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Les Prix littéraires
- Par Thierry LEDRU
- Le 20/12/2011
Les prix littéraires tuent (l'édition, les auteurs et les livres)
LE PLUS. Goncourt, Renaudot, Interallié, Fémina... Pour Luis de Miranda, directeur éditorial de la maison d'édition indépendante Max Milo, ces distinctions littéraires contribuent au pourrissement du marché du livre.
> Par Luis de Miranda Philosophe et romancierEdité et parrainé par Hélène Decommer
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/213478;les-prix-litteraires-tuent-l-edition-les-auteurs-et-les-livres.html
À l'approche de Noël, dans des librairies gangrénées malgré elles par l'esprit de lucre, on nous sert la haine sous forme de livres tièdes. En tant qu'auteur d'une douzaine d'ouvrages et directeur éditorial d'une maison d'édition indépendante, je dois vous parler de l'agonie du livre et notamment du roman contemporain, ainsi que de ses assassins présumés : une poignée d'éditeurs parisiens conservateurs, avec la complicité des jurés moribonds des prix littéraires dominants et des critiques littéraires les plus installés, souvent écrivains eux-mêmes. Tout ce beau monde se tient par la barbichette des intérêts croisés. Une histoire de meurtre de la poésie véritable aux multiples coups de poignards, qui pourrait s'intituler Mort sur le Nihil.
Une grande-surface à Massy, en 2007 (NIKO/SIPA)
Le pourrissement du marché
Les prix littéraires tuent. Les mauvaises langues affirment qu'ils seraient le résultat de transactions économiques à peine voilées, orchestrées par un oligopole d'éditeurs dont les règles ne tiendraient pas deux secondes devant un tribunal européen : concurrence déloyale vis-à-vis des petits éditeurs écartés d'office de la compétition, dumping artificiel du marché, entente entre quelques "grandes" maisons, conflits d'intérêts des jurés... Sont-ce d'infâmes rumeurs ? Alors que la fête continue ! D'ailleurs, les Français semblent dupes, puisqu'ils achètent. Mais leur donne-t-on le choix ?
Les prix littéraires tuent car, chaque année, ces offices du bon goût élèvent artificiellement au rang de best-seller une littérature parfois frelatée, sans dimension épique, sans réelle ambition stylistique, créative ou sociétale. Je ne compte plus les lecteurs qui m'avouent, entre la honte et la colère, avoir été déçus par l'achat d'un livre portant la mention Prix Goncourt, Renaudot ou autre.
Puisque le budget littéraire moyen du Français ne dépasse guère un ou deux livres contemporains par an, nous comprenons en partie pourquoi les éditeurs indépendants vivent aujourd'hui une crise sans précédent : les prix littéraires sont en partie responsables du pourrissement du marché, en décevant trop souvent la candeur du lecteur. Que répondent les grandes maisons ? Qu'il y a de toute façon trop de petits éditeurs qui produisent trop de livres.
Principales victimes : les auteurs et petits éditeurs
Comment sont choisis les livres qui intègrent les listes des prix ? Celles-ci sont elles-mêmes faussées. Sur le millier de romans qui paraissent chaque année, les jurés n'en lisent que quelques uns, une dizaine à tout prendre. C'est comme si les correcteurs d'un concours national se contentaient de lire 1% des copies pour y choisir l'élite de demain. Pire, imaginez qu'au lycée on laisse de côté 99% des élèves, sans même considérer leur travail. On ne donnerait des notes et l'opportunité de poursuivre des études qu'à ceux qui fréquenteraient les bonnes écoles et seraient issus des bons réseaux.
Les autres auteurs ? Qu'ils meurent et cessent de se prendre pour des poètes ! Qu'ils se contentent de vendre 300 exemplaires de leur roman, la réelle moyenne nationale, soit comme par hasard 1% des ventes moyennes d'un prix Goncourt. Exagéré ? Non : chaque année des auteurs confirmés se voient refuser la publication de leur nouveaux manuscrits au prétexte qu'ils ne sont pas bankables. La notion d’œuvre, c'est-à-dire de l'auteur étrange, difficile, exigeant, élitaire, qui a besoin du soutien d'un éditeur sur la durée, est à peu près caduque.
La plupart des gros éditeurs ne laissent plus aux auteurs qu'une seule chance : si leur livre ne se vend pas et s'il n'a pas l'heur de toucher une presse littéraire souvent snob ou sectaire, la comptabilité analytique passera l'ambition de l'écrivain au broyeur du refus automatique. On ne compte plus les auteurs SDF de l'édition, ballotés, pour les plus chanceux, d'enseigne en enseigne.
Chaque année aussi, au moment des résultats des prix littéraires, des voix s'élèvent pour dénoncer l'engeance parisienne des grandes maisons. En vain – mais aujourd'hui l'heure est plus que jamais grave, elle est funèbre : dans une édition en panique, lors même que les librairies semblent plus ou moins désertées, la rumeur dit que beaucoup d'éditeurs indépendants ne passeront pas l'hiver, tandis que le cartel des grandes maisons doublera grâce aux sapins son chiffre d'affaires annuel, en comptant notamment sur le trafic des prix littéraires. Ces maisons ne seraient pas longtemps florissantes sans cette concurrence illégale. Un exemple ? Il y a plus de 1000 maisons d'édition publiant des romans en France. Or depuis 2000, en onze ans, Gallimard et ses filiales a obtenu le prix Goncourt 7 fois – soit un taux de réussite de 64% et une somme que j'estimerais à 30 millions d'euros de chiffre d'affaires (basée sur le prix de vente moyen d'un livre) pour ces seuls 7 ouvrages, une part de marché dont aucun monopoliste du CAC 40 n'oserait rêver. Quand bien même les Goncourt de Gallimard seraient tous des chefs-d’œuvre, il y aurait là quelque chose de pourri au royaume du papier.
Pour un moratoire sur les prix littéraires
On me trouvera naïf. Il est temps que les éditeurs et les jurés se souviennent de la raison pour laquelle ils ont aimé lire, lorsqu'ils étaient "naïfs" : souvent, ce fut en découvrant des Rimbaud, des Nietzsche et autres auteurs à peine lus de leur vivant, parfois publiés pour la première fois à compte d'auteur, souvent morts dans des conditions misérables. Romantisme ? Alors soyons réalistes : tuons les marginaux, étouffons les authentiques, castrons les petits, la plupart de ces auteurs assez fous pour écrire encore "avec leurs tripes". Je songe par exemple à Fernando Pessoa, reconnu, maintenant que son cadavre est plus que froid, comme "l'un des plus grands poètes du XXe siècle", mais dont on méprisait les manuscrits lorsqu'il était vivant, ce qui l'obligeait à écrire ses poèmes derrière ses factures de comptable :
Un jour, dans un restaurant hors de l'espace et du temps,
On me servit l'amour sous la forme de tripes froides...
Messieurs, Mesdames les grands éditeurs, Chers membres-des-jurys-des-prix-ayant-pignon-sur-rue, vos seigneuries les "critiques" littéraires, je vous propose, le temps de relancer l'économie du livre, un moratoire sur les prix littéraires. Ou alors que les romans bénéficiant d'un prix soient tirés au sort. Le hasard ferait mieux les choses. Nous aurions alors un système un peu plus respectable, le seul apparemment qui puisse être fiable dans ce milieu, faute de compter sur l'honnêteté intellectuelle de l'édition parisienne dominante, souvent incestueuse, poussiéreuse, mesquine, pathétique, même si des êtres de qualité s'y battent – y compris dans les petits bureaux des grandes maisons – pour de plus grandes idées. Et nous profiterions du temps ainsi dégagé par la pause des tractations oligopolistiques pour relire le Château de Kafka, une belle métaphore de l'auteur perdu face au Leviathan éditorial.
Pendant ce temps, tandis que les grands groupes multinationaux rachètent les librairies à tour de bras et interdisent aux libraires de lire sur leur lieu de travail, de manière à ce qu'ils ne puissent plus conseiller que des best-sellers, trop d'éditeurs de tout poil, mimétiques, favorisent une littérature du minimum vital : sujet-verbe-complément. Mais le sujet est assujetti au marché des consommables – vite lu, vite oublié. Mais le Verbe n'est plus ni au commencement, ni à la fin – adieu l'incantation, so long la poésie. Mais le livre dominant n'est plus que rarement le complément des âmes.
Des exceptions ? Oui, il y en a. Mais les fleurs sauvages de la littérature contemporaine, cherchez-les plutôt, si vous êtes tenaces, sur... Internet, car elles ne poussent en rayon que quelques jours, avant de partir au pilon. C'est qu'il faut faire, sur les tables, la place aux prix.
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Education nationale et mensonges.
- Par Thierry LEDRU
- Le 17/12/2011
http://blogs.lexpress.fr/l-instit-humeurs/2011/12/17/education-nationale-une-annee-de-communication-mensongere/
Education Nationale : une année de communication mensongère
La parution cette semaine d’un article dans Le Monde sur les petites et grandes manipulations du ministère de Luc Chatel est venue confirmer une dérive de la communication ministérielle vers la propagande. Rien de très surprenant pour ceux qui suivent ce blog avec assiduité.
On se souvient que la Cour des comptes avait durement pointé, en novembre dernier, les dépenses de communication des ministères. Celui de l’Education Nationale notamment, dont le budget com’ a progressé de 41% en cinq ans (passant de 6 844 000 euros en 2006 à 9 647 000 euros en 2010). Et bien voilà à quoi sert cet argent.
« Dissimulées ou retardées, les données sur l’école sont jugées peu fiables »
L’article de Maryline Baumard est assez édifiant. La journaliste cite nombre de dossiers dérangeants pour le ministère et restés soigneusement dans les tiroirs pendant que seuls ceux pouvant avaliser sa politique générale sortent et sont commentés. Les statisticiens de DEPP (direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) sont priés de se taire quand l’INSEE publie un dossier allant dans le sens inverses des propos ministériels. Quant à leurs enquêtes, « [elles] sont bienvenues lorsqu’elles accompagnent la communication du ministre. Sinon, elles attendent ».
Les informations émanant du ministère et destinées au grand public sont en très forte baisse : au début des années 2000, une soixantaine de « notes d’information » sont publiées chaque année ; depuis 2009, moins de 20. Cette année encore une cinquantaine étaient prévues, entre bilans d’expériences menées sur le terrain et études diverses : bilan sur les internats d’excellence (mis en place il y 4 ans !), bilan sur l’expérimentation du sport l’après-midi les collèges (prévu pour novembre), bilan sur le dispositif d’accompagnement éducatif (avril), étude sur le niveau de lecture en 6ème, sur la vision du collège par les parents, bilan sur l’évaluation de l’assouplissement de l’affectation dans les collèges et les lycées, etc. Les informations sur ce dernier sujet existent, nous dit un statisticien, mais elles sont accablantes pour la politique menée…
Le ministère préfère d’ailleurs que certains travaux et certaines études soient directement menés par ses services : on n’est jamais mieux servi que par soi-même… D’autres informations voient leur sortie différée, enfin mise sur la place publique quand le dossier ne fait plus l’actualité. Noyer le poisson en misant sur la dictature de l’instant : peu importe si les vrais chiffres sortent, tant que ce n’est pas au moment où ça pourrait faire mal.
Je ne sais pas vous, mais dans ma conception de l’état de droit, la transparence sur la communication des chiffres et des rapports en possession d’un ministère doit être au centre de l’information due à tout citoyen. Les méthodes pratiquées ici relèvent purement et simplement de la propagande et constituent un déni de démocratie.
Quand on jette un coup d’œil dans le rétroviseur, on s’aperçoit qu’en 2011 de nombreuses communications du ministre Chatel n’avaient finalement pour objectif que de laisser passer l’orage et de faire passer un message contre vents et marées, quitte à asséner des contre-vérités sans le moindre scrupule afin de justifier la politique du gouvernement en matière d’éducation.
Suppression de postes
Ca a été la grande affaire du début d’année. Dès la fin décembre 2010, en pleine période de fêtes (c’est mieux ça passe inaperçu) sortaient les chiffres des suppressions de postes pour la rentrée 2011. Il a fallu quelques semaines avant que la grogne monte, non plus chez les profs mais chez les parents d’élèves, les inspections et finisse par s’étendre, jusqu’aux mairies et aux collectivités.
Quand est publié en avril le chiffre de 1500 classes fermées, c’est l’émoi. Depuis 2007, ce sont 66 000 postes qui ont été supprimés au total.
La communication de Chatel : « Nous avons 35.000 postes d’enseignants de plus qu’il y a quinze ans alors que nous avons 500.000 élèves de moins. Nous restons l’un des pays de l’OCDE qui investit le plus dans l’éducation. » (Figaro, 4 avril)
Pourtant en février paraissait une étude de l’OCDE révélant que la France possède l’un des taux d’encadrement les plus faibles de l’OCDE avec 6,1 profs pour 100 élèves, et même 5 pour 100 dans le primaire.
Quant au nombre d’élèves à la rentrée 2010, il a fallu attendre un an pour l’obtenir : + 40 000 élèves… On aura attendu seulement 4 mois pour les chiffres de cette rentrée 2011, Luc Chatel ayant été un peu bousculé sur RTL a lâché + 25 000 uniquement dans le secondaire.
Pour ce qui est de l’investissement, l’OCDE dit l’exact contraire. Dans son rapport paru en septembre, «Regards sur l’Education», la France apparaît comme le canard boiteux de l’OCDE pour ce qui est de la part de dépense publique consacrée à l’éducation. De 6,5% du PIB en 1997, elle est passée à 6% en 2007, une baisse supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE. « Alors que la part de l’éducation dans les budgets publics est passée de 11,8% en 1995 à 12,9% en 2009, en moyenne dans l’OCDE, en France, la part dans l’éducation dans ces mêmes budgets a diminué, passant de 11,5% en 1995 à 10,6% en 2008 »
La masterisation
C’est l’une des grandes réformes du quinquennat côté éducation : les profs passent une année de plus sur les bancs de la fac, au détriment d’une formation solide et d’une entrée progressive dans le métier. Surtout, ça fait une année de salaire d’apprentis profs d’économisée…
Sur le terrain, c’est la catastrophe : de tous côtés remontent des témoignages de jeunes profs désabusés, perdus, écœurés (ici même…). Près d’un tiers déclare songer à quitter le métier, qui peine déjà à attirer les jeunes.
Interrogé au sénat sur cette question, Luc Chatel répond ceci :
« La nouvelle formation initiale des enseignants répond aux enjeux de notre école. Cette réforme permettra de la mettre en phase avec la société de la connaissance qui se met en place.[…] L’Inspection générale de l’éducation nationale, dans son rapport, indiquait que les premiers éléments de bilan étaient bien éloignés de la catastrophe annoncée. Seuls 1 % des professeurs stagiaires ont été en difficulté et les arrêts maladie et les démissions pas plus nombreux qu’auparavant. » (16 avril)
Au moment où il dit cela, le ministre a en sa possession depuis quelques temps un rapport sur le sujet qui dit clairement : « La situation actuelle semble la pire ».
Le 7 décembre dernier, un rapport parlementaire UMP est adopté à l’assemblée, destiné à améliorer les imperfections de la masterisation. La supercherie a assez duré.
Les évaluations nationales
En CE1 et en CM2, les élèves français passent des évaluations nationales dont les résultats sont abondamment commentés par le ministère. Ces évaluations sont censées montrer la progression des élèves et dont avaliser la politique ministérielle. J’ai dit ici dès la mi-janvier ce que beaucoup de profs sur le terrain constatent depuis deux ans : ces évaluations ne sont pas fiables.
En juin, Luc Chatel se gargarise au Conseil de Ministres, s’appuyant sur ces évaluations mises en place en 2009. Il déclare : « Les élèves de CE1 constituent la première cohorte à avoir bénéficié de la réforme [du primaire] depuis la grande section de maternelle. Les résultats obtenus sont encourageants, puisque près de 80% des élèves arrivent en fin de CE1 en ayant de bons acquis en français et en mathématiques. Plus précisément : 78,4% en français, en progression de 3,8 points par rapport à l’année 2010 et de 5,6 points par rapport à l’année 2009 ; 78,7% en mathématiques, contre 77,4% en 2010 et 74,8% en 2009. » (29 juin)
Il faut dire que la réalisation de ces évaluations a été retirée à la DEPP pour être centralisée en interne, dans les bureaux du ministère de la DGESCO, conception et synthèse incluse…
On apprend cette semaine que le ministre Chatel, quand il a fait cette déclaration au conseil des ministres, avait « sous le coude les résultats d’une autre évaluation des acquis des élèves à l’école, l’enquête CEDRE – réalisée selon des règles scientifiques –, qui montrait que les résultats des écoliers n’avaient pas progressé significativement de 2003 à 2009 et que les élèves rencontrant des difficultés scolaires en compréhension de l’écrit étaient nombreux. Il faut aussi savoir que la publication de cette enquête a été bloquée par le ministère pendant une petite année et n’a été rendue publique que la semaine dernière. » (étude visible ici)
En septembre paraît un rapport du HCE (Haut Conseil de l’Education), sans appel pour le ministre Chatel : « Les indicateurs annuels fournis au Parlement ne sont pas satisfaisants […], partiels, peu exigeants et donc trompeurs [...]. Ils ne sont pas fiables pour des raisons de méthode ». Le HCE demande même la suppression pur et simple de l’évaluation de CE1 « Etant donné son caractère très partiel et son niveau d’exigence très insuffisant ».
Les dernières phrases du rapport sont lourdes de sens concernant la méthode du gouvernement : « Le moment est venu de confier à une agence d’évaluation indépendante la mise en œuvre d’un tel programme (…). Il est essentiel en effet que, dans notre démocratie, les données concernant les résultats de notre système éducatif soient objectives, donc incontestables ».
Le problème, pour Luc Chatel, c’est que l’élection présidentielle approchant, il va falloir présenter un bilan positif de l’action gouvernementale en termes d’éducation, et qu’il devrait avoir du mal à le faire sans continuer à traficoter un peu les chiffres et « égarer » les rapports gênants…
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Et c'est reparti...
- Par Thierry LEDRU
- Le 15/12/2011
Courrier du tribunal. Dépôt de bilan pour la maison d'éditions Laura Mare. Une bien triste fin pour quelqu'un qui a donné énormément d'énergie pour faire vivre son rêve jusqu'au bout.
J'ai fini le tome 3 de Jarwal le jour où le courrier est arrivé.
Plus qu'à reprendre mes recherches...
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Ataraxie
- Par Thierry LEDRU
- Le 14/12/2011
Wikipédia.
L’ataraxie apparaît d'abord chez Démocrite et désigne la tranquillité de l’âme résultant de la modération et de l’harmonie de l’existence.
L’ataraxie devient ensuite le principe du bonheur (eudaimonia) dans le stoïcisme, l’épicurisme et le scepticisme. Elle provient d’un état de profonde quiétude, découlant de l’absence de tout trouble ou douleur. Cette notion apparaît à l'époque d'Epicure.
L'état d'ataraxie n'est pas uniquement une affaire mentale. L'étude rationnelle d'une éthique et d'une paix intérieure telle que firent ces trois mouvements philosophiques reste limitée par l'expression de ce sentiment de quiétude. Nous ne pouvons que souligner l'importance des exercices corporels dans ces doctrines afin de mieux faire apparaître la relation controversée entre le corps et l'esprit. L'ataraxie est en effet liée, d'une façon non nécessaire, à l'aponie, ou absence de troubles corporels. Selon Epicure, ces deux états liés mènent à l'euthymie..
Pour Epicure, la réflexion sur le bonheur est incontournable car l'existence de l'humain est tout entière dominée par la recherche des causes qui le produisent. Épicure enseigne à distinguer les désirs naturels des désirs non naturels, et les désirs nécessaires des désirs non nécessaires :
« Quand nous disons que le plaisir est notre but, nous n'entendons pas par là les plaisirs des débauchés ni ceux qui se rattachent à la jouissance matérielle, ainsi que le disent ceux qui ignorent notre doctrine, ou qui sont en désaccord avec elle, ou qui l'interprètent dans un mauvais sens. Le plaisir que nous avons en vue est caractérisé par l'absence de souffrance corporelle et de troubles de l'âme. »
"Il n'est pas possible de vivre de façon bonne et juste, sans vivre avec plaisir."
Il faut viser la suffisance à soi, car ainsi la douleur provenant du manque est supprimée.
Pour Épicure, une amitié restreinte mais véritable est importante à l'ataraxie. Dans le jardin d'Epicure, seuls ses vrais amis sont présents, ce qui empêche tout trouble de l'âme.
"Certaines douleurs ne sont pas à éviter parce qu'elles sont un bien, de même que certains plaisirs ne doivent pas être poursuivis parce qu'ils sont la source de plus grands maux. " Lettre à Ménécée.
Notre existence sociale est-elle propice à l'établissement et la durabilité de cet état d'ataraxie ?
Le souhaitons-nous réellement ?
Les conditionnements éducatifs, non seulement familiaux mais sociétaux, autorisent-ils l'élaboration consciente, volontaire et constante de cette philosophie et de son application ?
Existe-t-il une opposition supérieure aux hommes au développement de cette philosophie ? Existe-t-il des mouvements de pensées à l'échelle du monde s'opposant à cette liberté individuelle ?
L'ataraxie, de par la plénitude qu'elle génère, n'est-elle pas antinomique au regard de la société de consommation ?...
Un individu qui a su identifier les plaisirs qui lui sont nécessaires et bons de ceux qui lui sont néfastes est-il encore un client potentiel ?
Epicure n'apporte rien au PIB...C'est un Antimondialiste et un Indigné.
Avec le recul aujourd'hui, j'ai conscience que dans mes romans cet état de plénitude est une quête constante...
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Triple A
- Par Thierry LEDRU
- Le 13/12/2011
Tout le monde sait très bien, sauf qui ne veulent rien savoir, que les intérêts des agences sont réels et que leurs notations leur rapportent des sommes colossales.
Je rappelle qu'en bourse, il existe ne serait-ce que la "vade", vente à découvert des titres pour jouer la baisse. Les investisseurs anticipent une baisse et ils gagnent encore lorsque les titres côtés en bourse baissent.
Il existe bien d'autres techniques, très complexes, du même genre que les subprimes, c'est à dire des assemblages qui finissent par ne plus être maîtrisés...L'histoire se répète toujours. Surtout lorsqu'elle est menée par l'avidité...C'est à dire quasiment tout le temps...
Petit parcours dans les labyrinthes des 3 agences de notation et de qui les détient en réalité...
Un gros travail trouvé sur le NET.
*********1) MOODY's
http://fr.finance.yahoo.com/q/mh?s=MCO
Actionnaires principaux: Actions % valeur date
BERKSHIRE HATHAWAY, INC 28 415 250 12,42 1 089 724 837 30 juin 2011
Capital World Investors 27 555 000 12,05 1 056 734 250 30 juin 2011
VANGUARD GROUP, INC. (THE) 10 963 760 4,79 420 460 196 30 juin 2011
STATE STREET CORPORATION 7 540 966 3,30 289 196 046 30 juin 2011
BERKSHIRE HATHAWAY est la société de... Warren Buffett.
Capital World Investors est une entité de Capital Group Companies qui est le plus GRAND FOND d'INVESTISSEMENT MONDIAL (siège basé à Los Angeles). Je n'ai trouvé aucune info sur les principaux actionnaires de ce groupe.
http://en.wikipedia.org/wiki/Capital_Group_Companies
Pour la petite histoire de Moody's et de la Grèce:
"Dégradation de la note de la Grèce en 1931 (DEJA!)
En 1931, Moody's dégrade la note de la Grèce, et les taux d'intérêt grimpent. La drachme est dévaluée et le pays fait défaut en 1932. Les Grecs sont frappés par l'inflation et des émeutes éclatent. La monarchie est restaurée en 1935 et en 1936 a lieu un coup d'État par lequel le général Metaxas prend le pouvoir. La même année Moody's exprime ses regrets à propos de ces événements et annonce l'arrêt des notations des dettes publiques"
source http://fr.wikipedia.org/wiki/Moody's
Voir
cet
article
TRES
INTERESSANT!
http://www.amb-grece.fr/articles_presse/20 11 /j-av ril%20201 1/j-05 _04_2011.htm#2
*********2) FITCH Ratings
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fitch_Ratings
Fitch Ratings est contrôlée à hauteur de 60 % 3 par le groupe Holding Français Fimalac dirigé par Marc Ladreyt Delacharrière, dont la fortune personnelle est estimée
à
1.6
milliards
d'euros....
http://fr.wikipedia.org/wiki/Marc_Ladreit_de _L ach arri% C3%A8re
Le groupe de medias américain Hearst détient les 40% restant, ce groupe gigantesque est détenu par un Trust familial
As of 2009, the trustees are:
Frank A. Bennack Jr., vice chairman and chief executive of the corporation Anissa Bouadjakdji Balson, granddaughter of David Whitmire Hearst Sr.
John G. Conomikes, vice president of corporation, oversees broadcast interests Ronald J. Doerfler, chief financial officer, senior vice president and a board member of Hearst Corporation George Randolph Hearst Jr., chairman of Hearst Corporation and president of the Hearst Foundation John Randolph Hearst Jr., an officer and director of the corporation Virginia Hearst Randt, daughter of late former chairman Randolph Apperson Hearst William Randolph Hearst III, president of the William Randolph Hearst Foundation Harvey L. Lipton, lawyer and former vice president and secretary of the Corporation Gilbert C. Maurer, former head of Hearst Magazines, then executive vice president and chief operating officer under Bennack, now a consultant Mark F. Miller, former executive vice president of Hearst Magazines David J. Barrett, president and chief executive officer of Hearst Television, Inc.
James M. Asher, chief legal and development officer of Hearst
*********3) Standard & Poor's .
Le capital de cette société est détenu en intégralité par Mc Graw-Hill Companies INC.
Quels sont les actionnaires de Mc Graw Hill?
On peut trouver ces infos sur Yahoo Finance (actionnaires principaux
par
nombre
décroissant
d'actions)
http://finance.yahoo.com/q/mh?s=MHP+Ma jo r+Hol ders
McGraw-Hill
STATE STREET CORPORATION 13,219,460 VANGUARD GROUP, INC. (THE) 12,700,984 OPPENHEIMER FUNDS, INC. 11,583,534 PRICE (T.ROWE) ASSOCIATES INC
10,123,060 BlackRock Institutional Trust Company, N.A. 7,541,685 DODGE & COX INC 7,145,277 FIDUCIARY MANAGEMENT, INC. 6,241,434 Capital World Investors 37,498,950
Ce qui est assez surprenant, c'est qu'on retrouve par exemple Capital World Investors, le deuxième actionnaire de Moody's.
MAIS: par ailleurs si on fait une recherche sur Yahoo Finance de nouveau, on constate une surprenante constance des principaux actionnaires derrière les principales banques américaines, et on retrouve certains des actionnaires déjà vus derrière les agences de notation!
Les résultats (vous pouvez vérifier)
Citigroup
STATE STREET CORPORATION 109,336,377 VANGUARD GROUP, INC. (THE)
106,566,654 FMR LLC 94,647,036 BlackRock Institutional Trust Company, N.A.
69,300,847 JP MORGAN CHASE & COMPANY 54,420,770 Capital World Investors
51,039,134 PAULSON & COMPANY, INC. 41,272,220 Bank of New York Mellon Corporation 32,334,689
Wells Fargo Bank:
BERKSHIRE HATHAWAY, INC 342,623,925 6.48 STATE STREET CORPORATION
201,430,222 3.81 FMR LLC 199,105,601 3.76 VANGUARD GROUP, INC. (THE)
187,182,216 3.54 Capital World Investors 167,562,496 3.17 WELLINGTON MANAGEMENT COMPANY, LLP 152,451,637 2.88 BlackRock Institutional Trust Company, N.A. 127,846,678 2.42 DAVIS SELECTED ADVISERS, LP 93,493,190 1.77 DODGE & COX INC 90,998,349 1.72 JP MORGAN CHASE & COMPANY 88,094,321 1.67
Bank of America (BOA)
STATE STREET CORPORATION 459,140,568 VANGUARD GROUP, INC. (THE)
367,462,397 BlackRock Institutional Trust Company, N.A. 258,068,893 JP MORGAN CHASE & COMPANY 212,406,485 Capital Research Global Investors
139,198,856 JANUS CAPITAL MANAGEMENT, LLC 138,866,931 WELLINGTON MANAGEMENT COMPANY, LLP 128,084,369 Capital World Investors 125,333,396 PAULSON & COMPANY, INC. 123,634,429 FMR LLC 121,244,950
JP Morgan Chase
STATE STREET CORPORATION 163,393,908 VANGUARD GROUP, INC. (THE)
144,458,569 FMR LLC 129,731,859 PRICE (T.ROWE) ASSOCIATES INC 106,375,235 BlackRock Institutional Trust Company, N.A. 105,992,018 WELLINGTON MANAGEMENT COMPANY, LLP 89,651,480 Capital Research Global Investors
82,353,239 Capital World Investors 55,091,800 Bank of New York Mellon Corporation 54,615,722
Goldman Sachs
STATE STREET CORPORATION 20,744,311 Capital World Investors 19,599,110 VANGUARD GROUP, INC. (THE) 18,311,709 BlackRock Institutional Trust Company, N.A. 13,372,248 MASSACHUSETTS FINANCIAL SERVICES CO - OTHER
11,518,906 AllianceBernstein, L.P. 10,139,709 JP MORGAN CHASE & COMPANY
9,531,309 WELLINGTON MANAGEMENT COMPANY, LLP 8,374,730 FMR LLC 7,462,573 FAIRHOLME CAPITAL MANAGEMENT 6,702,300
EN RESUME: STATE STREET CORPORATION, FMR LLC (Fidelity), VANGUARD GROUP INC, BlackRock Institutional Trust Company, Capital World Investors, BERKSHIRE HATHAWAY INC, PAULSON & COMPANY INC, JP Morgan Chase Company constituent l'actionnariat principal derrière les banques US, et on retrouve certains de ces groupes de contrôle derrière deux des trois agences de notation...
C'est dire, à minima, qu'il existe des intérêts concentrés dans ces milieux.
Il ne faut pas oublier qu'avant la faillite de L.Brothers, les agences de notation lui attribuaient toutes un TRIPLE A... -
La suprématie de l'intellect.
- Par Thierry LEDRU
- Le 12/12/2011
La pensée de Descartes
« Ce qui fait que les bêtes ne parlent point comme nous, c’est qu’elles n’ont aucune pensée, et non point que les organes leur manquent. » Lettre au marquis de Newcastle.
C’est consternant de réaliser que cet homme est à la base de notre raisonnement « cartésien »…Effrayant.
Je reconnais volontiers que les données scientifiques de l’époque étaient insuffisantes mais je m’interroge tout de même sur le maintien de cette philosophie en l’état actuel de nos connaissances et le fait que ce philosophe se trouve toujours adulé dans le gotha de l’intelligentsia.
Je m’interroge de la même façon sur cette fameuse idée de Descartes que la conscience du doute me donne l’assurance de mon existence. Je peux douter de tout mais je ne peux pas douter que j’y pense.
J’y pense parce que je suis.
Ou je pense donc je suis.
La nuance est de taille d’ailleurs.
Dans la première affirmation, le fait d’exister permet la pensée.
Dans la deuxième affirmation, le fait de penser génère l’existence.
On se retrouve de toute façon dans la même attitude admirative envers l’homme et prééminente sur la Nature.
Alors, voyons les choses autrement…
Cette pensée que Descartes se veut posséder, imaginons qu’elle existe indépendamment de nous, dans le monde animal, dans le monde végétal, au niveau de la Terre, au niveau de l’Univers.
Alors, nous ne serions pas les émetteurs de cette pensée mais uniquement des receveurs. Nous disposerions d’un champ illimité de pensées existant par elles-mêmes et nous aurions la capacité, tout comme tout ce qui vit, d’en reconstituer le puzzle afin de trouver l’image initiale.
Descartes affirme que nous existons parce que nous pensons.
J’émets l’hypothèse que la pensée existe et que la vie se sert de nous pour étendre son champ d’expérimentations. Elle pourrait très bien se passer de ce type de récepteurs. Cela ne changerait rien pour elle-même.
« L’existence précède l’essence » disait Sartre.
Toujours cette affirmation d’un pouvoir de l’homme. A croire que l’intelligence se doit d’être au service d’une humanité toute puissante. J’imagine bien qu’il s’agissait de contrer l’idée qu’au Ciel tout est écrit. Affirmation tout aussi absurde dès lors qu’on émet une hypothèse dont l’intention inavouée est de soumettre les esprits craintifs.
Mais on est toujours dans une lutte de pouvoir sous l’égide de l’intellect.
Quand je repense aux Kogis, je suis immensément ému de voir chez eux, cet immense amour de la vie, du flux vital, de l’Energie créatrice, de leur positionnement respectueux envers ce mystère qu’ils expliquent à leur façon mais dans lequel il n’est nulle trace de suprématie.
Je me demande parfois si je suis né sous le bon ciel…
Je vais laisser les pensées m’envahir pour voir ce qu’elles ont à me dire à ce propos…
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La pensée de Descartes. (philosophie)
- Par Thierry LEDRU
- Le 12/12/2011
La pensée de Descartes
« Ce qui fait que les bêtes ne parlent point comme nous, c’est qu’elles n’ont aucune pensée, et non point que les organes leur manquent. » Lettre au marquis de Newcastle.
C’est consternant de réaliser que cet homme est à la base de notre raisonnement « cartésien »…Effrayant.
Je reconnais volontiers que les données scientifiques de l’époque étaient insuffisantes mais je m’interroge tout de même sur le maintien de cette philosophie en l’état actuel de nos connaissances et le fait que ce philosophe se trouve toujours adulé dans le gotha de l’intelligentsia.
Je m’interroge de la même façon sur cette fameuse idée de Descartes que la conscience du doute me donne l’assurance de mon existence. Je peux douter de tout mais je ne peux pas douter que j’y pense.
J’y pense parce que je suis.
Ou je pense donc je suis.
La nuance est de taille d’ailleurs.
Dans la première affirmation, le fait d’exister permet la pensée.
Dans la deuxième affirmation, le fait de penser génère l’existence.
On se retrouve de toute façon dans la même attitude admirative envers l’homme et sa prédominance sur la Nature.
Alors, voyons les choses autrement…
Cette pensée que Descartes se veut posséder, imaginons qu’elle existe indépendamment de nous, dans le monde animal, dans le monde végétal, au niveau de la Terre, au niveau de l’Univers.
Imaginons également que nous ne soyons pas les émetteurs de cette pensée mais uniquement des receveurs.
Nous disposerions d’un champ illimité de pensées existant par elles-mêmes et nous aurions la capacité, tout comme tout ce qui vit, d’en reconstituer le puzzle afin de trouver l’image initiale.
Descartes affirme que nous existons parce que nous pensons.
J’émets alors l’hypothèse que la pensée existe hors de nous et hors de tout ce qui vit et que la vie se sert des êtres vivants pour étendre son champ d’expérimentations.
« L’existence précède l’essence » disait Sartre.
Toujours cette affirmation d’un pouvoir de l’homme. A croire que l’intelligence se doit d’être au service d’une humanité toute puissante. J’imagine bien qu’il s’agissait de contrer l’idée qu’au Ciel tout est écrit. Affirmation tout aussi absurde dès lors qu’on émet une hypothèse dont l’intention inavouée est de soumettre les esprits craintifs.
Mais on est toujours dans une lutte de pouvoir sous l’égide de l’intellect.
Quand je repense aux Kogis, je suis immensément ému de voir chez eux, cet immense amour de la vie, du flux vital, de l’Energie créatrice, de leur positionnement respectueux envers ce mystère qu’ils expliquent à leur façon mais dans lequel il n’est nulle trace de suprématie. Les Kogis s'efforcent de saisir les pensées de la Création et de s'en servir, non pas pour dominer cette Création mais pour la comprendre, pour comprendre ce qu'elle pense...
Je me demande parfois si je suis né sous le bon ciel…
Je vais laisser les pensées m’envahir pour voir ce qu’elles ont à me dire à ce propos…
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"Il faut imaginer Sisyphe heureux. "
- Par Thierry LEDRU
- Le 10/12/2011
« Un roman, écrivait Camus en 1938, n'est jamais qu'une philosophie mise en images. »
Et bien, voilà, c'est ce que j'essaie de faire.
J'avais copié ça au-dessus de mon lit, quand j'étais ado..
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« Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux. »
Je n'y voyais pas un espoir mais la conscience que tout ne servait à rien mais que de le savoir m'offrait la possibilité de jouir de ce rien en poussant le fardeau de ma vie au sommet des montagnes. Lucidité de l'absurde. Je redescendrai à chaque fois pour recommencer plus tard. Oui, c'était absurde mais je le savais et dès lors je me libérais de ce néant pour saisir pleinement ce qui donnait du sens à cet absurde : c'était mon choix.Mon frère est mort. Mes parents disparaîtront un jour. Moi aussi, ma princesse également et pire que tout, le tour de mes enfants arrivera fatalement. Que l'ordre des choses soit respecté sera le plus important. Mes parents ont connu la mort d'un enfant. Quoi de plus effroyable.
Si on arrête le regard porté à l'existence à cette fin inéluctable, cette angoisse terrifiante de l'absurde est étouffante.
L'attention aux biens matériels est dérisoire, l'attention aux valeurs sociales est insignifiante. Cette attention occupe pourtant une bonne part de notre vie. La scolarité est une voie d'accès au monde professionnel. Le monde professionnel est une voie d'accès aux biens matériels et si possible au développement personnel de l'individu et mieux encore peut participer à celui des individus rencontrés.
Bien, on ne peut nier que tout cela contient quelques intérêts tant que l'on reste ancré dans une société matérailiste. Ca permet juste de vivre au mieux ou au moins pire.
Mais si on tente de cerner la source des choix, on s'aperçoit très vite que rien n'a été réellement décidé par l'individu lui-même et qu'il n'a fait que "réagir" à des situations évènementielles. Le déterminisme impose sa loi. Pour le destin, je n'en sais rien. A chacun de voir.
Je suis devenu instituteur parce qu'est resté en moi le regard plein d'amour de Monsieur Quéré, mon maître de CM2.
Lorsque j'étais enfant puis dans ma pré adolescence, j'étais un enfant asthmatique. Cortisone à haute dose et interdiction par les médecins de faire du sport. Soixante kilos à quatorze ans. "Ca roule Bouboule". Combien de fois j'ai entendu ça...
Et puis à quatorze ans j'ai décidé de balancer tous les médocs au wc et de faire du sport. "Ca passe ou ça casse". Je n'ai pas agi, j'ai réagi. Je n'ai rien décidé, j'ai "été" décidé. L'environnement social, familial, les traumatismes, les conditionnements, les formatages, les identifications, les rôles qu'on finit par jouer parce qu'on vous les a collés dans le crâne.
C'est là que j'ai connu ma première révolte. Le premier moment où je tentais d'imposer ce que je pensais être un choix. Sauf qu'il ne s'agissait que d'une réaction et non d'une voie vierge que je créais.
C'est là que surgit l'absurde. Et qu'il est indispensable de prendre conscience que l'homme n'agit pas mais qu'il est "agi".
La seule liberté, c'est de prendre conscience de tout ce qui conduit à la succession des évènements et de parvenir à porter un regard lucide sur cet enchaînement chaotique.
Mes parents avaient entendu dire que l'air de la montagne me ferait du bien. Celui de la Bretagne me ruinait la santé. Je suis allé à la bibliothèque du village et j'ai cherché des livres sur la montagne. Je suis tombé sur "Les conquérants de l'inutile" de Lionel Terray. L'alpinisme. Un choc existentiel comme il y en a peu. J'en ai parlé à la maison, je voulais aller voir les montagnes. Mes parents m'ont offert une semaine de ski de fond dans le Jura. Découverte de la neige. Je tournais la journée entière sur les pistes, seul la plupart du temps, tard après le coucher du soleil parfois.
Je connaissais la méchanceté des êtres, je me fichais des amourettes de mes voisins de lit. "Bouboule faisait du ski de fond et les emmerdait tous. "
La solitude en moi comme une nécessité. L'absence de toute confiance. Rien ne venait de moi. Tout s'était imposé. Je ne faisais que réagir. Absurdité de la prétention de l'être qui pense mener sa vie alors qu'il n'existe même pas et n'est qu'un fatras de douleurs insoumises qu'il faut atténuer par des prises de décisions illusoires.
J'ai appris l'escalade sur les falaises de Bretagne.
Et puis je suis parti vivre en Haute Savoie. Une page qui se tournait. Rencontre avec celle qui allait devenir la femme de ma vie. Un pur hasard pourrait-on dire...Je ne crois pas au hasard. Sans doute, un cadeau de la vie parce que j'étais parvenu à franchir le pas. Si j'avais été nommé dans une autre école, on ne se serait jamais rencontré...Totalement effroyable comme hypothèse...Rien n'est mené par l'homme. L'absurde est la seule loi.
Toujours cet enchaînement de situations, de "décisions", de "choix"...Rien de vrai là-dedans. Il n'y a toujours que des actes dictés par les expériences acquises, imposées, par les douleurs, par les souffrances, par les espoirs, par les attentes, par les regrets, par les parasites, par les interférences, par les imbrications...Rien de pur dans la liberté mais une liberté enchaînée qui se voudrait plus belle que la réalité.
Il n'y a rien de désespérant là-dedans. Tant que l'individu parvient à maintenir un regard "macroscopique" sur cette existence et ne prend pas ses actes comme des preuves de son pouvoir.
Il faut imaginer Sysiphe heureux pour la bonne raison qu'il est conscient de sa situation et qu'elle lui permet de mesurer ses forces au monde.
Il reste ensuite à juger de l'importance de la passion. L'alpinisme est une activité inutile au regard du monde matériel. C'est ce qui en fait justement sa puissance. La passion est absurde dans une existence fondamentalment absurde mais elle apporte la liberté du choix. Rien de social ne la dicte. Elle trouve sa source dans l'individu lui-même Rien ne la rend socialement nécessaire mais elle est spirituellement indispensable. Parce qu'elle ouvre un espace de développement personnel qui ne subit aucune contrainte extérieure. C'est à l'individu seul d'en trouver la source. Il ne s'agit que d'une réaction à une souffrance mais le soin de cette plaie appartient à l'être. Il ne doit rien à personne.
Et c'est le plus important. Je ne dois rien à personne quand je suis là-haut. Je pousse ma roche et je sais qu'elle sera toujours la plus forte et qu'elle me ramènera inéluctablement dans la vallée mais c'est l'usage de mes forces qui m'apprend ce que je suis. L'énergie spirituelle est le ferment de la vie.
L'absurde abandonne la puissance de son outrage lorsqu'il apparaît dans son dénuement. Il n'est rien de plus que moi.
L'être qui a appris à juger de la futilité de l'absurde finira par en rire. Et c'est de ce rire que naît la liberté.