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  • Le Tantra : art de vivre

     

    Roger-Michel Berger : « Le tantra, ce n’est pas que du sexe »

     

    Qui dit tantra, dit sexe, pense-t-on souvent. Et la promesse d’une sexualité sacrée, de massages érotiques, ou encore de techniques pour avoir plus de plaisir… Mais cette philosophie n’ouvre pas uniquement la voie à une sexualité différente. Elle constitue aussi un véritable chemin de développement personnel. Un voyage vers soi. Initiation avec Roger-Michel Berger, auteur de Le Tantra, un art de vivre, un art d’aimer.

    Propos recueillis par Margaux Rambert

    « Le tantra, ce n’est pas que du sexe »

    © iStock

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    En France et en Occident, on associe le tantra au sexe. Pourquoi ?

     

    Roger-Michel Berger : Parce que les médias et certains organisateurs de stages ont véhiculé cette idée-là. Le massage tantrique est notamment très à la mode dans le monde de la prostitution. Mais si vous regardez les textes anciens, par exemple le Vijñâna Bhairava, sur les 112 pratiques de tantra, il n’y en a que trois qui parlent de sexe.

    En quoi le tantra dépasse-t-il le champ de la sexualité ?

     

    Roger-Michel Berger : Le tantra est un art de vivre. Une philosophie, une voie spirituelle laïque. Le mot sanskrit tantra veut dire « tissage ». Et « texte, livre ». Une des notions clés est ce qu’on appelle, toujours en sanskrit, le spanda. C’est-à-dire la vibration, le frémissement de la vie. Pour pouvoir le ressentir, il faut être vraiment dans la présence. Grâce, notamment, à la méditation. Le tantra est aussi un chemin vers soi-même. Il aide à prendre conscience de qui l’on est, de ses faiblesses, de ses ombres aussi. A se libérer de ses peurs et de ses blocages. C’est une voie de développement personnel. 

    Chez certains, le tantra a mauvaise presse : pour ses détracteurs, il serait même dangereux et synonyme de laisser-aller sexuel, de débauche…

     

    Roger-Michel Berger : En quoi est-il dangereux de devenir amoureux de la vie ? Le tantra aide à augmenter son potentiel, à avoir moins peur… Certes, certains font du tantra car ils n’ont pas encore vécu vraiment leur sexualité. Alors ils ont besoin de cela. Mais c’est un tout début. Dans le tantra, on souligne la noblesse du corps. Le sexe fait partie du tout. C’est une force de vie incroyable.

    C’est pour cela que dans les temples indiens, il y a des représentations de gens qui font l’amour dans toutes les positions possibles. L’idée n’est pas d’exciter. Mais celui qui est éveillé va se réjouir de cette image de la sexualité. En fait, le sexe peut être un point de départ : on peut ressentir des choses magnifiques. Et si on continue dans cette voie, on peut aller plus loin. Et arriver alors à l’éveil, un état de méditation et de présence permanente.

    Concrètement, en quoi consiste cet art de vivre au quotidien ?

     

    Roger-Michel Berger : Un travail essentiel concerne la respiration. C’est la méditation fondamentale. Nous respirons environ toutes les quatre secondes, soit 21 600 fois par jour. Mais nous n’en avons pas conscience. Sauf lorsque nous sortons du bureau et que nous prenons une bouffée d’air, par exemple. Ensuite, il y a tout un travail sur ses limites, sur l’espace. La méditation peut vous rendre poreux. Vous pouvez laisser tomber les frontières de votre corps. Et ainsi vous ouvrir davantage aux autres et ne faire plus qu’un avec l’univers.

    Il vous est sûrement déjà arrivé de ressentir cela : un instant d’éternité. Que cela soit en faisant l’amour, en contemplant un beau paysage, en entendant une belle musique… Ces petits instants sont des clins d’œil du divin. Une pratique consiste à les cultiver. Dans ces instants-là, nous ne sommes plus séparés du tout. C’est ce que l’écrivain Romain Rolland, dans une lettre à Freud, appelait « le sentiment océanique ».

    En quoi le tantra est-il aussi un art d’aimer ?

     

    Roger-Michel Berger : C’est un art d’aimer car on parle aussi de sexe (mais pas que !). Quand on pense sexualité, on pense tout de suite à mettre les sexes ensemble et à bouger beaucoup. A avoir un orgasme, si possible plusieurs, et si possible en même temps. Mais on peut aussi faire l’amour en se regardant dans les yeux.

    Le tantra est loin de toute logique de performance. On devient d’ailleurs véritablement orgasmique au moment où l’on n’a plus l’objectif de l’orgasme. C’est à ce moment-là que le corps s’ouvre, et que la jouissance nous tombe dessus comme une grâce. Le tantra nous conseille par exemple de rester dans l’espace entre l’excitation du début et l’orgasme. C’est un espace extraordinaire à explorer. Mais cela suppose d’avoir une sexualité différente, plus féminine.

    En quoi cette sexualité est-elle plus féminine ?

     

    Roger-Michel Berger : Il y a moins d’activité, plus de détente… Ce n’est pas comme dans les films pornographiques où les gens n’arrêtent pas de bouger et d’avoir des orgasmes à répétition. Là, il s’agit de mettre les sexes ensemble, car ils ont leur intelligence propre. Avec tout ce que nous avons appris – ou pas – sur la sexualité, nous faisons faire à nos organes sexuels des choses dont ils n’ont pas forcément envie. Si nous mettons nos sexes ensemble et que nous les laissons faire, c'est-à-dire que nous restons simplement « l’un dans l’autre », nous pouvons alors développer des sensations beaucoup plus subtiles, délicates, qui sont délicieuses à explorer. Le sexe devient une méditation. Le matin, un couple peut très bien « se mettre ainsi ensemble » dix-quinze minutes. Et profiter des subtiles énergies qu’il aura échangées toute la journée durant.

    Quelle est la différence entre le tantra et ce que l’on appelle le néo-tantra ?

     

    Roger-Michel Berger : Le néo-tantra est un tantra qui a été adapté à l’Occident. Pour un Oriental, méditer en restant assis deux heures ne pose pas de problème. Pour les Occidentaux, davantage. On a donc développé des méditations actives où l’on fait travailler le corps, comme ça le mental peut se reposer un peu. L’autre apport du néo-tantra, c’est le côté social, le travail en groupe. Celui-ci apporte un champ d’énergie, car les gens sont soutenus par le groupe. Ca aide aussi dans le travail sur les émotions.

    Vous organisez des stages pour les couples. En quoi consistent-ils ?

     

    Roger-Michel Berger : On n’apprend pas à l’école à être en couple. L’idée, c’est de donner aux couples qui viennent en stage des clés pour cultiver leur relation. De les aider à (ré)apprendre à se regarder, à mieux communiquer, notamment par le toucher. Par exemple, on considère souvent que le massage est un préliminaire à une relation sexuelle. Sauf que dans ce cas, on n’est plus dans le présent, mais dans le futur. L’idée, c’est au contraire d’apprendre à masser sans objectif. D’être vraiment dans la présence. Dans le don.

    Qu’est-ce que le tantra vous a apporté à vous-même ?

     

    Roger-Michel Berger : Cela fait vingt-cinq ans que je pratique et plus de douze ans que j’enseigne. Grâce au tantra, je suis bien dans ma peau. J’ai également acquis une meilleure compréhension de ma femme et de comment vivre à deux. Ainsi que des outils pour être en couple dans la durée. Le tantra m’a également apporté plus de plaisir dans ma sexualité et une meilleure compréhension de la sexualité de la femme... 

    Comment s’initier au tantra ? Reconnaître les vrais des faux maîtres ?

     

    Roger-Michel Berger : Ce qui est fondamental, c’est le respect de soi-même. Il y a des gens qui ont de la peine à poser leurs limites. La première chose à faire, c’est donc de tester les gens qui veulent vous donner une formation de tantra : serez-vous obligé de faire toutes les pratiques ? Pour nous, il est évident que personne ne l’est. On a toujours dans notre salle un « coin bleu ». Quand quelqu’un trouve qu’une pratique dépasse ses possibilités, il peut aller dans ce coin. Il nous est arrivé de récupérer des personnes qui s’étaient retrouvées dans des stages de sexualité de groupe, ce qui est bien plus de l’ordre de la partouze que du tantra. Au début, ils ne voulaient plus entendre parler de tantra. Le mieux, c’est donc aussi de récolter des témoignages de personnes qui ont déjà participé au stage qui vous intéresse.

    Tantra : trois exemples de pratiques, issues du livre de Roger-Michel Berger : "Le Tantra, art de vivre, art d’aimer" (Guy Trédaniel).

    Pratique : accueillir la journée

    " Le matin, en te levant, prends le temps de te mettre à la fenêtre, sur le balcon ou dans le jardin. Relâche tes épaules, laisse tes bras ballants le long du corps puis ouvre les paumes vers l’extérieur, dans une posture d’accueil. Prends un temps pour accueillir cette toute nouvelle journée de vie, cette journée unique.

    Prends conscience que tu ne l’as encore jamais vécue et que tu ne la vivras plus jamais. C’est une journée toute neuve.

    Ce mouvement d’ouverture des paumes, tu peux aussi le faire tout au long de la journée. Ce geste extrêmement simple ouvre la poitrine et redresse le corps. Ainsi, tu es dans une posture d’ouverture et d’accueil."

    Pratique : la salutation du cœur

    "Asseyez-vous l’un en face de l’autre, par exemple sur un coussin, à une distance qui vous permettra de vous incliner jusqu’à ce que vos fronts se touchent.

    Commencez par vous regarder avec gentillesse. Lorsque vous vous sentez prêts, en regardant votre partenaire, joignez les paumes de vos mains en touchant le sol. Levez vos mains ainsi jointes, amenez-les jusqu’à votre cœur en inspirant. En gardant les mains jointes au niveau de votre cœur, inclinez-vous en avant, en expirant et en regardant votre partenaire dans les yeux, jusqu’à ce que vos fronts se touchent délicatement. Restez un instant ainsi, les yeux dans les yeux avec un sentiment de respect pour l’autre. Puis en inspirant, relevez-vous, tout en gardant le contact avec les yeux et en expirant, laissez vos mains jointes redescendre jusqu’au sol.

    Vous pouvez à présent vous dire une parole honorant votre partenaire, par exemple « Je t’honore comme un aspect du divin ».

    Vous pouvez aussi imaginer pendant cette salutation que vous prenez l’énergie de la terre en inspirant et l’amenez à votre cœur et qu’à la fin, vous redonnez, en expirant, l’énergie à la terre."

    Pratique : la méditation du non faire

    Prévoyez une demi-heure à une heure pour cette pratique que vous pouvez faire avec vos vêtements. Faites-vous une salutation du cœur. Installez-vous tête-bêche, les jambes en ciseaux, de manière à ce que vos sexes se touchent. Trouvez la position la plus confortable possible pour chacun. Puis restez ainsi en ne faisant rien, strictement rien.

    Ne cherchez pas à vous exciter ou à exciter l’autre, ne faites aucun mouvement. Soyez totalement dans le ressenti. Sentez l’énergie de l’autre dans votre sexe, sentez sa chaleur se développer à l’intérieur de vous.

    Terminez par une salutation du cœur.

    Une variante consiste à pratiquer cette méditation dans un hamac. Ainsi, vos poids auront tendance à vous joindre l’un contre l’autre.

    Vous pouvez aussi pratiquer cette méditation en pénétration, le sexe de l’homme à l’intérieur de la femme. Mais là, il faut veiller à ne pas partir dans l’excitation, mais rester totalement détendus pour vraiment goûter la saveur de cette pratique.

    Pour aller plus loin 

    ==>  Êtes-vous prêt(e) pour le sexe tantrique ?

    Dans notre quête d’épanouissement sexuel, les traditions orientales ont le vent en poupe, avec un fort engouement pour le tantra. Une philosophie de vie qui est aussi une voie vers une sexualité différente, un chemin vers l'extase. Pour savoir si vous êtes prêt(e) à expérimenter cette vision unique du désir, de l’union et de l’orgasme, faites le point sur votre rapport à la sexualité et découvrez ce que le tantra pourrait vous apporter ! Peut-être êtes-vous plutôt un(e) tantrika en « herbe » ou bien confirmé(e).


     

  • "La plume fragile"

    Un blog de réflexions diverses et de textes qui me plaisent, des échanges qui permettent d'approfondir les réflexions.

    Que du bonheur.

     

    Cher Thierry,

    J’ai beaucoup repensé à ces échanges que nous avons eus — les méninges s’agitaient et trottaient comme un petit shetland dans son manège — pendant que je m’affairais chez moi et « en dehors de chez moi » (foutues courses de Noël — si seulement c’était vrai, si seulement c’était l’homme qui porte ce nom qui pouvait réellement s’en charger). Il se fait que ce petit calvaire de saison m’a fait découvrir un livre dont la couverture ne manque pas d’attirer le regard; ce livre s’intitule Ma Carte des merveilles (de Caspar HENDERSON, ed. Les belles lettres). Figure-toi que je l’ai acheté en même temps que Hors de moi, pensant l’offrir (de la part du Père Noël bien sûr…). Finalement, me retrouvant bien mal en peine et désarmée face à l’anorexie de C. Marin, et surtout après nos discussions au sujet de la conscience et la méta-conscience dans tous ses états (en soi, hors de soi), j’ai défait l’emballage de cette Carte des merveilles (réalisé avec soin par un lutin) et j’ai commencé à la lire. Il fallait se rendre à l’évidence, un ouvrage pareil (« convoquant la philosophie, l’art, la théologie mais aussi l’histoire naturelle et la recherche scientifique la plus actuelle ») ne pouvait que me plaire et surtout être bien plus captivant que celui de C. Marin. Et je ne crois pas si bien dire ! (ça fait un peu prétentieux dit comme ça, mais ce n’est pas grave, c’est pour la formule). C’est d’ailleurs un livre qui plairait sans doute bien à mon Corbot sur son érable perché qui tient en son bec toujours une plume affûtée.

    Dans son introduction, l’auteur s’interroge sur la définition des mots « merveille » et « émerveillement », et il cite un certain philosophe, Martyn Evans, qui parle de l’émerveillement comme suit :

    une attention altérée, irrésistiblement intensifiée, pour quelque chose que nous reconnaissons immédiatement comme important – quelque chose dont l’apparition engage notre imagination avant notre entendement, mais que nous voudrons probablement comprendre plus complètement avec le temps.

    Cela m’a instinctivement évoqué ce que tu disais au sujet de la lucidité extrême et de l’inconscience ou la métaconscience et de la « conscience modifiée » en particulier. On pourrait supposer que l’imagination relèverait d’une « supraconscience », comme quelque chose qui nous dépasse et dépasse l’entendement. Et si cet état relève de l’émerveillement comme le décrit M. Evans, alors « être hors de soi » pourrait se traduire par une forme d’émerveillement. Nous n’observons plus ce qui ce passe en nous-mêmes, comme tu le disais, mais à l’inverse, nous observons, ou plutôt nous sommes attentifs (« vigilants ») à ce qui est extérieur à nous-mêmes. Se sentir témoin du Beau produirait l’émerveillement. Vivre le Beau pourrait signifier être hors de soi. L’émerveillement induit également des « émotions exacerbées » d’un ordre tout autre que celui de la colère ou de la frustration comme je l’évoquais dans HORS DE MOI.

    L’état « hors de soi » pourrait donc être double ou doublement vécu, tantôt positivement, tantôt négativement. Mais dans les deux cas, il s’agit d’un état « ultime » ou « suprême » qui nous anime et qui ne peut se produire que dans un moment d’éveil presque surdimensionné (tu parlais d’irréel) comparé à l’éveil dans lequel nous nous trouvons quotidiennement, le jour, la nuit, en termes physiologiques et biologiques.

    « Merveille » vient du latin mirabilia, « chose étonnante, admirable ». En anglais, le mot « wonder » vient du vieil anglais « wundor », mais l’origine de ce mot (et de sa vieille racine germanique Wundran) est obscure. Henry David Thoreau lui voyait une origine commune avec « wander » (« errer »); d’autres ont proposé « wound » (« blessure »). Ces dérivations relèvent toutes de la spéculation.
    Dans la nouvelle « Undr », Jorge Luis Borges fait du mot « merveille » un mot originel, qui précède et subsume tous les autres. Ralph Waldo Emerson écrit que « si l’origine de la plupart des mots est oubliée, chacun fut au départ un éclair de génie, et fut mis en usage parce que pour le premier locuteur et le premier auditeur, il symbolisait » à ce moment-là, le monde ».

    Alors spéculons et mettons nos sens en exergue pour appréhender ce monde ! Comment ? Eh bien, regardez par la fenêtre, oh, ces belles gouttes de pluie translucides (oubliez que vos carreaux sont dégueulasses, on vous a dit de prêter attention aux gouttes de pluie…). Autre exemple : oubliez un instant vos paquets qui commencent à vous couper la circulation sanguine et rendez-vous dans une brûlerie : humez donc cette bonne odeur de café qui se répand dans tout l’établissement. Projetez votre esprit sur ces graines de café, les caféiers, vous les voyez ? ça y est, vous êtes déjà en Amérique du Sud. Elle est pas belle la vie !

    Finalement, quelle différence entre l’émerveillement et la phénoménologie ? Je vous laisse réfléchir à la question, j’attends vos copies en janvier.

    Parvenir à cet état d’émerveillement nous plongerait dans la réalité-même (« le monde »), une réalité qui pourrait s’intituler « merveille » : c’est alors que nous n’imaginons plus, nous vivons la réalité de plain-pied qui s’apparente à une réalité sublimée (le Beau, la Joie) ou accidentée (le Laid, la Souffrance), mais dans tous les cas, une réalité exacerbée. Quand j’écris « parvenir à », je veux traduire ton « Jusqu’au bout ». En effet, si j’ai fait le lien entre émerveillement et « l’hors-de-soi-même », c’est aussi en raison du caractère « jusque-boutisme » qui ressort dans cette définition du philosophe Evans (« comprendre plus complètement avec le temps »).

    Enfin, je profite de ce billet heureux pour te souhaiter, mon cher Thierry, et souhaiter à mes lecteurs de belles fêtes de fin/début d’année. Laissons nos sens en éveil pour tomber sous le charme de la magie de Noël (ou ce qu’il en reste) en laissant un instant de côté le côté obscur de ces festivités pour ne pas les gâcher. Restez alerte et sensible. Le monde qui nous entoure est rempli de merveilles (enfin, je le crois, quand je m’émerveille, quand je suis « hors de moi », quand la conscience et l’inconscience (ou devrais-je dire l’insouciance) s’entremêlent).

    Merveilleusement vôtre,

    f.

    ma carte des merveilles cover

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    6 RÉFLEXIONS SUR “HORS DE MOI (II – L’ÉMERVEILLEMENT)”

    1. « Un Corbot dans un érable perché tenait en son bec un carré de sucre du même arbre. La plume fragile munie de sa penne vint le chatouiller. De marbre, le volatile n’en demeurait pas moins attisé. Ne pouvant plus résister, il fit tomber le sucre admirable. La plume fragile se délecta du carré et de sa petite malice. Morale : Une plume fragile aimant les délices vous amadouera grâce à un doux supplice. »
      Que ta plume fragile continue longtemps et toujours de me ravir, moi, ainsi que mes carrés de sucre d’érable.

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      1. Ohhhh que tu me gâtes ! Que tu me sembles beau ! Se délectant de la si belle affaire la plume ravie et saisie s’écria : « Ce sucre n’est donc pas qu’un mirage. Plus l’on y goûte plus il m’en faut ! Mon bon Corbot, devant ta générosité, je t’invite au partage. Sur ces mots, la plume s’envola mais sachez qu’on l’y reprendrait volontiers à flâner, virevolter dans cette érablière du Corbot emplumé.

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    2. Sur cette invitation à la bombance, le Corbot se félicita d’avoir perdu pour finalement gagner. L’isatis au bec sucré, bleuie par le froid solstice de décembre vint réfugier ses membres gelés sous les chaudes plumes du Corbot cendré. Ils firent ripaille jusqu’au petit matin, heureux, complices, ensemble.

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    3. Eh bien, chère plume, que voilà un texte magnifique. Une belle, fluide et intégrale description de « la mystique sauvage » de Hulin ou « le sentiment océanique » de Rolland, ce que vous nommez ici « l’émerveillement ». Que je nomme « le Réel » pour ma part. L’émerveillement est un état de rupture, un autre état de conscience, une ouverture spirituelle.
      Je suis heureux de croiser aussi la route de Thoreau et d’Emerson, quel bonheur de les voir cités. Ils ont tellement à nous apprendre.
      Dans nos échanges sur le « hors de soi », j’ai évoqué des situations extrêmes mais il existe également des états impromptus de conscience modifiée. Ils sont malheureusement perçus la plupart du temps comme des « rêveries », des états d’absence alors qu’il s’agit juste d’une autre « présence ».
      J’ai tenté de décrire tout ça dans un de mes romans : à coeur ouvert ». Le personnage principal a subi un infarctus. Il vit avec une prothèse cardiaque. Une machine à la place d’un coeur. (technologie réelle) L’état émotionnel s’en trouve considérablement « ouvert »…

      Extrait : « Il raconta en détail son parcours d’entrepreneur, de financier, sa vie avec Alice, la naissance de Chloé, les dernières années, la lutte pour s’imposer sur le marché.
      « Et puis, j’ai eu cet infarctus, aucun signe précurseur. C’est Philippe, mon associé, qui m’a sauvé.
      -Vous n’aviez jamais eu de problèmes avant ?
      -Non, rien, absolument rien.
      -C’est impressionnant alors. Personne n’est à l’abri en fait.
      -Il faut croire. Mais pas grand monde n’y pense. Ou alors, c’est l’angoisse qui l’emporte, ce qui ne vaut guère mieux.
      -Et ensuite ?
      -J’ai vendu l’entreprise à Philippe. Il le méritait amplement pour son travail de toute façon. Les cardiologues m’ont dit à l’hôpital que mon cœur était fichu. Et puis, après l’implantation de la prothèse, c’est le basculement total, foudroyant, incompréhensible. Je me souviens très bien des premières heures. Pas de douleurs insupportables, j’étais sous morphine, je suppose. Je n’ai rien demandé. Le chirurgien est passé, tout allait bien, ils étaient très satisfaits et je m’en moquais. Sans comprendre pourquoi. Un détachement totalement fou. J’ai d’ailleurs pensé que j’étais fou ou que mon cerveau n’avait pas été oxygéné. J’avais pourtant imaginé le pire, je savais que ça pouvait mal se terminer. Et puis, là, peu à peu, dans la solitude de ma chambre, je me suis aperçu qu’il n’y avait aucune joie en moi, même pas l’once d’un soulagement, rien. Absolument rien. Aucun désir de reprendre le travail, aucune projection sur l’avenir, c’était comme si je découvrais le fait de vivre et que je devais me contenter d’enregistrer tout ce que je percevais dans l’instant.
      -Rien d’étonnant pour moi. L’effleurement avec la mort révèle la vie de l’instant.
      -Oui, c’est exactement ça. La vie de l’instant. D’ailleurs, la première fois qu’on m’a laissé sortir dans le parc, je me suis assis sur un banc et j’ai regardé des pigeons. Ça n’a l’air de rien mais vous n’imaginez pas à quel point c’était stupéfiant pour moi. Je regardais le balancement de leur cou quand ils marchent, j’essayais de les reconnaître, d’identifier leurs différences de plumage, de voir si certains restaient proches, si des couples étaient constitués, comment ils repéraient leur nourriture et puis j’ai fini par ne plus penser à rien, à ne plus vouloir intégrer des données précises, je les ai juste regardés. À un moment, je suis sorti de cette observation, comme si j’avais quitté une pièce, l’impression d’être projeté dans un vacarme épouvantable, j’entendais le bruit de la ville, des discussions autour de moi, des ambulances, j’ai vu passer des gens, j’ai vu tous les bâtiments, ces milliers de fenêtres comme autant de souffrances cachées, des traînées d’avions dans le ciel, et puis l’herbe piétinée autour des bancs, des papiers abandonnés à côté de poubelles vides et la première idée qui a surgi, c’est que dans l’observation des pigeons, je n’étais pas en train de rêver comme on dit, les yeux dans le vague mais que c’était maintenant que j’étais tombé dans le rêve. Je ne sais pas comment l’expliquer en fait. C’est tellement étrange. Vous savez, souvent les adultes disent aux enfants quand ils ont les yeux dans le vide, « arrête de rêver et écoute-moi », et bien, moi, j’avais l’impression que c’était l’inverse. Ça m’a fait un mal de chien, à en pleurer, là, tout seul, sur mon banc, comme si j’avais quitté la vie pour tomber dans un cauchemar immonde. Vous voyez, j’ai passé tellement d’années à vouloir tout contrôler, à me battre pour atteindre les objectifs que je visais, à valider matériellement l’idée que je me faisais de l’existence, j’aurais dû reprendre tout ça, j’étais sauvé après tout, j’aurais pu retourner au boulot, doucement bien sûr, mais en tout cas, relancer la machine. Et c’est cette expression qui a tout déclenché. Relancer la machine. Mais, c’était moi la machine.
      -On se voit toujours comme un individu menant des activités multiples et trouvant des compensations diverses, intervint-elle, avec même parfois des satisfactions personnelles, des occasions de fierté ou d’estime de soi, mais c’est complètement fou finalement puisque nous sommes effectivement des machines et que nous répétons mécaniquement les activités pour lesquelles nous avons été programmés dès notre enfance. »

      Bonnes vavances chère plume et à bientôt pour de délicieux échanges.

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      1. Ton commentaire m’enchante. Je suis ravie que le billet t’ait plu et donné une nouvelle fois matière à t’épancher. Merci pour cet extrait. À cœur ouvert est un bel écho à ce thème et tout à fait dans la continuité et le thème du livre sur Knut Hamsun dont je t’ai parlé (description, émerveillement, âme tantôt atone et cœur parfois vibrant au silence et à la vue des choses simples –le réel, la vie). MERCI ♡

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  • Une femme admirable

    Reconnaître la valeur intrinsèque de la nature

    Gauchebdo

    Reconnaître la valeur intrinsèque de la nature

    INTERVIEW • De passage en Suisse, la juriste française Valérie Cabanes a défendu le principe que les crimes contre l’écosystème, l’écocide, soient reconnus par la Cour pénale internationale.

    Publié le 20 décembre 2018 par  dans la rubrique International

    «la notion d’écocide est la seule qui puisse donner des droits à la nature», estime Valérie Cabanes. (Jérôme Panconi)

    Juriste en droit international, spécialisée dans les droits humains et le droit humanitaire, la Française Valérie Cabanes défend l’inscription de la notion d’écocide (crime contre l’écosystème terrestre) dans le droit pénal international. Dès 2012, elle a participé au lancement d’une initiative citoyenne européenne, forte de 200’000 signatures, proposant une directive européenne en ce sens. Puis en 2015, elle a travaillé sur une proposition d’amendements au Statut de la Cour pénale internationale pour intégrer l’écocide comme crime contre la paix. Auteure d’«Un nouveau Droit pour la Terre, pour en finir avec l’écocide» et «Homo Natura, en harmonie avec le vivant », elle était de passage en Suisse la semaine dernière. Interview.

    Avec le mouvement End Ecocide on Earth, vous voudriez que les crimes environnementaux les plus graves soient reconnus par la Cour pénale internationale (CPI) afin de pouvoir juger les responsables de catastrophes écologiques. Où en êtes-vous dans votre démarche?

    Valérie Cabanes Du fait que seuls les Etats-parties et non les citoyens peuvent proposer des amendements au Statut de la CPI, cela avance doucement. Les Etats du Pacifique, comme le Vanuatu, qui sont directement menacés par les changements climatiques, sont les plus intéressés à ce que le crime d’écocide soit reconnu. En Europe, une directive approuvée en 2017 fait obligation aux États membres de prévoir dans leur législation nationale des sanctions pénales pour les violations graves des dispositions du droit communautaire relatif à la protection de l’environnement. Elle n’impose toutefois pas l’application de ces sanctions, ni à bien les définir. On m’a sollicitée pour rédiger une proposition de loi sur l’écocide en France. Au niveau politique, les Verts mondiaux et européens ont voté en 2017 une résolution sur le thème.

    Ne serait-il pas finalement pas plus facile de renforcer les législations nationales face aux atteintes à l’environnement?

    Le minimum auquel il faut arriver- tant au niveau national qu’international- est de reconnaître la valeur intrinsèque des écosystèmes. A cet égard, le procès de 2012 de la catastrophe du pétrolier l’Erika, qui fait naufrage en Bretagne en 1999, a permis la création d’une jurisprudence en France. Pour la première fois, la notion de préjudice écologique pur, sans lien avec l’humain, fondement juridique habituel du droit occidental, a été reconnue. 300 millions de dommages et intérêts ont été attribués aux collectivités publiques affectées et 13 millions pour le préjudice direct à l’écosystème marin. Cette première reconnaissance de la valeur de ce que j’appelle nos «communs naturels» devrait l’être aussi de façon préventive, avant même les catastrophes. Cette semaine, la décision de la cour d’appel de Virginie de suspendre un projet de gazoduc qui menaçait une aire de forêt nationale va dans ce sens.

    Depuis le naufrage du pétrolier de l’Amoco Cadiz en 1978, qui avait débouché sur une condamnation d’Amoco et le déblocage d’indemnités aux plaignants, n’y a-t-il quand même pas eu d’amélioration dans les sanctions ?

    Il est vrai qu’il existe un arsenal juridique renforcé en France et en Europe quand une catastrophe écologique débouche sur des dégâts humains. Le dirigeant de l’usine AZF de Toulouse a été condamné au pénal après l’explosion, qui a fait 31 morts. Suite à l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, une loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordres a été approuvée en France. Cependant, de telles sanctions n’existent pas en cas d’atteintes à l’environnement en tant que tel. La notion d’écocide est la seule qui puisse donner des droits à la nature au nom des droits des générations futures. Elle pourrait ainsi obliger les Etats et les multinationales à garder le 80% des réserves fossiles connues sous la terre pour éviter le réchauffement de la planète de plus de 1,5°C. Elle pourrait également contraindre les gouvernements et les banques, qui dépensent 4740 milliards d’euros par an dans la promotion du pétrole, gaz et charbon, à réinvestir dans un Plan Marshall pour les énergies propres, créatrices d’emplois.

    Quels sont finalement les Etats qui avancent le plus dans cette reconnaissance de l’écocide?

    Les exemples de cette prise de conscience de la valeur intrinsèque des écosystèmes et de la nécessité de les protéger sont nombreux. En avril 2018, la Cour suprême de justice colombienne, saisie par 25 enfants et jeunes avec l’aide de l’association Dejusticia, a décidé de protéger l’Amazonie de la déforestation, pour protéger le climat et les droits des générations futures. Elle a aussi octroyé une personnalité juridique à la forêt pour qu’elle puisse défendre son droit à exister.

    En Inde, en mars 2017, la Haute-cour de l’État d’Uttarakhand a reconnu le Gange et ses affluents comme des entités vivantes à protéger, avant de généraliser ce concept aux glaciers Gangotri et Yamunotri menacés par le changement climatique, puis à l’air, aux prairies, vallées, jungles et forêts.

    A l’inverse, une compagnie comme Chevron-Texaco, qui a été condamné en Equateur pour ses atteintes à l’environnement a pu casser le jugement devant un tribunal canadien. Que vous inspire cet exemple?

    Les multinationales vivent encore dans l’impunité, du fait qu’elles ne sont pas des sujets de droit international. Elles peuvent ainsi recourir à des tribunaux privés d’arbitrage de grandes instances comme l’OMC ou la banque mondiale pour revendiquer leurs droits économiques. Avec leur puissance financière, qui dépasse parfois celles des Etats, elles peuvent ainsi échapper à la justice. Notre projet d’inscrire de crime d’écocide dans la juridiction de la Cour pénale internationale permettrait de poursuivre des dirigeants des grands groupes, mais aussi les entités morales, comme les banques, qui les financent. Ces risques de condamnation des PDG pourraient, dans le même temps, renforcer leur position face aux actionnaires ou fonds de pension. Au lieu de favoriser le profit sur le court terme, ils pourraient alors revendiquer des investissements dans des technologies propres d’avenir.

    Valérie Cabanes à La Chaux-de-Fonds

    L’historique de cette invitation provient de Maria Belo, présidente du législatif de la ville de La Chaux-de-Fonds. L’idée de proposer cette nouveauté a été ébauchée par la section. Il s’agit d’accorder à chaque présidente ou président du législatif la possibilité d’organiser un événement sur un thème d’intérêt général à l’intention de la population et Maria Belo a obtenu l’accord du bureau du législatif.

    Au sein du POP neuchâtelois, plusieurs membres estiment que le capitalisme sera éliminé par les dégâts que produit la destruction de notre environnement, dès que ses effets seront perçus directement par la population. Actuellement c’est le défit climatique qui est souvent évoqué, mais le recul de la biodiversité constitue aussi une alarme déterminante pour la survie de l’être humain. C’est donc tout naturellement que Maria Bello a invité Valérie Cabanes à venir présenter son objectif de donner des droits juridiques à la nature.

    La juriste, auteure du livre «Un nouveau Droit pour la Terre», s’est d’abord exprimée au Lycée Blaise Cendras devant une centaine d’étudiantes et étudiants et, le soir, elle donnait une conférence publique gratuite. Nous avons constaté que plusieurs étudiants subjugués par l’entretien du matin étaient présents à la conférence. Valérie Cabanes a partagé ses opinions devant un public de plus de 150 personnes. Son constat et ses activités pour faire changer les mentalités étaient très forts et elle a condamné sans réserve le capitalisme et les entreprises multinationales qui continuent sans vergogne de s’enrichir sans aucune considération pour la destruction de la biodiversité et du climat.

    «Une vie hors-sol, isolée du vivant»

    L’intérêt manifesté par le public laisse à penser que la multiplication des informations se révèle indispensable pour faire face au danger qui nous menace directement.

    Valérie Cabanes exprime son inquiétude, car «nous vivons comme hors-sol, isolés du reste du vivant, oubliant que nous sommes des êtres de nature. Nous devons réapprendre, à l’image des peuples premiers, notre rôle de gardiens. (…) Cette démarche exige de baisser nos armes économiques, de questionner notre rapport à la propriété, de limiter la souveraineté des Etats et de repenser la démocratie. Elle impose enfin de reconnaître que la nature a le droit d’exister et de se régénérer. Pour garantir aux générations futures un environnement sain et pérenne.»

    Les militantes et militants du POP sont très satisfaits du succès de cette première expérience et espèrent qu’elle sera reprise par les futures présidences du législatif local,

    Alain Bringolf

  • "Le grand chef blanc a parlé"

    Trois ans en "refus d'obéissance" à la réforme des rythmes scolaires. Convoqué huit fois en hôpital psychiatrique, refus de l'indemnite de départ volontaire, mi à demi salaire suite "à une erreur informatique", perte de mon poste sur la commune....

    J'imagine un peu ce qui va se passer pour cette enseignante.

     

    Le grand chef blanc a parlé

       

     

    Hugh grand chef blanc, tu as bien parlé et tu as restauré l’autorité du conseil des anciens, tous ces chauves à grandes bouches qui parlent, parlent et comprennent qu’un bon indien est un indien mort ou grabataire.

    Le grand chef blanc a parlé treize minutes pour apaiser le ressentiment de millions d’indiens. Le grand chef blanc, au début de sa palabre, a prévenu que si les millions d’indiens continuaient de lui courir sur le calumet, il allait être intraitable pour rétablir l’ordre. Il en va de l’autorité du grand tipi de l’Élysée.

    Le grand chef blanc accorde une part de bison fumé supplémentaire pour les fêtes et chaque mois, les vieux indiens recevront une galette de maïs et une bouteille d’eau de feu. Les jeunes indiens sont sommés de ranger leurs flèches dans leur carquois au plus vite sinon ils finiront empalés sur le totem de justice et le grand chef blanc les enduira de goudron et de plumes. Hugh grand chef blanc, tu as bien parlé et tu as restauré l’autorité du conseil des anciens, tous ces chauves à grandes bouches qui parlent, parlent et comprennent qu’un bon indien est un indien mort ou grabataire.

    Qui a pu regarder sans hurler Emmanuel Macron hier soir à 20h sur toutes les chaînes comme au bon temps de l’ORTF ? Plus d’audience que pour la coupe du monde, nous dit-on. Nous sommes dans un monde où le football est une unité de mesure et où on pense qu’un élan collectif peut être acheté pour 100 euros. Un monde où un président de la république peut commencer une allocution sans présenter ses excuses à toutes les victimes des répressions policières, à celui qui n’a plus de main, à celui qui n’a plus d’œil, à celle qui s’est fait insulter et traiter de sale petite pute arabe. Un président qui ose jeter en pâture le mot fédérateur, le mot censé rassembler le peuple, le mot « immigration ». Rassemblons-nous pour bouffer de l’étranger, du mineur isolé, du jeune majeur aux poches vides, du vaurien métèque et profiteur.

    Emmanuel Macron pendant treize minute a montré son vrai visage, mains sur la table, yeux rivés au prompteur avec l’empathie du dompteur pour le lion. Saute dans le cerceau, français en gilet jaune ou pas, et ferme ta gueule. A partir de janvier, tu l’auras ta friandise et toi le vieux encore vivant tu seras moins taxé et pourras donc souscrire une assurance obsèques avec option cercueil en mélaminé renforcé avec poignets en laiton. De nombreuses voix s’élèvent (dont celle de Laurent Berger, qui est au syndicalisme ce que Vivagel est à la gastronomie) pour enjoindre les gilets jaunes modérés à saisir la main tendue. Un peu la même sensation que si on serrait la pogne d’un alien gluant et hostile. « We are our friends » comme dans Mars Attacks !

    Je suis professeure et je remercie tous les lycéens pour leur courage physique et moral. Sans eux, je serais désespérée dans mon lycée à écouter papoter celles et ceux qui ont des avis éclairés sur le monde, tendance lampe de chevet. Je remercie les gilets jaunes qui campent sur les ronds-points et qui m’ont aidé à comprendre que, non, derrière chaque français dans la débine, ne se cache pas l’ombre grimaçante de Marine Le Pen. Vive la lutte, la rage joyeuse, l’union des contraires. Quelle que soit l’issue de ce mouvement, la France y aura gagné en dignité et en intelligence collective.

    Emmanuel Macron est terne, Emmanuel Macron est vieux, Emmanuel Macron n’est pas un président. Emmanuel Macron est un commercial arrivé au pouvoir par le pouvoir des urnes funéraires. Ton bulletin de vote signe ta perte camarade.

    Sophie Carrouge (professeure lycée Le Castel)


    Notre collègue et amie Sophie Carrouge a été convoquée jeudi à 15H30 au Rectorat pour répondre de cette tribune.

    Nous ne comprenons pas que notre liberté d’expression, pourtant garantie par la constitution, soit remise en cause. Cette convocation est particulièrement inquiétante quand on sait que Sophie est en pointe dans la lutte contre la réforme du Bac et Parcours Sup, ainsi que dans la lutte quotidienne pour nos élèves étrangers en situation irrégulière.
    En solidarité, nous avons décidé de signer cette tribune en la faisant nôtre.

    Bruno Haberkorn
    Victor Diaferia
    Christine Mehdaoui
    Florian Boucault
    Marine Bignon
    Jean Clerc
    Solange Féchard
    Sophie Perard
    Rémi Fonvieille
    Samy Bani 
    Jean Charles Ouazana
    Stéphane Doméraki
    Gabrielle Navarès
    Xavier Variot
    Sarah Abou
    Raphaël Jouffroy
    Anne Vernaton
    Cécile Joly
    Elise Robert
    Aurélien Requena
    Emmanuelle Frenot
    Valérie Haberkorn
    Laurence Bevilacqua
    Didier Porthault
    Catherine Finet
    Asma Addou
    Nenad Babic
    Christophe Courtois
    Maud Vu Van Kha

    Lisez aussi : Le communiqué de soutien de collègues et de parents d’élèves du Castel qui appelle à aller soutenir Sophie Carrouge devant le rectorat jeudi 20 décembre à partir de 15h15.

  • Nathalie Vieyra : sur le massage tantrique

    Qu'est-ce que le massage tantrique ? Quelles sont les clefs pour pratiquer un massage tantrique en couple ? Qu'apporte une séance de massage tantrique avec un professionnel ?

    Nathalie Vieyra, spécialiste du massage tantrique et auteure du livre "Lâchez prise" répond à toutes ces questions ... et bien d'autre encore ! Benjamin Tournier de Gabriac réalise une interview de Nathalie Vieyra pour Magic Love, le 1 er site de rencontre bien-être et spirituel.

    Site de Nathalie Vieyra…

     


    "Lâchez-prise" de Nathalie Vieyra


     

    S'inscrire sur Magic Love, le 1er site de rencontre bien-être et spirituel : https://www.magic-love.com

    https://youtu.be/CJbUyixwOeg

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  • Le procès des Etats.

    Valérie Cabanes

    18 h · 

    Pour que la CPI poursuive les dirigeants pollueurs, il faudrait élargir son champ et reconnaître le crime d’écocide. Une piste que nous défendons mais aussi des Etats, « notamment des pays insulaires du Pacifique, victimes du dérèglement climatique ». 
    En attendant, l’espoir tient en un mot : jurisprudence. 
    Dans de nombreux pays la loi permet déjà d’intenter des procès contre l’Etat en cas de pollution de l’environnement. Aux Pays-Bas, la justice a ordonné en octobre dernier au gouvernement de réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays plus rapidement que prévu, « afin de protéger la vie et la vie familiale des citoyens ». Au même moment, un procès s'ouvrait aux Etats-Unis, devant la Cour d'Oregon après la plainte de 21 jeunes citoyens qui accusent le gouvernement d’avoir « violé leurs droits à la vie, à la liberté et à la propriété » en ne sortant pas du modèle basé sur les énergies fossiles. En France, quatre associations ont lancé ce mardi une action en justice contre l’Etat français, un recours à soutenir ici

    https://laffairedusiecle.net/

    Des manifestants masqués en chefs d'Etat à Berlin, le 29 juin 2017, en marge d'un sommet international.

    Des manifestants masqués en chefs d'Etat à Berlin, le 29 juin 2017, en marge d'un sommet international. — John MACDOUGALL / AFP
    • Alors que la COP 24 vient de s’achever, « 20 Minutes » s’est demandé si nos dirigeants politiques pourraient un jour être jugés pour crime contre l’humanité, au regard des dégâts humains causés par le réchauffement climatique.
    • Si le droit pénal international ne le permet pas encore, il pourrait prochainement évoluer car de nombreux Etats ont déjà été condamnés par des juridictions nationales pour avoir mis en danger des écosystèmes, et les conditions de vie des citoyens.
    • En France, quatre associations intentent ce mardi une action contre l’Etat.

    « Emmanuel Macron, la Cour vous condamne pour crime contre l’humanité pour ne pas avoir mis en œuvre des mesures limitant la pollution et avoir ainsi délibérément contribué au dérèglement climatique ». Cette sentence n’est à ce jour que pure fiction mais il est possible que des dirigeants politiques et économiques se retrouvent un jour sur le banc des accusés, jugés pour avoir pris des décisions nuisibles pour notre environnement. Partout dans le monde, des juristes, des associations et des citoyens s’activent pour que l’écocide - contraction d’écosystème et de génocide - soit reconnu en droit pénal international et que les responsables de la destruction de l’ environnement répondent de leurs actes devant la justice.

    Des projections de bilans humains

    Leur argument ? Les décisions des chefs d’Etat et des dirigeants de multinationales ont des conséquences à moyen et long terme sur l’environnement et vont causer la mort de milliers, voire de millions, voire de milliards de personnes. Ces bilans macabres sont le fruit de travaux scientifiques étayés, qu’il s’agisse de ceux du climatologue Jean Jouzel (qui annonce 150.000 morts en Europe d’ici 2050), du Centre commun de recherche de la Commission européenne (150.000 morts en Europe d’ici à 2100) ou de de l’université d’Oxford (un demi-million de morts en 2050).

    La plus alarmiste, publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), prévoit que la Terre pourrait franchir un point de bascule « dans quelques décennies seulement », avec une température moyenne « de 4 à 5 degrés Celsius plus élevée qu’à la période préindustrielle et un niveau de la mer de 10 à 60 mètres plus haut qu’aujourd’hui ». Ce qui aurait pour conséquences de ne rendre notre planète habitable que pour un milliard de personnes, contre 7,5 milliards à ce jour. De quoi expédier rapidement nos chefs d’Etat devant la Cour pénale internationale qui juge des responsables de génocides.

    Les droits des générations futures

    Mais un coup de fil à la juridiction nous refroidit rapidement. « La CPI ne peut enquêter sur les crimes contre l’environnement que s’ils ont été commis afin de faciliter un crime qui entre dans compétence de la Cour. Par exemple si un fleuve a été délibérément pollué afin de déporter ou détruire une population », nous explique son porte-parole Fadi El Abdallah. Le Statut de Rome limite les crimes sur lesquels la Cour est compétente : génocide, crime de guerre, crime contre l’humanité et crime d’agression. La destruction d’un écosystème ne correspond pas à sa définition du crime contre l’humanité.

    « L’écocide est défini comme une atteinte grave à l’environnement, susceptible de menacer les droits des générations futures ou la sûreté de la planète, au-delà des souverainetés nationales, explique la juriste Valérie Cabanes*. Il est reconnu dans une dizaine d’Etats. Or, dans le droit occidental, les droits des générations futures n’existent pas, elles ne sont pas un sujet de droit, donc il ne peut y avoir de crime transgénérationnel ».

    Une jurisprudence déjà touffue

    Pour que la CPI poursuive les dirigeants pollueurs, il faudrait élargir son champ et définir le crime d’écocide. Une piste défendue par des associations et citoyens, mais aussi par des Etats, « notamment des pays insulaires du Pacifique, victimes du dérèglement climatique », note Valérie Cabanes. Il leur faudrait convaincre au moins deux tiers des Etats parties de la CPI. « Ce n’est pas du tout inatteignable », juge la militante écologiste. « Les Etats-Unis n’ont pas ratifié le Statut de Rome, la Chine non plus », souligne-t-elle. Cela élimine de la table des négociations les deux pays les plus pollueurs de la planète, devant l’Union européenne. « Je pense que c’est tout à fait envisageable, et on n’en est pas loin », abonde Corinne Lepage. L’avocate et écologiste craint toutefois qu’une telle « révolution juridique » n’ait pas lieu avant « un emballement des catastrophes naturelles entraînant des morts en quantité importante ».

    L’espoir de nombreux défenseurs de l’environnement tient en un mot : jurisprudence. Dans de nombreux pays la loi permet déjà d’intenter des procès contre l’Etat en cas de pollution de l’environnement. Aux Pays-Bas, la justice a ordonné en octobre dernier au gouvernement de réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays plus rapidement que prévu, « afin de protéger la vie et la vie familiale des citoyens ». Au même moment,un procès s'ouvrait aux Etats-Unis, devant la Cour d'Oregon après la plainte de 21 jeunes citoyens qui accusent le gouvernement d’avoir « violé leurs droits à la vie, à la liberté et à la propriété » en ne sortant pas du modèle basé sur les énergies fossiles. En France,quatre associations ont lancé ce mardi une action en justice contre l’Etat français.

    De longues batailles judiciaires en perpective

    Projetons-nous dans quelques décennies : la jurisprudence et le plaidoyer de nombreuses ONG ont porté leurs fruits, et la CPI est désormais compétente pour enquêter sur les écocides. Elle peut être saisie par des citoyens et de longues batailles judiciaires s’annoncent.

    Comment démontrer qu’un chef d’Etat ou patron a intentionnellement ou délibérément mis en danger la sureté de la planète ? « Pour Donald Trump par exemple, c’est presque une évidence, puisque lui-même a déclaré qu’il ne croit pas au réchauffement climatique », note la juriste Valérie Cabanes. Quant à Emmanuel Macron, son cas s’annonce plus compliqué : « il faudrait prouver qu’il n’a pas pris les bonnes décisions quand il fallait les prendre ». Elle préconise de s’appuyer sur les «limites planétaires», c’est-à-dire des seuils chiffrés (de particules de CO2 dans l’atmosphère ou d’acidité des océans, par exemple). Pour les écolos, ce couperet judiciaire est la seule contrainte efficace pour que les Etats et les entreprises relèvent leurs exigences écologiques. C’est en tout cas ce qu’imagine Corinne Lepage : « cela responsabiliserait nos dirigeants. L’âme humaine est faite de telle sorte qu’il faut toucher au porte-monnaie ou à la responsabilité personnelle pour lui faire de l’effet ».

    * Auteur d’Un nouveau droit pour la Terre (Seuil, 2016)

    PLANÈTE

    Des ONG vont attaquer la France en justice pour «inaction climatique»

    SOCIÉTÉ

    A La Haye, un tribunal citoyen juge Monsanto pour «écocide»

    PLANÈTE

    «Les marches pour le climat et les pétitions ne suffisent plus», estime Cécile Duflot

     

  • JUSQU'AU BOUT : avant Kundalini

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    JUSQU'AU BOUT

    La prochaine publication.

    C'est un roman que j'ai écrit il y a une dizaine d'années. 

    Quelques éléments explorés dans "KUNDALINI" s'y trouvaient déjà.

     

    "Il se réveilla à 9h. Il ne se pressa pas trop, pensant bien que la courte nuit avait dû les inciter à rester couchées. Il déjeuna et partit tranquillement à la plage. Il regretta de ne pas avoir fixé le rendez-vous au bungalow. Il les aurait vues plus vite, elles se seraient senties obligées de se lever pour l’accueillir.

    Il marcha pour s’éveiller au monde et sentit qu’il n’était pas seul…

    Sous les arbres, quand il approcha de l’océan et qu’il entendit sa rumeur par-delà les dunes, il ôta son tee short. Il aurait voulu se mettre nu pour se présenter devant lui mais les hommes ne l’auraient pas compris. Leurs yeux vicieux auraient pris cela pour une agression ou une perversion quand il ne s’agissait que d’une offrande. Il garda son pantalon et escalada le dôme de sable.

    Quand il déboucha au sommet des dunes, il fut saisi par la beauté du paysage. Il s’arrêta.

    « Bonjour », dit-il à la mer.

    Il en était persuadé désormais, elle était vivante comme lui, comme le soleil, comme les nuages, les oiseaux, les arbres, les poissons cachés, tout rayonnait d’une lumière commune. Il fallait simplement édifier l’osmose, la synergie, la résonance universelle, comme le bouton d’une radio qu’il suffisait de tourner pour trouver les ondes. Il avait toujours aimé cette image, il la comprenait encore mieux. Il inspira une grande bouffée d’air iodé et essaya de visualiser les particules gazeuses dans son être, l’excitation de ses propres cellules au contact de cette vie puissante. En découvrant le large, il constata que la mer n’avait pas d’ombre, c’était l’être vivant le plus grand et il n’avait pas d’ombre. Il n’y avait jamais pensé car il ne l’avait jamais perçue ainsi, il n’avait toujours vu qu’une immensité agitée ou calme, posée devant les hommes. Parfois, il lui avait bien attribué des caractéristiques humaines, pour s’amuser, marquer de son empreinte un espace naturel, mais il ne l’avait jamais ressentie réellement comme un être à part entière. Il comprenait maintenant combien sa vision avait été réductrice. Elle était, sur cette planète, l’être vivant possédant la plus grande énergie lumineuse. Voilà pourquoi des foules considérables se ruaient sur son corps, au bord de sa peau bleue et attirante. Tous, ils cherchaient à ressentir cette lumière mais ils ne le savaient pas. Il aurait fallu y penser, accepter l’idée, s’y plonger réellement, ça ne faisait pas partie de ce monde agité, c’était trop d’efforts, et simultanément trop d’humilité et d’écoute de soi. Chacun se chargeait de la lumière intérieure de la mer, du soleil, du vent, des parfums, des oiseaux blancs du large, pensant simplement à être bronzé, reposé, amusé. Mais pas illuminé…Et pourtant, elle continuait à diffuser sa lumière sans rien attendre en retour. Devant elle, personne ne pouvait réellement se sentir seul ou abandonné. Dans les moments de solitude humaine, il restait toujours cette possibilité de rencontrer un être planétaire. Cet individu assis, seul, sur une plage ou un rocher n’était pas réellement seul. S’il acceptait d’écouter la lumière qui rayonne en lui, s’il s’abandonnait et laissait s’établir le lien, le lien unique, immense, le lien avec la mer, avec l’univers, comment aurait-il pu se sentir seul ! C’était impossible. Il fallait le dire aux hommes, aux enfants d’abord. Oui, d’abord aux enfants. Ils écouteraient immédiatement car ils le savaient déjà mais n’osaient pas le dire. Les adultes sont si réducteurs, si raisonnables…Si coupables aussi. Non… Pas de condamnation…Il fallait développer le bien, ne pas les juger mais les aider. Il étouffa sa colère sous les caresses du soleil. Il descendit sur la plage, s’éloigna de la zone d’accès et se déshabilla. Alors, il sentit pleinement le contact.

    Il marcha sur le sable mouillé. C’était incroyable cette surface d’échange, incessamment excitée, ces caresses entre l’eau et la terre, ce contact permanent…Contact… Il sentit soudainement l’importance de ce mot. Il chercha si la terre en possédait un autre plus vaste encore et pensa à l’atmosphère. La planète et son atmosphère. C’était comme cette vague sur cette plage. L’atmosphère se couchait sur le corps de la Terre l’enlaçant totalement, la caressant, la protégeant et cette atmosphère, elle-même, baignait dans un environnement plus vaste. Il pensa que nous étions tous protégés par plus grand que nous et tous reliés par cette lumière commune, que la plupart des scientifiques, trop présomptueux, trop limités par leurs connaissances, ne parviendraient jamais ni à identifier, ni à situer, ni même à comprendre. L’humilité restait le fondement de l’amour.

    Il marcha sur le sable mouillé comme sur un lit défait, le point de rencontre de deux amants suprêmes. Chaque vague étirait son grand corps vers la plage lascive, étendait des nappes mouvantes, écumeuses et pétillantes comme autant de langues curieuses et il sentait émaner du sable mouillé des parfums subtils, des envolées d’essences délicates. Son corps, enveloppé dans ces baumes inconnus, se revigorait et se renforçait. Il suffisait d’être là, ouvert au monde, réceptif, oublier d’être l’homme pour devenir le complice.

    « Pierre !! »

    Il se retourna. C’étaient elles. Nues et belles. Elles marchaient les pieds dans l’eau. Le soleil matinal teintait de rose le satin de leurs corps et la vie les illuminait ! Immobile, il les regarda s’approcher. Il crut discerner au creux de leurs ventres un nœud brillant, un cristal éclatant, quelque chose qui irradiait au-delà de la lumière visible. Il voulait bouger mais sentit ses pieds soudés au sable alors, il laissa le bonheur venir à lui. Il eut l’impression que son ventre s’ouvrait pour les accueillir, que l’amour en sortait pour les envelopper, que des flots de joie toujours retenus s’élançaient enfin.

    Birgitt le toucha la première. Elle passa ses bras autour de son cou et l’embrassa sur les deux joues. Yolanda l’entoura à son tour. Il sentit la pointe de ses seins contre son torse. Aucune excitation ne s’éveilla. Il en fut heureux. Il était au-delà de cet amour humain. Il savait qu’il lui restait à découvrir une autre dimension, un état supérieur, qu’il était sur le seuil de ce monde et que rien ne l’obligerait à faire demi-tour. Elles lui parlèrent mais il n’entendit rien. Il suivit le mouvement de leurs lèvres mais n’en perçut que le parfum. C’était délicieux, une liqueur sucrée coulait en lui, un bonheur d’enfant, la quiétude du bébé dans le ventre de sa mère, un sourire intérieur. Il avança d’un pas, les enlaça par la taille, les rapprochant l’une l’autre, jusqu’à joindre leurs épaules. Elles le regardèrent sans inquiétude et se laissèrent guider. Leurs deux corps serrés, unis peau à peau, il appuya sa joue sur l’épaule de Birgitt et respira la douceur de Yolanda. Silencieuses, elles posèrent une main dans son dos et ne bougèrent plus. Alors, il laissa la musique du monde entrer en lui. Les vagues, le vent léger, les rayons solaires, l’eau sur ses pieds, leur peau si douce, la musique du monde comme une seule note maintenue, suspendue, la note parfaite, la vibration de l’univers, la palpitation de la lumière…Il vit une larme couler doucement sur la joue de Yolanda. Il la regarda descendre lentement, suivre la courbe du nez, piqueter le tissu tendu de la lèvre. La pointe de la langue la saisit.

    Il releva la tête. Elles pleuraient toutes les deux en souriant.

    « Pourquoi ? demanda-t-il.

    « C’est beau tout ça, murmura Birgitt. C’est si beau…On pensait plus c’est possible, avoua-t-elle. C’est beaucoup de toi on a parlé ce matin avec Birgitt. C’est beau tout ça. On va marcher tous les trois ?

    - Pas trois, répondit Yolanda. Tous. »

    Ils se sourirent encore, du sourire de la lumière. La lumière. Il sut qu’il ne la perdrait plus jamais. Il aurait peut-être du mal à la retrouver mais elle serait là, en lui, au cœur de l’amour et de s’en savoir habité diffusait déjà une immense sérénité.

    Ils avancèrent sur la terre et la terre bougea dans l’univers. Mouvements communs dans le même apaisement, dans la même unité. Ils échangèrent leurs paroles comme on échange des nourritures, ils s’en délectèrent, jamais rassasiés, toujours curieux d’une nouvelle saveur.

    Ils dépassèrent les endroits connus, alternant les grandes étendues désertes avec des plages fréquentées. Sans y penser, ils abandonnèrent les séances d’habillage déshabillage et restèrent nus.

    Ils atteignirent un lieu étrange, vaste courbure de la côte les isolant de toute vision humaine.

    Birgitt demanda à s’asseoir. Elle semblait bouleversée.

    « Je voudrais vivre dans un endroit comme celui-là, murmura-t-elle. Je verrais pas les hommes, que ceux ils feraient l’effort de venir ici. Je serais sûre de rencontrer des gens comme moi et comme vous deux. On serait bien ici, ça serait vraiment la paix. »

    Ils ne répondirent pas mais lui sourirent. Elle s’allongea directement sur le sable.

    Il scruta l’horizon en pensant aux enfants.

    Comment leur montrer tout cela, comment leur prouver que la vie est là et nulle part ailleurs ?

    Comment leur faire ressentir la lumière sans les immerger au creux de cet amour ?

    Est-ce que quelques jours à Pen Hir seraient suffisants ? L’importance de sa mission, un serment à vivre, pour se supporter, pour grandir et rejeter l’hébétude de la vie quotidienne.

    Il suivit longuement les vagues du large et leurs grandes ondulations, élégantes et répétitives, comme une respiration profonde. Il crut discerner dans ces soulèvements majestueux des regards d’enfants curieux. Il se sentit observé. Le monde nous étudiait, il en était certain désormais, c’était évident. Nous étions regardés comme le monde regardait les insectes éphémères et les arbres majestueux, les brins d’herbe légers et les baleines bleues, les oiseaux pélagiques et les enfants rieurs. Et toutes les choses du monde se regardaient les unes les autres.

    Yolanda posa une main sur son épaule. Il tourna la tête. Des yeux, elle lui désigna Birgitt.

    Elle avait posé les mains sur son ventre, elle avait fermé les yeux, sa poitrine montait et descendait doucement. Rien d’autre ne bougeait.

    « Elle est dans le calme, murmura Yolanda penchée sur son épaule. Tu veux faire aussi ?

    - Oui, indiqua-t-il de la tête.

    - Allonge-toi, je vais t’expliquer. »

    Elle colla sa bouche à son oreille, il suivit ses indications. Sa voix, comme des souffles câlins, glissait en lui et l’envahissait. Elle parlait par phrases courtes lui permettant de s’installer dans chaque période, d’abandonner peu à peu les sournoises résistances, les pudeurs éducatives. Nu, les yeux fermés, allongé sur une plage, aux côtés d’une jeune fille dévêtue, il se laissa pleinement guider, sans aucun autre intérêt que la délicieuse petite voix dans son oreille.

    Elle lui avait dit de poser les mains le long de son corps. Elle lui avait appris à respirer. Il n’y parvint pas tout de suite mais elle l’avait prévenu, il ne devait pas s’en inquiéter. Il lui obéit et ne s’en affola pas. Il continua comme elle le disait, avec la même patience. Quand il ne ressentit plus le moindre désir d’y parvenir, ni la moindre volonté de réussir, quand il atteignit l’oubli de tout sauf de son souffle, et que la petite voix s’était retirée en toute confiance, en lui conseillant une dernière fois de « laisser partir », alors il put suivre dans son être le souffle de la vie. Une présence inconnue. C’était partout et impossible à placer, ni dedans, ni dehors. Partout.

    Puis ça disparut.

    Il pensa à la petite voix et recommença à compter, comme elle le lui avait appris. Premier souffle, un, deuxième souffle, deux, troisième souffle, trois, quatrième souffle, quatre. Il recommença encore puis de nouveau, puis ne sut plus quand il recommençait, puis ne pensa plus qu’il comptait, puis ne reconnut que le souffle répété. Longtemps répété. Et la présence réapparut. C’était comme une lumière qui ne cessait de s’étendre dans un espace clos, tout était déjà rempli mais la lumière continuait à s’éloigner et faisant cela elle semblait toujours plus proche. Simultanément, elle gagnait en densité. Cette densité étrangement légère le suspendit à l’intérieur de lui-même, ni dans son crâne, ni dans son corps. Elle le maintenait hors de tout contact et à la fois il ressentait la lumière comme si elle le touchait, s’étendait sur lui comme une eau apaisante. Il pensa qu’il s’agissait peut être de sa conscience…Sa conscience seule, sans les apparats habituels, les camouflages grotesques, les substitutions ordinaires, les déviances quotidiennes…

    Ce rappel brutal de la faiblesse des hommes effaça tout et la présence disparut.

    Il n’aurait pas dû laisser la colère revenir. Il le comprit immédiatement. Oui, il y avait des mensonges, il ne fallait plus s’en préoccuper, c’était le mal, il devait penser au bien, uniquement au bien.

    Il ramena les yeux à la lumière extérieure. Ébloui, il posa une main en visière. Il tourna la tête. Birgitt était toujours allongée, les yeux fermés. De l’autre côté, Yolanda le regardait.

    « C’est bien, très bien, murmura-t-elle ravie. Tu es resté longtemps. C’est beaucoup pour une première fois.

    - Tu n’as pas fait comme nous ?

    - Non, je t’ai regardé tout le temps, j’ai pensé à ton calme, pour t’aider à le trouver. On ne sait pas si ça fait quelque chose mais on fait ça avec Birgitt. Tu as vu comment c’était ?

    - J’ai perdu le contact une fois et puis en comptant c’est revenu. Je ne saurais même pas dire ce que c’était. J’ai pensé à ma conscience et là tout est parti.

    - Il ne faut rien se dire, juste compter et puis après vivre sa respiration. Si tu fais venir une pensée, même si c’est une bonne pensée, tu perds tout. » 

    Birgitt avait ouvert les yeux et les regardait murmurer.

    « J’avais besoin de ça », dit-elle au bout d’un moment.

    Pierre tourna la tête.

    « J’ai fait comme toi tu sais ! dit-t-il enthousiaste. Yolanda m’a expliqué et j’ai trouvé quelque chose de calme, une sensation étrange, comme du vide mais ce n’était pas vide. Je voyais par-dedans, ça grandissait tout le temps. »

    Birgitt sourit à son amie.

    « Tu apprends vraiment vite, affirma-t-elle.

    - Je suis certaine que tu as déjà vécu des moments comme ça mais tu ne contrôlais rien alors c’était moins fort, ajouta Yolanda. Tu es rapidement resté calme. »

    Il pensa à ces séances de cannabis pendant lesquelles il tombait dans une absence étrange. Ça n’avait été qu’une fuite, une dérive de plus. Maintenant, il allait apprendre à maîtriser ce voyage.

    Il ferma la porte de la geôle et n’en dit rien.

    Ils échangèrent encore leurs idées, longtemps, sur la conscience, la méditation, l’univers, la philosophie…La chaleur du soleil les invita finalement à la baignade. Ils jouèrent dans les rouleaux. Birgitt, surprise par une vague puissante s’accrocha à la taille de Pierre qui s’efforça de la retenir. Il la serra totalement contre lui, sans penser à autre chose qu’au jeu. Quand la vague se retira, elle les laissa enlacés, ventre contre ventre, peau contre peau, les bras joints dans le dos. Yolanda les regarda. Ils sourirent et se séparèrent.

    « Vous étiez très beaux tous les deux », dit-elle, gentiment.

    Il baissa la tête et remonta sur la plage.

    Elles échangèrent un regard étonné. Elles le rejoignirent. Il s’était assis et laissait couler du sable entre ses doigts.

    « C’est quoi le problème, Pierre ? demanda Yolanda. Tu as l’air triste. C’est quand tu as serré Birgitt ? C’est pas un problème pour moi. C’est pas la jalousie entre nous deux si tu serres Birgitt. C’est bien avec toi et rien peut casser ça. C’est personne qui pense faire l’amour. Toi non plus, on le sait bien, ça se voit. »

    Il releva les yeux.

    « C’est bien comme ça nous trois, il faut pas mettre des choses qui font du mal… Il faut pas aller vite avec l’amour. On le sait, c’est important prendre le temps. Nous deux, on veut plus avoir du mal comme avant, c’était beaucoup, beaucoup de douleurs, c’est heureux comme ça pour nous trois. On veut pas penser faire l’amour et on veut continuer à t’aimer. »

    Ces mots incendièrent son ventre mais la chaleur, trop forte, ne forma aucun mot. Il la regarda intensément. Puis il se tourna vers Birgitt. Il tendit les mains en avant, paumes vers le ciel. Elles les saisirent et les serrèrent.

    «C’est vrai, c’est mieux comme ça. Il ne faut rien casser… Je vous aime toutes les deux. »

    Et disant cela, il comprit que ce n’était pas l’amour qu’il avait connu avec Nolwenn. Cet amour-là était humain. Il était à un autre degré maintenant, ni supérieur, ni inférieur. Autre chose. Il pensa aux ondes circulaires formées par une pierre jetée dans l’eau. Il était parti du centre, il avait atteint par des efforts constants le premier cercle, puis le deuxième et un autre, avançant avec une volonté tenace et une curiosité sans cesse renforcée, abandonnant sa lourdeur humaine pour une évanescence plus favorable à une progression régulière. Rien ne le ramènerait vers le centre. Il continuerait à tendre sa conscience vers les ondes sans cesse éloignées, en expansion constante, tel un univers. Cette image qu’il aimait tant éveilla un prolongement qui le surprit. Il tenta de l’expliquer.

    « Si notre conscience a la possibilité de grandir à l’intérieur de notre espace clos, c’est sans doute que nous ne l’avions pas développée auparavant et qu’il reste de la place mais se pourrait-il aussi que cette conscience soit extérieure à nous-mêmes, comme une conscience commune dans l’Univers et qu’il s’agisse simplement de la saisir pour l’inviter à occuper notre espace intérieur et que cet espace intérieur soit à la dimension de l’Univers ou l’Univers lui-même ? La plupart des hommes vivrait sans conscience, ce qui pourrait expliquer aussi les déviances de l’humanité. À la place de cette conscience universelle jamais rappelée, l’esprit s’emplirait de valeurs intrinsèquement humaines, totalement détachées de la source commune et ces valeurs, nombreuses et variées, incessamment renforcées pour le maintien du mensonge, donneraient l’impression à l’humanité entière qu’elle est sur la bonne voie…La manipulation de la masse par la masse elle-même nous a entraînés sur une fausse route. Nous ne sommes pas sur la voie de l’univers. Nous ne sommes plus en expansion avec lui. Nous sommes perdus parce que nous vivons dans une enveloppe de chair à laquelle nous sommes identifiés alors qu’il s’agit de l’Univers. »

    Il s’aperçut à travers le silence retombé qu’il n’avait pas parlé aux filles mais à lui-même.

    Il tourna la tête vers Birgitt.

    « J’ai pas tout bien compris. C’est des mots difficiles, il faut tu apprends le hollandais !

    - Ouh la ! Je suis déjà nul en anglais alors le hollandais, ça va me prendre vingt ans.

    - Je veux bien t’apprendre pendant vingt ans, » continua Birgitt sérieusement.

    Il lui sourit. Autant d’années que celles déjà vécues. Elle s’imaginait dans vingt ans toujours à ses côtés. Il aurait quarante-deux ans. La situation importait peu, il s’en apercevait pleinement. Il ne s’agissait pas, nécessairement, de constituer un couple et une vie sociale mais de continuer sur la voie de la connaissance, le reste, si ça devenait bon pour eux, se ferait naturellement. Ce n’était pas la finalité, ce serait juste une étape.

    Il tenait toujours leurs mains. Sans les lâcher, il se leva et les invita à le suivre.

    Quand ils rencontrèrent un tronc, lisse et blanc, échoué sur le sable, rejeté à mi-hauteur par une grande marée, ils posèrent les sacs et mangèrent.

    Pour la première fois, c’est Birgitt qui étala la crème solaire dans le dos de Pierre. Jusqu’ici, il s’était débrouillé. Il proposa ensuite de lui en faire autant. Il passa doucement ses mains sur la peau bronzée et n’en ressentit aucune excitation, juste le plaisir d’une volupté partagée. Il sentit combien cette pression des corps et cette retenue pour éviter des gestes apparemment suspicieux limitaient les relations humaines. On revenait à cette sexualité omniprésente quant il ne s’agissait que d’attention et de partage, on pouvait être accusé de perversité ou d’obsession maladive quand on désirait ce simple apaisement de l’autre, l’éveil joyeux de son sourire. C’était ridicule. Les hommes, encore une fois, s’étaient fourvoyés dans une impasse. À considérer que l’acte sexuel était la finalité d’une rencontre, le passage obligé, on attribuait à tous les gestes attentionnés une connotation sexuelle. Les enfants perdaient la grâce et la simplicité de leurs relations en imitant un monde adulte dénaturé et tortueux. Il songea aux difficultés qu’il avait rencontrées pour que les enfants acceptent de s’allonger dans la classe pour écouter tranquillement de la musique. C’était pourtant si simple, être ensemble, se laisser aller, s’abandonner et vivre…Tout simplement. Et si pour partager les moments de bonheur, si pour aider l’autre à le goûter pleinement, les contacts physiques s’avéraient utiles, pour quelle raison devrions-nous retenir nos gestes ? Seule la morale était perverse, c’est elle qui véhiculait ces dérives. L’amour était bien au-delà d’un seuil physique, à ce stade, on n’entrevoyait qu’à peine le bord de l’espace à découvrir, il le savait maintenant, il ne désirait pas faire l’amour avec Birgitt, ni avec Yolanda. Ils étaient déjà dans l’amour, ils avaient dépassé le seuil et avançaient dans des horizons lumineux.

    Il continua à masser le dos de Birgitt en s’attardant sur la nuque.

    Il revit en flashs rapides des périodes de l’année et la multiplicité des rencontres… Comme s’il était possible d’y trouver un équilibre, une plénitude permanente, c’était juste un égarement supplémentaire, une fuite inhérente aux images véhiculées par le monde adulte, la sexualité comme une fin en soi, l’aboutissement d’une relation. Ridicule. Il ne ressentait ni honte, ni colère envers lui-même mais une infinie tristesse. Tant de relations égarées dès le départ, tant de prolongements possibles, de complicités profondes arrêtées dans leurs élans par des objectifs sexuels à atteindre.

    Il ferait peut-être l’amour un jour avec Birgitt ou avec Yolanda mais il se laisserait simplement guider par le bonheur. Pour l’instant, le but était ailleurs. Les événements à venir parleraient pour eux.

    Ce fut une nouvelle journée de calme, de jeux, d’échanges, de regards et de sourires. Une journée heureuse, toute simple.

    Alors qu’ils rejoignaient le bungalow en fin d’après-midi, le propriétaire du centre leur annonça que la météo pour le lendemain n’était pas très optimiste.

    « Et si je vous emmenais en balade ? Vous êtes déjà allé à la dune du Pilat ?

    - C’est tous les ans quand on était petite, avec nos parents, s’exclama Birgitt en riant.

    - On connaît tous les grains de sable ! » ajouta Yolanda.

    Il n’insista pas.

    « Et faire de la voile, ça vous plairait ?

    - Avec un bateau et des voiles ? interrogea Birgitt incertaine d’avoir compris.

    - Oui, ça s’appelle un dériveur. Vers Arcachon, il doit bien y avoir moyen d’en louer un.

    - On n’a jamais fait ça ! dit Yolanda.

    - C’est pas grave, moi je connais. Je peux très bien mener le bateau tout seul mais je suis certain que ça va vous plaire. Et autour du banc d’Arguin, ça doit être magnifique.

    - Moi, c’est d’accord, confirma Birgitt.

    - Moi aussi !

    - Super, on va aller demander si le patron du camp connaît un loueur de bateau. »

     

  • Douze symptômes

    Je ne commente pas. Chacun et chacune le fera pour soi :) 

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