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Rectificatif
- Par Thierry LEDRU
- Le 09/10/2010
- 4 commentaires
"Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'ils te fassent!"
Je ne sais pas de qui est cette maxime mais je la trouve en tout cas particulièrement négative.
Je lui préfère : "Fais aux autres ce que tu aimerais qu'ils te fassent."
Au lieu de chercher à protéger les autres et par conséquent soi-même, il me semble plus positif de chercher à donner aux autres ce qui nous comblerait de bonheur. Au lieu de craindre les mauvais coups, je me tourne vers l'amour.
Au lieu de me méfier des autres, je me tourne vers leur beauté naturelle en proposant ce que je porte de plus beau.
La première citation reflète bien à mon sens ce monde de peur et de méfiance, ce monde de morale castratrice. Comme une menace proféré par un prêtre : "Craignez la colère divine si vous vous comportez mal."
Et si on se comporte convenablement, qu'en pense les prêtres ? Est-ce que ça va les perturber en les privant de cette autorisation à nous menacer ?
Dieu serait-il lui aussi perdu par ce don d'amour ? Difficile de l'imaginer. Il convient bien entendu de se défaire de l'image souillée du Dieu monthéiste. Je parle du flux vital, de l'Energie, de la Vie. Est-ce que la Vie serait menacée par cette offrande envers nos proches, non pas cette crainte de mal se comporter et d'être à notre tour maltraitée, mais cette communion de vie dans le respect immuable.
Mais qu'en est-il des gens qui se comportent comme des soudards, des barbares, des destructeurs ? Est-ce que je peux réellement me tourner vers eux en leur proposant mon amour ? J'en connais de ces gens pour lesquels je n'éprouve qu'une infinie colère. Que dois-je faire envers eux ? Tout ce que je pourrais leur offrir de plus beau ne me sera sans doute jamais rendu. Mais est-ce que je dois attendre que ça le soit ? Ou bien me contenter de le faire, si l'occasion se présente, en les laissant ensuite décider de ce qu'ils peuvent en faire. Il m'arrive d'essayer.
La plupart du temps, je tente de les ignorer. Parce qu'il y a en moi des haines tenaces qui sont des appels à la violence. Non pas parce que ces gens me blessent mais parce qu'ils s'en prennent à des êtres sans défense : les enfants. Je crois que les gens que je hais le plus sont ces enseignants, assasins d'âmes d'enfants. Il y en a. Inutile de le nier. Ce sont nécessairement des gens qui souffrent pour dispenser autant de souffrance. Mais les enfants sont des victimes tellement fragiles. Je ne peux pas pardonner à ces gens. Ils ne devraient pas rentrer dans une classe. Ce sont des vies entières qu'ils brisent.
"Ne fais pas aux enfants ce que tu aurais voulu qu'on ne te fasse pas quand tu étais à leur place."
Sans doute ce que je devrais leur dire.
"Fais aux enfants ce que tu aurais voulu qu'on te fasse quand tu étais à leur place."
Pour compléter et donner une piste.
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Inoubliable Chaplin
- Par Thierry LEDRU
- Le 07/10/2010
- 0 commentaire
Inoubliable discours.
http://www.youtube.com/watch?v=WMAT1-3xuyw&feature=related
Ce monde manque cruellement d'Hommes.
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Edifiant !
- Par Thierry LEDRU
- Le 07/10/2010
- 0 commentaire
A voir, revoir et partager dans toutes les directions !!
http://www.facebook.com/thierry.ledru#!/video/video.php?v=132978793418222&oid=244588474375
Très bien fait, très bien écrit. On s'y croirait...Manque plus qu'à sortir du cinéma et passer dans le monde réel.
On y va, on y va...
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Méditation (1)
- Par Thierry LEDRU
- Le 06/10/2010
- 2 commentaires
Je ne pratique aucune méditation d'aucune sorte mais je fais du sport d'endurance. Vélo, marche, ski de fond, ski de rando. Je ne sais donc pas trop de quoi il retourne quand il s'agit de méditation zazen ou autre. Je ne peux que parler de ce décrochement mental que je vis parfois durant mes escapades longue durée ! Totalement imprévisible et nullement assuré mais je ne m'en soucie pas. Il se passe ce qui doit se passer, je suis de toute façon totalement heureux d'être déjà en montagne. La contemplation des paysages, de l'altitude et simultanément des horizons intérieurs.
Mais je m'interroge sur ces pratiques de méditation "organisées", bien orchestrées, planifiées. Une impression désagréable quant à la main mise du mental dans une pratique destinée à apporter une plénitude spirituelle, une connaissance ou une re-connaissance de nos univers intérieurs...J'aime beaucoup les écrits de Jacques Brosse et pourtant je ne m'imagine pas un seul instant entrer dans cette dimension du zazen, du yoga ni aucune autre "méditation" dictée. Je ne dis pas pour autant que ça ne porte pas ses fruits mais je m'interroge sur la durabilité de ces états de méditation dans la vie quotidienne et sur leur réalité.
S'il s'agit de se concentrer pour expurger l'esprit des pensées disparates en s'interdisant par la volonté de sortir du cadre épuré de la non pensée, le stratagème reste malgré tout une pensée. Elle est muette, non verbalisée, même intérieurement,( l'individu qui répèterait comme un mantra, "je dois me concentrer", on sait très bien qu'il n'arriverait qu'à faire bouillir son crâne comme une cocotte minute) mais même une pensée qui resterait à l'état de silence a une intention, un projet et j'y vois la même entrave qu'une pensée modelée par des mots. Vouloir se mettre dans un état donné pour accéder à l'état de non volonté reste tout de même une belle contradiction...Par conséquent, je suis interloqué par la méthode...D'autre part, étant donné que cette "méditation" me semble tout de même relativemement artificielle, je m'interroge quant à ses effets sur l'individu lorsque celui-ci replonge dans les évènements exogènes. Gardera-t-il la même sérénité, si tant est qu'il y soit parvenu, ou bien succombera-t-il aux assauts de son patron, de son collègue de bureau, de sa femme, de son chien, de sa voiture, de la dernière grève de la SNCF (non, je n'ai mis aucune ordre hiérarchique là-dedans :)
Les émotions auront-elles gardé le même pouvoir ? Ou cet individu aura-t-il appris à reconnaître ce qui vibre dans son mental et à maîtriser simultanément dans le silence ce qui vibre en lui ? En résumé, quelle est la portée réelle de cette méditation dans la gestion de la vie ? Etant donné que nous ne sommes pas des ermites, ni des sages ou des grands Maîtres, que faisons-nous profondément de ces états de méditation ? Que nous apportent-ils ?
Car je ne peux évidemment me résoudre à croire que ces méditations ne sont que des errances mentalisées, déguisées par de belles enluminures orientales. Il y a nécessairement des effets positifs, il existe des états réels dans cette réalité intérieure, des états d'éveil par-delà le sommeil éveillé. C'est une évidence. De même que sur mon vélo ou quand je marche, je suis parfois dans un état de sérénité et de lucidité que je ne connais pas dans le monde social.
Mais alors, comment vais-je gérer la prochaine venue de mon inspecteur de l'éducation nationale ? Est-ce que je vais me liquéfier devant son autorité hiérarchique, est-ce que je vais me noyer dans le flot des angoisses, est-ce que je vais perdre tous mes moyens et me montrer incapable de mettre en avant mes qualités ? A quoi serviraient ces heures de silence et de voyage intérieur si je ne retire pas de ces expéditions lointaines une certaine maîtrise de mes émotions ? Au moins ça ...
La première méditation serait déjà de se dire que je n'ai rien à prouver à ce monsieur. L'essentiel, c'est ce que je fais avec les enfants. Pas besoin de respirer en zazen pour arriver déjà à cette conclusion :) Mais finalement, ne serait-ce pas ça l'essentiel de la méditation ? Savoir se vider de ses émotions pour participer pleinement à la réalité, sans l'alourdir...
A suivre.
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Mange, prie, aime
- Par Thierry LEDRU
- Le 04/10/2010
- 0 commentaire
Est-ce que le cinéma se mettrait à s'intéresser à la démarche spirituelle ?
http://www.youtube.com/watch?v=xAxDrUibg7U&feature=channel
Bon, maintenant, faut voir comment c'est géré tout ça...
Si quelqu'un a déjà vu, ça serait intéressant d'avoir des avis et commentaires.
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Mais alors ?
- Par Thierry LEDRU
- Le 29/09/2010
- 0 commentaire
La Nature éprouve-t-elle de l'Amour pour nous, pour tous les êtres, les végétaux, tout ce qu'elle crée ?
Y a-t-il en elle une émotion, un sentiment, un bonheur ?
Bien entendu, au premier abord, la proposition paraît absurde. Pour que cela soit, il faudrait une conscience et par conséquent un organe émetteur, un "cerveau", une entité extrêmement évoluée...
La Nature ne peut pas être assez évoluée pour ça.
Non, c'est cette phrase qui est absurde en fait. Rien de connu n'est plus évoluée que la Nature. Nous en sommes un élément, performant c'est un fait, mais devant la richesse infinie de la Nature, rien ne dit que nous en sommes le point ultime au point d'être plus évolués qu'elle alors que nous en sommes issus. Cela signifierait qu'une des créations serait plus perfectionnée que la création elle-même...
Il semblerait par conséquent que cette performance nous ait amenés à penser que rien ne serait plus conscient que l'être humain au point que la Nature dont nous sommes issus ne possèderait pas cette conscience. Comme s'il nous était insupportable d'imaginer une entité supérieure.
Mais si la Nature est effectivement dotée de cette conscience, cela suppose qu'il y a en elle une intelligence et par conséquent une intention quant à sa création. Nous sommes des êtres dotés d'intelligence et de conscience et nous nous engageons dans des voies précises avec une intention, un projet, une projection temporelle. C'est cela qui a permis l'évolution de notre espèce et nous ne pouvons pas regretter les temps préhistoriques. Nous vivons dans une sécurité bien supérieure à celle de Lucy, de Toumaï, des Gaulois, des serfs, des sans culottes, des Poilus, de nos grands-parents...Impossible de le nier. Malgré tout...
Bien, nous avons donc évolué en fonction d'une intention, celle d'améliorer le quotidien de chaque individu. Le nôtre d'abord. En travaillant à notre survie individuelle, nous avons contribué à celle de l'ensemble.
Pouvons-nous dès lors envisager que la Nature, dans l'hypothèse d'une conscience et d'une intelligence, agit différemment que la création la plus évoluée de son oeuvre ? Il nous est bien nécessaire de considérer que cette Nature a un projet. Ou alors nous devons rejeter toute idée d'intelligence de sa part. Ce qui reviendrait à dire que nous sommes une entité disparate issue d'un fabuleux hasard...Hum...
Bien. Quel projet ? Voilà LA question... Ce projet nous est-il accessible dès lors que nous adoptons une attitude hautaine, dès lors que nous ne sommes plus dans un statut de création respectueuse mais que nous nous attribuons le rôle de maître supérieur ? Dès lors que nous considérons la Nature comme une entité hasardeuse, comment pourrions-nous accéder à ce projet alors que nous ne voyons dans notre évolution que le résultat de nos efforts et non une osmose constructive entre le créateur et son oeuvre ?
Si dans une classe, un élève en vient à penser qu'il est plus performant que le maître, il finira obligatoirement par fabriquer en lui un projet qui ne sera plus celui de ce maître...Je reconnais que parfois, c'est préférable pour les élèves au vu de certains professeurs...
Mais pour l"humanité ? Avons-nous bien fait de nous extraire ainsi d'une fusion nourricière en décidant que nos performances millénaires suffisaient à nourrir notre évolution ? Quelle évolution ?
Médicale, culturelle, technologique, matérielle. Oui, c'est indéniable.
Est-ce suffisant ?
Qu'en est-il de cet Amour dont je parlais ? Lorsque j'aime la Nature, le sait-elle ? N'y a-t-il de ma part qu'une opportunité que je saisis, la plénitude de la contemplation, le bonheur de la marche en montagne, l'émerveillement devant la neige qui tombe, ou cette joie infinie en moi transmute-t-elle dans le corps immense de la Nature ? Est-ce que je lui suis relié en tant que créature naturelle au point qu'elle ressent ce que je vis lorsque je l'aime ?
On pourrait craindre si c'est le cas qu'elle ressente depuis un certain temps une animosité quasi générale et non un amour infini...Inutile de rappeler certains passages de la Bible par exemple. Ca remonte à loin tout ça...Et ça ne s'arrange guère...
Se pourrait-il dès lors que cette intention, ce projet de la Nature se soit révélé inconsidéré et que nous ayons échappé à son contrôle ? Mais a-t-elle instauré un contrôle ou sommes-nous une expérience libre de toutes entraves ? Le risque me paraît monstrueux...Se peut-il que cette intelligence humaine se soit retournée contre la création elle-même ou cela fait-il partie d'un projet qui nous échappe totalement étant donné qu'il semble se retourner contre "l'expérimentateur" lui-même ?
L'expérimenté se révolte et délaisse toute forme d'amour. Il brise ses chaînes ou ce qu'il imagine être des entraves, il s'élève sur le piédestal de son progrès, il réduit la création à une marchandise... Et cela ferait partie d'un projet ? Alors cela voudrait dire que la raison de la Nature est au-delà de la raison humaine. Et que nous ne pouvons pas la comprendre.
Ou bien que tout ceci n'était qu'une élucubration de plus et que nous ne sommes qu'un hasard fortuit au milieu d'un capharnaüm intersidéral.
Tant pis si c'est le cas. Je continuerai béatement à aimer la Nature en imaginant qu'elle m'aime en retour. Au moins, je continuerai à marcher respectueusement dans l'herbe et à bénir les flocons de neige.
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LES ÉGARÉS (roman) 5
- Par Thierry LEDRU
- Le 28/09/2010
- 2 commentaires
LES ÉGARÉS
Extrait.
" Elle mange à l’ombre d’un pin cembro. Les vents dominants ont incliné le tronc solitaire et les branches s’étirent dans le sillage invisible des airs souverains. La pente dénudée n’offre aucun abri. La graine germée ignorait les combats à venir. Une branche obstinée résiste à cette direction imposée et grignote l’espace offert comme une force indocile, un désir de découvertes, une croissance opiniâtre. Cette indépendance tenace la ravit. Elle regarde amoureusement le rameau tortueux. Il lui serait si facile de s’abandonner au flux despotique. Pourquoi s’imposer une telle épreuve ? Elle devine dans la progression onduleuse du bois des énergies suprêmes, des persévérances rebelles. Des effondrements aussi. Deux courbes descendantes témoignent des détresses passées. Des hivers trop longs peut-être. L’acharnement des vents glacés, du poids de la neige, du gel qui raidit. La croissance s’était figée, la pesanteur avait repris ses droits. Les sèves épuisées s’étaient sans doute concentrées sur le maintien, une survie immobile, acceptant avec humilité que le rameau solitaire courbe l’échine. Des protubérances étaient apparues comme des réserves de forces, des énergies condensées. Et l’aimantation vers la lumière avait repris. Un appel irrésistible, une montée verticale irrépressible. Il avait suffi que les chants solaires diffusent leurs mélodies chaudes. Le rameau s’était redressé, des sucs épais, gorgés d’amours fidèles, avaient nourri la croissance retrouvée. Les vents déconcertés par cette fronde maintenue avaient-ils tenté de soumettre l’insurgé ? L’avaient-ils ignoré ? La foule des rameaux obéissants suffisait peut-être à leur soif de pouvoir.
Ce rameau porte-t-il en lui ce désir de conquête, indépendamment de l’arbre ? Le questionnement l’interpelle. Une similitude si forte. A-t-elle su préserver dans les conditionnements instaurés tout au long de son histoire une énergie lumineuse, une attirance rebelle, le désir d’un cheminement atypique ?
Elle repense au torrent et elle s’étonne de cette sensibilité envers la nature. Elle n’avait jamais éprouvé cette connivence. Pas avec cette force. Si elle avait souvent été touchée par la beauté sereine d’un paysage, d’un arbre séculaire, d’un sommet enneigé, d’un tapis d’herbes grasses ou d’un torrent joyeux, elle n’y avait jamais perçu la complicité, la fraternité, la concordance. Ses regards n’étaient jamais allés plus loin que l’apparence. La vie cachée, l’énergie profonde, le mystère de la matière composée, les élans intérieurs, les particules assemblées, rien de tout ça ne l’avait émue. L’identification mentalisée l’avait enfermée dans une reconnaissance primaire, une vision étriquée, un ressenti hédoniste, occasionnel, évènementiel et cartésien. Mais l’appartenance à cet Univers du Vivant lui avait échappé. Elle sait désormais que le monde est en elle et qu’elle appartient à ce monde. Une dimension gigantesque, un amour incommensurable, une unité bouleversante. L’arbre, le torrent, les montagnes, le brin d’herbe, ce nuage ballonné et cette brise légère vibrent de la même énergie, palpitent au rythme de la vie contenue, du mystère impalpable. Et cette magie enveloppée est un cadeau inestimable.
L’envie subitement d’embrasser le tronc incliné, de caresser l’écorce rugueuse, de câliner cette branche obstinée. Cet amour qui la submerge coule en elle comme une sève unique, un flux immémorial, une vie partagée. Elle n’est qu’un fragment de l’imagination insatiable de la Création et tout ce qu’elle voit, tout ce qu’elle respire, tout ce qu’elle touche, tout ce qu’elle ressent, appartient à cette Création sublime.
Yoann aussi.
Où en est-il dans son cheminement intérieur ?
Elle espère que les barrières en lui s’effacent, que les retenues s’estompent, que les peurs anciennes se racornissent comme des peaux mortes, tombent en lambeaux épars, le dénudent et le libèrent.
Elle sait qu’elle pourrait aimer cet homme nu. Mais qu’elle ne pourrait plus se blottir contre l’homme en armure. L’idée lui noue le ventre mais elle ne peut la rejeter. L’amour qui l’étreint envers la nature se projette vers des créations pures, originelles, préservées, des cœurs lumineux que rien n’altère, des partages immédiats sans intentions inavouées, des abandons délicieux sans idées de conquêtes. Les carapaces de Yoann la désespèrent, l’enferment elle-même dans une impuissance à l’atteindre, la privent de la fusion enivrante de l’amour consommé. Elle perçoit dans les émotions contenues de l’homme blessé des exhalaisons fermentées, des refoulements purulents, des plaies gangrenées. L’arbre déployé, le torrent limpide, les nuages exposés, l’herbe accueillante, sont plus émouvants aujourd’hui que ses bras ouverts. Les derniers jours avant le départ, elle sentait dans les étreintes proposées des entraves camouflées, des chaînes immatérielles d’une lourdeur insupportable. Elle venait vers lui avec le cœur ouvert et se livrait dès lors aux coups de scalpel de ses silences, de ses pudeurs, de ses blocages, de ses angoisses insurmontables, de ses intentions secrètes. Elle quittait ses bras sous la douleur des blessures. Et dans la solitude de son amour en pleurs, elle cautérisait de ses larmes les déchirures.
Il aurait été plus simple que leur amour s’étiole, se noie sous les sanglots, succombe sous les assauts répétés des désillusions amassées. Mais les braises laissées par l’incendie passionnel qui les avait enflammés depuis leur rencontre survivaient au-delà des noirceurs, entretenues fidèlement par la brise fidèle de leur fusion insécable. Elle n’y pouvait rien. Des embrasements fulgurants la submergeaient encore, sans qu’elle ne parvienne à les contenir. Et d’ailleurs elle n’essayait pas de leur résister. C’était si bon. Si chaud. Comme une lave ardente, un ruissellement salvateur. Puis les coulées se fossilisaient irrémédiablement dans la succession glaciale des jours. Elle s’installait alors dans l’attente du prochain jaillissement.
Elle se relève. Elle a senti brutalement les airs polaires de l’amour bridé. Elle veut bouger. Se réchauffer. Cette marche participe au maintien de la vie en elle, à la préservation des bouffées de chaleur, à l’ébullition des geysers émotionnels, à la découverte des sources inconnues, à l’exploration des territoires perdus. Elle est persuadée que l’innocence du petit enfant harcelé par les raisonnements d’adultes se pervertit au fil du temps, que les confrontations imposées le privent impitoyablement de la magie de ses mondes intérieurs. Elle veut retrouver cette liberté d’émotions, la spontanéité, la joie, l’insouciance, plonger dans l’eau cristalline des ressentis juvéniles. La rationalisation du monde adulte aboutit immanquablement à une résignation aliénante, l’accumulation progressive des rêves brisés. Elle en a tellement souffert. Elle sent pleurer dans son âme tous les bonheurs martyrisés. L’amour lui-même est limité par le cadre étroit, structuré, cartographié de la pensée mécaniste des adultes, par la reconnaissance identitaire adorée par le groupe humain. Le mental pervertit la beauté du partage, introduit de force dans le territoire éthéré de l’amour des armées d’envahisseurs, des barbares assassins. Les luttes incessantes couvrent l’âme impuissante de monceaux de cadavres. Et le mental dévoyé, juste attaché au maintien de sa prédominance, déverse incessamment de nouveaux contingents destructeurs. Elle devine dans ses ressentis une autre dimension, un espace immense, une élévation verticale. Elle s’est échappée, elle a brisé les carcans mais elle est seule. Yoann ne l’a pas accompagnée. Sa vision de l’amour correspond au champ d’investigations des conditionnements acceptés. Elle ne sait pas s’il possède en lui le désir et la force de quitter les geôles de son histoire, de son enfance, de la morale, des refoulements, des douleurs invalidantes, de l’appartenance. Il n’est pas libre et ne le sait pas. Et peut-être même ne veut-il pas le savoir … La conclusion la crispe. Une distance troublante, un éloignement croissant. Et cette randonnée qui les rapproche physiquement marque peut-être une brisure définitive.
« Tu es ma source de vie. »
Il diffusait ces phrases imagées comme des parfums délicats, des cadeaux attentionnés sans réaliser qu’il s’agissait d’entraves. Elle ne voulait plus de cette responsabilité immense. Elle ne supportait plus de sentir cette dépendance et l’obligation d’entretenir le flot. Cet amour nourricier l’emprisonnait. L’impression d’être sa mère et de le sentir accroché à son sein. C’était devenu insupportable. Cette liberté immense qu’elle parvenait enfin à vivre, il l’étouffait de son amour anthropophage. Elle réalisait désormais à quel point il ne s’agissait pas d’amour. Cette vie fusionnelle qu’elle avait acceptée pendant dix-neuf ans, dans laquelle elle s’était plongée corps et âme, elle n’était plus désormais qu’un étouffoir. Elle s’était trompée. Il la privait de son espace.
Elle s’assoit sur un tronc couché, un arbre mort, foudroyé. Assommée par la violence du constat. Elle sort la gourde et un paquet de noisettes grillées. Elle s’évertue à mâcher longuement. Quelques instants de suspension dans le déroulement implacable des ressentis libérés. Les yeux dérivant au gré des reliefs, dans les brises légères, sur les tapis de couleurs multiples. La première journée de marche n’est pas finie que déjà les conclusions imposent les scissions ignorées, les colmatages se fendillent, les ciments fragiles craquellent sous la brûlure des consciences réveillées. De son ventre sourd une colère ressassée.
Ils n’évoluaient pas dans l’amour mais dans un enchevêtrement de dépendances exaltées, une passion torturée, la matérialisation de leurs traumatismes amassés. L’amour n’était qu’un baume sur des plaies purulentes. Il ne les propulsait pas dans une dimension verticale mais dans un champ de batailles infinies, des luttes internes entretenues par les égos tourmentés. Elle en était autant responsable que Yoann. Les attitudes conditionnées par des refoulements irrésolus avaient créé entre eux un lacis de barbelés émotionnels dont ils ne parvenaient pas à se libérer.
L’impression d’avoir partiellement sectionné les enlacements chaotiques lui permet de respirer plus librement, d’apercevoir enfin les territoires qui s’étendent au-delà de ce charnier d’émotions sacrifiées. Elle devine dans les attentions de Yoann des emprisonnements camouflés, des désirs de chaînes reconstituées, des liens édulcorés par des amours mensongers. Il la pénétrait pour la retenir et le poids de son corps l’étouffait, son sexe en elle n’était qu’une ancre crochée, un pieu planté dans une terre souillée et les attentions réclamées représentaient le cordage immonde qui l’étranglait.
« Tu es ma source de vie. »
Elle ne veut plus entendre cette phrase. Elle imagine un pilleur assoiffé pompant avidement l’eau de jouvence qui coule en elle. Son amour barbare n’est qu’un désert qui avance. Elle doit se sauver.
Elle pleure. Sans retenue. Les larmes sont des acides rongeant des tumeurs."
Une réflexion qui jaillissait de nouveau la nuit dernière.
Cet amour humain est-il condamné à servir les égos ?
Alors que l'amour proposé par la Nature, cet abandon délicieux qui n'a aucune intention, aucun projet sinon cette béatitude totale au coeur du monde, offre une plénitude entière, infinie, l'amour humain souffre des pensées insatiables, des pensées secrètes, des enchaînements, des attentes, des conditionnements, des traumatismes, des regrets, des désillusions qu'on ne veut pas voir resurgir, de l'imaginaire qui se perd en conjectures, en suppositions insoumises...On ne peut s'empêcher d'entrevoir des issues dangereuses, des incertitudes que l'on craint de voir jaillir, des devoirs, des nécessités, des rôles à tenir.
La Nature n'attend rien, elle se donne totalement, sans aucune retenue, dans toute sa sensualité, sa force, son énergie. Il ne reste qu'à la contempler, l'éprouver, la ressentir, en jouir même, jusqu'aux larmes d'un orgasme spirituel.
Se peut-il que l'amour humain parvienne à ce stade, entre dans cette dimension de don gratuit, sans aucune attente ? N'y a-t-il pas là un chemin à suivre, un exemple à adopter, constamment, dans une acceptation absolue de la réalité, juste cette réalité de l'instant, l'abandon de toute projection temporelle, mentalisée. Il n' y a aucune peur, aucune angoisse, aucun risque de perte, de désillusion. Tout est là et rien d'autre n'existe. Ce temps futur dans lequel l'amour humain se perd sans cesse n'existe pas, la Nature le crie incessamment, il n'y a rien d 'autre que l'Amour immédiat.
L'Amour de la Nature est la Nature même de l'Amour.
C'est cela qu'il faut apprendre, vivre, éprouver à chaque instant, comme un coucher de soleil dans les prunelles lumineuses de l'être aimé.
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Plein les yeux.
- Par Thierry LEDRU
- Le 26/09/2010
- 0 commentaire
Des photos incroyables.
http://www.extremeinstability.com/index.htm
Toute la force, les mystères, la beauté de la Nature.