Blog
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Candide Thovex
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/04/2012
Je ne connais pas de plus belles images de ski. Candide Thovex est LE free rider le plus talentueux, le plus créatif. Et dont les vidéos sont, pour moi, les plus belles.
Si quelqu'un connaît la musique de celle-ci, je serais très heureux d'en connaître le compositeur.
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Ego et involution.
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/04/2012
"Ego : Acte par lequel la conscience de soi se pose en origine de soi, se coupant à la fois de soi et de son origine. "
Tariq Demens.
S'agit-il vraiment d'un acte ? Par "acte", j'entends une volonté et pas une réaction ?
Est-ce qu'il y a vraiment une volonté ou plus simplement un abandon ?
S'il s'agit d'un abandon, quelle en est la source ?
Pourquoi les individus s'égarent parfois dans cette dimension égotique, à partir de quand cela se produit-il, quels évènements ou situations prolongées contribuent à cet égarement ?
S'agit-il d'ailleurs d'un égarement ? Quelles en sont les conséquences ? Est-ce vraiment si problématique ?
Les individus qui restent ancrés dans l'origine du soi sans que ce soi ne se considère comme l'origine de l'individu sont-ils plus à mêmes de participer à la justesse du monde ? Comment parvenir à établir le comportement inhérent à cette justesse ? En quoi consiste-t-il ?
Si une bonne partie de l'humanité est enfermée dans un moi encapsulé, il faut bien qu'il y ait eu un point de départ, un phénomène déclencheur, un choix qui se soit fait. A moins qu'il ne s'agisse que d'une dégénérescence et que cette humanité soit engagée sur une voie négative.
Pourquoi l'évolution ayant contribué à l'avènement d'un cortex, d'une conscience, d'une intelligence serait-elle anéantie par une involution ? Il doit y avoir une explication.
Il y a des jours où j'aimerais que ça se calme en moi.
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Jarwal le lutin : la conscience de la vie
- Par Thierry LEDRU
- Le 24/04/2012
JARWAL LE LUTIN
tome 4
"Ils mangèrent en gardant les yeux tournés vers les horizons ou sur les eaux miroitantes. Ce calme étrange dans les pensées secrètes et quelques paroles dérisoires qui surgissaient parfois. Cette présence du monde qui emplissait les esprits, comme un partenaire respectueux qui se tenait, immobile, silencieux et fidèle.
Au loin, des brumes de chaleur couvraient les vallées d’un voile diaphane, des haleines tièdes qui cachaient les agitations humaines. Les villes se dissipaient sous des volutes immobiles. Les sommets rayonnaient en pleine lumière. Quelques nids de neige subsistaient encore dans les faces sombres. Les forêts de résineux dessinaient des lignes de partage avec les alpages et, plus bas, les feuillus dispensaient des palettes de verts aux variétés infinies.
Léo jeta un caillou dans l’eau du lac. Des ondes circulaires s’étendirent dans une symétrie parfaite.
« Quand je vois les cercles, comme ça, sur l’eau, expliqua Rémi, j’imagine toujours mes pensées. Comme si la première qui arrive, c’est comme un caillou qui tombe à l’eau et ensuite, la pensée s’étend, s’étend. Et puis, après le calme revient et c’est tout lisse dans ma tête, comme le lac. »
Lou regarda Rémi avec surprise, une certaine curiosité. Une émotion étrange. Elle n’avait jamais fait attention à lui au collège. Il était juste le frère de son amie, de sa seule amie. Mais elle ne l’avait jamais écouté et elle découvrait un monde intérieur qui lui plaisait beaucoup. Elle se trouva absurde en réalisant qu’elle avait ignoré le garçon uniquement parce qu’il avait un an de moins qu’elle.
« C’est une très belle image Rémi, avoua-t-elle. Je trouve difficile en tout cas de parvenir à faire en sorte que dans ma tête, ça soit comme le lac. J’ai l’impression que des cailloux tombent tout le temps à l’intérieur et que tous les cercles se superposent sans arrêt. »
Rémi ressentit un picotement délicieux. Cette certitude qu’il existait vraiment pour Lou, qu’il n’était pas juste qu’un camarade du jour. Il se surprenait en même temps d’avoir osé révéler cette image devant de nouveaux compagnons. Cette conscience soudaine que les pudeurs entretenaient l’insignifiance des échanges alors qu’il suffisait d’être vrai et honnête pour créer un réel partage, une rencontre inespérée. Cette idée que les hommes construisaient leurs propres prisons. Jarwal l’avait dit.
Ils finirent leur casse-croûte et reprirent le chemin.
Les interrogations s’éveillèrent rapidement. Lou voulait en savoir davantage sur le voyage de l’eau. Tian s’intéressait grandement aux Kogis. Il pensait aux Tibétains, colonisés à leur tour. Encore et toujours des soumissions et des douleurs, rien n’avait changé dans le fonctionnement de l’humanité.
Marine essayait d’expliquer ce que Jarwal avait découvert à travers la perte de sa mémoire.
« Il dit que si on reste attaché à notre mémoire, on perd la conscience de la vie. Mais c’est compliqué à expliquer en fait. C’est comme si le passé que notre mémoire garde en elle nous privait de la compréhension de la vie immédiate.
-Un peu comme si on traînait un fardeau. On dépense notre énergie pour ça alors qu’on devrait l’utiliser dans l’instant présent, c’est ça ? demanda Tian.
-Oui, c’est ça, acquiesça Marine, en souriant au jeune garçon. Mais en plus, Jarwal disait qu’on en finissait par ne plus exister réellement. On se souvenait d’avoir vécu et on se servait de ces souvenirs pour recevoir le présent.
-Par exemple, en ce moment, on est tellement attaché au souvenir de Jarwal qu’on en finit par ne plus voir ce qui nous entoure, ajouta Léo, alors que la petite troupe arrivait au col.
-Tu as bien raison, petit frère, renchérit Rémi. On ne se sert même pas de ce que Jarwal nous a appris. C’est nul.
-C’est bien la preuve que quand on apprend quelque chose, ça n’est pas pour autant que c’est à nous.
-Oh oui, Léo, alors tu imagines un peu avec tout ce qu’on doit avaler à l’école, reprit Marine. Et en plus, ça ne nous concerne pas directement. C’est juste du savoir. Alors que Jarwal, il nous parle de notre vie. Et pourtant, même ça, on n’arrive pas vraiment à s’en servir.
- Dites donc, vous n’imaginez pas le plaisir que j’ai à être avec vous. Je pensais qu’on allait juste faire une balade en montagne et j’étais déjà très contente mais alors, là, ça dépasse tout ce que j’espérais, lança Lou, rayonnante. C’est chouette toutes ces discussions. C’est triste d’ailleurs qu’à l’école, on ne parle jamais de tout ça et même entre nous, comme si l’endroit lui-même nous rendait bête.
-Ah, ah, éclata Tian, c’est exactement ça, c’est un endroit qui nous rend bête de savoir.
-Et qui nous éloigne de nous-mêmes, continua Rémi, en nous racontant que c’est pour nous préparer à gagner notre vie. Je déteste cette expression. »
Un regard de Lou que Rémi surprit, un choc immense, l’attention qu’elle lui portait, comme une volonté de le comprendre, de saisir tout ce qu’il portait, la tête légèrement inclinée, une interrogation curieuse, tendre, le bonheur de la rencontre, une découverte inattendue. Comme une fenêtre ouverte sur un espace inconnu.
Ils regardèrent silencieusement les horizons gagnés. La chaîne de la Lauzière et ses arêtes dentelées, les forêts comme arrêtées par une ligne infranchissable, l’altitude dessinée sur le faîte des derniers arbres, une longue ligne régulière courant sur les flancs, les alpages les dominant jusqu’aux premières zones rocheuses et cet élan vertical projetant vers les cieux immobiles des flèches minérales.
Ils percevaient, remontant du fond de la vallée, la rumeur des camions et des voitures filant sur l’autoroute, une rumeur sourde, envahissante.
« J’aurais aimé connaître cette vallée avant même que l’homme y soit installé, annonça Léo. Vous imaginez cette immensité dans le silence, tout à découvrir, aucun chemin, des animaux en pagaille, ça devait être extraordinaire.
-En Chine, il y a des régions qui sont encore très peu habitées, des étendues immenses, mon père m’a dit qu’il y avait une différence de vie incroyable entre certaines zones du Nord et les grandes villes. Dans les mégapoles, il y a des enfants qui n’ont jamais vu la nature, rien, ils ne sont jamais sortis de ces centaines de kilomètres de rues, les villes en France sont toutes petites comparées à Shangaï ou Pékin.
-Je ne pourrais pas y survivre, intervint Rémi.
-Moi non plus, Rémi, continua Tian et il y a d’ailleurs beaucoup de gens qui y meurent. La pollution atmosphérique est terrifiante. Certaines villes industrielles sont constamment recouvertes par un nuage gris. On n’y voit jamais le ciel bleu.
-C’est complètement fou.
-Oui, Léo, pire que ça, même, c’est suicidaire. Et soi-disant pour vivre mieux.
-Il me fait terriblement peur ce monde adulte », avoua Lou, en baissant les yeux.
Une infinie tristesse qui toucha immensément Rémi, comme des tenailles qui enserraient son cœur.
Le silence qui s’imposa, une peur partagée, un avenir aussi inquiétant qu’un ciel d’orage.
« Et si on descendait voir notre cabane ? proposa Léo. De toute façon, Jarwal ne viendra pas, faut pas rêver.
-Ouais, tiens, chouette idée ça petit frère, » acquiesça Rémi.
Un dernier regard sur les horizons, comme un ultime espoir projeté. Tian et Lou, désolés de cette rencontre manquée, Marine, Rémi et Léo, inconsolables de cette disparition. Il fallait occuper le reste de la journée. La mission de partage était achevée. Et c’était déjà un grand bonheur. Et puis, il y avait ces émotions impromptues, fugaces mais déjà si puissantes. Tian et Marine. Lou et Rémi.
Léo s’en amusait. Il sentait bien qu’il y avait dans l’air des parfums inhabituels, des échanges secrets, des pensées lumineuses.
Ils prirent le chemin vers la forêt."
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Le cerveau des animaux.
- Par Thierry LEDRU
- Le 24/04/2012
Et un jour, les scientifiques découvriront que le cerveau n'est pas le centre unique de décision. Mais, là, il leur faudra encore faire des milliers d'expériences, là où les Peuples Premiers le savent par observation, humilité et amour.
Les abeilles aussi savent manipuler des concepts
Publié le 24/04/2012 à 18:55
Des chercheurs français viennent de démontrer que ces insectes
étaient capables de jongler avec des idées abstraites pour trouver de
quoi se nourrir.
Une abeille entraînée à trouver un distributeur d'eau sucrée en fonction des notions "au-dessus de, en dessous de" et "différence" (image initialement verticale). © A. Avarguès-Weber / CRCA
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L'Amérique cherche toujours Etan Patz
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Manipuler des concepts n'est pas le propre de l'homme, ni de quelques rares primates ! Les travaux de l'équipe de Martin Giurfa, du Centre de recherches sur la cognition animale à l'université Toulouse III-Paul-Sabatier (CNRS), viennent de le démontrer. Les abeilles, pour qui ce chercheur se passionne depuis longtemps, sont capables d'en faire autant. Elles saisissent des idées abstraites comme "différent", "égal", " au-dessus de" ou "à côté de" et sont en mesure d'utiliser ces données pour établir une stratégie gagnante afin de débusquer de la nourriture.
Pour en arriver à cette conclusion, les scientifiques ont entraîné des abeilles à entrer dans une enceinte dans laquelle ils avaient installé un distributeur d'amère quinine entre deux images différentes, positionnées côte à côte, et un distributeur de solution sucrée entre deux autres figures différentes, installées l'une sous l'autre. Selon leurs travaux, publiés dans la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), après une trentaine d'essais, les insectes se sont dirigés droit vers les images placées l'une sous l'autre près desquelles était délivré l'appétissant breuvage. Qu'importe si les images avaient été changées, leur position l'une par rapport à l'autre leur suffisait à se faire une idée. En revanche, lorsque les chercheurs ont placé deux images identiques l'une au-dessous de l'autre, les abeilles ont semblé désappointées, preuve qu'elles ne s'étaient pas contentées d'utiliser le concept "l'une au-dessous de l'autre" pour se repérer. Elles avaient aussi enregistré que les deux figures devaient être "différentes" et non "égales" !
Un tout petit cerveau...
"Nous savions déjà que ces petits insectes étaient capables d'apprentissage et de mémorisation pour des choses très simples, du type "telle couleur = sucre" ou "telle odeur = sucre", mais là, il s'agit de règles générales abstraites qui s'appliquent même à des objets que les abeilles ne connaissent pas", souligne le professeur Martin Giurfa, enthousiaste. "Le plus fascinant, c'est qu'elles puissent non seulement utiliser un concept, mais aussi en combiner deux pour prendre leur décision." Ces conclusions étonnantes remettent en cause plusieurs théories. D'une part, les scientifiques pensaient jusqu'ici que seuls des cerveaux de taille importante avec un cortex bien développé, comme ceux des mammifères, pouvaient permettre l'élaboration d'un savoir conceptuel. Or le cerveau des abeilles est plutôt du genre "miniature". "Celui-ci mesure à peine un millimètre cube", précise le chercheur. D'autre part, on associait systématiquement manipulation de concept et langage. Or, jusqu'à preuve du contraire, les abeilles ne parlent pas...
Forte de ces résultats, l'équipe du Centre de recherches sur la cognition animale de Toulouse espère maintenant pouvoir identifier les réseaux de neurones responsables de l'apprentissage de tels concepts. "Même si nous ne sommes pas certains d'y parvenir, cela semble chose possible sur un cerveau d'abeille qui compte approximativement 950 000 neurones, en tout cas plus que sur un encéphale humain à 100 milliards de neurones", explique Martin Giurfa. Les chercheurs travaillent donc actuellement à des outils d'imagerie permettant d'étudier, au neurone près, ce qui se passe dans la tête de ces abeilles savantes...
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Machiavel.
- Par Thierry LEDRU
- Le 21/04/2012
Nicolas Machiavel
1469 - 1527
Éléments de biographie
Machiavel est né à Florence en 1469. Il reçoit une éducation humaniste (Antiquité grecque et surtout romaine). Il fait des études de droit.
L'époque est politiquement très troublée. L'Italie est riche mais divisée en petits états très instables, la proie facile des invasions étrangères.
De 1494 à 1527, ce sont les guerres d'Italie : l'Italie ne cesse d'être envahie et pillée (par les Français, les Espagnols, les Allemands, les Suisses ...)
Machiavel rêve d'une Italie unifiée dans laquelle la paix et la stabilité seraient garanties par un état fort. C'est ce qui le déterminera à écrire Le Prince.
De 1498 à 1511, il exerce les fonctions de secrétaire de chancellerie à Florence et se voit confier des missions politiques importantes et délicates dont il s'acquitte avec efficacité et fidélité.
En 1512, la chute de la république de Florence le fait tomber en disgrâce.
C'est pendant cet exil sur ses terres qu'il écrit ses grandes oeuvres politiques.
En 1526, il reprend des fonctions officielles.
Il meurt en 1527 sans avoir vu la réalisation de ses rêves politiques pour l'Italie.Thèmes majeurs
Sans avoir jamais développé une philosophie de l'histoire, Machiavel se réfère continuellement à l'histoire comme source d'enseignement.Dissociant politique et religion, Machiavel est le premier penseur de l'État laïque. Il ne voit pas dans la religion le fondement du pouvoir, mais tout au plus un instrument du pouvoir : il peut être utile de se servir de la religion pour gouverner, mais l'État n'a pas à rendre des compte à l'Église.Selon Machiavel, le pouvoir ne vient ni de Dieu (contre les théories du Droit divin), ni d'une convention (contre les théories du contrat social) mais de la force.Il faut, dit-il "s'en tenir à la vérité de la chose". Machiavel est avant tout un réaliste. La guerre est l'essence du politique."La fin justifie les moyens". Bien que Machiavel n'ait jamais écrit cette phrase qu'on lui attribue, elle résume bien sa position sur le sujet. Pour lui, le but de la politique, pour Machiavel, n'est pas la morale mais la réussite (obtenir et conserver le pouvoir).Le prince n'a pas à être juste. Il suffit qu'il le paraisse. La politique est un art de la dissimulation au nom de l'efficacité.
Cependant, le pouvoir de l'État n'est jamais l'exercice de la force pure : la finalité de la politique est d'instaurer "de bonnes lois" pour le bien du peuple. Mais il n'y a pas de bonnes lois là où il n'y a pas de bonnes armes. Le prince n'est pas à proprement parler immoral. Il est amoral en ce sens qu'il est au-dessus de la morale ordinaire. L'efficacité est la morale du prince, car seul un pouvoir fort peut assurer la paix et donc garantir la moralité du peuple.1. La nécessité : c'est l'ordre du monde et la nature humaine qui font qu'on peut s'attendre à ce que les choses se déroulent selon certaines attentes.
2. La fortune : c'est le hasard (la chance) dû à la complexité des événements qui les rend imprévisibles. C'est le caractère incontrôlable des circonstances (en partie l'effet de la nécessité).
3. La "virtu" : c'est la force (de "vir" virilité) de celui qui est capable d'imposer sa loi envers et contre les circonstances (c'est-à-dire envers et contre la fortune). C'est donc l'exercice de la liberté qui infléchit le cours des événements.Le problème soulevé par Le Prince est : Quel est le fondement du pouvoir, c'est-à-dire comment prendre le pouvoir et le garder ?
Le titre original de l'ouvrage est en latin : De Principatibus ("Des Monarchies").
La notion de "prince" peut désigner :
1. celui qui détient seul l'autorité politique;
2. le souverain, c'est-à-dire l'autorité politique, qu'elle soit détenue par un individu ou un groupe
Pour Machiavel, c'est le premier sens qu'il faut retenir.
Dans Le Prince, Machiavel analyse les conditions de possibilité de la conquête et de la conservation du pouvoir personnel : à quelles conditions un pouvoir est-il bon, c'est-à-dire pour Machiavel, fort ? Pour Machiavel, le vice par excellence en politique, c'est la faiblesse.
On a vu dans Machiavel le théoricien du pouvoir personnel cynique, mais il est aussi le théoricien de la liberté populaire. En défendant l'idée d'une armée de citoyens et non de mercenaires, il intègre au moyen (la force) la fin bonne (le bien du peuple).
Si le prince peut être amoral (non pas immoral, mais au-dessus de la morale) quand les circonstances l'exigent, c'est pour pouvoir garantir la paix sans laquelle aucune moralité n'est possible.
Le Prince est la première grande étude de science politique portant sur l'état moderne.Principales oeuvres
- Le Prince (1513)
- Discours sur la première décade de Tite-Live (1513-1520)
- L'Art de la guerre (1521)
- Histoire de Florence (1521-1525)
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Zazen
- Par Thierry LEDRU
- Le 20/04/2012
Jacques Brosse, historien des mentalités religieuses et des mythologies, a enseigné le zen pendant plus de vingt ans. Il a reçu en 1987, pour l’ensemble de son oeuvre, le Grand Prix de Littérature de l’Académie Française
Jacques Brosse, naturaliste reconnu, vient de disparaître en ce début d’année 2008.Penser à ne rien faire jusqu'à ne plus y penser.
"Il n'y a pas lieu de chercher à arrêter les pensées. Mais alors, que faire ? Et bien, rien, mais cela ne peut se comprendre qu'en zazen. Le détachement se produit alors de lui-même, spontanément, naturellement, automatiquement. Il n'y a rien à faire, mais à laisser faire, à "se" laisser faire. La posture zazen modifie d'elle-même le fonctionnement du cerveau, le rythme et la nature des ondes qu'il méet. Autrement dit, ce n'est pas l'esprit qui comande mais l'organisme. Voilà ce qu'il est difficile d'admettre pour des êtres chez qui le mental prétend tout régenter. Voilà qui pour eux est déconcertant et même humiliant.
Le moi, l'ego, est seulement le produit du passé. Il ne se convainc de sa propre existence que grâce à la pseudo continuité de l'expérience quotidienne, au souvenir de cette expérience. Dans le présent, cet ego ne peut constituer qu'une gêne. Il empêche de vivre le réel car il le filtre et le déforme à travers la grille de ses déterminations, de ses intérêts les plus immédiats, les plus subjectifs, les plus provisoires. Le passé vécu est l'écran qui s'intercale entre le moi et la perception du présent en tant que tel mais il est lui-même le moi. Aussi, lorsq'on parvient à l'exclure, n'y-a-til plus la perception et simultanément celui qui perçoit mais la seule perception, laquelle est, véritablement et elle seule, le présent. Et l'on s'aperçoit alors que celui qui perçoit était inutile, qu'il constituait à lui seul, l'obstacle.
Le moi n'est donc que la présence du passé abusivement introduite dans le présent. Il n'est que rétrospectif, n'existant en effet pas plus lui-même que le passé, lequel au contraire, ne peut lui exister en tant que passé, que dans le présent, dans le souvenir qu'on a de lui.
Ce "vous", je sais très bien qui il est. je le reconnais, c'est moi. mais le "je" qui s'adresse à lui, voilà quelqu'un que je ne connais pas. Et je vois bien que ce je là a raison contre le moi, qu'il est au-dessus de lui, vit dans une dimension supérieure et que lorque je l'accueille, il m'offre cette vision lumineuse de l'existence.
Puisqu'on peut ainsi le formuler, il doit nécessairement exister cet état supérieur, non dualiste et permanent, auquel se réfère cette impermence douloureuse, un point fixe situé au-delà. Ce somet, c'est lui que définissent les mots de félicité et de béatitude. Seulement, un tel état, où l'on se trouverait délivré de l'alternance bien-mal, bonheur-malheur, hors de la perpétuelle douche écossais qu'est l'existence, cet état où l'on n'aurait plus rien à craindre, on ne peut en fait se le représenter. Comment, en effet, désirer un état qui se siteu justement par-delà tout désir ? On ne peut jamais y aspirer tant qu'on ne l'a pas atteint et on ne l'atteint pas en y aspirant. Si on souhaite être libéré, c'est qu'on l'est déjà mais si on fait un efort pour se libérer, on ne le sera jamais puique le désir et l'effort vous enferment. Tel est le paradoxe et l'impasse où conduit le langage mais le paradoxe a en lui cette vertu de tordre le langage, de le mettre hors de lui, de vous mettre hors de vous et par là, il peut être une voie d'accès à l'inexprimable, c'est à dire à la réalité qui en tous sens le déborde.
Pendant le zazen, il n'y a plus ni bonheur, ni malheur. On se trouve spontanément par-delà. On expérmiente sans l'avoir désiré cette situation qui est suprêmement positive puisqu'elle transcende l'opposition positif-négatif. On est sorti du cercle fermé où l'opposition bien-mal vous obligeait à tourner en rond."
Jacques Brosse. Le zazen.
BOUDDHISME
Jacques Brosse, pouvez-vous nous rappeler dans quel contexte s’est faite votre rencontre avec Taisen Deshimaru ?
A l’époque où j’ai rencontré Maître Deshimaru, on parlait beaucoup du zen en disant que c’était une affaire d’intellectuels : justement, les jardins zen, l’art du thé, ... Ca me semblait un peu trop lié à la civilisation japonaise. Mais je n’avais pas encore compris que le zen c’était zazen, la pratique de la méditation assise. C’est ce qu’est venu mettre au point Maître Deshimaru, en disant : "Le zen c’est ça et après c’est tout". Ca peut paraître bizarre. Mais cette simple posture - celle du Bouddha au moment de l’éveil - est un tel état d’équilibre physiologique, qu’elle engendre un état d’équilibre psychique, qui lui-même permet de découvrir autre chose que les idées qu’on a toutes faites sur le monde. Il y a une espèce de vide qui se fait en vous, et vous voyez enfin, vous n’avez plus les écrans successifs qui vous empêchent de voir la réalité.
C’est donc le corps qui est premier dans cette voie ?
C’est le corps qui est premier, parce qu’il y a une réorganisation de l’organisme. Il n’y a pas que la posture, il y a également la respiration, semblable à ce que le taoïsme appelle "la respiration du nouveau né". Le nouveau né respire automatiquement bien, il en a absolument besoin, nous ne savons plus respirer. Il faut tout réapprendre !
Apprendre ou désapprendre ?
Désapprendre d’abord et réapprendre ensuite.
On a parfois l’image du zen comme d’une voie assez austère, dans laquelle il faut passer de longues heures assis en méditation, face à un mur. Est-ce que cette image d’austérité est justifiée ?
Typiquement au cours d’une retraite on fait zazen 7 à 8 heures dans la journée, ce qui est certainement beaucoup. Mais ça n’est pas du tout l’épreuve qu’on imagine d’abord. J’ai vu beaucoup de débutants terrifiés à leur arrivée qui finalement ont très bien supporté. Parce qu’il y a un calme, un silence général. On arrive très vite, une fois qu’on a consenti en somme à cette discipline, à en comprendre l’effet sur soi-même. Ce sont les résultats qui incitent à continuer, mais on obtient très rapidement les premiers résultats. Ou alors c’est sans doute que le zen n’est pas pour vous. Aux gens qui me demandent : "Est-ce qu’il faut que je fasse zazen ?", je réponds : "C’est à vous à le décider, c’est pas à moi. Si vous en sentez la nécessité, si vous pensez que c’est une voie qui va vous rendre service, vous apaiser et que vous soyiez mieux avec vous même, effectivement essayez. Autrement, essayez une autre voie".
Il faut trouver la voie qui correspond à sa propre histoire ?
Exactement. Et surtout ne pas voir dans le zen une espèce d’exotisme qui nous est imposé du dehors. Ca vient de nous-mêmes. Dans une retraite zen, de même que dans un dojo, la discipline doit venir de soi-même. Elle n’est pas imposée du dehors. Il y a évidemment des gens qui sont là pour la faire respecter, parce que les débutants sont encore dans l’agitation de la vie quotidienne. Mais une fois qu’on a commencé, on comprend très vite, quelques jours suffisent. Naturellement il reste d’immenses progrès à faire, on est simplement entré sur la voie : on peut aller jusqu’à sa propre mort. Vivre sa mort en zazen, c’est certainement l’idéal, mais c’est autre chose.
La mort en méditation est surtout connue à travers le bouddhisme tibétain, notamment grâce au film "Little Bouddha". Y a-t-il une tradition semblable dans le bouddhisme zen ?
Oui, beaucoup de maîtres zen meurent en méditation. Parce que c’est la bonne attitude pour passer de l’autre côté. Mais pour nous, passer de l’autre côté, c’est "passer sur l’autre rive", rien d’autre. Cela n’a rien de tragique, c’est un passage. Un passage où il se passe beaucoup de choses, je ne veux pas dédramatiser la mort, mais quand on en comprend à peu près le sens, on l’accepte très facilement. Il est certain que dans l’aide aux mourants par exemple, les techniques du bouddhisme servent beaucoup. Ce n’est pas pour rien que ce sont les tibétains qui ont initié ces pratiques là : ça apaise les gens, ils comprennent la nécessité même de leur mort. En tant que naturaliste, j’ai vécu avec beaucoup d’animaux, nous avons élevé ma femme et moi des animaux sauvages de France et d’Europe en quantité. J’ai donc vu mourir beaucoup de bêtes. Par rapport à l’homme, c’est d’une dignité et d’une noblesse... Les bêtes savent mourir. Pourquoi nous, ne savons nous pas mourir ? Parce que nous avons des idées, tout simplement. Nous imaginons le trou noir, comme disent les gens, l’anéantissement complet, un paradis ou un enfer... Tandis que là, on met toutes ces choses à plat, tranquillement.
La méditation peut-elle aider ici, apporter une ouverture ? Parce que quand on a beaucoup d’idées, on a du mal à imaginer qu’il y ait autre chose que les idées qu’on a !
Bien sûr. Mais on s’aperçoit que justement on peut quitter ses idées au bout de quelque temps. On peut s’apercevoir que ces idées, dans le fond, on ne les a pas eues : ces idées vous ont été imposées, vous vous les êtes faites sans preuve. Si vous examinez les choses comme ça, vous vous apercevez que la plupart de vos pensées sont surfaites. Elles sont illusoires, artificielles. Alors il y a peut-être autre chose, qui est de l’ordre plutôt de l’intuition que du raisonnement, qui surgit de la posture même. Il y a une transformation du fonctionnement de l’esprit par la posture elle-même, ce qu’on appelle "le penser non pensé" (ce qui ne veut rien dire pour un non-pratiquant). Et en effet, c’est une forme de pensée dans laquelle on ne pense plus. La pensée surgit d’elle-même, tout seule.
Ce n’est pas un trou noir ?
Absolument pas. Le vide n’est pas un trou noir. Le vide est beaucoup plus plein que le plein ! C’est plein de potentiel. Les astrophysiciens et les physiciens quantiques le savent très bien. Le vide c’est simplement l’espace qui permet à la chose de se développer ou de bouger. S’il n’y avait pas de vide, il n’y aurait pas de mouvement possible. Il ne faut pas se faire des idées toutes faites sur le vide, pas plus qu’il ne faut se faire des idées toutes faites sur la mort. C’est une expérience à vivre aussi !
La mort est aussi une idée dont on peut se débarrasser, en tout cas dans ce qu’elle a de surfait ?
Mais naturellement, bien sûr. Ne serait-ce que par la pratique de la méditation. On n’a même pas à se forcer. Ces choses, on les examine tout seul, ça vient tout seul. C’est comme une espèce de récapitulation, qui se fait toute seule. On n’a rien à faire. Et tout à coup, le grotesque de certaines situations qu’on a vécues, de certaines réactions qu’on vit encore, de certaines idées qu’on se fait, vous apparaît. Et finalement, dans une sesshin, là je reviens sur la question de la dureté d’une sesshin, les bons moments sont ceux où on éclate de rire. Et c’est très fréquent. Il y a parfois dans un dojo, dans le silence complet, quelqu’un qui se tord de rire. Ca gagne l’ensemble du dojo, tout le monde se met à rigoler !
C’est un bon rire, un rire de recul ?
Exactement, on se dit : "Mais quel crétin j’ai été !". Bien sûr ça n’est pas agréable sur le moment, mais si on s’aperçoit qu’on est un crétin, on peut déjà réagir. On n’est plus possédé par tout ce système qu’on a fait, qui n’existe pas en soi.
Mais ça n’est pas pour autant que le problème disparaît ?
Mais pas du tout ! Mais au moins on n’en rajoute pas, et on va vers les vrais problèmes. Et vers les vraies solutions, bien entendu !
Donc rien d’inquiétant à ce qu’on réalise comme ça que nos pensées sont surfaites. Au contraire, c’est plutôt un apaisement ?
Mais c’est un apaisement, bien entendu. Et puis cette espèce de clairvoyance, qui au début peut être difficile... On parle du regard intérieur : c’est vrai qu’à la fin on se regarde soi-même, on ne sait pas comment ça se passe, mais on se regarde. On voit effectivement qu’on est mû - comme l’affirme le bouddhisme lui-même - par le désir, la haine, l’ignorance... et qu’on est tout le temps piégé par ça. Une fois qu’on l’a détecté en soi-même, on s’aperçoit aussi que c’est le propre de l’espèce humaine, de l’être humain, que ça n’est pas personnel. On n’en est pas culpabilisé, il n’y a pas de culpabilité.
Qu’est-ce qu’on en fait, alors ? Parce que le désir, la haine et l’ignorance ne disparaissent pas ?
Ca ne disparaît pas, mais on peut tourner l’obstacle. On peut se rendre compte qu’on est en train de faire le con. On peut se voir, apprendre à se connaître comme ça, et en rire ? C’est ça le plus important à dire. Ca n’a jamais cet aspect tragique, ou trop grave. Dans le regard intériorisé, on arrive à faire quelque chose qui ressemble un peu à une auto-analyse. Alors évidemment, si c’est très grave, il vaut mieux recourir à des spécialistes. Mais il y a un tas de choses qu’on peut régler soi-même, sans psychothérapie.
Cette expérience de la méditation facilite-t-elle la rencontre avec d’autres traditions ou disciplines ?
Oui certainement. Cependant pour moi, il est plus facile de dialoguer avec un moine qu’avec un prêtre, généralement. Et il est plus facile de dialoguer avec un moine contemplatif qu’avec un moine actif. Je fais des retraites chez les Bénédictins, je m’entends extrêmement bien avec le père abbé, on s’appelle "cher frère" tous les deux. Il vient faire zazen avec nous parfois. Mais ils n’est pas devenu bouddhiste pour autant. Et naturellement il y a des rencontres avec la psychologie.
Et à l’intérieur de soi, est ce qu’on a parfois ce sentiment dans la méditation, de découvrir quelqu’un d’autre ? Ou est ce qu’on en fait abstraction ?
On en fait abstraction, mais ça vient tout naturellement. En somme, quand on se considère, comme on vient de le définir, en voyant par quoi on est mû, on se considère déjà un peu comme un autre qui se voit. On se voit un peu comme un autre. Et c’est là qu’on se met à rigoler. Qu’on peut rigoler, aussi. Quand on se traite de pauvre con, c’est quand même un autre ! (rires). La recette, ou plutôt le principe, est assez difficile à appliquer. C’est qu’il faut considérer les autres comme s’ils étaient des "moi" eux-mêmes, comme s’il étaient moi, et soi-même comme si on était un autre. On renverse le système.
Mais ça n’est pas juste une bonne idée, c’est quelque chose de très concret ?
Oui, et il y faut du temps. Les débuts peuvent être très prometteurs, très riches, mais après, c’est long. Parce qu’avant de modifier tout ça, de renverser tout ça, ça prend du temps. Il y a des îlots de résistance qui sont là, et qui sont très durs à défaire.
Emission Voix Bouddhistes du 29 Octobre 2000http://www.buddhachannel.tv/portail/spip.php?article1476
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Bilan scolaire du quinquennat.
- Par Thierry LEDRU
- Le 20/04/2012
Education, Sarkozy n'a pas la moyennne
Que reste-t-il du sarkozysme (5)«Libération» regarde dans le rétro et décrypte les principales réformes lancées par Nicolas Sarkozy en tant que président. Aujourd'hui, l'éducation.
http://www.liberation.fr/politiques/2012/04/19/bilan-education-sarko-n-a-pas-la-moyenne_812608?google_editors_picks=true
Au début de son mandat, Nicolas Sarkozy avait promis une «refondation» de l’école dans sa «Lettre aux éducateurs», tirée à un million d’exemplaires. En cinq ans, il a multiplié les réformes controversées et supprimé 80 000 postes, et laisse des enseignants amers d’avoir été aussi mal traités.
La formation des enseignants : zéro pointé
A l’origine, «mieux payer les profs»
Dès avril 2008, Nicolas Sarkozy annonce une réforme de la formation des enseignants, appelée «masterisation» : désormais les profs, du primaire comme du secondaire, devront avoir un master (bac+5), au lieu d’une licence (bac +3) la plupart du temps, pour passer le concours. Il explique que la revalorisation des profs est une «priorité» et que la masterisation va permettre de «payer davantage les jeunes enseignants». Officiellement, il s’agit aussi de s’aligner sur le reste de l’Europe où, majoritairement, les profs ont un master.
La mise en œuvre, une contestation tous azimuts
La réforme est très controversée depuis le départ. Principale critique : l’année de formation en alternance dans les IUFM, qui suivait le concours, a été supprimée. Une fois le concours en poche, les nouveaux profs — les «stagiaires», qui seront titularisés au bout d’un an — sont parachutés en classe à plein-temps sans formation, démunis face aux élèves. Certains syndicats critiquent aussi la baisse du poids des épreuves disciplinaires dans le concours. Mais tous les syndicats s'accordent sur un point : cette réforme est une manière pour le gouvernement de faire des économies — 16 000 postes supprimés la première année.
Les conséquences, le ratage du quinquennat
Stress, démotivation, crise des vocations ... Beaucoup de jeunes profs souffrent de leurs conditions d’entrée dans la profession. [Témoignages à lire ici]. Les étudiants se plaignent de la difficulté à préparer à la fois le master et le concours à la fac. Et dans certaines disciplines, on peine à recruter. Dans son dernier rapport annuel, la Cour des comptes a dressé un bilan sans appel de cette réforme ratée et plus coûteuse que prévue, avec des conséquences désastreuses pour les élèves. [Les détails ici].
La réforme de l'école primaire : déstabilisante
A l’origine, diminuer l’échec en fin de primaire
Dès septembre 2007, le ministre de l’Education Xavier Darcos annonce la suppression de la classe le samedi matin. Au grand dam des chronobiologistes, la semaine de quatre jours, qui existait ponctuellement, devient la règle. De vingt-six heures, la semaine passe à vingt-quatre heures. En contrepartie, les enseignants sont tenus d’organiser deux heures d’«aide personnalisée» pour les élèves en difficulté. Simultanément, une réforme des programmes est adoptée, avec un recentrage sur les fondamentaux, et des stages gratuits de «remise à niveau» en français et en maths sont créés pendant les vacances pour les CM1 et les CM2.
La mise en œuvre, dans la pagaille
L’organisation de l’aide personnalisée, la principale nouveauté, vire au casse-tête : selon les écoles, cela se passe le midi ou après les cours, et souvent en groupe. Les profs s’estiment mal formés pour aider les élèves en grande difficulté alors même que l’on supprime des postes de Rased, les maîtres spécialisés dans la difficulté scolaire [Sur ce sujet, lire ici et là]. D’autres enseignants refusent d'appliquer la réforme, par conviction. «Les désobéisseurs», comme ils se font appeler, boycottent aussi les fameuses évaluations mises en place en CE1 et CM2, jugées «déstabilisantes pour les élèves».
Les conséquences, une école déstabilisée
Le débat sur les rythmes scolaires est relancé. Mais le ministre Luc Chatel n’a pas osé trancher, craignant de mécontenter les parents, les élus locaux ou les professionnels du tourisme. Il se félicite en revanche que la réforme du primaire a fait progresser les élèves au vu des évaluations de CE1. On est pourtant encore loin de l’objectif affiché au départ : diviser par trois en cinq ans le nombre d’élèves en difficulté (estimés à 15% à la sortie du CM2). Dans les classes, ces évaluations restent très contestées.
A lire aussi : notre dossier sur les rythmes scolaires
L’assouplissement de la carte scolaire : pagaille et appréhension
A l’origine, une promesse de campagne
En 2007, le candidat Sarkozy promet de redonner leur liberté aux familles pour choisir l’école de leurs enfants. Il estime que la carte scolaire est contournée par les parents les mieux informés qui arrivent toujours à inscrire leurs enfants dans les meilleurs établissements, alors que les autres sont condamnés à rester dans leur secteur. La supprimer serait, selon lui, faire œuvre de justice sociale. Dès son élection, il fixe à Xavier Darcos pour objectif de «rendre la carte scolaire superflue par l’égalisation du niveau des établissements».
La mise en œuvre, entre confusion et incompréhension
Pour en finir avec l’«opacité» du système précédent, Xavier Darcos fixe des critères ouvrant droit à des dérogations : être boursier, handicapé, membre d’une fratrie, avoir un parcours scolaire particulier, etc. Mais il ne parle que d’un assouplissement de la carte scolaire : les élèves habitant près d’un établissement continuent d’avoir le droit d’y être scolarisés. Et comme les locaux ne sont pas extensibles, il reste finalement assez peu de places libres pour des dérogations… Beaucoup de familles, qui croyaient pouvoir choisir, sont déçues. Sans le dire, la suppression de la carte scolaire, infaisable, a été abandonnée.
Les conséquences, la situation est pire aujourd'hui
Toutes les études concluent à un impact limité. Contrairement aux prévisions les plus pessimistes, les collèges ghettos ont parfois perdu des élèves, les meilleurs en profitant pour partir. Mais ils n’ont pas été vidés de leurs effectifs et très peu ont dû fermer. Des élèves boursiers ont par ailleurs pu s’inscrire dans de «grands» lycées ou cités scolaires, introduisant une certaine mixité sociale. Mais leur nombre est limité. Les annonces autour de la carte scolaire ont surtout accru l’angoisse des familles et conforté l’idée d’une hiérarchie entre établissements.
Pour débattre : Rendez-vous pour un tchat jeudi à 14 heures avec Marco Oberti qui a planché sur l'impact de cet assouplissement de la carte scolaire.
La création des «internats d’excellence» : limitée et critiquée
A l’origine, récompenser le mérite et l’effort
C’est en février 2008, dans le cadre du Plan Banlieue, que Nicolas Sarkozy lance cette idée. Ouvrir des internats pour les élèves «méritants», de milieux défavorisés et à qui on va offrir des conditions d’études particulièrement bonnes : soutien scolaire, activités sportives, culturelles, voyages, etc.
A l’autre extrémité, pour les élèves «perturbateurs», Sarkozy veut des «Etablissements de réinsertion scolaire» (ERS) où l’on retravaille les bases scolaires et les règles de vie en commun. Les premiers ont ouvert leurs portes en 2010.
La mise en œuvre, à grand renfort de publicité
Le premier «internat d’excellence» est inauguré en grande pompe à la rentrée 2009 à Sourdun (Seine-et-Marne), dans une ancienne caserne fermée en raison de la refonte de la carte militaire. Ces internats sont conçus comme des «avant-gardes» de l‘école de demain: des établissements largement autonomes où les profs sont recrutés par le directeur, où ils restent bien au-delà de leurs heures de cours, où l’innovation pédagogique est encouragée, etc. Des nouveautés qui seront reprises dans les 300 collèges et les lycées du dispositif «Eclair» (écoles, collèges, lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite). L’objectif affiché d’Eclair est d’arriver à fixer, dans ces établissements difficiles, des équipes motivées, qui seraient portées par un projet commun et constituées par des profs chevronnés.
Les conséquences, une vitrine très critiquée
Pour Nicolas Sarkozy, c’est l’une des réussites du quinquennat. Il vante régulièrement les 10 000 places créées - bientôt 20 000 - grâce au Grand Emprunt. En réalité, seize internats ont ouvert à ce jour, offrant 3 258 places, les autres étant des places réservées dans des internats déjà existants. Selon des études, ces internats font progresser les élèves. Mais le dispositif est très coûteux et suscite des réserves alors que dans le même temps, on supprime des postes et que l’éducation prioritaire s’appauvrit.
Les ERS (pour les élèves perturbateurs) ont connu des débuts difficiles et ne concernent au final que quelques dizaines d’élèves. Quant au dispositif «Eclair», conçu pour les établissements difficiles et que Sarkozy voudrait étendre, il peine à trouver des profs candidats.
La réforme du lycée : mitigée
A l’origine, une volonté de «moderniser»
Les temps ont changé mais pas le lycée, estime Nicolas Sarkozy : les élèves accumulent les heures de cours avec des profs enfermés dans leurs disciplines et sont mal préparés au supérieur. Il charge le ministre de l'Education Xavier Darcos de mettre rapidement en place une réforme.
La mise en œuvre, sans heurts ni enthousiasme
Le ministre Darcos se heurte à une forte mobilisation, la réforme est abandonnée sous la pression de la rue en 2008. Elle sera finalement remise sur la table en 2009 par Nicolas Sarkozy lui-même, dans une version édulcorée et avec la promesse qu’elle n’entraînera pas de suppressions de postes. Le calendrier de mise en œuvre est progressif : dès la rentrée 2010 pour la seconde, en 2011 pour la première et 2012 pour la terminale.
La réforme prévoit deux heures d'«accompagnement personnalisé» par semaine – pour du soutien, de l’approfondissement ou une réflexion sur l’orientation. Le choix de la filière est repoussé en première et pour les aider à se déterminer, en seconde les élèves ont des enseignements d’exploration d’une heure et demie par semaine.
Les conséquences, un bilan médiocre
Dans les faits, les changements sont timides [analyse à lire ici]. L’un des points clés – rééquilibrer les filières afin d’atténuer la suprématie de S – ne progresse guère. Des oppositions demeurent : certaines disciplines se retrouvent lésées comme l’histoire-géographie désormais facultative en terminale S, et les sciences économiques et sociales (SES) dont un quart du volume horaire part en fumée au cours des trois années de lycée. En mars 2012, les inspecteurs généraux en dressent un bilan très mitigé.
La réforme de la voie professionnelle : division et inquiétude
A l’origine, revaloriser une filière méprisée
Dès septembre 2007, le ministre Xavier Darcos annonce qu’il va généraliser la préparation du bac pro en trois ans – contre quatre ans jusqu’ici dans la plupart des cas, c’est-à-dire deux ans jusqu’au BEP (brevet d’enseignement professionnel), puis deux ans encore pour le bac. L’objectif est de pousser davantage de jeunes à poursuivre jusqu’au bac, voire après, et de diminuer les sorties sans qualification. Il s’agit aussi de valoriser une filière longtemps méprisée, en instituant un «vrai» bac en trois ans comme les bacs généraux et technologiques.
La mise en œuvre, dans la division
Les syndicats sont divisés. Certains se félicitent de cette revalorisation. D'autres craignent que les élèves, en difficultés souvent, aient du mal à acquérir en trois ans ce qu’ils apprenaient en quatre, à moins d’alléger encore la part des enseignements généraux. Enfin, beaucoup redoutent qu’en supprimant ainsi une année dans le cursus pro, le ministre cherche là encore à économiser des postes d’enseignants.
Les conséquences, une filière pro inquiète
Les BEP ont disparu et le nombre de bacheliers pros a grimpé. Mais il leur manque toujours des débouchés post-bac et beaucoup vont se perdre à la fac. La voie professionnelle, durement touchée par les suppressions de postes, est en outre inquiète pour son avenir. Nicolas Sarkozy veut rendre obligatoire l’alternance en terminale. Après une expérimentation cette année, le ministère généralise à la rentrée une troisième prépa-pro, et l’apprentissage est de nouveau autorisé dès 14 ans. Comme un retour à une orientation précoce vers des voies courtes, hors du scolaire.
Retrouvez: notre dossier «Education» et le blog «C’est classe !» de notre journaliste Véronique Soulé.