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  • Belledonne

    Trente ans qu'on vit au pied de la chaîne de Belledonne. Un écrin de montagnes, des lacs, des sommets, des forêts, des chemins peu fréquentés, encore moins en hiver. 

    Après quarante-huit heures de neige et de vent, on a décidé de profiter du retour du soleil pour monter avec les raquettes à neige. Le manteau neigeux était trop instable pour les pentes de ski de randonnée. On a donc choisi un parcours en forêt puis une longue crête vers le sommet du Grand chat.

    Il n'y avait aucune trace, hormis celles des animaux. 

    Le silence. Le ciel bleu, le soleil, la neige, les chapelets de sommets, les pas qui se succèdent., la recherche de l'itinéraire. 

    Puis la sortie de la forêt et la remontée des crêtes vers le sommet. Des structures de glace autour des arbustes et des herbes.

    Magique. 

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    Les panneaux indicateurs ont juste la tête au-dessus de la neige :) 

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    Le nappage neigeux sur les aiguilles de la Lauzière.

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    Températures printanières...

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  • Autonomie

    Le cauchemar.

    Au-delà de toute prise de position dont je suis incapable et qui serait absurde, vu d'ici.

    Ce qui "m'intéresse", c'est le chaos que génère une panne électrique générale sur un pays entier. Cette dépendance est totalement folle.

    Le projet qu'on a en tête, avec Nathalie, pour les mois à venir sera principalement de régler ce problème.

    Eau, électricité, autonomie alimentaire...L'essentiel.

    Vente de la maison de Savoie.

    Achat d'un très grand terrain dans le Massif central (plusieurs hectares), dans le coin le plus désert possible, avec source reliée à la maison pour l'approvisionnement, panneaux solaires avec batteries à décharge lente, très grand potager et verger pour l'alimentation. Pour le reste, on fera avec les moyens du bord. 

    J'aurai le temps à la retraite  :) 

     


    https://www.lemonde.fr/international/article/2019/03/12/panne-de-courant-geante-au-venezuela-a-caracas-c-est-le-chaos_5435054_3210.html?fbclid=IwAR3Pb43At6QIwHR55N89pFbdCNse42In6loBIFOi6dc-cKIPYdvXndcTD04

    Propos recueillis par Faustine Vincent Publié hier à 18h54, mis à jour hier à 19h26

     

    Le Venezuela était toujours confronté, mardi 12 mars, à cette gigantesque panne de courant qui paralyse le pays depuis cinq jours. Face à la situation « calamiteuse » sur le plan alimentaire et sanitaire après cent heures sans électricité, le Parlement a décrété, la veille, l’état d’alerte, à la demande de l’opposant Juan Guaido, président par intérim autoproclamé et reconnu par une cinquantaine de pays.

    Le courant a commencé à revenir partiellement dans plusieurs quartiers de la capitale, Caracas, mais l’intérieur du pays reste privé d’électricité. Selon une ONG qui se consacre aux questions de santé, la Coalition des organisations pour le droit à la santé et à la vie (Codevida), la panne a déjà provoqué la mort d’au moins quinze malades dans les hôpitaux, ces derniers étant très peu équipés de générateurs en état de marche. Il est toutefois extrêmement difficile de savoir ce qui se passe dans le pays, faute de moyens de communication.

    Lire aussi  Juan Guaido visé par une enquête pour « sabotage » après la panne de courant qui touche le Venezuela

    Catalina Vargas, coordinatrice de la réponse humanitaire en Amérique latine au sein de l’ONG Care, basée en Equateur, a pu entrer en contact avec les partenaires locaux avec lesquels elle travaille au Venezuela depuis un an. Selon elle, « les gens ont très peur de ce qu’il va se passer à la fin de la semaine, car ils ont épuisé leurs réserves d’eau et de nourriture ».

    Quelle est la situation sur place ?

    Les gens restent calfeutrés chez eux. Ils ont peur de sortir dans la rue, car beaucoup d’émeutes ont eu lieu ces derniers jours. Des habitants des quartiers défavorisés viennent à la nuit tombée pour piller les supermarchés. A Caracas c’est le chaos. La police elle-même est débordée. Face à cette insécurité, Nicolas Maduro a décrété trois jours fériés jusqu’à mercredi et a recommandé aux Vénézuéliens de ne pas sortir.

    Un employé de Corpoelec, la société d’électricité d’Etat, vérifie un câble, à Caracas, le 11 mars. Un employé de Corpoelec, la société d’électricité d’Etat, vérifie un câble, à Caracas, le 11 mars. STRINGER / REUTERS

    Les gens parviennent-ils à se nourrir ?

    C’est extrêmement difficile. A Caracas, les supermarchés sont fermés. Comme la monnaie nationale n’a plus aucune valeur, les gens ne payent que par carte bleue. Or sans électricité, les terminaux de CB ne fonctionnent plus. Seuls 10 % des supermarchés sont ouverts, lorsqu’ils ont la chance d’avoir un générateur. Mais ils n’acceptent, en espèces, que les dollars, ce que personne n’a.

    Lire aussi  Au Venezuela, cinq jours de panne d’électricité et un nouvel appel à manifester

    Les gens avec qui on a pu entrer en contact à Caracas ne mangent plus que des fruits secs. Tout ce qui était au frigo est perdu. Ils avaient aussi stocké de la viande et du poulet au congélateur, mais avec la panne électrique, ils ont dû tout jeter.

    Les habitants n’ont plus d’eau potable non plus, car les pompes sont activées par l’électricité. Il y a déjà eu des coupures de courant auparavant, mais ça ne durait que quelques heures. Ca n’est jamais arrivé qu’il manque d’eau et d’électricité aussi longtemps. Les gens ont très peur de ce qu’il va se passer à la fin de la semaine, car ils ont épuisé leurs réserves d’eau et de nourriture.

    Je n’ai pas encore pu joindre nos équipes déployées dans les quartiers ruraux, mais je redoute que ce soit encore plus difficile qu’à Caracas, car il y a encore moins d’infrastructures et de supermarchés.

    Des habitants collectent des eaux usées d’un canal à Caracas, le 11 mars. Des habitants collectent des eaux usées d’un canal à Caracas, le 11 mars. CRISTIAN HERNANDEZ / AFP

    Comment les habitants font-ils face à ces pénuries ?

    Ce qui marche c’est le réseau familial, car les habitants ont peur que la nourriture soit empoisonnée si elle vient de personnes qu’ils ne connaissent pas. Il y a eu beaucoup de rumeurs et de mensonges sur l’aide humanitaire que Juan Guaido voulait faire entrer dans le pays [à laquelle M. Maduro s’est farouchement opposé]. Les gens les ont crus, et se méfient donc beaucoup de l’aide alimentaire, même quand ils en ont besoin.

    Article réservé à nos abonnés Lire aussi  « Une intervention militaire contre le Venezuela serait déclenchée hors de toute légalité internationale »

    Votre ONG parvient-elle à travailler dans ces conditions ?

    Non. Nos équipes ne peuvent pas sortir de chez elles, donc nos actions sont suspendues – on devait notamment distribuer de la nourriture. Comme il n’y a plus d’électricité, il n’y a ni Internet ni téléphone, donc nous avons aussi beaucoup de mal à communiquer avec elles. L’incertitude est totale, pour les habitants comme pour nous, car la situation change dramatiquement tous les jours. On ne sait pas vraiment comment faire.

    Une petite fille dans un tonneau en plastique tandis que sa famille attend pour collecter de l’eau, dans une rue de Caracas, le 11 mars. Une petite fille dans un tonneau en plastique tandis que sa famille attend pour collecter de l’eau, dans une rue de Caracas, le 11 mars. Ariana Cubillos / AP

    Très peu d’ONG sont présentes dans le pays, où le président Maduro répète qu’il n’y a « pas de crise humanitaire ». Etes-vous entravés dans votre travail ?

    Non, mais nous essayons de rester assez discrets. Le plus important pour nous est de ne pas mettre en difficulté les personnes à qui nous venons en aide.

    ---

    Mise à jour du 13 mars 2019 à 9h30 : pour ne pas mettre en difficulté le travail de l’ONG, nous avons légèrement modifié à sa demande une de ses réponses.

    Faustine Vincent

     

    Juste pour information, on sait de longue date que les relations entre le Venezuela et les USA sont très tendues...

    Rappel : Année 2017

     

    Le Venezuela envisage d'arrêter de vendre du pétrole aux États-Unis

     

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    Maduro

    Maduro se dit prêt à cesser de vendre du pétrole aux Etats-Unis. - Federico Parra - AFP

    Le Venezuela livre 750.000 barils par jour aux États-Unis. Face aux tensions entre les deux pays, Nicolas Maduro, président vénézuélien s'est dit prêt à cesser ces transactions.

    Nicolas Maduro s'est déclaré prêt à cesser de vendre du pétrole aux États-Unis, en pleine tension avec ce pays auquel le Venezuela livre quelque 750.000 barils par jour. "Le jour où ils ne veulent plus qu'on leur vende notre pétrole, on prend notre truc et (...) on vend tout notre pétrole en Asie, pas de problème", a affirmé le président vénézuélien à la prise de fonction du général Manuel Quevedo à la tête du groupe pétrolier public PDVSA.   

    Caracas accuse Washington de mener une "persécution financière" contre le Venezuela, auquel le président américain Donald Trump a imposé des sanctions économiques fin août. Washington a notamment interdit à ses banques et à ses citoyens d'acheter de nouvelles obligations ou de négocier des accords avec le gouvernement vénézuélien au moment où le pays et PDVSA ont été déclarés en défaut partiel de paiement par des agences de notation.       

    Renégociation de la dette extérieure

    Nicolas Maduro est en pleine renégociation de la dette extérieure du pays, estimée à environ 150 milliards de dollars, dont 30% seraient dus à PDVSA.      

    "Monsieur le président Donald Trump: vous décidez, mon ami. Si vous voulez que nous continuions à vendre du pétrole, nous vendons. Si un jour vous vous laissez chauffer les oreilles par les fous extrémistes de droite, le Venezuela prend ses bateaux et envoie son pétrole dans le monde et on le vend de la même manière", a insisté le dirigeant vénézuélien sous les acclamations de centaines de salariés du groupe public présents lors de la cérémonie.

  • S'unir conte Amazon

    Amazon a révolutionné notre façon d’acheter des livres. Pour le meilleur… mais aussi pour le pire. Certes, le catalogue est gigantesque, le service ultra rapide et le coût, économique. Mais Amazon, c’est surtout une mutinationale championne de l’optimisation fiscale qui écrase les libraires, le tout, sans grande considération pour l’écologie. Alors, pour riposter, 2 500 libraires indépendants ont décidé d’unir leurs forces au sein de lalibrairie.com, une alternative pratique et précieuse qui gagne à être connue.

    Source : Efired / Shutterstock

    Le 3 mars dernier, France Inter a consacré une chronique à cette librairie en ligne bien décidée à concurrence Amazon (qui pèse déjà 50% des ventes de livres en ligne…). Créée en 2009, lalibrairie.com, compte désormais 350 000 ouvrages référencés qu’on peut soit récupérer dans la librairie partenaire la plus proche de chez soi, soit se faire livrer à domicile en 24 à 72 heures pour des frais de port variant entre 50 centimes et 4€.

    Mais alors, si on choisit la livraison à domicile, pourquoi préférer lalibrairie.com plutôt qu’Amazon chez qui les frais de porte sont offerts ? Pour avoir la réponse à cette question, il suffit lire l’interview de Georges-Marc Habib, président de la Général Librest, société propriétaire de lalibrairie.com sur ID L’Info durable. Extrait :

    « Nous sommes installés sur le territoire français, nous payons nos salariés qui sont tous en CDI à temps complet et nous leur versons des primes en fonction de nos résultats. Nous sommes inscrits dans une vision sociale de ce que doit être une entreprise responsable vis-à-vis des gens avec qui elle travaille. De plus, nous travaillons avec une réseau de 2 500 points libraires, des sociétés elles-mêmes installées de manière locale, qui paient correctement leurs salariés et leurs impôts. »

    Autrement dit, choisir lalibrairie.com, c’est défendre une certaine idée de la justice fiscale, c’est préserver les acteurs économiques existants et c’est encourager la vitalité du commerce local tout en profitant d’un service efficace et moderne. Alors certes, ce genre de choses a un léger coût, mais nous aurions vraiment tort de nous en priver.

    Pour en savoir plus, lire l’article d’Info Durable ici ou écouter la chronique de France Inter .

  • Le système

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    C'est étrange mais j'y vois également ce que devrait être un enseignant : répondre à une demande et accompagner. Sauf que l'enseignement en France se fiche de la demande : il impose ses choix. Du coup, l'enseignant n'accompagne pas : il marche devant et exige qu'on le suive. Inévitablement, la troupe s'étire et les retardataires réfractaires seront invités à quitter la trace principale. Ils ne sont aucunement inaptes à apprendre : c'est juste qu'ils freinent le groupe parce qu'on leur impose des apprentissages qui ne leur correspondent pas. Ils pourraient développer d'autres connaissances et vivre différemment mais le système va les convaincre de servir ceux qui après avoir suivis le chef de clan auront accédé à un poste d'envergure. Ils seront donc leurs "employés". 
    Et le système réclamera bien entendu aux "élites" d'entretenir le système qui les a rendus "heureux"...
    Et aux "employés" de remercier les élites de leur permettre, malgré leur "ignorance", de trouver une place. 
    On a tout faux.

    C'est certainement l'approche du départ à la retraite mais je m'interroge grandement sur ce que j'ai fait pendant 37 ans dans ma classe.

     

    Hier soir, je travaillais sur un roman et j'écrivais ça :

    "« La mondialisation, c’est l’intrusion du monde dans ton esprit. Attends ! non, c’est même pire que ça. C’est le don de ton esprit au monde. Un don d’organe inconscient. Tu te rends compte ? C'est toi qui poses la tête sur le bûcher. Même pas besoin d'un bourreau pour te maintenir. Tu laisses le monde entrer. Et là, tu es mort. »"

  • "Je suis le climat"

    Théorie de l’effondrement : « Le système actuel de représentation démocratique opère un rétrécissement de la pensée »

    JE SUIS LE CLIMAT - OFFICIEL·LUNDI 10 DÉCEMBRE 2018

    Entretien avec Corinne Morel Darleux Par Pierre Gilbert

    Corinne Morel Darleux est conseillère régionale d’Auvergne-Rhône-Alpes pour le Parti de gauche. Elle écrit tous les mois pour Reporterre, divers blogs et tient une chronique mensuelle à Là-bas si j’y suis. Elle est notamment l’auteur de L’écologie, un combat pour l’émancipation (Bruno Leprince, 2009) et a coordonné la rédaction du manifeste des 18 thèses pour l’écosocialisme qui marque l’apparition du terme écosocialisme en France. Elle fait partie de ces nouveaux penseurs de l’écologie politique et c’est à ce titre que nous avons voulu l’interroger.

    LVSL – On voulait revenir sur l’article que vous avez écrit pour Reporterre, qui a été publié le 19 juillet et qui est intitulé « face à l’effondrement formons des alliances terrestres » où vous évoquiez votre rapprochement avec la collapsologie. C’est une théorie qui avait plutôt le vent en poupe, notamment dans les milieux libertaires et les milieux écologistes. En ce qui vous concerne, vous citez Asimov et semblez évoquer la justesse ontologique du personnage-clé de la saga Fondation, Hari Seldon, qui consiste à tout faire pour réduire la période de transition post-effondrement, caractérisée par le chaos. Cependant, vouloir relativiser l’impact de l’effondrement ce n’est pas d’une certaine façon l’accepter ? Et est-ce qu’on peut moralement accepter la fatalité du dépérissement d’une partie de la population, quand on est responsable politique ?

    Corinne Morel Darleux – J’ai toujours pensé que quand on était dans une situation trop compliquée pour l’évaluer finement et savoir comment il convient d’en parler, le plus simple était de dire les choses avec honnêteté. Je ne sais pas si on va vers un « collapse », c’est-à-dire un effondrement systémique, global, de la civilisation humaine à l’échelle mondiale. En revanche, on l’a souvent dit, mais cette fois je crois qu’on y est : le monde tel que nous le connaissons est en train de foutre le camp. Pardon de l’expression, mais c’est la plus illustrée qui me vient à l’esprit. Je parle du climat, de la raréfaction des ressources naturelles, de la destruction des écosystèmes et du rythme effarant d’extinction des espèces, naturellement, mais pas seulement : le système de croyances sur lequel s’appuie notre société est lui aussi en train de s’effondrer. La croissance n’apporte plus la prospérité, les forces de l’ordre ne sont plus gage de sécurité. Il va bientôt falloir plus d’énergie pour extraire un baril d’hydrocarbures que d’énergie produite par ce même baril. L’Union européenne qui devait nous protéger ne le fait de toute évidence pas. L’impôt est détourné des services publics et du patrimoine de ceux qui n’en ont pas. On ne croit plus les informations qu’on lit sur les réseaux et même Le Gorafi ne trouve plus les mots. Les écrans sont omniprésents et refaçonnent le « vivre ensemble ». L’égalité se heurte aux délits de faciès. La solidarité devient un délit. Les élus représentants du peuple se font agents des lobbies. Bref : la solidarité, le progrès, la démocratie apparaissent aujourd’hui à la plupart des gens comme autant de mythes dont la valeur est en train de dévisser.

    Simultanément, d’autres ontologies, d’autres visions et manières d’être au monde, émergent ou réapparaissent : des mouvements, groupes, médias et réseaux alternatifs ; des ZAD au Rojava, dans les squats et les réseaux d’entraide, mais aussi dans les mouvements climat et les milieux universitaires, on réinvente l’autogestion, l’action directe ou le municipalisme libertaire. Un peu partout, des gens réfléchissent et expérimentent le dépassement du dualisme nature-culture, du capitalisme, de la foi en la technologie et du progrès infini qui ont jusqu’ici conditionné une grande partie de notre civilisation dite « thermo-industrielle ». On assiste il me semble à ce qui pourrait bien être un regain de l’anarchisme et au retour d’intellectuels, d’artistes, de scientifiques et d’universitaires engagés.

    LVSL – Ce que vous dites est assez contre-intuitif, on a plutôt l’impression que les choses ne bougent pas beaucoup. Quelles sont vos sources, où allez-vous chercher ces signaux faibles ?

    CMD – Je n’ai pas besoin d’aller très loin en réalité. Juste de garder les yeux ouverts. Je me suis intéressée par exemple cet été aux travaux d’un explorateur contemporain, Christian Clot, qui vient de publier un bouquin sur la première étape de son projet. Il a passé 4 fois un mois dans les milieux les plus extrêmes de la planète (plus chauds, plus froids, plus secs, plus humides…) avec une équipe de scientifiques. Ils ont évalué les modifications physiologiques et les capacités, à la fois du corps humain et du cerveau, à s’adapter à des conditions climatiques extrêmes et très variables. Voilà par exemple le type de travaux utiles sur lesquels se pencher pour anticiper des conditions de vie sur terre qui ne seront plus du tout les mêmes.

    Je suis avec beaucoup d’intérêt ce qui se passe du côté de Bizi, Alternatiba et Attac, qui sont en pleine mutation il me semble. Cela indique qu’il se passe des choses du côté de cette fameuse « société civile » dont on désespérait de comprendre un jour qui elle désigne. Je ressens aussi pas mal de complicité intellectuelle avec des gens comme Pablo Servigne, Nico Haeringer de 350.org ou François Ruffin. En fait c’est assez éclectique : je suis avec beaucoup de curiosité ce qui se passe du côté de Lundi matin, des réseaux de luttes des ZAD aux migrants ou de certaines maisons d’édition. Je m’informe auprès de Reporterre ou Mediapart. Sur le terrain des idées et des entretiens je lis Ballast, Uzbek et Rica, l’excellente nouvelle revue Terrestres. J’essaye de garder le fil de ce que racontent Damasio ou Lordon, je me suis remise à lire en anglais pour The Guardian notamment. Et je n’oublie pas de discuter de tout ça avec mes amis peu politisés ou mes voisins de ruralité. Voilà, ce n’est pas exhaustif ni systématique, sinon il me faudrait un plein temps et deux vies : pour ça Internet et son pouvoir de propagation sont autant un bienfait qu’une malédiction !

    LVSL – Et tout ça vous dit que ça bouge, réellement ? N’est-ce pas un effet d’optique ?

    CMD – Je n’en sais rien, c’est difficile d’embrasser tout le paysage pour pouvoir l’affirmer, mais il se passe des choses, c’est indéniable : des percussions certes marginales, mais fondamentales. C’est le cas en France, mais aussi en Allemagne avec le blocage de cette mine de charbon, aux États-Unis autour de 350 et de Bill Mc Kibben ou Naomi Klein, en Angleterre comme en témoigne l’opération de désobéissance civique de masse « Extinction Rebellion » lancée ce mois-ci à Londres avec le soutien de nombreux académiques, de la jeune Suédoise Greta Thunberg ou du journaliste du Guardian George Monbiot, et 500 activistes formés et prêts à aller en prison : ce n’est pas rien.

    LVSL – Est-ce que voir toute cette activité vous rend plus optimiste vis-à-vis d’un possible « effondrement » ?

    CMD – Je ne dirais pas ça ! Mais peu importe : il ne s’agit pas ici d’optimisme ou d’espoir, mais de lucidité. Ces éléments forgent une conscience éclairée et viennent bousculer pas mal d’habitudes, dans la pratique comme dans le discours politique : celle par exemple de parler d’un « peuple » qui en réalité n’est pas constitué, ou de « transition écologique » alors que c’est une véritable révolution qu’il faudrait. De même que je me refuse à induire l’idée qu’on pourrait encore rester sous les fameux +1,5°C ou changer le système par une stratégie de conquête du pouvoir ou de révolution citoyenne. Soyons clairs, je ne dénigre pas celles et ceux qui continuent ce combat : je l’ai porté, j’ai défendu ces positions et j’y ai cru sincèrement. Mais il me semble aujourd’hui que ce système électoral est faussé, plus ou moins gangrené selon les pays, manipulé par les réseaux sociaux, les médias ou les lobbies – et même désormais la justice : regardez le « lawfare » au Brésil, où le juge Moro, celui qui a organisé l’empêchement de Lula, est désormais Ministre de Bolsonaro ! J’espère sincèrement me tromper, mais partout c’est de plus en plus clair, il me semble : ils ne nous laisseront jamais gagner.

    Et quand bien même ce serait le cas, serions-nous préservés de l’attrait de la monarchie présidentielle ? Saurions-nous sortir des griffes des traités européens, éviter la faillite morale et politique qu’a connue Tsipras en Grèce ? Contourner les médias d’actionnaires ? Eviter les coups de corne des lobbies planétaires ? Mettre en place une fiscalité révolutionnaire et sortir du capitalisme tout en conservant notre capacité à financer les investissements nécessaires ? J’en suis moins certaine aujourd’hui. Peu importe mes doutes, vous allez me dire, et c’est vrai : ça vaudrait le coup d’essayer, c’est certain… Si on en avait le temps. Or je me sens de plus en plus inconséquente – mais une fois encore, c’est très personnel – à dire à la fois que la situation est grave et la riposte urgente, et « en même temps » à jouer le jeu lent et pipé du changement par les élections.

    Enfin, il faut dire une chose clairement, du moins en être conscient : le processus électoral nous coupe les ailes. Certes, une campagne est un accélérateur de conscience. Mais je doute, après en avoir vécu sept, que cette conscience fraîchement acquise, principalement à l’occasion du spectacle qu’est la présidentielle, soit toujours durable. Elle touche moins massivement et rapidement les consciences en tout cas que le rythme et l’ampleur auxquelles les conditions matérielles d’existence les étouffent. Autre point rarement évoqué et pourtant crucial : le système de désignation de candidats, quel qu’il soit, provoque des dégâts énormes, détourne les énergies et exacerbe la compétition interne. La recherche de suffrages mobilise une énergie folle, or je voudrais rappeler que le mythe réconfortant de David contre Goliath sort de la Bible… Tout ça nous coûte extrêmement cher en fraternité humaine et en temps. Et puis insidieusement, pour gagner des voix, la tactique prend le pas sur le projet, l’élargissement des bases électorales nécessite de « s’allier » ou de « fédérer » plus largement. Et tout le monde a bien compris qu’on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens.

    Bref, je ne suis pas loin de reprendre à mon compte le cri libertaire d’« élections, piège à cons » . Je vais continuer à militer, et à voter, mais je veux attirer l’attention sur le fait que tout miser sur les élections c’est autant de forces que nous ne mettons pas à changer radicalement les choses ici et maintenant. Je ne jette pas la pierre à ceux qui s’y consacrent, mais pour moi aujourd’hui ce n’est plus la priorité où placer mes énergies, je n’en ai plus envie et je crois réellement que nous n’avons plus le temps.

    LVSL – Mais alors si le système électoral est pipé et trop lent face à l’urgence, il faudrait arrêter de militer au sein des partis selon vous ?

    CMD – Pas du tout. Mais il faut le faire lucidement, là où on se sent accueilli, nourri et surtout utile, avec une discipline personnelle qui pour moi consiste à se réinterroger régulièrement pour vérifier qu’on est toujours en phase et qu’on y prend toujours du plaisir, car c’est déjà suffisamment ingrat comme ça de militer en ce moment. Franchement, continuer à faire des choses juste par la force de l’inertie, parce que c’est ce qu’on a toujours fait, c’est la mort. Et puis parfois, faire un pas de côté est le meilleur moyen de ne pas se décourager.

    Ce que je veux dire c’est simplement qu’il faut garder les yeux ouverts sur les mutations du monde actuel, les signaux faibles qui nous parviennent du futur, les tectoniques de la société, même dans les interstices, car c’est parfois des marges que viennent les changements les plus profonds. Ne pas regarder tout ça avec beaucoup d’attention et de sérieux, c’est se mettre hors-jeu, et faire de la politique hors-sol. Je ne dis pas que les thématiques « classiques » sociales ne devraient plus requérir notre énergie militante bien sûr. Tout au contraire, et c’est d’ailleurs tout l’objet de l’écosocialisme de faire ce lien entre exploitation sociale et destruction des écosystèmes, de montrer que les deux relèvent des mêmes mécanismes de prédation capitaliste. En sorte que la réponse doit donc être elle aussi systémique – et anticapitaliste. La validité de l’écosocialisme est renforcée aujourd’hui par les questions climatiques qui heurtent de plein fouet les inégalités sociales et les rendent plus critiques que jamais.

    LVSL – En quoi « l’effondrement » vient-il valider l’importance d’une justice sociale ?

    CMD – Non seulement les plus pauvres sont les premiers à prendre de plein fouet les aléas climatiques qui se multiplient et gagnent en intensité. Mais surtout, on risque fort au fur et à mesure de l’aggravation des pénuries d’aller non pas vers un effondrement global, mais vers une société à deux vitesses. C’est une hypothèse probable : l’effondrement n’est pas à l’abri de la lutte des classes, et je doute fort que tout le monde, à la surface de la Terre, soit touché de la même manière. Naomi Klein a dit dans une conférence à laquelle j’assistais que le climat était la traduction atmosphérique de la lutte des classes, j’adhère totalement à cette jolie formulation.

    On ne peut pas dissocier les deux. Une étude financée par la NASA est revenue il y a 4 ans sur les différents effondrements qui ont déjà eu lieu par le passé. Elle pointe le fait que de manière systématique dans l’histoire, les sociétés « craquent » au moment où deux critères sont réunis : le premier, c’est la surexploitation des ressources naturelles et le deuxième, c’est l’explosion des inégalités sociales. Ce que confirme la collapsologie (l’examen transversal pluridisciplinaire de différents aspects annonciateurs d’un effondrement civilisationnel), en d’autres termes, c’est qu’on est arrivé au moment où ces deux ingrédients sont réunis. Or ces derniers nous intéressent directement : ce sont quand même les deux piliers de nos combats politiques sur le terrain. Il faut l’entendre et commencer à se préparer à la possibilité de cet effondrement. Donc pour moi, si on ne se laisse pas littéralement affecter par la possibilité de l’effondrement, en tant que responsables politiques, en tant que militants et même en tant que citoyens, on est hors-sol par rapport à la manière dont le monde est en train d’évoluer autour de nous.

    Donc, il ne s’agit pas d’abandonner ce terrain, moins que jamais ! Je dis juste : attention, le monde est en train de changer, à une vitesse stupéfiante et nous devons d’urgence accepter de questionner nos certitudes et nos habitudes, d’ouvrir notre pensée à ce qui se passe dehors et adapter nos pratiques politiques en conséquence, sous peine sinon d’être fossilisés.

    LVSL – « Ouvrir notre pensée », dans un monde où on a le sentiment de courir en permanence et de manquer de temps, comment fait-on?

    CMD – Sans doute faudrait-il trouver le moyen de davantage déconnecter le fait de militer, ce qui inclut pour moi le fait de s’activer sur le terrain, mais aussi de prendre le temps de nourrir sa pensée, de l’injonction permanente de commenter l’actualité, avec des sujets « importants » qui changent chaque jour, l’obligation de se « faire un nom » et de rechercher la visibilité, objectifs qui ne sont certes pas condamnables en soi, mais qui sont de plus en plus pollués par la prime à la polémique et à l’agressivité, que ce soit sur les plateaux télévisés ou les réseaux sociaux. Peut-être faudrait-il aussi inventer d’autres stratégies d’impact que la recherche d’effets de masse lors de manifestations ou de marches. Enfin, je ne dois pas être la seule à être exaspérée de devoir toujours demander : à Emmanuel Macron, à Laurent Wauquiez, à la SNCF, au Préfet, aux députés ou à je ne sais qui, de faire ceci ou au contraire de ne pas faire cela…

    En fait j’ai le sentiment que tout le système actuel de « représentation démocratique », basé sur les élections, opère un rétrécissement de la pensée, réduit trop souvent l’action au fait de pétitionner ou de réclamer, et piège l’activité politique dans le tunnel du temps court. C’est une défaite à la fois intellectuelle et militante, et pour moi un constat d’échec. J’ai essayé, pendant dix ans. Aujourd’hui je ne crois plus au fait qu’on puisse réinventer ce système politique suffisamment, assez rapidement, et encore moins avec les mêmes gens. Mais il existe plein d’autres manières de militer, et heureusement ! Depuis trois ans j’ai fait pas mal de pas de côté, je suis allée musarder ailleurs, j’ai beaucoup lu, écouté, observé et débattu. Il reste, je crois, des modes d’action et de pensée politique à (ré)inventer.

    LVSL – Quels sont selon vous les objectifs prioritaires du militantisme politique dans ce contexte difficile que vous décrivez ?

    CMD – Aujourd’hui, de mon point de vue – qui peut encore évoluer – ressortent deux grandes priorités : un, préserver ce qui peut et doit l’être de notre civilisation, de l’anthropocène, ou capitalocène si vous préférez. Deux, anticiper et préparer le monde d’après.

    Sur le premier point, on a le constat de ce qui ne va pas, si on rassemble l’apport des mouvements anticapitalistes et de l’écologie politique depuis les années 70, on peut probablement dire qu‘on en maîtrise à peu près l’analyse et les mesures qu’il faudrait mettre en œuvre, même si ce serait à actualiser au vu des effondrements multiples qui s’opèrent et provoquent des mutations rapides. Mais globalement les racines du système restent inchangées – pour l’instant – et on en a quand même discuté un nombre incalculable de fois ; ce n’est pas ce qui m’inquiète le plus. Je me trompe peut-être, mais il me semble que si la question était correctement posée, les gens sauraient assez bien identifier ce qu’ils veulent sauver dans cette société – pour peu que la publicité et les médias leur laissent un peu de « temps de cerveau disponible » pour ça. Ce ne serait pas simple, mais disons que c’est à peu près clair.

    Sur le second point en revanche, on est dans l’angle mort. C’est d’ailleurs assez déconcertant. À moins que ça m’ait échappé, aujourd’hui il n’y a guère qu’en politique qu’on ne fait pas de prospective. Les compagnies d’assurance ont des postes dédiés à cette tâche précise qui consiste à explorer ce qui s’écrit, se dit, émerge tout autour du globe et à y détecter les signaux faibles du futur. Les multinationales font des plans, l’armée, la NASA également. Nous on court derrière Macron. Bien sûr, je force un peu le trait, mais malheureusement pas tant que ça en réalité. J’ai le sentiment que le temps du débat d’idées, de la réflexion intellectuelle, de la lecture de documents de fond se perd. Ce n’est pas spécifique à la politique, et il y a certainement des raisons exogènes à ça, à commencer par la manière dont les téléphones multi-fonctions accaparent notre attention et diminuent notre capacité de concentration. Mais c’est un fait : beaucoup de politiques ne lisent pratiquement plus que des messages de 140 caractères.

    Il y a pourtant beaucoup d’enseignements et de sources d’inspiration, de réflexion, à puiser dans la lecture. Et je ne parle pas uniquement des essais de sociologie, mais aussi des fictions ou de la philosophie. Ainsi du « catastrophisme éclairé » du philosophe Jean-Pierre Dupuy, qui défend la thèse selon laquelle tant que la catastrophe est possible, mais pas certaine, les êtres humains trouveront toujours plein de bonnes raisons pour ne pas agir, notamment en exagérant la possibilité des solutions techniques ou de géo-ingénierie par exemple. C’est une manière de mettre la poussière sous le tapis. Ce que professe Dupuy, c’est, à l’inverse, de partir du postulat que la catastrophe est inéluctable et de la regarder en face pour justement se remettre en capacité d’agir. C’est totalement contre-intuitif, mais précisément je trouve que c’est une réflexion très inspirante. Cela rejoint la réflexion d’Isaac Asimov dans la trilogie de science-fiction « Fondation ». Évidemment il ne s’agit pas de plaquer un récit sur le réel, nous ne sommes pas dans un empire galactique et nous ne disposons pas de psycho-historien comme Hari Seldon, mais ça vaut le coup de s’attarder deux secondes sur l’idée qui y est développée : plutôt que de mettre toute notre énergie à éviter une catastrophe qui est inévitable, attelons-nous à préparer l’après, à faire en sorte que la période de chaos ne dure pas trop longtemps, soit la moins inégalitaire possible, et qu’elle puisse ouvrir d’autres horizons possibles… ça me semble intéressant.

    LVSL – « Intéressant » certes, mais aussi potentiellement démobilisateur si on considère que la catastrophe ne peut pas être évitée, non ? Dans le cas du climat, ça voudrait dire qu’on arrête les efforts pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre…

    CMD – Oui, et c’est pourquoi je n’en fais pas une bannière. Même si je pense que la bataille du +1,5°C – et probablement du +2°C – est perdue, je persiste à penser qu’il faut continuer à mener une lutte de tous les instants sur le volet « atténuation », c’est-à-dire pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. On estime du côté de la communauté scientifique que même si tous les engagements pris à la Cop 21 étaient respectés on irait vers une hausse des températures comprise entre 3,2 et 4 degrés. Or on sait que ces engagements ne sont pas tenus. En 2017 il y a eu une augmentation de 3% des émissions de gaz à effet de serre en France alors qu’elle devrait les réduire de 2,2 % par an ! Mais une fois qu’on a dit ça on n’a rien conclu : selon que l’on sera à +2, +3 ou +4 degrés, l’impact sera drastiquement différent et chaque augmentation sera pire que la précédente, à cause des phénomènes d’emballement, des seuils de rupture qui font que le réchauffement n’est pas un phénomène linéaire, mais une courbe qui peut basculer dans l’exponentiel. Je prends souvent l’exemple de la fonte du permafrost, ce sol qui est gelé toute l’année dans certaines parties du globe. Il fond, et en fondant il libère du méthane, qui est un gaz à effet de serre très puissant, ce qui aggrave le dérèglement climatique, ce qui entraîne une augmentation du dégel du permafrost, etc. La hausse de la courbe des températures ne va pas être linéaire. Il va donc falloir aller sauver chaque dixième de degré, et ce, pas en 2020 ou en 2050, mais dès maintenant : on en est déjà, sur cette échelle, à +1,1°C.

    Mais il faut aussi réfléchir à l’après, au volet « adaptation » : des choses sont en train de changer de manière irrémédiable, d’autres vont l’être et doivent être anticipées. La hausse du niveau des mers, la multiplication des épisodes de sécheresse, le changement local de climat, de végétation, l’extinction de certaines espèces, l’augmentation des risques de conflit armé et la rareté de certaines ressources naturelles qui viennent à épuisement : la question n’est pas de savoir si on a envie que ça arrive ou non. On a laissé passer la période historique durant laquelle on pouvait encore se payer le luxe de poser cette question et d’y répondre par des actes politiques forts. Désormais, on y est. Et on commence à constater que tous ces effondrements sont plus violents pour les plus fragiles : les petits, les minorités, les précaires.

    C’est aussi une des choses sur lesquelles la fiction, les dystopies plus précisément, attirent notre attention : de Rollerball aux Fils de l’homme, c’est le risque de cette société à deux vitesses dont on parlait tout à l’heure. Un monde futur dans lequel ce qu’il reste de ressources, de pétrole, d’air, d’eau, de végétation est concentré entre les mains de quelques privilégiés pendant que la masse essaye de survivre avec trois fois rien. Ça vaut le coup de s’y attarder ! C’est d’ailleurs aussi ce que décrit Bruno Latour dans son livre « Où atterrir » : ce sont bien des riches qui sont en train de faire sécession et de se mettre à l’abri. Eux anticipent et font de la prospective…

    Ensuite, de la même manière que je suis lasse de voir s’écharper les adeptes du petit geste individuel (qui malgré ses limites reste un premier pas nécessaire : personne ne passe directement de la prise de conscience devant sa télé au sabotage d’un chantier, ce n’est pas vrai) et les purs et durs de l’anticapitalisme (agréablement vertébrés, mais souvent surplombants et pas toujours les plus efficaces), ou encore les localistes et les jacobins, il faut dire que les efforts menés pour l’atténuation et l’adaptation ne s’opposent pas, ni ne se neutralisent. Les mesures qui vont dans le sens de la relocalisation, de l’autonomie alimentaire dans les territoires, de mobilité sans pétrole, d’économies d’énergie, de réappropriation des savoirs manuels, le fameux DIY (do it yourself) ou la démocratie directe : tout ça vaut dans tous les cas, que l’effondrement arrive ou pas. Finalement on peut presque renouveler le Pari de Pascal – laïque celui-là – : dans tous les cas de figure, on aura contribué à une société plus juste, plus épanouissante et dans laquelle il fait mieux vivre.

    En tout cas pour ce qui me concerne, je pense vraiment de plus en plus qu’il faut soit arrêter de dire qu’il y a urgence, soit accepter qu’il n’y a pas une solution unique, qu’il n’y a pas de baguette magique et qu’en réalité personne ne sait à 100 % ce qu’il convient de faire tant la situation s’annonce inédite. Dès lors, toutes les alternatives qui sont en train de se construire, les changements de comportements individuels comme celles qui relèvent d’organisations collectives, qu’elles se conduisent à l’échelle locale, communale ou étatique, ne peuvent être balayées du revers de la manche – à partir du moment où elles sont sincères et dignes. C’est-à-dire à partir du moment où on n’utilise pas la question de l’effondrement, de la démocratie ou du climat, pour servir des intérêts économiques, d’ego ou électoraux. Pour moi aujourd’hui les vrais coupables à pointer du doigt c’est ceux qui savent, qui pourraient changer les choses, et ne le font pas de manière délibérée. Ça laisse largement le choix de ses cibles, et la marge pour ne pas se tromper d’ennemi.

    Enfin, tout ce qu’on fait aujourd’hui en termes de militantisme, d’organisation collective, c’est autant de réseaux d’entraide et de solidarité de gagnés pour demain, car je ne crois pas à l’émergence de coopérations spontanées au plus fort de la crise, et qui plus est d’une crise durable, faite de pénuries et de privations. C’est aujourd’hui qu’il faut construire ces liens.

    LVSL – Dans les scenarii qui sont mis en avant il y a aussi ces possibilités-là. Pour revenir à la fiction, vous avez d’autres exemples de la manière dont elle peut nous aider ?

    CMD – Oui, personnellement cela fait 2 ou 3 ans que j’y ai de plus en plus recours, que ce soit dans mes conférences ou à travers des chroniques de l’effondrement ; je me réfère à des dystopies, des romans d’anticipation ou des films, et des histoires post-apocalyptiques il y en a eu beaucoup depuis les années 50 ! Je le fais pour plusieurs raisons. D’abord pour accrocher l’attention et être audible, il est bon de temps en temps de sortir des grands discours théoriques et de se référer à de la culture populaire. Quand on parle de Mad Max ou de Matrix, il y a des gens auxquels ça parle beaucoup plus que de parler d’écosocialisme et de théorie critique du marxisme.

    L’autre chose, et je rejoins l’auteur de SF Alain Damasio sur cette question, c’est que la fiction opère comme des lunettes du réel. Elle permet de mettre à juste distance pour mieux appréhender des sujets qui sont peut-être trop durs à regarder quand ils se situent dans le réel, trop proches et trop effrayants comme le sont les épisodes climatiques extrêmes – a fortiori la perspective de l’effondrement. Paradoxalement, la fiction met à distance, mais elle porte aussi une dose d’affect qui n’est pas la même que dans le réel, et qu’on ne trouve pas dans les essais ou les rapports scientifiques. Il y a un récit, une intrigue, des personnages, des émotions, qui permettent de faire appel pas uniquement à l’aspect rationnel du cerveau, mais aussi d’incarner des idées et à tout un chacun de s’y projeter plus facilement. Pour toutes ces raisons, la fiction est un médiateur assez intéressant par rapport à ce discours très anxiogène du changement climatique et de l’effondrement. Cela permet enfin de renouveler un discours politique qui manque d’originalité et a fait son temps. Ce n’est finalement rien d’autre que du « soft power » appliqué à l’intérêt général, une bataille culturelle pour repolitiser l’imaginaire et en changer les référents…

    LVSL – Restons sur cette idée d’« imaginaire ». Qu’apporte-t-il à ce que vous aviez déjà produit dans le cadre des 18 thèses pour l’écosocialisme publiées en 2013 ? Avez-vous pensé de nouveaux concepts pour l’écosocialisme depuis ?

    CMD – L’écosocialisme reste un invariant, mais il a besoin de s’appuyer de nouveaux référents. Ceux qui conditionnent notre manière même de penser et d’être au monde sont aujourd’hui largement corsetés par l’injonction productiviste et consumériste. On est sans cesse bombardés de publicité, d’effets de mode, d’impératif de « réussite ». Comme si les normes sociales n’étaient pas assez pesantes. L’ère numérique et l’arrivée des réseaux sociaux ont développé une nouvelle uniformisation des désirs et des plaisirs. Je ne développerai pas, je suis déjà très longue… Toujours est-il qu’on a besoin, comme le disait Serge Latouche, de « décoloniser » notre imaginaire, ce qui implique d’abord de « désapprendre », se désaccoutumer de ces drogues dures du système que sont les énergies fossiles, le TINA (there is no alternative) ou la rentabilité du capital. Il s’agit de déconstruire notre système de pensée à la manière du pas de côté que font les personnages de l’An 01 de Gébé (« on arrête tout, on réfléchit, et ce n’est pas triste »). C’est une étape nécessaire pour se dessiller le regard et ainsi pouvoir, dans un second temps, reconstruire, avec de nouveaux mots, de nouveaux récits et figures, une vision plus adaptée au monde réel, et surtout au monde d’après tel qu’on aimerait le voir advenir.

    Walter Benjamin faisait remarquer que déclin ne veut pas dire disparition. De même l’effondrement peut être une métamorphose. C’est une lecture – encore – qui m’a fait appréhender réellement cette possibilité : Dans la Forêt, de Jean Hegland. Je conseille à tous vos lecteurs de la lire…

    LVSL – D’autres notions pour enrichir l’écosocialisme ?

    CMD – Dans la série des petites lumières qui éclairent le chemin, j’ai été très inspirée par la thématique de « survivance des lucioles », du titre d’un livre de George Didi-Huberman qui revient sur un texte de Pier Paolo Pasolini. Plus précisément deux textes : le premier parlait de lucioles de manière joyeuse et optimiste, le deuxième, des années plus tard, au ton fataliste et défaitiste soulignait la mort de ces mêmes lucioles, avec évidement des parallèles politiques très forts. Moi-même je ne sais pas à quel moment de la vie de Pasolini je me situe par rapport à ces lucioles. Mais voilà, on a besoin de ces petits repères lumineux dans la nuit qui s’avance, et il me semble qu’il y a des notions, des idées, des concepts très inspirants qui peuvent aussi donner la force et l’espoir de s’engager sur ce chemin, pas forcément à reculons, mais de manière plus volontariste et apaisée. Walter Benjamin, encore, parlait d’ « organiser le pessimisme ». J’aime bien cette idée.

    Je travaille aussi à un projet de livre sur le « refus de parvenir ». J’y parle d’un homme, le navigateur Bernard Moitessier. Il y a bientôt 50 ans, lorsqu’il était en passe de remporter la première course autour du monde en voilier, en solitaire, sans escale, et sans assistance extérieure, Moitessier refuse, à la surprise générale, de remonter vers la vieille Europe et son monde d’argent consumériste avec lequel il avait beaucoup de mal. Ce jour-là, il a catapulté avec son lance-pierres, sur le pont d’un cargo pétrolier, un message qui disait qu’il ne rentrait pas, car il était heureux en mer et peut-être, écrivait-il, pour sauver son âme. Il y a, autour de cette notion de refus de parvenir, des choses tout à fait subversives et un fil intéressant à tirer. C’est ce que je m’emploie à faire. Je tourne aussi beaucoup autour d’une formule que j’ai relevée cet été dans le manifeste politique de l’association Bizi, intitulé « Burujabe » – du basque Buru (tête, personnalité) et Jabe (maître, propriétaire). Bizi y parle de « cesser de nuire », c’est-à-dire de ne pas piétiner les conditions de vie des autres, de vivre à la hauteur de la capacité écologique, de cesser d’importer des matières pillées ou d’exporter nos déchets… Cette idée, tout comme le « refus de parvenir », s’inscrivent dans la lignée de la critique de la rivalité ostentatoire théorisée par l’économiste Thorstein Veblen par exemple. Mais elles permettent aussi d’hybrider dans mon esprit des réflexes de gauche anticapitaliste avec des notions d’inspiration plus libertaire, comme la « souveraineté individuelle » qui fait écho à la puissance d’agir de Spinoza, ou l’idée, sur laquelle je travaille beaucoup également en ce moment, de « dignité du présent ».

    LVSL – « Dignité du présent »… C’est-à-dire ?

    CMD – La dignité du présent, c’est ce à quoi on peut se raccrocher quand on sent qu’on est en train de perdre la course de vitesse contre l’effondrement et que nos victoires futures semblent de plus en plus hypothétiques. Elle consiste à cesser de penser qu’on n’agirait que pour gagner à la fin. C’est faux, si c’était le cas il n’y aurait plus un seul militant au NPA ou à la CNT ! Dire ça, c’est oublier la beauté du geste, l’action désintéressée du « faire sans dire » et le pouvoir de l’éthique. Le fait même que nos victoires futures soient compromises justifie plus que jamais de ne pas y sacrifier la dignité du présent et de se souvenir que la fin ne justifie pas les moyens. Voilà ce qu’il me semble indispensable aujourd’hui d’ajouter au travail que nous avons produit sur l’écosocialisme, ces notions-là le complètent de deux dimensions jusqu’ici trop absentes de notre champ politique : la dimension libertaire et une forme de spiritualité ancrée, qui n’a rien à voir avec la religion, mais davantage avec une discipline personnelle, éthique et même esthétique.

    Je crois sincèrement que ce sont des choses sur lesquelles il faut que l’on réfléchisse, notamment en politique. Cette cohérence entre l’objectif révolutionnaire et les moyens mis en œuvre pour y parvenir, qui doivent déjà refléter le monde d’après (la révolution) a été superbement formulée par Emma Goldman, une figure féministe américaine qui a beaucoup compté dans mon parcours. J’ai peur parfois que dans cette espèce de dévissage culturel généralisé, on en oublie parfois le minimum décent en termes de tenue et d’élégance. Comme il existe une éthique de la révolution, une esthétique du chaos en art, il faut avant toute autre chose nous munir d’une éthique de l’effondrement. Sinon nous reproduirons les mêmes erreurs et toutes les souffrances subies par les opprimés, passées et à venir, l’auront été en vain.

    Retranscription réalisée par Laetitia Labille et Marie-France Arnal.

  • Qui suis-je ?

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    Depuis bien longtemps déjà, lorsque j'enseigne à mes élèves le complément d'objet direct, les attributs du sujet, les participes passés ou tout autre terme, j'apporte une particularité dans le protocole à suivre. 

    Généralement, la question "qui" est attribuée à un être humain et la question "quoi" à tout le reste. 

    J'avais déjà écrit un article à ce sujet.

    Au-delà de la grammaire 

     

    Hier, j'ai donné une "lecture à indices". Plusieurs petits textes dans lesquels les enfants doivent parvenir à identifier ce dont on parle en utilisant des règles de français ou l'usage d'un champ lexical bien précis.

    exemple :

    1) "Ce matin-là, j'avais un rendez-vous médical au centre-ville. Je suis partie de la maison avec une marge de temps importante car il y a souvent des embouteillages. J'ai eu raison car ce jour-là, il y avait des travaux sur la chaussée. J'ai mis deux fois plus de temps que d'habitude à atteindre le lieu de mon rendez-vous. J'étais soulagée en entrant dans la salle d'attente. Pile à l'heure."

    Qui suis-je : un homme ou une femme ? 

     

    2) "Ce matin-là, la rosée avait saupoudré les alpages de perles translucides. Dès que le soleil eût franchi la crête des montagnes, les corolles accueillirent les rayons de l'astre, les sépales éclatèrent de couleurs multiples, les étamines offrirent leur délice aux butineurs. Les champs paraissaient piquetés de confettis dansant sous la brise. Des nuées de parfums embaumèrent les lieux."

    Que suis-je : une fleur ou un nuage ?"

     

    Plusieurs enfants m'ont fait part de leur désaccord après avoir précisé qu'il s'agissait des fleurs. 

     

    "Il ne fallait pas dire "que suis-je" mais "qui suis-je" ? C'est pareil que pour la femme qui va en ville. C'est vivant. "

     

    Voilà, ça, c'est fait et j'en suis très heureux. 

  • Pleine conscience

    La pleine conscience ne consiste pas à lutter contre les émotions négatives mais à les observer pour mieux les accepter.

    La pleine conscience ne consiste pas à lutter contre les émotions négatives mais à les observer pour mieux les accepter.

    Getty Images/iStockphoto

    La pleine conscience fait actuellement l'objet d'un véritable engouement, auprès des soignants et du grand public. Phénomène de mode ou révolution thérapeutique?

    Suivie pendant près d'un an par un thérapeute adepte de la "pleine conscience" Emilie a vu ses compulsions alimentaires "quasiment disparaitre": "Quand une survient, je la laisse venir, je la vis, je l'assume, conformément à ce que j'ai appris de la pleine conscience et je parviens à ne plus me laisser gagner par l'angoisse". Cathrine, quant à elle, diagnostiquée bipolaire après des années de "montagnes russes", trouve "un vrai réconfort" dans ces séances de méditation: "cela m'a énormément aidée, pour me remonter lorsque je suis "down" mais aussi me calmer quand je suis un peu trop "up"". Les témoignages comme ceux d'Emilie et Cathrine sont légion, tant la pleine conscience semble aujourd'hui se présenter comme une alternative aux thérapies traditionnelles dans la lutte contre les troubles de l'humeur ou autres maux contemporains.  

    La pleine conscience, c'est quoi? 

    Cette forme de méditation vient tout droit du bouddhisme, qui la considère comme "la troisième forme de sagesse". Pour résumer, elle consiste à focaliser pleinement son attention sur le moment présent et à analyser les sensations ressenties, en se servant notamment de l'observation de la respiration pour accéder au fameux état de "pleine conscience". Une technique importée aux Etats-Unis dans les années 1950 et dont le professeur de médecine Jon Kabat-Zinn, est aujourd'hui considéré comme le chef de file. Ce chercheur en biologie moléculaire tombé dans la méditationlorsqu'il était petit a en effet mis au point une méthode de diminution et de contrôle du stress grâce à la méditation de pleine conscience baptisée Mindfulness-Based Stress Reduction. 

    Aujourd'hui plus de 200 instituts dédiés à la MBCT existent aux Etats-Unis et en France nombreux sont désormais les médecins à l'avoir adoptée, qu'il s'agisse de disciples du GROS (groupe de recherche sur l'obésité et le surpoids) comme les docteurs Zermati et Apfeldorfer, qui l'utilisent dans la lutte contre les compulsions alimentaires ou le très médiatisé psychiatre Christophe André, qui forme depuis dix ans des soignants à l'hôpital Saint-Anne. 

    Des effets qui peuvent être mesurés scientifiquement 

    Autre ambassadeur, le rhumatologue Jean-Gérard Bloch: "Je pratiquais la méditation depuis fort longtemps et j'ai voulu en faire profiter mes patients, explique-t-il. Il s'agit entre autre simplement de développer dans la vie quotidienne nos capacités naturelles d'attention. Au travers de la méditation s'ouvre une possibilité d'aller explorer la nature de l'esprit, la nature du lien entre le corps et l'esprit, en étant soi-même le sujet qui explore et le sujet d'exploration." Les résultats lui semblent si probants qu'il crée en 2012 à l'attention des professionnels de santé un diplôme universitaire de médecine en méditation et neurosciences à Strasbourg.  

    Et à ceux qui pourraient douter des effets concrets d'une telle pratique, Jean-Gérard Bloch répond que les progrès en imagerie médicale permettent aujourd'hui de les corroborer: "c'est intéressant de pouvoir observer via une IRM ce qui se passe dans le cerveau lorsqu'un patient est en pleine méditation. On peut voir très précisément des changements dans les zones gérant la douleur ou le stress". Lui même constate au quotidien des améliorations chez ses patients souffrant de douleurs chroniques: "l'objectif n'est pas forcément d'arrêter les médicaments, mais plutôt de mettre la souffrance à sa juste place. De comprendre qu'elle n'est pas obligée de tout envahir et que l'on peut trouver un espace pour d'autres sensations". 

    Accepter les émotions négatives sans pour autant se résigner 

    "Il ne s'agit pas de lutter contre des émotions négatives, qu'il s'agisse de compulsions alimentaires ou de pensées sombres, voire suicidaires, mais d'observer les pensées qui viennent nous tarauder, pour comprendre comment réagir face à elles", renchérit la psychiatre Christine Barois. "Une fois ces pensées ou pulsions identifiées, l'idée n'est pas de les combattre mais de les accepter", poursuit-elle, précisant que cette acceptation "n'est pas une résignation passive". "On choisit les combats que l'on peut et veut mener et l'on décide de faire avec certaines de nos émotions, même si celles-ci provoquent de l'inconfort. Parce que les émotions font partie de la vie". 

    Une appli pour méditer

    "De plus en plus d'applis smartphone proposent un accompagnement aux personnes intéressées par la méditation. "Respirelax", gratuite, est particulièrement bien faite", indique Christine Barois. 

    "C'est un outil extraordinaire, mais pas un gadget", prévient-elle, précisant que seule une pratique régulière et assidue permet d'espérer de vraies améliorations. "Trente minutes par jour, c'est un bon rythme", suggère-t-elle. Quant au choix du thérapeute, passer par l'Association pour le développement de la mindfulness garantit d'avoir affaire à un professionnel sérieux. 

    Qui dit mode dit aussi charlatans 

    Attention en effet aux charlatans et programmes peu fiables qui commencent à pulluler, succès de la méthode oblige. "La pleine conscience est de plus en plus présentée comme un produit antistress prêt à consommer. C'est la rançon de la gloire et cela peut inquiéter", alerte à ce titre le psycho-praticien Alain Gourhant sur son blog "Il est indéniable que cet engouement a permis de mettre sur le devant de la scène les vertus de la méditation et c'est une bonne chose. Mais la pleine conscience doit s'inscrire dans un suivi global de la personne, elle n'exclue pas de s'intéresser à l'inconscient, ne se substitue pas à d'autres formes de thérapies et ne convient pas à tout le monde". 

    Edith, suivie pour des troubles du comportement alimentaire n'a pour sa part pas été convaincue: "Je suis quelqu'un de très speed. Or la pleine conscience implique d'avoir envie de se poser, d'aimer se poser. Ca ne me ressemble pas une seconde. Et puis, je n'arrivais pas à voir ça autrement que comme une démarche nombriliste. La pleine conscience est aussi très "mode". On nous en colle partout. Et haro à qui ne serait pas en prise avec lui-même... Autant dire que me concernant, ça ne fonctionne pas, tout comme le yoga, le pilate et tout ce qui y ressemble. Moi j'aime l'action énormément, la réflexion (trop) mais pas l'introspection." 

    "Il n'y a pas de formule magique pour se défaire de la dépression ou d'autres troubles du comportement", confirme Alain Gourhant recommandant à ceux qui se sentent intéressés par ces approches "de commencer par lire les grands maitres Zen, tels que Thich Nhat Hanh, "grâce auxquels on retrouvera l'essence de la pleine conscience et de la méditation".  

    Journaliste, Caroline Franc est également l'auteure du blog Pensées by Caro. 

     

  • Slow sex

    Le slow sex, ou l'amour en pleine conscience.

    Le slow sex, ou l'amour en pleine conscience.

    Getty Images/Hemera

    Après la slow food, voici le "slow sex", autrement dit "la décélération érotique", un mouvement prôné par un sociologue italien, devenu un phénomène de société aux Etats-Unis.

    Prendre son temps, déguster, savourer, s'enivrer des goûts et parfums... Vous aurez reconnu les principes défendus par les apôtres de la pleine conscience et du "slow food". Seulement voilà, ici il ne s'agit pas de nourriture mais... de sexe. Ce nouvel avatar de la "slow attitude" porté par un sociologue italien, Alberto Vitale, rencontre un succès assez phénoménal aux Etats-Unis, avec à la clé des centres de formation dédiés au "slow sex". S'inscrivant dans la lignée du best seller Eloge de la lenteur, de Carl Honoré, mais aussi dans une mouvance visant à lutter contre l'emballement de la société de consommation, le "slow sex" est une invitation à faire l'amour non seulement plus lentement, donc, mais surtout "en pleine conscience". Concrètement, en débranchant son téléphone, en s'assurant que rien ne viendra interrompre les ébats et en s'interdisant d'associer sexualité et performance.  

    Un credo qui peut séduire, tant il est difficile aujourd'hui de se poser, mais qui peut aussi soulever quelques réserves: quid, dans le slow sex, de la fièvre du désir qui n'attend pas et surtout, de la spontanéité? Et si parfois, au lit surtout, l'inconscience avait aussi du bon? 

    Un moyen de lutter contre la dispersion

    Albert Barbaro, sexologue et thérapeuthe de couple, voit plutôt cette mode du slow sex d'un bon oeil: "Je vois tellement de patients qui se dispersent, qui ne parviennent plus à accorder le temps nécessaire à lamontée du désir, que je ne peux qu'approuver l'idée d'aller plus doucement", explique-t-il. Préférant parler "d'égo-concentration" plutôt que de pleine conscience, le sexologue souligne l'importance d'être présent à soi et à l'autre dans le rapport intime, "sans que des pensées parasitantes viennent vous déconcentrer: 'Est-ce que j'ai bien garé ma voiture, est-ce que les enfants ont fait leurs devoirs, ai-je bien envoyé ce mail, etc'". "Le slow sex, s'il est pris dans le sens "ici et maintenant" et s'il implique de se centrer sur ses propres sensations et désirs", est un bon moyen de renouer avec l'autre mais aussi avec sa propre sensualité", poursuit Albert Barbaro.  

    Ralentir la cadence, c'est aussi pour les femmes avoir plus de chances de parvenir à l'orgasme. Comme le rappelle Carl Honoré, il faut en effet en moyenne 20 minutes aux femmes pour atteindre leur pic d'excitation, tandis que les hommes y parviennent en moins de 10. "Je n'ai rien contre les "quickies", les petits coups rapides entre deux rendez-vous ou pendant la micro-sieste de ma fille, confirme Sandrine, 39 ans. Mais honnêtement, il est tout de même très rare que je grimpe au plafond dans ces conditions. Sans réclamer des préliminaires de trois heures, il est évident qu'il me faut plus de temps pour jouir que mon conjoint." Sans être une afficionada du slow sex, Sandrine confie apprécier les soirs "sans enfant, où l'on se chauffe gentiment, puis un peu plus sérieusement, sans objectif absolu de performance, avec pour seul enjeu d'être l'un avec l'autre, et plus si affinités..."  

    Abandonner l'idée de performance sexuelle et se concentrer sur l'instant

    Une façon de voir les choses qui correspond en tous points aux idées défendues par Carl Honoré et Alberto Vitale, lesquels déplorent cette quête d'efficacité que l'on applique aujourd'hui à tous les pans de nos activités, sexecompris. Autrement dit, dénonce Carl Honoré, nous privilégions plus souvent la destination (ici l'orgasme), que le voyage. Or parfois, le voyage peut être plus enrichissant que l'instant finalement très bref de l'arrivée. "Pour nous il est clair que quand les couples abordent la relation sexuelle d'une manière plus tranquille en savourant et dégustant chaque moment lentement, en conscience, ils font l'expérience de plus de sensibilité, plus de sensualité et plus de satisfaction. 

    Après l'acte sexuel ils se sentent nourris par l'amour en profondeur, réinvestis de leur force en tant que couple et réinvestis de leur force en tant qu'individus", écrit quant à elle Diana Richardson, auteur de Slow sex, faire l'amour en conscience. Défendant l'idée d'une "sexualité douce", cette thérapeute de couple invite elle aussi à abandonner tout but à atteindre, et à mettre l'accent "sur l'écoute subtile de nos sensations, sur le 'non sensationnel', sur la présence à soi-même et à l'autre, par l'échange verbal, le contact visuel, la lenteur qui permet de goûter l'instant." 

    Ne pas tomber dans le dogmatisme et conserver de la spontanéité

    De belles phrases qui laissent Alice relativement perplexe, voire agacée, de "devoir aussi être en pleine conscienceau lit": "Il est quand même difficile de rester maître de soi dans ces moments là, non?" "Il faut garder à l'esprit que sur un plan purement anatomique, le rapport sexuelrepose sur une certaine dynamique, un rythme qui s'accélère nécessairement à un certain point", abonde Albert Barbaro. La lenteur ne peut donc être une constante jusqu'au bout et ne doit pas empêcher qu'à un moment les corps s'échauffent et "oublient" de prendre leur temps. "D'une manière générale, ajoute-t-il, mieux vaut éviter de tomber dans le dogmatisme. Le plus dangereux pour le désir, c'est avant tout la routine". On peut donc alterner entre des soirées "bougies, massages tantriques et marathon des préliminaires" et des "cinq à sept" précipités et spontanés. Le tout étant bien au final de suivre ses envies. 

    Journaliste, Caroline Franc est également l'auteur du blog Pensées by Caro