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Ray Bradbury
- Par Thierry LEDRU
- Le 07/06/2012
Décédé mercredi, l'écrivain de science-fiction a marqué l'histoire de la littérature. Florilège de ses mots les plus mémorables.
http://www.lefigaro.fr/livres/2012/06/07/03005-20120607ARTFIG00714-ray-bradbury-en-dix-citations.php

«Il n'y a pas besoin de brûler des livres pour détruire une culture. Juste de faire en sorte que les gens arrêtent de les lire.» Fahrenheit 451
«La paix, Montag. Proposez des concours où l'on gagne en se souvenant des paroles de quelque chanson populaire, du nom de la capitale de tel ou tel État ou de la quantité de maïs récoltée dans l'Iowa l'année précédente. Bourrez les gens de données incombustibles, gorgez-les de «faits», qu'ils se sentent gavés, mais absolument «brillants» côté information. Ils auront alors l'impression de penser, ils auront le sentiment du mouvement tout en faisant du sur-place. (...) Ne les engagez pas sur des terrains glissants comme la philosophie ou la sociologie pour relier les choses entre elles. C'est la porte ouverte à la mélancolie. Tout homme capable de démonter un télécran mural et de le remonter, et la plupart des hommes en sont aujourd'hui capables, est plus heureux que celui qui essaie de jouer de la règle à calcul, de mesurer, de mettre l'univers en équations, ce qui ne peut se faire sans que l'homme se sente solitaire et ravalé au rang de bête.» Fahrenheit 451
Un visionnaire...
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Désintégration positive
- Par Thierry LEDRU
- Le 06/06/2012
Très intéressant...
Dépression existentielle et désintégration positive de Dabrowski.
http://www.talentdifferent.com/depression-existentielle-et-desintegration-positive-de-dabrowski-par-jt-webb-1205.html
Je souhaite associer au billet précédent un document rédigé par JT Webb et que celui-ci m’a transmis il y a quelques jours.
Paru en février 2009, vous pouvez en trouver le texte original en cliquant sur son titre « Dabrowski’s Theory and Existential Depression »
Il s’agit d’un texte d’une quarantaine de pages qui reprend plus en détail et élargit la thématique abordée précédemment.
Au regard de la longueur tout autant que de l’intérêt que j’ai trouvé à ce document, ce billet est le premier d’une série de 3 qui sont la traduction d’une quinzaine de pages de ce document qui ont plus particulièrement retenu mon attention. Ceux qui seront intéressés pourront ensuite se plonger plus en détail dans le texte original.
- le premier billet présente les liens qui existent entre la dépression existentielle et la théorie de la désintégration positive de Dabrowski. Il présente également quelques points concrets qui me semblent utiles pour mieux ancrer sa réflexion sur le sujet quand on veut progresser (sensibiliser à la dépression des individus surdoués et aux risques de suicide qui peuvent y être associés est l’origine de mon travail de recherche).
Le texte de JT Webb fait référence à Rollo May et à Heidegger que certains pourront utilement citer à leur thérapeute si celui-ci est dubitatif quant à ce qui touche le surdon.
Il cite également la « zone de tolérance » intellectuelle mentionnée par Arthur Jensen. Certains pourront se retrouver dans le ressenti d’un enfant qui exprime se sentir tel un extra-terrestre qui attend de pouvoir rentrer chez lui.- le second et le troisième billet qui paraîtront sont plus applicatifs, proposant des exercices de développement personnel.
Et en exergue du texte de JT Webb, cette réflexion de Woody Allen : » C’est très dur de garder le moral. Vous devez passer votre temps à vous vendre à vous mêmes des tonnes de choses et certains sont bien meilleurs que dd’autres pour se mentir à eux-mêmes. Si vous regardez trop la réalité en face, elle vous tue« .
Page 3
Longtemps avant que je ne découvre la théorie de Dabrowski, je connaissais et avais compris la dépression existentielle. En fait, je la connaissais à titre personnel, pour l’avoir moi-même vécue. Comme tant d’autres leaders dans différents domaines, tout particulièrement tous ces hommes et ces femmes qui ont un engagement profondément passionné pour une « cause » (quelle soit d’ordre religieux, gouvernemental, sanitaire, environnementale ou relève de l’éducation), je l’ai vécue parce que je voyais bien que le monde n’était pas comme je pensais qu’il aurait du ou pu être. Il y a eu plusieurs périodes de ma vie pendant lesquelles j’ai été tellement abattu qu’il me fallait vraiment faire des efforts pour remarquer le bonheur autour de moi. Le résultat de tout ceci est que maintenant, quand je pense à la dépression existentielle, ça ravive en moi en les ramenant à la surface de ma conscience, toutes les pensées et les sentiments que, la plupart du temps, je préférerais ignorer ou éviter – des pensées noires, sans espoir au sujet du monde qui nous entoure.
J’ai fini par réaliser qu’une fois que l’on devient conscient de ça, et impliqué dans cette réflexion sur les questions existentielles, on ne peut plus revenir en arrière, au temps où on ne se posait pas de question. Comme le dit le proverbe, « on peut tirer sur une corde, on ne peut pas la pousser ». Comme tant d’autres, je continue à gérer tant bien que mal ces questions qui ont un tel impact sur moi, ainsi que les moments de dépression qui les accompagnent souvent.
A la vérité, ces moments de dépression chronique ne sont pas forcément une mauvaise chose.
Après tout, c’est un reflet de mon insatisfaction sous-jacente avec la façon dont sont les choses, dont je suis, dont le monde est ; c’est ce qui me pousse à continuer à me battre pour donner un sens à ma vie et aider les autres à y trouver aussi un sens. Mais je dois bien admettre que parfois, j’envie les gens qui n’ont jamais connu ce genre de dépression.
Pages 4 et 5
Au fil de mes études, j’ai commencé à voir au-delà des apparences, les hypocrisies et les absurdités dans la vie de tant de gens autour de moi… y compris chez mes parents et moi-même, et j’en suis arrivé à vraiment être dépressif. Fort heureusement, un professeur de psychologie bienveillant m’a permis, en le rencontrer sur plusieurs séances, de me décharger de ma colère et de mes désillusions. Autrement, j’aurais certainement implosé. Grâce à ce professeur qui, à bien des égards, m’a sauvé la vie, j’ai progressivement appris les moyens de gérer ce mécontentement et cette dépression, de telle façon que j’ai pu agir pour moi plutôt que contre moi.[…] J’ai aussi appris que beaucoup d’autres avant moi (certainement ceux qui pratiquaient autant l’introspection qu’ils étaient idéalistes), avaient eu à se débattre avec des questions existentielles similaires et avec la dépression existentielle.
[C’est à cette époque que] le psychologue humaniste Rollo May a fait paraître un livre intitulé « Existence: une nouvelle dimension en psychiatrie et psychologie » (1967). Ce livre a éclairé tout un pan de la psychologie qui était centre sur les questions existentielles.
May devint l’un des spécialistes les plus célèbres de la psychologie existentielle, et son livre continue à être un classique. Ce livre est fondé sur les écrits du philosophe Martin Heidegger qui a souligné l’importance de la phénoménologie – le phénomène d’être conscient de sa propre conscience de l’instant —. Heidegger a écrit sur ce sujet du “Dasein” , “être là” vivre l’instant présent en se sachant le vivre et veillant à ressentir pleinement la façon dont on le perçoit.
Le livre de référence de May mentionne d’autres auteurs qui se sont centrés sur les applications de la conscience existentielle à la psychanalyse et la psychothérapie, soulevant des questions fondamentales pour les thérapeutes, telles que « Comment sais-je que je suis en train de voir le patient tel qu’il est vraiment, dans sa propre réalité, plutôt qu’une projection de nos théories à son sujet ? » – ou bien encore « Comment pouvons nous savoir que nous voyons le patient dans son vrai monde… qui est pour lui, unique, bien concret, et en même temps différent de nos théories générales sur la culture ? » (May, 1967, pp. 3-4). Ou, dit autrement : “…qu’est-ce qui est vrai sur un plan abstrait, et qu’est ce qui est existentiellement réel pour cette personne donnée ?” (p. 13). En tant que thérapeutes, nous n’avons jamais participé directement au monde de nos patients, et pourtant, nous devons trouver un moyen d’y exister si nous voulons avoir une chance de vraiment les comprendre.
[…]
Page 6
Blaise Pascal a bien compris l’expérience de la conscience existentielle quand il écrit « Quand je considère la petite durée de ma vie absorbée dans l’éternité précédente et suivante, le petit espace que je remplis et même que je vois abîmé dans l’infinie immensité des espaces que j’ignore et qui m’ignorent, je m’effraye et m’étonne de me voir ici plutôt que là, car il n’y a point de raison pourquoi ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors. Qui m’y a mis? Par l’ordre et la conduite de qui ce lieu et ce temps a(-t-)il été destiné à moi?»
La notion de cette absurdité de l’existence – irrationnelle au point ne pouvoir être expliquée ou comprise par des mots ou des concepts – a été décrite par Kirkegaard et plus tard reprise par Camus, Kafka et Sartre.
Page 8
En grandissant, les enfants surdoués peuvent trouver que même leurs proches ne sont pas préparés à discuter ni même à envisage des sujets aussi lourds.
Ils “peuvent avoir à ratisser loin et large pour trouver des pairs capables de partager leurs intérêts parfois ésotériques ou même pour trouver quelqu’un capable de rire à leurs blagues un peu tordues. Ce défi poursuit les jeunes adultes sur leur lieu de travail, où le job de début de carrière dans lequel ils peuvent se retrouver conduit à les faire se sentir perdus dans la foule, incapables de trouver des pairs avec lesquels ils pourraient au contraire ressentir un vrai sentiment d’être connectés» (Fiedler, 2008, p. 170).Bien qu’ils cherchent à être sociables, les individus surdoués sont souvent confrontés à ce qu’Arthur Jensen (2004) a décrit comme une « zone de tolérance » intellectuelle : s’ils veulent espérer avoir une relation durable et qui ait du sens, il leur faut rencontrer quelqu’un qui ait un QI proche du leur, à plus ou moins 20 points. Hors de cette zone, les différences en matière de rapidité de pensée et de spectre d’intérêts seront telles que ceci conduira inévitablement à de l’impatience, à de l’insatisfaction, à de la frustration et à des tensions entre les protagonistes de la relation.
[…]
Surdoués, enfant comme adultes, sont souvent surpris de réaliser qu’ils sont différents. C’est douloureux pour eux de s’entendre critique par les autres pour être trop idéalistes, trop sérieux, trop sensibles, trop intenses, trop impatients, ou pour avoir un sens de l’humour trop bizarre. Tout particulièrement à l’entrée de l’adolescence, les enfants surdoués peuvent se sentir seuls dans un monde absurde, arbitraire, qui n’a aucun sens, et qu’ils se sentent impuissants à changer. Ils peuvent avoir le sentiment que les adultes qui sont responsables d’eux ne sont pas à la hauteur de l’autorité qui leur est dévolue. Ainsi que les décrit un enfant, ils se sentent « comme des extra-terrestres abandonnés attendant que le vaisseau mère revienne les récupérer pour les ramener chez eux » (Webb, Amend, Webb, Goerss, Beljan, & Olenchak, 2005, p. 136)
Ce sentiment d’étrangeté provoque chez eux des difficultés sociales et émotionnelles avec leurs pairs en âge, tout autant qu’avec leurs professeurs, ce qui ne peut qu’être des éléments supplémentaires pour conduire à la dépression.
Quand à leur intensité s’ajoute leur multipotentialité (surdon dans plusieurs domaines), ces jeunes gens peuvent alors en arriver à être frustrés des limitations existentielles que sont le temps et l’espace. Bien qu’ils s’efforcent de caser une activité de 27 heures dans le cadre des 24 heures quotidiennes, il n’y a tout simplement pas assez de temps pour développer tous les talents et intérêts qu’ils peuvent avoir. Ils doivent faire des choix, mais alors, faire des choix parmi autant de possibilités, ce n’est vraiment pas juste, c’est même tout simplement arbitraire ; or il n’y a pas de choix « définitivement judicieux ».
Pages 10 et 11
[…] Dans la théorie de la désintégration positive [de Dabrowski] de nombreux concepts expliquent pourquoi les surdoués, enfants comme adultes, peuvent être plus particulièrement prédisposés à ce type de dépression (Mendaglio, 2008b). Fondamentalement, Dabrowski a noté que les personnes dotées d’un plus grand potentiel de développement – une prédisposition naturelle, constitutive de la personne qui inclut un haut niveau de réactivité du système nerveux central (appelée hyperexcitabilité) – ont une plus grande conscience de la vie qui passe et des différentes façons dont les gens peuvent la vivre. Mais ce plus grand potentiel de développement les prédispose aussi des crises émotionnelles et interpersonnelles. Les personnes hypersensibles dans l’un ou plusieurs des 5 domaines listés par Dabrowski (intellect, émotions, imagination, psychomotricité et sensualité) perçoivent la réalité d’une façon plus intense et sous plusieurs angles à la fois.
Ils seront plus sensibles que les autres à ce qui leur arrive et à ce qui arrive au monde qui les entoure et de ce fait y réagiront avec plus d’intensité.
L’hypersensibilité intellectuelle les conduit à réfléchir et à poser des questions.
L’hypersensibilité émotionnelle les rend plus sensibles aux questions de moralité et d’équité.
L’imagination qui est hypersensible les conduit plus facilement à voir comment le monde pourrait être.
Globalement, ces hypersensibilités les aident à vivre des vies multifacettes et nuancées, mais dans le même temps, elles les conduisent à être plus sensibilisés à toutes les problématiques existentielles.
C’est là que Dabrowski insiste sur le rôle de la sociabilisation, qu’il appelle le « second facteur », facteur clé qui influence le développement personnel, bien que cette influence culturelle varie suivant le potentiel de développement propre à chacun.
Néanmoins, l’environnement social est souvent une gangue pour l’autonomie et l’”ajustement à une société qui est elle même “primitive et confuse” est a-développemental (c’est-à-dire qu’il freine le développement) et entrave la possibilité de découvrir sa nature profonde mais aussi la possibilité d’exercer son choix dans la façon dont on veut se développer et dans les directions que l’on veut prendre » (Tillier, 2008, p. 108). Cela dit, même quand on devient plus conscient de l’étendue et de la complexité de la vie et de sa propre culture, on commence à ressentir le doute, l’anxiété et la dépression. Dabrowski, néanmoins, insistait sur le fait que tout ceci, aussi inconfortable que ce soit, sont autant d’étapes nécessaires sur le chemin d’un développement personnel avancé.
[…]
Dabrowski a appelé le “troisième facteur” cette force intérieure, largement innée, qui pousse les gens à être plus déterminés et à contrôler leurs comportements en fonction de leur matrice personnelle de croyances et de valeurs, et non pas en fonction des conventions sociales ou même en fonction des besoins biologiques. Ce troisième facteur permet aux gens de vivre leur vie en toute conscience, délibérément, en agissant en accord avec leurs propres valeurs personnelles. La dynamique de ce troisième facteur conduit les gens à l’introspection, à l’auto-formation, à l’auto-développement et leur permet de se réaligner avec eux-mêmes à un niveau supérieur qui leur permet de transcender leur environnement grâce à une moralité et un altruisme élevés. Certains individus peuvent cependant se désintégrer sans arriver à se réaligner à ce niveau supérieur, quand même ils ne restent pas au même niveau qu’avant.
Page 15
Plus les gens sont brillants, plus ils ont conscience de ce que leur système de valeurs et de croyances n’est pas en phase avec celui des autres. Ils peuvent aussi noter des inconsistances dans leur propre système de croyances et de valeurs – leurs valeurs ne sont pas en phase avec ce qu’ils ressentent vraiment. Peu étonnant que tension et inconfort en résultent !
Ils peuvent faire face à un conflit personnel : faire face et éviter cette conscience ? Alors que d’un côté ils veulent être plus conscients des inconsistances et absurdités de façon à apprendre à être plus juste et à se comporter mieux ; d’un autre côté, ils cherchent à échapper à cette conscience si provoque autant d’inconfort en les obligeant à s’introspecter (ce qui n’est pas toujours une activité très reluisante), dans la mesure où ils tentent de vivre une vie qui a plus de sens, qui est plus conséquente, mieux pensée.
Pour s’adapter à une situation aussi inconfortable, ces individus adopteront alors l’une ou l’autre des combinaisons décrites par la psychanalyste néo-freudienne Karen Horney en 1945 :
(1) avancer quand même— accepter les conventions sociales, se conformer, s’intégrer au système pour avoir du succès,
(2) s’éloigner— rejeter la société traditionnelle en s’en retirant, être non traditionnel et même hermétique à elle.
Et
(3) s’opposer— rejeter la société en se rebellant contr elle, être en colère et ouvertement non conforme.Pages 16 et 17
En avançant en âge, les challenges de développement personnel que les gens rencontrent les sensibilisent toujours plus aux problématiques existentielles et augmentent la possibilité de survenue d’une dépression existentielle. Erikson (1959), Levinson (1986), et Sheehy (1995, 2006) ont décrit les différent stades de la vie auxquelles correspondent des étapes de développement.
De 18 à 24 ans – “On s’arrache” – On quitte le nid familial
De 25 à 35 ans – C’est la “décennie des tentatives” – On se pose en tant qu’adulte, on fait des choix professionnels, on s’ancre par la mariage, les enfants, la vie en société.
Entre 35 et 45 c’est “la dernière ligne droite” – Crise de l’authenticité; on réalise qu’on est à mi-chemin de sa vie; on fait le point sur soi-même et ses relations, on fait le choix entre continuer à avancer, arrêter de se battre (la solution de retrait) ou changer de vie.
Entre 45 et 55 ans, c’est l’”âge du Renouveau ou de la Résignation” – On redéfiniti ses priorités, on change ou on renouvelle ses relations, les rôles changent, les enfants quittent la maison, les parents sont âgés ou meurent, le corps change, on prend conscience plus encore de ce qu’on est mortel.
Au delà de 55 ans, c’est la “Régénération” – Acceptation ou rebellion face à la perspective de la retraite qui approche ; amis / mentors meurent; on fait le point sur sa vie professionnelle; les relations familiales changent; le corps change; on s’accepte tel qu’on est ou non.
Bien que la plupart traversent ces différentes étapes aux âges indiqués, je peux témoigner de ce que les adultes surdoués y font en général face plus tôt et de façon plus intense que les autres. Alors qu’ils tâtonnent autour de ces sujets, ils expérimentent les problèmes qui s’y rapportent tant pour ce qui concerne les relations avec le conjoint, les attentes que l’on a en ce qui concerne les enfants (et les relations qui en découlent), l’insatisfaction ressentie avec l’environnement au bureau et l’insatisfaction personnelle sur ce qu’on est soi-même.
Ils ne font là qu’expérimenter l’expérience de la désintégration présentée par Dabrowski, dans laquelle la dépression existentielle est le composant principal.
Il y a plus de 30 ans, la psychologue May Seagoe (1974) a élaboré un tableau dans lequel elle a listé les forces caractéristiques des enfants surdoués d’un côté ; et dans la colonne opposée les faiblesses et défis qui peuvent résulter de ces forces.
Le tableau qui suit s’en est inspiré pour les adultes surdoués.
Caractéristiques spécifiques Faiblesses et défis associés Capable de voir les potentiels. Exigences élevées pour soi et pour les autres. Penseur critique. Besoin de succès et de reconnaissance. Intolérant et intransigeant avec les autres. Peut chercher à atteindre des standards extrêmement élevés. Il a toujours quelques métros d’avance sur les autres. Capte et retient l’information rapidement Impatient face à la lenteur des autres. Peut apparaître comme un monsieur/madame « je sais tout » Grand stock d’informations dans des domaines pointus. Intérêts et habiletés divers. Multi-talent. Problèmes de choix de carrière. Frustré par le manque de temps. Sentiment d’être différent des autres. Solitude existentielle. Peut être perçu par les autres comme se contrôlant en permanence. Intense et intrinsèquement motivé. Haut niveau d’énergie. Comportement en permanence tourné vers l’atteinte d’un objectif. Personnalité de type « A » . Difficultés à se détendre. A du mal à s’arrêter. Peut négliger les autres pendant les périodes de grande concentration sur un centre d’intérêt. Obstination. Indépendant et autonome. Créatif et inventif. Apprécie la nouveauté. Difficulté à déléguer et à faire confiance aux jugements des autres. Rejette ce qui est déjà connu. Perturbe les habitudes ou les plans des autres. A besoin de sens et dans consistance dans les systèmes de valeur et les comportements, que ce soit pour lui-même ou pour les autres. Particulièrement auto-critique, regard parfois dépressif ou cynique sur les autres. Parfois autoritaire voire dominateur. Sensible aux autres. Désir intense de relations qui font appel aux émotions. Sensibilité très développée aux critiques des autres. Des relations intenses en situation de mentoring peuvent déboucher sur un désappointement tout aussi intense. Se focalise sur les causes et les effets. Insiste sur l’importance de fournir des arguments et des preuves Difficulté avec les aspects humains qui ne sont pas logiques, tels que sentiments, traditions, ou tout autre sujet qui repose sur la simple « foi ». Grand sens de l’humour – Capable d’autodérision Son humour peut ne pas être compris parles autres. Il peut se focaliser sur l’absurdité des situations. L’humour peut être tout autant un moyen d’attaquer les autres ou de les tenir à distance. Ces forces et difficultés associées conduisent la plupart des adultes surdoués à expérimenter au moins quelques conflits existentiels au cours de leur vie (Jacobsen, 2000; Streznewski, 1999).
Quatre de ces conflits surviennent avec une fréquence particulière et sous-tendent la désintégration, générant anxiété significative et dépression chez ceux qui y font face.
- Acceptation des autres contre désappointement et cynisme
- Acceptation de soi contre auto-critique excessive conduisant à la dépression
- Besoin d’émotions contre efficacité d’approches purement logiques et rationnelles
- Se trouver une raison d’être contre réalisations tangibles
Pour atteindre la désintégration positive, chacun a besoin d’atteindre d’atteindre une certaine zone de confort pour gérer (à défaut de satisfaire) les points listés plus haut.
Page 19
Apprendre à gérer les problématiques existentielles et la dépression
D’abord, les individus doivent apprendre à mieux se connaître. Les adultes surdoués ont l’habitude d’être en décalage sans pour autant comprendre comment ou pourquoi ils sont différents
Jacobsen (2000) décrit comment elle a reçu en consultation des gens qui arrivaient avec ce vague sens d’être différents ; chez d’autres revenait souvent le mot « trop » – trop sérieux, trop intense, trop complexes, trop émotifs etc. – Dès que ces adultes comprenaient que de tels comportements étaient normaux pour des gens tels qu’eux-mêmes, leur anxiété diminuait.
Mais à côté de mieux se connaître, il faut intégrer trois vérités mises en lumière depuis longtemps par le philosophe Arthur Schopenhauer (2004).
Il a souligné l’importance de nous connaître et de nous développer, exposant que
(1) les biens matériels dont nous disposons ne sont que temporaires et transitoires et ne peuvent en aucun cas ne nous fournir un confort durable
(2) ce que nous représentons aux yeux des autres est aussi éphémère que nos possessions matérielles, dès lors que les opinions des autres sont sujettes à changement à n’importe quel moment. De plus, nous ne pouvons jamais réellement savoir ce que les autres pensent de nous.
(3) ce que nous sommes est la seule chose qui importe vraiment. -
Chagrin d'école
- Par Thierry LEDRU
- Le 06/06/2012
Un livre de Daniel PENNAC
"La professeur est jeune, directe, non formatée, elle n'est pas écrasée par le poids de la fatalité, elle est parfaitement présente et sa classe est pleine de tous les élèves, parents, collègues et employeurs, à qui se sont joints les dix derniers ministres de l'education Nationale.
"Vraiment, nous n'y pouvons rien ? demanda la jeune professeur.
La classe ne répond pas.
C'est bien ce que je viens d'entendre ? On n'y peut rien ?"
Silence.
Alors la jeune professeur tend une craie au dernier ministre en poste et demdande :
"Ecris-nous ça au tableau : On n'y peut rien.
-Ce n'est pas moi qui l'ai dit, proteste le ministre.Ce sont les fonctionnaires du Ministère. C'est la première chose qu'ils annoncent à chaque nouvel arrivant : "De toute façon, Monsieur le Ministre, on n'y peut rien!" Mais moi, avec toutes les réformes que j'ai proposées, je ne peux pas être soupàonné d'avoir dit une chose pareille !
-Peu importe qui l'a dit, répond la jeune professeur, écris-nous ça au tableau.
Le Ministre se lève et écrit : On y peut rien.
"Ajoute un n' devant le y. Il fait partie du problème, ce n' et pas qu'un peu.
"On n'y peut rien."
-Parfait, qu'est-ce que c'est ce y d'après toi ?
-Je sais pas !
-Et bien, mes bons amis, il faut absolument qu'on trouve ce qu'il veut dire ce y, sinon, nous sommes tous foutus."
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La perfection.
- Par Thierry LEDRU
- Le 06/06/2012
La perfection caractérise un être ou un objet idéal c'est-à-dire qui réunit toutes les qualités et n'a pas de défaut.
La perfection désigne aussi l'état d'accomplissement moral et spirituel auquel l'être humain serait destiné : un état de liberté totale et de félicité absolue auquel l'homme ne pourrait accéder que par un travail constant sur sa pensée, ses paroles et ses comportements.
wikipédia
Je me méfie grandement de cette idée de perfection...Elle me semble contenir davantage de dangers potentiels que de plénitude. Sur quelles données se construit cette perfection ? Tout le problème est là. S'il ne s'agit que d'une comparaison entre les individus et l'établissement d'une hiérarchie, cette exigence contribue à l'élaboration d'un flot de douleurs. Pour ceux ou celles qui ne parviennent pas à se maintenir à flot au regard des plus performants et pour les plus performants à la douleur de ne pas pouvoir préserver ce statut de "leader". On entre là dans le phénomène de la compétition. Et il n'y a rien de positif dans ce fonctionnement dès lors qu'il s'agit uniquement d'être le numéro 1. Le sport se nourrit de cette exigence. Certains individus parviennent malgré tout à préserver une certaine distance, une capacité à relativiser ce statut. Roger Fédérer en est l'exemple le plus honorable. Les footballeurs en sont bien souvent les pires représentants... La puissance médiatique est un piège redoutable qui pose l'individu sur un piédestal illusoire. Etre "détrôné" représente une douleur incommensurable. Mais c'est une douleur dont l'individu est responsable étant donné qu'il a accepté la perversité du système.
Qu'en est-il de nos élèves ? Si nous présentons la perfection comme un but à atteindre, nous créons une pression ingérable. D'autant plus ingérable qu'elle est construite sur des critères de comparaison. Les évaluations nationales sont les piliers de ce système. Il n'est pas question dans ce cadre étroit de juger de l'évolution de l'élève mais intrinsèquement de positionner l'individu sur une échelle de réussite globale. C'est son positionnement sur cette échelle qui est censée mesurer sa performance. Et c'est une absurdité absolue. Je connais des élèves qui sont "performants" dans ces épreuves et qui sont pourtant des individus partiellement "éteints". Ils ne sont juste que des récitants très doués. Le contenu a pris le pas sur le contenant.
La performance n'a de réelle valeur qu'au regard de la qualité du contenant et de l'observation constante du contenu. Roger Fédérer pourrait être un très grand joueur de tennis et un homme insignifiant. C'est l'équilibre parfait entre la qualité de son jeu et la valeur humaine qui en fait quelqu'un de performant.
La performance est un chemin et non une fin. Elle n'est pas un objectif mais un moyen. Le moyen de contribuer à l'évolution de l'individu et c'est donc une démarche éminemment individuelle. Il ne s'agit pas de le placer sur une échelle comparative mais de l'amener à observer son cheminement. Aucun état de perfection n'est accessible ni même durable s'il n'est que la participation à un étalonnage de la masse. Car le "premier" ne le sera qu'au regard d'un ensemble de critères limitatifs. Le seul classement acceptable est celui que chaque individu établit au regard de sa propre évolution. L'objectif est de contribuer à passer successivement devant soi et non devant les autres. La performance est individuelle et ne se mesure que dans le creuset de son propre cheminement. Celui qui cherchera à apprendre à jouer au tennis à cinquante ans sera le premier en soi. Et demain, il passera devant ce premier puisqu'il comblera ses insuffisances. Il serait vain et absurde qu'il se compare à Roger Fédérer. Sa performance n'existera qu'à travers son propre engagement.
Et c'est là que la notation et toutes les évaluations formatives, les applications de données cognitives ne sont que des ersatz de réussite. Ce n'est pas le contenu qui importe mais le contenant. Ce n'est pas ce que l'homme sait qui importe mais que l'homme qui sait se connaisse. Si l'humanité est en dérive, c'est justement parce que la connaissance cognitive est devenue la référence et que la comparaison est un critère de sélection. Si l'école participe à ce naufrage, elle n'est plus que l'orchestre du Titanic qui continue à jouer quand le vaisseau coule. Est-ce qu'il est acceptable que les musiciens usent de leurs compétences alors qu'il s'agit d'oeuvrer à sa propre survie et à la survie des passagers ? Est-ce que l'éducation nationale doit chercher à être performante dans ces critères sélectifs alors qu'elle coule ?...La coque est déjà éventrée, l'eau s'engouffre, il n'est plus temps de changer de cap. Le vaisseau est condamné. Il s'agit maintenant de sauver les passagers.
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L'attente
- Par Thierry LEDRU
- Le 05/06/2012
Dans une classe, il est impossible de ne pas avoir d'attente si on s'en tient à l'idée de l'accession au savoir mais je pense qu'il est inutile et même malsain d'en faire LA priorité. Parce que les enfants le perçoivent et que c'est le meilleur moyen de les brider par la peur que cela génère. Lorsque je leur enseigne les fractions par exemple, j'ai bien une intention, c'est celle de leur permettre de maîtriser une technique, une connaissance. Mais ça, c'est à moi que ça appartient et l'angoisse de ne pas y parvenir, c'est moi qui la fabrique. Et je ne dois pas la leur transmettre sinon je les alourdis de ce que JE porte. Et c'est depuis que je tente de me libérer moi-même de cette pression, sans perdre de vue l'objectif technique, que je perçois, parfois, chez certains enfants, ce plaisir simple, pur, de la connaissance pour elle-même. Non pas pour répondre à mes exigences, non pas pour accéder à un diplôme, à une note, à une évaluation mais juste pour se mesurer, soi, à la difficulté de l'apprentissage. C'est la connaissance qui est le but ultime et toutes les émotions qui viennent se greffer à ce cheminement sont des entraves. Même la fierté est une entrave car elle porte l'idée de l'espoir. Si je travaille dans l'espoir d'être fier de moi, je ne suis pas en train d'apprendre mais de répondre prioritairement à une notion rapportée, à quelque chose qui émane de mon statut social d'élève. Et c'est une perversion de la connaissance elle-même.
Il ne me paraît pas sain d'attendre ou d'espérer que les élèves se détournent de nos projections, c'est déjà trop tard, le mal est fait. Ils sont entrés dans le champ de nos influences et leur liberté s'en trouve bafouée. Cette liberté d'oeuvrer à sa propre évolution, non pas en se confrontant à un adulte ou à un groupe d'élèves mais juste à ce défi personnel de l'observation de soi. Il est préférable par conséquent, à mes yeux, de les absoudre de cette nécessité de se protéger de nos émanations de technocrates...Leur offrir simplement ce bijou de la connaissance, juste pour ce qu'elle est. La pression de la réussite est une émanation pestilentielle.
Apprendre à apprendre est le chemin parfait à mes yeux. Mais il faut désapprendre tout ce qui est venu se greffer sur le chemin, toutes les bornes fossilisées, les ossements du mammouth. Le mammouth de l'Education Nationale. Celui-là est mort depuis bien longtemps mais son souvenir perdure dans les récitants qui le vénèrent comme des croyants implorant des reliques.
Il est temps de passer à une autre dimension. Et seule, la démarche existentielle et non intellectuelle pourra apporter ces nourritures indispensables. ce travail sur les émotions est le chemin de toute une vie...Développer les émotions positives revient là encore à créer les conditions de la désillusion. C'est tout aussi néfaste que de subir les émotions destructrices. C'est vouloir apporter aux conditions de vie une "interprétation" qui n'a plus rien à voir avec la réalité. Si j'en viens à être déçu par l'évolution d'un enfant, ça n'est pas ce qui est qui me désole, ça n'est pas ce que l'enfant est, mais la désillusion envers ce que j'espérais. Cette attente que j'avais fabriquée est une pression énorme qu'ils perçoivent. Lorsque je dis qu'il n'est pas sain que nos élèves se détournent de nos projections, je veux dire par là que ces projections ne doivent pas être une opportunité d'évolution à travers la confrontation. C'est un combat dont ils n'ont pas besoin. Leur existence est déjà assez rude comme ça. Il est bien plus préférable à mon avis de les accompagner avec bienveillance, de les conseiller si nécessaire mais de ne rien imposer qui ne soit pleinement compris.
L'estime de soi est une valeur efficace lorsqu'elle est issue d'un réel rapport à soi et non à une mise en concurrence avec autrui, que ça soit le Maître ou les autres élèves. Sinon, cette estime de soi est un paravent. Elle n'est pas générée par une lucidité mais par des valeurs rapportées par l'environnement. Et c'est encore une fois le meilleur moyen de se placer dans la situation d'être déçu. L'estime de soi lorsqu'elle est issue d'un rapport de force est une aberration et le ferment de ce système destructeur des individus. L'école ne doit pas entrer dans ce marasme, elle doit protéger les enfants de ce fonctionnement pervers. C'est là sinon que se met en place l'homogénéité qui n'est qu'un conditionnement. Le travail existentiel a justement la force d'opposition, de résistance qui permet aux individus d’œuvrer à leur propre évolution et non de se soumettre à une évolution hiérarchisée. Le conditionnement est à la base de la formation du citoyen, pas de l'être humain. Le citoyen est un pilier de la nation. Et les nations entretiennent le conditionnement. La boucle est bouclée. Les élus du système travaillent au maintien de leurs privilèges. Uniquement.
C'est en cela que je travaille dans ma classe à établir un rapport d'équilibre. Non pas dans l'abandon de mon statut de maître et une liberté totale de mes élèves mais dans un rapport respectueux, une nourriture spirituelle partagée, un échange de leçons de vie. Ils ont autant à m'apprendre que moi. Puisqu'ils m'obligent à m'observer. Et sachant cela, étant donné que je le leur dis, ils savent que nous sommes des partenaires mais que mon expérience de vie me confère légitimement, et non pas par la force, un avantage sur eux. Je suis "l'Ancien". Un Ancien qui continue à apprendre sur lui-même à travers ce qu'ils me renvoient.Il est bon pourtant de sentir que l'on réussit. Mais ce bonheur n'est pur et réel que s'il est libéré de toutes les entraves de l'environnement. Je réussis pour moi et pour honorer la connaissance qui se propose à moi. Pas pour les parents, pour mes professeurs, pour avoir un métier, pour être le "meilleur", pour être bien classé, bien payé, pour pouvoir consommer... C'est dans la réalité de ce bonheur qu'il faut observer les émotions et les raisons réelles qui le nourrissent.
"Quand tu les acceptes, les choses sont ce qu'elles sont. Quand tu ne les acceptes pas, les choses sont ce qu'elles sont. "
C'est là qu'il faut observer ce que nous voulons être.Le système scolaire est un mammouth crevé qui pue la charogne parce que ce travail existentiel n'a pas été présenté comme le fondement de toute l'évolution. Il n'est même pour la hiérarchie qu'une perte de temps. Il n'est qu'à voir le regard suspicieux de mes inspecteurs successifs sur les panneaux affichés aux murs de la classe.
"Si tu n'es pas toi-même, qui pourrait l'être à ta place ?" Henri David Thoreau
"Vouloir améliorer l'humanité, c'est à dire l'ensemble des hommes, sans améliorer la qualité de l'homme, est une utopie. Le mon de ne deviendra meilleur que si chacun des hommes est meilleur. "Georges Roux.
"Une éducation capable de sauver l'humanité n'est pas une mince affaire. Elle implique le développement spirituel de l'homme et le renforcement de sa valeur personnelle. "Maria Montessori.
Qu'un inspecteur ose me dire que tout cela ne me concerne pas...Que ça n'est pas mon travail...
Ah, bon, et alors qu'est-ce donc ? L'accord du participe passé employé avec l'auxiliaire avoir ? Le périmètre du cercle ?
Oui, bien sûr, ce sont des éléments utiles. Mais ça ne donne pas de la valeur à l'humain. C'est même un système carcéral si cela contribue à classifier, hiérarchiser, cataloguer, orienter, sanctionner...On n'est plus dans l'accession à la connaissance mais dans les dégâts collatéraux associés à cette impossibilité de parvenir à cette connaissance. Juste une connaissance technique.
J'ai redoublé ma 5ème au collège. Et puis, mes parents m'ont changé d'établissement. Et j'ai rencontré Monsieur Pichon. Professeur de français. Et d'élève déprimé, dégoûté, massacré, humilié, je suis devenu en un an un élève enthousiaste. Mon potentiel intellectuel était pourtant le même. Personne ne m'avait greffé de neurones supplémentaires. La seule différence, c'est que cet homme aimait ses élèves. Et que j'étais heureux avec lui, jusqu'à en oublier les autres porfesseurs, ceux qui continuaient à ne voir en moi qu'un rêveur paresseux.
J'étais entré dans le champ d'influences d'un professeur aimant, respecteux, attentif, calme, patient, et c'était l'ouverture de l'antre sombre de mon potentiel intellectuel. En seconde, en première et en terminale, il y a eu un autre professeur de français, Monsieur Ollier. Et puis Madame Sotirakis, professeure de philosophie. Il a suffi de trois professeurs pour que je ne sombre pas.
Je n'oublierai jamais leurs visages, ni même leurs voix. Je les bénis. Je les honore.
Rien ne sera jamais plus important que l'amour. Aucune méthode, aucune technique.
Il n'est nul besoin de fabriquer des attentes, des espoirs de perfection ou de performances. Il suffit de rester là, dans l'instant, de ne pas voir en face de soi des élèves mais des enfants. Et de les enlacer dans les circonvolutions de la connaissance. La connaissance pure, sans intention.
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La désillusion , Reflets du temps.
- Par Thierry LEDRU
- Le 03/06/2012
http://www.refletsdutemps.fr/index.php?option=com_zoo&task=item&item_id=1685&Itemid=2
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La désillusion

Avec le temps, les années à travailler avec les enfants, j’ai fini par comprendre que je n’avais aucun espoir à avoir au regard de l’énergie que je dépense avec eux. C’est totalement inutile. Ça ne m’appartient pas. Il y a beaucoup trop de paramètres qui entrent en compte et qui m’échappent totalement, et même si je maîtrisais 99 % de la situation, il y aurait une pression ingérable qui s’installerait si je désirais obtenir des résultats conséquents. Ce qui importe et qui m’appartient totalement, c’est que je m’applique à faire ce qui me semble juste. L’intention ne doit pas faire partie de ce travail au risque de tomber dans la désillusion. Mais ce n’est pas la réalité qui crée cette désillusion. C’est moi parce que la réalité ne correspondra pas à ce que j’espérais atteindre. Dès lors, je vais renforcer ma pression sur les élèves étant donné que cette désillusion me renvoie une image négative de moi-même. Le piège est redoutable. Cette pression, je vais la transmettre et les enfants la recevront et la transformeront inconsciemment en peur. Leurs résultats en seront impactés parce qu’ils seront figés par mes attentes.
Dans ce métier, il ne faut avoir aucune attente, aucun espoir, aucune intention. Il faut juste se contenter de faire ce qui semble juste, utile, efficace, judicieux.
Finalement, il faudrait avoir dans chaque classe une personne qui observe l’enseignant et qui travaille avec lui sur son propre vécu, qui l’aide à analyser son propre parcours, les raisons de son engagement dans ce métier, les traumatismes et ce qu’il cherche à apaiser en lui, la reconnaissance qu’il voudrait obtenir, la vision qu’il a de l’enfance au regard de l’enfant qu’il porte en lui… Mais les enseignants sont seuls et c’est donc un travail qu’il doivent mener dans leur solitude et en explorant leurs angoisses. On rejoint le travail nécessaire de l’inconscient si cher à C.G. Jung. La connaissance de soi consiste en un travail d’introspection permettant la compréhension de ce qui nous constitue. Car comment envisager de transmettre des connaissances alors que celui qui en est chargé ne sait pas ce qu’il porte ? On pourrait penser que la maîtrise des techniques suffise mais ça serait une illusion redoutable là encore. Le contenu n’a aucune importance si le contenant ne sait pas de quoi il est constitué. C’est comme une outre percée qui se viderait sous la pression exercée par la fonction de porteur d’eau. Il faut que l’outre soit étanche, qu’elle ait colmaté les fissures, qu’elle ait renforcé la structure. Là, il sera possible qu’elle transporte ce pour quoi elle est faite et même, chose surprenante, qu’elle continue à croître et à porter un volume de plus en plus important.
Il y a une attitude indispensable pour apprendre de quoi l’outre est constituée. C’est l’humilité. Ce qui n’a rien à voir avec le doute. Celui qui doute ne peut transmettre que ses peurs. Celui qui reste humble transmet sans chercher à savoir si cela aura un effet. Il agit. Sans se soucier de la portée de ses actes. Il est du coup disponible pour analyser la justesse de ses actes et les modifier si cela lui semble nécessaire, non pas au regard des effets mais au regard de la réception de ses propos et de ses actes. Est-ce que ce qu’il fait est reçu avec enthousiasme ou est-ce que les personnes concernées restent inertes et juste soumises à sa pression ? Le seul effet à analyser, c’est l’engagement qui est déclenché par l’enthousiasme de celui qui transmet et l’enthousiasme de celui qui reçoit.
Il s’agit par conséquent de rester impliqué dans l’instant présent. Sans se préoccuper des résultats. Il sera toujours temps, plus tard, d’en juger. Si ces résultats se révèlent insuffisants au regard de ce qui est réalisable, il conviendra, non pas de juger celui qui n’a pas atteint un objectif totalement subjectif, mais de juger de l’investissement de celui qui transmet.
Il reste le problème posé par ceux ou celles qui restent imperméables à toute transmission ou qui ont besoin d’un laps de temps conséquent pour y parvenir. Les raisons, encore une fois, peuvent être innombrables. La structure scolaire, de par sa rigueur, génère dès lors une pression insurmontable. Celle de l’enseignant qui se sent impuissant, celle du temps qui file et qui va imposer une sentence, celle d’un cadre qui n’est absolument pas favorable à la prise en charge spirituelle de ces individus. Je dis bien « spirituelle » et non pas « psychologique ». Là aussi, je suis persuadé aujourd’hui, après trente ans de travail, que c’est là que se situe le problème.
La psychologie n’est qu’une version scientifique de la spiritualité. Il fallait un terme « laïc » parce que la religion s’est accaparé la spiritualité. Il n’en est rien pourtant étant donné que la spiritualité est une voie d’éveil, là ou l’adhésion religieuse est un embrigadement. Et la religion n’a encore rien à voir avec la Foi.
C’est de spiritualité dont les enfants ont besoin. Mais quels enseignants considèrent que pour eux-mêmes, c’est un travail indispensable ?…
Thierry Ledru
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Roosevelt 2012...
- Par Thierry LEDRU
- Le 03/06/2012
ROOSEVELT 2012
http://www.roosevelt2012.fr/
Dire l’extrême gravité de la situation
Il y a déjà plus de 5 millions d'inscrits à Pôle Emploi, des millions de précaires et nul doute hélas que nous allons bientôt replonger en récession.
La crise des subprimes est née aux Etats-Unis et une nouvelle crise est en préparation : la dette totale des Etats-Unis atteint 358 % du PIB. En 2011, alors que la dette publique augmentait de 1.300 milliards, le PIB a augmenté de 260 milliards seulement. Le PIB augmente 5 fois moins vite que la dette ! De plus en plus de dette pour de moins en moins de croissance... La première économie mondiale est comme une voiture, qui a besoin d’un litre d’huile tous les 300 mètres. A tout moment, elle peut casser une bielle et le moteur va exploser. Des coupes budgétaires colossales sont prévues à partir de 2013 qui risquent de faire plonger les USA dans une récession historique.
En Chine, la bulle immobilière a atteint plus du double du maximum atteint par la bulle aux Etats-Unis avant la crise des subprimes. En 2009, pour éviter la récession, le gouvernement a ordonné aux banques d’accepter toutes les demandes de crédit qui leur parvenaient...
Redonner de l'oxygène à nos Étatsen PDF
> diminuer très fortement les taux d'intérêt sur la vieille dette
Est-il normal que les Etats payent 600 fois plus cher que les Banques privées ? On a appris récemment que la Réserve fédérale américaine a secrètement prêté aux banques en difficulté la somme gigantesque de 1.200 milliards au taux incroyablement bas de 0,01 %.
Au même moment, dans de nombreux pays, les peuples subissent de plein fouet des plans d’austérité car les marchés financiers ne prêtent de l’argent à certains États qu’à des taux de 6, 7 ou 11 %. Asphyxiés par de tels taux d’intérêt, les gouvernements sont poussés à bloquer les retraites, les allocations familiales ou les salaires des fonctionnaires et à couper dans les investissements, ce qui accroît le chômage et va nous faire plonger bientôt dans une récession d’une extrême gravité.
Est-il normal que, en cas de crise, les banques privées, qui se financent d’habitude à 1 % auprès des Banques centrales, puissent bénéficier de taux à 0,01 % mais que, en cas de crise, les Etats soient obligés, au contraire, de payer des taux 600 ou 800 fois plus élevés ?
2 Dégager de nouvelles marges de manœuvre financièresen PDF
> créer un impôt européen sur les bénéfices des entreprises
Le taux d’impôt sur les bénéfices des entreprises n’est que de 25 % en moyenne en Europe contre 40 % aux Etats-Unis. C’est le monde à l’envers ! On croyait que les Etats-Unis étaient les plus libéraux mais ils taxent plus que nous les bénéfices des entreprises.
Taux moyen d’impôt sur les bénéfices des entreprises U.S.A. 40 % Europe 25 % Pourquoi l’Europe a-t-elle un taux aussi faible ? Depuis l’adhésion de l’Irlande et de la Grande-Bretagne, en 1973, tous les états européens sont poussés au moins-disant fiscal par les états qui baissent leur impôt sur les bénéfices pour attirer les entreprises. L'Irlande a baissé son taux à 12 % et tous les états membres ont du baisser leur impôt sur les bénéfices… Au niveau européen, le taux moyen d'impôt sur les bénéfices a baissé d'un tiers en vingt ans. Ce moins-disant fiscal est l'une des causes importantes de l’endettement public.
3 Mettre fin au sabordage fiscal nationalen PDF
Pour sortir de notre dépendance aux marchés et rééquilibrer nos comptes publics, on peut trouver aussi d’importantes marges de manœuvre au niveau national en annulant une bonne partie des baisses d’impôts octroyées aux grandes entreprises et aux citoyens les plus riches depuis 10 ans.
Le rapport du député UMP Gilles Carrez publié le 5 juillet 2010 montre que si on annulait l’ensemble des baisses d’impôts votées depuis 2000, l’Etat aurait chaque année 100 milliards de plus dans ses caisses. Si nous revenions simplement à la fiscalité qui existait en 2000 (nul ne la jugeait confiscatoire ou sovietiforme), notre déficit se transformerait en excédent !
L'Etat a perdu 100 milliards de recettes fiscales
Les Echos du 5 Juillet 2010
4 Boycotter les paradis fiscauxen PDF
> utiliser le levier de la commande publique
Un rapport du Parlement européen estime que la fuite vers les paradis fiscaux provoque chaque année un manque à gagner fiscal de l’ordre de 1 à 1,5% du PIB pour chaque État membre. En France, c’est chaque année une perte de 20 à 30 milliards d’euros. Au-delà des beaux discours, aucune action sérieuse n’est engagée aujourd’hui pour les lutter contre les paradis fiscaux.
5 Limiter au maximum les licenciementsen PDF
L’Allemagne a connu en 2009 une crise économique deux fois plus grave que notre pays. Pourtant, malgré un choc économique 2 fois plus fort, le chômage a augmenté 6 fois moins en Allemagne qu’en France.
Récession 2009 Evolution du chômage Allemagne - 4,6 % + 220.000 France - 2,3 % + 1.200.000 Comment expliquer ce « miracle » ? Les syndicats allemands sont allés voir Angela Merkel pour exiger que le licenciement devienne un dernier recours et que la règle générale soit de garder le maximum de salarié(e)s, le maximum de compétences, dans l’entreprise en développant le Kurzarbeit.
6 Sécuriser les précairesen PDF
Dans chacun de nos pays, chaque mois, des dizaines de milliers d’hommes et de femmes arrivent en fin de droit et basculent dans une très grande précarité. Vu la gravité de la crise et le peu d’espoir d’un retour rapide au plein-emploi, il est urgent de prolonger l’indemnisation des chômeurs et d’améliorer leur accompagnement et leur accès à la formation.
7 Interdire aux banques de spéculer avec notre argenten PDF
> séparer les banques de dépôt et les banques d'affaires
Pour protéger l’épargne des citoyens et ne pas faire courir de risques aux finances publiques ni au financement de l’économie réelle, le principe d’une séparation étanche entre Banques de dépôt et Banques d’affaires vient d’être acté en Grande-Bretagne mais les lobbies ont obtenu que son application soit repoussée à… 2019 ! C’est évidemment beaucoup trop tard. Vu le risque qu’une crise majeure éclate bientôt sur les marchés financiers, il faut mettre en œuvre cette réforme sans tarder pour protéger l’économie réelle.
Pour interdire aux banques de spéculer avec l’argent de M. et Mme Tout-le-monde, il faut séparer les banques de dépôt et les banques d’affaires. C’est une des premières réformes qu’a fait adopter Roosevelt en 1933 en faisant voter le Glass Steagal Act.
8 Créer une vraie Taxe sur les Transactions Financièresen PDF
Si une telle taxe avait été créée en 2008, même à un taux très faible, elle aurait déjà rapporté entre 250 et 600 milliards. La crise grecque aurait pu être réglée très vite, sans demander d’efforts aux peuples d’Europe. Qu’attendons-nous pour créer enfin cette taxe et rassurer le peuple allemand comme les autres peuples d’Europe en leur disant que c’est la dernière fois qu’on leur a demandé un effort injuste ?
Dorénavant, ce sont les marchés financiers qui seront mis à contribution pour abonder le Fonds européen de Stabilité.
9 Lutter contre les délocalisationsen PDF
> imposer le respect des normes sociales et environnementales dans le commerce mondial en convoquant un nouveau Sommet de Philadelphie
En 1944, avant de convoquer le sommet de Bretton-Woods qui va reconstruire le système financier international, Roosevelt organisait le sommet de Philadelphie, qui adoptait comme priorité absolue le respect d’un certain nombre de règles sociales : "le travail n’est pas une marchandise. (…) Il n’y aura pas de paix durable sans justice sociale" affirmaient Roosevelt et les autres chefs d’état avant de définir des règles sur les salaires, le temps de travail et le partage entre salaires et dividendes…
Des règles très concrètes à respecter dans chaque pays comme dans le commerce mondial. Avant que les néolibéraux ne les démantèlent, ces règles ont permis 30 ans de prospérité sans dette.
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L'aperception
- Par Thierry LEDRU
- Le 02/06/2012
On appelle aperception une perception accompagnée de réflexion et de conscience.
La question dès lors est très simple : est-ce qu'il nous arrive réellement d'être dans l'aperception et pas uniquement dans la perception ?...
Pour ma part, je dirais que j'y parviens épisodiquement lorsque je suis totalement détaché de toutes les interférences du monde.
Par conséquent, c'est relativement rare.
Et c'est sans doute ce qui m'est le plus difficile à vivre.
Je travaille depuis plusieurs jours pour les enfants de ma classe : des dossiers interminables, des comptes-rendus, des synthèses, des Projets éducatifs, des documents "passerelle" pour le collège...Tout un suivi cognitif et comportemental. Tout ce qui contribue à identifier l'enfant, à le cataloguer, à le classifier, à l'étiqueter.
Je sais à quel point ces documents peuvent être dangereux s'ils tombent dans des mains mal intentionnées. Il y a des esprits pervers qui n'envisagent aucune amélioration de l'humain. Aussi fou que ça puisse paraître. L'étiquetage est indéchirable, collé pour toute la scolarité et générant un traumatisme qui perdurera l'existence entière.
Il y a des jours où l'importance de mon rôle me trouble considérablement.