des réponses viables.

    Presque tout ce que nous faisons pour provoquer le changement climatique fait appel à la technologie - des voitures aux fours à ciment en passant par les tronçonneuses. Nous, les humains, aimons la technologie : elle est source de profits, d'emplois, de confort et de commodité (pour certains, en tout cas ; elle tend également à aggraver l'inégalité économique générale). Comme on pouvait s'y attendre, nous nous tournons vers des technologies alternatives pour résoudre ce qui est sans doute le plus grand dilemme que l'humanité ait jamais créé pour elle-même. Mais que se passe-t-il si ce n'est pas la bonne approche ? Et si le développement des technologies ne faisait qu'aggraver le problème à long terme ?

    Dans cet article, nous verrons pourquoi il n'existe pas de solution technique viable au changement climatique et pourquoi les arbres, les sols et la biodiversité sont nos véritables bouées de sauvetage.

    Les machines ne nous sauveront pas

    Avant d'aborder les solutions naturelles, il convient de se demander si la technologie a un rôle à jouer. Quelles sont les machines présentées comme les principales solutions au problème du climat, et quels sont leurs points forts et leurs inconvénients ? Il existe quatre grandes catégories.

    La première catégorie de technologies climatiques comprend les machines de production d'énergie à faible teneur en carbone, notamment les panneaux solaires, les éoliennes et les centrales nucléaires. Ces sources d'énergie produisent de l'électricité avec un minimum d'émissions de carbone. Cependant, elles ne sont pas exemptes de problèmes ou de risques. L'énergie éolienne et l'énergie solaire sont intermittentes, ce qui nécessite un stockage de l'énergie (par exemple, des batteries) et une refonte majeure du réseau. La construction de ces sources d'énergie à une échelle suffisante pour remplacer notre consommation actuelle de combustibles fossiles nécessiterait d'énormes quantités de matériaux, dont certains sont rares, et l'extraction de ces matériaux détruit l'habitat et pollue l'environnement. Le recyclage pourrait éventuellement minimiser les besoins en matériaux, mais il a ses limites. L'énergie nucléaire souffre également du dilemme de l'échelle (pour faire une différence significative, nous devrions construire un nombre énorme de centrales nucléaires, et rapidement), mais elle ajoute des problèmes liés à la rareté du combustible, au confinement et à l'élimination des déchets, ainsi qu'aux risques d'accidents et de prolifération des armes nucléaires.

    La deuxième catégorie de technologies comprend les technologies consommant de l'énergie pour faire fonctionner le monde industriel moderne - les machines pour la fabrication, le chauffage, l'exploitation minière, l'agriculture, l'expédition et le transport. Dans de nombreux cas, les versions à faibles émissions de ces machines ne sont pas encore commercialisées, et beaucoup d'entre elles peuvent ne pas fonctionner à un coût aussi bas que les technologies actuelles (la fabrication de ciment et l'aviation sont deux industries qu'il sera difficile de décarboniser). Une fois encore, il y a le dilemme de l'échelle et la nécessité de disposer de plus de matériaux. Nous avons construit notre infrastructure industrielle actuelle sur une période de plusieurs décennies ; le remplacement rapide d'une grande partie de cette infrastructure afin de minimiser le changement climatique nécessitera une explosion sans précédent de l'extraction des ressources et de l'utilisation de l'énergie.

    Une troisième catégorie de technologies de lutte contre le changement climatique consiste en des machines permettant de capturer le carbone de l'atmosphère afin de le stocker en toute sécurité pendant de longues périodes. Des technologies de "capture directe de l'air" (ou DAC) ont été mises au point et commencent à être installées. Toutefois, une méta-étude récente a conclu que ces machines souffrent de problèmes d'échelle, de coût, d'exigences en matière de matériaux et d'une consommation d'énergie élevée. Les auteurs de l'étude affirment que la priorité accordée par les décideurs politiques à la capture mécanique du carbone a jusqu'à présent abouti à un "bilan d'échec".

    Si aucune de nos autres méthodes mécaniques de lutte contre le changement climatique ne fonctionne, il reste un dernier recours : les technologies de refroidissement de la planète par la gestion du rayonnement solaire. Cette solution de "géo-ingénierie solaire" consisterait à disperser de grandes quantités de minuscules particules réfléchissantes dans l'atmosphère terrestre (c'est ce que l'on appelle l'injection d'aérosols stratosphériques) ou à construire un parasol spatial pour ombrager la planète. Les critiques soulignent que ces technologies pourraient avoir des conséquences inattendues aussi graves, voire pires, que le problème qu'elles tentent de résoudre.

    Il est difficile de s'opposer à la mise en œuvre d'au moins certaines de ces technologies à une échelle modeste. L'humanité est devenue systématiquement dépendante de l'énergie provenant du charbon, du pétrole et du gaz pour répondre à ses besoins fondamentaux, notamment en matière de logement, d'alimentation et de soins de santé. L'élimination rapide et complète des combustibles fossiles, sans avoir déployé d'autres sources d'énergie, entraînerait l'appauvrissement de millions ou de milliards de personnes. Un argument similaire pourrait être avancé en ce qui concerne les machines de fabrication, d'agriculture et de transport à faible émission de carbone : nous avons besoin d'autres moyens pour fabriquer des objets, produire de la nourriture et nous déplacer. Mais notre besoin de ces machines n'efface pas leurs coûts environnementaux inhérents, notamment l'épuisement des ressources, la pollution et la perte d'habitat.

    L'examen des solutions techniques disponibles conduit à deux conclusions inévitables. Premièrement, le problème ne réside pas seulement dans les émissions de carbone en tant que telles, mais aussi dans la manière dont nous habitons notre planète (nous sommes trop nombreux à utiliser trop de choses, trop vite). Deuxièmement, nous avons besoin de moyens non technologiques pour faire face à la crise climatique.

    Refroidir à la manière de la nature

    Au cours de centaines de millions d'années, la nature a développé des cycles de refroidissement qui maintiennent la température de surface de la planète dans certaines limites (bien que le climat de la Terre oscille de manière significative). Le cycle de l'eau, qui fonctionne à grande et à petite échelle, est le plus important de ces cycles. À grande échelle, les courants océaniques déplacent d'énormes quantités d'eau autour de la planète, transférant plus d'eau sur la terre via les précipitations qu'il ne s'en évapore. À petite échelle, l'eau tombe sous forme de pluie ou d'autres formes de précipitations, est absorbée par le sol, est absorbée par les plantes et transpire ou s'évapore à nouveau dans l'atmosphère. Ce double cycle de l'eau a un effet net de refroidissement.

    L'homme industriel a déstabilisé le cycle de l'eau à l'échelle planétaire. L'agriculture industrielle dégrade les sols, qui retiennent moins d'eau. Les villes en expansion couvrent le sol et canalisent les eaux de pluie vers la mer par l'intermédiaire des collecteurs d'eaux pluviales, au lieu de conserver l'eau sur la terre. Les trottoirs et les bâtiments créent l'effet bien connu d'"îlot de chaleur" urbain, qui peut faire grimper les températures de plusieurs degrés par rapport aux paysages naturels. L'agriculture industrielle, l'urbanisation et les pratiques forestières destructrices réduisent la végétation et, par conséquent, l'évapotranspiration. Résultat : même si nous ne chargions pas l'atmosphère d'un excès de dioxyde de carbone, nous continuerions à réchauffer la planète. Combinez un cycle de l'eau réduit avec le réchauffement des terres dû à l'étalement urbain, à quelques centaines de milliards de mètres carrés de trottoirs et à des sols dégradés, puis ajoutez ces ingrédients au plat de résistance que constituent les émissions surabondantes, et vous obtiendrez la recette de l'enfer sur Terre.

    La solution évidente : rétablir les cycles de refroidissement de la nature. Reverdir la planète, afin d'augmenter l'évapotranspiration. Restaurer les sols pour qu'ils retiennent davantage d'eau. Et se débarrasser des trottoirs partout où c'est possible.

    Il y a des défenseurs de l'asphaltage dans presque toutes les communautés. Malheureusement, leur voix est étouffée par les puissants intérêts des constructeurs de routes et des entreprises de construction, ainsi que par les automobilistes qui veulent rouler confortablement partout et en tout lieu. Il existe des revêtements perméables, mais la plupart des municipalités, confrontées aux plaintes des automobilistes concernant l'effritement des routes, choisissent simplement de recouvrir les vieilles rues d'une nouvelle couche d'asphalte noir (fabriqué à partir de pétrole) qui réchauffe l'environnement, empêche l'eau d'atteindre le sol sous-jacent et émet des fumées toxiques. Si l'humanité veut vraiment enrayer le changement climatique, elle devrait confier cette tâche aux dépavistes.

    La revégétalisation de la planète est un projet gigantesque qui ne peut être entrepris que par petits bouts à l'échelle locale. Les plus grands contributeurs au petit cycle de l'eau sont les forêts intactes ; par conséquent, notre première tâche devrait être de protéger les forêts anciennes existantes (vous pouvez planter un arbre en quelques minutes, mais une forêt ancienne a besoin de plusieurs siècles pour arriver à maturité). Parallèlement, nous pouvons planter des millions d'arbres supplémentaires, mais il doit s'agir des bons types d'arbres aux bons endroits. Nous devons anticiper le changement climatique et aider les forêts à migrer vers des zones climatiques adaptées.

    Le sol peut être restauré en le recouvrant de feuilles mortes, de paillis et de végétation, en y maintenant des racines vivantes le plus longtemps possible (principalement en plantant plus de cultures pérennes et moins de cultures annuelles), et en ajoutant du compost et du biochar pour aérer le sol et stimuler l'activité biologique. Toutefois, nous devons d'abord cesser de faire tout ce que nous faisons actuellement et qui nuit aux sols, notamment le travail annuel du sol et l'application d'herbicides et de pesticides. Les adeptes de la permaculture et les agriculteurs biologiques mènent ce combat depuis des décennies et ont mis au point de nombreuses techniques efficaces pour maximiser la production alimentaire tout en construisant des sols sains.

    Le changement climatique réduit la biodiversité en rendant les environnements inhospitaliers pour certaines des espèces qui y vivent. De plus, tout ce que nous faisons pour provoquer le changement climatique (agriculture industrielle, urbanisation, élevage de bétail et construction de routes) contribue aussi directement à la perte de biodiversité. Mais la restauration de la biodiversité peut atténuer le changement climatique. Par exemple, pour restaurer les sols, il faut les rendre plus diversifiés sur le plan biologique (en termes de champignons, de bactéries, de nématodes et de vers). Les sols restaurés abritent d'autres organismes (plus de végétation et donc plus d'animaux sauvages, jusqu'aux buffles et aux éléphants) qui contribuent également à maintenir les cycles de refroidissement de la nature. En fait, pratiquement tous les efforts de conservation de la nature sont également des efforts d'atténuation du changement climatique.

    Énergie et matériaux issus de la nature

    Si les générateurs d'électricité solaire, éolienne et nucléaire ne résolvent pas le problème du climat et que les combustibles fossiles doivent être rapidement abandonnés, où trouverons-nous notre énergie ? C'est une question difficile, et pour y répondre, il faut avant tout parler de la demande.

    L'ampleur de la consommation d'énergie dans les pays industrialisés aujourd'hui est tout simplement insoutenable. Quelles que soient les sources d'énergie que nous choisissons (y compris les sources fantaisistes telles que l'énergie de fusion), l'utilisation d'une telle quantité d'énergie a des effets néfastes sur l'environnement, tels que l'épuisement des ressources et la pollution toxique. Si nous voulons que notre espèce survive à long terme, nous devons réduire la demande d'énergie. Les meilleurs moyens d'y parvenir sont d'encourager la réduction de la population et de mettre en place des économies qui visent à accroître le bonheur humain plutôt que la croissance de l'extraction des ressources, de la fabrication et du transport.

    À mesure que la demande d'énergie diminuera, l'humanité disposera de meilleures options d'approvisionnement. Avant que nous ne commencions à utiliser des combustibles fossiles en quantités énormes, nous obtenions une grande partie de notre énergie en brûlant du bois. Nous ne pouvons plus le faire aujourd'hui, alors que nous consommons beaucoup plus d'énergie et qu'il est nécessaire d'augmenter la couverture forestière de la planète. Au lieu de cela, nous pouvons utiliser l'énergie du soleil, du vent et de l'eau courante, non seulement de manière high-tech (photovoltaïque, éoliennes et barrages hydroélectriques), mais aussi de manière low-tech, en utilisant moins de matériaux miniers. Low-Tech Magazine explore ces options, notamment les compresseurs d'air à énergie humaine, les voiliers, les générateurs de vélo domestiques pratiques et les panneaux solaires de faible technicité, parmi beaucoup d'autres.

    Si nous devons économiser l'énergie, il en va de même pour les matériaux (dont l'extraction, la fonte et la fabrication nécessitent de l'énergie). Actuellement, de nombreux matériaux que nous utilisons sont des plastiques toxiques fabriqués à partir de combustibles fossiles.

    Pouvons-nous tirer de la nature tous les matériaux dont nous avons besoin, sans l'épuiser ni la polluer ? Dans l'absolu, la réponse est probablement non, à moins que nous ne revenions un jour à la chasse et à la cueillette comme mode de vie. Mais nous pouvons réduire considérablement l'épuisement et la toxicité, tout d'abord en appliquant le mantra écologiste bien connu "réduire, réutiliser et recycler", puis en remplaçant les plastiques et les métaux par des matériaux d'origine végétale chaque fois que c'est possible.

    En brûlant partiellement les déchets végétaux, il est possible de produire des matériaux polyvalents pour les bâtiments, les routes et les produits manufacturés. Des milliers de petites usines de pyrolyse régionales, utilisant toute une série de matières premières, dont la plupart sont aujourd'hui considérées comme des déchets, pourraient produire à la fois du biochar (pour accroître la fertilité des sols) et des "parolysats" (matériaux à base de carbone qui pourraient être incorporés dans des produits). Dans de nombreux cas, l'ajout de carbone améliorerait les performances des matériaux, ce qui rendrait cette évolution des méthodes de fabrication rentable.

    Aider la nature à capturer le carbone

    Supposons que nous fassions tout cela. Pourtant, nous avons déjà émis un énorme surplus de carbone dans l'atmosphère, soit environ 1 000 milliards de tonnes. Par conséquent, même si les cycles de refroidissement naturels sont rétablis, un dangereux effet de réchauffement persistera. Pour minimiser cet effet, nous devrons éliminer et séquestrer une grande quantité de carbone atmosphérique, et ce rapidement. Comme nous l'avons vu, les machines DAC ne fonctionnent pas. Qu'est-ce qui fonctionnera ?

    La nature élimine et séquestre déjà environ la moitié du carbone émis par la combustion des combustibles fossiles par l'homme. Les graphiques de la concentration annuelle de gaz à effet de serre dans l'atmosphère illustrent cet effet : pendant les mois d'été dans l'hémisphère nord, lorsque les plantes fleurissent sur les plus grandes masses terrestres de la planète, la concentration de CO2 dans l'atmosphère diminue de manière significative. Puis, en hiver, elle rebondit et augmente encore en raison de l'accroissement continu des émissions. Les océans absorbent beaucoup plus de CO2 que les terres. Nous devons aider la nature à en absorber beaucoup plus qu'elle ne le fait déjà (tout en réduisant les émissions de manière spectaculaire et rapide, au lieu de continuer à les augmenter).

    À l'échelle mondiale, les sols contiennent environ 1 500 milliards de tonnes métriques de carbone ; ils constituent la deuxième réserve active de carbone après les océans (40 000 milliards de tonnes). Actuellement, l'humanité force les sols à céder leur carbone à l'atmosphère par le travail annuel du sol, l'érosion et la salinisation. Cependant, en adoptant différentes pratiques, nous pourrions restaurer les sols et ainsi augmenter de manière significative leur teneur en carbone. Les pratiques les plus utiles sont l'agriculture régénératrice et l'agriculture du carbone. Il est difficile d'estimer la quantité de carbone que les sols pourraient capturer si nous adoptions ces pratiques à grande échelle, mais certains experts estiment que cette quantité pourrait dépasser les 20 milliards de tonnes d'ici 2050 (bien entendu, cela suppose des efforts considérables et coordonnés, soutenus par les gouvernements et les agriculteurs).

    L'utilisation généralisée du biochar et des matériaux parolysés pourrait également permettre de capturer d'importantes quantités de carbone. Dans leur livre Burn : Igniting a New Carbon Drawdown Economy to End the Climate Crisis, les auteurs Albert Bates et Kathleen Draper suggèrent que la quantité de carbone qui pourrait théoriquement être séquestrée dans les bâtiments, les routes et les produits de consommation est de l'ordre de centaines de milliards de tonnes.

    Les arbres et autres types de végétation stockent déjà une grande quantité de carbone, mais les pratiques agricoles et forestières actuelles réduisent cette quantité chaque année. Selon certaines estimations, les forêts pourraient à elles seules capturer et stocker plus de 200 milliards de tonnes de carbone atmosphérique si nous commencions à ajouter des arbres d'une manière écologiquement sensible, plutôt que d'en soustraire sur une base nette.

    L'échelle même de l'océan et sa teneur en carbone existante signifient que le potentiel théorique de capture du carbone à partir de l'océan dépasse celui des autres options. Toutefois, l'exploitation de ce potentiel à grande échelle (par exemple, par la culture de microalgues ou l'amélioration de l'alcalinité des océans) nécessiterait des interventions technologiques massives. Certains chercheurs estiment qu'en encourageant la croissance des laminaires, une intervention simple, on pourrait capturer et stocker jusqu'à 200 millions de tonnes de carbone par an. Les zones humides telles que les marais et les marécages ne couvrent que 3 % des terres de la planète, mais contiennent deux fois plus de carbone que toutes les forêts ; si elles étaient restaurées, elles pourraient capturer et stocker une quantité importante de carbone (bien que les estimations varient considérablement). La surpêche, le transport maritime, le ruissellement des engrais, la destruction des zones humides côtières et la pollution par les plastiques dévastent actuellement les écosystèmes océaniques, leur faisant perdre une grande partie de leur capacité de capture du carbone. L'extraction de minéraux du fond des océans pour construire des systèmes d'énergie renouvelable à grande échelle ne ferait qu'aggraver une situation déjà sombre. Il semble que, dans le cas des océans, la chose la plus importante que nous puissions faire soit tout simplement d'arrêter les dégâts en cours.

    Si nous prenions ces mesures, pourrions-nous éliminer tout l'excès de carbone dans l'atmosphère et ainsi arrêter le changement climatique ? Il n'est probablement pas possible d'arrêter complètement le réchauffement de la planète, car le réchauffement est déjà en cours en raison de la dynamique des rétroactions qui ont déjà été déclenchées, notamment la fonte des glaciers et de la glace de mer. En outre, la mise en œuvre rapide de toutes ces mesures (au cours des deux ou trois prochaines décennies, par exemple) nécessiterait un niveau sans précédent de coordination et d'efforts au niveau international. Néanmoins, les chiffres s'additionnent : il est possible de réduire l'excès de carbone atmosphérique à une échelle proportionnelle au problème en utilisant des méthodes de restauration de la nature plutôt que des machines. C'est une bonne chose, car les machines ne fonctionnent tout simplement pas.

    Tout changer

    Contrairement à la technologie, la nature se répare constamment. Elle tend à dépolluer plutôt qu'à répandre des toxines. Elle crée des ressources au lieu de les épuiser. Mais pour répondre à tous les besoins humains et résoudre les problèmes à la manière de la nature, nous devrons penser tout à fait différemment. Il ne s'agit pas seulement de mettre progressivement de côté les technologies nocives et trop complexes, mais aussi de modifier les incitations et désincitations sociétales subtiles qui nous poussent à nous tourner d'abord vers les machines, même lorsque les conséquences involontaires sont faciles à repérer.

    Une société plus proche de la nature se caractérisera par un nombre réduit de personnes vivant plus près de la terre, avec un débit d'énergie et de matériaux bien inférieur à celui des nations industrialisées d'aujourd'hui. Nous serons moins urbanisés et plus ruraux. Nous dépendrons moins de l'argent et davantage de la coopération communautaire.

    C'est ainsi que les peuples autochtones ont vécu pendant des millénaires, et il n'est donc pas surprenant que certains des efforts les plus fructueux d'atténuation du changement climatique basés sur la nature soient menés par des communautés autochtones.

    Heureusement, il est possible pour les individus et les ménages de faire la différence en favorisant la biodiversité dans leurs maisons, leurs jardins et leurs communautés, et de réduire leur consommation d'énergie et de matériaux en choisissant au quotidien ce qu'ils achètent (ou n'achètent pas), ce qu'ils mangent, et comment (et combien) ils se déplacent.

    Malheureusement, les circonstances nous obligent à opérer un changement décisif dans notre façon de penser et de vivre à un moment où nous sommes également confrontés à une énorme menace. Puisque le réchauffement est désormais inévitable, il est presque certain que le reste de ce siècle sera marqué par des migrations massives et une instabilité politique. En raison de ces défis sociaux, il sera plus difficile pour les nations et les communautés de déployer des efforts cohérents et à grande échelle pour restaurer les écosystèmes.

    Néanmoins, tout ce que nous ferons pour tenter de ralentir ou d'arrêter le changement climatique sera plus efficace s'il vise à aider la nature à faire davantage ce qu'elle fait déjà. Restaurer la nature n'est pas seulement notre meilleure solution climatique, c'est notre seule solution.

    Merci à Bio4Climate et à Christopher Haines pour leur inspiration et leur aide dans la rédaction de cet article.

    https://www.resilience.org/.../restoring-nature-is-our.../

  • Les JO de Paris en 1924

     

    Les JO de Paris en 1924.

    Vraiment un beau documentaire sur cette époque, pas juste un regard sur le sport mais sur la société de l'époque.

    Les tenues des sportifs, les infrastructures, les différentes épreuves, certaines ayant disparues depuis, le cross country notamment. D'ailleurs il a fait 46 degrés ce jour-là à Paris... Les climato-sceptiques vont encore se gausser. ^^

    Plus intéressante que cette anecdote, on voit la situation des femmes dans le sport en 1924 et dans la société elle-même....

     

  • Les animaux ont-ils une conscience ?

    J'aurais tendance à penser que certains humains usent de leur conscience dans un état d'inconscience sidérant. Au regard des animaux et de la planète toute entière.

     

    Les animaux ont-ils une conscience? : de nouvelles preuves marquent un "changement radical" dans ce que nous savons du comportement animal

     

     

    Un chien

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    Article information

    Author, Pallab Ghosh

    Role, Correspondant scientifique, BBC News

    27 juin 2024

    Charles Darwin occupe une place presque sacrée parmi les scientifiques pour sa théorie de l'évolution. Cependant, son idée selon laquelle les animaux sont conscients au même titre que les humains a longtemps été rejetée. Jusqu'à aujourd'hui.

    "Il n'y a pas de différence fondamentale entre l'homme et les animaux dans leur capacité à ressentir le plaisir et la douleur, le bonheur et la misère", a écrit Darwin.

    Mais sa suggestion que les animaux pensent et ressentent a été considérée comme une hérésie scientifique par de nombreux, voire la plupart, des experts du comportement animal.

    Attribuer une conscience aux animaux sur la base de leurs réponses était considéré comme un péché capital. L'argument était que projeter des traits, des sentiments et des comportements humains sur les animaux n'avait aucune base scientifique et qu'il n'y avait aucun moyen de tester ce qui se passe dans l'esprit des animaux.

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    Mais si de nouvelles preuves de la capacité des animaux à percevoir et à traiter ce qui se passe autour d'eux apparaissent, cela pourrait-il signifier qu'ils sont conscients ?

    Charles Darwin a affirmé que les animaux avaient la capacité de ressentir le plaisir et la douleur, le bonheur et la misère.

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    Légende image, Charles Darwin a affirmé que les animaux avaient la capacité de ressentir le plaisir et la douleur, le bonheur et la misère.

    L'exemple des abeilles

    Nous savons aujourd'hui que les abeilles savent compter, reconnaître des visages humains et apprendre à utiliser des outils.

    Le professeur Lars Chittka, de l'université Queen Mary de Londres, a participé à de nombreuses études importantes sur l'intelligence des abeilles.

    "Si les abeilles sont si intelligentes, elles peuvent peut-être penser et ressentir quelque chose qui est à la base de la conscience", explique-t-il.

    Les expériences du professeur Chittka ont montré que les abeilles modifiaient leur comportement après un incident traumatisant et semblaient capables de jouer, en faisant rouler de petites boules de bois, une activité qu'elles semblaient apprécier.

    Ces résultats ont persuadé l'un des scientifiques les plus influents et les plus respectés dans le domaine de la recherche animale de faire cette déclaration forte, brutale et controversée :

    "Compte tenu de toutes les preuves disponibles, il est très probable que les abeilles aient une conscience", a-t-il déclaré.

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    Des études indiquent que les abeilles changent de comportement après un incident traumatisant.

    Crédit photo, Getty Images

    Légende image, Des études indiquent que les abeilles changent de comportement après un incident traumatisant.

    "Changement radical"

    Il ne s'agit pas seulement des abeilles. Nombreux sont ceux qui s'accordent à dire que le moment est venu de réévaluer notre conception de la conscience animale, sur la base de nouvelles données qui marquent un "changement radical".

    Le professeur Jonathan Birch, de la London School of Economics, fait partie de ce groupe de scientifiques.

    "Nous avons des chercheurs de différents domaines qui commencent à oser poser des questions sur la conscience animale et à réfléchir explicitement à la manière dont leurs recherches pourraient être pertinentes pour ces questions", déclare M. Birch.

    Cependant, ceux qui s'attendent à un moment d'euphorie seront déçus.

    Au contraire, les preuves de plus en plus nombreuses de la nécessité de repenser ce paradigme ont suscité des commentaires parmi les chercheurs concernés. Nombre d'entre eux appellent désormais à un changement de la pensée scientifique dans ce domaine.

    Ce qui a été découvert n'est peut-être pas une preuve concluante de la conscience animale, mais dans l'ensemble, cela suffit à suggérer qu'il existe "une possibilité réaliste" que les animaux soient capables de conscience, déclare M. Birch.

    Cela vaut non seulement pour les animaux dits supérieurs, comme les singes et les dauphins, qui ont atteint un stade de développement plus avancé que les autres animaux, mais aussi pour les créatures plus simples, qui ont atteint un stade de développement plus avancé que les autres animaux. Cela s'applique également à des créatures plus simples, telles que les serpents, les pieuvres, les crabes, les abeilles et peut-être même les drosophiles.

    Ce groupe de scientifiques cherche à obtenir un financement pour poursuivre les recherches afin de déterminer si et dans quelle mesure les animaux sont conscients.

    Les scientifiques considèrent les singes comme des animaux supérieurs parce qu'ils sont à un stade de développement plus élevé que les autres espèces.

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    Comment définir la conscience

    Si vous vous demandez ce que l'on entend par "conscience", vous n'êtes pas le seul. Les scientifiques ne parviennent même pas à se mettre d'accord sur cette question.

    L'une des premières tentatives remonte au XVIIe siècle, avec le philosophe français René Descartes, qui a déclaré : "Je pense, donc je suis".

    "Le langage est le seul signe certain de la pensée cachée dans un corps", ajoutait-il.

    Mais ce raisonnement a trop longtemps brouillé les pistes, estime le professeur Anil Seth, de l'université du Sussex, qui a débattu de la définition de la conscience pendant une grande partie de sa carrière professionnelle.

    "Cette trinité impie du langage, de l'intelligence et de la conscience remonte à Descartes", a-t-il déclaré à la BBC, inquiet de l'absence de remise en question de cette approche jusqu'à récemment.

    La "trinité impie" est au cœur d'un mouvement appelé béhaviorisme, qui a vu le jour au début du XXe siècle. Selon ce mouvement, les pensées et les sentiments ne peuvent être mesurés par des méthodes scientifiques et doivent donc être ignorés lors de l'analyse du comportement.

    Bien que de nombreux comportementalistes animaliers aient été formés à cette école, une approche moins centrée sur l'homme commence à s'ouvrir, selon Seth.

    "Parce que nous voyons les choses à travers une lentille humaine, nous avons tendance à associer la conscience au langage et à l'intelligence", explique-t-il. "Le fait qu'ils soient ensemble chez nous ne signifie pas qu'ils vont ensemble en général.

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    Le chercheur Anil Seth

    Crédit photo, Avec l'aimable autorisation de l'Institut canadien de recherches avancées

    Légende image, Le chercheur Anil Seth s'interroge sur la définition de la conscience.

    La sensibilité plutôt que la conscience

    Certains sont très critiques à l'égard de certaines utilisations du mot "conscience".

    "Le domaine est plein de mots ambigus et malheureusement l'un d'entre eux est la conscience", avertit le professeur Stevan Harnad de l'Université du Québec.

    "C'est un mot que beaucoup de gens utilisent avec confiance, mais qui a une signification différente selon les personnes, et dont le sens n'est donc pas clair du tout.

    M. Harnad estime qu'un mot plus approprié et moins ambigu pourrait être "sensibilité", qui se définit plus étroitement comme la capacité de ressentir.

    "On ressent tout, un pincement, la couleur rouge, la fatigue et la faim, ce sont toutes des choses que l'on ressent", explique-t-il.

    D'autres personnes qui étaient instinctivement sceptiques quant à l'idée que les animaux puissent être conscients affirment que la nouvelle interprétation, plus large, de ce que signifie être conscient fait une différence.

    C'est le cas du Dr Monique Udell, de l'université d'État de l'Oregon, qui a une formation de comportementaliste.

    "Si nous examinons différents comportements, par exemple quelles espèces peuvent se reconnaître dans un miroir, combien d'entre elles peuvent planifier ou se souvenir de choses qui se sont produites dans le passé, nous pouvons tester ces questions par l'expérimentation et l'observation et tirer des conclusions plus précises sur la base de données", explique-t-il.

    "Et si nous définissons la conscience comme une somme de comportements mesurables, alors les animaux qui ont réussi ces tâches particulières peuvent être considérés comme ayant quelque chose que nous choisissons d'appeler conscience.

    Cette définition de la conscience est beaucoup plus étroite que celle proposée par le nouveau groupe, mais selon le Dr Udell, la science est une affaire de confrontation respectueuse des idées.

    "Il est important d'avoir des gens qui prennent les idées avec prudence et qui ont un œil critique, car si nous n'abordons pas ces questions de différentes manières, il sera plus difficile de progresser.

    Les scientifiques s'accordent à dire qu'il est important de développer la recherche scientifique sur les animaux.

    Crédit photo, Getty Images

    Légende image, Les scientifiques s'accordent à dire qu'il est important de développer la recherche scientifique sur les animaux.

    Une déclaration de conscience animale

    Mais qu'en sera-t-il ensuite ? Certains affirment qu'il faut étudier beaucoup plus d'espèces pour déterminer s'il est possible que les animaux aient une conscience.

    "À l'heure actuelle, la plupart des travaux scientifiques sont menés sur des êtres humains et des singes, et nous faisons un travail beaucoup plus difficile que nécessaire parce que nous n'apprenons rien sur la conscience dans sa forme la plus élémentaire", déclare Kristin Andrews, professeur de philosophie spécialisée dans l'esprit des animaux à l'université York de Toronto.

    Kristin Andrews et beaucoup d'autres pensent que la recherche sur les humains et les singes est l'étude d'un niveau de conscience plus élevé (qui se manifeste par la capacité à communiquer et à ressentir des émotions complexes), alors qu'une pieuvre ou un serpent peuvent également avoir un niveau de conscience plus élémentaire que nous ignorons en ne l'étudiant pas.

    Le chercheur a été l'un des principaux instigateurs de la déclaration de New York sur la conscience animale, qui a été signée au début de l'année par 286 chercheurs.

    Cette brève déclaration de quatre paragraphes affirme qu'il est "irresponsable" d'ignorer la possibilité d'une conscience animale.

    "Nous devons prendre en compte les risques pour le bien-être et utiliser des données probantes pour éclairer nos réponses à ces risques", déclare-t-il.

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    Kristin Andrews a fait la promotion de la déclaration de New York sur la conscience animale.

    Crédit photo, Avec l'aimable autorisation de l'Université de York

    Légende image, Kristin Andrews a fait la promotion de la déclaration de New York sur la conscience animale.

    Chris Magee est membre de Understanding Animal Research, un organisme britannique soutenu par des organismes de recherche et des entreprises qui pratiquent l'expérimentation animale.

    Il affirme que les animaux sont supposés avoir une conscience lorsque des expériences sont menées sur eux et prévient que la réglementation britannique exige que les expériences ne soient menées que si les avantages pour la recherche médicale l'emportent sur les souffrances causées.

    "Il y a suffisamment de preuves pour que nous adoptions une approche de précaution", déclare-t-il.

    "Mais il y a aussi beaucoup de choses que nous ignorons, notamment sur les crustacés décapodes tels que les crabes, les homards, les tourteaux et les crevettes.

    "Nous ne savons pas grand-chose de leur expérience de vie, même des choses élémentaires comme le moment où ils meurent. C'est important, car nous devons établir des règles pour les protéger, que ce soit en laboratoire ou dans la nature."

    Une étude dirigée par M. Birch en 2021 a évalué 300 études scientifiques sur la sensibilité des décapodes et des céphalopodes, qui comprennent les pieuvres, les calmars et les seiches.

    L'équipe du professeur Birch a constaté qu'il existait des preuves solides que ces créatures étaient sensibles, car elles pouvaient éprouver des sensations de douleur, de plaisir, de soif, de faim, de chaleur, de joie, de confort et d'excitation.

    Les conclusions de cette étude ont conduit le gouvernement britannique à inclure ces créatures dans sa loi sur le bien-être des animaux en 2022.

    "Les questions relatives au bien-être des pieuvres et des crabes ont été négligées", déclare M. Birch. "La science émergente devrait encourager la société à prendre ces questions un peu plus au sérieux."

    Les animaux tels que les pieuvres peuvent avoir un niveau de conscience qui n'est pas connu parce qu'il n'est pas étudié.

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    Légende image, Les animaux tels que les pieuvres peuvent avoir un niveau de conscience qui n'est pas connu parce qu'il n'est pas étudié.

    Hérétiques

    Il existe des millions d'espèces animales différentes et très peu de recherches ont été menées sur la manière dont elles perçoivent le monde.

    Nous en savons un peu plus sur les abeilles et d'autres chercheurs ont montré des signes de comportement conscient chez les cafards et même les mouches à fruits, mais il y a beaucoup d'autres expériences à faire sur beaucoup d'autres animaux.

    C'est un domaine d'étude que les hérétiques signataires de la Déclaration de New York affirment avoir négligé, voire ridiculisé. Leur démarche, dire l'indicible et risquer la sanction, n'est pas nouvelle.

    À l'époque où René Descartes disait "Je pense, donc je suis", l'Église catholique soupçonnait avec véhémence l'astronome italien Galileo Galilei d'hérésie pour avoir suggéré que la Terre n'était pas le centre de l'Univers.

    Ce changement de mentalité nous a ouvert les yeux sur une image plus vraie et plus riche de l'Univers et de notre place dans celui-ci.

    Le fait de nous déplacer une seconde fois du centre de l'Univers pourrait avoir le même effet sur notre compréhension de nous-mêmes et des autres êtres vivants avec lesquels nous partageons la planète.

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  • L'insignifiante réalité

     

     

    "La connaissance ouvre la conscience. Vaut-il mieux être malheureux en conscience ou heureux par inconscience ?"

    Sylvie Raffin-Callot

     

    J'ai vécu une partie de ma vie dans une totale insouciance au regard de l'état de la nature. J'ai goûté au bonheur de la haute montagne, des randonnées en forêts, des baignades dans des lacs d'altitude, des raids à vélo, des sorties de ski de randonnée, des milliers d'heures à courir, à marcher, à pédaler, à skier, à nager, à contempler les beautés de la Terre.

    Puis, avec l'âge et de multiples lectures sur la biodiversité, l'impact de l'humain sur la faune, la flore, le climat, les cours d'eau, les océans, l'atmosphère, la souffrance animale, j'ai basculé de l'insouciance à une forme de désespérance, un assommoir qui ne cesse de me frapper, une connaissance pesante et qui reste, malgré ses effets, absolument nécessaire parce qu'elle me permet d'agir en conscience.

    Alors oui, cette conscience est douloureuse mais cette douleur est compensée par les effets de mon engagement, un effet dérisoire au regard du désastre planétaire mais un effet qui me permet de me supporter, en tant qu'humain.

    J'ai même longtemps écrit des textes qui explorait la dimension spirituelle et quelque peu philosophique, à mon humble niveau. Puis j'ai arrêté ce travail intérieur parce que cette conscience de la vie et de mon impact sur elle me montrait à quel point ma quête spirituelle était artificielle, déconnectée du monde réel, ce que j'ai fini par appeler "mon insignifiante réalité".

    Je vivais dans une sphère "intellectuelle" qui conférait à un état de "hors sol" bien que je passais la majeure partie de ma vie dehors, au plus près de la nature. Une nature dont je ne connaissais finalement pas grand-chose. Elle n'était qu'un terrain de jeu, une scène plaisante qui répondait à mes besoins physiques.

    Il n'aurait servi à rien que je regrette cet état d'insouciance, que je me flagelle pour toutes les erreurs passées. Puisque j'avais enfin accédé à un état de conscience.

    Libéré de "l'ego encapsulé" (Alan watts), il fallait que j'en fasse quelque chose.

    Comme le dit très justement Sylvie Raffin-Callot (que je remercie pour la concision parfaite de sa réflexion), j'alterne entre la douleur générée par cette conscience et la satisfaction d'agir désormais selon ma conscience. Je gagne à travers la douleur une sérénité réelle et non un bien-être égotique. La question se pose d'ailleurs de savoir si toutes les thérapies qui proposent d'aller mieux dans un monde qui va mal ne participent pas finalement elles-mêmes à ce monde. Si l'objectif est de supporter ce monde et de parvenir à s'y insérer sans souffrance mais sans rien y changer, c'est juste un travail sur soi mais cela n'a aucune incidence sur le monde lui-même.

    Ce monde va-t-il mal parce que trop de gens le supportent encore ? Faudra-t-il donc attendre que la douleur de l'état de conscience se généralise pour commencer à entrevoir la possibilité d'une évolution planétaire ?

    Alors qu'advienne la douleur de la conscience, pour tous, qu'elle soit si forte que les nuits en deviennent blanches. Je ne parle pas des nuits blanches parce que la situation affective, amoureuse, familiale, sociale, professionnelle serait difficile.

    Je parle des nuits blanches au regard de la douleur envers la planète créée par l'humain, ce fameux phénomène anthropique dont parle les scientifiques, ces tout autant fameux scientifiques tant décriés, tant moqués, ignorés, conspués.

    Notre plus jeune garçon, qui a désormais trente ans, a obtenu un doctorat en sciences de l'écologie et son rêve était de travailler dans la recherche.

    BAC + 8.

    Il arrête tout aujourd'hui car le travail d'un chercheur, depuis quelque temps déjà, c'est surtout de chercher des financements pour ses recherches et de remplir des tonnes de papier, de documents, de demandes administratives et la plupart du temps pour n'avoir qu'un refus. La science qui n’œuvre pas dans un domaine rentable, qui travaille sur des projections écologiques, sur des alertes, sur des états des lieux et des visions de l'avenir, ça n'est pas exploitable, ça ne rapporte rien, c'est mal vu...

    Nous sommes entrés dans une période sombre et peu de gens ont idée des noirceurs à venir. Pire même, ils ne veulent surtout pas en entendre parler.

    C'est ce que j'appelle « l'insignifiante réalité » de l'individu.

    Et c'est elle qui dirige..

    Des politiciens qui nous gouvernent à ceux qui les élisent.

  • TERRE SANS HOMMES (5)

     

    Ressemblera terre sans hommes l 1

     

     

     

    CHAPITRE 9

    Figueras avait deviné les appels. Il s’y était préparé. Il avait prévenu le clan qu’il devait s’isoler. Il avait investi une hutte, amassé du bois pour le feu, des herbes précises, celles qui nourrissent l’énergie visuelle, celles qui créent le lien, qui effacent les distances, qui emportent dans les flots de particules. Deux jarres pleines d’eau. Aucun aliment sinon les feuilles de coca. Le jeûne serait la voie.

    Rauni Magga lui apparut la première nuit, une nuit de pleine lune, un air transi par l’effacement des nuages. Figueras était sorti pour saluer l’astre. L’immobilité de l’atmosphère, la nudité du ciel figé au-dessus des montagnes, l’air suspendu murmurait des désirs de neige. Figueras avait dansé dans l’espace, il avait tourné lentement, tourné encore, rotation de planètes autour de leur soleil, les noirceurs bues comme des filtres magiques, des condensés d’éblouissements, il devenait le réceptacle de tout ce que l’atmosphère percevait de l’agitation terrestre, un flux phénoménal d’informations, toute l’histoire révélée, tous les événements condensés, les liens immatériels des esprits, ceux qui parlent en silence dans leur cœur, ceux qui connaissent les passerelles.

    Rauni dansait dans le froid polaire, des peaux de bêtes le couvrant totalement, des auras blanches de chaleur enveloppaient le troupeau de rennes, les cristaux de neige scintillaient sous la lune comme des yeux fascinés par le chant des étoiles, Rauni dansait et propageait dans la nuit métallique toutes les images qu’il avait accumulées, un bateau venant d’une île glacée, des survivants, tous malades, leur hospitalisation, la contamination, la diffusion, l’épidémie, des villes en quarantaine, l’armée sommée de contenir les fuyards, les soldats atteints eux-mêmes par cette toux fatale, aucune frontière ne pouvait arrêter le mal. Seuls les Samis, isolés dans les montagnes, aux confins de la Scandinavie, dans les terres désertées par les blancs, eux seuls étaient épargnés. Ils avaient dû abattre quelques citadins malades en quête d’un refuge. Les villages les plus proches des zones habitées par les blancs avaient été abandonnés. Tous les Samis retrouvaient la vie des ancêtres et ceux qui avaient déjà perdu le savoir des anciens étaient condamnés.

    Llojha avait rejoint le fil des esprits, le peuple des Tchouktches parle encore à la terre et en reçoit les visions. La Sibérie avait perdu sa population russophone. Il ne restait que les peuplades autochtones. Aucune ne viendrait en aide aux Russes. Nul esprit de vengeance. Juste que ça ne les regardait pas. Le temps des retrouvailles était venu, les retrouvailles avec les esprits, loin de la folie des hommes. La toux qui rongeait les voix courait dans les villes et les morts jonchaient les rues.

    Puis Figueras reçut les visions d’autres vrais hommes, ceux de ce continent noir où éclataient tant de couleurs, des savanes aux forêts tropicales, puis ceux des pays de mousson, puis ceux des pays de sable, puis ceux des îles comme des points minuscules sur le corps bleu, puis ceux des très hautes montagnes, celles où le ciel se reposait, puis celles des jungles les plus denses.

    Partout où les tribus les plus isolées avaient traversé les âges sans jamais disparaître totalement sous le joug des hommes avides, les porteurs du savoir ancestral diffusaient les images d’un monde effondré.

    Lorsque Figueras, après plusieurs nuits de rencontres, rejoignit le clan, il raconta à son peuple qu’il ne restait plus sur la Terre que des villes désertées et que la végétation avait commencé son envahissement. Et tous s’en réjouirent.

    Figueras quittait les rêves de contact avec un sentiment étrange. Il lui suffisait de penser aux enfants du clan et de se projeter vers tous les enfants du monde. Aucun d’entre eux n’était responsable, de quoi que ce soit et ils mouraient pourtant comme autant de jeunes graines trop fragiles. Mais aussitôt venait l’image d’un corps immense dépérissant, une humanité cannibale, les enfants n’étant que des fractions de cette entité, nullement des éléments différenciés. Ils auraient tous pris un jour le chemin de leurs pères et de leurs mères, ils auraient tous suivi la voie unique qui leur était imposée, celle de la matière, celle du pillage, de la dévastation. L’épuration devait s’étendre à tous les niveaux. Rien d’autre n’était possible. Dans ce monde moderne, la connaissance était au service du progrès, le progrès amenait le confort, le confort favorisait l’asservissement et l’asservissement était le fondement du pouvoir. Les enfants n’y pouvaient rien, ils étaient condamnés. Ils appartenaient aux maîtres du pouvoir.

    Ils resteraient des survivants, les plus solides, les plus endurants, les plus vivants, ceux qui parviendraient à oublier les cités et à retourner à la terre. Quelques-uns, pas beaucoup. Très peu.

  • La vie dans la mare

    Il s'en passe des choses dans une mare. Un foisonnement de vie qu'on n'imagine pas. A la fin de la journée de travail sur le terrain, j'aime bien aller m'asseoir sur la terrasse qui surplombe notre mare. Libellules, papillons dans les fleurs, dytiques, notonectes, girins, tritons, grenouilles, ça foisonne.

    J'ai déjà fait des dizaines de photos mais malheureusement le site, ici, ne les prend pas, elles sont trop volumineuses... :(

     

  • TERRE SANS HOMMES ( 4)

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    C'est long la fin du monde et je repensais au confinement que nous avons tous vécu.

    Imaginons maintenant que s'y ajoutent le dysfonctionnement complet de la distribution électrique, l'arrêt du réseau internet, l'isolement dans l'incertitude.

    Il faudra être capable de vivre autrement.

    Est-ce que, dans le cas d'un chaos planétaire, dans l'absence totale de projection vers un retour "à la normale", les individus sauront s'organiser ?

    Certains me diront que ce sont des questions inutiles étant donné que ça ne se produira pas.

    Et je répondrai que certains événements passés qui n'auraient jamais dû se produire sont aujourd'hui étudiés dans les livres d'Histoire.

     

    TERRE SANS HOMMES

     

    CHAPITRE 6

    Francis aurait aimé descendre en ville, longer la côte, voir ce qui restait du monde. L’isolement commençait à lui peser fortement et il s’imaginait mal continuer à vivre reclus avec Tim. Fendre du bois, travailler au potager, penser à filtrer l’eau des citernes pour leur consommation quotidienne, changer le poteau d’une barrière, désherber les allées entre les rangs de pommes de terre et les oignons, écraser les doryphores et les chenilles qui dévoraient les feuilles des légumes. L’été était sec et chaud, trop sec et trop chaud d’après Tim. On atteignait même la zone critique et les incendies de forêts risquaient de faire des ravages. Les anciens, disaient Tim, n’avaient jamais connu de méga feux et n’auraient jamais cru ça possible. Pas en Nouvelle-Zélande.

    « En Australie, tu n’imagines pas l’étendue des incendies. C’est une catastrophe, des centaines de milliers d’animaux brûlés vifs, des millions d’arbres. Tous les scientifiques qui bossent sur le dérèglement climatique avaient prévenu les gouvernements et pas un seul n’a été foutu de revoir la copie. Croissance, croissance, on continue et on verra bien le moment venu. Tous des connards. Le moment venu, c’est trop tard. Le changement climatique, c’est pas un truc à la petite semaine mais tous ces politiciens n’ont qu’un seul repère temporel, celui de leur mandat. L’humanité est en vrac et même si aujourd'hui toutes les sources de pollution sont anéanties, il faudra cent ans avant qu’on ne voit une amélioration sur le climat de la planète. Et quand je dis cent ans, c’est un grand minimum. Les phénomènes extrêmes ne vont pas s’arrêter du jour au lendemain. Six limites planétaires sur huit sont dépassées.

    - Explique.

    - Putain, tu vivais vraiment dans une bulle, toi !

    - Oui, je sais. Une bulle de merde.

    - T’es pas tout seul, tu faisais même partie du groupe humain le plus vaste, des milliards de connards.

    - Bon, tu m’expliques ? Pour le reste, t’inquiète, j’ai plus besoin de toi pour savoir que j’étais un de ces connards. Et même un fou. »

    Une voix cassante.

    Tim sentit la honte, un regard fuyant, la douleur d’être soi était la pire.

    « Pardon, Francis, je ne voulais pas te faire de mal.

    - Pas grave, Tim. C’est juste que c’est long à admettre. Ce que j’étais et ce que j’ai fait. Vas-y, raconte.

    - Ouais, alors, les limites planétaires.Ce sont des seuils à ne pas dépasser pour que les écosystèmes restent viables. On a le climat, la biodiversité, le cycle de l’azote, le cycle du phosphore, l’eau douce souterraine, l’eau douce de surface, la préservation des sols, la pollution atmosphérique. Et bien évidemment, chaque entité est considérablement impactée par l’exploitation humaine.

    - Donc, ça va aller mieux maintenant que tout est en vrac.

    - Oui, mais ça prendra du temps. Beaucoup de temps. En fait, il faudrait que je connaisse le nombre d’humains encore en vie et l’état des pays industrialisés puisque ce sont eux les principaux responsables. C’est à partir de ça que je pourrai calculer approximativement le rétablissement des équilibres. Mais pour ça, il me faudrait aussi mon ordinateur et une connexion internet. Et des mois de travail. Donc, on oublie. »
     

    Tim pouvait parler pendant une heure sans s’interrompre mais tout autant ne pas prononcer un mot pendant une journée entière et Francis n’essayait plus d’engager une discussion. Il attendait que Tim prenne la parole. Quand on obtient qu’un borborygme, une fois, dix fois, cent fois, il arrive un moment où l’envie de parler s’évanouit. Francis avait donc adopté le rythme de Tim. Mais les sujets de discussion ne sortaient guère du cadre étroit de la situation générale. Francis aurait aimé parler des All Blacks, des survivalistes, des villes du pays, des sites touristiques, des stations de ski, de bagnoles, de filles aussi. Les filles… Oui, clairement, elles lui manquaient. Une compagnie féminine, une soirée à une terrasse, une nuit d’amour. Et les parties de cartes. Il avait demandé à Tim s’il avait un jeu.

    « Et qu’est ce que j’aurais foutu tout seul avec un jeu de cartes ?

    - Un château ? T’as jamais fait un château de cartes quand t’étais gamin ?

    - T’as fait ça, toi ? Ben, putain, tu devais bien te faire chier. Moi, quand j’étais gamin, soit j’étais dehors, soit je lisais un bouquin.

    - J’ai jamais trop aimé les bouquins.

    - Ben, tu vas pouvoir t’y mettre. C’est long la fin du monde.

    - Oui, c’est bon, ça, j’ai bien compris. C’est long.

    - Toi, tu t’emmerdes, c’est ça ?

    - Je vais pas dire que je m’emmerde mais je vais pas dire non plus que c’est très varié la vie de fin du monde. »

    Tim n’avait rien répondu. Francis avait vu son visage se fermer.

    Tim pensait, donc il ne parlait plus.

    Et il pensa beaucoup, durant plusieurs jours.

    C’est le 15 décembre que Tim dévoila ses pensées. Et ce fut un choc pour Francis.

    « Bon, on se casse. On remplit la bagnole avec toute la bouffe, les flingues et deux, trois trucs que j’ai préparés. Et prends ton pognon.

    - On va où ?

    - On prend la mer. 

    - La mer ? Me dis pas que tu veux rentrer en France !

    - C’est ça. Mais si tu préfères rester là, je te laisse la baraque. »

    Tim expliqua et Francis, ébahi, le laissa parler.

    Le navire d’exploration polaire de l’université de Christchurch, un très bon voilier, Tim savait le manœuvrer, un seul homme pouvait y parvenir avec quelques connaissances, un amarrage dans la baie de Port Levy, des panneaux solaires pour la production électrique et la dessalinisation de l’eau, des réserves de nourriture lyophilisée, il avait étudié le parcours, le Pacifique, passage du Cap Horn, un arrêt éventuel, si besoin, aux îles Malouines et remontée de l’Atlantique, deux mois de navigation, trois maximum, le record du Vendée Globe est de soixante-quatorze jours alors qu’ils n’auront qu’une petite partie du parcours à effectuer.

    « Une petite partie ? Non, mais tu rigoles ou quoi, le Cap Horn, je n’y connais rien mais j’en ai entendu parler, c’est un vrai cimetière de bateaux ce coin ! objecta Francis.

    - Calme-toi ! Il suffit de mettre à la cape si tu prends un gros coup de vent, tu laisses filer et t’attends que ça passe. À deux, c’est bon, suffit de se relayer à la barre si ça dure longtemps.

    - Ah, parce que je dois tenir la barre ? Mais tu es dingue, Tim ! Faut pas compter sur moi, je vais juste dégueuler jusqu’à mourir, je ne serai bon à rien.

    - Tu fumeras un pétard et ça passera. Moi aussi, j’ai déjà eu le mal de mer mais ça ne dure pas, faut juste laisser le temps, ça passe, je te dis.

    - Mais pourquoi tu veux rentrer ? C’est pour Laure ? Ou autre chose.

    - Pour Laure, en premier, pour mes parents ensuite et parce que je m’emmerde en fait.

    - Ah, toi aussi ! Ben, t’aurais pu m’en parler, on se serait fait moins chier.

    - J’aime pas parler pour rien, tu le sais bien pourtant.

    - Et si ton putain de bateau a déjà été volé ou saccagé ?

    - Je n'y crois pas. Fais moi confiance. »

    Francis n'en revenait pas.

    Il regardait les arbres défiler sur le ruban noir de la nuit. Tim conduisait, routes de montagne puis la descente vers la côte. Cinq heures de trajet si tout se passait sans encombres. Tim avait expliqué qu’il ne voulait pas emprunter la route directe, le passage dans les banlieues de Christchurch, il préférait le détour par des routes désertes, une piste forestière sur une dizaine de kilomètres pour finir, il avait pris la tronçonneuse et deux bidons de carburant, deux haches, un câble pour dégager des troncs de la route.

    Tim avait laissé la maison ouverte. Francis n’aurait jamais imaginé une décision aussi inattendue.

    « Si des gens veulent s’y installer, qu’ils le fassent. Je ne reviendrai jamais ici. Je préfère que cette maison soit entretenue plutôt que laissée à l’abandon. »

    Francis avait regardé Tim écrire sur une feuille blanche, assis à la table du salon.

    « Tout ce que je leur demande, c’est de laisser en place la photo d’Aurore, elle veillera sur eux. »

    Il avait expliqué succinctement sur le papier le fonctionnement des panneaux solaires, celui de la pompe à eau puis il était allé dans la chambre et il avait embrassé le visage d’Aurore, sur les lèvres. Il avait caressé les joues et les cheveux.

    « Je sais que tu seras toujours avec moi, comme tu l’as toujours été. On va faire une belle virée en bateau. Je suis sûr que tu seras heureuse de revoir Laure. Je t’aime. »

    Routes désertes. Nuit noire. Ils traversèrent sans ralentir deux villages éteints. Francis distingua rapidement la vitrine brisée d’un magasin, quelques voitures abandonnées, portières ouvertes ou partiellement désossées. Un monde sans humains. Comme évaporés, dilués dans le silence, dans l’immobilité du monde et juste cette voiture qui traçait son sillage. Le sillage. Il pensa au bateau dans l’océan Pacifique. Une folie. Et pourtant, il en acceptait l’épreuve. Comme s’il n’était pas possible de rester inerte. L’indiscutable nécessité d’agir. Il avait senti durant les jours passés au chalet, dans l’absence totale d’imprévu, dans la répétition des actes, dans l’étirement insupportable du temps, qu’il ne tiendrait pas. Comme s’il ne possédait pas le potentiel de paix en lui, le goût de la sérénité, la force de ne rien faire ou de faire bien le peu qui restait. Il avait besoin d’agir, un besoin viscéral, pour ne pas se sentir mort. Comme ce monde sombre qu’ils traversaient. Il imagina que la vieillesse lui apporterait peut-être cette capacité à s’asseoir et à écouter l’herbe qui pousse. L’image le fit sourire.

    Une question le taraudait.

    « Bon, Tim, dans l’éventualité où on parvient à rentrer en France avec ton bateau. Comment on fait pour rejoindre les Alpes ? »

    Tim ne répondit pas. Francis le regarda du coin de l’œil. Éminemment concentré. Il abandonna l’idée d’une réponse.

    « J’en sais rien et je m’en fous, lança-t-il, soudainement. Pour l’instant, on est là.

    - Je croyais que les survivalistes avaient pour règle d’or de tout anticiper ?

    - Anticiper ce sur quoi ils peuvent agir, oui. Mais pour le reste, ils ont pour règle d’or de ne pas y penser quand l’étendue des inconnues est beaucoup trop vaste.

    - Mais tu y as bien réfléchi un peu quand même ?

    - Non, je viens juste de le faire.

    - Et ça donne quoi ?

    - Que c’est de l’énergie perdue.

    - Mais bordel, ça peut quand même nous servir quand on arrivera là-bas !

    - Tiens, tu as l’air bien décidé à le faire ce voyage, finalement !

    - Le voyage, je n’y pense pas. C’est en France que ça m’intéresse.

    - Je te le dis, c’est complètement con. Parce que premièrement, il n’y a encore aucune certitude qu’on parte d’ici, deuxièmement il n’y a aucune certitude qu’on arrive à bon port. Donc, ces deux inconnues là suffisent à me convaincre que je perds mon temps. Je vais là où j’en suis. C’est une phrase qui a priori n’a pas de sens mais pour moi, elle est essentielle.

    - Je croyais que c’était sans problème, que tu savais naviguer et tout ça ! Et maintenant, tu balances qu’on n’est pas sûr d’arriver vivants ?

    - J’ai dit que je pouvais le faire, j’ai pas dit que j’allais y arriver.

    - Putain, parfois, t’es chiant quand même quand tu parles ! Tu m’embrouilles.

    - C’est pour ça que je me tais souvent. Au moins, ça te repose. »

  • Chronologie du changement climatique d'origine humaine

     

    On ne peut pas accuser ce site de subjectivité ou de tentative de manipulation. C'est vraiment sérieux. Les liens renvoient à des articles, les sources sont citées. C'est clair, factuel. Aucune prise de position partisane. C'est juste de l'information qui ne déforme pas...

     

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    Chronologie du changement climatique d'origine humaine

    Société

    Publié le 26 septembre 2023

    Temps de lecture  > 30 minutes

    Par : La Rédaction

    La responsabilité humaine dans le réchauffement climatique est une donnée intégrée par les experts et les scientifiques depuis plusieurs décennies. Si la Terre vit une accélération exponentielle des dérèglements en tous genres depuis le milieu du siècle dernier, l'influence effective de l'homme sur son environnement n'est pas un phénomène nouveau.

    Sommaire

    Fin XVIIIe siècle - 1967 | Le réchauffement climatique est un fait | La constatation

    1968-1988 | Le réchauffement climatique est d'origine humaine | La prise de conscience

    1989-2006 | Le réchauffement climatique doit être contenu | Les velléités

    2007-2018 | Le réchauffement climatique n'est pas assez contenu | Les inquiétudes

    2019-2023 | "L'effondrement climatique a commencé" | Les faits

    Changement climatique anthropique : Évolution du climat venant s’ajouter à ses variations naturelles, qui est attribuée aux émissions de gaz à effet de serre engendrées par les activités humaines, et altérant la composition de l’atmosphère de la planète.

    Vocabulaire de l'environnement (liste de termes, expressions et définitions adoptés) – Journal officiel du 12 avril 2009

    L'homme dégrade son environnement de plusieurs manières :

    par prélèvement (pêche, exploitation minière, etc.) ;

    par transformation (agriculture, pollution, etc.).

    Parmi les actions de l'homme susceptibles d'avoir un effet notoire ou majeur sur l'environnement, il faut distinguer :

    celles dont la récurrence à petite, moyenne ou grande échelle crée sur le long terme un déséquilibre majeur (disparition des espèces ou des ressources par surexploitation) ;

    celles dont l'importance singulière est telle qu'elles bouleversent des environnements ou des écosystèmes plus ou moins vastes (assèchement de la mer d'Aral, déforestation en Amazonie, catastrophes nucléaires de Tchernobyl ou Fukushima).

    En termes de causalité, l'homme peut être à l'origine de transformations majeures ou par son intervention, voulue ou pas, dans un processus indépendant (climatique, géologique, etc.) créer les conditions d'un dérèglement ou d'une catastrophe.

    Devant la complexité des causalités, une chronologie de la transformation climatique d'origine humaine (ou anthropique) doit intégrer les actions de l'homme sur l'environnement afin de saisir dans son ensemble l'étendue de la dégradation de la planète.

    Fin XVIIIe siècle - 1967 | Le réchauffement climatique est un fait | La constatation

    Plusieurs événements (pré)historiques pourraient figurer dans une chronologie sur le réchauffement climatique d'origine humaine et l'action de l'homme sur l'environnement : l'invention de l'agriculture il y a près de 10 000 ans, les premières installations humaines sédentaires, mais aussi la grande peste, qui décime au moins un tiers de la population européenne entre 1346 et 1353 en suivant la route de la soie et en arrivant par les ports européens, au gré des guerres et du commerce. Le véritable point de rupture, dans l'histoire, quand l'action de l'homme sur son environnement devient perceptible, sinon évidente, est la Révolution industrielle et le début de l'émission massive de gaz à effet de serre.

    Fin du XVIIIe siècle       
    Première Révolution industrielle : l'économie mondiale est bouleversée. Passage d’une économie essentiellement agraire à une production de biens manufacturés à grande échelle, d'abord en Angleterre, puis en France au début du XIXe siècle. Outre les bouleversements sociaux, c'est aussi le début de la pollution à grande échelle. Depuis cette époque, la concentration de gaz à effet de serre (GES) a augmenté de façon constante.

    Fin du XIXe siècle - début du XXe siècle      
    Deuxième Révolution industrielle. Utilisation de nouvelles sources d'énergie : électricité, gaz, pétrole. La chimie se développe (engrais azotés, explosifs).

    1914-1918     
    Première Guerre mondiale, premier usage des
    armes chimiques, aux effets dévastateurs. Les guerres modernes atteignent durablement l'environnement et dévastent des écosystèmes. Les effets des guerres modernes sur les écosystèmes, en termes de pollution, sont encore peu étudiés.

    1939-1945     
    Seconde Guerre mondiale, industrialisation des moyens de donner la mort. Avec la destruction de Nagasaki et Hiroshima par la bombe atomique, l'homme met au point une arme capable de rayer des villes de la carte. 

    17 août-6 septembre 1949 
    Conférence scientifique des Nations unies pour la conservation et l’utilisation des ressources naturelles. Pour la première fois, un organisme des Nations unies alerte sur l'épuisement et l'usage des ressources naturelles (terre, eau, forêts, faune, carburants [
    Proceedings of the United Nations Scientific Conference on the Conservation and Utilization of Resources], énergie et minéraux).

    1951 
    Premier rapport sur l'état de l'environnement dans le monde, publié par l'Union internationale pour la conservation de la nature (
    UICN), qui insiste sur les liens entre économie et énergie.

    16 décembre 1964     
    Loi n° 64-1245 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution.

    1965      
    Remise d'un rapport sur la pollution environnementale par le conseil scientifique consultatif du président des États-Unis, Lyndon Johnson, avertissant que d'ici à l'an 2000 il y aurait 25% de CO2 en plus dans l'atmosphère, avec pour conséquence des changements climatiques notables.

    1er mai 1967    
    Publication d'une étude par Syukuro Manabe et Richard T. Wetherald (
    Thermal Equilibrium of the Atmosphere with a Given Distribution of Relative Humidity), qui modélise le climat et prévoit l'augmentation des quantités de CO2. La modélisation climatique sera essentielle aux travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

    1968-1988 | Le réchauffement climatique est d'origine humaine | La prise de conscience

    Les catastrophes industrielles ne sont pas un fait nouveau, mais leur ampleur mène à une prise de conscience, tant sur les responsabilités de l'homme que sur les conséquences à long terme (marées noires, accidents nucléaires…). Les nations acceptent le fait que le réchauffement climatique est d'origine humaine et décident de l'envisager au travers de grandes conférences internationales et traités. Sous l'égide de l'Organisation des Nations unies (ONU), les premières instances et organisations dédiées au climat et à l'environnement voient le jour.

    1968-1973
    Famines au Sahel et en Éthiopie, liées à la sécheresse, causant la mort de plus d'un million de personnes. Ces famines alertent sur le réchauffement climatique et ses conséquences. Les famines liées à la sécheresse seront de plus en plus fréquentes.

    28 février 1970
    Discours du président français, Georges Pompidou, sur les problèmes de l'environnement urbain : "L'emprise de l'homme sur la nature est devenue telle qu'elle comporte le risque de destruction de la nature elle-même […] La nature nous apparaît de moins en moins comme la puissance redoutable que l'homme du début de ce siècle s’acharnait encore à maîtriser, mais comme un cadre précieux et fragile qu'il importe de protéger pour que la Terre demeure habitable à l'homme" (
    Le discours du Président Pompidou à Chicago).

    7 janvier 1971
    Nomination de Robert Poujade, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la protection de la nature et de l'environnement.

    2 février 1971  
    Signature de
    la convention sur les zones humides, dite "convention de Ramsar". Destinée à l'origine à préserver les habitats d'oiseaux d'eau, son champ de compétence s'est par la suite étendu à tous les aspects de la biodiversité.

    Années 1970-1980   
    Influence de l'homme sur le climat reconnue par les scientifiques. Le débat est de savoir si le changement climatique d'origine humaine a déjà commencé.

    5-16 juin 1972   
    Conférence des Nations unies sur l'environnement, ou conférence de Stockholm. Il s'agit de la première grande conférence des Nations unies sur les problèmes environnementaux. Elle marque un tournant dans le développement des politiques environnementales internationales. La création du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) est entérinée.

    3 mars 1973  
    Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites), ou convention de Washington.

    10 juillet 1976  
    Catastrophe industrielle à Seveso, en Italie. Un nuage d'herbicide s'échappe de l'usine Icmesa et intoxique de nombreuses personnes. Cette catastrophe est à l'origine d'une prise de conscience en Europe et de la "
    directive Seveso", contraignant les États membres à identifier les risques industriels, établir un système d'inspection des sites dangereux et prendre les mesures pour faire face à d'éventuels accidents.

    Loi n° 76-629 relative à la protection de la nature, fondatrice en France.

    16 mars 1978  
    Marée noire. Le pétrolier libérien
    Amoco Cadiz, qui transporte 223 000 tonnes de pétrole brut et 4 000 tonnes de fioul de soute, s'échoue sur les côtes bretonnes.  Au fur et à mesure que le navire se disloque, sa cargaison se répand et pollue 360 km de littoral entre Brest et Saint-Brieuc. Il s'agit de la plus grande marée noire par échouement pétrolier jamais enregistrée.

    1979  
    Rapport du scientifique Jule Charney,
    Carbon Dioxide and Climate: A Scientific Assessment, établissant qu'il existe bien un réchauffement climatique dû aux GES issus de l'usage de combustible fossile par les hommes. Le rapport a été demandé par le président américain à l'Académie nationale des sciences.

    12-23 février 1979  
    Conférence mondiale sur le climat à Genève, l'une des premières grandes rencontres sur le changement climatique.

    23 juin 1979  
    Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, dite convention de Bonn.

    3 décembre 1984  
    Fuite de 45 tonnes de gaz dans l'usine de pesticides de la compagnie américaine Union Carbide à Bhopal, en Inde, qui fait 1 754 morts et 170 000 intoxiqués, dont 12 000 dans un état critique le jour même de l'accident. On estime qu'il y a eu entre 15 000 et 20 000 morts. les conséquences sanitaires et environnementales de cette catastrophe industrielle se font toujours sentir quarante ans après.

    1985  
    Découverte du trou dans la couche d'ozone, causé principalement par l'usage de chlorofluocarbures (CFC) dans l'industrie (réfrigérateurs, climatiseurs, aérosols). Plus de la moitié de l'ozone disparaît dans l'Antarctique pendant le printemps austral.

    Un rapport du PNUE définit les "réfugiés environnementaux" (environmental refugees), dont font partie les réfugiés climatiques.

    9 janvier 1985  
    Loi n° 85-30 relative au développement et à la protection de la montagne, visant à trouver un équilibre entre développement et protection de la montagne, dite "loi Montagne 1". 

    22 mars 1985   
    Signature de la
    convention de Vienne, qui établit les principes de protection de la couche d'ozone. Cette convention fait suite aux avertissements de scientifiques quant aux dangers de l'appauvrissement de la couche d'ozone pour l'environnement et la santé humaine.

    3 janvier 1986  
    Loi n° 86-2 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite "loi Littoral".

    26 avril 1986  
    Accident nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine. L'incendie du réacteur rejette dans l'atmosphère une quantité de radioactivité équivalent à 200 bombes Little Boy ("Petit garçon", larguée sur Hiroshima). Près de 200 000 km2 de terres ont été contaminées. Dès 1991, un excès de cancers de la thyroïde de l'enfant est apparu dans les régions particulièrement touchées. Entre 1990 et 1998, en Belarus, en Ukraine et en Russie, le taux de cancer de la thyroïde chez les enfants qui avaient moins de 18 ans au moment de l'accident a été multiplié par un facteur entre 10 et 100 (
    Les accidents dus aux rayons ionisants). L'échelle INES (International Nuclear Event Scale) est créée afin d'aider la population et les médias à comprendre immédiatement la gravité d'un accident nucléaire. L'accident nucléaire de Tchernobyl est classé au niveau 7, le plus élevé.

    16 septembre 1987   
    Protocole de Montréal, qui restreint l'utilisation de produits chimiques pouvant endommager la couche d'ozone.

    23 juin 1988   
    Audition du scientifique James Edward Hansen devant le Congrès américain, qui déclare que le changement climatique est déjà enclenché.

    Novembre 1988  
    Création du
    Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) en vue de fournir des évaluations détaillées de l'état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur les changements climatiques, leurs causes, leurs répercussions potentielles et les stratégies de parade.

    1989-2006 | Le réchauffement climatique doit être contenu | Les velléités

    Les rapports du GIEC, mais aussi des événements climatiques de plus en plus destructeurs et fréquents, sont les premiers avertissements massifs quant à l'urgence de la situation. Mais le clivage entre pays développés, qui polluent la Terre depuis la fin du XIXe siècle, et pays en développement, qui aspirent pour leurs populations à un "progrès" similaire, enraye la nécessité d'agir face à ce que l'on commence à entrevoir comme une urgence commune. Le protocole de Kyoto lie les pays développés à un objectif de réduction des GES. Les États-Unis quittent le traité, mais sa ratification par la Russie permet son entrée en vigueur.

    24 mars 1989    
    Marée noire. Le pétrolier américain
    Exxon Valdez, qui transporte 180 000 tonnes de pétrole brut, s'échoue dans le détroit du Prince William, non loin de la ville de Valdez, en Alaska, reconstruite après un raz-de-marée. L'échouement provoque le déversement de 38 500 tonnes de brut, plus de 7 000 km2 de nappes polluent 800 km de côtes. Une des conséquences est la promulgation de l'amendement "double coque" du 6 mars 1992 à la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (Marpol).

    1990    
    Premier rapport d'évaluation du GIEC, qui confirme la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique, le rôle des émissions de gaz à effet de serre et la gravité des changements en cours (
    FAR Climate Change: Scientific Assessment of Climate Change).

    3 janvier 1992    
    Loi n° 92-3 sur l'eau : "L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général."

    9 mai 1992    
    Signature de la
    Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), entrée en vigueur le 21 mars 1994. Pour la première fois un traité fixe des objectifs contraignants aux pays industrialisés pour réduire le réchauffement climatique et aider à faire face à ses conséquences.

    21 mai 1992    
    Création du réseau européen
    Natura 2000.

    3-14 juin 1992    
    Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement (CNUED), ou conférence de Rio, qui réunit des dirigeants politiques, des diplomates, des scientifiques, des représentants des médias et des organisations non gouvernementales (ONG) de 179 pays pour un effort massif visant à réconcilier l'impact des activités socio-économiques humaines et l'environnement. Ouverture à la signature de la Convention sur la diversité biologique, traité international juridiquement contraignant, et de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification.

    2 février 1995 
    Loi n° 95-101 relative au renforcement de la protection de l'environnement, qui établit le principe de précaution, "selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable".

    28 mars-7 avril 1995    
    Première Conférence des parties (signataires de la CCNUCC), ou COP1, organisée par l'ONU, qui se tient à Berlin. La COP1 voit s'opposer pays industrialisés, responsables du réchauffement climatique, et pays pauvres, souhaitant mener à bien leur développement économique. la COP1 n'aboutit à aucune mesure concrète, mais les participants prennent la mesure de l'urgence et s'accordent sur le fait que les compromis de la CCNUCC ne sont pas adaptés pour atteindre les objectifs fixés.

    1996    
    Deuxième rapport d'évaluation du GIEC, qui analyse les aspects scientifiques (groupe de travail I) et socio-économiques (groupe de travail III) de l'évolution du climat (
    les publications).

    11 décembre 1997    
    Signature du
    protocole de Kyoto, premier traité de réduction d'émissions de GES, lors de la COP3. Le texte lie les pays développés à des objectifs de réduction des émissions de GES (5,2% sur la période 2008-2012 par rapport aux émissions de 1990). Les pays en développement comme le Brésil, la Chine ou l’Inde, sont parties au protocole mais ne sont pas soumis à la réduction d’émissions.

    11 décembre 1999    
    Marée noire. Le pétrolier maltais
    Erika, qui transporte 31 000 tonnes de fioul lourd n° 2, se brise en deux à une trentaine de milles au sud de la pointe de Penmarc'h. Des nappes de fioul se répandent, la plus longue, estimée à 3 000 tonnes, faisant 15 km de long. Le navire, construit en 1975, ne bénéficiait pas d'une double coque.

    2000    
    Assèchement de la mer d'Aral. Autrefois 4e plus grande étendue d'eau intérieure du monde, la mer d'Aral, située en Asie centrale, a perdu en un demi-siècle 75% de sa superficie et 90% de son volume. Elle a été utilisée pour irriguer des champs de coton ou de blé.

    18 septembre 2000    
    Création du
    code de l'environnement par l'ordonnance n° 2000-914.

    2001    
    Troisième rapport d'évaluation du GIEC, qui détermine ce que constitue "une perturbation anthropique dangereuse du système climatique" en s'appuyant sur de nouvelles données scientifiques. Le GIEC apporte aussi des preuves permettant "de dire que la majeure partie du réchauffement observé au cours des cinquante dernières années est due aux activités humaines" (
    les publications).

    Juillet 2001    
    Refus des États-Unis de ratifier le protocole de Kyoto. Selon le président George W. Bush, les pays industrialisés ont une plus grande charge que les pays en développement dans la réduction des émissions de GES.

    10 novembre 2001    
    Signature des accords de Marrakech à l'occasion de la COP7 (
    Rapport de la Conférence des parties). Malgré la sortie des États-Unis du protocole de Kyoto, les accords détaillent les règles de sa mise en œuvre, entre autres pour aider les pays en développement à affronter le changement climatique.

    2 septembre 2002    
    Déclaration du président de la République, Jacques Chirac, lors du sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg : "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l'admettre."

    6 juin 2002
    Signature du
    Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture.

    Août 2003    
    Canicule la plus sévère jamais enregistrée en France depuis le début des mesures (1947), causant la mort de près de 20 000 personnes.

    13 octobre 2003    
    Directive 2003/87/CE, qui met en place le système d'échange de quotas d'émission (SEQE) de l'Union européenne (UE) au 1er janvier 2005, en vertu du principe pollueur-payeur. L'UE est le troisième émetteur de CO2 au monde, mais elle s'est engagée à réduire ses émissions de 40% d'ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990 (et de 55% à la suite du pacte vert pour l'Europe). Le SEQE a été parfois détourné par certaines entreprises qui ont revendu des quotas gratuits et ainsi augmenté leurs profits.

    16 février 2005    
    Entrée en vigueur du protocole de Kyoto après sa ratification par la Russie. Le texte devait être ratifié par au moins 55 pays représentant 55% des émissions mondiales de GES pour entrer en vigueur.

    1er mars 2005    
    Loi constitutionnelle n° 2005-205, qui intègre la Charte de l'environnement au bloc de constitutionnalité.

    11 octobre 2006    
    Sortie d'un documentaire, Une vérité qui dérange, dans lequel Al Gore, ex-vice-président des États-Unis, avertit sur les dangers pour l'humanité du réchauffement climatique.

    2007-2018 | Le réchauffement climatique n'est pas assez contenu | Les inquiétudes

    Les diverses parties ont par le passé signé des traités juridiquement contraignants, mais l'accord de Paris marque un tournant dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les COP prennent en compte les difficultés des pays en développement. La nécessité de contenir le réchauffement climatique sous un certain seuil (2 °C dans un premier temps) devient une évidence, entre autres grâce aux rapports du GIEC. La catastrophe nucléaire de Fukushima, consécutive à un tsunami, la fonte du permafrost, la multiplication des épisodes de chaleur extrême continuent d'avertir l'homme sur ses responsabilités.

    2007    
    Quatrième rapport d'évaluation du GIEC. Le réchauffement climatique est sans équivoque : "On note déjà, à l'échelle du globe, une hausse des températures moyennes de l'atmosphère et de l'océan, une fonte massive de la neige et de la glace et une élévation du niveau moyen de la mer." Le rapport ajoute que "vu les politiques d'atténuation des effets des changements climatiques et les pratiques de développement durable déjà en place, les émissions mondiales de GES continueront d'augmenter au cours des prochaines décennies" (
    les publications).

    6 juillet-25 octobre 2007    
    Grenelle de l'environnement, qui rassemble État, collectivités locales, partenaires sociaux et ONG investies dans les questions environnementales.

    12 octobre 2007    
    Al Gore et le GIEC prix Nobel de la paix 2007 pour "leurs efforts de collecte et de diffusion des connaissances sur les changements climatiques provoqués par l'homme et pour avoir posé les fondements pour les mesures nécessaires à la lutte contre ces changements".

    3-4 décembre 2007    
    COP13, à Bali. L'Australie annonce qu'elle va ratifier le protocole de Kyoto. Ainsi, seuls les États-Unis ont renoncé à ratifier le traité. Le plan d'action de Bali ouvre officiellement les négociations destinées à donner une suite à la première période d'engagement du protocole de Kyoto.

    12 décembre 2008    
    Paquet énergie-climat, adopté lors du Conseil européen. Ce plan d'action doit permettre à l'UE d'atteindre d'ici à 2020 un triple objectif : réduire de 20% les émissions de GES par rapport à leurs niveaux de 1990 ; porter la part des énergies renouvelables à 20% de la consommation et réaliser 20% d'économies d'énergie.

    3 août 2009    
    Loi n° 2009-967 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, dite "loi Grenelle 1". L'objectif est, à l'horizon 2050, de diviser par quatre les émissions de GES.

    18 décembre 2009    
    Accords de Copenhague, signés par les chefs d'État réunis lors de la COP15. Le texte donne des orientations sur le traitement du changement climatique (réduction des émissions de GES et financements pour les pays en développement). L'objectif est de contenir sous 2 °C le réchauffement climatique d'ici à la fin du siècle.

    5 janvier 2010    
    Loi n° 2010-2 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Entre 1959 et 1996, la France a procédé à 210 essais nucléaires au Sahara ou en Polynésie française. Le vivier de personnes potentiellement contaminées est très large : population locale, militaires de carrière, appelés du contingent, travailleurs civils. L'étude d'impact du projet de loi estime à 150 000 le nombre de travailleurs présents sur les sites sur toute la période. Un rapport sénatorial du 18 septembre 2013 estime que 80 000 personnes des populations locales ont été contaminées. Le rapport déplore "une loi qui s'applique difficilement et indemnise très peu".

    12 juillet 2010    
    Loi n° 2010-788 portant engagement national pour l'environnement, dite "loi Grenelle 2".

    Novembre 2010    
    Publication du premier rapport
    Emissions Gap Report, par le PNUE, qui conclut à l'insuffisance des engagements pour contenir le réchauffement sous 2 °C d'ici à la fin du siècle.

    10 décembre 2010    
    Accords de Cancún, signés à l'issue de la COP16, qui mettent en place le Fonds vert pour le climat de l'ONU.

    31 janvier 2011  
    Rapport de la l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (Food and Agriculture Organization – FAO) sur
    la situation mondiale des pêches et de l'aquaculture en 2010. Les stocks de poissons mondiaux surexploités, épuisés ou en phase de reconstitution (32%) doivent être restaurés d'urgence.

    11 mars 2011    
    Séisme de magnitude 9 à 80 km à l'est de l'île de Honshu, au Japon. S'ensuit un tsunami, qui dévaste la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi et provoque la fusion des cœurs de trois réacteurs nucléaires. De très importants rejets radioactifs ont lieu dans l'environnement, provoquant une contamination durable des territoires autour de la centrale et de l'océan Pacifique. L'accident nucléaire de Fukushima Daiichi est le second à être classé au niveau 7 de l'échelle INES, après Tchernobyl [
    L'accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi (Japon) de mars 2011].

    8 décembre 2012    
    Adoption de l'
    amendement de Doha au protocole de Kyoto, lors de la COP18, qui ajoute de nouveaux objectifs de réduction d'émissions de GES à 80% des niveaux de 1990, juridiquement contraignant, pour les 38 parties signataires, dont l'UE et ses États membres, sur la période 2013-2020.

    2014    
    Cinquième rapport d'évaluation du GIEC. Chacune des trois dernières décennies a été successivement plus chaude à la surface de la Terre que toutes les décennies précédentes depuis 1850. Les années 1983 à 2012 constituent probablement la période de 30 ans la plus chaude qu'ait connue l'hémisphère Nord depuis 1 400 ans. Le réchauffement climatique océanique constitue l'essentiel de l'augmentation de la quantité d'énergie emmagasinée au sein du système climatique et représente près de 90% de l'énergie accumulée entre 1971 et 2010.

    17 août 2015    
    Loi n° 2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

    12 décembre 2015    
    Accord de Paris sur le climat, adopté à l'issue des négociations de la COP21. Les parties signataires, dont presque toutes l'ont ratifié, se mettent d'accord sur un objectif commun : contenir d'ici à 2100 le réchauffement climatique bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et limiter la hausse des températures à 1,5 °C. L'accord est entré en vigueur le 4 novembre 2016. C'est le premier accord mondial et juridiquement contraignant sur le climat.

    Août 2016    
    Contamination de quelque 1 500 rennes et d'au moins 23 personnes en Sibérie par la maladie du
    charbon, dont le bacille, Bacillus anthracis, avait disparu de la région depuis 1941. Des températures ayant atteint 35 °C en Sibérie en juillet 2016 ont entraîné la fonte du permafrost. Des chercheurs ont émis l'hypothèse que la décongélation d'une carcasse de renne contaminée il y a des décennies pourrait être à l'origine de ces cas (Impact du changement climatique sur l'extension géographique des risques sanitaires). En 2015, des chercheurs du laboratoire Information génomique et structurale (CNRS/Aix-Marseille Université), du laboratoire Biologie à grande échelle (CEA/Inserm/Université Joseph Fourier) et du Genoscope (CNRS/CEA), avaient découvert un nouveau virus géant vieux de 30 000 ans dans le permafrost sibérien.

    4 octobre 2016    
    Le
    Parlement européen donne son consentement pour la ratification européenne de l'accord de Paris par 610 voix pour, 38 contre et 31 abstentions.

    28 novembre 2016    
    Loi n° 2016-1888 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, dite "loi Montagne 2".

    Octobre 2018    
    Rapport spécial du GIEC, qui évalue les effets d'une augmentation de la température de 1,5 °C au-delà des niveaux préindustriels. Le taux de réduction des émissions de GES doit être revu à la hausse (
    Global Warming of 1.5 °C).

    2019-2023 | "L'effondrement climatique a commencé" | Les faits

    Ce qui apparaissait d'abord comme autant de signaux est désormais la marque d'un point de non-retour. Des conséquences dramatiques pour la planète sont d'ores et déjà irréversibles : canicules, incendies hors normes, records successifs tous les ans de "l'année la plus chaude jamais enregistrée"… Le GIEC modélise différents scénarios de la catastrophe en fonction de la volonté internationale (ou des velléités) de lutter contre le réchauffement climatique. Quelques points positifs (ou moins négatifs) : le trou de la couche d'ozone se résorbe, et la pandémie de Covid-19 a montré que l'humanité (quoique sous la contrainte des événements) pouvait se réfréner dans l'exploitation de la planète.

    2019   
    Agriculture et réchauffement climatique.
    Les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture représentent en France le deuxième poste d'émission de GES (19% du total national et 85 MtCO2 eq). Les émissions de GES de l'agriculture sont essentiellement composées d'autres molécules que le CO2 et issues de processus biologiques. L'élevage est la source de 68% des émissions nationales de méthane. La culture des sols (fertilisation minérale et organique) représente 80% des émissions nationales de protoxyde d'azote. Le secteur de l'agriculture intègre également 11 MtCO2 eq liés à la consommation d'énergie par les engins agricoles. Les émissions de GES de l'agriculture ont diminué en France de 8% entre 1990 et 2019.

    5 mai 2019      
    Rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) : "Sur environ huit millions d’espèces animales et végétales (dont 75% sont des insectes), environ un million sont menacées d’extinction" (
    Communiqué de presse). Les activités humaines sont considérées comme la principale raison de l'érosion de la biodiversité et des disparitions d’espèces. Le rapport signale que la superficie forestière mondiale actuelle correspond à 68% de la surface estimée à l'époque préindustrielle.

    28 novembre 2019      
    Urgence climatique, décrétée par
    le Parlement européen : la Commission doit veiller à ce que toutes ses propositions soient alignées sur l'objectif de limite de hausse de 1,5 °C en termes de réchauffement climatique ; l'UE doit réduire ses émissions de 55% d'ici à 2030 pour atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050 ; le Parlement appelle à la réduction des émissions mondiales issues des transports aérien et maritime.

    11 décembre 2019      
    Pacte vert pour l'Europe et un ensemble de textes "Fit for 55" dévoilés par la Commission européenne, en référence à l'objectif de l'UE de réduire ses émissions carbone de 55% d'ici à 2030.

    2020 
    Changement climatique et terres émergées : selon ce rapport du GIEC, le secteur "agriculture, foresterie et autres usages des terres" a été à l'origine d’environ 13% des émissions de CO2, de 44% des émissions de méthane et de 82% des émissions de protoxyde d'azote rejetées par les activités humaines au niveau mondial entre 2007 et 2016. Cela représente 23% du total net des émissions anthropiques de GES.

    Mars 2020      
    Pandémie de
    Covid-19. Les confinements ont permis de réduire la pollution atmosphérique et ses effets sur la santé. Un rapport du Haut Conseil pour le climat d'avril 2020, rappelle que "depuis plusieurs années, la communauté scientifique a montré les liens entre pandémies et crises environnementales".

    21 juin 2020      
    Fin des travaux de la
    Convention citoyenne pour le climat. Sur 149 propositions, 146 sont retenues par le président de la République, Emmanuel Macron.

    8 septembre 2020   
    Rapport du Sénat sur la
    pollution des sols par les activités industrielles ou minières. Le rapport souligne qu'"en dépit de son impact majeur sur la santé et l'environnement, la pollution des sols d'origine industrielle ou minière constitue un enjeu encore mal mesuré et insuffisamment pris en compte par la législation. À la différence de l'air et de l'eau dont la protection fait l'objet d'un arsenal juridique sophistiqué, les sols, trop souvent envisagés par le prisme du droit de la propriété, sont en effet restés le parent pauvre de la législation".

    4 novembre 2020      
    Retrait des États-Unis de l'accord de Paris par le président américain, Donald Trump, au lendemain de son élection.

    2021-2023      
    Sixième rapport d'évaluation du GIEC. La décennie 2011-2020 est la plus chaude depuis 125 000 ans et cela est principalement dû aux activités humaines. En 2019, la concentration de CO2 dans l'atmosphère est de 410 parties par million (ppm), taux qui n'avait pas été atteint depuis 2 millions d'années. Le niveau de réchauffement global de 1,5 °C par rapport à l'ère préindustrielle sera atteint dès le début des années 2030, quels que soient les efforts entrepris en vue de réduire les émissions de GES. Les politiques actuellement en place conduiraient à un réchauffement global de 2,4 °C à 3,5 °C d'ici à la fin du siècle, avec une valeur médiane de 3,2 °C. Même en limitant le réchauffement climatique, les catastrophes naturelles devraient se multiplier, avec des conséquences extrêmes et irréversibles pour la planète et l'humanité.

    19 février 2021      
    Retour des États-Unis dans l'accord de Paris. Le président américain, Joe Biden, en fait la demande auprès de l'ONU le 20 janvier 2021, jour de son investiture.

    29 juillet 2021      
    Adoption par le Conseil du
    règlement (UE) 2021/1119, dit "loi européenne sur le climat". La loi inscrit dans le droit européen l'objectif de neutralité carbone de l'UE à l'horizon 2050 et fixe un objectif intermédiaire de réduction des émissions nettes de GES d'au moins 55% d'ici à 2030.

    22 août 2021      
    Loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite "loi Climat et Résilience", qui traduit une partie des 146 propositions de la Convention citoyenne pour le climat, pour réduire les émissions de GES de 40% d'ici à 2030. La loi, entre autres, inscrit le crime d'écocide dans le droit français : les atteintes les plus graves commises intentionnellement à l’environnement sont passibles d’une peine maximale de 10 ans de prison et de 4,5 millions d’euros d’amende (22,5 millions d’euros pour les personnes morales), voire une amende allant jusqu’à dix fois le bénéfice obtenu par l’auteur du dommage commis à l’environnement.

    5 octobre 2021   
    Syukuro Manabe prix Nobel de physique, "pour la modélisation physique du climat de la Terre, pour en avoir quantifié la variabilité et avoir prédit de façon fiable le réchauffement climatique".

    14 octobre 2021      
    Condamnation de l'État pour préjudice écologique par le tribunal administratif de Paris dans "l'Affaire du siècle".

    1er-13 novembre 2021      
    COP26 à Glasgow. Les parties ne parviennent pas à adopter une position forte sur l'élimination progressive du charbon et des subventions inefficaces aux combustibles fossiles. Alok Sharma, président de la COP26, présente, en larmes, un accord au rabais et se dit "profondément désolé" (
    COP26 closes with ‘compromise’ deal on climate, but it’s not enough, says UN chief).

    2022      
    2022, année la plus chaude jamais enregistrée en France hexagonale, avec un écart de +2,7 °C par rapport à la moyenne 1961-1990. L'année est marquée par des feux dévastateurs : 72 000 hectares de surface brûlée (forêts, espaces naturels, cultures). Trois des plus grands incendies ayant touché la France ces 40 dernières années se sont déclenchés en 2021 et 2022.

    Selon le rapport de la FAO sur la situation mondiale des pêches et de l'aquaculture 2022, la situation s'aggrave : "La part des stocks halieutiques exploités à un niveau biologiquement durable est passée de 90% en 1974 à 64,6% en 2019, dont 57,3% de stocks exploités au niveau durable maximal et 7,2% de stocks sous-exploités".

    10 janvier 2022      
    Étude de scientifiques sur la
    sixième extinction de masse : entre 7,5% et 13% des espèces animales auraient disparu depuis l'an 1500, au lieu des 0,04% estimées jusqu'alors. Cette extinction est entièrement due à l'espèce humaine, seule espèce capable de manipuler la Terre à grande échelle et ayant permis que la crise actuelle se produise.

    2 février 2022      
    Acte délégué adopté par la Commission européenne, qui intègre comme énergies vertes à la
    taxonomie européenne le gaz et le nucléaire. Cette classification entraîne de vives critiques des ONG impliquées dans la défense de l'environnement.

    24 février 2022      
    Début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Le pilonnage des forêts, des écosystèmes terrestres et marins, des infrastructures, des habitations, mais aussi la pollution chimique des sols provoquent d'immenses dégâts, avec des
    conséquences environnementales sur la santé humaine et les écosystèmes, y compris hors des frontières de l'Ukraine. António Guterres, secrétaire général de l'ONU, avertit que le conflit en Ukraine peut avoir des répercussions majeures sur le climat. Désormais, l'environnement et la biodiversité sont aussi perçus comme des "victimes" de la guerre.

    8 juin 2022   
    Vote du Parlement européen en faveur de l'
    interdiction de la vente de véhicules neufs à moteur essence ou Diesel, d'ici à 2035. L'Allemagne obtient toutefois courant 2023 que la Commission propose un texte sur les carburants de synthèse.

    6-20 novembre 2022      
    COP27 à Charm el-Cheikh. Les parties s'accordent sur la création d'un fonds pour les pertes et dommages à destination des pays vulnérables touchés par des catastrophes climatiques. Aucun progrès n'est fait dans le sens de l'accord de Paris et d'une limitation du réchauffement climatique en dessous de 1,5 °C.

    9 janvier 2023      
    Publication du rapport annuel de l'ONU Environnement sur l'état de la couche d'ozone, dont la
    reconstitution est en cours, malgré une importante variabilité interannuelle de la taille du trou. Selon le rapport, les mesures prises dans le cadre du protocole de Montréal ont permis de réduire les quantités atmosphériques de substances appauvrissant la couche d'ozone (SAO). La couche d'ozone devrait retrouver ses valeurs de 1980 vers 2040 pour la moyenne mondiale.

    10 mars 2023      
    Loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dite "loi APER".

    29 mars 2023      
    Le Parlement européen reconnaît l'écocide (
    Report on the proposal for a directive of the European Parliament and of the Council on the protection of the environment through criminal law and replacing Directive 2008/99/EC - Rapport sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection de l'environnement par le droit pénal et remplaçant la directive 2008/99/EC).

    28 avril 2023      
    Déforestation : 11 594 km2 de forêt ont été rasés sur le territoire de l'Amazonie "légale" brésilienne entre le 1er août 2021 et le 31 juillet 2022, selon l'Institut national de recherches spatiales du Brésil (Instituto Nacional de Pesquisas Espacias – INPE) (
    A taxa consolidada de desmatamento para os nove estados da Amazônia Legal em 2022 foi de 11.594 km2). En 50 ans, près de 20% de la forêt amazonienne a disparu. En 2022, à l'échelle terrestre,  4 000 000 ha ont disparu des forêts primaires tropicales, pourtant essentielles dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ce sont 2,5 gigatonnes de CO2 qui ont été générées en plus, soit l'équivalent d'une année d'émissions fossiles d'un pays comme l'Inde.

    Juillet 2023      
    Désignation du lac Crawford, au Canada, comme repère pour le début de l'ère
    Anthropocène, qui caractérise l'empreinte irréversible de l'homme sur la Terre, par la Commission internationale de stratigraphie. De nombreux géologues estiment que l'Holocène s'est achevé dans les années 1950, avec la dispersion dans l'atmosphère d'importantes quantités de particules radioactives.

    18 août 2023      
    Rapport 2023 de l'ESA sur l'environnement spatial. L'Agence spatiale européenne (ESA) rappelle que l'environnement orbital de la Terre est une ressource finie et qu'il est pollué : sur plus de 30 000 débris spatiaux de plus de 10 cm actuellement identifiés, plus de la moitié d'entre eux jonchent l'orbite terrestre basse (moins de 2 000 km). L'année 2022 a vu davantage de lancements de satellites (2 409) que n'importe quelle année antérieure.

    24 août 2023   
    Tepco, opérateur de la centrale de Fukushima Daiichi, annonce le rejet dans l'océan Pacifique de centaines de milliers de tonnes d'eaux utilisées pour le refroidissement des réacteurs endommagés lors de la catastrophe de 2011.

    4 septembre 2023      
    Rapport d'évaluation sur les espèces exotiques envahissantes et leur contrôle, de l'IPBES (
    Media Release: IPBES Invasive Alien Species Assessment). Les espèces exotiques envahissantes sont l'un des cinq principaux facteurs directs de perte de biodiversité, aux côtés des changements dans l'utilisation des terres et des mers, de l'exploitation directe des espèces, du changement climatique et de la pollution. Près de 37 000 espèces exotiques ont été introduites dans des régions et des milieux naturels autres que leur milieu d'origine. Ces introductions sont en majeure partie liées à l'augmentation du commerce mondial et des déplacements humains : 218 espèces sont responsables de l'extinction de 1 215 espèces locales, dont 50,9% sont des vertébrés.

    5 septembre 2023      
    Été 2023, le plus chaud jamais enregistré sur Terre, selon l'observatoire européen Copernicus (
    Summer 2023: the hottest on record). Par endroits, la température dépasse 50 °C, avec des incendies massifs et des phénomènes météorologiques extrêmes. Selon António Guterres, secrétaire général de l'ONU, "l'effondrement climatique a commencé". Météo-France place l'été 2023 au 4e rang des plus chauds en France.

    Et après ?

    L'avenir qui attend la planète et l'humanité est particulièrement sombre : augmentation exponentielle des catastrophes climatiques, multiplication probable des pandémies, vastes zones devenues invivables du fait de la sécheresse et de la chaleur, disparition d'espèces essentielles à la biodiversité, fonte des pôles et des glaciers… Même en connaissant les concentrations de GES, l'ampleur du changement climatique est indéterminée du fait de mécanismes inconnus. Des rapports du GIEC ou faits pour l'ONU par des scientifiques donnent des aperçus de ce qui attend la planète. 

    2030        
    Réchauffement global de 1,5 °C selon le GIEC, soit dix ans plus tôt que sa précédente prévision.

    2050        
    Augmentation de 700% du nombre de
    pauvres urbains vivant dans des conditions de chaleur extrême augmente de 700% (Extreme Heat. Preparing for the Heatwaves of the Future).

    Pour la première fois, l'océan Arctique pourrait être libre de glace en septembre au moins une fois avant 2050 (Travaux du GIEC, Changement climatique 2021, résumé pour tous).

    Près de 1 milliard d'habitants des régions côtières seraient menacés par les conséquences du réchauffement climatique.

    2051-2080        
    Épisodes de chaleur extrême 3 à 21 fois plus probables qu'en 2023 (rapport sur les chaleurs extrêmes).

    2100        
    Réchauffement global de 2,4 °C à 3,5 °C, voire 4,5 °C avec des modèles climatiques simulant des niveaux très élevés d'émissions de GES (énergies fossiles).

    Le niveau de la mer gagne un mètre. L'incertitude concernant les calottes glaciaires laisse possible l'hypothèse d'une augmentation de deux mètres et de la disparition de 75% du permafrost.

    De nombreuses régions d'Amérique, d'Afrique et d'Asie pourraient connaître dans l'année au moins 350 jours avec des niveaux de chaleur mortels (rapport sur les chaleurs extrêmes).

    Dans le cas d'un réchauffement de 2 °C, jusqu'à 18% des espèces terrestres ont un risque élevé d'extinction. Dans le cas d'un modèle climatique simulant des niveaux élevés d'émissions de GES, une espèce connue sur deux est menacée.

    La probabilité des feux de forêt catastrophiques augmente de 30% à 60%.

    MOTS CLÉS

    Environnement

    Pollution

    Catastrophe naturelle

    Climat

    Risque

    Eau

  • Des pluies diluviennes

     

    Je connais bien le hameau de la Bérarde. C'est là-bas que j'allais en été pour l'alpinisme.

    La vallée de Chamonix était vraiment devenue invivable pour moi. Beaucoup trop de monde.

    La Bérarde, c'est un bout de vallée. Au-delà, c'est à pied et les pentes sont raides...

    Aujourd'hui, il n'en reste plus grand-chose et c'est miraculeux qu'il n'y ait pas eu de morts.

    Je connais aussi la vallée de la Vésubie qui a connu une catastrophe similaire et des victimes. C'était en octobre 2020 et la réhabiliation de la vallée n'est toujours pas finie. Celle du hameau de la Bérarde ne se fera peut-être même pas. Il est évident que certaines vallées alpines ou pyrénéennes ont un avenir incertain.

    Et pourtant, aux élections européennes, dans tous les pays concernés, l'écologie a été délaissée par les électeurs et électrices. Partout, on note une baisse drastique. Quand en France, on voit quatre listes écologistes, c'est n'importe quoi. C'est évident qu'il s'agit avant tout de s'octroyer une belle place et non de défendre l'écologie. Et ça me désole. Il y a bien longtemps que je n'attends rien de la politique. J'irai voter dimanche prochain. Toujours pour l'écologie.

    Maintenant, je comprends que les attentes des gens ont été déçues, que les situations économiques sont difficiles, que l'insécurité est sans cesse à la Une des journaux, que le mécontentement social s'agrandit, constamment, année après année et depuis bien longtemps. Je fais partie des gens qui ont été dégoûtés par la Gauche (Mitterand... Jospin..., oui, ça date, je vais avoir 63 ans)...

    Ce qui me désole, c'est que la population ne comprend pas que l'écologie est déjà un problème majeur et que son rejet ne fera qu'accentuer les phénomènes d'ampleur. Et en même temps que j'écris ça, j'ai pleinement conscience que ça n'est pas la population française qui pourra changer une problématique planétaire. Et c'est bien pour ça que si j'avais vingt ans aujourd'hui, il est absolument certain que je ne souhaiterais aucunement devenir père de famille...

     

     

    Alors évidemment, les climato-sceptiques s'en donnent à coeur joie.

    "Réchauffement climatique, mon cul ! Tout ça, c'est de la foutaise pour nous taxer !"

    etc etc etc...Pourtant, il ne faut pas plus de cinq minutes pour trouver les explications et le rapport entre réchauffement et précipitations. Mais quand on ne veut pas comprendre, il suffit de ne pas chercher.

     

    L'article suivant a été publié en juin 2016.... L'auteure, Valérie Masson Delmotte est une scientifique, spécialiste de la problématique climatique.

     

    "L’augmentation de l’effet de serre, due aux activités humaines, entraîne un réchauffement des océans et de l’atmosphère, près de la surface. Ce phénomène peut renforcer l’évaporation. Une atmosphère plus chaude peut potentiellement transporter 7 % d’humidité en plus par degré de réchauffement, conformément à la relation de Clausius-Clapeyron."

     

    https://theconversation.com/pluies-intenses-et-changement-climatique-quel-rapport-60519

     

    À Nemours, début juin 2016. Kenzo Tribouillard/AFP

    Pluies intenses et changement climatique, quel rapport ?

     

    Université Paris-Saclay apporte des fonds en tant que membre fondateur de The Conversation FR.

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    CC BY ND

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    Dans le contexte des intempéries récentes, on entend dans les médias tout et n’importe quoi sur les relations entre précipitations record et changement climatique. Comment relier un évènement ponctuel, lié à la situation météorologique, et des changements sur le long terme ?

    Les chercheurs en sciences du climat développent analyses, observations et simulations pour évaluer s’il y a des changements significatifs dans l’intensité ou la fréquence des évènements extrêmes (ce qu’on appelle « la détection ») et, le cas échéant, comprendre les causes de ces changements (ce qu’on appelle « l’attribution »). De nouvelles méthodes sont mises au point pour comprendre si la même situation météorologique aurait eu le même effet, avec ou sans réchauffement du climat.

    L’augmentation de l’effet de serre, due aux activités humaines, entraîne un réchauffement des océans et de l’atmosphère, près de la surface. Ce phénomène peut renforcer l’évaporation. Une atmosphère plus chaude peut potentiellement transporter 7 % d’humidité en plus par degré de réchauffement, conformément à la relation de Clausius-Clapeyron.

    Des questions restent cependant ouvertes sur la manière dont le réchauffement peut affecter la circulation atmosphérique ou les mouvements verticaux, importants pour les pluies de forte intensité.

    Pour une information toujours plus fiable face au brouhaha médiatique.

    Ce que disent le GIEC et de récents travaux

    En 2013, le 5e rapport du Groupe I du GIEC rendait publique l’évaluation suivante :

    La fréquence ou l’intensité des épisodes de fortes précipitations a probablement augmenté, au moins en Amérique du Nord et en Europe.

    Il est probable que les influences anthropiques affectent le cycle mondial de l’eau depuis 1960 : elles ont contribué aux augmentations du contenu atmosphérique en vapeur d’eau, à des changements de la distribution spatiale des précipitations sur les continents à l’échelle du globe, à l’intensification des épisodes de fortes précipitations sur les régions continentales où les données sont suffisantes et à des changements de salinité à la surface des océans.

    Les épisodes de précipitations extrêmes deviendront très probablement plus intenses et fréquents sur les continents des moyennes latitudes et dans les régions tropicales humides d’ici la fin de ce siècle, en lien avec l’augmentation de la température moyenne en surface.

    Depuis 2013, de nouveaux travaux ont été publiés. Par exemple, en 2015, une étude conduite par deux chercheurs suisses s’est appuyée sur la modélisation du climat. Leurs analyses montrent qu’aujourd’hui, avec 0,85 °C de réchauffement par rapport au XIXe siècle (principalement dû à l’influence humaine), ce réchauffement a déjà affecté 18 % des évènements de précipitations intenses sur les continents (et 75 % des vagues de chaleur) : à la variabilité naturelle du climat se superpose déjà une influence humaine discernable. Pour 2 °C de réchauffement, cette proportion passerait à 40 % des évènements de précipitations intenses. L’impact du réchauffement climatique sur ces évènements extrêmes n’est pas linéaire et il affecte bien davantage les évènements les plus intenses que les moyennes.

    Un rapport complet de l’Académie des sciences américaine sur l’attribution des évènements extrêmes a, pour sa part, fait le point sur les développements récents permettant d’évaluer le poids de l’influence humaine à l’échelle de l’évènement, les limites des outils et méthodes, et les incertitudes associées.

    Quid de la France…

    Pour ce qui est de la situation hexagonale, plusieurs études se sont intéressées aux records de précipitations. Une première analyse pilotée par Robert Vautard a porté sur les records de pluies dans les Cévennes. Elle montre une nette augmentation des records d’automne dans cette région, depuis les années 1950 (+4 % par décennie) et une forte relation avec le réchauffement local.

    Une autre étude de Philippe Drobinski, tout juste publiée et présentée au colloque Cordex (Coordinated Regional Climate Downscaling Experiment), montre que l’augmentation de l’intensité des précipitations extrêmes de tout le pourtour méditerranéen devrait suivre la relation de Clausius-Clapeyron (soit 7 % de plus par degré de réchauffement local), avec un rôle tout particulier du réchauffement de surface de la mer Méditerranée.

    Une autre étude toute fraîche, portant sur les précipitations les plus intenses dans le sud de la France et pilotée par Juliette Blanchet, conclut à une tendance à l’augmentation sur la moitié de la région étudiée, en particulier sur les reliefs (Cévennes-Vivarais et Alès) et dans la vallée du Rhône, tout en soulignant les limites liées à la durée et la densité des observations.

    Enfin, une étude sur les risques futurs relatifs aux précipitations intenses et inondations, pilotée par Philippe Roudier, combine modélisation régionale du climat et modélisation hydrologique en Europe pour un scénario modeste de réchauffement global (+2 °C). Elle conclut à une forte augmentation de l’intensité des crues décennales ou centennales (voir la figure ci-dessous). Le signal s’avère très robuste : il est commun aux 11 modèles de climat et 3 modèles hydrologiques étudiés.

    Author provided

    Simulation d’évolution du débit des crues décennales et centennales en Europe entre la période 1970-2000 (référence) et la période de 30 ans quand le réchauffement global atteint 2 °C dans les projections climatiques (résultat médian de 3 modèles hydrologiques forcés par 11 simulations climatiques régionales issues de différents scénarios).
    En Scandinavie, la diminution des débits de crue est liée à une diminution du manteau neigeux et sa fonte printanière. Les augmentations de débit de crue dans la majeure partie de l’Europe sont liées à une intensification des évènements de fortes précipitations dans un climat plus chaud (adapté de Roudier et al, 2016). Cette étude montre aussi une augmentation du risque de sécheresse (intensité et durée) pour la France et pour le pourtours méditerranéen (non montré).

    …et des pluies de printemps à Paris ?

    La variabilité et l’évolution des pluies au nord de la France a récemment été analysée par Bastien Dieppois et ses co-auteurs, dans une étude publiée en 2016 et portant sur plusieurs siècles de données historiques, remontant en 1688. Elle montre une forte variabilité sur plusieurs dizaines d’années (en relation avec la variabilité des températures à la surface de l’océan Atlantique qui affecte la circulation atmosphérique), et une tendance significative à l’augmentation des pluies printanières.

    La variabilité sur plusieurs décennies avait aussi été mise en évidence grâce aux travaux de Julien Boé et Florence Habets.

    J’ai repris les données historiques de précipitation à Paris en mars-avril-mai (cumul sur trois mois) à partir du travail de Vicky Slonosky et je les ai complétées jusqu’en 2016 avec les données Météo France.

    Author provided

    Précipitations de printemps (cumul de mars, avril et mai) à Paris : données pour chaque année (trait fin) et lissées sur 31 ans (trait bleu foncé), à partir de données météorologiques historiques (Slonosky et al, 2002) et des observations de Météo France. Le niveau moyen des précipitations de printemps au XXe siècle est indiqué par la ligne horizontale pointillée. Des études en cours portent sur les précipitations extrêmes (cumul sur 1-3 jours).

    La figure montre à quel point ce printemps a été exceptionnellement arrosé depuis 1688, même en moyenne sur 3 mois. Notez aussi à quel point le printemps 2011 avait été exceptionnellement sec. En moyenne, pour les 30 dernières années, l’Île-de-France reçoit 15 % de pluies en plus au printemps par rapport à la moyenne du XIXe siècle.

    D’autres analyses à venir

    Il faudra un peu de temps pour que les chercheurs qui développent ces méthodes puissent analyser les évènements de forte pluie de ces derniers jours, mais il semble que de nombreux records de précipitations aient été dépassés comme l’indique Météo France, dans un contexte également de températures de surface élevées sur l’océan Atlantique au voisinage de l’Europe.

    Des analyses approfondies combinant observations et simulations numériques seront nécessaires pour discerner une éventuelle influence humaine dans l’intensité de ces pluies ponctuelles, ainsi que dans l’augmentation séculaire des précipitations printanières dans le nord de la France.

    Ces éléments demandent néanmoins de prendre en compte le risque d’une augmentation de l’intensité des pluies record pour la gestion de l’écoulement des eaux, en protégeant les zones humides pour bénéficier de leur effet « tampon ». Cela s’ajoute à tous les autres aspects de gestion de l’écoulement des eaux en relation avec les plans d’urbanisation et de préparation aux évènements rares.

    Je voudrais terminer cet article par une réflexion sur ce que nous voulons protéger. La Convention internationale sur les droits des enfants indique que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. Les enfants sont particulièrement vulnérables aux aléas naturels et aux conséquences du changement climatique ; il est essentiel de les en protéger.

    La planification de l’adaptation au changement climatique et aux évènements extrêmes comme les inondations devrait être centrée sur les besoins des enfants : par exemple, les écoles devraient être construites pour résister aux aléas climatiques, pour assurer la continuité de l’éducation. Rien que dans les vallées de l’Yvette et de l’Orge, tout près de l’Université Paris-Saclay, des dizaines d’écoles maternelles, primaires, collèges, lycées, et l’Université Paris-Sud ont été fortement touchés. Il y a du pain sur la planche.


    Valérie Masson-Delmotte a récemment publié :
    « Parlons climat en 30 questions », « Le climat, la Terre et les hommes » et « Sommes-nous bientraitants avec nos enfants ? ».

  • Un article majeur

     

    Bien que je sois un fidèle lecteur de longue date du site REPORTERRE, je n'avais pas vu passer cet article.

    Alors qu'il s'agit d'une analyse majeure.

    Et il va bien falloir que l'ensemble des peuples occidentaux finissent par comprendre ce qui les attend.

    Et quelle est leur part de responsabilité.

     

    Selon l’écrivain Amitav Ghosh, « Le monde se prépare aux changements climatiques en se préparant à la guerre »

     

    https://reporterre.net/Selon-l-ecrivain-Amitav-Ghosh-Le-monde-se-prepare-aux-changements-climatiques-en-se

    Selon l'écrivain Amitav Ghosh, «<small class="fine d-inline"> </small>Le monde se prépare aux changements climatiques en se préparant à la guerre<small class="fine d-inline"> </small>»

    Pour le grand écrivain indien Amitav Ghosh, le problème posé à l’humanité par la crise écologique est avant tout géopolitique. Dans ses derniers ouvrages, par une lecture historique, il replace l’Occident et sa culture de violence et de domination au cœur des enjeux contemporains. Et envisage l’avenir avec pessimisme.

    Amitav Ghosh est un romancier, essayiste et critique littéraire indien, vivant en partie aux Etats-Unis. Il a dernièrement publié Le Grand Dérangement : d’autres récits à l’ère de la crise climatique (Wildprojet, 2021) et La Déesse et le Marchand (Actes Sud, 2021).

    Reporterre — Dans « Le Grand Dérangement », vous remarquez que depuis trois ou quatre décennies, le roman a adopté une approche individualiste qui se caractérise par une écriture du soi, de l’intime, alors que nous sommes confrontés à une crise planétaire sans précédent et que l’émission des gaz à effet de serre s’accroît à des niveaux jamais vus. Y a-t-il un lien entre ces deux phénomènes, et si oui, lesquels ?

    Amitav Ghosh — Oui, il y a un lien. Cela date de la chute du mur de Berlin. La moitié des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ont été émises depuis 1989. Je pense que c’est à cette époque que le monde entier a été totalement absorbé par la culture de consommation. En même temps, il a adopté le modèle de fiction étasunien né dans les écoles d’écriture créative, écoles dont le développement a été favorisé par la CIA. C’est en Iowa que le premier de ces ateliers d’écriture a vu le jour, avec des écrivains tels que Wallace Stegner. L’idée était de créer une forme d’art et de narration dépolitisée : en réaction au réalisme socialiste soviétique, ils ont encouragé un nouveau modèle caractérisé surtout par une approche apolitique.

    J’en constate les effets durables à travers le monde, même en Inde. Quand j’étais jeune, les romanciers indiens, surtout du Bengale occidental ou parfois de l’Inde du Sud, étaient engagés et écrivaient sur l’environnement. Par exemple, la grande écrivaine bengalie Mahasweta Devi, qui a écrit sur la forêt et les communautés tribales de la forêt. Mais aujourd’hui de plus en plus, les romans en Inde, qu’ils soient rédigés en anglais ou dans une des langues indiennes, adoptent souvent le modèle occidental et relatent la vie intérieure.



    Est-ce à dire que l’écriture ou le cinéma, en adoptant une approche plus collective dans la description du réel, comme l’ont fait Steinbeck ou Zola à leur époque, pourraient aider à stopper l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre ?

    [Il rit] Les écrivains ne pourront pas changer le cours des choses. La littérature et l’édition ont beaucoup moins de poids qu’il y a trente ou quarante ans. La culture est aujourd’hui dictée par les réseaux sociaux, le cinéma et la télévision, alors que la fiction a un rôle marginal. Mais j’ai toujours été écrivain, et j’ai toujours été fier de réagir au monde autour de moi, c’est pourquoi il est essentiel pour moi en tant qu’écrivain de m’y confronter.



    Le personnage de Cinta, dans votre roman « La Déesse et le Marchand », dit à un moment que les histoires existent par ce qu’elles nous permettent de parler avec les animaux. En quoi raconter une histoire peut-il avoir un lien avec les animaux ?

    Depuis deux siècles environ, on considère que raconter des histoires est par essence une activité humaine. Mais qu’est-ce qu’un récit ? Quelque chose qui se déroule à la fois dans le temps et l’espace. Une narration rattache plusieurs espaces entre eux. Regardez les premières histoires : beaucoup décrivent un voyage à travers l’espace, comme L’Odyssée, Le Ramayana ou La Pérégrination vers l’Ouest, le grand classique chinois [de Wu Cheng’en]. On pourrait même dire que le Nouveau Testament est un récit de voyage particulier. Cette connexion entre moments dans le temps et points dans l’espace n’est pas réservée à l’être humain. Prenez, par exemple, les baleines : elles parcourent des milliers de kilomètres aller-retour, mais elles ne le font pas de façon automatique ; d’une année à l’autre, certaines changent leur comportement, leur chant, leur destination… On voit donc que ce n’est pas chez elles un comportement automatique ou instinctif comme voudraient le faire croire les cartésiens. Comment affirmer alors que les baleines, qui possèdent des moyens de communication extrêmement complexes, n’ont pas d’histoires ? De même, on sait que les éléphants s’arrêtent dans certains lieux où leurs camarades sont morts. Comment affirmer qu’ils ne créent pas de connexions entre ces événements pour en faire une histoire ? Prenons l’exemple tout simple d’un chien. Le chien sait que vous l’emmenez au parc quotidiennement puis que vous le ramenez à la maison. Encore une fois, il traverse un espace, alors comment dire qu’il ne relie pas ces différents espaces entre eux à travers un récit ? Il est évident qu’il le peut. En fin de compte, pour nous les humains, la narration représente notre connexion la plus importante avec l’espace. Et on pourrait dire la même chose en ce qui concerne les animaux.

    Donc, raconter des histoires est le plus sauvage de nos attributs, ce que nous partageons le plus avec les animaux. Les animaux ne racontent pas leurs histoires à tout le monde, mais il y a des personnes avec qui ils les partagent, tels les chamanes comme David Kopenawa, qui le raconte dans le livre La Chute du ciel. On y voit bien que ce n’est pas un imposteur ou un illuminé, mais il conte les histoires qui lui sont racontées par les animaux.

    « Ce que les Européens ont fait dans les Amériques a créé un modèle de brutalité et de violence qu’on n’avait jamais vu sur Terre. C’est d’un génocide qu’il s’agit. » © Mathieu Génon/Reporterre

    Un thème majeur de vos derniers ouvrages est la crise écologique. Comment faire face au monde à venir, alors qu’un de vos personnages dit : « On sait ce qui nous attend » ?

    La façon dont les spécialistes, et en particulier les techniciens et ingénieurs, abordent le changement climatique, est complètement erronée ; pour eux, le problème est d’abord technologique, alors que selon moi, il est essentiellement géopolitique. Tant qu’il n’y aura pas une réponse géopolitique, la technologie ne pourra pas apporter la moindre solution.



    En quoi le changement climatique est-il un problème géopolitique ?

    Si vous interrogez un Occidental sur le changement climatique, il vous répondra que c’est d’abord un problème scientifique et technologique. Si vous allez en Asie et demandez à une personne indienne, indonésienne ou chinoise, comme je l’ai fait souvent : « Vous savez que le changement climatique est une vraie menace pour votre pays. Êtes-vous prêt à réduire votre empreinte carbone ? » la réponse sera : « Non, pourquoi changerait-on ? L’Occident est à la source de ce problème, il s’est enrichi à nos dépens lorsqu’on était faibles, il s’est accaparé les ressources de la Terre et les a dilapidées… Mais aujourd’hui, nous ne sommes plus si faibles, alors il est temps pour nous de nous rattraper. » Pour les non-Occidentaux, le concept de dérèglement climatique est considéré comme un problème de post-colonialisme, d’inégalité, de géopolitique.



    Donc il faut attendre que l’Occident prenne l’initiative. Ce qu’il ne fera pas…

    Non, il ne le fera pas.



    Dans « Le Grand Dérangement », vous expliquez que l’Asie était prête à participer à l’augmentation des gaz à effet de serre, mais qu’elle en a été empêchée par le colonialisme. Pouvez-vous nous expliquer cette idée ?

    Prenons la Révolution industrielle à ses débuts. La course aux armements y a joué un rôle majeur quand Anglais et Français étaient en compétition pour la colonisation de l’Amérique. Tous les États occidentaux se sont copiés entre eux, par un mimétisme qui a commencé en Angleterre.

    En Inde, les ouvriers de l’industrie sidérurgique aux XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles étaient parmi les meilleurs au monde, tout comme les artisans indiens. Au XVIIIᵉ siècle, les navires fabriqués en Inde étaient supérieurs à ceux fabriqués en Grande-Bretagne. C’est grâce à sa puissance militaire que la Grande-Bretagne a réussi à détruire l’industrie navale indienne en lui imposant des réglementations financières. De même, les Britanniques n’ont pas voulu exploiter et développer le charbon indien. Ce que les colonies devaient leur fournir, c’était les produits fournis par l’énergie solaire : jute, opium, thé, sucre…



    Pourquoi l’Europe était-elle si agressive au XVIIIᵉ siècle et comment a-t-elle pu écraser l’Inde, la Chine qui à cette époque-là, étaient des nations très développées, comme l’a montré l’historien
    Kenneth Pomeranz ?

    Je crois que cela a à voir avec la découverte des Amériques. Le modèle de violence qui s’est déchaînée sur les Amériques au XVIᵉ siècle est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. On parle des Mongols, mais les Mongols n’ont jamais détruit 95 % d’un peuple. Ce que les Européens ont fait dans les Amériques a créé un modèle de brutalité et de violence qu’on n’avait jamais vu sur Terre. C’est d’un génocide qu’il s’agit.



    Quelles en sont les raisons ? La cupidité ?

    Bien sûr. Mais au-delà de la cupidité, je crois que c’est durant cette période que les Européens (pas tous, mais ceux qui ont mené des combats similaires contre les classes inférieures en Europe, contre le mouvement des enclosures, contre les femmes avec les procès de sorcellerie), et surtout l’élite technoscientifique, se sont engagés, d’un côté, dans la colonisation de l’Amérique du Nord et, de l’autre, dans la traite des esclaves. À partir du XVIᵉ siècle, l’Europe a inventé une forme de violence armée et de brutalité à une échelle jusque-là inimaginable ; jamais on n’aurait pu croire qu’on pouvait décimer la population d’un continent pour la remplacer par la population d’un autre continent. Cela ne s’était jamais produit avant, c’est un moment sans précédent dans l’histoire du monde. Les Indiens et les Chinois, eux, ne menaient pas ce genre de guerre brutale contre des peuples considérés non humains, et ils étaient incapables de concevoir ce genre de choses. Et, en effet, ces choses-là sont inconcevables.

    « En Inde et en Indonésie, les élites reproduisent dans leur propre pays ce que les élites occidentales ont fait subir au monde. Au fond, ce qu’elles disent est qu’elles continueront sur cette voie : les pauvres vont mourir, mais ce n’est qu’un des sacrifices à faire, chacun pour soi et sauve qui peut. » © Mathieu Génon/Reporterre



    Vous mentionnez une autre période historique importante : le XVIIᵉ siècle, le petit âge glaciaire, documenté en Chine, en Europe, dans le monde entier, et
    qu’a étudié l’historien Geoffrey Parker. Est-ce la même crise que celle qui a vu se déchaîner la violence colonialiste au XVIᵉ siècle ?

    Les deux sont interconnectées. Sur le continent américain, il y a eu tellement de morts que des cités et des campagnes entières ont été englouties par la jungle, provoquant une reforestation massive qui, dit-on, en absorbant des quantités énormes de dioxyde de carbone, a contribué au petit âge glaciaire. C’est pourquoi aujourd’hui, on découvre d’immenses cités au Mexique et dans l’Amazonie enfouies dans la jungle. L’Amazonie était habitée par une population de plus de neuf millions de personnes. Il ne s’agissait pas de forêts vierges ; c’était des lieux de vie où l’on cultivait la terre. Et lorsque les habitants ont commencé à mourir, la forêt a repris ses droits avec les conséquences que l’on sait.



    Aujourd’hui, les élites occidentales ont-elles toujours cette culture de violence et de domination ?

    Je pense que oui, mais le monde a changé et ce changement est surtout dû à la décolonisation. Si l’Occident était aussi puissant aujourd’hui qu’il l’était au XIXᵉ siècle, il aurait empêché par la force l’Inde et la Chine de s’industrialiser, comme il l’a fait à l’époque. Mais ce n’est plus possible, parce que la Chine possède l’arme nucléaire, l’Inde possède l’arme nucléaire, même le Pakistan possède l’arme nucléaire.



    Quel est l’état d’esprit des élites indiennes et chinoises ?

    Elles ont totalement adopté les rêves des élites occidentales, je ne sais pas si c’est autant le cas en Chine, mais en Inde et en Indonésie, les élites reproduisent dans leur propre pays ce que les élites occidentales ont fait subir au monde. Au fond, ce qu’elles disent est qu’elles continueront sur cette voie : les pauvres vont mourir, mais ce n’est qu’un des sacrifices à faire, chacun pour soi et sauve qui peut. Vous ne pouvez pas imaginer les folies commises par le gouvernement indien. Il est en train de détruire toute la réglementation environnementale du pays.



    C’est comme si le monde était gouverné par la
    consommation ostentatoire.

    Exactement. En Inde, les indigènes, qui autrefois étaient protégés par des lois, sont chassés des forêts pour les rendre accessibles aux sociétés de charbon — ou plutôt à une société en particulier, celle qui est proche du Premier ministre et qui, depuis six ans, a acheté la moitié de l’Inde. Nous sommes témoins d’un capitalisme de gangsters qui se déchaîne sur le monde avec une violence sans précédent.



    Vous parlez du capitalisme, mais dans « Le Grand Dérangement », vous affirmez que l’impérialisme est plus important que le capitalisme pour expliquer le « statu quo ».

    Le capitalisme est un système contenu à l’intérieur d’un autre système encore plus violent, l’impérialisme. Lorsqu’on parle des émissions de gaz à effet de serre, on parle majoritairement d’avions, de voitures, de textiles, etc. Or, 25 % des émissions dans le monde proviennent d’activités militaires. À lui tout seul, le Pentagone est le plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde. Un seul jet supersonique, comme votre Rafale français, produit en quelques heures de vol plus d’émissions qu’une ville française.



    Le capitalisme de gangsters et l’impérialisme fondé sur la militarisation, n’est-ce pas la même chose ?

    Ce n’est pas contradictoire, mais l’importance accordée au capitalisme provient d’un certain état d’esprit qu’on pourrait qualifier d’intellectuel/universitaire, et qui rechigne à parler de la violence organisée, préférant croire que la technologie est la force motrice prédominante. Le philosophe Jean-Pierre Dupuy dit que dans le monde moderne, nous sommes complètement dominés par la pensée économique, que nous aimons penser les choses dans des termes économiques, statistiques. Beaucoup des personnes que j’admire, telle Naomi Klein, en voulant donner au capitalisme une place centrale, succombent en réalité à cette tentation de tout analyser en termes d’économie, en excluant la géopolitique et la violence armée qui la sous-tend. Prenons l’exemple de l’Accord de Paris, où les pays riches se sont engagés à donner 100 milliards de dollars par an pour atténuer les dérèglements climatiques. Nous n’avons même pas vu 10 % de cette somme. Sur la même période, ces mêmes pays ont trouvé plus de mille milliards de dollars à investir dans les armes. La réalité, c’est que le monde se prépare aux changements climatiques, non pas en cherchant à les atténuer mais en se préparant à la guerre. C’est une évidence.

    « Il est inconcevable pour nous aujourd’hui qu’Internet s’arrête, le monde entier s’arrêterait avec lui. Il est donc clair que, d’une certaine façon, nous ne sommes plus maîtres de nous-mêmes. » © Mathieu Génon/Reporterre

    Comment envisagez-vous l’avenir des enfants d’aujourd’hui, quel que soit leur pays ?

    C’est une question difficile. Il y a ce qu’on espère et ce qui nous semble probable. Ce qu’on espère, bien sûr, c’est que le monde trouve une solution miraculeuse. Et je suis disposé à le croire. Un miracle pourrait survenir et on ne peut que l’espérer. Mais pour moi, qui pense que les problèmes sont fondamentalement géopolitiques, je vois qu’il n’y a pas de changement et que les choses empirent. Où donc est la lumière ? Je ne la vois pas.



    Dans « Le Grand Dérangement », vous comparez du point de vue littéraire le texte de l’Accord de Paris sur le climat et l’encyclique « Laudato si’ » du pape François. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ces deux textes ?

    Ces deux textes sont particulièrement intéressants car ils sont parus au même moment et traitent du même sujet. On pourrait s’attendre à ce que ce soit le texte du pape qui soit farfelu, irréaliste et rempli de mots vides, alors qu’en fait, c’est l’Accord de Paris qui tient des propos absurdes, exprimés dans un langage incroyablement pompeux. Le document n’a pas été rédigé pour toucher les êtres humains, il est simplement une excuse pour que les experts puissent se réunir et échanger ensemble. Le Laudato si’, au contraire, fait preuve d’une sincère volonté d’ouverture en employant un langage d’une grande simplicité, bien qu’il soit par ailleurs très bien documenté et parfaitement juste lorsqu’il traite de sujets scientifiques. En fin de compte, le pape a une vision du problème bien plus claire que celle des technocrates, il voit que le problème provient de notre mode de vie, du désir, de ce que les gens veulent avoir. C’est un texte profondément humain et modéré. Je pense sincèrement que le pape François est le seul dirigeant légitime au monde actuellement. C’est lui et lui seul qui nous permet de garder l’espoir.



    On observe chez les élites occidentales et peut-être aussi chinoises, sinon une religion de la technologie, du moins une croyance profonde dans l’esprit de la Silicon Valley, avec l’idée de fusion technologique qui créerait une nouvelle espèce grâce à la robotique et à l’intelligence artificielle. Qu’en pensez-vous ?

    On considérait Internet, les réseaux sociaux, etc., comme des outils mais, de plus en plus, on voit que ce sont nous les outils et non eux, ce sont eux qui dirigent. Il est inconcevable pour nous aujourd’hui qu’Internet s’arrête, le monde entier s’arrêterait avec lui. Il est donc clair que, d’une certaine façon, nous ne sommes plus maîtres de nous-mêmes.



    Alors, qui sont les maîtres ?

    Tant de nos actions sont contrôlées par une forme ou une autre d’intelligence artificielle que ça devient une partie du problème. Nous croyons que les humains conçoivent des politiques et que ces politiques sont mises en œuvre, mais à partir de Descartes, à partir du colonialisme, on a considéré les choses de la Terre comme de simples ressources, ce qui signifie qu’elles sont inertes, incapables d’écrire elles-mêmes leur histoire. Mais aujourd’hui, cela paraît moins évident, les énergies fossiles, par exemple, se sont immiscées dans notre vie de façon si complexe qu’on a du mal à l’appréhender. Ce n’est pas comme si les États-Unis pouvaient décider aujourd’hui d’arrêter l’utilisation d’énergies fossiles. Ils ne le peuvent pas, notamment parce que l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont devenus des acteurs incontournables de la géopolitique mondiale. Lors des attentats du 11 septembre 2001, par exemple, George Bush a lui-même organisé le départ de personnalités saoudiennes, alors que la majorité de ceux qui avaient attaqué les États-Unis étaient saoudiens. Les Étasuniens aiment croire que ce sont eux qui contrôlent l’Arabie saoudite, mais ce n’est plus le cas : une partie considérable de la politique étrangère étasunienne est sous le contrôle de l’Arabie saoudite, d’Abou Dabi et du Qatar. Vous voyez ainsi comment les énergies fossiles se sont immiscées dans la vie politique globale, c’est si insidieux, si puissant que c’est une illusion humaine de s’imaginer que ce sont nous qui les contrôlons.

    « Cela m’a énormément choqué : la France a été complètement transformée par une périurbanisation à l’américaine. En Italie, ce n’est pas le cas, les villages ont toujours une boutique de pâtes, un boucher… on y trouve de la nourriture. Ce n’est pas le cas dans les campagnes françaises. » © Mathieu Génon/Reporterre

    En même temps, l’Arabie saoudite, Abou Dabi et d’autres soutiennent l’Islam, et l’Islam est devenu une force géopolitique puissante.

    Oui, et encore une fois, on constate que ce n’est pas uniquement par le pouvoir des idées, mais grâce au pouvoir exercé par les combustibles fossiles, à l’argent du pétrole dépensé par l’Arabie saoudite pour encourager la radicalisation des musulmans dans le monde. Dès qu’on observe une montée des fondamentalismes, on peut être certain que l’argent saoudien n’est pas loin.



    Quelle est la stratégie de la Chine ? Comment éviter une crise écologique, alors que la Chine encourage encore une croissance économique de 6 % par an, ce qui est énorme ?

    Il faut savoir que la Chine a mis de côté 20 % de la surface du pays pour le réensauvagement, ce qui représente une zone immense, plus grande que la France. Et ils le font sérieusement, ce qui n’est pas le cas d’autres pays. De plus, la Chine est loin devant les autres pays en matière de solutions énergétiques alternatives. C’est politique et cela s’explique par le fait que la Chine n’a pas de pétrole. La hiérarchie mondiale actuelle est complètement dépendante des énergies fossiles, qui sont le fondement de la domination du monde anglo-saxon, qui regroupe l’Australie, la Grande-Bretagne, le Canada, les États-Unis… Cela a été délibérément pensé dès le début. Churchill l’a orchestrée, c’est un projet anglo-étasunien à long terme pour créer une dépendance à l’égard des énergies fossiles. La Chine, au contraire, a toutes les raisons de s’en libérer.



    Avec la fin des énergies fossiles, verra-t-on la fin du monde anglo-saxon ?

    Oui, ce sera un bouleversement majeur. Et c’est pour ça que le monde anglo-saxon est tellement divisé ; le monde anglo-saxon compte les seuls endroits au monde où les changements climatiques sont contestés. Ces pays savent très bien que leur pouvoir, comme leur mode de vie, est fondé sur les combustibles fossiles. Même ici, en France, où j’ai été à Hurigny, en Bourgogne, un bourg de 200 à 500 habitants. Il ne possède ni magasins ni marché, et pour acquérir les produits essentiels, on est obligés de prendre la voiture et de parcourir trente kilomètres pour se rendre à l’hypermarché. C’est quelque chose qui m’a énormément choqué : la France a été complètement transformée par une périurbanisation à l’américaine. En Italie, ce n’est pas le cas, les villages ont toujours une boutique de pâtes, un boucher… on y trouve de la nourriture, ce qui n’est pas le cas dans les campagnes françaises.



    Comment voyez-vous l’avenir du Bangladesh, dont votre famille est originaire ?

    Le Bangladesh reste une énigme. D’après plusieurs indicateurs, c’est la nation la plus performante en Asie du Sud dans plusieurs domaines. C’est presque miraculeux. Le PIB par habitant est plus élevé que celui de l’Inde ou du Pakistan, mais aussi l’espérance de vie, la santé, etc. C’est aussi le seul pays au monde où le gouvernement promeut activement l’éducation au changement climatique. Les Bangladais sont donc très informés sur ce sujet, et ont développé différentes formes de résilience que l’Occident ferait bien d’étudier. D’un autre côté, on ne peut nier que de grandes parties du pays sont menacées par les eaux, et certaines sont déjà inondées.



    Avec quelles conséquences ?

    Une migration de masse, qui a déjà commencé.

    « L’idée dominante que les pauvres souffriront tandis que les riches s’en sortiront très bien est totalement erronée. Ça ne se passera pas comme ça. Si l’on regarde les parties du monde les plus touchées par les effets du changement climatique, plusieurs d’entre elles sont parmi les lieux les plus riches au monde. » © Mathieu Génon/Reporterre

    Y en aura-t-il d’autres migrations à partir d’autres régions du monde ?

    Oui, elles existent déjà, mais je pense qu’il faut rester prudents quand on parle des « migrations climatiques ». Ce n’est pas si simple. Lors de mes recherches pour La Déesse et le Marchand, j’ai parlé à des centaines de migrants bangladais en Italie, dont la plupart avaient traversé la Méditerranée sur des bateaux de fortune. Et ce qui m’a vraiment marqué, c’est le rôle que jouent les réseaux sociaux et les nouvelles technologies : ces migrations sont complètement dépendantes des téléphones cellulaires. C’est cette technologie qui permet de payer les passeurs, de s’orienter, d’accéder aux informations… La migration n’est pas due aux changements climatiques. En réalité, la migration et les changements climatiques sont deux conséquences de l’accélération du consumérisme, l’accélération de l’industrialisation, qui est la force motrice derrière tout ça.



    Vous écrivez que les riches seront moins résilients que les pauvres face aux futurs défis…

    Ce n’est pas tout à fait ça que je dis, car dans l’ensemble un pauvre en Californie est riche par rapport à un Africain ou à un Bangladais. Je pense que ceux qui seront les plus affectés, ce sont les classes moyennes et moyennes inférieures. Qui a été les plus touchés par les incendies en Californie ? Pas forcément les pauvres, mais les classes moyennes dont le principal actif est leur maison… et leur voiture. Ces possessions les rendent moins mobiles. On constate la même chose lors des incendies et des ouragans : les habitants refusent d’être évacués. Pourquoi ? Parce qu’ils ont peur qu’on entre par effraction dans leur propriété ou peur de perdre leur maison ou leur voiture. Donc, l’idée dominante que les pauvres souffriront tandis que les riches s’en sortiront très bien est totalement erronée. Ça ne se passera pas comme ça. Si l’on regarde les parties du monde les plus touchées par les effets du changement climatique, plusieurs d’entre elles sont parmi les lieux les plus riches au monde. La ville de Houston, par exemple, qui est la capitale mondiale des carburants fossiles, est dévastée de façon répétée par les inondations, et il est parfaitement clair que ses perspectives sont très sombres. La Californie aussi, avec le rêve californien et ses technofantaisies, où la modernité est plus ou moins née, devient de moins en moins habitable.

    Je pense aussi que les citadins sont les moins adaptés pour affronter les catastrophes autour de nous, que ce soit en Occident ou en Inde. Si un citadin indien de classe moyenne devait fuir à la campagne, il ne survivrait pas plus de quelques jours.



    Vous avez dit que la guerre nous attend dans l’avenir. Mais que pourrait-elle résoudre ?

    Les Occidentaux rechignent à considérer le changement climatique sous l’angle du conflit géopolitique, mais prenons l’exemple d’un migrant bangladais. Il arrive d’abord en Libye, où il est immédiatement enfermé dans un camp d’esclavage ; puis, malgré les tirs des gangsters libyens qui le poursuivent, il arrive à s’enfuir. Par miracle, il parvient à se rendre à la frontière, où il monte dans un bateau de fortune qui manque de sombrer ; puis, il traverse les Balkans, où on lui tire dessus ou bien la Turquie, où on lui tire dessus. Beaucoup de migrants atterrissent au Sinaï où, lorsqu’ils ne peuvent payer les passeurs, on leur prélève des organes. Les expériences vécues par ces personnes sont équivalentes aux expériences de guerre. Alors, que ce soit aux frontières de l’Europe ou des États-Unis, que cela nous plaise ou non, la guerre est déjà là. On ne veut pas le voir, mais il s’agit réellement de guerre. Et de plus en plus, on constate que les effets du changement climatique deviennent des armes de guerre. Récemment, le gouvernement algérien a accusé le Maroc d’avoir déclenché des incendies de forêt, de les avoir utilisés comme instruments de guerre. Et il en est de même entre la Turquie et la Grèce. L’humanisme n’est qu’un fantasme devant le mal infini dont sont capables les humains.
     

    La Déesse et le Marchand d’Amitav Ghosh, aux éditions Actes Sud, septembre 2021, 320 p., 22,50 €.

    Le Grand Dérangement d’Amitav Ghosh, aux éditions Wild Project, janvier 2021, 250 p., 20 €.

  • Amusement musical

    Il a plu toute la journée alors  je me suis occupé ^^

    J'ai utilisé la chanson "San Francisco" de Maxime le Forestier pour en faire un hommage au potager.

    J'ai trouvé sur You tube un accompagnement instrumental.

    C'est un beau potager

    adossé à la colline

    on y vient à pied

    avec les outils

    et bien motivés

    pour toute la journée.

    On se retrouve ensemble

    plein d'entrain et de bonheur

    on vient travailler, avec le sarcloir

    et on vient semer, du matin au soir.

     

     

    Quand le potager s'embrume

    ou quand le soleil l'allume

    mon potager, tu es ma joie

    tu es ma source, tu es mon unique roi.

     

     

    Suant sous le soleil

    enivrés, grattant la terre

    on arrosera tous les jeunes plants

    on désherbera et on soignera

    La brouette et le râteau,

    la binette et la serpette

    la paille étalée, le broyat posé

    les outils rangés,

    le jour tombera.

     

     

    Quand le potager se lève

    quand le potager s'élève

    mon potager, tu es ma joie

    tu es ma source, tu es mon unique roi.

     

     

    C'est un beau potager

    accroché à mon amour

    on y vient à pied, on ne frappe pas,

    le matin venu on y fait un tour

    Peuplé de haricots

    de tomates et de courgettes

    peuplé de lumière et béni des cieux

    il sera le seul à nourrir au mieux.

     

     

    Car si le vieux monde s'effondre

    car si le vieux monde s'effondre,

    le potager, nous sauvera

    il est la source, il est le plus grand roi.

     

  • Elle et moi

     

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    Elle et moi


    C'est l'année de nos noces d'univers que la Belle de ma vie a perdu son dernier feuillage.
    De ce jour, je n'ai plus eu goût au printemps.
    Nous nous sommes entendus pour préserver nos forces et rester debout. Il nous plaisait de continuer à observer nos compagnons et à leur prouver que la mort physique n'est pas celle de l'âme. Car c'est bien elle qui nous maintient dressés.
    Nous racontons nos existences aux petits jeunes qui croissent. Ils nous écoutent attentivement car ils savent ce que nous avons traversé. Le gel brûlant des hivers et les soifs intenses des étés, les vents tempétueux des orages et les nuits étoilées. J'aimais infiniment les couchers de soleil et ma Belle se pâmait dans les clartés lunaires.
    Autrefois, le feuillage de ma Belle se mêlait au mien et nos effleurements nous réjouissaient. Désormais, ce sont nos racines qui nous unissent. Nous savons que nos frères humains nous voient comme des arbres morts. Ils n'imaginent pas combien nos étreintes souterraines nous comblent de joie. Un jour, l'un de nous tombera et l'autre abandonnera pour le rejoindre sur la terre. Couchés l'un contre l'autre.
    Et nous partirons en lambeaux. Nos fibres nourriront le sol comme une reconnaissance, un retour à la source de toute vie. Et sur l'humus de notre décomposition germeront deux autres graines. Rien ne se perd, tout se transforme, a dit l'un d'entre vous. Celui-là avait compris que la vie est éternelle.

  • Voltairine de Cleyre

     

     

     

    https://www.philomag.com/articles/voltairine-de-cleyre-aux-sources-de-lanarcha-feminisme

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    De la suite dans les idées

    Voltairine de Cleyre, aux sources de l’“anarcha-féminisme”

     

    Jean-Marie Durand publié le 16 février 2023 8 min

    Longtemps négligée par les historiens de l’anarchisme et du féminisme, la pensée « anarcha-féministe » fait aujourd’hui l’objet d’une attention renouvelée. Théorisée en grande partie à la fin du XIXe siècle par une activiste et poète américaine au prénom annonciateur d’une pensée éclairée, Voltairine de Cleyre, l’anarcha-féminisme articule un féminisme radical et une critique viscérale de l’autorité. Présentation.

    Le champ du féminisme contemporain abrite en son sein de multiples analyses de la domination masculine, divisées entre une tradition dite universaliste et des approches inspirées de l’intersectionnalité et de l’écoféminisme. Mais, comme le remarque la philosophe italienne Chiara Bottici, directrice des études de genre à la New School for social Research à New York et autrice d’un récent Manifeste anarcha-féministe (Payot, traduction de Pauline Tardieu-Colliner), il est étonnant de constater que les féministes actuels occultent pour partie une vieille et féconde tradition de son histoire intellectuelle, dont procède une partie des études intersectionnelles : le féminisme anarchiste, souvent baptisé « anarcha-féminisme ».

    Depuis plusieurs années, les textes fondateurs de ce courant de pensée né au XIXe siècle sont redécouverts, notamment ceux de la figure tutélaire de ce mouvement : Voltairine de Cleyre (1866-1912), militante et théoricienne anarchiste américaine qu’Emma Goldman (1869-1940), elle-même grande intellectuelle et activiste anarchiste, présentait comme « la femme anarchiste la plus douée et la plus brillante que l’Amérique ait jamais produite ».

    Qui était Voltairine de Cleyre ?

    Théoricienne, activiste, poète, Voltairine de Cleyre a entremêlé dans sa vie plusieurs registres d’action et d’écriture, orientés vers la révolution sociale, la destitution de la domination masculine, l’association du féminisme et de l’anarchisme. Née en 1866 dans une famille pauvre de la classe ouvrière du Michigan, Voltairine de Cleyre avait un père né en France, admiratif de Voltaire. Elle lui doit son prénom peu commun. En 1880, après la séparation de ses parents et fragilisée par une maladie nerveuse, elle est placée dans un couvent. À sa sortie, marquée par cette expérience d’enfermement, elle s’engage dans le mouvement anticlérical de libre-pensée ; elle écrit déjà des articles et des poèmes, donne des conférences dans lesquelles elle partage ses lectures du révolutionnaire américain Thomas Paine, auteur entre autres du Sens commun, mais aussi celles des philosophes Mary Wollstonecraft et Henry David Thoreau.

    Très vite, elle s’ouvre à la pensée anarchiste et soutient l’action directe comme technique de révolution sociale. Dans un texte écrit en 1932, son amie Emma Goldman, alors considérée comme l’une des femmes anarchistes les plus dangereuses des États-Unis, raconte leur rencontre à Philadelphie, en août 1893 : elle était « au lit, malade, le crâne pansé de glace, le visage crispé par la douleur ». « J’appris qu’elle traversait ce type d’expériences après chacune de ses apparitions publiques : elle restait alitée pendant des jours, souffrant le martyre à cause d’une maladie du système nerveux apparue dans sa petite enfance et qui ne cessait de s’aggraver avec les années ».

    “De la libre-pensée au socialisme, puis à l’anarchisme communautaire, Voltairine de Cleyre finit par se dire anarchiste, tout simplement”
    Léa Gauthier, sa traductrice française

    Dès 1888, Voltairine assume la radicalité de son engagement féministe et libertaire, au point de dénoncer l’esclavage sexuel et l’institution du mariage qui légalise le viol selon elle. La souffrance de son corps et la misère de sa condition sociale déterminent tous ses engagements. « De la libre-pensée au socialisme, puis à l’anarchisme communautaire, elle finit par se dire anarchiste, tout simplement », précise sa traductrice Léa Gauthier dans la préface de son recueil de textes Y a-t-il plus fier et libre que nous ? (Payot). Elle est une théoricienne « dont la clarté est louée, une écrivaine à la plume noire, à la voix vibrante ». À rebours de l’archétype de l’anarchiste, éruptive et extravertie, Voltairine fut une personnalité effacée, introvertie, maladive, tout en dispensant des cours aux migrants des ghettos à Philadelphie et à Chicago, et en écrivant sans cesse.

    La furie des mots s’ajustait à sa conscience malheureuse, éclairée par la pensée politique. Pour l’historien américain et spécialiste de l’anarchisme, Paul Avrich, une grande part de la révolte de Voltairine de Cleyre provenait de ses expériences personnelles, de la façon dont la traitèrent la plupart des hommes qui partagèrent sa vie et qui « la traitèrent comme un objet sexuel, une reproductrice ou une domestique ». Ce qu’elle théorisa au fil du temps, c’est la transformation radicale de la société, reposant avant tout sur la transformation du statut des femmes. Sans avoir eu le temps de connaître l’âge d’or de l’anarchisme international, ni avoir bénéficié de la reconnaissance qu’elle méritait, fût-ce de manière posthume, elle a permis de construire les bases théoriques du mouvement qui prit son essor dans les années 1920.

    “À la question, ’Pourquoi suis-je anarchiste ?’, je pourrais sommairement répondre ‘parce que je ne peux pas faire autrement’”
    Voltairine de Cleyre

    Qu’est-ce que l’anarcha-féminisme ?

    Dans l’un de ses textes les plus connus, « Pourquoi je suis anarchiste » (1897), Voltairine de Cleyre explique son engagement. Elle écrit : « À la question, “Pourquoi suis-je anarchiste ?”, je pourrais sommairement répondre “parce que je ne peux pas faire autrement”, je ne peux pas être malhonnête envers moi-même ; les conditions d’existence m’oppressent ; et je dois faire quelque chose avec ma tête. Je ne peux pas me contenter de regarder le monde comme un enchevêtrement d’évènements à travers lesquels je dois me frayer un chemin, un peu comme dans le dédale d’un grand magasin, sans autre pensée que de le traverser et d’en partir. Je ne peux pas non plus me contenter de suivre le précepte de n’importe qui ».

    “Les institutions mises en place par les hommes qui assurent vouloir préserver à travers elles la pureté de la femme mais qui en font un poupon, une irresponsable marionnette”
    Voltairine de Cleyre

    Soucieuse de se libérer des conventions vestimentaires et langagières, indignée par la répétition d’hypocrisies formelles propres aux relations sociales ordinaires, elle dit ressentir « par-dessus tout un profond dégoût envers l’enfermement des femmes dans le cercle étroit de la vie quotidienne où on la subordonne, sur le plan matériel, dans l’espace domestique et dans l’éducation ». Elle confie son aversion des idéaux qu’on propose aux femmes, et sa colère contre « les institutions mises en place par les hommes qui assurent vouloir préserver à travers elles la pureté de la femme mais qui en font un poupon, une irresponsable marionnette à qui l’on ne peut pas faire confiance en dehors de sa “maison de poupée” ». À cette colère s’ajuste la voie de l’anarchisme : « Elle vient comme la conclusion logique de trois cents ans de révolte contre l’autorité imposée de l’extérieur, elle n’offre aucun compromis et met à notre portée l’indéfectible idéal de l’homme libre ». Seule l’anarchie construit à ses yeux une lutte cohérente contre toutes les formes de domination, économique, politique, sociale, morale, esthétique, éthique.

    “Contre la formule reçue du matérialisme moderne : ‘Les hommes sont faits par les circonstances’, j’oppose en premier lieu cette proposition : ‘Les circonstances sont ce que les hommes en font’”
    Voltairine de Cleyre

    Outre son texte clé, « Pourquoi je suis anarchiste », d’autres textes exhumés – citons « Action directe », une conférence prononcée le 21 janvier 1912 à Chicago, « L’esclavage sexuel », prononcée en 1895 devant la Ladies’ Liberal League ou« L’idée dominante », texte publié dans la revue Mother Earth (mai-juin 1910)… – affinent son modèle théorique en questionnant la tension entre la pensée matérialiste et la pensée idéaliste, pour éclairer ce qui guide les actes de nos vies. Sa philosophie de l’histoire, traversée par le goût de l’action et de la révolte, met à distance la conception matérialiste plébiscitée par les socialistes. « Je pense que le déterminisme implacable est une grande et lamentable erreur qui domine notre mouvement moderne et progressiste », affirme-t-elle. « L’idée de la domination absolue de la matière sur l’esprit est une erreur aussi dangereuse que celle d’un esprit existant en dehors de toutes relations avec le monde matériel. Ce qui nous manque, c’est une appréciation exacte de la puissance et du rôle de l’idée […]. Contre la formule reçue du matérialisme moderne : “Les hommes sont faits par les circonstances”, j’oppose en premier lieu cette proposition : “Les circonstances sont ce que les hommes en font.” »

    Soucieuse de ne pas se laisser gouverner par l’idée dominante de son siècle, elle défend sa cause en estimant qu’« il y a quelque chose en l’homme qui le sauve de l’absolue tyrannie des circonstances, qui en triomphe ». Son éloge de la volonté individuelle, « laquelle est le salut de l’avenir », s’oppose à l’esprit de son temps : « Tenir jusqu’au bout, voilà ce que signifie avoir une idée dominante que ne peuvent briser les circonstances. Et les hommes qui tiennent jusqu’au bout font et défont les circonstances. »

    “L’anarchisme a besoin du féminisme pour lutter contre la subordination continue de toutes les femmes, et le féminisme a besoin de lui s’il ne veut pas devenir le privilège de quelques-unes”
    Chiara Bottici

    Un horizon du féminisme contemporain ?

    Longtemps occulté dans le débat public, cet élan anarcha-féministe puisant ses dans l’œuvre de Voltairine de Cleyre peut-il remusculer le corpus théorique du féminisme contemporain ? Cette hypothèse est défendue par Chiara Bottici dans son Manifeste anarcha-féministe. Si l’anarchisme aspire à une société sans relations de domination, il a partie liée avec le féminisme. « Il a besoin du féminisme pour lutter contre la subordination continue de toutes les femmes, et le féminisme a besoin de lui s’il ne veut pas devenir le privilège de quelques-unes. “Soit toutes, soit aucune d’entre nous ne sera libre !” », avance l’autrice.

    Un autre féminisme – et un autre monde – est possible, selon Chiara Bottici, grâce à une réarticulation entre ce féminisme libertaire du XIXe siècle et le féminisme intersectionnel du XXIe siècle, développant une approche globale de la domination, mêlant facteurs politiques, économiques, raciaux et culturels. Car il n’y a pas de facteur unique – que ce soit la nature ou l’éducation, l’exploitation économique ou la domination culturelle – « qui puisse être la cause unique et suffisante pour expliquer les sources du patriarcat et du sexisme », estime Chiara Bottici.

    Les anarcha-féministes ont de fait souvent critiqué les grands théoriciens anarchistes (Proudhon, Bakounine) qui minoraient trop le problème du patriarcat, voire le validaient. Elles critiquent aujourd’hui aussi les féministes libérales, trop concentrées selon elles sur la seule question de l’accès des femmes au pouvoir. Ce que les anarcha-féministes reprochent aux féministes libérales, c’est de partager au fond le même imaginaire que les hommes dans le rapport au travail et au pouvoir, de ne vouloir qu’une seule forme d’égalité : l’égalité des chances de dominer. Or, pour les anarcha-féministes, un système matriarcal ne saurait par lui-même mettre fin aux dominations. Leur objectif n’est pas de s’emparer du pouvoir mais bien de l’abolir, dans la pure tradition anarchiste, au sein de laquelle vibre un féminisme émancipé de ce tropisme politique trop étroit.

    Bref, un féminisme vraiment accompli doit s’accorder à un anarchisme égalitaire, dans une dialectique féconde conduisant à l’anarcha-féminisme, lequel s’oppose à toute forme de relation de pouvoir et dénonce le privilège que détiendraient des femmes émancipées (« puissantes », comme on l’entend aujourd’hui). La théoricienne anarchiste canadienne L. Susan Brown le souligne ainsi : « Puisque l’anarchisme est une philosophie politique opposée à toute relation de pouvoir, il est intrinsèquement féministe. » Chiara Bottici le dit tout aussi clairement : « Mais pourquoi l’anarcha-féminisme ? Parce qu’il s’agit du meilleur antidote contre un féminisme qui deviendrait privilège blanc et donc un outil dans les mains de quelques femmes dominant la majorité de toutes les autres ». Etre archi-féministe, serait-ce donc être anarcha-féministe ?

  • L'arbre et la lumière

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    Je suis l'arbre-serpent qui enlace la lumière.

    Nulle crainte pour elle, je ne suis qu'un amant.

    Je déploie mon feuillage pour saisir ses offrandes et je m’applique chaque jour à me nourrir de ses délices.

    J’aime tant la sentir glisser sur moi et j’aime tant l’étreindre.

    La nuit, je rêve d’elle et mon sommeil est empli de mes extases quotidiennes.

    Il me plaît de penser qu’elle aussi rêve de moi.

    Je ne souffre pas de l’hiver car ma sève s’est emplie de la vie durant les saisons lumineuses. Et j’ai besoin de ce repos provisoire car je mourrais d’épuisement si durant l’année toute entière, je connaissais sans répit la puissance de nos étreintes amoureuses.

    Est-il possible, frères humains, que vous imaginiez la flamboyance de mes molécules au retour du printemps ? Vous ne voyez que la partie visible de ce renouveau. Mais le plus beau de ce miracle, il est en moi, au plus profond.

  • "La terrible histoire du « pays qui s’est mangé lui-même"

    Ne peut-on voir ici en modèle réduit l'avenir des sociétés capitalistes ?

     

    La lente agonie de l'île de Nauru et de ses habitants. © Anastasia Ptitsova, Adobe Stock

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    La terrible histoire du « pays qui s’est mangé lui-même »

    Biodiversité

    Pollution

    Ile

    Écosystème

    Pollution aquatique

    +3

    actualité

    • 7 Min

    C'est l'histoire d'un confettis posé sur l'océan Pacifique et dont les habitants ont connu l'un des niveaux de vie le plus élevé au monde grâce à l'exploitation des gisements de phosphore. La poule aux œufs d'or s'épuisant, de mauvais choix politiques ont fini par conduire cette démocratie indépendante vers la corruption politique et environnementale, faisant de cette île paisible un enfer sanitaire et social. Aujourd'hui, l'espérance de vie des 14 000 habitants ne dépasse pas la cinquantaine en moyenne. 

    au sommaire

    De la prospérité à l’effondrement

    Des paysages défigurés

    Pollutions des sols et des eaux

    Désastre sanitaire

    Accepter la corruption ou périr

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    Le 27 février dernier, l'Union européenne a voté un texte élargissant la liste des crimes environnementaux et harmonisant les sanctions en la matière dans l'Union européenne. Début février, le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan proposait à son tour de poursuivre les crimes environnementaux sans modifier son statut, estimant que les dégâts environnementaux sont souvent cause ou conséquence de crimes de guerre ou contre l'humanité, sur lesquels elle a déjà la compétence. Dans Le manifeste contre la corruption environnementale qu'elle vient de publier aux éditions Érick Bonnier, ce sont ces thématiques que Shérazade Zaiter, juriste internationale, spécialiste en droit des affaires et droit à l'environnement, et enseignante à l'Université de Limoges, explore.

    Elle y dénonce des crimes qui viennent accentuer la crise environnementale et met en lumière ceux qui tentent de combattre cette corruption. Nous reproduisons ici l'extrait du livre consacré au destin tragique de Nauru, une petite île du Pacifique qui illustre de manière poignante les conséquences de la corruption environnementale :

    La République de l'île de Nauru, minuscule joyau perdu dans l'immensité de l'océan Pacifique, illustre de manière glaçante les conséquences de la corruption environnementale. Qualifié de « pays qui s'est mangé lui-même », situé à près de 4 835 kilomètres de l'Australie, il s'étend sur seulement 22 kilomètres carrés.

    Son plateau central est entouré d'une bande côtière, où se concentre la majeure partie de sa population. L'origine de son malheur a commencé en 1906, lorsque d'immenses gisements de phosphate ont été découverts sur ce plateau. Sa corne d'abondance a ouvert la boîte de Pandore, et c'est ainsi que débuta la lente agonie de l'île de Nauru.

    Le phosphate est un sel précieux, utilisé dans la fabrication d'engrais et d'explosifs. Riche en phosphore, c'est un élément essentiel pour la croissance des plantes, il augmente le rendement des cultures. Ce gisement minéral, dont la qualité est la meilleure au monde, couvre 70 % de l'île.

    Port de phosphate abandonné à Aiwo, sur l’île de Nauru dans le Pacifique. © Mike Leyral, AFP

    Port de phosphate abandonné à Aiwo, sur l’île de Nauru dans le Pacifique. © Mike Leyral, AFP

    De la prospérité à l’effondrement

    Les colons allemands ont d'abord bénéficié de son exploitation, puis l'Australie a pris le relais en 1914, en prenant le contrôle de l'île jusqu'en 1968. Cette année-là, Nauru est devenue la plus petite république au monde. Son indépendance lui a apporté une prospérité économique sans précédent.

    En poursuivant l'exportation de phosphate, Nauru a connu une croissance rapide de sa richesse. En 1974, le pays affichait le deuxième produit intérieur brut par habitant le plus élevé au monde, générant 225 millions de dollars australiens. Nauru a brillamment instauré un modèle d'État-providence exempt d'impôts, où l'éducation, les transports, les services de santé, et même le logement sont entièrement pris en charge par l'État, sans aucun frais pour ses citoyens.

    Au début des années 1990, avec le déclin des gisements de phosphate, l'économie de Nauru a sombré dans la crise. Malgré les investissements immobiliers du gouvernement pour contrer cette situation, ceux-ci se sont révélés désastreux. Des scandales de détournement de fonds et de corruption impliquant des politiciens et des personnalités influentes ont éclaté. Contribuant à la détérioration des infrastructures et des services publics.

    Des choix politiques ont facilité l'octroi de contrats favorables à des entreprises étrangères en échange de faveurs, entraînant des conséquences désastreuses. Avec une augmentation des saisies, un effondrement de l'industrie et une succession de gouvernements, Nauru a été contrainte d'élaborer diverses stratégies pour restaurer ses finances.

    Cela comprenait le blanchiment d'argent étranger, la vente de passeports et même l'accueil rémunéré de réfugiés clandestins, ce qui a attiré l'attention négative d'organisations telles que l'ONU, l'OCDE et Amnesty International.

    Des paysages défigurés

    La méthode d'exploitation minière, la plus courante, était l'exploitation à ciel ouvert. Elle consiste à retirer les couches de terre, de sable et de roches qui recouvrent les gisements de phosphate. Des machines lourdes, telles que des pelles mécaniques et des bulldozers, étaient utilisées pour extraire les roches phosphatées.

    Les paysages ont été profondément modifiés, avec de vastes zones déboisées et des cratères, laissés par l'extraction du phosphate. L'excavation en tranchées était préférée, lorsque les gisements de phosphate étaient proches de la surface. Les tranchées étaient creusées pour atteindre les couches de phosphate, en enlevant les couches de terre et de sable à l'aide d'excavateurs. Elle a entraîné des impacts néfastes sur l'environnement, avec des perturbations majeures du paysage et des sols.

    Le dragage marin était employé pour extraire les phosphates des dépôts marins, à proximité de Nauru. Cette technique consiste à utiliser des bateaux équipés de dispositifs de dragage, pour aspirer les sédiments marins contenant du phosphate. Le mélange de sédiments était ensuite traité pour en extraire le phosphate. Les écosystèmes marins ont été gravement perturbés, affectant la faune et la flore marines et modifiant les habitats côtiers.

    Pollutions des sols et des eaux

    Plus récemment, la récupération par dissolution in situ a été utilisée. Cette technique implique l'injection d'une solution chimique, dans les couches de phosphate, pour le dissoudre. La solution est ensuite pompée et traitée. Si cette méthode a réduit les dommages environnementaux directs, elle a entraîné des problèmes de gestion des déchets chimiques, avec la pollution des sols et des eaux souterraines. Les conséquences environnementales sont inimaginables.

    L'histoire de Nauru, le « pays qui s'est mangé lui-même ». © Brut

    80 % des terres sont dévastées, et 40 % des récifs coralliens sont morts. Les écosystèmes, autrefois riches et diversifiés, sont cruellement altérés. Les habitats naturels, dévoués depuis des millénaires à une multitude d'espèces végétales et animales, réduits en miettes. Les résidus toxiques, tels que les métaux lourds et les substances chimiques nocives, infiltrent les terres autrefois florissantes. Les sols stériles et appauvris, désormais sujets à l'érosion, laissent place à une triste désertification. Les rivières autrefois claires et vivantes sont souillées, leur pureté transformée en un miroir trouble de contamination.

    La ceinture de corail, autrefois éclatante, n'est plus que l'ombre d'elle-même. Les rejets issus de l'exploitation minière ont dégradé des habitats marins. La biodiversité marine, riche et prospère, réduite au silence. Comme si cela ne suffisait pas, la situation géographique de Nauru rend le pays particulièrement vulnérable à l'augmentation du niveau des mers, conséquence directe du dérèglement climatique. Tôt ou tard, les habitants devront quitter leur île pour leur propre survie. Une autre question se posera alors : quel État va leur ouvrir les bras ?

    Désastre sanitaire

    Au-delà des dommages visibles, les ravages environnementaux ont également touché les communautés locales. La dépendance économique, apportée par cette ressource précieuse, s'est avérée un fardeau difficile à supporter. La mauvaise gestion crée une dépendance excessive, à l'égard de l'importation de biens, et de produits alimentaires. L'île a connu une transition trop rapide vers un mode de vie sédentaire.

    Ajoutée à cela, l'alimentation fortement fondée sur les produits importés, riches en sucres et en matières grasses affecte directement le bien-être et la santé des habitants : cela se traduit par une augmentation alarmante de l'obésité et des maladies associées, telles que le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires.

    Nauru est devenu l'un des pays les plus touchés par l'obésité, affichant l'un des taux les plus élevés au monde. Le tabagisme est également très répandu, avec 47 % de fumeurs réguliers. Les taux de mortalité infantile, juvénile et adulte sont élevés, l'espérance de vie est de 55 ans en moyenne, 49 pour les hommes. L'environnement naturel de l'île, qui a subi une détérioration alarmante, ne permet plus aux 14 000 habitants de s'adonner à des activités physiques, et d'avoir un mode de vie sain.

    Accepter la corruption ou périr

    L'île de Nauru nous rappelle les conséquences tragiques de l'exploitation irresponsable des ressources naturelles. Cette gestion inconsciente a entraîné une spirale de corruption et de compromis, mettant en péril la stabilité et le développement de l'île. Pour assurer sa survie et préserver son avenir, elle est confrontée à un dilemme difficile, celui d'accepter la corruption ou de périr.

    Son état économique précaire crée une porte ouverte à toutes sortes de compromis et de transactions douteuses. Un exemple frappant est le versement mensuel effectué aux dix-huit parlementaires composant son Assemblée nationale. Cette somme d'argent provient des coffres de Taïwan. Il s'agit d'un pot-de-vin, destiné à remercier Nauru de l'avoir reconnu en tant que nation souveraine et indépendante.

    C'est une pratique courante dans les îles du Pacifique, que les pays asiatiques ont instaurée dans le but de s'attirer les faveurs des 11 micro-États insulaires de la région. Cette stratégie leur permet de bénéficier du soutien de ces nations lors de votes importants à l'Assemblée générale des Nations unies. D'autres exemples existent, comme la promesse de la Russie de réparer le port en ruines de Nauru. En échange de ces travaux, l'île a accepté de reconnaître l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie, deux provinces autonomes de Géorgie envahies en 2008 par la Russie, en tant que territoires indépendants.

    Nauru nous montre que la détérioration de l'environnement affecte le droit à la vie, à la santé, au travail et à l'éducation. En raison de sa petite taille et du manque de données disponibles, elle n'est pas prise en compte dans l'indice de perception de la corruption. Il est difficile d'avoir une image complète et précise de son niveau de corruption.

    Sa taille et sa population restreintes peuvent justement offrir des opportunités pour mettre en place des mesures de gouvernance plus transparentes, et des mécanismes de lutte contre la corruption, plus efficaces. Le pays pourrait ainsi renforcer la confiance et la transparence au sein des institutions internationales. Cela permettrait de consolider la confiance des citoyens et d'assurer une gestion responsable des affaires publiques.