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L'incohérence
- Par Thierry LEDRU
- Le 19/09/2024
J'avais conseillé une personne de ma connaissance dans une histoire de coupe rase illégale, à laquelle le Maire de la ville s'opposait mais qu'il ne parvenait pas à empêcher.
Il s'agissait d'une très belle forêt que beaucoup de personnes parcouraient sur de jolis chemins.
Cette personne était vraiment remontée et elle avait pris contact avec un journaliste local.
Je ne connais pas la fin de l'histoire car je n'ai plus de contact avec cette personne. J'ai "coupé le fil" le jour où j'ai vu sur FB qu'elle faisait un voyage au Népal...
L'incohérence m'est insupportable.
Défendre une forêt près de chez soi et prendre l'avion pour du tourisme, c'est inconcevable mais c'est très révélateur de la très petite conscience du problème planétaire et c'est tout aussi révélateur quant au fait que beaucoup, beaucoup, beaucoup de personnes ne regardent la nature qu'à travers le filtre de leur propre intérêt.
Tout comme les gens qui critiquent les chasseurs parce qu'ils se sentent en danger quand ils vont en forêt mais qui achètent du poulet d'élevage ou de la viande dont ils ne connaissent aucunement l'effroyable histoire.
Les chasseurs, au moins, mangent ce qu'ils tuent. Non, je ne cautionne pas la chasse. Je dis juste qu'on ne peut pas les critiquer quand on mange de la viande industrielle. On marche beaucoup et on court dans les forêts et dans la Creuse, ça chasse fort. On n'a jamais eu de problèmes de comportement avec les chasseurs et on les a toujours trouvés très prudents. Ils se téléphonent entre eux pour signaler notre présence et on se salue cordialement. Qu'il y ait des "abrutis", c'est certain mais on en trouve partout, dans tous les secteurs de la société... Pas plus, pas moins...Environ 3,2 millions d’animaux issus d’élevages sont, chaque jour, abattus en France pour l’alimentation humaine. Parmi eux, 68 % sont des poulets. Je n'ai pas vérifié si le calcul était juste mais ça représente environ 400 animaux abattus à chaque battement de notre coeur.
Il arrive un moment où l'incohérence est tellement gigantesque qu'on ne la voit plus. L'éducation nous y habitue dès l'enfance.
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"Don't look up" (2)
- Par Thierry LEDRU
- Le 18/09/2024
On vit vraiment le scénario du film "Don't look up"
Oui, je sais, ce blog est devenu une toute petite vitrine d'un immense désastre.
"Ce n'est pas la fin. Ce n'est même pas le commencement de la fin. Mais, c'est peut-être la fin du commencement." Winston Churchill
De quoi d'autre pourrais-je bien parler ?
Aujourd'hui, je considère ce blog comme des archives. Je ne sais pas combien d'années il me reste à vivre mais je tiens à compiler les données sur l'évolution des phénomènes extrêmes. Je paye 40 euros par an pour que rien ne se perde et que le moteur de recherche me permette de retrouver ce que je veux. Il m'arrive, parfois, de ressortir un ancien article lorsque, dans un échange sur les réseaux sociaux, un interlocuteur me dit "qu'on ne savait pas"...
Nous savons ce qui se passe et nous savons même vers quoi nous allons. Il n'empêche que des millions de gens continuent à prendre l'avion pour des voyages touristiques, à s'offrir des croisières, à rouler en SUV, à consommer à outrance, à manger des animaux d'élevage, à consommer de l'huile de palme parce qu'ils s'en fichent de la déforestation et des orangs-outans.
"Don't look up". Ne levez pas la tête.
Les négationnistes, ne sortez pas de votre déni. Profitez du temps qu'il vous reste et de tout ce qui vous est accessible. Ne pensez pas aux enfants qui ne savent rien encore du monde qu'on leur laisse. Ne vous remettez pas en question, continuez à crier au complot, à cracher sur les scientifiques, à huer les climatologues, à médire sur les lanceurs d'alerte. De toute façon, comme vous le dites, c'est trop tard, il faut se servir avant que ça s'arrête.
Je ne crois aucunement à la transition verte, aux voitures électriques, au nucléaire décarbonné, au tri sélectif, etc etc...
Il n'y a qu'une seule solution et elle ne sera jamais appliquée : la décroissance à marche forcée, une décroissance planétaire. Je rêve au final de ce que j'écris dans la quadrilogie en cours : l'effondrement. Plusieurs scénarios sont envisageables. Il suffirait d'un élément déclencheur et les dominos tomberaient les uns après les autres. Bien sûr que tout le monde en souffrirait. Sauf la planète.
Le covid a été un échec. J'en arrive désormais à le regretter.
Sortie le 4 sept. 2024 #climat #canicule #giec
16 143 vues • Sortie le 4 sept. 2024 • #climat #canicule #giec
Tout au long des derniers mois, ce fut une véritable litanie : des records de température battus aux quatre coins du monde. L'Espagne, l'Australie, le Japon ou certaines provinces de Chine ont tous connu en 2024 le mois d'août le plus chaud de leur histoire. Et la liste continue de s'allonger, avec une nouvelle alerte à la canicule en Californie, sans oublier les vagues de chaleur exceptionnellement sévères qui ont frappé ces derniers mois de nombreuses régions d'Afrique, notamment l'ouest et le centre du continent. Pour en parler, notre invité Jean Jouzel, climatologue et ancien membre du Giec.
Les catastrophes naturelles se sont multipliées durant les douze mois les plus chauds jamais enregistrés
Article rédigé parfranceinfo
France Télévisions
Publié le 05/06/2024 16:30
Temps de lecture : 7 min
Un berger est assis sur une terre aride à Ouled Essi Masseoud, au Maroc, le 6 mars 2024. (FADEL SENNA / AFP)
Sous l'effet des émissions de gaz à effet de serre dues à l'activité humaine, les températures n'ont jamais été aussi élevées sur Terre. Sécheresses, feux de forêt, pluies torrentielles... Les conséquences ont été nombreuses.
En publiant son dernier rapport, mercredi 5 juin, l'observatoire européen Copernicus confirme que le mois de mai qui s'achève a été le mois de mai le plus chaud jamais enregistré à l'échelle mondiale, depuis le début des mesures. C'est aussi le douzième mois consécutif à établir un nouveau record des températures moyennes sur le globe. La série de records témoigne d'une année rythmée par une fuite en avant climatique, expliquée par la croissance continue des émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines, ainsi que par l'influence passagère du phénomène naturel El Niño. Les douze mois écoulés ont ainsi vu s'aggraver des phénomènes de sécheresses, d'inondations ou de chaleurs en plusieurs régions du monde.
Des incendies dévastateurs
Dès le 1er juin 2023, la saison des feux de forêt au Canada s'ouvre dans un contexte de températures records et de sécheresse généralisée. Ce jour-là, la foudre allume 120 incendies, selon les autorités canadiennes.
Des images aériennes d'un incendie au Québec (Canada), le 29 juin 2023. (GENEVIEVE POIRIER / SOCIETE DE PROTECTION DES FORETS / AFP)
Sur la côté est des Etats-Unis, les New-Yorkais suffoquent dans le brouillard de fumée en provenance du voisin québécois.
La fumée des incendies canadiens a atteint les Etats-Unis, et enveloppe l'Empire State Building, à New York, le 7 juin 2023. (DAVID DEE DELGADO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)
Trois mois plus tard, plus de 6 132 incendies ont ravagé 16,5 millions d'hectares, soit plus du double du précédent record établi en 1989. Car "contrairement aux années précédentes", les feux de cette saison, "la plus destructrice jamais enregistrée", "s'étendaient de la côte ouest aux provinces atlantiques, en passant par le nord", résument les autorités.
Ce même été, des feux ravagent aussi le pourtour méditerranéen, soumis à des températures caniculaires, jusqu'à 47,6°C le 24 juillet à Catane, en Sicile. Italie, Grèce, Espagne, France, Algérie, Tunisie, Croatie... Les flammes font des dizaines de victimes.
Des témoins impuissants assistent à la destruction par les flammes du village de Gennadi, sur l'île de Rhodes (Grèce), le 25 juillet 2023. (ANGELOS TZORTZINIS / AFP)
Dans l'hémisphère sud, l'été austral s'accompagne aussi de canicules et de sécheresses. Dès le mois de novembre, le Brésil et la Bolivie suffoquent sous des températures meurtrières, qui entraînent incendies de forêts et des fermetures d'écoles. En février, près de 3 000 feux brûlent toujours à travers l'Amazonie, marquant un nouveau record pour la région. Après la Colombie et l'Argentine, le Chili connaît début février sa "plus grande tragédie" depuis le tremblement de terre de 2010, quand un incendie titanesque provoque la mort de 122 personnes dans la région touristique de Valparaiso.
Des maisons ravagées par les feux de forêt au Chili, le 8 février 2024. (JAVIER TORRES / AFP)
Sans attendre le printemps, sécheresse et chaleur menacent à nouveau dans l'hémisphère nord, comme aux Etats-Unis, où un incendie précoce se déclare en février dans le Texas, ou en Espagne, où ce mois d'avril affiche des températures autour de 30°C, propices à un premier départ de feu.
Des chaleurs extrêmes
La chaleur a pesé sur le quotidien de nombreux habitants de la planète au cours de ces douze derniers mois. Dans l'hémisphère nord, l'Inde, la Chine, le Vietnam et la Thaïlande sont les premiers pays à enregistrer des centaines de décès liés à la canicule, à l'orée de l'été 2023. "Depuis 1951, Pékin a connu onze jours où les températures ont été supérieures à 40°C, dont cinq au cours des deux dernières semaines", écrit CNN le 7 juillet.
Une femme s'abrite sous un masque pour se protéger des fortes températures, à Pékin (Chine), le 16 juin 2023. (WANG ZHAO / AFP)
Dans la capitale chinoise, la chaleur et le recours massif à la climatisation mettent à mal les installations électriques, tandis qu'à l'autre bout du monde, une partie du sud des Etats-Unis, du sud de l'Europe et de l'Afrique du Nord dépassent déjà régulièrement les 40°C.
En Europe, les records absolus de températures tombent les uns après les autres, tandis qu'il faut monter à 5 298 mètres d'altitude, dans les Alpes suisses, pour trouver la limite du "0°C" : un record. En octobre, des arbres fleurissent, s'étonnent des agriculteurs, mais dans le même temps, les coraux se meurent dans presque tous les océans de la planète, touchés par une canicule sous-marine hors norme.
Une biologiste marine documente le blanchiment de la Grande Barrière de corail, au large de l'Australie, le 5 avril 2024. (DAVID GRAY / AFP)
Mer ou montagne, le réchauffement climatique n'a guère de préférence. L'absence de neige entraîne l'annulation d'épreuves et l'aménagement d'une piste sur un glacier, à Zermatt (Suisse), où se déroule en novembre une étape de la Coupe du monde de ski alpin. Pour les Mondiaux de biathlon, quelques mois plus tard, en République tchèque, la neige naturelle est, là encore, portée disparue. Nous sommes en février et les Alpes battent un nouveau record : leur plus faible surface d'enneigement en cette saison (moins de 40%).
Installation de mousse isolante pour éviter que le glacier du Rhône ne fonde davantage, le 24 août 2023. (FABRICE COFFRINI / AFP)
Et alors que l'hémisphère nord fond, les pays du sud étouffent. Des canicules meurtrières s'abattent à nouveau sur le Brésil et sur le nord du continent africain, le Sahel et une partie de l'ouest du continent.
Un berger est assis sur une terre aride à Ouled Essi Masseoud, au Maroc, le 6 mars 2024. (FADEL SENNA / AFP)
Enfin, en Asie, les chaleurs qui précèdent habituellement la mousson, au printemps, atteignent des valeurs inédites. A Bangkok, les Thaïlandais décrivent "l'agonie" de ces mois d'avril et de mai, marqués par des fermetures d'écoles et autres confinements climatiques. En Inde, une vague de chaleur humide fait grimper le mercure à plus de 45°C dans plusieurs grandes villes et entraîne la mort de dizaines de personnes.
Des inondations meurtrières
Le réchauffement climatique n'entraîne pas que la sécheresse. Dans plusieurs régions du monde, les épisodes de chaleurs exceptionnels de ces derniers mois ont été suivis d'inondations dévastatrices. Ainsi, fin juillet, Pékin se relève à peine d'une canicule inédite que le printemps lui apporte un typhon en provenance des Philippines. En 40 heures, 170 mm de précipitations tombent sur la capitale, qui vit son plus fort déluge depuis 140 ans. Les intempéries provoquent l'évacuation d'environ 127 000 personnes (et 847 400 autres dans le Hebei voisin) et font au moins 147 morts.
La rivière Yongding déborde à Pékin (Chine), le 3 août 2023. (STRINGER / IMAGINECHINA / AFP)
Espagne, Grèce, Turquie... Les pays du pourtour méditerranéen, malmenés tout l'été par la chaleur, voient aussi arriver, en septembre, des pluies torrentielles et des inondations sur une partie de l'Europe. La tempête Daniel s'abat sur la ville côtière de Derna, en Libye. Sous la pression de l'eau, deux barrages cèdent, provoquant la destruction immédiate d'une partie de la ville de 100 000 habitants, dont 30 000 sont contraints d'évacuer.
La ville de Derna (Libye) après les inondations provoquées par la tempête Daniel, le 18 septembre 2023. (HALIL FIDAN / ANADOLU AGENCY / AFP)
Tandis qu'à l'automne, une partie de l'Amazone est à sec et que, par manque d'eau, le canal de Panama doit revoir à la baisse le nombre de bateaux qui y transite, l'ouragan Otis apporte des pluies diluviennes sur le Mexique, plusieurs milliers de km plus au nord. "Imprévisible", le monstre balaie la station balnéaire d'Acapulco, tandis qu'en Europe, les tempêtes se multiplient. Ciaran, Domingos... Les alertes orange et rouge aux risques de pluie-inondation et vagues-submersion rythment le quotidien de milliers de Français.
Une place inondée à Arques, dans le Pas-de-Calais, le 4 janvier 2024. (AMEER ALHALBI / ANADOLU / AFP)
Dans le Pas-de-Calais, où les sols sont gorgés d'eau, les précipitations ininterrompues causent des inondations historiques et paralysent des villes entières pendant de longues semaines. Plus au nord, les îles britanniques connaissent l'hiver le plus pluvieux jamais enregistré.
La corne de l'Afrique et le Moyen-Orient, régions volontiers associées aux fortes chaleurs et aux conditions sèches, souffrent elles aussi de précipitations exceptionnelles. En Tanzanie, où la saison des pluies est boostée par le phénomène El Niño, des glissements de terrain font au moins 155 morts. Quarante-cinq autres personnes meurent au Kenya.
Les inondations en Somalie, le 15 novembre 2023. (ABUUKAR MOHAMED MUHIDIN / ANADOLU)
En avril, des pluies torrentielles font une victime à Dubaï et détruisent des infrastructures routières. A Oman, le bilan s'élève à 18 morts.
Au Brésil, les inondations succèdent aussi à la sécheresse dans l'Etat du Rio Grande del Sul, au cœur de l'Amazonie. Les crues, rendues deux fois plus probables par le réchauffement climatique, poussent 600 000 personnes à quitter leur domicile.
Les rues inondées de Porto Alegre au Brésil, à la suite d'inondations, le 6 mai 2024. (CARLOS FABAL / AFP)
Le Bangladesh est frappé par le cyclone Remal, l'un des plus longs de l'histoire du pays. Accompagné de vents violents et de fortes vagues, il provoque inondations et glissements de terrain.
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Points de bascule et boucles de rétroaction
- Par Thierry LEDRU
- Le 16/09/2024
Points de bascule et boucles de rétroaction
https://www.rivaje.fr/blog/points-de-bascule-et-boucles-de-retroaction?
Feb 2023
“Il est indéniable que le système terrestre semble à bout de forces, il semble perdre son aptitude physique à encaisser et à atténuer les pressions, le stress et la pollution que nous lui imposons.”
C’est le propos terrible que fait Johan Rockström dans Le Grand Livre du Climat (Kero, Calmann Levy).
L’aptitude physique que le système terrestre a désormais de plus en plus de mal à encaisser et dont Johan Rockström parle, c’est en d’autres termes ce qu’on appelle les points de bascule, ou points de non-retour.
Selon la définition du Giec, un point de bascule est un seuil “au-delà duquel un système se réorganise, souvent brutalement et/ou de manière irréversible"
Lorsqu’ils sont franchis, ce sont des systèmes entiers qui sont bouleversés, et des réactions en chaîne qui s’orchestrent en modifiant toujours plus rapidement les conditions du climat. Ce sont les boucles de rétroaction.
Zoom sur ces phénomènes qui emballent le climat.
Des points de non retour à ne pas dépasser
Les points de bascule du système terrestre sont des points d’équilibre qui régulent le climat et la biodiversité, nécessaires aux conditions d’habitabilité de la Terre telles que nous les connaissons. Si leurs seuils sont franchis, ce sont des systèmes entiers qui disparaissent.
Ces points d’équilibres joue un rôle majeur sur le bon fonctionnement du système Terre puisqu’ils nous rendent, à nous êtres humains, des services nécessaires à nos conditions d’existence (en nous permettant de nous alimenter ou d’avoir accès à de l’eau potable), mais aussi grâce à leur forte capacité à absorber les tensions faites sur le système Terre (comme le réchauffement climatique conséquence de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre ou la déforestation).
Mais tout a des limites. Ces systèmes ne peuvent pas tout encaisser indéfiniment, et au bout d’un moment, comme n’importe quelle pression exercée sur quelque chose, ça pète.
Et c’est exactement ce qu’il risque de se passer si on ne stoppe pas nos pressions sur les systèmes terrestres en tension, ils basculeront définitivement vers des états nouveaux dont leurs propriétés changeront radicalement.
Mais concrètement, comment ça fonctionne ?
Comment se représenter un point de bascule ?
Prenons une autre définition pour tenter de mieux comprendre comment ces équilibres fonctionnent.
Toujours dans Le Grand Livre du Climat, Johan Rockström définit un seuil de rupture comme “un stade à partir duquel une petite altération suffit à faire brutalement basculer certains éléments du climat et des écosystèmes dans un état radicalement et irréversiblement modifié”.
C’est par exemple, lorsqu’une faible hausse des températures à l’échelle du monde entraîne la transformation d’une forêt tropicale en savane aride (c’est d’ailleurs exactement le scénario qui est en train de se dessiner pour la forêt amazonienne).
Et ces transformations, lorsqu'elles ont lieu, entraînent ce que l’on appelle des boucles de rétroaction. On y revient juste après.
Pour bien comprendre ce qu’on entend par franchissement d’un point de bascule, on peut se référer à un schéma très bien expliqué issu du Grand Livre du Climat.
Le Grand Livre du Climat, Johan Rockström, page 36
Sur les schémas de 1 à 2, tout va bien, on voit que le système absorbe les tensions exercées sur lui-même, il ne change pas d'État.
Sur les schémas de 2 à 3, les tensions sur les systèmes commencent à s’intensifier, ils tiennent le coup, mais il ne faut pas aller plus loin.
Sur les schémas 4 à 5b, le point de bascule est atteint. Les systèmes ont trop été mis sous pression, et on cédé, on assiste alors à un changement irréversible de ce système.
Comme le souligne Carbon Brief dans une analogie, “un point de basculement, c'est un peu comme lorsque vous finissez par retirer la mauvaise brique d'une tour au Jenga. Tout s'effondre !”
Pour résumer, deux choses sont à retenir
Atteindre un point de non-retour revient à enclencher une nouvelle machinerie biophysique, qui pousse un système vers un nouvel état.
Les points de bascule ne sont pas forcément brusques. Si on franchit un point de bascule aujourd’hui ou demain, le plein impact pourrait n’être visible que des centaines ou des milliers d’années plus tard.
16 points de bascule aujourd'hui identifiés
En 2008, une série de points de bascule climatiques potentiels étaient identifiés.
Alors que les politiciens et même certains scientifiques avaient du mal à croire que ces seuils puissent un jour être atteints, c’est avec effroi que même pas 15 années plus tard, de nombreux chercheurs publient dans la revue Science un bien triste constat : cinq points de bascule pourraient être franchis au niveau de réchauffement actuel, et rendraient possible la disparition des glaciers de montagne, le déplacement des forêts boréales et la perte de glace dans la mer de Barents.
Les points de bascule du climat, Reporterre
Les chercheurs du Stockholm Resilience Centre poussent un cri d’alerte à travers cette étude.
“Cette étude fournit un solide soutien scientifique à l’objectif plus ambitieux de 1,5 °C de l’Accord de Paris, qui minimiserait la probabilité de déclencher des points de bascule climatique. Cependant, plusieurs points de bascule sont encore possibles ou même probables à ce niveau, faisant probablement de 1 °C une limite plus sûre. Sachant que les politiques actuelles nous placent sur la trajectoire dangereuse de 2,6 °C.”
Les interactions entre les points de bascule, Les Echos Planète
Le dépassement des seuils de ces points de bascule entraînera des conséquences encore plus néfastes pour le climat, illustrées par les boucles de rétroaction, dont le rôle ne permettrait plus d’atténuer et rafraîchir le climat, mais bien d’accélérer son emballement.
Boucles de rétroaction et emballement du climat
Parfois conséquences du dépassement des seuils des points de ruptures, on définit une boucle de rétroaction comme des phénomènes climatiques entraînant des réactions en chaînes qui s’autoalimentent et s’amplifient au fur et à mesure qu’elles évoluent.
On considère qu’une boucle de rétroaction climatique peut alors soit dérégler le climat et amplifier les perturbations induites par le changement climatique, on parlera alors de boucle de rétroaction positive, soit équilibrer ou atténuer l’effet du changement climatique, on parlera alors de boucle de rétroaction négative.
Pour vulgariser, on parle de boucle de rétroaction lorsque les conséquences du changement climatique sur un système entraînent des conséquences encore plus importantes sur celui-ci.
Bon dis comme ça, ça peut sembler assez flou, c’est vrai.
Prenons quelques exemples pour y voir plus clair !
NB : Dans un esprit de rigueur sur les informations apportées, les scientifiques des différentes études et articles que nous avons stipulent que les dynamiques complexes détaillées ci-dessous et leurs fonctionnements précis sont à l’avant-garde scientifique et ne sont pas encore tous attestés. Mais suscitant l’inquiétude, ils est nécessaire de les évoquer.
La fonte de la banquise
Au niveau des pôles, le réchauffement climatique accélère la fonte de la banquise. Jusque là rien de nouveau.
Sauf que la banquise joue un rôle immense dans l’atténuation du réchauffement climatique grâce à son albédo très élevé.
L’albéQUOI ?
La banquise est blanche et réfléchit l’énergie solaire (de 80% à 90% des rayons solaires). C’est un peu comme quand vous portez un t-shirt blanc en été à la place d’un t-shirt noir, normalement vous avez moins chaud. Pour la banquise c’est pareil, elle réfléchit l’énergie solaire et inhibe donc le réchauffement au sol. C’est ça que l’on appelle l’albédo.
Revenons à notre boucle de rétroaction.
Si la banquise fond à cause de l’augmentation des températures, sa surface va rétrécir, et donc les rayons du soleil seront moins réfléchis.
S’ils sont moins réfléchis, ils pénètrent directement dans les océans, et les océans, c’est sombre ! Repensez à votre t-shirt de tout à l’heure, si vous portez un t-shirt noir en plein soleil, vous avez plus chaud !
Et si la chaleur n'est pas renvoyée, elle est plus captée, donc le réchauffement au sol augmente.
On est sur une belle boucle de rétroaction :
Augmentation des températures → Fonte de la banquise → Les rayons du soleil sont moins réfléchis → Les températures augmentent encore plus.
La boucle est bouclée.
Les feux de forêts : l'exemple de la forêt amazonienne
On l’a vu, le réchauffement mondial accélère la fonte des glaces aux pôles (la calotte du Groenland et les glaces de mer arctiques).
Ce phénomène de fonte entraîne un ralentissement de la circulation méridienne de retournement Atlantique qui se répercute sur la mousson en Amérique du Sud.
La circulation méridienne de retournement Atlantique c’est ce qu’on appelle la circulation thermohaline (dont le Gulf Stream fait partie), il s’agit des grands courants marins de profondeurs, on y reviendra dans un prochain article.
La mousson étant perturbée, cela entraîne une augmentation des sécheresses en Amazonie et donc des incendies dont les émissions brutales de CO2 viennent se réinjecter dans l’atmosphère.
En brûlant, les arbres relâchent d’énormes quantités de CO2 dans l’atmosphère qui viendra s’accumuler dans celle-ci. Cette accumulation de CO2 viendra augmenter l’effet de serre et l’augmentation des températures qui causera l’assèchement croissant des zones, qui aura pour conséquence l’augmentation des incendies. Et ainsi de suite.
La boucle est bouclée, une nouvelle fois, c’est effrayant.
La fonte du pergélisol (ou Permafrost)
Les sols de Sibérie et du Nord du Canada sont des sols qui restent gelés en permanence tout au long de l’année, et ça depuis des centaines de milliers d’années.
Avec le réchauffement climatique, ces sols que l’on connaît sous le nom de pergélisol (ou permafrost), sont soumis à rudes épreuves et menaces de dégeler.
Sauf que dans ces sols, un gaz à effet de serre réside, un gaz dont le potentiel de réchauffement global est d’environ 30 fois supérieur à celui du CO2 : le méthane.
En fondant à cause du réchauffement climatique, ce gaz serait alors libéré.
Sa libération viendrait charger l’atmosphère de nouveaux gaz au pouvoir réchauffant dévastateur, accélérant alors le réchauffement climatique global.
La boucle est de nouveau bouclée, et ça fait froid dans le dos.
Les points de bascule et les boucles de rétroaction sont des phénomènes et des états très complexes largement étudiés par la sphère scientifique.
Plus les recherches avancent, plus on se rend compte qu’il est absolument fondamental de comprendre les interactions entre les systèmes terrestres et leurs boucles de rétroaction, et ceci afin d'évaluer les risques qui se manifesteront si nous poussons la planète trop loin.
Pour aller plus loin
Le Grand Livre du Climat, Greta Thunberg, Éditions Calmann Levy, 2022
Allas de l'Anthropocène, François Gemenne, Aleksandar Rankovic et Atelier de cartographie de Sciences Po, Éditions Presses de Sciences Po, 2021
Feb 2023
Thibaut Gabrillargues
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Goutte froide
- Par Thierry LEDRU
- Le 16/09/2024
Actualités Météo
Goutte froide : qu'est-ce que ce phénomène, responsable du mauvais temps ?
Par La Chaîne Météo
mis à jour le 21/05/24 à 18h02La goutte froide désigne une situation spécifique, dans laquelle une bulle d'air frais vient s'isoler (en se décrochant comme une « goutte » de sa base) au sein d'une masse d'air plus chaude. Cette situation génère des conflits de masses d'air aboutissant à de fortes précipitations, des orages, et à un temps très changeant. Comment ce phénomène fait-il pour perturber la météo ?
Consulter la météo de votre ville
Qu'est-ce qu'une goutte froide ?
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Quand nous nous trouvons sous l’influence ou à proximité d’une goutte froide ou dans son champ d’action, la météo se dégrade et amène des conditions fortement pluvieuses, très orageuses et parfois durables. Elles compliquent également la prévision des météorologues en raison de leur évolution souvent assez aléatoire.
Explication de la goutte froide
© La Chaîne Météo
Notre météorologie est conditionnée par ce qui se passe au niveau moyen de la mer, avec les centres d'action : dépressions et anticyclones. La présence d'une dépression apporte un temps dégradé, pluvieux, orageux et parfois venteux. À l’inverse, l’anticyclone nous apporte généralement le beau temps et nous protège de ces conditions agitées.
© La Chaîne Météo
Mais notre météo est aussi conditionnée par ce qui se passe dans les couches verticales de notre atmosphère, c’est-à-dire en altitude. La goutte froide appartient à ces phénomènes météo d’altitude qui influencent le temps. C'est une poche d’air froid à environ 5 400 mètres au-dessus de nos têtes. Sa présence entraîne généralement un conflit de masses d’air entre la surface du sol et ce qu’il se passe en altitude. Cette situation se traduit par une instabilité importante avec des pluies et des orages sur la zone concernée. Dans l'illustration ci-dessus, la température de la goutte froide en altitude est d'environ -18°C, ce qui est suffisamment froid pour entrainer une forte instabilité et des orages de grêle. Ses dimensions sont très variables : elle peut couvrir de larges zones (un millier de kilomètres) ou, au contraire, une zone très réduite.
Elle rend les prévisions météo difficiles en raison de son déplacement très chaotique. Elle peut parfois stagner plusieurs jours sur une même zone, provoquant des orages à répétition, des pluies continues, des inondations et des crues, avec parfois le passage de certaines cours d'eau en alerte orange ou rouge.
De violentes chutes de grêle, des précipitations potentiellement intenses
Grêle © La Chaîne Météo
Les orages qui se développent et sont provoqués par la proximité d'une goutte froide sont souvent porteurs de grêle. L'air froid en altitude produit la formation de cristaux de glace qui s'agglomèrent et forment ainsi les grêlons qui retombent au sol sous leur propre poids. Bien que les orages restent souvent isolés, ils provoquent des phénomènes localement dévastateurs comme des chutes de grêle, accompagnées également de puissantes rafales liées à l'orage lui-même.
Dans d'autres cas, le blocage d'une goutte froide peut entraîner la persistance de fortes précipitations sur plusieurs heures et augmenter le risque d'intempéries et inondations, comme ce fut le cas en juillet 2021 en Belgique et en Allemagne.
On voit ce que ça donne en ce moment dans l'Europe de l'Est :
La dépression Boris sème la dévastation en Europe centrale et orientale
Article rédigé parfranceinfo
France Télévisions
Publié le 15/09/2024 12:47Mis à jour le 16/09/2024 16:10
Temps de lecture : 1 min
Les images impressionnantes montrent des quartiers entiers inondés, des rues submergées, ainsi que des habitants avec de l'eau jusqu'aux aisselles, en Roumanie ou encore en République tchèque.
Pluies torrentielles, inondations spectaculaires et meurtrières, évacuations par milliers... La dépression Boris continue de frapper l'Europe centrale et orientale, lundi 16 septembre. En Pologne, "nous avons quatre décès sur les terrains touchés par la catastrophe", a déclaré la police locale. En République tchèque, la police a compté un mort et sept disparus. En Roumanie, sept personnes ont péri, selon les secours. En Autriche, un pompier a perdu la vie lors d'une intervention.
Face à cette situation critique, le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a annulé lundi ses "obligations internationales", "en raison des conditions météorologiques extrêmes", alors qu'il est attendu mercredi devant le Parlement européen. Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, a pour sa part annoncé une aide immédiate d'un milliard de zlotys, soit 235 millions d'euros, aux régions polonaises sinistrées par la tempête Boris.
Le niveau de l'eau sous ce panneau de basket, à Bad Schandau (Saxe, Allemagne) donne une idée de l'impressionnante montée de l'Elbe, le 16 septembre 2024.(JAN WOITAS / DPA / AFP)
"Fermé aujourd'hui à cause des préparatifs face aux inondations", est-il écrit sur ce panneau d'un restaurant à Rathen (Saxe, Allemagne). Dans cette localité, le niveau de l'eau continue à monter, le 16 septembre 2024.(JAN WOITAS / AP / SIPA)
Vue du pont Carola à Dresde (Saxe, Allemagne) qui s'est partiellement effondré, à cause des pluies torrentielles de la dépression Boris, le 16 septembre 2024.(ROBERT MICHAEL / DPA / AFP)
Les quais de l'Elbe sous l'eau, à Dresde (Saxe, Allemagne), le 16 septembre 2024.(ROBERT MICHAEL / DPA / AFP)
Un homme face à une rue transformée en torrent par les pluies extrêmes de la dépression Boris, à Opava (République tchèque), le 15 septembre 2024.(MICHAL CIZEK / AFP)
Un homme s'aventurant dans l'eau après les inondations à Opava (République tchèque) se retrouve avec de l'eau jusqu'à la poitrine, le 15 septembre 2024.(JAROSLAV OZANA / AP / SIPA)
Un camion municipal bloqué par l'eau au milieu de la chaussée, à Jelenia Gora (Pologne), le 15 septembre 2024.(KACPER LOCH / EAST NEWS / SIPA)
Des personnes face à des débris et des déchets charriés par les inondations, à Jesenik (République tchèque), le 15 septembre 2024.(LUKAS KABON / ANADOLU / AFP)
Ces membres des équipes de secours ont sauvé un chien des eaux, à Jesenik (République tchèque), le 15 septembre 2024.(LUKAS KABON / ANADOLU / AFP)
Dans la région de Galati, dans le sud-est de la Roumanie, 5 000 foyers sont touchés par les inondations, comme ici le 14 septembre, dans le village de Slobozia Conachi.(DANIEL MIHAILESCU / AFP)
A Pechea (Roumanie), des habitants nettoient le sol de l'église du village, touchée par les inondations, le 15 septembre 2024.(DANIEL MIHAILESCU / AFP)
Les pompiers tentent de limiter les dégâts causés par les inondations qui touchent la ville de Glucholazy (Pologne), en distribuant des sacs de sable, le 14 septembre 2024.(SERGEI GAPON / AFP)
Le centre-ville de Glucholazy (Pologne) est inondé, le 15 septembre 2024.(SERGEI GAPON / AFP)
Des passants dans une rue de Klodzko, dans le sud-est de la Pologne, le 15 septembre 2024.(MACIEJ KULCZYNSKI / EPA / MAXPPP)
Les champs de Neukirchen an der Enknach (Autriche) sont envahis par les eaux, le 14 septembre 2024.(DANIEL SCHARINGER / APA / AFP)
Le village de Lipova-lazne (République tchèque) subit une crue de sa rivière gonflée par les pluies qui s'abattent sur le pays, le 15 septembre 2024.(MARTIN DIVISEK / MAXPPP)
A Prague, les pompiers tchèques ont installé des barrières anti-inondation le long de la Vltava, le 13 septembre 2024, en prévision des intempéries.(MARTIN DIVISEK / EPA / MAXPPP)
Une ligne du métro de Vienne, la capitale autrichienne, a été partiellement fermée le 15 septembre 2024, le réseau étant menacé par la crue de la rivière Vienne et du canal du Danube.(TOBIAS STEINMAURER / APA / AFP)
En Bavière (Allemagne), la rivière Inn menace la commune de Passau, le 14 septembre 2024.(ARMIN WEIGEL / DPA / AFP)
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Un déluge
- Par Thierry LEDRU
- Le 12/09/2024
A ceux qui pensent que tout va bien et que le froid de ces jours prouvent que nous ne vivons pas de réchauffement climatique :
« Tous les éléments convergent vers une catastrophe climatique majeure ce week-end sur une surface incroyablement étendue de la Pologne à la Croatie sur 7 pays. Les potentiels dégâts agricoles sont vastes : maïs, tournesol, vigne, arboriculture, sorgho, bâtiments d'élevage inondés (...) et risquent d'être incroyablement étendus dans les basses plaines agricoles et reliefs de Prague à Bratislava en passant par Vienne.
Il devrait tomber entre 100 et 300+mm de pluie sur ces zones densément peuplées entourées d'importantes plaines agricoles.
Pourquoi ? Une goutte froide va puiser son énergie dans la méditerranée surchauffée avant de remonter et stationner sur l'Europe Centrale. Les valeurs d'eau précipitable sont folles.
Une catastrophe est imminente. Elle fera sûrement la une des infos ces prochains jours ». Serge ZAKA
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"Anaïs" sur France Info
- Par Thierry LEDRU
- Le 11/09/2024
Deux anciens articles : (cliquez sur le titre)
"Anaïs s'en va-t-en guerre" (cinéma)
"Anaïs, 2 chapitres" : l'histoire d'une jeune agricultrice prête à tout pour lancer son exploitation de plantes aromatiques
Avec ce documentaire, la réalisatrice Marion Gervais saisit une tranche de vie et dresse un beau portrait de femme.
Article rédigé parLaurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié le 11/09/2024 06:00
Temps de lecture : 5 min
"Anaïs, 2 chapitres", de Marion Gervais, sortie le 11 septembre 2024. (LA VINGT-CINQUIEME HEURE)
En 2012, Marion Gervais avait filmé Anaïs, une jeune agricultrice de 24 ans, pleine de passion et de détermination. Dans ce premier documentaire de 46 minutes, Anaïs s'en va-t-en guerre, sorti en 2014, la réalisatrice suivait la jeune femme dans son combat pour s'installer en Bretagne, contre vents et marées, entre une administration tatillonne et un milieu agricole misogyne. Dix ans plus tard, la réalisatrice revient nous donner des nouvelles de cette jeune femme passionnée par son métier, la culture des plantes aromatiques, qui cette fois "s'en va-t-aimer". Ces deux temps forts sont rassemblés dans Anaïs, 2 chapitres, à voir au cinéma le 11 septembre 2024.
Quand le film s'ouvre, Anaïs est accroupie dans ses plantations et elle arrache rageusement les mauvaises herbes en pestant contre l'administration. "Désherber", comme elle le dira plus tard, ça la "détend". La jeune femme vit dans une caravane, sans eau et sans électricité. Elle rêve de lancer sa production de plantes aromatiques. Et pour ça, elle va devoir faire avec les contraintes administratives, les remarques sexistes du monde agricole ("une jolie fille n'a rien à faire dans les champs") et le climat breton. "Aussi, quelle idée de vouloir faire des tisanes en Bretagne...", s'amuse la jeune femme.
Anaïs a besoin d'une réserve d'eau et de financement pour investir dans un séchoir pour ses plantes, mais elle se heurte à la bureaucratie. Pleine de doutes mais jamais complètement découragée, la jeune femme écoute patiemment (même si elle n'en pense pas moins) les conseils des uns et des autres. Puis elle trouve une petite maison et un bout de terre où faire pousser ses plantes. L'aventure peut commencer.
"Je suis sûre que j'irai au bout"
"Ce qui me fait peur, c'est de ne pas y arriver, déclare la jeune femme, toujours en action, parce que si je n'y arrive pas, je ne sais pas ce que je ferai de ma vie". Anaïs travaille 12 heures par jour, et ne tire quasiment pas de salaire de son travail. Qu'à cela ne tienne, elle ne lâche rien :"Je préfère bosser 60 heures par semaine dans mon champ que 35 heures à l'usine", déclare-t-elle en souriant.
Elle laboure, sème, cueille, tout ça seule, et à la main. Et elle s'accroche, les mots de certains lui apportant parfois du réconfort, notamment ceux du chef étoilé Roellinger installé à Cancale, connu pour sa cuisine herbacée. "Si vos plantes sont belles, c'est peut-être parce que vous y avez apporté un soin particulier", lui dit-il.
Avec son corps filiforme de danseuse et ses mains de paysanne, Anaïs travaille inlassablement sur ses terres, comme dans une chorégraphie, portée par un mélange de force et de grâce.
Quand le premier chapitre se referme, il reste encore du travail mais rien ne semble pouvoir arrêter la jeune femme, qui au fil des semaines et des rencontres a trouvé une forme de confiance. "Je ne suis pas du tout sûre que ça va marcher, mais je suis sûre que j'irai au bout", assure-t-elle.
"À deux, ça change tout"
Dix ans plus tard, chapitre 2, on retrouve Anaïs, même fougue, même langage fleuri, une pointe de gravité en plus dans le regard, elle est toujours près du sol, à arracher de l'herbe avec une main pendant que l'autre tient le téléphone. Au bout du fil, les services de la préfecture. Elle a trouvé une nouvelle raison de pester contre l'administration : il lui faut obtenir un visa pour son mari Seydou, originaire du Sénégal, avec qui elle désire ardemment partager son petit paradis de plantes odoriférantes, qu'elle "traite comme des princesses".
Ce second chapitre est exclusivement consacré à l'amour. On aura très peu de détails sur l'évolution de l'exploitation et la vente des tisanes d'Anaïs, si ce n'est par ce qui est montré à l'image, et tout indique que le projet a bien prospéré.
"Anaïs, 2 chapitres", de Marion Gervais, sortie le 11 septembre 2024. (LA VINGT-CINQUIEME HEURE)
Sur cette question de l'amour, en revanche, la vie n'est pas un long fleuve tranquille. Une fois les tracasseries administratives réglées et Seydou installé avec Anaïs, les choses ne vont pas de soi. Si Seydou fait sa part du travail dans les champs et à la maison, il a du mal à s'adapter, et la tension monte entre Anaïs et son mari.
Mais comme dans le chapitre 1, Anaïs n'est pas prête à lâcher. Peu à peu Seydou s'acclimate et le couple trouve ses marques. "Le quotidien est le même, mais à deux, et ça change tout", lâche Anaïs, pendant qu'une nouvelle pousse grandit dans son ventre.
Le temps qui passe
Construit en deux parties, comme l'indique le titre, le film dresse avant tout le portrait d'une femme qui, comme elle le dit elle-même, "ne fait rien comme les autres gens". Une femme déterminée, à fleur de peau, intransigeante, capable de transformer sa colère en énergie pour faire vivre ses rêves.
Dans une mise en scène sobre et pudique, la caméra reste accrochée à son personnage, le film scandé par des plans qui reviennent à intervalles réguliers, comme pour marquer le temps qui passe : les pas d'Anaïs dans les herbes, ou encore ce plan fixe de la jeune agricultrice, de dos, le regard tourné vers l'horizon, qui peu à peu s'élargit.
"Anaïs, 2 chapitres", de Marion Gervais, sortie le 11 septembre 2024. (LA VINGT-CINQUIEME HEURE)
Témoin d'une belle tranche de vie, ce film est traversé par toutes sortes de questionnements sur la société, du travail à la féminité, en passant par l'amour, l'immigration et la tolérance.
Anaïs, 2 chapitres est aussi pénétré par des questions plus intimes, propres à la personnalité extraordinaire d'Anaïs, qui nous fait partager aussi bien sa passion que ses convictions, ses doutes et son extraordinaire force de vie, et aussi celle de Seydou, son amoureux avec son parcours chaotique, et ses silences qui en disent long.
Affiche du film "Anaïs, 2 chapitres", de Marion Gervais, sortie le 11 septembre 2024. (LA VINGT-CINQUIEME HEURE)
La Fiche
Genre : Documentaire
Réalisateur : Marion Gervais
Pays : France
Durée : 1h 44min
Sortie : 11 septembre 2024
Distributeur : La Vingt-Cinquième Heure Distribution
Synopsis : Anaïs, 24 ans, s'installe comme agricultrice en Bretagne. Rien ne l'arrête. Ni l'administration, ni les professeurs misogynes, ni le tracteur en panne, ni les caprices du temps... 10 ans plus tard, Anaïs est maintenant mariée avec un jeune Sénégalais, Seydou. La dure loi des frontières compliquant tout, ils vont devoir se relever les manches... Ensemble. -
Une justice à deux vitesses
- Par Thierry LEDRU
- Le 11/09/2024
Deux millions d'amende, c'est sans doute la somme engrangée par Nestlé dans une matinée... C'est juste lamentable au regard de la tromperie et des conséquences sur l'environnement.
Nestlé Waters va payer une amende de 2 millions d'euros et échapper à un procès
L'entreprise possède les marques Vittel, Perrier, Contrex, Hépar et San Pellegrino.
Article rédigé parfranceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié le 10/09/2024 21:11Mis à jour le 10/09/2024 21:13
Temps de lecture : 1 min
L’usine d’embouteillage de Nestlé Waters, à Contrexéville (Vosges), en France, le 23 mai 2023. (JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)
Nestlé Waters n'ira pas devant les tribunaux. Le groupe, qui était visée par deux enquêtes préliminaires pour des forages illégaux et pour tromperie, va payer une amende de 2 millions d'euros après avoir conclu mardi 10 septembre une convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) avec le parquet d'Epinal.
à lire aussi : Scandale des eaux Nestlé : pourquoi le groupe pourrait échapper à un procès
L'entreprise qui possède les marques Vittel, Perrier, Contrex, Hépar et San Pellegrino doit s'acquitter de cette amende dans un délai de trois mois, a précisé le procureur d'Epinal Frédéric Nahon dans un communiqué, en annonçant la conclusion de cette CJIP, "la plus importante en matière environnementale signée à ce jour en France".
Quelque 516 800 euros pour des associations de défense de l'environnement
La filiale du groupe suisse Nestlé s'est également engagée à "la réparation de l'impact écologique par la mise en place d'un ambitieux plan de renaturation et de restauration" de deux cours d'eau, le Petit-Vair et le Vair, et à la restauration de zones humides situées sur le territoire de Vittel et de Contrexéville. Ce plan représente un investissement de 1,1 million d'euros, et doit être mis en oeuvre sous la supervision de l'Office français de la biodiversité pendant deux ans.
La société va en outre indemniser plusieurs associations de défense de l'environnement à hauteur de 516 800 euros au total. La conclusion de cette CJIP intervient à la suite de deux enquêtes préliminaires. La première portait sur des forages exploités sans autorisation et la seconde pour tromperie, en raison de l'utilisation de traitements non autorisés - reconnue par Nestlé - pour ses eaux minérales, en l'occurrence le traitement par ultraviolets et des filtres à charbon actif.
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James Lovelock, docteur catastrophe
- Par Thierry LEDRU
- Le 07/09/2024
Je pense avoir tout lu de cet auteur, ce qui a été traduit, et maintenant, je lis la thèse d'un chercheur du CNRS le concernant et principalement sur l'hypothèse GAÏA.
Gaïa, Terre vivante
Histoire d'une nouvelle conception de la TerreSébastien Dutreuil
Qui est Gaïa ? Une proposition scientifique ou un nouveau rapport spirituel, philosophique et politique à la nature ? Gaïa est la divinité grecque qui a surgi après Chaos pour engendrer le monde. Mais c'est aussi le nom que James Lovelock, chimiste et ingénieur anglais, et Lynn Margulis, microbiologiste américaine, ont donné dans les années 1970 à l'hypothèse d'une régulation de l'habitabilité de la Terre par les êtres vivants. Cette figure clivante a généré des débats passionnés dans les sciences, en philosophie, dans la littérature écologiste.
Les critiques la résument à l'idée d'un altruisme biologique global, invalidé par la sélection naturelle et dont il ne resterait que de vaines élucubrations New Age. Lovelock estime quant à lui que l'ensemble de ses réflexions spéculatives sur la Vie et la Terre, élaborées depuis le laboratoire construit dans son garage au fond de la campagne anglaise, est à même de transformer les sciences et la conception moderne de la Nature.
Aucun de ces récits n'est satisfaisant. Ils ne permettent pas de restituer l'immense influence de Gaïa sur les sciences de l'environnement, de la constitution des sciences du système terre au concept d'Anthropocène. Ils masquent les enjeux philosophiques et politiques les plus importants de Gaïa. Cette enquête historique et philosophique cartographie les controverses et propose un nouveau récit. Gaïa est une nouvelle conception de la Terre, un cadre pour penser les pollutions de l'environnement global (climat, ozone, insecticides, pluies acides, etc.). Malgré les réticences qui subsistent à l'évocation du nom de Gaïa, nous pouvons enfin saisir l'influence profonde qu'elle a eue sur les savoirs, les philosophies et les politiques contemporaines de la Terre.Version papier : 25.00 €
Version numérique : 18.99 €
James Lovelock, docteur catastrophe
La civilisation va disparaître en raison du réchauffement climatique. C'est un scientifique de très haut niveau qui le dit. Dans son dernier livre, "La Revanche de Gaia", il pourfend les illusions du développement durable.
Publié le 10 février 2006 à 13h41, modifié le 10 février 2006 à 13h41
Vraiment, des milliards de gens vont mourir du fait du changement climatique ?" "Oui. Avec le réchauffement, la plus grande partie de la surface du globe va se transformer en désert. Les survivants se grouperont autour de l'Arctique. Mais la place manquera pour tout le monde, alors il y aura des guerres, des populaces déchaînées, des seigneurs de la guerre. Ce n'est pas la Terre qui est menacée, mais la civilisation."
Le ton est des plus tranquilles, et l'on converse dans l'ambiance sereine d'un cabinet de travail au coeur d'un cottage du Devon plus britannique que nature. D'ailleurs, l'aimable grand-père s'étonne lui-même de sa prophétie : "Je suis un homme joyeux, je n'aime pas les histoires de catastrophes. C'est ce qui rend celle-ci si étrange." Il n'en doute pas : un seuil a été franchi, une machine irréversible est en marche, le réchauffement va s'emballer, atteignant 8 °C en un siècle — un niveau insupportable pour la planète et les hommes qui y vivent. Quand aura lieu la crise ? Avant 2050.
On voudrait bien ne pas l'entendre, se complaire dans l'idée que les choses sont en train de s'arranger, que Kyoto avance, que le développement durable modifie peu à peu la donne, que le vilain Bush va quitter la scène. Sauf qu'il est difficile de négliger un des savants les plus rayonnants des dernières décennies : James Lovelock a peut-être des idées fantaisistes, mais c'est une fantaisie qui a fait de lui, au minimum un très grand scientifique, et peut-être l'inventeur d'une théorie qui pourrait le placer dans la lignée des Newton, Maxwell ou Darwin...
Mais qui est-il ? Surprise : en France, il est totalement ignoré. Au mieux aura-t-on entendu parler de l'hypothèse Gaia, une théorie bizarre et un peu suspecte. En Angleterre, c'est un chéri des médias. Il est célèbre en Allemagne, populaire au Japon, traduit en Espagne. La France est-elle trop étroitement cartésienne ou, plus simplement, provinciale ? Peu importe. Sir Lovelock, qui a inventé divers instruments toujours utilisés aujourd'hui, compte plus de 200 articles scientifiques à son actif, est membre de la Royal Society (l'équivalent de l'Académie des sciences française, en plus chic), a accumulé distinctions et titres dont l'énumération remplirait la moitié de cette page. A 86 ans, tout en contemplant avec sérénité la perspective de la mort — "à notre époque, il est immoral de vouloir vivre au-delà de cent ans" —, il parle comme s'il lui restait sa vie à vivre.
D'ailleurs, il aime bien les tournants. Vers 40 ans, raconte-t-il, "j'avais un job très sûr, presque aucune contrainte, un très bon salaire selon les standards de l'époque. Je me voyais aller tranquillement vers la retraite — ça m'horrifiait. Heureusement, j'ai reçu une lettre de la Nasa qui m'invitait à venir concevoir des instruments qui seraient posés sur Mars ou Vénus. Cela m'a donné une excuse honorable pour quitter un employeur parfait."
Le docteur en médecine travaillait depuis 1941 au Medical Research Council de Londres, côtoyant des hommes comme Archer Martin, Prix Nobel de chimie en 1952. James avait notamment étudié le rhume et inventé divers dispositifs, dont l'un, le détecteur par capture d'électrons, s'est imposé comme un classique des instruments de laboratoire. Il n'hésitait pas à payer de sa personne : étudiant les brûlures pendant la guerre, il se brûlait le bras, avec des collègues, plutôt que de sacrifier des lapins innocents. "Au bout d'une semaine, je pouvais mettre une cigarette sur mon bras sans rien sentir. Mais j'étais quand même trop malade, j'ai arrêté ça."
Le voilà donc en 1961 entre Houston et Los Angeles. Il étudie des dispositifs permettant de prélever du sol de Mars afin d'observer si l'on y trouve des traces de vie. Mais le biologiste ingénieur propose une solution différente : "Il fallait analyser la composition de l'atmosphère sur Mars. Mon argument était que, s'il y avait de la vie sur Mars, elle influerait sur l'atmosphère, celle-ci étant à la fois matériau de la vie et réceptacle de ses rejets. L'atmosphère serait transformée, ce que révélerait l'analyse."
Il conçoit des expériences à cette fin, et commence à faire germer l'idée qui va le rendre célèbre : "Il est apparu que l'atmosphère de Mars était complètement équilibrée, et qu'il n'y avait pas de vie. Or, sur la Terre, il y a une atmosphère extraordinaire, avec un gaz très réactif, l'oxygène : elle devrait être très instable, mais elle reste pourtant toujours au même niveau, favorable à la vie. Vous pouvez en déduire que quelque chose doit la réguler pour qu'il reste constant." L'hypothèse que la Terre constitue un ensemble vivant autorégulé naît. Elle prend le nom de "Gaia" — la Terre mère, dans la mythologie grecque —, suggéré par son ami William Golding, qui recevra le prix Nobel de littérature en 1983.
Après ces années 1960, le développement de la théorie Gaia va occuper l'essentiel de la vie de Lovelock, qui subsiste confortablement en tant que scientifique indépendant, consultant pour des organisations comme la Nasa ou la société Shell. En 2001, plusieurs sociétés savantes internationales (Diversitas, IGBP, etc.) endossent la théorie, déclarant que "le système Terre se comporte comme un système unitaire autorégulé constitué des composants physiques, chimiques, biologiques et humains". L'ancien quaker — il a abandonné la foi en 1951, devenant agnostique — prend bien garde à ne pas se laisser entraîner dans une interprétation spiritualiste de sa théorie. Mais il précise qu'"en privé" il considère "l'espèce humaine comme le système nerveux de Gaia".
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Ce système nerveux se transforme en empoisonneur, affirme Lovelock dans The Revenge of Gaia (La Revanche de Gaia), qui paraît en Grande-Bretagne ces jours-ci chez Penguin. "Cela me rappelle 1938 : les gens, les politiciens, tout le monde savait que la guerre arrivait, mais personne n'agissait de manière sensée. Notre situation est similaire : le désastre peut survenir soudainement."
Il pourfend les illusions du développement durable ou des éoliennes, appelle à la décroissance des consommations matérielles, à une "retraite" de l'économisme — et constate l'inertie des sociétés industrielles. La catastrophe est à la porte et nous ne faisons rien. Mais, au fond, on dirait que cet homme gai et dont le parcours est un tissu d'imagination et d'indépendance peine à croire à sa prophétie. "La vie est si excitante."
Hervé Kempf