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  • Fleur Breteau : "cancer colère"

     

     

    « Voter la loi Duplomb, c’est voter pour le cancer » : Fleur Breteau, malade et en colère

     

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    «<small class="fine d-inline"> </small>Voter la loi Duplomb, c'est voter pour le cancer<small class="fine d-inline"> </small>» : Fleur Breteau, malade et en colère

    « En six mois, je suis devenue nonagénaire. » Fleur Breteau, 50 ans, est malade d’un cancer. Horrifiée par la proposition de loi Duplomb et le champ libre laissé aux pesticides, elle a fondé le collectif « Cancer Colère ».

    À couvert sous une casquette Carhartt, un homme se hasarde à un timide coup d’œil. Juste une seconde. Peut-être moins encore. Une valse assez furtive pour assouvir sa curiosité, sans s’enliser dans une gênante intrusion. Raté. « Les passants me dévisagent en permanence, murmure Fleur Breteau. Mon corps a tellement changé que je peine à me reconnaître. » Malade d’un deuxième cancer du sein, la Parisienne porte sur son crâne l’absence de ce que la chimiothérapie lui a dérobé. Cette nudité, symptôme visible « d’un système en train de se retourner contre nous ».

    « Prenons par ici plutôt. » Guidée par ses petits rituels, Fleur Breteau engloutit le kilomètre à pied la séparant de la gare de Lyon, et saute dans une rame de la ligne 14 du métro. Direction l’institut de cancérologie Gustave Roussy, à deux pas de la capitale, pour une onzième séance de chimiothérapie. Accroché à son tailleur de velours, un pin’s « Cancer Colère » évoque le collectif du même nom, fraîchement créé par la quinqua. Son dessein ? Politiser cette maladie, à l’heure où la proposition de loi Duplomb prévoit de réautoriser l’acétamipride — un pesticide interdit depuis 2018.

    La littérature scientifique a déjà commencé à établir une corrélation claire entre l’exposition aux néonicotinoïdes et l’augmentation du risque de cancer. « Ces saloperies perturbent la duplication de nos cellules, métamorphosant des maladies en véritables phénomènes de société, s’insurge Fleur Breteau. Le scandale du cadmium est révélateur. Même nos tartines et céréales du petit dej’ sont devenues des cancérogènes notoires à cause des engrais. » Dépliant une ombrelle pour abriter son épiderme à la sensibilité décuplée, elle ajoute : « J’en ai marre de me taire. Les politiques parlent du cancer comme une notion abstraite. Alors que non, ça n’a rien d’abstrait. »

    Strass et brouillard

    Début janvier, quelques jours avant d’entamer son traitement médicamenteux, Fleur Breteau avait invité une poignée de proches à déguster la galette des rois. Une épiphanie singulière, où ses amis firent vrombir la tondeuse. À mesure que tombaient ses cheveux, comme des feuilles en automne, fleurissait dans ses pupilles la lueur d’une force neuve. « Une fois mon crâne rasé, ma nièce et ma filleule m’ont maquillée. Un make up de star, avec des strass, se réjouit-elle. Prendre ainsi les devants a été un moment fort. Désormais, mon neveu de 3 ans rit parce que j’ai de petits poils sur la tête. »

    Au crépuscule du printemps, l’allant qu’elle affichait hier a fini par s’éroder. Injecté en intraveineuse, le Paclitaxel — molécule attaquant les cellules cancéreuses — grignote aussi ses nerfs, causant de douloureux fourmillements. À cela s’ajoutent les souffrances articulaires et musculaires, les saignements de nez, la perte de goût et d’odorat, les vertiges et les éruptions cutanées.

    «  Une fois mon crâne rasé, ma nièce et ma filleule m’ont maquillée. Un make up de star, avec des strass  », un moment fort, raconte Fleur Breteau. © Cha Gonzalez / Reporterre

    « Mes ongles noircissent et se décollent, d’où ce vernis violet, dit-elle encore en écartant les doigts. Mes rétines aussi sont affectées, et aucune paire de lunettes n’y peut rien. Je vois flou. Lire est devenu laborieux, et plus question de grimper sur un vélo. » L’inventaire n’est pas terminé que, pétrie d’humilité, elle corrige : « Je ne m’en sors pas si mal. Je n’ai pas de vomissements, ni d’aphtes. Certains patients en ont tellement que manger est pour eux un calvaire. »

    À l’ouverture des portes du métro, la silhouette frêle de Fleur Breteau s’engouffre dans le dédale de verre et d’acier de la station Gustave Roussy, à Villejuif. Un labyrinthe de 32 escaliers et 16 ascenseurs, où elle s’est égarée plus d’une fois. « Ce brouillard permanent est le plus frustrant. Chaque seconde, j’ai le sentiment de me réveiller d’un sommeil profond. Comme si seul un sac plastique errait inlassablement dans mon cerveau. » Tantôt ne plus parvenir à envoyer un mail, tantôt mettre à chauffer une poêle sans savoir pourquoi, ou encore acheter deux billets de trains identiques à une demi-heure d’intervalle. Les lèvres ourlées d’un rictus amer, elle conclut : « En six mois, je suis devenue nonagénaire. »

    Cancer comedy club

    Née en 1975, Fleur Breteau a grandi à Paris et Levallois-Perret. Sûrement doit-elle à sa mère, figure de résistance à l’édile républicain Patrick Balkany, son âme opiniâtre. À son oncle François, qu’elle voyait débarquer au dîner de Noël accompagné de personnes sans-logis, son humanisme. Et à sa sœur puînée, sa fibre écologiste : « À cinq ans, elle plantait déjà les épluchures de légumes dans la jardinière de géraniums de maman », se remémore-t-elle, amusée. Son poignet tatoué porte aussi le souvenir indélébile d’un défunt cousin, amoureux des montagnes disparu dans les Alpes.

    Fleur Breteau a tracé son chemin loin des lignes droites. Des études de lettres et de cinéma, vite délaissées pour plus d’autodidaxie, lui ont toutefois inculqué le goût des livres — King Kong Théorie de Virginie Despentes, et Rabalaïre d’Alain Guiraudie, notamment. La Parisienne a orchestré la campagne de communication de la PlayStation 2, lancée une marque de vêtements éthiques et travaillé dans un sex shop. Les confessions intimes de la clientèle, parfois embarrassantes, parfois émouvantes, lui ont inspiré un premier livre rock’n’roll, L’amour, accessoires (ed. Gallimard), applaudi par Les Inrocks.

    Puis, ce fût le temps du « Cancer Comedy Club ». Des tumeurs à répétition dans son entourage. À commencer par sa sœur, et son meilleur ami, Nicolas Krameyer, historien des luttes et défenseur des droits à Amnesty International. Il y eut d’abord les courses-poursuites en fauteuils roulants dans les couloirs de l’hôpital, puis les adieux déchirant entre cet homme et sa fillette de 9 ans : « Ça a été la chose la plus terrible qu’il m’ait été donné de vivre, murmure Fleur Breteau. Il est décédé à 42 ans, le jour où mon oncologue m’a diagnostiqué un deuxième cancer du sein. C’est ça la réalité de ces maladies. »

    Un « tsunami » de cancers à venir

    D’un bout à l’autre de l’allée menant à l’institut, des autocollants « Cancer Colère » ont été placardés sur les pylônes métalliques. L’hôtesse d’accueil lui tend un bracelet blanc, que Fleur Breteau enfile aussitôt. Elle a croisé ici des dizaines de trombines chahutées par les traitements chimiques. Une mère isolée, atteinte d’un cancer du sein et dont le fils de 10 ans a contracté une tumeur au cerveau. « Et il n’est pas le seul, précise-t-elle. Dans son école de Seine-et-Marne, deux autres gamins en sont victimes. »

    Trois hommes, tous âgés d’une cinquantaine d’années et boulangers dans ce même département, ont aussi côtoyé les bancs de cette salle d’attente. « Le 77, ce sont les terres d’Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, syndicat agricole à l’origine de cette loi Duplomb. Le cynisme n’est pas un mot assez fort pour qualifier une telle injustice. »

    Le 27 janvier, l’adoption de la proposition de loi par les sénateurs a constitué l’ultime électrochoc. « Mon sang n’a fait qu’un tour, poursuit Fleur Breteau. C’était d’une violence terrible. » En pleine séance de chimio, l’ancienne artisane couturière a griffonné un logo sur un morceau de papier. Cancer Colère venait de naître.

    Le collectif Cancer Colère a rapidement produit différents visuels, comme celui-ci à propos du scandale du chlordécone aux Antilles. © Cha Gonzalez / Reporterre

    Le 3 février, le professeur Fabrice Barlesi, à la tête de l’institut Gustave Roussy, alertait du « tsunami » à venir de cancers chez les jeunes adultes. « Ce n’est plus une maladie, c’est une épidémie, se désole la quinqua. Et que se contente de déclarer Emmanuel Macron ? Qu’il n’a pas de leçon à recevoir sur l’écologie. Il y a cinq ans, il parlait de guerre à l’heure du Covid. Désormais, il se mure dans le silence pour mieux préserver les intérêts économiques des plus riches. »

    Aux yeux de Fleur Breteau, se réfugier derrière l’espoir de meilleures guérisons à l’avenir est insultant. « Ça m’a glacé le sang d’entendre le président s’en réjouir. Il ignore les terribles épreuves que nous, malades, traversons. Il ignore l’enfer des rechutes. À quoi bon guérir si une autre tumeur apparaît l’année suivante ? »

    Surtout, cette rhétorique constitue une échappatoire : « Il évite à tout prix de parler des coupables. La science est pourtant catégorique : les pesticides sont des cocktails d’hydrocarbures, d’antibiotiques et de métaux lourds, déversés partout par l’agrochimie. Certaines substances interdites depuis 40 ans sont encore détectées dans les cheveux des enfants. Comment croire une seconde que nos corps n’en sont pas affectés ? »

    « Voter la loi Duplomb, c’est admettre que chaque pomme croquée sera une nouvelle intoxication »

    Dans la chambre 158 de l’aile baptisée « Nouvelle-Calédonie », une femme termine son injection. Retirant les gants et chaussons réfrigérés — censés ralentir le décollement des ongles, elle commente d’un sourire complice : « Un véritable attirail de boxeuse. » Puis, sa perruque enfilée, elle disparaît. Vêtue d’une blouse blanche, Ruth, l’infirmière du jour, tend le même équipement à Fleur Breteau et lui enfonce une aiguille dans le thorax, à la hauteur d’un petit boîtier sous-cutané : « Ça s’appelle une chambre implantable, précise la patiente. Grâce à elle, le produit file directement vers l’artère. Si l’on procédait à une simple piqûre au bras, celui-ci brûlerait mes veines, moins robustes. »

    Forte de son collectif naissant, Fleur Breteau cherche désormais à interpeller les législateurs. Céderont-ils à la pression des lobbies ? Voteront-ils pour que le cancer devienne « un rituel inévitable dans nos vies » ? Ces questions la hantent. « Voter la loi Duplomb, c’est voter pour le cancer. Ni plus, ni moins, enchaîne-t-elle, inépuisable dans l’art de convaincre. Voter la loi Duplomb, c’est admettre que chaque pomme croquée sera une nouvelle intoxication et qu’un grand nombre de nouveaux-nés naîtront avec de lourdes pathologies. »

    «  Certaines substances interdites depuis 40 ans sont encore détectées dans les cheveux des enfants. Comment croire une seconde que nos corps n’en sont pas affectés  ?  » © Cha Gonzalez / Reporterre

    L’esprit égaré, la patiente effleure du bout des doigts le minuscule cétacé suspendu à son oreille. « Lorsque mon sein droit m’a été retiré, j’ai refusé la reconstruction, murmure-t-elle. Une soignante m’a demandé comment je comptais trouver un mari avec une telle poitrine. J’ai halluciné. » Douze ans plus tôt, au Groenland, Fleur Breteau avait croisé le regard d’une baleine à bosses entre les icebergs. Des larmes avaient gelé sur ses joues. « Les scientifiques les identifient à leurs cicatrices. J’ai décidé d’accepter les miennes. »

    Goutte à goutte, le Paclitaxel continue de couler. Dès la chimio définitivement achevée, Fleur Breteau filera à Noirmoutier, marcher pieds nus dans la pinède et sentir l’eau de la mer caresser son corps. « Mon rêve ? Apprendre à bivouaquer et être réveillée à l’aube par le chant d’une grenouille, ourdit-elle. Seulement, avant ça, j’ai un moratoire sur les pesticides à obtenir. »

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  • Canicule et agriculture

    On demande aux agriculteurs de s'adapter. Qu'est-ce que ça signifie ? Tout simplement que le système productiviste ne ralentira jamais. A chacun d'en subir les conséquences et de chercher des solutions. Quand il y en a ...

    Est-ce que les gens ont bien conscience que l'alimentation de base est en danger ? On ne parle pas de chaleurs intenses au travail, à l'extérieur ou dans les bureaux, dans les écoles, dans tous les logements qui sont des bouilloires. On parle de ce qui nous nourrit, on parle de survie alimentaire. Est-ce que les gens ont conscience que la hausse des prix depuis les dix dernières années n'est rien au regard de ce qui nous attend ? Est-ce que tous les urbains qui ont besoin d'acheter leur nourriture réalisent que ça va devenir très compliqué ? Quand je fais du vélo, je regarde parfois les jardins, tous ces jardins d'agrément dans lesquels il n'y a rien à manger. Est-ce que ces gens ont conscience du gâchis, est-ce qu'ils savent vers où on va ? Des pelouses tondues à ras et des fleurs que les propriétaires arrosent. Les fleurs sur un terrain, c'est pour attirer les pollinisateurs dont le potager et le verger ont besoin. Pas uniquement pour faire joli.

    On a déménagé en mars, on a acheté un hectare de terrain. Entièrement clôturé. Je sais qu'un jour, il est possible que je sois obligé de "protéger" mes cultures et mes fruits. Et pas simplement avec un grillage.  

     

    CANICULE ET AGRICULTURE

    Après un week-end caniculaire, les très fortes chaleurs reviennent, notamment dans le centre et le sud de la France, ce qui entraîne des conséquences directes sur les cultures, comme l’« avortement floral ». « 20 Minutes » vous explique

    Canicule : Moins de tomates… C’est quoi l’avortement floral dont souffrent les végétaux ?

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    Elise Martin

    Propos recueillis par Elise Martin

    Publié le 24/06/2025 à 07h37 • Mis à jour le 24/06/2025 à 18h20

    L'essentiel

    Les températures dépassant 40 °C deviennent de plus en plus fréquentes en France. Mardi, il fera jusqu’à 42 °C aux alentours de Perpignan.

    En plus des conséquences sur l’être humain, ces fortes chaleurs ont des impacts sur les cultures et les écosystèmes.

    Stress thermique fort, avortement floral… Le docteur en agrométéorologie Serge Zaka est revenu pour 20 Minutes sur les effets des canicules sur l’agriculture.

    Les températures vont une nouvelle fois dépasser les 40 °C à certains endroits de la France ce mardi. A Perpignan ou Carcassonne, entre 42 et 43 °C sont prévus. « Ces prévisions sont franchement inquiétantes », alerte le docteur en agrométéorologie Serge Zaka.

    Si pour l’être humain, les conséquences des canicules sont préoccupantes, elles le sont aussi pour « les cultures, les animaux d’élevage et les écosystèmes », souligne le fondateur d’Agroclimat 2050. Avortement floral, stress thermique et changement de variétés… Le spécialiste est revenu pour 20 Minutes sur les effets des fortes chaleurs sur nos cultures et les dangers pour l’agriculture à l’avenir.

    Pourquoi les prévisions de mardi, avec 42 °C vers Perpignan, sont-elles inquiétantes pour vous ?

    Les températures vont être très élevées vers Perpignan mais aussi dans la partie centrale de la France. On a déjà eu ces températures-là dans le siècle passé, en 1947 ou en 1983 par exemple. Mais depuis les années 2000, on dépasse régulièrement les 40 °C. C’est devenu banal. On a dix-neuf fois plus de stations qui enregistrent les 40 °C qu’avant. Et ça arrive également de dépasser cent fois les 40 °C en un an. C’est donc un phénomène qui devient récurrent, intense, qui touche presque tout le territoire et qui est de plus en plus précoce [il n’arrive pas qu’en juillet et août mais aussi en juin, ainsi qu’en septembre parfois]. On se retrouve donc avec tous les facteurs de stress pour les végétaux. Car historiquement, on plante et on réfléchit nos cultures pour qu’ils ne subissent pas de canicules.

    Si jusqu’à présent, avec 38 °C, certains végétaux étaient en phase de « résistance », au-delà de 40 °C, on entre dans un seuil de « stress thermique fort » ce qui entraîne des dégâts.

    Qu’est-ce que ces températures ont comme effets sur les cultures ?

    Les végétaux ont une réponse à la température qui est différente en fonction des régions, c’est d’ailleurs pour ça à l’origine que chaque territoire produit en fonction de son climat. Ainsi, un noisetier ou un blé arrête sa croissance quand il fait 35 °C. Un olivier la stoppe plutôt au bout de 42 °C.

    Mais avec les températures attendues ce mardi, on dépasse le seuil de résistance physiologique des végétaux, induit dans l’ADN de chaque espèce de plante, qui ne peut plus se défendre. C’est ce qu’on appelle le « stress thermique fort ». Autre risque de ces fortes chaleurs, la possibilité d’avortement floral pour tous les légumes du potager. A cause des températures hautes, la reproduction qui se passe à l’intérieur de la fleur pour faire un fruit est altérée. Sans fruit sur cette fleur, elle sera stérile et va tomber.

    On se retrouve alors avec des écosystèmes qui sont fatigués par la sécheresse, par les gels tardifs, par la perte des feuilles en été, par des brûlures répétées, qui subissent un contexte de changement climatique induit par l’humain.

    Quelles sont les conséquences d’un stress thermique ou d’un avortement floral ?

    Les conséquences sont des défoliations pour un arbre, des brûlures qui apparaissent sur les fruits. Par exemple, en ce moment les tomates et les courgettes [et tous les légumes du soleil] sont en début de floraison. Or, à partir de 34 °C, la tomate commence à avoir des problématiques de reproduction parce qu’il fait trop chaud, à partir de 36 °C, on diminue de 70 % la capacité de la fleur à produire un fruit. A 38 °C, toutes les fleurs présentes vont subir un avortement floral et vont tomber en deux ou trois jours, parce qu’elles n’auront pas supporté ces températures-là.

    Autre exemple : on a eu 36 à 40 °C pendant trois jours du côté du Poitou-Charentes, de Nantes, des Pays-de-la-Loire, du nord de l’Aquitaine. On a alors des problématiques de remplissage du grain sur l’orge de printemps et sur le blé d’hiver. En effet, sa croissance commence à ralentir vers 32 °C et à 38 °C. Ça veut dire que le grain - qui doit être récupéré pour être mangé derrière – va être plus petit parce qu’on a eu des vagues de chaleur pendant ce remplissage qui ont réduit la taille et le poids des grains. Au final, ces températures impactent aussi le rendement et donc le revenu des agriculteurs.

    Et ce qui est vrai pour les végétaux, l’est aussi pour les animaux. La canicule peut entraîner une baisse de production de lait, une baisse de ponte, et une baisse de croissance. En résumé, on a vraiment tous les ingrédients pour passer un mauvais été.

    Les prévisions du site agroclimatologie.fr qui permet de traduire les données météo des jours à venir, en impact économique sur les vergers, potagers, des cultures des particuliers et des agriculteurs.

    Les prévisions du site agroclimatologie.fr qui permet de traduire les données météo des jours à venir, en impact économique sur les vergers, potagers, des cultures des particuliers et des agriculteurs. - Capture d'écran agroclimatologie.fr

    Comment s’adapter face à cette situation ?

    Pour s’adapter, on peut miser sur l’irrigation car on va avoir de plus en plus de problématiques d’eau. Cette option permet de sécuriser la production et d’éviter d’acheter à l’étranger. Mais il ne faut pas que les retenues soient la solution : il faut aussi retravailler les sols, reverdir le paysage et que ce soit accompagné de révolutions du système agricole.

    Mais ça dépend des territoires. Quand dans la région de Carcassonne, on atteint les 40-42 °C, l'une des voies d’adaptation, ce n’est pas de l’ombrage ou de l’irrigation. On dépasse le seuil de résistance des espèces présentes sur le territoire, donc, si on veut rester dans l’agriculture, il faut changer d’espèces. Et ainsi passer à de l’olivier, à des agrumes, qui peuvent résister jusqu’à 45 °C avant d’avoir des brûlures sur leurs feuilles. Mais changer d’espèce induit un changement de filière, de toute son économie, d’AOC, d’IGP, de consommation sur le territoire, d’installations d’entreprises, de matériel de stockage, de séchage… Mais c’est un profond changement qui prend vingt ans minimum et qui doit être accompagné par de la pédagogie, de l’éducation sur les évolutions territoriales. Ce sont donc des réflexions qu’on aurait dû avoir il y a longtemps. Le changement climatique est beaucoup plus rapide que la réflexion sur l’évolution.

    Dans le Nord, on peut encore travailler sur la même espèce mais on va changer de variété, ce qui permet de s’adapter à ces températures et à ces nouvelles conditions. C’est « plus simple » car on change « juste » de goût, le calibre. C’est acceptable à court terme.

    Notre dossier sur le réchauffement climatique

    Et à long terme ?

    En 2050, avec le réchauffement climatique, les scénarios prédisent 45 à 50 °C plus fréquemment. Dans ce cas-là, on sera dans une impasse. Quand on atteint ces températures sur des territoires qui ne les ont jamais eues, il n’y a pas de solution. On ne peut que constater un dépérissement de nos arbres. Donc, après 2050, la principale solution, c’est de ne pas atteindre ces températures et de diminuer les gaz à effet de serre drastiquement à l’échelle mondiale.

     

  • Runaway train

    RUNAWAY TRAIN 

     

    Synopsis :

     

    Manny et Buck parviennent à s'échapper de prison. Leur fuite est très compliquée et dangereuse car ils sont au beau milieu de l'Alaska, région aux conditions climatiques glaciales. Toutefois, ils rejoignent une gare et montent à bord d'un train. Malheureusement pour eux, le conducteur est victime d'une crise cardiaque et les freins du convoi ne répondent plus ! La vitesse ne cesse d'augmenter et personne ne semble capable de la faire redescendre...

     

    Nous sommes les participants enthousiastes ou réfractaires d'un business planétaire et nous ne pouvons pas en sortir. Et c'est justement parce que nous n'avons plus la possibilité d'en sortir que ce business planétaire court à sa perte. Par épuisement des ressources, par une dévastation effrénée.

    Ça prendra un certain temps mais c'est inéluctable. Personne, d'ailleurs, n'est en mesure d'identifier une date précise pour une raison toute simple : il y a trop de paramètres. 

    Il ne nous reste qu'à nous y préparer et en fait pas grand monde, actuellement, n'a idée de ce que ça signifie. 

    L'explication est très simple.

    Le business. Nous sommes les proies du business et en même temps son moteur. Et c'est en cela que c'est effroyable. Car pour nous sauver, il faudrait que nous nous amputions de nous-mêmes tellement ce business est devenu une partie de nous. Ceux qui en profitent et ceux qui en rêvent, les pays "développés" et ceux qui luttent pour leur développement. Et ce terme est effroyable puisqu'il contient les raisons du désastre en cours. Un développement mortifère, celui sur lequel nous avons bâti notre prédominance, celui qui nous offre un confort que toutes les générations précédentes cherchaient à atteindre. Nous ne mourons pas de faim, nous bénéficions de soins médicaux qui ont su considérablement progresser, nous vivons dans des maisons avec l'eau courante et l'électricité, nous pouvons nous déplacer rapidement. Oui, je sais, un très grand nombre de personnes ne peuvent pas en dire autant, et même dans nos pays "développés". Les différences de niveau dans ce "confort", des plus nantis aux plus démunis, sont considérables.  Mais c'est ainsi que nous vivons, dans cette quête de ce que nous considérons comme la seule qualité de vie possible.

    Et moi aussi.

    Même si nous avons un potager qui nous nourrit, que nous l'arrosons avec l'eau de pluie récupérée dans des citernes et désormais une source, que nous ne mangeons pas d'animaux, que nous ne prenons pas l'avion, que nous voyageons uniquement en France et sur des distances très faibles, que nous portons les mêmes vêtements depuis bien longtemps (sauf les chaussures de montagne que nous usons très, très rapidement), que nous n'allons pas en ville pour faire les magasins et que lorsque nous devons inévitablement y aller, c'est une journée gâchée, que nous cherchons à dépenser le moins possible, que nous recyclons, que je récupère plus de choses que je n'en jette ou donne etc... il n'en reste pas moins que je participe à un phénomène de masse considérablement puissant. Je me chauffe au bois, j'utilise l'électricité, je consomme de l'eau potable pour les wc, la vaisselle, la machine à laver, je brûle du pétrole avec la voiture ou le fourgon, je consomme l'essentiel mais je fais partie du système. 

    Il n'y a pas de solution. Nous allons donc poursuivre sur cette voie jusqu'à ce que la Nature vienne entraver le convoi.

    Le problème, c'est que ce convoi ne supporte aucunement l'entravement. Il ne sait pas ralentir, il sait encore moins s'arrêter. Il a donc décidé d'aller jusqu'au déraillement. Coûte que coûte. Persuadé que le progrès contient en lui-même la résolution aux problèmes qu'il génère.

    L'humanité vit hors sol et s'imagine que le convoi taille sa route dans une Nature qu'il dominera toujours, qu'il pourra indéfiniment l'exploiter, qu'il trouvera des solutions à tous les problèmes  liés à "l'environnement". Ce fameux "environnement". Comme s'il y avait nous, les humains et puis le reste. Pure folie. Il n'y a qu'une réalité. C'est le Tout. Nous nous en sommes extraits, nourris par la puissance du business, nourris par le progrès.

    La Nature n'a pas besoin de nous. Elle est un Tout mais elle peut se passer d'une partie. De nous.

    Il faudrait nous alléger, réduire la vitesse de ce chaos en marche, nous retirer autant que possible, non seulement pour les générations à venir mais pour nous épargner aussi, ceux tout du moins qui ont une part de conscience, de crever de honte un jour prochain car nous serons tous responsables aux yeux de nos descendants.

    Mais est-ce que ce retrait est envisageable à grande échelle ? Prenons la situation dans son ensemble : il y a deux problématiques. Celle qui me restent de ma formation en sophrologie, suivie il y a bien des années déjà.

    Une personne peut souffrir intérieurement au regard de l'interprétation qu'elle a de la réalité, une interprétation liée à son histoire personnelle et bien entendu à son enfance. Nous portons ce que nous avons traversé et nous réagissons à travers des filtres multiples jusqu'à considérer, parfois, que les situations nous sont défavorables quand elles ne sont dans leur réalité intrinsèque que des interprétations. Il s'agit donc pour cette personne de parvenir à se relier à l'instant sans lui apporter le moindre "commentaire", c'est à dire à rester ancré dans la réalité sans l'alourdir.

    Dans le cas de l'état de la planète, il n'y a aucune interprétation. Ce sont des faits, pas des interprétations. Il est donc inopportun de chercher à saisir la réalité. Il n'y a pas d'autre réalité.

    Deuxième situation. La personne souffre de la réalité, sans pour autant lui apporter des interprétations erronées, elle est lucide, clairvoyante, ses états d'âme sont justifiés. Elle n'a qu'une solution : quitter cette situation pour s'inscrire dans une autre réalité.

    Dans le cas de l'état de la planète, c'est bien évidemment impossible puisque cette situation est planétaire. Qu'elle parte vivre au Canada ou en Australie, au Groenland ou en Patagonie, les effets du réchauffement climatique et du dépassement des limites écologiques seront les mêmes dans leur ampleur. Il n'y a pas d'autre réalité.

    Nous avons choisi le développement matériel, technologique, scientifique, c'était un réel besoin, il y a un certain temps. La quête de l'avoir. Et nous nous sommes tellement investis dans cette quête que nous avons délaissé, jusqu'à en oublier la nécessité, la quête de l'être. L'éthique également, au regard de la planète. Nous sommes devenus les maîtres, c'est à dire en fait les prédateurs. 

    Nos gesticulations actuelles, notre recherche d'équilibre, de sobriété, d'économie dans le sens premier du terme, tout ce que nous pouvons tenter de faire désormais, il faut bien comprendre que c'est trop tard. Nous ne stopperons pas le train, et même si nous parvenons à le freiner, il continuera sa route. Et cette route sera de plus en plus chaotique.

    Non, je ne suis pas défaitiste ou déprimé, ni même en colère. Tout ça est déjà consumé. Je suis dans le train et je regarde les paysages. Je n'écoute plus vraiment les paroles des autres passagers, tout ce fatras d'idées, ces opinions qui se combattent, je ne cherche plus à faire entendre ma voix et même ce texte que je partage, je l'ai d'abord écrit pour moi. Pour être au clair parce que j'ai besoin d'écrire pour saisir la réalité. 

  • Carte IGN au 25/000 ème

    En mode exploration, voilà notre bonheur en montagne. Loin, très loin du tourisme de masse...

    Prendre une carte au 25/000 ème, chercher un itinéraire avec les petits pointillés noirs, lire les courbes de niveau, repérer les reliefs, les vallons, les crêtes, les sommets, les prairies alpines, les forêts, les ruisseaux, une croix, une balise, une fontaine et puis chercher, chercher, suivre les sentes des animaux, trouver parfois une trace de peinture, des rochers usés, des marques de chaussures dans la terre, une faille, une brèche, un "pas", les fameux "pas" découverts par les Anciens. Des journées entières Là-Haut. 

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  • TOUS, SAUF ELLE : coma.

     

    Dans la rubrique THÈMES, il faudrait que je crée une page qui regrouperait tous les extraits de mes romans dans lesquels les personnages vivent une expérience de conscience modifiée.

    De VERTIGES à JARWAL, ils contiennent tous cette dimension, cette exploration, cet espace que nous n'avons pas encore parcouru, cartographié, identifié et qui me fascine. 

     

    TOUS, SAUF ELLE

    Hôpital sud de Grenoble, service de neurochirurgie.

    «  Lieutenant Bréchet. »

    Théo montra sa carte au Docteur Flaurent auprès duquel il avait obtenu un bref échange.

    « Docteur, vous pouvez me donner des nouvelles de madame Bonpierre ? Une enquête est en cours. »

    Théo regretta immédiatement le ton de sa voix. Trop directe, autoritaire, trop intrusive. Toujours ce manque de diplomatie qu’on lui reprochait, la courtoisie qu’il était incapable d’adopter quand l’urgence l’emportait. Il se fustigeait régulièrement mais ne parvenait jamais à respecter ses promesses. Il avait même fini par réaliser que ses relations extra-professionnelles souffraient parfois de cette fâcheuse tendance à paraître présomptueux. Lui savait qu’il n’en était rien. Il ne s’expliquait cette rudesse relationnelle que par sa méfiance chronique envers l’humain.

    Le docteur était plus petit que Théo et il releva légèrement la tête, pour plonger les yeux dans ceux du lieutenant. Il n’aimait pas cette attitude de cow-boy. Il n’aimait pas la police en général. Trop d’arrogance.

    « Mademoiselle… lieutenant. Pas madame. Je sais que le terme est désuet mais pour un homme de mon âge, il a toujours la même valeur.

    –Ah, désolé. »

    Le chirurgien faillit dire qu’il ne lisait pas correctement ses fiches mais il se retint.

    « Coma profond, continua-t-il, un hématome conséquent, il faut que je l’opère demain matin. Pour l’instant, il s’agit de la stabiliser et de la préparer. C’est une opération délicate, des zones cérébrales majeures.

    –Il peut y avoir des séquelles ?

    –Elle peut même mourir. Mademoiselle Bonpierre a certainement passé plusieurs heures dans cette voiture avant d'être secourue. C'est un paramètre inquiétant. Pourquoi y a-t-il une enquête ?

    –Il y avait deux flics avec elle, deux collègues. Un est mort et l’autre est dans le coma, alors vous voyez, on aimerait être sûr qu’il s’agit bien d’un banal et tragique accident. 

    –Vous aimeriez donc que je vous prévienne lorsqu'elle se réveillera ? Et vous imaginez sans doute qu’elle sera en état de tout vous raconter. Alors, écoutez, lieutenant, Laure Bonpierre ne sera peut-être plus de ce monde dans quelques heures ou alors, elle sera dans un état végétatif, ou elle aura toutes ses capacités mais peut-être plus celle de la parole, ou elle sera totalement amnésique, ou frappée d’amnésie partielle et je pourrais continuer la liste des hypothèses encore un moment. Il s’agit de neurochirurgie pas d’une appendicite. »

    Regards croisés. Tensions similaires.

    « OK, Docteur, désolé si je me suis montré incorrect. Disons que j’ai l’impression qu’on pourrait apprendre quelque chose de capital. Et j’aimerais vraiment comprendre ce qui s’est passé pour mes deux collègues.

    –Si je juge, qu'un jour, Mlle Bonpierre est apte à vous aider, je vous préviendrai.»

    Théo salua le docteur en lâchant un « Merci » qu'il chercha à envelopper dans un sourire appuyé.

    Laure Bonpierre.

    Il rejoignit sa voiture en regrettant de n'avoir pas pu la voir.

    La lumière dans son corps, un rayonnement d’une douceur infinie, comme une caresse d’ange. Elle n’avait aucune douleur puisque son corps n’était plus que lumière. Elle sentait en elle l’agitation des atomes, rien ne lui appartenait, la lumière l’avait désintégrée et ses molécules dansaient dans le flot. Elle ne comprenait pas comment il était possible de sentir quelque chose en soi quand on n’a plus de matière. À moins, qu’elle soit devenue de la lumière. Non, ça n’était pas elle, mais en elle, elle n’était pas la lumière mais la lumière lui permettait de rester là, de ne pas s’engager plus loin dans le canal des âmes. Oui, c’était ça.

    Elle avait regardé la lumière investir le corps penché devant elle, elle l’avait vu tressauter, comme un mécanisme ranimé, une clé tournée pour relancer les engrenages. Elle se souvenait de l’allégresse de la vie dans les étincelles qui l’enveloppaient. Une intensité lumineuse sur la poitrine. Elle avait entendu le premier souffle ranimé, une longue inspiration et un profond relâchement, comme un soulagement merveilleux, un délice, une renaissance.

    La tête du conducteur penchait par contre d’une façon incompatible avec la vie. La lumière ne l’avait même pas effleuré. Une intervention inutile.

    Des crépitements, comme des sarabandes endiablées d'étoiles électriques. Elle avait été enveloppée.

    Elle avait très clairement perçu le renforcement de l’intensité lumineuse à l'intérieur, le rayonnement qui parcourait les réseaux de son cerveau, elle avait vu les effluves comme des risées disparates à la surface de l’océan. Elle avait trouvé cela très beau. Comme un plongeur éclairant de sa lampe le plafond d'une grotte marine, elle avait parcouru l'intérieur de son crâne dans une apesanteur magique, fascinée par l'acuité étrange de son regard : elle ne voyait pas les choses, elle en ressentait l'énergie.

    Elle était tombée en admiration devant cette complexité miraculeusement organisée à l'intérieur d'elle. Pouvoir contempler la vie en soi et se réjouir du miracle. Elle avait pensé qu'elle avait une chance inouïe.

    Puis, son regard s’était tourné vers une paroi translucide, des mouvements rapides qui effaçaient des débris et elle avait croisé des yeux effarés, un visage penché comme à travers une lucarne. Elle avait perçu de l’effroi, un courant d’air glacé.

    Et tout s’était éteint.

    Maintenant, elle entendait les voix autour d’elle. Elles parlaient toutes d’un cerveau très abîmé. Elle aimait le parfum de fleurs qui accompagnait la voix d’une femme. Elle se souvenait d’un Indien. C’était étrange tout ce blanc à l’intérieur.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • A travers le tunnel

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    Les expériences de mort imminente

    Publié le samedi 24 mai 2025

    Des personnes dans un tunnel ©Getty

    Provenant du podcast Carnets de santé

    Steven Laureys est l'un des plus grands spécialistes mondiaux du cerveau et du coma. Passionné par les expériences de mort imminente, il a cherché à comprendre ce qui se passait scientifiquement en se soumettant à des expérimentations.

    Avec

    Steven Laureys, neurologue, directeur de recherche au Fonds de la recherche scientifique (FNRS) et fondateur du Coma science Group au centre de recherche de l’université de Liège

    Que se passe-t-il dans le cerveau d’une personne dans le coma ? Que comprend-elle ? Qu’entend-elle ? Quel espoir de réveil, de récupération ? Peut-on d’emblée prédire ses possibilités et donc adapter la prise en charge du patient ? Bien sûr, les connaissances, notamment grâce aux nouvelles technologies d’imagerie cérébrale, ont progressé, mais cet état reste encore très mystérieux et continue à la fois d’inquiéter et de fasciner.

    Les expériences de mort imminente sont-elles de pures hallucinations ?

    Marina Carrère d'Encausse s'entretient avec Steven Laureys, qui, tout au long de sa carrière, a exploré l'esprit humain, nos pensées, nos perceptions et émotions. Ses travaux portent sur le coma, mais aussi sur les commotions cérébrales, l’anesthésie, le rêve, l’hypnose, la transe, la méditation.

    La conscience reste un des grands mystères pour la science

    D’une spécialité que certains considéraient comme ésotérique, les choses ont évolué et aujourd’hui, selon le neurologue : « on a une vision beaucoup plus dynamique avec la neuroplasticité (c’est-à-dire le fait de pouvoir développer de nouvelles connexions et de nouveaux réseaux pour que le cerveau continue de fonctionner, même si des zones ont été abîmées.) Il y a des patients, certainement les jeunes, traumatisés crâniens, où ces milliers de milliards de connexions arrivent, et cette plasticité, peut assurer une récupération fonctionnelle. De plus, la neuroimagerie nous a permis de mieux documenter et d'être plus précis dans le diagnostic et aussi dans le pronostic, et même de proposer de nouvelles pistes thérapeutiques. »

    Mais malgré les avancées médicales, le directeur fondateur du Coma Science Group à l'Université de Liège reste prudent : « la conscience reste un des grands mystères pour la science. » […] Finalement, le cerveau, l’on dit que c'est une fonction émergente à travers ces connexions, cette dynamique entre le thalamus qui est profond et ces deux réseaux de la conscience. »

    4 à 5% d’expérienceurs, c’est-à-dire de personnes qui ont vécu une EMI

    Il y aurait dans le monde 4 à 5% d'expérienceurs, ces personnes qui ont vécu une EMI. Pour comprendre ces personnes, le spécialiste du cerveau et de la neurologie de la conscience, a tenté d'en vivre une : « Je me suis fait injecter de la psilocybine dans mes veines, lors d’une IRM à Londres. Je n'avais plus de corps, j'étais un avec l'univers. J’ai eu cette vision du tunnel, et j'ai perdu connaissance. Et entre-temps j’ai vécu toutes les caractéristiques, y compris la décorporation».

    Que se passe t-il dans notre cerveau lorsque l'on fait une EMI ?

    Cela fait 25 ans que l'on étudie ces états modifiés de conscience, le coma, ce qui se passe aux soins intensifs. 15% des personnes au CHU de Liège qui survivent ont une expérience de mort imminente. Mais l’EMI n'est pas la mort cérébrale car jamais une personne avec les critères de mort cérébrale n’est revenue pour dire ce qu'elle avait vécu. A l’avenir, le Professeur en est convaincu : « des médecins vont proposer une théorie de la conscience, des pensées, des perceptions, des émotions. Entre temps, on a une série de données expérimentales, d'hypothèses ». Et de conclure que : « Comprendre notre univers intérieur, cela nécessite des scientifiques un peu rebelles qui osent remettre en question les vérités d'aujourd'hui. »

    L'EMI, est-ce la preuve de la vie après la mort ou une pure hallucination ? La conscience réside-t-elle uniquement dans le cerveau ? Steven Laureys a tenté de comprendre ces patients qui racontaient leur expérience et a tout fait pour en vivre une. Le neurologue explique la façon dont ses connaissances et ses hypothèses ont évolué au fil de ses travaux.

     

    TOUS, SAUF ELLE

     

     

    CHAPITRE 2

    Des visages sans relief. Des peaux lisses qui l’observaient scrupuleusement, la détaillaient intérieurement. Elle sentait leurs regards sur son âme, comme des brises tièdes qui l’enveloppaient. Elle ne savait dire ce qu’elle était malgré le flot puissant de ressentis. Elle avançait sans aucun mouvement, elle n’était plus qu’un souffle d’air, un rayon de lune, l’éclat tremblotant d’une étoile naine et pourtant, chacune de ces âmes rencontrées la parcourait comme le flux sanguin de la vie. Elle les voyait et simultanément elle les sentait en elle.

    Elle ne possédait pourtant plus aucune enveloppe. C’était une certitude. Mais tout était là. L’air sur sa peau, le son du silence, le toucher des parois circulaires qui crépitaient et tous ces visages lisses qu’elle croisait. Où que se pose son regard, elle ne discernait qu’une myriade de présences.

    Elle avançait à des vitesses stupéfiantes dans une immobilité absolue. Une aimantation vers le fond de l’univers. Un plongeon intemporel vers les étoiles. Elle était subjuguée par ce puits vertical et elle aurait été incapable de préciser le sens de son déplacement. Comme s’il n’y avait plus d’espace, pas plus que de temps.

    C’est là que Figueras s’était interposé et avait stoppé sa progression. Elle avait reconnu le sourire flamboyant de ses prunelles. Les mots avaient résonné quelque part en elle.

    « Tu n’as pas fini ton parcours. Retourne d’où tu viens. Réintègre ta matière. Tu te souviendras de ce que tu es quand tu ne seras plus ce que tu crois être. »

    Tout était là sans qu’elle n’y comprenne rien.

  • Sit around the fire

     

    Il est très rare que j'écoute de la musique chantée. 

    Mais là, cette voix ne chante pas, elle parle, elle enseigne, elle apaise.

    Et la musique de Jon Hopkins, je l'aime depuis si longtemps que j'ai parfois l'impression qu'elle vit en  moi, J'imagine que la partition de cet accompagnement est d'une lecture très simple pour un musicien et elle est pour moi d'une perfection absolue. Il ne manque rien et rien d'inutile ne s'impose. Tout est juste.

     

     

    Paroles de la chanson Sit Around The Fire (Traduction) par Jon Hopkins

     

    Sit Around The Fire (Traduction) Paroles originales du titre

    Chanson manquante pour "Jon Hopkins" ? Proposer les paroles
    Proposer une correction des paroles de "Sit Around The Fire (Traduction)"

    Au-delà de toutes les polarités
    Je suis
    Que les jugements et les opinions de l'esprit
    Soient des jugements et des opinions de l'esprit
    Et tu existes derrière ça

    Ah alors
    Ah alors

    Il est vraiment temps que tu voies à travers l'absurdité de ta propre situation
    Tu n'es pas celui que tu croyais être
    Tu n'es pas cette personne
    Et dans cette vie
    Tu peux le savoir
    Maintenant

    Le vrai travail que tu dois faire
    Se trouve dans l'intimité de ton cœur
    Toutes les formes extérieures sont belles
    Mais le vrai travail
    Est ta connexion intérieure

    Si tu es silencieux quand tu médites
    Si tu ouvres vraiment ton cœur
    Apaise ton esprit
    Ouvre ton cœur
    Apaise l'esprit, ouvre le cœur
    Comment apaiser l'esprit ?
    Tu médites
    Comment ouvrir le cœur ?
    Tu commences à aimer ce que tu peux aimer
    Et tu continues de l'élargir
    Tu aimes un arbre
    Tu aimes une rivière

    Tu aimes une feuille
    Tu aimes une fleur
    Tu aimes un chat
    Tu aimes un humain
    Mais tu vas de plus en plus profondément
    Jusqu'à ce que tu adores
    Ce qui est la source de lumière derrière tout ça
    Derrière tout ça
    Tu ne vénères pas la porte
    Tu pénètres dans le temple intérieur

    Tout en toi
    Ce dont tu n'as pas besoin
    Tu peux le lâcher
    Tu n'as pas besoin de solitude
    Car tu ne pourrais pas être seul
    Tu n'as pas besoin de cupidité

    Parce que tu as déjà tout
    Tu n'as pas besoin de doute
    Parce que tu sais déjà

    La confusion dit
    "Je ne sais pas"
    Mais dès que tu es silencieux
    Tu découvres que dans la vérité
    Tu sais vraiment
    Car en toi
    Tu sais
    Qu'un avion après l'autre s'ouvrira à toi
    Je veux savoir qui je suis vraiment

    Comme si en chacun de nous
    Il y avait autrefois un feu
    Et pour certains d'entre nous
    Il semble qu'il n'y ait plus que des cendres

    Mais quand on creuse dans les cendres
    On trouve une braise
    Et, très doucement, on évente cette braise
    ... on souffle dessus
    ... elle devient plus ardente
    Et c'est à partir de cette braise que l'on reconstruit le feu
    C'est ce que, toi et moi, nous sommes là pour célébrer

    Ce, même si nous avons vécu notre vie impliqués dans le monde
    Nous savons
    Nous savons que nous sommes de l'esprit

    La braise devient plus vive
    La flamme commence à vaciller un peu
    Et très vite, on comprend que tout ce que l'on va faire pour l'éternité

    C'est s'asseoir autour du feu

  • Blatten

     

    Un village enseveli, une vallée transformée, une rivière bloquée qui devient un lac. L'anticipation des autorités a su éviter un drame humain. Les gens ont perdu leurs biens, leurs souvenirs, ils sont intérieurement dévastés mais ils sont en vie. 

     

    Les commentaires sur les réseaux sociaux, appelés également, défouloir à conneries, vont bon train.

    "Rien à voir avec le réchauffement climatique, il y a toujours eu des phénomènes de ce type dans les montagnes. Les montagnes s'écroulent, c'est normal."

    Bien évidemment, ces gens n'ont aucune formation géologique, ni climatologique, ni scientifique, ni rien du tout. Bon, il faut passer outre, pas le choix.

    Par contre, il est nécessaire de lire les avis des gens de Là-Haut, ceux qui vivent et travaillent en montagne et qui ont les connaissances nécessaires;

     

    Espazium

     

    Lu­do­vic Ra­va­nel: «La haute mon­tagne con­naît une vé­ri­table crise éro­sive»

     

    Fonte des glaciers, déstabilisation des moraines, dégradation du permafrost et écroulements associés: depuis la canicule de 2003, les effets du réchauffement climatique sont de plus en plus visibles dans les Alpes. Pour en savoir plus sur l’avenir de la construction en altitude, TRACÉS est allé à la rencontre du glaciologue et géomorphologue Ludovic Ravanel sur les hauteurs de Chamonix (F).

    Tracés

    Date de publication

    14-12-2023

    Philippe Morel

    Rédacteur en chef adjoint, revue TRACÉS

    Ludovic Ravanel est directeur de recherche au CNRS au sein du laboratoire Environnement et dynamique des territoires de montagne (EDYTEM) de l’ Université Savoie – Mont Blanc, à Chambéry (F).

     

     

     

    On peut dire du belvédère du Montenvers (1913 m) qu’il est le «point zéro du tourisme alpin». En 1741, les voyageurs britanniques William Windham et Richard Pococke en reviennent impressionnés par la vue d’un glacier qu’ils décrivent comme «un lac agité d’une grosse bise et gelé d’un coup». La Mer de Glace était née. À l’instar des autres glaciers alpins au cours du Petit Âge Glaciaire1, sa langue descendait bien plus bas qu’actuellement, menaçant le hameau des Bois, à la sortie de Chamonix. Si, aujourd’hui, la Mer de Glace, plus long glacier des Alpes françaises (11 km), attire toujours les visiteurs venus du monde entier (850 000 en 2022), la gare du Montenvers ressemble toujours plus à un port de la mer d’Aral, déconnecté du rivage par l’évaporation du plan d’eau. Alors que le glacier s’étendait immédiatement en contrebas de la terrasse du Montenvers à la fin du 19e siècle, il faut aujourd’hui emprunter une télécabine et parcourir durant une vingtaine de minutes une suite de passerelles et d’escaliers (550 marches) pour atteindre la glace. C’est sur cette terrasse que, durant l’été, Ludovic Ravanel et d’autres chercheurs proposent aux ­visiteurs une médiation scientifique. Micro à la main, il mêle l’histoire de l’alpinisme à la géologie, la glaciologie et la géomorphologie pour expliquer aux touristes la spectaculaire évolution du paysage qui s’offre aux regards à la sortie des wagons.

    TRACÉS: Monsieur Ravanel, vos publications et vos interventions font régulièrement référence à une « crise érosive » qui affecte la haute montagne. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendez par là?

    Ludovic Ravanel: L’érosion est un phénomène naturel dans les Alpes. Le relief est voué à évoluer au gré des intempéries, des séismes, etc. Géologie et topographie concourent à ces déstabilisations. Mais aujourd’hui, en contexte glaciaire et de permafrost, nous constatons une forte augmentation à la fois de la fréquence et des volumes des déstabilisations. Le retrait des glaciers, conjugué à la dégradation du permafrost, entraînent des taux d’érosion beaucoup plus élevés que ce qui était jusqu’à présent la norme. Aux crises climatiques et de la biodiversité s’ajoute donc une crise érosive en haute altitude.

    La canicule de 2003 marque en quelque sorte l’entrée dans cette crise. Mais, en 20 ans, les choses ont encore accéléré, du fait notamment de la récurrence des épisodes caniculaires depuis 2015. Des capteurs de températures installés dans trois forages réalisés à la fin des années 2000 dans les faces nord-ouest, est et sud de l’Aiguille du Midi (3842 m) confirment cette tendance lourde: en une décennie, la température au cœur du massif rocheux a augmenté de 1 à 1.5° C, soit davantage que l’élévation de la température de l’air.

    Comment cette crise se manifeste-t-elle concrètement dans le paysage autour de la Mer de la Glace?

    Depuis le Montenvers, on voit très bien deux secteurs emblématiques de cette évolution. Le premier est la face ouest des Drus (3754 m). En juin 2005, le pilier Bonatti s’est écroulé d’un coup, laissant une gigantesque cicatrice de 700 m de haut encore très visible aujourd’hui. Avec un peu moins de 300 000 m3, cet écroulement est bien plus petit que celui du Cengalo en 2017 (3,1 mio m3)2, mais il a marqué les esprits car cette face, très élancée, est bien visible depuis la vallée. De plus, ce pilier, de par son histoire, constituait un véritable monument du patrimoine alpinistique3.

    Mais aujourd’hui, la montagne de référence est l’Aiguille du Tacul (3444 m), qui domine la Mer de Glace, à la confluence des glaciers de Leschaux et du Géant. La zone est très fracturée et la répétition d’étés caniculaires a fortement dégradé le permafrost qui assurait la présence de glace dans les fissures et donc la stabilité du tout. Un écroulement d’un volume de plusieurs dizaines de milliers de m3 s’y est produit en deux phases en août 2015; la niche d’arrachement est encore bien visible. Les événements de plus petite taille y sont très fréquents dès que l’isotherme 0° C grimpe en altitude.

    Quelle est l’influence de cette crise érosive sur les infrastructures situées en haute altitude?

    En raison de l’accélération du réchauffement climatique, la construction en contexte de permafrost devient un grand défi. On ne peut plus construire aujourd’hui comme on le faisait dans les années 1970 à 1990. Tant les constructeurs que les gestionnaires en ont pris conscience. Construire sur le permafrost nécessite des études préalables sur l’ensemble de la cryosphère4 et d’en croiser les données avec la géologie propre à un lieu. Si l’on prend le massif du Mont-Blanc, le granite qui le constitue a plus de 300 millions d’années. Il a vécu de nombreux événements géologiques et géomorphologiques qui l’ont fracturé. Le contexte de base est donc déjà favorable aux déstabilisations. Un épisode de forte pluie ou une canicule, encore aidés par la décompression post-glaciaire, feront s’écrouler le château de cartes caractérisant certaines faces. Mais le temps de réponse peut se compter en jours, en semaines ou même en mois, le temps que le dégel se fasse en profondeur, si bien que de gros événements peuvent se produire encore jusqu’en début d’hiver. Si l’on arrive relativement bien à cerner les contextes topographique (orientation et altitude) et géologique favorables aux déstabilisations, prédire où et quand quel volume de roche sera déstabilisé demeure très difficile.

    Les Alpes françaises comptent 947 éléments d’infrastructure, principalement des gares et des pylônes, construits en contexte de permafrost. Pour chacun d’entre eux, on a construit un indice de risque. Certains sont surveillés de près car situés dans des endroits très favorables aux déstabilisations. L’infrastructure la plus à risque est la gare supérieure du téléphérique des Grands Montets (3295 m), à 4 km au nord-est du Montenvers, en arrêt depuis un incendie en 2018, et dont la reconstruction a débuté à l’été 2023. Construire durablement dans ce secteur qui est extrêmement fracturé et autour duquel les glaciers se retirent avec un permafrost qui disparaît constitue un gros challenge: comment en garantir la stabilité durant 30 à 40 ans alors que le réchauffement et ses conséquences s’accélèrent?

    Quelles sont les techniques utilisées actuellement pour construire sur le permafrost?

    Dans le cas des Grands Montets, il a fallu décaisser la roche sur une profondeur de 25 à 30 mètres pour enlever la partie la plus fracturée. C’est également dans cette couche que se trouve la majeure partie de la glace du permafrost. Le soubassement rocheux va continuer à se réchauffer, mais cet assainissement l’aura rendu plus stable.

    Une autre solution consiste à construire sur pilotis afin de favoriser les circulations d’air qui vont entraîner un refroidissement sous les bâtiments. Il est indispensable de dissocier l’infrastructure de la roche de manière à éviter que le bâtiment ne réchauffe le permafrost, ce qui peut se passer, par exemple, lors de la prise du béton, qui va relarguer de la chaleur. Dans le même ordre d’idée, il faut isoler les bâtiments pour éviter la conduction de chaleur dans la roche.

    La gestion des eaux est tout aussi fondamentale. Il est nécessaire de les évacuer le plus possible des infrastructures et des zones sensibles. Le permafrost se dégrade tout d’abord par conduction de chaleur depuis la surface, causant l’approfondissement de la couche active. Mais l’advection de chaleur par l’air et par l’eau circulant dans les fractures de la roche est un phénomène plus insidieux, qui peut conduire à la formation de couloirs de dégel menant à une dégradation beaucoup plus profonde. L’écroulement des Drus s’explique d’ailleurs bien mieux par l’advection de chaleur le long des grandes fractures qui délimitaient l’arrière du pilier que par conduction depuis la surface. Durant le mois de juin 2005, il a beaucoup plu, et très haut en altitude, du fait de températures élevées.

    Qu’en est-il plus spécifiquement des refuges de montagne?

    En ce moment, les bivouacs suscitent beaucoup d’inquiétude. Dans les Alpes, ils ont tendance à tomber les uns après les autres, cinq ou six ont disparu ces dernières années. Cela a commencé en 2019 avec le bivouac des Périades (3421 m). Des cristalliers avaient observé un basculement de l’abri. L’ancienne structure, un objet à très forte valeur patrimoniale, a été héliportée dans la vallée de Chamonix; une nouvelle a été posée une vingtaine de mètres plus loin, sur un éperon plus solide que le tas de cailloux cimenté par la glace du permafrost de l’emplacement original. L’histoire s’est répétée en 2022 au bivouac Alberico-Borgna (3675 m), toujours dans le massif du Mont-Blanc. Des alpinistes y ont passé une très mauvaise nuit en juillet: le bâtiment craquait, il y avait des trous dans le sol. Un mois plus tard, les débris du bivouac jonchaient le glacier de la Brenva, plusieurs centaines de mètres en contrebas. Le problème tient au fait que ces structures ont été construites il y a assez longtemps, avec des températures nettement plus fraîches. Aujourd’hui, on réfléchirait autrement avant d’y construire un plus gros bâtiment.

    Mais cette problématique concerne également les plus gros refuges, comme celui des Cosmiques (3613 m)5. Le 22 août 1998, alors que j’y travaillais en tant qu’aide-gardien, nous avons senti le bâtiment bouger en fin de journée. Nous avons pensé qu’une grosse avalanche de glace sur le glacier des Bossons en était la cause. Mais le lendemain, nous avons découvert qu’un écroulement de 600 m3 avait emporté une partie de la structure métallique soutenant le bâtiment. Il a évidemment été évacué immédiatement et n’a rouvert qu’un an plus tard, après de lourds travaux. Une centaine de clous ont été nécessaires à la stabilisation de son soubassement rocheux. Mais l’évolution n’est pas très bonne. Le bâtiment est posé sur une crête. Le permafrost, encore présent il y a 20 à 30 ans, a disparu en face sud, mais pas en face nord. Cela génère des contraintes, encore renforcées par le retrait du glacier du Géant. Cette combinaison entre fonte du permafrost et décompression post-glaciaire est très problématique.

    Actuellement, dans le massif du Mont-Blanc, un refuge m’inquiète beaucoup : les Grands Mulets (3051 m), situé plus bas en altitude, près de la limite inférieure du permafrost. Les deux glaciers qui entourent l’arête des Grands Mulets ont beaucoup perdu en épaisseur ces deux dernières décennies. On constate déjà des blocs qui bougent et des fissures qui s’ouvrent autour du refuge, mais il n’y a pas encore de dommage sur le bâtiment.

    L’accès au sommet du mont Blanc devient difficile: cette année, c’est du côté des Aiguilles Grises, sur la voie normale italienne, et du col Infranchissable qu’ont eu lieu les plus gros écroulements.

    Pour rester sur l’accès au mont Blanc, qu’en est-il du refuge du Goûter?

    Le refuge du Goûter (3817 m) est connu pour les chutes de pierres qui menacent son accès et en font un endroit très accidentogène. Le refuge lui-même repose sur une zone certes très fracturée mais peu favorable aux déstabilisations majeures. Au niveau du permafrost, sa construction sur pilotis améliore sa durabilité. Les concepteurs ont en quelque sorte anticipé la fonte du permafrost en installant ces pieux jusqu’à 16 m de profondeur, dont 5 correspondaient à une marge de sécurité envisagée de quelques dizaines d’années vis-à-vis de la dégradation du permafrost. Mais l’accélération du phénomène, depuis la construction du refuge en 2012-2013, a grignoté cette marge beaucoup plus vite qu’escompté.

    Quelle est actuellement la zone la plus critique, sachant que la moitié des refuges du massif du Mont-Blanc est située au-dessus de 2900 m d’altitude?

    On peut tout d’abord distinguer trois types de risques: un risque direct, in situ, de déstabilisation pour les bâtiments; un risque d’atteinte, par le haut, par des éboulements et des écroulements; et, enfin, un risque d’événements en cascade, où un écroulement peut déclencher à sa suite une avalanche, comme celle de la Brenva à Courmayeur (I) en 1997, ou une lave torrentielle, comme au Cengalo en 2017 ou au Fluchthorn (CH/Ö) en 2023, qui peuvent faire des dégâts très bas dans les vallées. À 2900 m, la situation est relativement sûre en ce qui concerne le permafrost, car il a déjà disparu. Restent les risques qui viennent de plus haut et qui dépendent essentiellement de l’emplacement du bâtiment.

    Au-delà de 3000-3200 m, le permafrost situé sous les fondations constituera un sérieux problème jusqu’à l’atteinte d’un nouvel état d’équilibre, avec une nouvelle limite du permafrost qui se situera au-dessus de 4000 m en 2100. Pour l’essentiel des massifs situés entre 3000 et 4000 m, les prochaines décennies seront celles de la matérialisation et du paroxysme de la crise érosive, qui devrait ensuite décroître sur la fin du siècle. Le nouvel équilibre sera atteint une fois que les terrains devant se déstabiliser l’auront été.

    On peut faire le parallèle avec le massif des Aiguilles Rouges voisin, ou encore les Pyrénées, où l’on ne retrouve quasi plus de permafrost en raison de leur plus faible altitude, et où les déstabilisations ont eu lieu à d’autres moments de l’Holocène, comme l’Optimum climatique du Moyen-Âge. En étudiant ces massifs et leur comportement lors de ces anciennes périodes chaudes, on peut avoir une idée de ce qui nous attend. Mais une différence majeure demeure: le réchauffement y a été beaucoup plus lent que ce que l’on observe actuellement dans les Alpes, d’où cette notion de crise.

    À la question du permafrost s’ajoute aussi celle de l’évolution des masses glaciaires. Sous le sommet de l’Aiguille du Midi se trouve un glacier froid dont l’ablation, par définition, ne devrait se faire que par déstabilisation de séracs. En 2022, l’été de tous les records, un véritable torrent le dévalait, je n’avais encore jamais vu quelque chose de pareil. On en vient donc presque à devoir modifier les définitions fondamentales de la glaciologie! C’est d’autant plus inquiétant que la perte d’englacement et le ruissellement concourent à la dégradation du permafrost.

    Chamonix et sa vallée sont indissociables de l’alpinisme. Quel est l’impact de l’évolution climatique sur sa pratique?

    Les alpinistes ont l’habitude de s’adapter aux conditions du moment. On voit donc toute une série de modalités d’adaptation. La plus efficace est un changement de saisonnalité. L’alpinisme, qu’on pratiquait traditionnellement au cœur de l’été dans les années 1970 à 1990, se fait maintenant davantage au printemps, voire même en hiver, la saison devenant de moins en moins rigoureuse. Le métier de guide change aussi, avec des cordées moins nombreuses, une modification des itinéraires, des techniques de progression qui évoluent. Les guides sont également plus mobiles à l’échelle des Alpes, ou élargissent leur offre avec du canyoning ou de la via ferrata, des activités qui se pratiquent à plus basse altitude. Ces modalités d’adaptation sont efficaces aujourd’hui, mais qu’en sera-t-il dans 15 à 20 ans?

    Quel est l’impact de ces changements sur la fréquentation des refuges?

    Les refuges et leurs gardiens s’adaptent à ce décalage saisonnier, mais la fréquentation est difficile à évaluer, car, à part pour le Club Alpin Suisse, on dispose de peu de données avant l’an 2000. D’après une récente étude6 menée dans les Alpes valaisannes, on observerait une légère décroissance des nuitées, mais une croissance des visites à la journée, synonyme d’une évolution du type de visiteurs, de l’alpiniste vers le randonneur. A contrario, l’évolution du milieu péjore l’accès à de nombreux refuges, ce qui tend à les réserver aux alpinistes pour des questions de technique. Le maintien de l’accès aux cinq refuges de la Mer de Glace (Charpoua, Couvercle, Leschaux, Requin et Envers des Aiguilles) a ainsi nécessité la pose de pas moins de 800 m d’échelles depuis les années 1990 pour pallier la baisse du niveau du glacier7!

    Notes

    1 Période climatique froide principalement localisée sur l’Atlantique nord ayant approximativement eu lieu entre le début du 14e siècle et la fin du 19e siècle.

    2 Philippe Morel, «Quand les montagnes s’effritent», TRACÉS 18/2017

    3 Du 17 au 22 août 1955, le célèbre alpiniste italien Walter Bonatti ouvrit en solitaire un itinéraire majeur sur le pilier sud-ouest des Drus. Une réalisation magistrale qui marqua l’histoire de l’alpinisme. Walter Bonatti, À mes montagnes, Arthaud, 1962

    4 On entend par cryosphère l’ensemble des constituants du système terrestre composés d’eau à l’état solide, notamment les glaces de mer, de lac et de rivière, les sols enneigés, les précipitations solides, les glaciers, les calottes glaciaires, les inlandsis et les sols gelés de façon permanente ou saisonnière.

    5 Ce refuge a été construit dans les années 1930 pour étudier le rayonnement cosmique en altitude. Il a été géré jusqu’aux années 1990 par le CNRS.

    6 Jacques Mourey, Christophe Clivaz et Philippe Bourdeau, «Analyser l’évolution des pratiques sportives en montagne peu aménagée à partir des données de fréquentation des cabanes. Applications aux Alpes valaisannes», Journal of Alpine Research/Revue de géographie alpine 111-1, 2023

    7 Jacques Mourey and Ludovic Ravanel, «Evolution of Access Routes to High Mountain Refuges of the Mer de Glace Basin (Mont Blanc Massif, France). An Example of Adapting to Climate Change Effects in the Alpine High Mountains», Journal of Alpine Research/Revue de géographie alpine 105-4, 2017

    À propos
    Ludovic Ravanel est directeur de recher­che au CNRS au sein du laboratoire Environnement et dynamique des territoires de montagne (EDYTEM) de ­l’­Université Savoie – Mont Blanc, à Chambéry (F). Glaciologue et géomorphologue, il s’intéresse à l’évolution des reliefs terrestres, et en particulier à la déstabilisation des terrains situés au-dessus de 2000 m d’altitude. Son parcours de chercheur l’a, entre autres, mené à travailler dans les Universités de Lausanne et de Zurich ainsi qu’à l’ETH Zurich.

     

    Descendant d’une très longue lignée de guides de haute montagne, Ludovic Ravanel est lui-même membre de la Compagnie des Guides de Chamonix. Durant les étés 2000 à 2004, il a été le gardien du refuge de la Charpoua (2841 m), où il a vécu la canicule de 2003 et ses effets sur l’environnement alpin. Aujourd’hui, il ne fréquente la haute montagne presque plus que pour la recherche. Mais son passé d’alpiniste est un atout précieux quand il s’agit, par exemple, d’effectuer le carottage d’un tablier de glace dans la face nord des Grandes Jorasses, pour y prélever un échantillon de l’une des plus vieilles glaces des Alpes – 8000 à 10 000 ans –, avant qu’elles ne disparaissent définitivement.