Blog
-
Un calme vertigineux
- Par Thierry LEDRU
- Le 16/12/2023
Le calme ou l'indifférence ou le déni. Plusieurs options en fait. C'est le groupe des négationnistes. Le négationnisme écologique, cette fois.
Et puis, il y a ceux et celles qui ont ouvert les yeux depuis un moment et qui ont une idée de plus en plus précise de ce futur qui arrive à grands pas. C'est le groupe des citoyens prévoyants ou des survivalistes.
Ceux qui ont opté pour le calme, l'indifférence ou le déni, c'est à dire les négationnistes les appellent, les "catastrophistes" ou les "écolo-bobos," ou "les Khmers verts".
Il est certain en tout cas que le groupe des négationnistes est appelé à s'affaiblir au fil des années et des événements. Peut-être opteront-ils alors pour le groupe des "J'en foutiste" qui est très peuplé également, c'est à dire ces individus qui ne s'intéressent à rien, ni d'un côté, ni de l'autre. Ils ne critiquent pas les survivalistes et ils n'écoutent pas les critiques des négationnistes. Ils s'en foutent de tout, ils ont décidé de profiter au mieux sans se soucier d'autre chose que de leur personne. On les appelle aussi les "Après moi le déluge".
Pourquoi les négationnsites ne basculeraient-ils pas dans le camp des suvivalistes lorsque la conscience du désastre leur sautera aux yeux ? Parce qu'il leur faudrait faire preuve d'humilité et que ça n'est pas une donnée à laquelle ils sont habitués. L'acceptation de leurs erreurs leur serait insupportable. Choisir le groupe des "J'en foutiste" est beaucoup plus acceptable.
Pourquoi le groupe des négationnsites serait malgré tout amener à s'affaiblir ? Parce que leurs enfants seront moins cons.
C'est le dernier espoir.
Les enfants d'aujourd'hui.
La question est de savoir s'ils auront le temps nécessaire pour sauver ce qui reste.
Non, cette dernière phrase n'est pas exagérée.
Il faudra dans un prochain article que je tente de compiler les dégâts connus, répertoriés, ceux en cours et ceux à venir. Mais pour l'instant, je n'en ai pas le courage.
-
LE DÉSERT DES BARBARES : la création
- Par Thierry LEDRU
- Le 13/12/2023
LE DESERT DES BARBARES
"Que reste-t-il du monde humain ? Cette question qui tournait en boucle dans la tête de Laure, depuis le premier jour, et qui disparaissait, peu à peu. Comment la nature vit-elle cette période ? L'autre interrogation, prioritaire désormais. Cette nature outragée depuis si longtemps par une masse inconsciente, indifférente, prétentieuse, cupide, avide, juste bonne à dilapider les biens de tous, juste bonne à dévaster la création, que ressentait-elle cette Terre libérée ? Les phénomènes naturels, même s'ils témoignaient d'un dérèglement probable, restaient malgré tout des phénomènes naturels. La nature ne se détruisait pas elle-même. Elle vivait ainsi depuis la création. L'homme avait exploité la planète mais il était toujours resté le même. Au regard de la nature, il n'y avait eu aucune évolution spirituelle d'ampleur. Quelques individus œuvraient à une existence juste et respectueuse du vivant. Trop peu, beaucoup trop peu. La masse avait grandi inexorablement et la quête des biens avaient servi de fil conducteur. Comme si l'être dépendait essentiellement de l'avoir. Oui, le confort vital offrait la sérénité nécessaire à l'émergence du bien-être, elle ne pouvait le nier mais la limite avait été dépassée, l'équilibre rompu et cette course avait pris l'allure d'une perdition.
Et maintenant, le ciel était vide et aucun bruit ne remontait de la vallée.
Existait-il au cœur de la nature une réjouissance ?
Le bonheur de courir, avec Théo. Elle en aimait chaque instant, chaque foulée, chaque souffle, chaque appui sur les pierres, ce jeu précis de l'équilibre et de la puissance. La détresse n'apportait aucune solution, elle nourrissait l'effondrement quand le bonheur de vivre soutenait la résilience. Ce lever de soleil dévoilait l'étendue d'un désastre consommé et il révélait simultanément une abondance de merveilles. L'état des lieux ne pouvait se limiter à l'impact des catastrophes sur les humains. Cette auscultation ciblée reproduisait le fonctionnement spirituel mensonger de la masse. Il ne s'agissait pas de la fin du monde, cette expression mensongère, cet accaparement révélateur du positionnement de l'humain. Comme si le monde avait besoin de l'humanité. Il n'y aurait plus aucun humain que le monde serait toujours là. Bien sûr qu'il était juste d'honorer la mémoire des morts mais il était plus important encore de bénir la création au risque de n'être qu'un humain limité à sa courte existence, à son petit moi agité, à son ego formaté, à une appartenance limitée.
« Attention à la branche », prévint Théo.
Elle se baissa pour passer sous l'obstacle et réalisa à quel point ses pensées ouvraient de perspectives. L'effondrement ne concernait qu'une frange de la création, une part infime du vivant. D'où venait cette injonction à hurler de douleur ou à verser des océans de larmes parce que des millions d'humains périssaient ? Un instinct grégaire, une reconnaissance cellulaire ? Non, non, non. Cet amour inconditionnel envers ses semblables, elle n'en avait jamais éprouvé la réalité profonde. Des données familiales, sociétales, éducatives. « Tu aimeras ton prochain... » Et la Terre alors, la création, la nature, l'intégralité du monde vivant ? Combien pleurait le mal qu'elle subissait depuis des siècles ? La Terre ne comptait-elle pas parmi nos proches ? Pour les peuples premiers, elle était notre Mère à tous. Cet attachement à la douleur humaine nourrissait depuis des siècles l'indifférence envers la planète.
« Tu m'as parlé ? interrogea Théo.
- Non, non, je parle toute seule, répondit Laure en réalisant que les pensées étaient si puissantes qu'elles s'extirpaient elles-mêmes de son crâne. Vas-y, cours, je te suis !
- On va bifurquer dans cinq minutes, faut qu'on descende, ça ne passe pas tout droit, on franchit la cheminée du paradis et on monte au sommet de la dent de Crolles. »
Elle ne répondit rien. L'esprit envahi par un déluge de pensées. Un déluge délicieux, comme des pluies nourricières, des moussons salvatrices, une eau qui nettoie, qui épure, qui ravine et emporte les choses mortes, des vents qui dispersent les pollens, des lumières qui attisent les croissances, des chaleurs qui exaltent, des fraîcheurs qui apaisent.
Elle continua à épouser les foulées de Théo, parfaitement calée sur son rythme, le corps libre, sans qu'aucun objectif rapporté ne vienne entraver cette liberté intérieure.
Ils quittèrent les crêtes et basculèrent dans la pente, dans l'ombre de la face est. Ils franchirent un ressaut rocheux et reprirent les foulées, ils atteignirent le pied de la dent de Crolles et entamèrent la montée finale.
Le soleil avait réchauffé l'atmosphère quand ils aperçurent la croix du sommet, le plateau sommital en pente douce, des nuées évanescentes dérivaient en altitude, une brise légère jouait à animer les dentelles, les sommets de Belledonne flamboyaient, les neiges automnales comme des parures scintillantes.
Dans les derniers mètres avant d'atteindre le bord de la falaise et de découvrir la vallée entière, Théo s'arrêta. Laure dans ses pas.
« Sur cet itinéraire, avant que le monde ne parte en vrille, je rencontrais toujours des randonneurs. Pas des dizaines mais quelques-uns. Aujourd'hui, j'ai l'impression de vivre dans un monde parallèle, une autre dimension, le monde d'en bas et le monde d'en haut.
- Oui, Théo, mais ce ressenti est influencé par notre statut d'être humain.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Les phénomènes naturels nous impressionnent par rapport aux dégâts qu'ils provoquent sur l'humanité mais est-ce que nous réagissions réellement lorsque la beauté de la création ne nous portait pas préjudice, lorsque la quiétude nous entourait ? On se pâmait devant un beau paysage, un beau coucher de soleil, un champ de fleurs mais sans en être bouleversés, sans que ces spectacles ne déclenchent un bouleversement radical, une rupture dans le simple ébahissement épisodique. On a vécu comme des enfants gâtés, incapables de réellement prendre conscience … je ne sais pas comment l'exprimer ... On vivait à côté de la nature et maintenant qu'elle nous secoue, on ne voit d'elle que sa puissance destructrice. Parce que c'est notre monde parallèle qu'elle bouleverse … Désolé. Je ne sais pas comment l'expliquer.
- Si, je comprends, Laure. Nous n'avons pas témoigné de notre reconnaissance, pas à la hauteur du cadeau inestimable de la création et maintenant, nous ne voyons que les bouleversements qu'elle nous impose.
- Il m'est arrivé de me demander quelle était la probabilité que la vie se développe sur la Terre. Je ne sais pas si un scientifique a déjà répondu à cette question mais j'imagine que c'est absolument bluffant, déconcertant, au-delà du concevable. Et il en est de même avec moi. Pourquoi moi et pas une autre combinaison entre l'ovule et le spermatozoïde ? Je suis une miraculée et nous le sommes tous. Sur une planète qui est elle-même une énigme scientifique et pour l'instant la seule connue. Et il faudrait pourtant que je sois atterrée, dévastée, désespérée, par les événements dramatiques auxquels nous assistons ? Non, je m'y refuse, non par obstination ou par déni mais parce que la vie est infiniment plus puissante que tous les désastres.
- C'est le monde humain qui est parti en vrille, Laure, pas la nature. Ou alors, il faudrait accepter l'idée que la nature accompagne le mouvement, qu'elle nous imite, peut-être même qu'elle pense nous aider, qu'elle participe délibérément au nettoyage.
- Oui, Théo, on l'a déjà évoqué et l'enchaînement des phénomènes plaide pour cette hypothèse.
- Alors, si c'est bien le cas, nous devons changer de regard. Nous devons changer, intérieurement. Le problème, ça n'est pas la nature, c'est nous. »
Il lui tendit la main, la paume vers le ciel.
"L'homme est capable du meilleur comme du pire, mais c'est vraiment dans le pire qu'il est le meilleur. C'est Grégoire Lacroix qui a écrit ça, il y a longtemps. Il nous reste donc à inverser la tendance. »
Elle serra la main de Théo et ils avancèrent jusqu'au bord de la falaise." -
"Touche pas à mon école".
- Par Thierry LEDRU
- Le 13/12/2023
Donc, parce que ces œuvres déplaisent aux intégristes, elles devraient disparaître aux yeux de tous, n'être jamais présentées, jamais étudiées, jamais contemplées, tous les élèves de France devraient en être privés parce que cela choque ces intégristes ?
Il faudrait donc que les enseignants acceptent le risque d'être égorgées, décapités, brûlés vifs ? Que leurs familles soient menacées ?
Les panneaux publicitaires dans les villes présentent en ce moment des femmes en lingerie dans tous les abris bus et sur les trottoirs des rues commerçantes, des starlettes de pacotille gagnent des fortunes en tenue très légère, les journaux-poubelles du type "Voici", "Gala" et toute la bande multiplient les photos de starlettes à moitié dénudées etc etc...Personnellement, je m'en fiche, tout ce commerce ne m'intéresse évidemment pas mais d'un autre côté les œuvres d'art de notre culture devraient disparaître ? Mais on va où là ?
Il y a un moment où il va falloir se poser une question très importante : l'intégration signifie-t-elle la désintégration de notre patrimoine culturel ? Jusqu'où doit-on supporter cet intégrisme ? Peut-être, en fait, qu'il n'y a que les enseignants qui en souffrent et il est clair que même à la retraite, je me sens concerné. "Touche pas à mon école".
-
Cahiers de doléances version 2023
- Par Thierry LEDRU
- Le 12/12/2023
En 2010, j'ai écrit sur mon blog que dans les années 2020, il n'y aurait plus assez de profs, école élémentaire, collège et lycée. C'est arrivé encore plus vite que ça puisque les absences de profs ont commencé à devenir vraiment nombreuses dès 2015 et que ça s'aggrave année après année. A tous les étages. Donc, maintenant, il faut que les élèves écrivent à Mme la Reine pour être entendus. Non, mais on va où là ?..
« Eksusé nou pour lai fote » : la lettre coup de gueule de collégiens de Valençay privés de prof de français
Publié le 08/12/2023 à 16:42 | Mis à jour le 11/12/2023 à 10:45
Le texte de la lettre des élèves du collège Alain-Fournier.
© (Copie du courrier des élèves du collège Alain-Fournier)Trois classes de 6e et une classe de 3e du collège Alain-Fournier de Valençay, dans l’Indre, n’ont plus de professeur de français depuis le 17 octobre 2023. Les élèves ont alerté les instances et Brigitte Macron par une lettre… truffée de fautes !
Voilà une lettre qui interpelle. Depuis le 17 octobre 2023, trois classes de 6e et une classe de 3e du collège Alain-Fournier de Valençay n’ont plus de professeur de français. Leur enseignante attitrée, gravement malade, a en effet dû être arrêtée.
Pour alerter sur leur situation, quatre élèves de 6e – Morgane, Maëly, Cléa et Eugénie – ont eu l’idée de rédiger un courrier (volontairement) truffé de fautes qu’ils ont fait signer par tous les camarades, pour ensuite l’envoyer « à toutes les instances » et même à Brigitte Macron, ancienne professeure de… français !
Dans leur courrier (volontairement) truffé de fautes, les collégiens de Valençay, privés de professeur de français depuis le 17 octobre 2023, entendaient interpeller les instances de l’Éducation nationale et Brigitte Macron, elle-même ex-professeure de français.
© (Copie du courrier des élèves du collège Alain-Fournier)L’initiative a semble-t-il fonctionné, puisque le service presse de l’académie d’Orléans-Tours fait savoir que deux professeurs de français à mi-temps ont été trouvés pour pallier ce manque de manière pérenne. « Ils sont dans l’établissement ce vendredi après-midi (8 décembre) pour faire le point et prendre leur poste dès mardi prochain (12 décembre) », précise l’académie.
-
Christiane Singer : sur la réalité de l'être
- Par Thierry LEDRU
- Le 06/12/2023
Un texte magnifique.
·
« Quand je demande à ceux que je rencontre de me parler d'eux- mêmes, je suis souvent attristée par la pauvreté de ma moisson.
On me répond: je suis médecin, je suis comptable...
j'ajoute doucement: vous me comprenez mal.
Je ne veux pas savoir quel rôle vous est confié cette saison au théâtre, mais qui vous êtes, ce qui vous habite, vous réjouit, vous saisit ?
Beaucoup persistent à ne pas me comprendre, habitués qu'ils sont à ne pas attribuer d'importance à la vie qui bouge doucement en eux.
On me dit: je suis médecin ou comptable mais rarement:
ce matin, quand j'allais pour écarter le rideau, je n'ai plus reconnu ma main...
ou encore: je suis redescendu tout à l'heure reprendre dans la poubelle les vieilles pantoufles que j'y avais jetées la veille; je crois que je les aime encore...ou je ne sais quoi de saugrenu, d'insensé, de vrai, de chaud comme un pain chaud que les enfants rapportent en courant du boulanger.
Qui sait encore que la vie est une petite musique presque imperceptible qui va casser, se lasser, cesser si on ne se penche pas vers elle ?
Les choses que nos contemporains semblent juger importantes déterminent l'exact périmètre de l'insignifiance: les actualités, les prix, les cours de la Bourse, les modes, le bruit de la fureur, les vanités individuelles.
Je ne veux savoir des êtres que je rencontre ni l'âge, ni le métier, ni la situation familiale; j'ose prétendre que tout cela m'est clair à la seule manière dont ils ont ôté leur manteau.
Ce que je veux savoir, c'est de quelle façon ils ont survécu au désespoir d'être séparé de l'Un par leur naissance, de quelle façon ils comblent le vide entre les grands rendez- vous de l'enfance, de la vieillesse et de la mort, et comment ils supportent de n'être pas tout sur cette terre.
Je ne veux pas les entendre parler de cette part convenue de la réalité, toujours la même, le petit monde interlope et maffieux: ce qu'une époque fait miroiter du ciel dans la flaque graisseuse de ses conventions !
Je veux savoir ce qu'ils perçoivent de l'immensité qui bruit autour d'eux.
Et j'ai souvent peur du refus féroce qui règne aujourd'hui, à sortir du périmètre assigné, à honorer l'immensité du monde créé..
Mais ce dont j'ai plus peur encore, c'est de ne pas assez aimer, de ne pas assez contaminer de ma passion de vivre ceux que je rencontre.»
Christiane Singer, "Les sept nuits de la Reine"
-
Thoreau : être juste
- Par Thierry LEDRU
- Le 02/12/2023
C'est un texte qui m'a longtemps interpellé et qui continue à le faire car se pose le problème de ce que je considère comme juste, par delà le droit.
Il n'est qu'à voir le conflit actuel entre le hammas et le gvt israélien. Chaque camp est persuadé d'agir de façon juste.
Il manque donc un élément crucial dans le texte de Thoreau.
Ce qui est juste pour moi ne doit pas porter atteinte à autrui.
Mais alors aussitôt se pose la question de la résistance quand elle est nécessaire et justifiée. Devons nous par exemple laisser faire les gouvernants et les financiers dévaster la planète où devons nous entrer en résistance quitte à enfreindre les lois?
Ceux et celles qui lisent ce blog depuis un certain temps savent que j'ai été consiodéré comme "rebelle" lorsque j'ai refusé d'obéir à la réforme du ministre Peillon. Et lorsque j'ai envoyé un dossier de 400 pages au ministre de l'époque, Mme Belkacem, sans respecter la voie hiérarchique, j'ai été convoqué devant l'inspecteur d'académie et sommé de suivre une thérapie chez une psychiatre, mis à demi-salaire, perdu mon poste dont j'étais titulaire, mon blog a été "surveillé" par les RG pendant plusieurs mois et en trois ans de "désobéissance civique", j'ai été convoqué huit fois en hôpital psychiatrique. Parce que ce que je pensais comme juste allait à l'encontre de "l'ordre". Au final, cette réforme a été annulée par le ministre Blanquer et j'ai donc fait mes deux dernières années de classe pour partir le premier jour où ma retraite m'était accordée. Je suis parti dans un sale état, psychologique et physique, mais si je n'avais pas été jusqu'au bout de mes convictions, ça aurait été bien pire...
https://reporterre.net/En-rebellion-pour-la-biodiversite-des-scientifiques-finissent-au-tribunal
En « rébellion » pour la biodiversité, des scientifiques finissent au tribunal
Huit scientifiques et activistes ont été jugés le 30 novembre à Paris pour avoir occupé le Muséum national d’histoire naturelle en 2022. L’affaire a été mise en délibéré et le jugement sera rendu le 15 janvier.
Porte de Clichy, XVIIe arrondissement (Paris), reportage
C’était un hasard du calendrier. Le jeudi 30 novembre, jour de l’ouverture de la COP28 sur le climat à Dubaï, huit scientifiques et activistes étaient jugés au tribunal judiciaire de Paris. Leur tort : avoir alerté sur la crise écologique lors d’une conférence organisée sans autorisation en occupant le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) en avril 2022. L’issue de ce procès sera connue le 15 janvier, l’affaire ayant été mise en délibéré, tandis que le procureur a requis la relaxe.
« La coïncidence entre ces deux événements met en lumière le caractère révoltant de la situation actuelle, estime Kévin Jean, membre du collectif Scientifiques en rébellion. Alors que la COP est présidée par le dirigeant de l’une des principales compagnies pétrolières au monde et que l’État français a été condamné pour inaction climatique, ce sont les lanceurs et lanceuses d’alerte qui sont poursuivis. »
« Il n’y a pas eu d’effraction », observe la présidente
Les scientifiques étaient convoqués à 9 heures. Ils sont arrivés peu avant sur le parvis, accompagnés d’une vingtaine de soutiens. Le MNHN, qui avait déposé plainte, était lui absent : l’établissement de recherche et de diffusion de la culture scientifique naturaliste ne s’est pas constitué partie civile. D’après nos informations, l’affaire avait provoqué un malaise en son sein, plusieurs personnes travaillant sous sa tutelle ayant participé à l’action ou la soutenant.
Une trentaine de personnes avaient participé à l’action du 9 avril 2022. © Nnoman Cadoret / Reporterre
Les faits poursuivis, exposés par la présidente, se sont déroulés le soir du 9 avril 2022. En pleine campagne pour l’élection présidentielle, une trentaine de scientifiques et d’activistes membres d’Extinction rébellion étaient entrés dans la galerie de paléontologie et d’anatomie comparée du MNHN. « Il n’y a pas eu d’effraction, vous avez payé l’entrée, observe posément la magistrate. Vous êtes ensuite restés après la fermeture, a priori dans le calme, puisque nous n’avons pas établi de lien entre votre présence et d’éventuelles dégradations. »
Dix-huit activistes ont reçu une amende de 300 euros
Dans le musée, les occupants se sont installés au pied d’un squelette de mammouth, allégorie des risques existentiels qui pèsent sur l’espèce humaine et sur le vivant. Ils ont réalisé une douzaine de présentations sur la crise écologique. Il s’agissait de la première action organisée en France par le collectif Scientifiques en rébellion, issu de l’appel de 1 000 scientifiques à la désobéissance civile publié dans le journal Le Monde en février 2020.
« Ce soir-là, est-ce que vous aviez bien compris qu’on vous demandait de sortir ? » a demandé la présidente. « Non, personne ne nous a formellement demandé de sortir. Ni les vigiles, ni les policiers, ni le personnel du musée », a répondu David Nacass, un activiste, tandis que ses camarades choisissaient de garder le silence. Les occupants étaient ensuite partis de leur plein gré vers 20 h 30. Ils avaient néanmoins reçu, pour dix-huit d’entre eux, une amende de 300 euros.
Christophe Bonneuil, historien des sciences, s’est présenté en qualité de témoin. © Nnoman Cadoret / Reporterre
Ce procès était l’occasion, pour les huit « rebelles » qui contestaient cette amende, de défendre la légitimité de leur action au regard de l’urgence climatique et de la perspective de la sixième extinction de masse.
Elles et ils ont invoqué l’état de nécessité [1] dans une déclaration commune, lue à trois voix : « Il est temps que la justice française reconnaisse que des dangers actuels et imminents, démontrés par les travaux des scientifiques, pèsent sur l’habitabilité de notre planète. [...] Nous, scientifiques, avons pris notre part en faisant cette action », a notamment déclaré Isabelle Krebs, activiste à Extinction Rebellion. « Face aux dangers imminents posés par l’extinction des espèces et le réchauffement du climat, cette action était tout à fait nécessaire et proportionnée pour toucher un public différent », a appuyé l’avocat de ces derniers, Thomas Brédillard.
« Quand on est scientifique, c’est notre devoir d’envoyer des signaux d’alerte pour arrêter cette folie »
Quelques instants plus tôt, trois personnalités scientifiques s’étaient présentées en qualité de témoins. Christophe Bonneuil, historien des sciences, Fabrice Flipo, philosophe, mais aussi le biologiste Pierre-Henri Gouyon, professeur émérite au MNHN. Ce dernier a fait remarquer qu’il « témoignait contre [sa] propre institution ». « Actuellement, le monde vivant s’effondre à une vitesse faramineuse », a-t-il déploré, en pointant la responsabilité de l’agrochimie « qui empoisonne la Terre entière ». « Quand on est scientifique, a-t-il poursuivi, c’est notre devoir d’envoyer des signaux d’alerte pour arrêter cette folie. Les personnes que vous jugez aujourd’hui rendent un grand service à notre société. »
Une militante tient une pancarte indiquant « Des scientifiques en procès pour dire la vérité ». © Nnoman Cadoret / Reporterre
Mais la présidente et le procureur ne semblaient pas convaincus par le mode d’action employé. « Pourquoi utiliser des moyens à la limite de la légalité ? » a plusieurs fois demandé la présidente. Mais aussi : « Pourquoi ne pas faire autre chose, comme envahir le siège de médias ? » La question a été accueillie par des rires gênés et des regards inquiets dans les rangs de la presse. « Pourquoi ne pas sensibiliser les parlementaires ? » a embrayé le parquet. « Nous avons déjà tout essayé et nous continuons de tout essayer », a répondu le chercheur Tanguy Fardet. Également invité à se positionner, le philosophe Fabrice Flipo a estimé que « la réponse actuelle n’est pas à la hauteur, alors il faut aussi des actions qui créent l’évènement, qui fassent électrochoc ».
Le jugement rendu le 15 janvier
Malgré ces échanges, dans ses réquisitions, le procureur n’a pas retenu la notion d’état de nécessité. « Peu importe l’intention », a-t-il tranché. Il a toutefois requis la relaxe des prévenus, car il estime que l’infraction n’est « pas constituée » : « Je ne peux pas vous apporter la preuve que ces personnes avaient connaissance des horaires de fermeture de ce musée au public, a-t-il dit. À aucun moment elles n’auraient vu un panneau à l’entrée leur signalant les horaires et personne n’est venu leur signaler, alors le doute doit leur profiter. »
Un dénouement surprenant, accueilli par des murmures d’étonnement. L’affaire a été mise en délibéré au 15 janvier. Après l’audience, vers 11h15, les chercheurs ont déployé des banderoles sur lesquelles était inscrit : « Scientists on trial to say the truth » (scientifiques en procès pour dire la vérité) et « Réponse de l’État à l’urgence climatique : mettre les scientifiques en procès ! ».
-
Au-delà du connu.
- Par Thierry LEDRU
- Le 28/11/2023
"Une vibration moléculaire se produit lorsque les atomes d'une molécule sont dans un mouvement périodique pendant que la molécule dans son ensemble subit un mouvement de translation et de rotation. La fréquence du mouvement périodique est appelée fréquence de vibration. Une molécule non linéaire constituée de n atomes possède 3n-6 modes normaux de vibration, alors qu'une molécule linéaire n'en possède que 3n-5, puisque la rotation autour de son axe moléculaire ne peut être observée. Une molécule diatomique ne possède ainsi qu'un mode normal de vibration. Les modes normaux des molécules polyatomiques sont indépendants les uns des autres, chacun d'entre eux impliquant des vibrations simultanées des différentes parties de la molécule; Une vibration moléculaire est produite lorsque la molécule absorbe un quantum d'énergie, E, qui correspond à une vibration de fréquence, ν, selon la relation E=hν, où h est la constante de Planck. Une vibration fondamentale est excitée lorsqu'un tel quantum d'énergie est absorbé par la molécule dans son état fondamental. Lorsque deux quanta sont absorbés la première harmonique est excitée, et ainsi de suite pour les harmoniques suivantes."......
Non, je n'y comprends pas grand-chose mais ça me fascine et en même temps, ça me désole quelque peu parce que ces connaissances fabuleuses sont des ouvertures vers ce qui n'est pas visible, vers un mystère immense, celui de ce qui est, le réel, alors que moi, petit esprit limité, je ne perçois que ma réalité. Alors, parfois, je lis des documents que je ne comprends pas, juste pour revenir à cette conscience que ce que je perçois n'est qu'une infime partie de ce qui est. Je n'y ai pas accès par la réflexion, par manque de connaissances, mais il me semble que, parfois, je parviens à en percevoir quelques parfums, quelques touches de lumière, quelques effleurements, des moments fugaces mais intenses. Et c'est toujours lorsque je suis dans la nature. Dehors, dans le silence.
Peut-être aussi lorsque j'écris. Cet étrange état dans lequel la création littéraire semble ne pas m'appartenir mais venir d'un espace qui s'est ouvert. Est-ce moi qui suis parvenu à m'y insérer ou est-ce cet espace qui m'a englobé ? La question paraît absurde mais lorsque je lis le texte précédent, je me dis que la perception de la réalité n'est qu'une infime partie et que tout ce qui peut me paraître absurde n'est peut-être que la mise en lumière de mon ignorance. -
Michel Simon
- Par Thierry LEDRU
- Le 24/11/2023
J'avais 3 ans.
Et certains se rendaient déjà compte que ça tournait mal.
Et on sait où on en est maintenant.
Et on peut deviner où on va.
""Les bêtes sont merveilleuses parce qu’elles sont en contact direct avec la nature. Ce qui aurait, peut-être, pu sauver l’humanité, je crois, c’est peut-être la femme, parce qu’elle est encore en contact avec la nature. Elle échappe aux lois, aux imbécillité si émises par les anormaux. Mais elle n’a pas voix au chapitre.
Les animaux vont disparaître. Il n’en restera plus bientôt. J’avais une trentaine de nids d’hirondelles. L’année passée, j’ai eu deux nids d’hirondelles et pour la première fois j’ai ramassé une hirondelle qui était tombée de son nid, qui était si pauvrement alimentée ... Grâce aux progrès de la science, la science chimique qui assassine la Terre, qui assassine l’insecte, qui assassine l’oiseau, qui tue toute vie, qui assassine l’homme, on s’en apercevra peut-être trop tard.""
Michel SIMON - interview 1965