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Méditation et enfance (2)
- Par Thierry LEDRU
- Le 19/04/2012
Et si on apprenait à méditer à nos enfants ?
Florence Deguen | 21.03.2012, 11h38
http://www.leparisien.fr/laparisienne/maman/et-si-on-apprenait-a-mediter-a-nos-enfants-21-03-2012-1916670.phpAux Pays-Bas, Eline Snel est une star. Une jolie grand-mère de 58 ans, aussi souple que douce, capable de plonger dans un silence bienfaisant une trentaine de gamins surexcités en quelques minutes. Sa botte secrète? Avoir transposé à destination des 4-12 ans une méthode de méditation, la pleine conscience, prévue à l’origine pour les adultes.
Avec des histoires de spaghettis ou de petites araignées, elle leur apprend ainsi depuis trois ans à accueillir avec bienveillance pensées, sensations, respiration… Avec l’objectif d’apprendre tranquillement à les découvrir, les accepter et les maîtriser.
Délirant? De plus en plus de parents aux prises avec des enfants à la limite de l’hyperactivité, qui ne sont pas capables de rester le nez dans un livre plus de deux minutes ou qui mettent des heures à trouver le sommeil, « parce que leur corps est fatigué mais pas leur tête », sont prêts à essayer. Aux Etats-Unis, au Canada, en Belgique, les ateliers se multiplient. Aux Pays-Bas, les enseignants sont même formés gratuitement par l’Etat. Et le livre qui détaille la méthode d’Eline Snel a été publié la semaine dernière en France en terrain quasi conquis. Son titre charmant fait déjà le buzz sur les forums de mamans : « Calme et attentif comme une grenouille ». Préfacé par le célèbre psychiatre français Christophe André, il est assorti d’un CD pour que les enfants puissent, tout seuls ou avec leurs parents, effectuer des exercices. Une voix douce les guide, comme dans un conte : celle de Sara Giraudeau, dont le père, le comédien Bernard Giraudeau, a découvert et pratiqué avec passion la méditation dans les dernières années de sa vie.
« Assieds-toi confortablement, ferme les yeux si tu trouves que c’est agréable, imagine que tu es une grenouille au bord d’un étang… Pour rester aussi tranquille, il te faut de l’attention et du calme… » L’enfant est invité à repérer les bruits à l’intérieur de son corps, à porter son attention sur le bout de son nez, là où l’air entre et sort. « C’est un moyen d’apprendre à maîtriser la petite voix qu’ils ont dans leur tête, celle de leurs pensées, explique Eline Snel. Ils apprennent à écouter… et à ne pas forcément réagir, ce qui est une formidable école de gestion des impulsions. » Pour eux, c’est un jeu bien sûr, mais un jeu dont ils ressortent apaisés et confiants. Et les quelques ateliers de méditation pour enfants qui s’ouvrent en France, à Paris ou dans l’Est notamment, ont des aficionados de 8 ans. « Ils ont tellement de stress et d’idées noires, soutient Eline Snel. Jamais personne depuis leur naissance ne leur a donné des outils pour y faire face. »
Les idées noires deviennent une petite araignée qui descend un fil et quitte progressivement la tête pour descendre dans le ventre, où l’on appose ses mains et où l’on respire. Les gamins commentent à leur manière ce qu’ils ressentent après la séance : « Je trouve que c’est super de respirer, je suis tout doux et reposé à l’intérieur. » Alors, s’il ne s’agit pas de les envoyer méditer dans un monastère, on se dit que dix minutes de calme introspectif entre la Nintendo et la télé ne peuvent pas leur faire de mal…
Pour Christophe André, la méditation n’est pas une activité de plus qu’imposent des parents trop soucieux de bien faire à des enfants déjà surbookés, mais bien d’« un cadeau dont ils se serviront toute leur vie ».
« CALME ET ATTENTIF COMME UNE GRENOUILLE » D’ELINE SNEL -
Lettres aux écoles 9
- Par Thierry LEDRU
- Le 19/04/2012
"Nous avons voulu mettre de l'ordre dans notre société par une action politique et ainsi nous sommes devenus dépendants des politiciens. Pourquoi les hommes politiques ont-ils pris une telle importance, de même que les gouvernements et les dirigeants religieux ? Est-ce parce que nous dépendons toujours d'agents extérieurs pour mettre de l'ordre dans notre maison, est-ce parce que nous dépendons de forces extérieures pour contrôler et façonner notre vie ? Les autorités extérieures comme les gouvernements, les parents, les leaders de toutes sortes semblent nous rassurer sur l'avenir. Cela fait partie de notre tradition de dépendance et de soumission. C'est cette tradition accumulée depuis très longtemps qui conditionne notre cerveau. L'éducation a admis ces coutumes et c'est ainsis que le cerveau est devenue mécanique et répétitif."
Krishnamurti.
Plus cette société est complexe dans ses réseaux, plus la dépendance se renforce. Pour une raison très simple : chaque individu est encore plus égaré. Il lui est impossible de se servir des réseaux pour trouver en lui une éducation individuelle. C'est comme être perdu dans une forêt. Plus le sentiment d'être perdu est grand, plus la perdition se renforce. La peur annihile toute réflexion, la panique conduit l'individu, l'orientation devient anarchique, l'individu erre au hasard de ses intuitions et ses intuitions sont totalement fausses parce qu'il n'est pas en lui, dans une plénitude d'esprit mais dans un chaos intellectuel, sensitif, émotionnel.
Au regard de la société, le fonctionnement est identique et les individus se tournent vers des "leaders" pour qu'un chemin soit proposé. Alors que ce sont justement ces "leaders", tout aussi égarés intérieurement, qui ont déclenché le chaos.
Dans une classe, les jeunes enfants apprennent déjà à se soumettre à l'autorité de "leaders" alors que ce sont ces leaders qui les ont placés dans une situation chaotique. Le fait que les apprentissages soient imposés, sans aucune nécessité réelle, mais en fonction de "programmation ministérielle", génère une inquiétude. Cette inquiétude instaure un phénomène de dépendance étant donné que les enfants doivent se soumettre à la parole du maître pour s'extraire de ce chaos. Leurs aptitudes ne sont reconnues que dans ce cadre limité des apprentissages.
Vingt ans d'éducation à la soumission. Le conditionnement est en place. Les enseignants se retirent, les politiciens les remplacent.
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Lettres aux écoles 8
- Par Thierry LEDRU
- Le 18/04/2012
"L'avenir de tout être humain, des jeunes comme des vieux, semble sombre et effrayant. La société elle-même est devenue dangereuse et totalement immorale. Quand un jeune affronte le monde, il est inquiet et plutôt effrayé par ce qui va lui arriver au cours de sa vie. Ses parents l'envoient à l'école puis, s'ils ont les moyens, à l'université et ils veulent qu'il trouve un travail, qu'il se marie, qu'il ait des enfants. Quelques années après leur naissance, les parents consacrent peu de temps à leurs enfants. Ils sont préoccupés par leurs propres problèmes et les enfants sont à la merci de leurs éducateurs qui eux-même ont besoin d'éducation. Ces derniers ont peut-être un excellent niveau d'études et ils veulent que leurs élèves acquièrent les meilleurs diplômes, que l'école ait la meilleure réputation. Cependant, les éducateurs ont leurs propres problèmes et à l'exception de quelques pays, leurs salaires sont plutôt bas et socialement, ils ne sont pas tenus en haute estime. Donc, ceux qui vont être éduqués connaissent des moments plutôt difficiles avec leurs parents, leurs éducateurs et leurs compagnons d'études. Ils sont déjà dans ce flot de lutte, d'angoisse, de peur et de compétition. C'est le monde qu'ils ont à affronter : un monde surpeuplé, sous-alimenté, un monde en guerre, un terrorisme grandissant, des gouvernements incompétents, la corruption et la menace de la pauvreté. Cette menace est moins évidente dans les sociétés d'abondance.
Voilà le monde que les jeunes doivent affronter et naturellement, ils ont vraiment peur. Ils pensent qu'ils doivent être libres, dégagés de toutes activités routinières, qu'ils ne doivent pas se laisser dominer par leurs aînés et ils refusent l'autorité. Pour eux, la liberté, c'est de choisir ce qu'ils veulent faire mais ils sont confus, incertains et ils aimeraient malgré tout qu'on leur montre ce qu'ils doivent faire.
Ainsi, l'étudiant est pris entre le désir de liberté et les exigences de la société qui le presse de se conformer à ses besoins à elle.
Voilà le monde qu'ils ont à affronter et auquel ils doivent s'intégrer au cours de leur éducation.
C'est un monde effrayant."
Krishnamurti.
Je rappelle que ce texte a été écrit en 1976...
Non seulement, rien n'a été fait pour améliorer la situation mais il est même évident que tout s'est aggravé.
Les "sociétés d'abondance" ne sont plus à l'abri de leur "croissance". L'économie ne peut plus valider la pression éducative parce que les perspectives d'avenir ne sont plus portées par cette fameuse évolution sociale. Le conditionnement de l'individu dans ce contexte prend désormais son vrai visage. Etant donné que les valeurs matérialistes ont perdu de leur aura, il ne reste rien. Et la perdition générale apparaît au grand jour.
La solution ne viendra pas des structures politiques étant donné que celles-ci tentent par tous les moyens de sauver l'ancien système. Le moi encapsulé. Le système économique impose un système éducatif, un système de pensées, un système familial, professionnel, un engagement complet de l'individu dans une voie de croissance économique. Mais pas de croissance spirituelle. Et le mot "spitiruel" continue à être perçu comme une dérive sectaire ou religieuse. La plupart des gens n'y voient que des connotations "New Age" ou de gourous infatués. La philosophie n'est pas une valeur marchande et la lucidité qu'elle préconise ne doit pas être mise en valeur. Sa pratique, cognitive, dans une classe de terminale ne met pas en péril le conditionnement. Il est déjà en place.
La crise n'est pas encore autre chose qu'une crise économique et sociale. Elle ne prendra sa vraie mesure qu'avec la prise de conscience de l'état intérieur des individus. Pour l'instant, les politiques, les économistes, les financiers, s'évertuent à placer des pansements sur les blessures. Les dégâts collatéraux d'ordre existentiel ne sont perçus qu'à travers la détresse sociale. Il n'est pas question de nier la gravité des faits. Il y a des millions d'exclus. Et quelques milliers de privilégiés qui vont oeuvrer au maintien de leurs privilèges. Tout ça n'est toujours qu'un état des lleux superficiel. Dans le sens de l'observation intérieure. C'est le changement de paradigme qu'il faut envisager. Il viendra de chaque individu et sûrement pas d'une structure étatique. Aucun état ne voudrait d'une Révolution spirituelle. Les candidats à la Présidence ne parle que de changements matérialistes. Aussi importants soient-ils au regard de ces millions d'exclus, ces changements ne représentent qu'une tentative de maintien du paradigme. Pour la raison évidente que ce maintien permet le maintien des privilèges.
Pour ce qui est de l'éducation nationale, il est évident qu'elle ne proposera jamais ce changement. Elle est au service de l'Etat et les "éducateurs" sont eux-mêmes les serviteurs. La pyramide est en place. Système féodal. Lorsque j'ai écrit au ministre, il y a de ça, une vingtaine d'années, j'ai été convoqué par l'inspecteur d'académie et "cassé". Blocage de salaire pendant sept ans. Il suffisait de ne pas venir m'inspecter. Je n'ai pas changé de point de vue pour autant. Et je sais même avec le recul combien j'avais raison. Je n'avais juste pas perçu totalement l'ampleur de la manipulation.
Il y a une chose qui m'interpelle dans le texte de Krishnamurti. A mon sens, ça n'est pas "le monde qui est effrayant." C'est l'état intérieur des individus qui le constituent. Un groupe n'existe pas pour lui-même. Il n'est que l'assemblage des individualités. Il conviendrait donc de dire plutôt que "les individus sont effrayants" et que l'assemblage de ces individualités forme un monde effrayant.
Plus effrayant encore est de considérer le fait que ces individus, une fois unifiés, n'existent plus individuellement. Là, on entre dans l'horreur.
Et lorsqu'un groupe existant dès lors par lui-même s'écroule, non seulement les individus perdent leurs repères, mais ils ne peuvent plus exister individuellement. C'est la que la "crise" prend toute son ampleur.
Oui, mais il y a les élections présidentielles qui viennent à point nommé pour rassembler et magnifier de nouveau les identifications. Et on repart pour un tour...Un petit tour...Tout petit...
Prise de conscience.
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Midway
- Par Thierry LEDRU
- Le 17/04/2012
Triste à mourir.
Les oiseaux s'en chargent...
Comment a-t-on pu en arriver là ?...
LE FILM SUR VIMEO
http://vimeo.com/25563376
http://vimeo.com/30915581
http://vimeo.com/36745838
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L'intellect et l'ineffable.
- Par Thierry LEDRU
- Le 16/04/2012
Tout le problème de notre fonctionnement trouve sa source dans l'usage de l'intellect. Nous fondons nos pensées sur le raisonnement, le raisonnement sur le savoir, le savoir sur la mémoire. Nous suivons une voie ancestrale qui tourne en boucle. Nous utilisons le savoir comme le fondement de notre comportement et dès lors, nous nous coupons de cette perception intuitive qui n'est pas explicable. Mais si elle n'est pas explicable, rationnellement, elle n'en existe pas moins. Nous fonctionnons par conséquent de façon partielle. Je marche de façon irrationnelle et aucun savoir ne détient l'explication. Mais, moi, intérieurement, spirituellement, existentiellement, je sais pourquoi je marche. Et cette connaissance-là, je n'ai pas besoin de la science pour y accéder mais juste de l'ouverture de l'âme. Personne ne peut reproduire l'ouverture de l'âme, personne n'en détient le fonctionnement, personne ne peut dupliquer ce qui se produit dans cet espace. Et tant mieux. Mais il est possible de tenter de l'écrire...Juste un partage, un témoignage qui crée une passerelle et qui évite de se croire fou au regard de la raison dressée comme un étendard.
Trente ans ans que j'écris. Je n'en vis pas et ça n'arrivera sans doute jamais mais ce que ça m'a appris sur la vie vaut bien plus qu'un mode de vie. J'ai eu le bonheur immense de rencontrer Jarwal sur le chemin. Pour nos trois enfants, sur un chemin de montagnes. Incroyable d'ailleurs à quel point la montagne aura été déterminante dans ma vie. J'ai rencontré la femme que j'aime en montagne. Ce que nous avons vécu de plus beau ensemble et avec nos trois enfants, c'était toujours en altitude. Et tout ce qui vibre en moi et que j'écris, c'est là-haut que je l'ai éprouvé. Le tome 4 de Jarwal avance, doucement...Il neige en altitude et demain on monte au ski. Tout est lié...Je prendrai mes skis de rando, je collerai les peaux et je monterai lentement, pendant des heures. Et Jarwal sera là...Comme un ouvreur de porte.
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Jarwal le lutin et Krishnamurti
- Par Thierry LEDRU
- Le 15/04/2012
"Quelle est la fonction d'un esprit holistique ? Par esprit, nous entendons toutes les réactions des sens, les émotions -qui sont totalement différentes de l'amour- ainsi que la capacité intellectuelle. Actuellement, nous donnons une importance fantastique à l'intellect. par intellect, nous entendons la capacité de raisonner logiquement, sainement ou non, objectivement ou subjectivement. C'est l'intellect, avec son mouvement de pensée, qui conduit à la fragmentation de notre condition humaine. C'est l'intellect qui a divisé le monde du point de vue linguistique, national, religieux, qui a séparé l'homme de l'homme. L'intellect est le facteur central de la dégénérescence de l'homme partout dans le monde, car l'intellect ne forme qu'une partie de la condition et de la capacité humaines. Quand cette partie est exaltée, louée et tenue en honneur, quand elle prend une importance primordiale, alors la vie qui est relation, action, conduite, devient contradictoire et hypocrite. L'anxiété et la culpabilité apparaissent. L'intellect a sa place dans la science, par exemple mais l'homme a utilisé le savoir scientifique non seulement à son profit mais pour créer des instruments de destruction.
L'intellect peut percevoir ses propres activités qui conduisent à la dégénérescence mais il est absolument incapable de mettre fin à son propre déclin parce qu'essentiellement, il n'est qu'une partie d'un tout"
Krishnamurti
C'est tout ce que je veux décrire dans la série des Jarwal. L'intellect est au service du mal parce que l'homme n'est qu'un homme et pas encore un être humain. Il lui manque la conscience du Tout. Et comme, il n'a même pas conscience de l'état d'inconscience dans lequel il vit, la route est encore terriblement longue...
JARWAL LE LUTIN, TOME 1
"Jarwal sortit de ses pensées en entendant un déclic au centre de la bibliothèque, un claquement sec puis il vit avec stupeur un panneau coulisser, tout un pan du meuble glisser. Il appela les enfants qui se regroupèrent à ses côtés. La bibliothèque partagée en deux découvrit un couloir sombre, juste effleuré par des effluves bleutés, un passage secret d’une hauteur surprenante, bien plus qu’une taille humaine. Un bruit sourd répété se fit entendre, un martèlement régulier qui prenait de l’ampleur. Un halètement grave l’accompagnait, comme une respiration caverneuse, un grondement de forge, un cliquetis métallique, des pièces animées par un mouvement mécanique.
Jarwal souleva son bonnet et libéra Léontine. La mouche s’envola aussitôt et disparut. Une dernière chance.
« J’ai peur, murmura Ysaline en prenant la main du lutin.
-Moi aussi, avoua Jarwal mais je sais que c’est inutile. Les enfants, il faudra m’obéir, sans réfléchir. Et ne pas obéir à votre peur.
-On le fera Jarwal, » lança Hoel avec assurance.
Une ombre. Immense. Le battement des pas, la respiration éraillée, rauque, douloureuse et ces claquements saccadés, comme des tenailles qui se referment, des articulations en mouvement.
Jackmor.
Il occupait tout l’espace libéré. Une armure stupéfiante, un heaume renforcé d’une crête épineuse. Il sortit de l’ombre et prit toute sa mesure. Gigantesque.
« Plus de trois mètres, estima Jarwal. Et une armée à lui tout seul. »
Les gantelets, les coudières, les genouillères, les épaulières, le torse, tous les endroits névralgiques étaient hérissés de pointes. Il portait une massue cloutée à la taille, suffisante pour fracasser le crâne d’un taureau en pleine charge.
Les enfants n’avaient pas bougé, figés dans leur terreur, les ventres noués, les respirations suspendues, bouches ouvertes.
Ce sifflement moribond remontant des entrailles les glaçait d’effroi tout autant que la stature et l’allure guerrière de l’apparition.
« Voilà donc mes invités ! Et cette fameuse surprise. Jarwal, selon tout ce que j’ai pu entendre. Fort intéressantes d’ailleurs ces discussions. Mes chers enfants, vous avez des talents remarquables.»
Une voix hachée, malgré sa puissance, comme une douleur à cacher.
Jarwal passa les mains sur son visage et effaça les traits d’Aymeric. Inutile de préserver le subterfuge, Jackmor l’avait parfaitement identifié.
« Ah, voilà donc le vrai visage de votre sauveur ! Tu m’as bien fait rire lutin. Toute cette énergie ! Et tes petites graines magiques ! C’était fascinant. Quelles belles connaissances, je suis ravi de savoir que tout cela va bientôt m’appartenir. Mais venez donc vous asseoir à ma table, vous devez avoir faim. »
Jackmor s’engagea dans la salle, un pas mécanique, heurté, comme s’il ne possédait pas la souplesse des guerriers, comme si la masse de son corps l’handicapait. Il retira la chaise en bout de table et les autres chaises reculèrent d’un seul mouvement. Dans un silence absolu.
Les enfants ne bougèrent pas. Jarwal aperçut les poings serrés d’Hoel. Le garçon avait du courage à revendre.
« On préfère rester debout, annonça Jarwal.
-Ah, ah, ah, mais qu’espères-tu donc, lutin ? Que tu vas t’enfuir peut-être ? Et avec mes enfants en prime ! Mais enfin, pourquoi refuser ce que j’ai à vous proposer ? Rien de mieux ne peut vous arriver. J’ai besoin de vos talents, tu l’as compris lutin. Mais tu aimerais savoir comment je m’y prends. Je vais vous le dire. Mais laissez-moi d’abord vous expliquer l’essentiel. »
Jackmor engloba dans un geste de la main l’espace devant lui et la table se garnit d’une multitude de plats.
« Vous ne voulez vraiment pas vous restaurer ? Quel gâchis ! Des plats de cette qualité, spécialement préparés par mes équipes. Vous allez les vexer ! Il ne faut jamais négliger les talents. J’en ai fait une règle de vie et c’est la clef de ma puissance. »
Jarwal observait la salle tout en écoutant la voix métallique. Il devinait tout au fond de l’immense pièce un cercle étrange, comme un puits ouvert mais il ne parvenait pas à en être certain. Il aurait fallu s’approcher.
« Bien, je vous laisse libre de vos choix. Je ne suis pas le monstre que vous imaginez. Que penses-tu lutin de cette reproduction de notre espace visible, c’est fascinant n’est-ce pas ? Cette Voie Lactée est vraiment une pure merveille et je veux l’explorer. Et que penses-tu de ma bibliothèque ? Tu aimerais ouvrir ces livres n’est-ce pas ? Toi aussi, tu rêves de connaissances, toi aussi tu aimerais posséder le pouvoir sur les choses et sur les êtres et il n’y a que la connaissance qui le permet. La force, c’est bon pour les faibles. Et ça n’est jamais durable. Tu le sais comme moi. Tous les peuples oppresseurs ont fini en lambeaux, tous les dictateurs ont fini misérables ou pendus. La brutalité n’est qu’un aveu d’ignorance. Le pouvoir appartient à celui qui possède la connaissance. Le progrès est une arme infaillible. Il entraîne les peuples dans l’avidité du confort. Celui qui dirige le progrès dirige la masse, l’humanité entière. Personne ne s’opposera à ce bienfaiteur. L’opulence n’est même pas nécessaire, il suffit de maintenir les biens essentiels et de dispenser des rêves. Les rêves, c’est l’opium du peuple. Un mélange d’espérance, d’illusions modérément dispensées et des rêves, des rêves, pour atténuer les souffrances et les peines. C’est ça le progrès pour les masses aveugles et pour moi, c’est la puissance et le pouvoir, tout le monde s’y retrouve. »
Jackmor ne semblait pas s’émouvoir de l’incompréhension de son assemblée.
« Vous ne saisissez pas ce que je raconte mes chers enfants mais ça n’est pas grave. Bientôt, tout vous paraîtra évident car vous serez en moi et toi aussi lutin.
Vous pourrez profiter de mon immense savoir et vous participerez à son essor. »
Un coup au ventre. « Vous serez en moi… »
Jarwal chercha Léontine du regard. Il aperçut l’insecte furtif au moment où elle entrait sous le heaume par les fentes oculaires.
Il fallait gagner du temps.
« Où sont passés les enfants que tu as déjà enlevés ?
-Enlevés est un mot bien trop dur, lutin. Je les ai libérés de leur misère pour leur offrir l’accès au pouvoir, qu’ils puissent grâce à moi user de leurs talents, qu’ils ne restent pas croupir dans leur fange quotidienne. Il n’y avait rien de mieux pour eux et vous en jugerez lorsque vous sentirez en vous cette puissance du savoir, lorsque vos dons prendront en moi une dimension extraordinaire.
-Que veux-tu faire ?
-Patience, lutin, patience, tu vas trop vite. Laissez-moi tout d’abord vous rassurer. Voilà les amis pour lesquels vous vous inquiétez. »
Du couloir resté ouvert au centre de la bibliothèque apparut une file d’enfants. Hagards, les yeux fixes, des cernes noirs, les teints pâles, sans aucune réaction à la présence de leurs anciens compagnons de jeu. Comme endormis, inertes, figés dans leur apathie, une torpeur inquiétante. Les uns après les autres, ils vinrent se placer dans le dos de Jackmor. Une soumission craintive. Une trentaine de visages absents, égarés, comme privés de toutes émotions, de toute vie intérieure, les bras ballants, les épaules tombantes. Une léthargie spirituelle. Gailhart, Adelin, Tristan, Aénor, Bérenger, Ludivine, ils étaient tous là. Mais comme vidés de leur existence.
Ysaline ne put s’empêcher de murmurer à l’intention de son amoureux.
« Je suis là Tristan, je suis avec toi, Jarwal va nous sauver. »
Elle crut percevoir dans le regard éteint un tremblement furtif, comme un contact rétabli.
« Vous voyez, ils sont bien tous là, continua Jackmor, ils n’ont pas disparu, je subviens à leurs besoins, ils profitent de mon château, de cette bibliothèque, d’un confort dont ils n’auraient jamais pu bénéficier dans leur vie de paysans.
-Que leur as-tu fait ?
-Un échange de bons procédés, tout simplement. Ils ont une vie heureuse et je profite de leurs talents.
-Une vie heureuse ? J’en doute sérieusement. Ce ne sont plus des enfants. Mais plutôt des fantômes.
-Et alors ? C’est la rançon du progrès ! Tu crois peut-être que leurs vies d’autrefois étaient préférables ? Qui es-tu pour décider qu’ils étaient plus heureux dans leur pitoyable village? La connaissance est au service du progrès, le progrès amène le confort, le confort favorise l’asservissement, l’asservissement est le fondement du pouvoir. Ceux qui ont la chance de participer à cet ouvrage sont des privilégiés et les miséreux comme toi ne peuvent pas comprendre.
-Je comprends qu’ils ne sont plus eux-mêmes mais des individus exploités. Je ne perçois même plus en eux la joie de vivre des enfants, la joie de découvrir le monde, de jouer et d’apprendre. Qu’as-tu fait de leur vie ?
-Tu n’as même pas idée du niveau de connaissances qu’ils ont déjà atteint. Pas un seul d’entre eux ne souhaiterait partir d’ici. Ils ne sont pas prisonniers, ils ont chacun un lit, ils sont bien nourris, habillés, soignés si nécessaire.
-Ça ne fait pas une vie heureuse. Il y manque la liberté. Et il y a autre chose que tu ne veux pas dire. Je pense pour ma part que tu as saisi leur esprit, que tu les as envoûtés, envahis, que tu t’es introduit en eux pour leur voler leurs talents.»
Léontine vint se poser sur l’épaule du lutin et se faufila au creux de son oreille.
« Il n’est qu’un esprit, cette armure est vide, il a pillé l’esprit des enfants, il prend leur énergie et leur talent, c’est un monstre, il se sert d’eux, il les dévore, il aspire leur esprit, tu comprends, il est le progrès, il les garde en vie mais pour se servir d’eux… Il a besoin de cette vigueur pour se développer, il a besoin de vous tous sinon…»
Un coup de poing sur la table.
Jackmor en avait assez de ce tête à tête avec le lutin. De l’impatience désormais.
« J’ai assez donné de mon temps. Maintenant, c’est à vous de me servir. »
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Albert Jacquard
- Par Thierry LEDRU
- Le 15/04/2012
Albert Jacquard, le généticien « indigné » de 86 ans, publie un livre avec Stéphane Hessel (« Exigez ! Un désarmement nucléaire total », Stock) et votera Mélenchon. Il a décidé de le faire savoir.
« Mes forces sont déclinantes », reconnaît le vieil homme. Parfois comparé à un « abbé Pierre laïc », il vient d’être mis à la retraite forcée de la radio (il animait une émission sur France Culture jusqu’à récemment). Sa voix peine à se faire entendre, mais il a encore beaucoup à dire :
« J’ai envie d’écrire “désapproprions-nous”, disons à tous les humains que rien sur la Terre ne leur appartient. »
Au soir de sa vie, le scientifique apparu sur les écrans télé lors de la réquisition de l’immeuble de la rue du Dragon par Droit au logement, à Paris en 1994, vient aussi de sortir un livre de souvenirs, « Dans ma jeunesse » (Stock).
Il y explique « comment on devient soi-même » et revient pour la première fois sur l’accident de voiture qui l’a défiguré à l’âge de neuf ans.
Un tram a percuté la voiture familiale. Son frère de 5 ans et ses grands-parents sont morts, son père a été blessé. Voici comment il décrit l’événement :
« Un choc de fin du monde, suivi d’un silence qui semble définitif. J’ouvre les yeux et me vois moi-même debout au milieu de la route ; dédoublé, je suis à la fois cet enfant blessé, extérieur à lui, figé comme une image, et moi qui le regarde, incapable, durant un court instant, d’un mouvement ou d’une sensation, mais contraint d’accepter l’irréparable : mon univers vient, en un instant, d’être bouleversé. »
Ce livre-là, il a eu « de la peine » à l’écrire, confie-t-il :
« Je ne savais pas que ça me libérerait. Ça m’a transformé de le dire. »
Il voit dans son alliance avec Stéphane Hessel l’occasion de donner plus d’audience à ses opinions anciennes sur le nucléaire :
« On est en train de suicider l’humanité et personne ne réagit ; c’est monstrueux. »
Albert Jacquard serait-il en train de transformer l’indignation du nonagénaire en programme politique, de faire une OPA sur la campagne présidentielle ? Pas si vite. L’utopiste a juste décidé d’expliquer sur qui se portera son choix.
Rue89 : Si vous étiez candidat à l’élection présidentielle, quel message porteriez-vous ?
Albert Jacquard : Je serais le candidat des mutations, pas le candidat des crises. Moi, je pense que la crise n’existe pas. Une crise, par définition, ça passe. On dit bien une crise de toux, de larmes... Là, elle n’est pas destinée à passer. On édulcore l’événement en faisant comme si elle allait disparaître.
Là, on est dans une mutation, un appel au renouveau, c’est-à-dire que ce qui était bon avant ne l’est pas nécessairement après, c’est une occasion extraordinaire de tout changer. Il est normal de revoir le système économique, sanitaire... Or, dans cette campagne, personne ne profite de l’occasion pour définir ces mutations. Les politiques ont peur du changement, ils n’y croient pas.
Cette campagne parle peu d’utopie et beaucoup de chiffres.
C’est une vraie maladie ces chiffres. Si j’allume la télé, il ne se passe pas trois minutes sans qu’il y ait un pourcentage d’augmentation qui diminuera, comme l’autre jour Sarkozy nous a expliqué que ça baissait, ce qui signifiait que ça montait... On a une fascination pour les nombres car on croit qu’ils permettent d’accéder à la vérité.
Néanmoins, le chiffre de la dette est une réalité....
Je voudrais bien la définir cette réalité. Pourquoi on n’en parlait pas il y a dix ans ? Je crois que le moment grandiose où on a oublié les nombres, c’est à la Libération : on a supprimé certains critères économiques comme l’inflation, et on s’en est sorti. Le Conseil national de la résistance était une utopie totale... Réalisée !
Que pensez-vous des candidats ?
Ma sympathie va naturellement à François Hollande. L’autre [Nicolas Sarkozy, ndlr], on ne peut pas lui faire confiance, il se moque du monde de façon éhontée, il a dit tout et son contraire.
Je me suis trouvé en sa présence, invité par un ami à la remise d’une Légion d’honneur. On m’a présenté à lui, il m’a serré la main et a tourné la tête. Il aurait pu avoir envie de me connaître, mais non. Il n’est même pas poli, et j’ai senti une espèce de mépris de sa part. On ne sent aucun souffle.
Et Hollande ?
Ce n’est pas l’homme d’un grand souffle. Au premier tour, il y a Mélenchon. Je voterai pour lui, même en ayant le sentiment de ne pas faire mon devoir qui serait de voter pour Hollande afin d’éviter que Sarkozy revienne. Je suis sensible à sa vigueur, à sa façon de me faire penser à Jaurès. J’espère ne pas faire une sottise au premier tour en laissant Sarkozy trop devant.
Mélenchon, il a une bonne tête, aucun doute, il a une sincérité qui est le contraire de ce que provoque Sarkozy. Si j’avais pu, je serais allé à La Bastille.
L’élection est très personnalisée...
C’est dommage. Apparemment, on a besoin d’un grand homme. Mélenchon, c’est un tribun, voire un populiste, mais pourquoi pas écouter le peuple ?
Avec Sarkozy, on est sûr d’avoir l’horreur, avec Hollande on aura sans doute des choses moins grandioses, mais qui sait ?Vous prônez toujours une décroissance joyeuse ?
Oui, et je ne serais pas triste qu’on supprime Las Vegas. En tant qu’espèce consciente, nous pouvons développer une réflexion sur l’objectif : pourquoi Las Vegas ? La dernière fois que je suis passé aux Etats-Unis, j’ai été frappé de voir que toute la côte Est était éclairée en continu de New York à Boston. Mais pour quoi faire ? Ce gâchis d’énergie pourrait être supprimé.
Il faut réfléchir ensemble : à qui appartient le pétrole ? Dire qu’il appartient à Abu Dhabi est ridicule, il appartient aux 7 milliards d’hommes. Les ressources ne peuvent être que mondiales.
Pourtant, au sommet de Copenhague, en 2009, les Etats ont été incapables de se mettre d’accord...
Il faut réessayer, que les égoïsmes nationaux disparaissent. On en est loin si on regarde l’Europe ces temps-ci. De toutes façons, ou bien c’est la fin totale avec la guerre nucléaire, ou bien on admet qu’il faut tout repenser.
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Le pouvoir du moment présent.
- Par Thierry LEDRU
- Le 15/04/2012
Une lecture inoubliable pour moi, un choc immense.
http://www.letransmuteur.net/le-pouvoir-du-moment-present-de-eckhart-tolle/
Eckhart Tolle est né en Allemagne et y a passé les treize premières années de sa vie. Après des études universitaires à Londres, il s’orienta vers la recherche et, dans ce cadre, dirigea même un groupe à l’université de Cambridge. À l’âge de 29 ans, il connut une profonde évolution spirituelle qui le transfigura et changea radicalement le cours de son existence.
Il consacra les quelques années suivantes à comprendre, intégrer et approfondir cette transformation qui marqua chez lui le début d’un intense cheminement intérieur.
Au cours des dix dernières années, il fut conseiller et enseignant spirituel auprès d’individus et de petits groupes en Europe et en Amérique du Nord. Depuis 1996, il vit à Vancouver, (Colombie-Britannique). Grâce à ses livres, un plus grand auditoire pourra enfin profiter de ses enseignements.
Voici la version abrégée du livre audio :
(Achetez le double CD audio) (Achetez ce livre) 01. Vous n’êtes pas votre mental
02. Se sortir de la souffrance par la conscience
03. Plonger dans le moment présent
04. Les stratégie du mental pour éviter le moment présent
05. La présence en tant qu’état
06. Le corps subtil
07. Diverses portes d’accès au non-manifeste
09. Au-delà du bonheur et du tourment, la paix
10. La signification du lâcher-prise
(narration: Vincent Davy)
Eckhart Tolle nous enseigne qu’il est possible de vivre sans souffrance, sans anxiété et sans névrose. Mais pour atteindre cet état d’éveil nous devons arriver à comprendre que nous sommes nous-mêmes les créateurs de notre propore souffrance. Que notre mental – et non pas les autres et notre monde environnant – est à l’origine de nos problèmes. C’est notre mental, avec son flot presque continu de pensées, qui se soucie du passé et s’inquiète de l’avenir qu’il faut apprendre à maîtriser.
Pour entreprendre ce périple vers le pouvoir du moment présent, il nous faut laisser derrière nous notre esprit analytique et le faux moi qu’il a créé, c’est-à-dire l’ego.
Dès le début du premier chapitre, nous nous élevons rapidement vers des hauteurs où nous pourrons respirer un air plus léger propre à la spiritualité. Même si le périple où Eckhart Tolle nous emmène présente des défis, le langage qu’il emploie est simple et le format question-réponse qu’il a choisi constitue un guide rassurant. Les mots ne sont eux-mêmes que des panneaux indicateurs.
Si nous réussissons à être totalement dans ici-maintenant et à faire chaque pas dans le moment présent, si nous réussissons aussi à vraiment appréhender les réalités que sont notre corps énergétique, le lâcher-prise, le pardon et le non-manifeste, nous saurons nous ouvrir au pouvoir transformateur de l’instant présent.
« L’être est la vie éternelle et omniprésente. Il existe au-delà de toutes les formes assujetties au cycle de la vie et de la mort. L’être vous est accessible maintenant comme étant votre véritable nature. Mais n’essayez pas de le comprendre avec votre mental. Vous ne pouvez le saisir que lorsque votre mental s’est tu et que vous êtes pleinement et intensément présent. Retrouver la conscience de l’Être et se maintenir dans cet état de réalisation, c’est cela l’illumination. »
L’origine du livre « Le Pouvoir du Moment Présent »
Le passé ne m’est pas d’une grande utilité et j’y pense rarement. Cependant, j’aimerais vous raconter rapidement comment j’en suis venu à devenir un guide spirituel et comment ce livre a vu le jour.
Jusqu’à l’âge de treize ans, j’ai vécu dans un état presque continuel d’anxiété ponctué de périodes de dépression suicidaire.
Aujourd’hui, j’ai l’impression de parler d’une vie passée ou de la vie de quelqu’un d’autre.
Une nuit, peu après mon vingt-neuvième anniversaire, je me réveillai aux petites heures avec une sensation de terreur absolue. Il m’était souvent arrivé de sortir du sommeil en ayant une telle sensation, mais cette fois-ci c’était plus intense que cela ne l’avait jamais été. Le silence nocturne, les contours estompés des meubles dans la pièce obscure, le bruit lointain d’un train, tout me semblait si étrange, si hostile et si totalement insignifiant que cela créa en moi un profond dégoût du monde. Mais ce qui me répugnait le plus dans tout cela, c’était ma propre existence. À quoi bon continuer à vivre avec un tel fardeau de misère ? Pourquoi poursuivre cette lutte ? En moi, je sentais qu’un profond désir d’annihilation, de ne plus exister, prenait largement le pas sur la pulsion instinctive de survivre.
« Je ne peux plus vivre avec moi-même. » Cette pensée me revenait sans cesse à l’esprit. Puis, soudain, je réalisai à quel point elle était bizarre. « Suis-je un ou deux ? Si je ne réussis pas à vivre avec moi-même, c’est qu’il doit y avoir deux moi : le « je » et le moi » avec qui le « je » ne peut pas vivre. ». « Peut-être qu’un seul des deux est réel », pensai-je.
Cette prise de conscience étrange me frappa tellement que mon esprit cessa de fonctionner. J’étais totalement conscient, mais il n’y avait plus aucune pensée dans ma tête. Puis, je me sentis aspiré par ce qui me sembla être un vortex d’énergie. Au début, le mouvement était lent, puis il s’accéléra.
Une peur intense me saisit et mon corps se mit à trembler. J’entendis les mots « ne résiste à rien », comme s’ils étaient prononcés dans ma poitrine. Je me sentis aspiré par le vide. J’avais l’impression que ce vide était en moi plutôt qu’à l’extérieur. Soudain, toute peur s’évanouit et je me laissai tomber dans ce vide. Je n’ai aucun souvenir de ce qui se passa par la suite.
Puis les pépiements d’un oiseau devant la fenêtre me réveillèrent. Je n’avais jamais entendu un tel son auparavant. Derrière mes paupières encore closes, ce son prit la forme d’un précieux diamant. Oui, si un diamant pouvait émettre un son, c’est ce à quoi il ressemblerait. J’ouvris les yeux. Les premières lueurs de l’aube fusaient à travers les rideaux. Sans l’intermédiaire d’aucune pensée, je sentis, je sus, que la lumière est infiniment plus que ce que nous réalisons. Cette douce luminosité filtrée par les rideaux était l’amour lui-même. Les larmes me montèrent aux yeux. Je me levai et me mis à marcher dans la pièce. Je la reconnus et, pourtant, je sus que je ne l’avais jamais vraiment vue auparavant. Tout était frais et comme neuf, un peu comme si tout venait d’être mis au monde. Je ramassai quelques objets, un crayon, une bouteille vide, et m’émerveillai devant la beauté et la vitalité de tout ce qui se trouvait autour de moi.
Ce jour-là, je déambulai dans la ville, totalement fasciné par le miracle de la vie sur terre, comme si je venais de venir au monde.
Pendant les cinq mois qui suivirent, je vécus sans interruption dans une grande béatitude et une paix profonde. Par après, cela diminua d’intensité ou telle fut mon impression peut-être parce que cet état-là m’était devenu naturel. Je pouvais encore fonctionner dans le monde même si je réalisais que rien de ce que je faisais n’aurait pu ajouter quoi que ce soit à ce que j’avais déjà.
Bien entendu, je savais que quelque chose de profondément significatif m’était arrivé, sans toutefois comprendre de quoi il s’agissait. Ce ne fut que plusieurs années plus tard, après avoir lu des textes sur la spiritualité et passé du temps avec des maîtres spirituels, que je compris qu’il m’était arrivé, à moi, tout ce que le monde cherchait. Je compris que l’intense oppression occasionnée par la souffrance cette nuit-là devait avoir forcé ma conscience à se désengager de son identification au moi malheureux et plein de peur profonde, qui en fin de compte n’était qu’une fiction. Ce désengagement avait dû être si total que ce faux moi souffrant s’effondra immédiatement, comme un ballon qui se dégonfle quand on enlève le bouchon. Tout ce qui restait, c’était ma véritable nature, l’éternel je suis, la conscience dans son état vierge avant l’identification à la forme. Plus tard, j’appris également à retourner en moi, dans ce royaume intemporel et immortel que j’avais au début perçu comme un vide, tout en restant pleinement conscient. Je connus des états de béatitude et de grâce tels qu’il est difficile de les décrire et qu’ils éclipsent même la première expérience que je viens de décrire. Il fut un temps, pendant une certaine période, où il ne me resta plus rien sur le plan concret. Pas de relations, pas d’emploi, aucune identité sociale. Je passai presque deux ans assis sur les bancs de parcs dans un état de joie la plus intense qui soit.
Mais même les plus belles expériences ont une fin. Il y a peut-être quelque chose de plus important que n’importe quelle expérience, et c’est la paix sous-jacente qui ne m’a jamais quitté depuis ce jour-là. Elle est parfois très puissante, presque palpable, et les autres peuvent la sentir aussi. À d’autres moments, elle est plus en arrière-plan, semblable à une mélodie de fond.
Plus tard, les gens sont venus me voir à l’occasion en me disant : « Je veux arriver à la même chose que vous. Pouvez-vous m’y amener ou me montrer comment faire ? » Et je leur répondais:
« Mais vous y êtes déjà. Vous ne pouvez pas le sentir parce que votre mental fait trop de bruit. » Cette réponse s’élabora et devint plus tard le livre que vous tenez entre les mains.
En un rien de temps, je me retrouvai de nouveau avec une identité.
J’étais devenu un enseignant spirituel …
Mots-clefs :amour, ascension, bonheur, cocréation, conscience, enchantement, énergie, évolution, intelligence, joie, méditation, Nouvel-Age, observation, paix, peur, réalité, transmutation, vie
5 commentaires pour “« Le pouvoir du moment présent » de Eckhart Tolle”
J’ai découvert Eckhart Tollé complètement par hasard (mais y a t-il un hasard ?) en cherchant des livres de spiritualité sur le net. J’ai alors écouté ses douze CD audios disponibles plusieurs fois tout en faisant autre chose grâce à mon baladeur pendant des mois. Sans aucune intervention de ma part, je suis bien obligé de reconnaitre que j’ai connu il y a plusieurs mois d’une manière complètement inattendue, un véritable éveil spirituel. Peut-on dire que ma conscience a atteint un stade plus élevé ? Je n’en sais rien. Tout ce que je peux dire, c’est qu’à partir de ce moment, toute mon expérience quotidienne s’est complètement transformée. Quelque chose s’est débloqué. Toutes mes peurs se sont envolées. Une quiétude inconcevable m’habite depuis et ne me quitte plus. Ce qui m’a le plus frappé et qui m’étonne encore, c’est l’augmentation considérable de mon acuité auditive, probablement suite à la disparition de mon bavardage intérieur, je perçois des sons dont je n’avais jamais eu conscience autour de moi. Je perçois le silence et la beauté qui réside dans celui-ci. Etant la majeure partie du temps, dans l’ici et maintenant, toute mon anxiété provoqué par ma projection d’un futur incertain s’est envolée. La tension résiduelle provoquée par la souffrance dont l’égo est l’origine me saute aux yeux chez la plupart des personnes que je rencontre. J’essaye de leur montrer le chemin mais je ne peux pas l’arpenter à leur place. Je voudrais un jour me trouver devant cette personne et lui dire simplement « Merci pour tout. » Un véritable bienfait pour l’humanité.
De Mars à Mai 2008, pendant dix semaines, un évènement sans précédent a eu lieu tous les lundis: la célèbre animatrice de télévision américaine Oprah Winfrey à reçu Eckhart Tolle pour commenter son livre « Nouvelle Terre », dans une émission diffusée en direct sur Internet. Cet échange, où l’on traite de spiritualité avec un des grands maitres de notre temps dans ce domaine, a été et est toujours visionné et téléchargé par des millions de personnes à travers le monde. Une personne généreuse s’est chargée de proposer ces vidéos avec une traduction en français :