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Un service
- Par Thierry LEDRU
- Le 30/10/2011
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http://www.pinceau-magique.com/
Une amie participe à un concours artistique. Si son travail vous plaît, il vous suffit de voter en suivant le lien sur la page.
Merci à vous.
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Pinceau Magique a été sélectionné pour participer au concours national « Le tremplin des créateurs »
organisé par M6 et Alittlemarket !!!
Ce concours se déroule sur 2 semaines et dure jusqu‘au 7 novembre 2011 minuit.
♥ Si vous aimez les tableaux de Corinne Le Strat, votez pour elle !
Voici le lien :
http://www.tremplindescreateurs.teva.fr/profil/681.htmlAttention, pour que le vote soit pris en compte, vous devez le valider en cliquant sur le lien envoyé par
« Tremplin des créateurs » sur votre boite mail.
Et petite précision, vous pouvez voter plusieurs fois si vous avez plusieurs adresses mail !
Rien ne vous empêche d'envoyer ce lien à vos contacts et quoi qu’il arrive MERCI !! ;))
CE SOIR, LE COMPTEUR AFFICHE 99 VOTES.
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L'illusion de la matière
- Par Thierry LEDRU
- Le 30/10/2011
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Il avait dix ans.
Un séjour dans la montagne avec Izel.
Il était allongé sur une natte, à même le sol, près d’un foyer. Son père était là, il alimentait le feu de temps en temps et parlait doucement. L’enfant devinait dans le reflet des flammes, les yeux étroits de son père, ce regard aiguisé comme celui des grands rapaces. La voix coulait en lui comme du miel. Il ne se souvenait pas du lait maternel mais la voix de son père l’avait nourri tout autant. Des nourritures spirituelles qui l’avaient grandi, insensiblement, patiemment, sans aucune volonté de transformation mais un simple accompagnement.
« Tu ne choisis pas ton existence Kalén. La vie l’a déjà fait pour toi. Le libre arbitre de chaque humain consiste à être suffisamment lucide pour saisir cette voie d’éveil et de progrès. Ecoute ton âme, c’est là que se trouve le secret. »
Izel avait déposé dans les braises une branche de résineux. Les crépitements d’aiguilles avaient retenti dans le silence, des myriades d’étoiles avaient jailli. L’enfant, captivé, avait suivi des yeux le ballet des flammèches. Quand la nuit avait repris son pouvoir, il avait juste eu le temps de voir s’envoler une chauve-souris. Elle avait virevolté au-dessus de lui, il avait vu ses yeux d’aigle. Puis elle avait disparu.
Izel le regardait en souriant.
Des paroles comme des nourritures de l’âme.
Il avait quatorze ans. Au bord du bassin, au pied de la chute d’eau. Izel lui enseignait le voyage de l’eau.
« Notre corps est composé de matière mais nos pensées et nos émotions contiennent l’énergie qui permet à la matière de se condenser. Les hommes imaginent que la matière est à l’origine de la vie spirituelle des êtres humains, que la matérialisation des corps est prioritaire et que les phénomènes intérieurs suivront. Ils réfléchissent à l’envers. Il faut que l’Energie se condense pour que la matière prenne forme. Il n’y aurait pas de nuages sans la condensation de la vapeur mais il n’y aurait même pas de vapeur sans l’Energie qui la transforme. Nous sommes comme des nuages constitués de pensées. La pensée n’est même pas l’élément déclencheur. Elle n’est que la résultante de l’émotion originelle et nos émotions sont les passerelles entre la pensée et le corps. Les plus primaires sont liées au corps physique et émanent de lui comme la peur ou l’euphorie alors que les plus subtiles sont liées à l'esprit, comme la générosité ou l’empathie. Plus les émotions sont subtiles, plus elles gagnent en valeurs universelles, plus elles mènent les individus vers l’accomplissement de l’existence.
-Quelle est cette émotion originelle qui déclenche la matérialisation ?
-L’Amour, Kalén.
-Mais si le saisissement de l’Amour permet à une âme de se matérialiser, comment expliquer que certains êtres humains dévient de cette voie de sagesse et de plénitude pour sombrer dans les émotions les plus viles ?
-Par paresse et par lâcheté, mon fils. L’élévation des âmes est un cheminement bien plus exigeant que l’exploitation des émotions primitives. Ceux-là quittent la Conscience pour errer dans le mental et s’y complaire. Ils ne sont plus reliés avec l’Energie. Ils fonctionnent comme des entités individuelles.
-La matière n’est qu’une illusion alors ?
-Non, elle existe bel et bien mais elle n’est qu’une conséquence, pas une cause.
Il ne pleut pas parce qu’il y a des nuages mais parce qu’il y a eu condensation de la vapeur et avant cela transformation de la vapeur et avant cela constitution de l’eau et avant cela fusion des constituants. Il faut tenter de remonter à l’origine des choses et de comprendre qu’avant les choses, il y avait l’Energie.
-L’illusion est de penser la matière comme une finalité, c’est cela Père ?
-Oui, Kalén, la finalité est dans la cause. Ce qui est visible n’est que l’illusion si tu considères cette matière condensée comme un élément fini. Celui qui parvient à retourner en lui à cette Energie dont il est né et devenir comme s’il était sans forme, celui-là existe réellement. Le reste n’est qu’illusion.
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Jarwal le lutin : l'émotion-choc
- Par Thierry LEDRU
- Le 30/10/2011
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Jarwal, Gwendoline et Léontine suivaient leurs guides en s’amusant de leurs sauts de cabris. Une insouciance joyeuse qui les libérait de leurs inquiétudes. Ils étaient partis à l’aube, emportant des réserves de fruits, des céréales, des légumes du potager et deux outres remplies d’eau fraîche. Ils quittèrent les derniers grands arbres et s’engagèrent dans les pentes herbeuses. L’air se fit moins lourd, des nuages translucides erraient sur les flancs des montagnes, le soleil les dispersait sans heurts, juste une évaporation délicate qui les obligeait à monter vers les cimes, à délaisser les flancs gorgés de rosée. Un silence apaisant qui contrastait avec le tintamarre des oiseaux et des singes hurleurs peuplant les frondaisons.
Jarwal se laissait guider. Gwendoline était heureuse de retrouver dans le pas de son aimé une détermination renaissante. Leurs nouveaux compagnons avaient ressenti l’amour que Jarwal éprouvait pour elle et ce bonheur la gonflait de forces. Elle aurait pu monter jusqu’aux neiges éternelles qu’elle apercevait au loin.
« Il n’y a personne dans le village, annonça un des Maruamaquas, un amalgame de feuilles, de mousses et de champignons, campés sur deux jambes noueuses et affublés d’une houppette hirsute.
-Comment le sais-tu ? demanda Jarwal.
-Il n’y a pas d’amour dans l’air. Et quand on approche d’un camp Kogis, c’est toujours ce qu’on ressent en premier, et de très loin. »
Il ne se trompait pas. Le camp était bien désert. La troupe erra au hasard des maisons. Jarwal passa près d’une cabane sans fenêtre, un rectangle grossièrement assemblé, juste doté d’une porte entrouverte, comme une geôle fracturée. Une impression désagréable, comme un souvenir lointain et douloureux.
Gwendoline le rejoignit au milieu de la place.
« C’est ta musette mon aimé. Elle était suspendue dans une hutte.»
Elle tenait un sac de toile.
« C’est moi qui l’ai faite, je la reconnais bien. Et il y a tes petits sacs de graines à l’intérieur.
-Pourquoi faire des graines ?
-Ce sont les préparations que tu as faites avant de venir ici. Tu m’as parlé d’une préparation qui permettait d’accélérer la pousse de n’importe quelle plante à partir de tout ce qui est vivant. Je me souviens très bien de cette discussion.
-Tu as bien de la chance, répliqua le lutin, désabusé.
-Nous allons retrouver les Kogis, Jarwal. Et ils nous aideront, lança aussitôt Gwendoline. Et nos petits amis sont là aussi. »
Elle ne voulait plus de sa détresse, elle ne voulait plus de cet abandon désespérant.
« Bon, chers amis, les Kogis sont plus hauts dans la montagne, ils ont une mine d’or au pied des montagnes.
-C’est là que les Espagnols doivent les retenir, ajouta Jarwal.
-Et c’est là-haut également que sont montés les autres hommes qui les poursuivent. Nous avons trouvé des traces très nombreuses dans l’herbe, des pas d’hommes qui écrasent tout, vraiment facile à suivre. Jamais les Kogis ne marcheraient de cette façon.
-Vous pouvez nous guider ? demanda Gwendoline.
-Bien entendu ! Cela fait bien longtemps que nous ne sommes pas allés ressentir tout cet amour que les Kogis offrent à la Terre Mère. »
Ils quittèrent le village et s’engagèrent sur la piste montante. Les Maruamaquas se montraient toujours aussi volubiles et joyeux, discutant entre eux, alternant les taquineries et les embrassades, se transformant soudainement en oiseaux pour enchaîner des acrobaties ou en grenouilles jouant à saute-moutons. Leur joie de vivre semblait inépuisable. Et toujours ces yeux éblouissants comme des lanternes.
Jarwal profita d’un intermède dans leur exubérance.
« Que savez-vous des Kogis exactement ?
-Ils sont comme nous, ils savent que la Terre est un être vivant. Les montagnes sont la structure ou le squelette comme vous dites, le vent est le système respiratoire, l’eau est le sang, la végétation est un système pileux qui favorise la transpiration, c’est aussi l’organe de la respiration, la terre est l’élément qui permet l’échange nutritif, tout ce qui vit est fondé sur le même fonctionnement. Nous ne sommes que des formes répondant à un système identique. Les Kogis ont une vision très complexe de la Nature. L’équilibre de leur clan dépend de celui de la Nature. Leur savoir n’a qu’un objectif, c’est celui de maintenir l’équilibre entre les forces créatrices et les forces destructrices des êtres humains. C’est par la juste pensée que peut s’établir l’osmose entre la Terre Mère et les êtres humains. Ils aiment méditer, comme nous.
-Quand on vous voit vivre, on a du mal à penser que vous aimez méditer, s’amusa Jarwal.
-Une vision très restrictive, cher lutin. Encore une fois, tu te contentes d’une activité visible. Mais que sais-tu de notre vie intérieure, que sais-tu de notre vie lorsque nous réintégrons le corps de notre Mère Terre?
-Excuse-moi, compagnon, tu as raison, je manque de discernement et je pose trop vite des conclusions partielles.
-Il en est de même avec les hommes blancs qui pourchassent les Kogis. De ce que nous savons, ils les considèrent comme des sauvages, des primitifs, juste parce que leur intérêt spirituel est bien plus élevé que leurs intérêts matériels. Les Kogis ne cherchent pas à posséder des biens extérieurs mais à bien posséder leur richesse intérieure. Les envahisseurs ne s’appartiennent pas eux-mêmes en courant ainsi et ils vivent en dehors d’eux-mêmes étant donné qu’ils ne voient que les éléments extérieurs qui les entourent et qu’ils veulent posséder. Ils se nourrissent des émotions chocs alors que les Kogis vénèrent l’émotion contemplative.
-De quoi s’agit-il ? demanda Gwendoline, fascinée par les paroles de ces petits êtres.
-L’émotion choc consiste à se laisser conduire par une multitude successive d’émotions fortes. A peine finie, cette émotion forte laisse un grand vide et l’individu s’efforce aussitôt de la remplacer par une autre. Ce qui manque à cette expérience, c’est le recul lié à la contemplation, un regard intérieur qui permet d’analyser ce qui peut être compris de cette expérience. Tout cela implique un temps de recueillement. Les Kogis se recueillent souvent. La Terre est un temple accueillant pour qui veut bien y entrer. Spirituellement. Les Kogis connaissent les dangers de ce que nous appelons la pensée émotionnelle. La pensée émotionnelle est un assemblage de deux entités : la pensée et l’émotion qu’elle génère. Dès qu’une émotion vient se greffer, la pensée n’est plus maîtrisée, elle n’est plus observée, elle est prise dans un tourbillon de colère, de frustration, d’envie, de jalousie, d’euphorie, d’espoir, d’attente, d’illusion…Ça n’est plus la réalité mais l’interprétation de la réalité par une pensée influencée par une émotion. La pensée émotionnelle se nourrit de la succession des émotions choc. Si vous préférez, les émotions choc finissent par constituer une existence uniquement soumise à la pensée émotionnelle. Il n’y a plus aucun discernement mais un aveuglement produit par les mirages éblouissants que les egos avides fabriquent eux-mêmes. Tout cela est très complexe et c’est pour cela que les Kogis prennent beaucoup de temps pour prendre une décision. Ils veulent être certains que les émotions ne sont pas venues perturber la qualité des pensées et des réflexions. »
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Kant et la Révolution.
- Par Thierry LEDRU
- Le 29/10/2011
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"Les Lumières, c'est la sortie de l'homme hors de l'état de tutelle dont il est lui-même responsable. L'état de tutelle est l'incapacité à se servir de son entendement sans la conduite d'un autre. On est soi-même responsable de cet état de tutelle quand la cause tient non pas à une insuffisance de l'entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s'en servir sans la conduite d'un autre...Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières. Paresse et lâcheté sont les causes qui font qu'un si grand nombre d'hommes, après que la nature les eut affranchis depuis longtemps d'une conduite étrangère, restent cependant volontiers toute leur vie dans un état de tutelle, et qui font qu'il est si facile à d'autres de se poser comme leurs tuteurs. Il est si commode d'être sous tutelle. Si j'ai un livre qui a de l'entendement à ma place, un directeur de conscience qui a de la conscience à ma place, un médecin qui juge à ma place de mon régime alimentaire etc, alors je n'ai pas à fournir moi-même d'efforts."
KANT
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La problématique posée par ce texte concerne la situation des hommes lorsque celle-ci ressemble davantage à une soumission passive qu'à une liberté issue de leur entendement. Kant considère en plus que les hommes sont responsables de cette situation et que cette "mise sous tutelle" est la conséquence de leur incapacité à user de leur "entendement" mais plus encore de la conséquence de leur "lâcheté". Il semblerait selon ce texte que les hommes ne sont pas asservis par la force d'une puissance étrangère mais, à l'origine, en raison de leur propre abandon, de leur "paresse."
On peut s'interroger sur cette situation de soumission. Est-elle réelle ? Concerne-t-elle tous les individus ? Existe-t-il une responsabilité de la part des victimes elles-mêmes ?
L'auteur ne laisse aucun doute sur son jugement. Pour lui, il n'y a aucune interrogation mais un état de fait général, universel. Le ton cynique, sarcastique est destiné à montrer de façon crue et détestable cette propension des hommes à se vautrer dans la bassesse. Le fait d'opposer des termes aussi forts que "paresse" et "courage" est révélateur.
Kant parle de courage car il est indéniable pour lui que cette situation réclame une prise de position pleine et entière, non seulement une prise de conscience mais un engagement à travers des actes. Puisque l'homme est "responsable" de cette soumission passive, il doit par-delà son entendement initial être responsable de sa révolte. L'entendement n'est pas suffisant. Il n'est qu'une étape intellectuelle. La cause ne vient pas d'une insuffisance de l'entendement mais à une insuffisance de la résolution qui devrait en résulter.
Les hommes délèguent leurs décisions et leurs actes à d'autres hommes qui leur paraissent plus aptes à les guider et à les prendre en charge. Ce raisonnement, car il s'agit bien d'un raisonnement, aussi primaire soit-il, est à la source de la soumission et du pouvoir.
Même si je ne sais pas soigner une dent cariée et que je me dois m'en remettre au dentiste, je peux assumer l'entretien de mes dents et veiller à la qualité des aliments que je consomme. Le fait de m'en remettre selon les situations à des gens plus performants que moi dans certains domaines ne signifie pas pour autant que ce choix doit s'étendre à l'ensemble de mon existence et surtout pas aux domaines existentiels.
C'est là qu'il faut rester vigilant pour ne pas sombrer dans une complaisance assassine envers cette paresse et cette lâcheté.
Il y a dans "Le Bon, la Brute et le Truand" une réplique culte.
"Le monde se partage en deux catégories. Il y a ceux qui ont une arme et il y a ceux qui creusent. Toi, tu creuses. "
Selon Kant, on peut rajouter que ceux qui possèdent une arme et donc le pouvoir en disposent parce que ceux qui creusent les ont autorisés par leur soumission originelle à user d'une arme.
Si on prolonge la réflexion, les dictateurs ne sont pas des hommes plus puissants mais simplement des hommes qui ont saisi l'opportunité que la masse leur offrait. C'est la masse par son comportement lâche et servile qui donne le pouvoir aux dictateurs. Il n'est pas permis de critiquer les dictateurs avant même d'avoir pris conscience de ce comportement. La seule solution pour s'extraire de ce rapport de faible à fort, est d'avoir le courage de se servir de son propre entendement et non de se contenter d'un entendement servile. Il ne suffit pas d'analyser une situation. Il faut oeuvrer à son évolution.
Ce texte issu de l'époque des Lumières correspond au mouvement actuel des "Indignés". Ce mouvement n'attend pas des gouvernants des solutions miracles. Ils les proposent. Leur entendement et leur analyse de la situation les conduisent à entrer en résistance. Ils agissent. L'asservissement est généré aussi par le silence. Pour combattre, il faut d'abord saisir l'ensemble de ses insuffisances.
Une autre question surgit dès lors. Pourquoi les hommes en sont-ils arrivés là ? Est-ce un état naturel dont se servent les Puissants? Mais dans ce cas-là, pourquoi les Puissants n'en sont-ils pas eux aussi les victimes ? Comment sont-ils devenus Puissants si cet état de laxisme existentiel est un état naturel ? Les Puissants sont bien pourtant des hommes.
La problématique ainsi posée met en évidence la part sociale de l'homme. Son statut de citoyen, c'est à dire un individu inséré dans un microcosme relationnel. Les Puissants oeuvrent à la pérennité de leur statut. Par héritage bien entendu mais bien plus encore par l'éducation. De la même façon, les asservis sont conditionnés à une existence soumise. Les Puissants se chargeront de les y maintenir par d'habiles subterfuges et en se servant de la paresse et de la lâcheté de la masse.
Il n'y a rien de naturel. Tout est éducatif. Certains vont naître avec une cuillère d'argent dans la bouche mais l'environnement va se charger de leur apprendre à s'en servir. Les asservis se contenteront de les envier et de geindre.
Les Philosophes des Lumières ont mis en avant le droit des hommes à être responsables lorsque ce droit finissait par apparaître comme insaisissable.
Jean Jacques Rousseau disait « qu’on perd dans l’asservissement jusqu’au désir d’en sortir. »
Les révolutions arabes viennent de prouver qu’il n’en est rien. L’asservissement corrompt les âmes, contraintes à de multiples compromissions pour subvenir à l’essentiel. Toute l’énergie des individus s’y perd. La peur de la perte des biens vitaux devient générale et les individus en viennent à percevoir la masse environnante comme l’adversaire à combattre. Les Puissants entretiennent cette peur et l’amplifient si nécessaire. Elle sert leurs intérêts.
L’entendement devient dès lors la source des actes. Il faut parvenir à cet état d’observation macroscopique, une élévation au-dessus de la masse pour prendre conscience des entrelacs instaurés par la matrice, cette entité constituée par des individus anonymes, travaillant dans les palais. Une fois cette observation validée, chaque individu ayant effectué sa propre analyse et pris conscience de l’émergence d’une pensée commune, les individus éveillés peuvent entamer une tâche évolutionniste. Il ne s’agit pas de chercher des guides mais de favoriser par un travail intérieur son propre éclairage au risque d’être éblouis et par conséquent manipulés par les tenants des lampions…
Les Philosophes des Lumières prônaient la raison comme étendard. Il faut y adjoindre le courage.
Il reste ensuite à ne pas tomber dans l’euphorie magnifiée par des individus avides qui cherchent à se présenter comme les nouveaux Guides. Combien de Révolutions portées par les peuples et tombées aux mains des Puissants ?
La France en est un "bel" exemple.
Que reste-t-il de cet héritage ? Une démocratie ? Où ça ?
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L'émotion observée
- Par Thierry LEDRU
- Le 28/10/2011
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Lorsque je lis les directives ministérielles sur les objectifs de l'école primaire, je suis consterné de l'absence de TOUT travail existentiel ou spirituel.
Quels que soient les gouvernements successifs d'ailleurs et le prochain ne fera pas mieux. Je n'ai aucune illusion. Manquerait plus que ça que je me fabrique des illusions...
Emotionnellement parlant, j'ai bien du mal à ne pas céder à la colère.
Et les émotions devraient justement être un sujet analysé à l'école primaire.
Qu'est-ce qui me met ainsi en colère ?
Depuis mon CM2, j'ai voulu être instituteur. Mon Maître s'appelait Mr Quéré et je l'aimais.
Au collège, j'ai eu Mr Pichon, un prof de Français. Lui aussi je l'aimais.
Et puis Mr Ollier au lycée, prof de Français en seconde et en première. Lui aussi, je l'aimais.
Et puis Mme Sotirakis, prof de philo en Terminale. Elle aussi, je l'aimais.
Et je sais que cette colère vient de l'outrage fait à ces enseignants hautement estimables. Ces gens-là oeuvraient pour l'humanité à travers une matière qu'ils aimaient. Ils ne cherchaient pas à produire des élèves performants mais à accompagner des êtres humains en formation. L'école n'était pas une fabrique de futurs salariés, ni même de citoyens responsables mais, avant toute chose, d'individus épanouis, éveillés, lumineux. Ces profs-là savaient que le reste suivrait.
Aujourd'hui, on me demande de catégoriser les enfants, de les identifier, de les ficher, de les cadrer, de les formater, de dévoiler même des informations privées, intimes, de remplir des dossiers de plus en plus intrusifs. On me demande surtout de nier la personnalité et de limiter au maximum les extensions possibles de chacun.
Cette colère qui monte inexorablement, je sais qu'elle vient aussi de cet amour bafoué pour des professeurs vénérés. Car il me devient peu à peu impossible de propager à mon tour ce respect infini pour chacun.
Alors, émotionnellement parlant, cela devient parfois épuisant.
Mais je me dis aussi qu'il s'agit d'un chemin à suivre, d'une opportunité.
Si je laisse cette colère m'envahir, elle me perdra. J'entrerai dans ma classe avec un objectif d'insoumis et dès lors je ne serai pas ancré dans le don de soi mais dans la contestation envers un système.
Mais qui est en face de moi ?
Des enfants.
Pas le système.
Si je laisse mes émotions prendre la main, je m'y épuise et je n'ai plus rien à donner. A part peut-être cette colère.
Je me dois d'instaurer une priorité très simple. Ces enfants ne sont pas responsables de mes douleurs existentielles et ils n'ont pas à les supporter. Dès lors, cette émotion néfaste n'a rien à faire dans la classe.
Je connais les problèmes, je vois bien depuis trente ans ce que l'école devient. Je peux en parler, les dénoncer, les mettre sous les feux de mes petits projecteurs. Mais sans jamais laisser ces problèmes devenir en moi des pilleurs d'énergie.
Ce que j'ai à donner, je ne dois pas l'affaiblir par des combats émotionnels qui me ruinent avant l'heure.
"Agir dans le non-agir".
J'ai mis très longtemps à réaliser pleinement ce que cette expression pouvait signifier pour moi. Je ne dis pas que mon interprétation est universelle. Elle me convient et c'est suffisant.
Il est par conséquent aussi essentiel d'examiner les pensées que les émotions. "Qu'est-ce qui se passe en moi en ce moment ? " Il ne s'agit pas d'analyser avec méfiance mais juste d'observer. La méfiance créerait un état d'inquiétude et donc de résistance ce qui ajouterait à l'émotion une part néfaste, un système de parasites qui s'entretient et transforme l'émotion elle-même.
Il convient juste de laisser s'étendre cette émotion comme si elle était un visiteur de passage. Elle n'est pas moi mais un élément rapporté, évènementiel, provisoire. Si je m'identifie à elle, si je la considère comme une part de moi, je ne suis plus observateur mais dépendant d'elle. Je et elle se mêlent. Et je ne suis plus. Le problème vient de la charge énergétique diffusée par cette émotion, par cette pensée corporelle, par ce ruissellement de colère ou de joie. La fréquence vibratoire de l'émotion lorsque celle-ci prend le pas sur l'observation amplifie la pensée et le phénomène interne se renforce.
Le mental adore ces situations. Il y trouve un terreau favorable à son expansion. Les pensées se nourrissent des émotions et les émotions fabriquent de nouvelles pensées. Le mental va même s'efforcer d'entretenir cette anarchie intérieure en multipliant les pensées, soit pour résister aux émotions, soit pour les amplifier. La résistance aux émotions, lorsqu'elles se révèlent désagréables, n'est pas une issue. Elle génère de nouvelles pensées émotionnelles. Ce chaos interdit toute observation. L'individu n'est plus qu'un flot d'excroissances mentalisées. La paix est exclue de ce champ de bataille.
La pensée est d'ordre intellectuel et l'émotion d'ordre physique. Lorsque les deux entités agissent de concert, et que la conscience en est bannie, l'individu est en sommeil. Il rêve son existence et ne contrôle rien. A celui-là, tout arrive mais il ne fait rien. Il est sans cesse en réaction. Il réagit mais n'agit pas. Pour agir, il faut être dans le non-agir. C'est là tout le paradoxe.
Le non-agir est un état d'observation neutre. Le fait de ne pas générer de résistance conduira l'émotion à s'éteindre d'elle-même. Elle ne sera pas niée pour autant mais elle ne trouvera pas d'ancrage dans le mental. Parce que ça n'est pas le mental qui l'observe mais la conscience. Il ne s'agira dès lors qu'une bougie qui finira par épuiser sa réserve de cire. Les pensées émotionnelles se débrouilleraient pour reconstituer le stock...Ce qui importe, c'est d'oeuvrer au silence intérieur. Imaginez que la bougie s'est éteinte. Vous êtes dans le noir mais cette obscurité est une lumière intérieure. Vous décidez vous-mêmes des éblouissements et de leur durée.
Lorsque je suis ému par la beauté des montagnes, lorsque je suis dans ce silence intérieur, rien ne vient s'interposer. Je laisse l'émotion s'étendre et je l'honore. L'instant le plus beau n'est pas l'euphorie mais le retour à la paix. Car c'est dans le silence qui suit que la conscience se révèle. Je suis celui qui a rétabli l'obscurité lumineuse. Aucune lutte intestine, juste l'observation.
Si je cherchais à amplifier cette émotion réjouissante, si je cherchais à l'associer à des pensées discursives, à la prolonger par des raisonnements, des exagérations, des embrasements inventés, je me conditionnerai à vivre la même illusion lorsqu'une émotion néfaste jaillira dans une autre situation.
Il n'y a pas de choix à opérer. Ca serait l'établissement d'un mensonge. Et de toute façon, si je m'abandonne à l'euphorie des émotions joyeuses, je m'abandonne symétriquement et simultanément au désastre des émotions douloureuses.
On se retrouve de nouveau dans l'image de la balance et des deux plateaux. Je ne peux pas consciemment désirer remplir le plateau des bonheurs et vider celui des malheurs. C'est une tricherie irréalisable.
Je peux par contre tenter de m'installer au milieu de la balance et apprendre à observer les déséquilibres, l'alternance des situations favorables ou défavorables, sans jamais mêler ma conscience aux pensées émotionnelles qui accompagnent ces troubles de l'existence.
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Résister et enseigner.
- Par Thierry LEDRU
- Le 28/10/2011
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http://resistancepedagogique.blog4ever.com/blog/lirarticle-252147-1030669.html
"En conscience, je refuse d'obéir !"
Lettre d'un instituteur de Colomiers (31) à son inspecteurColomiers, le 6 novembre 2008
Monsieur l'Inspecteur,
Je vous écris cette lettre car aujourd'hui, en conscience, je ne puis plus me taire ! En conscience, je refuse d'obéir.
Depuis un an, au nom des indispensables réformes, un processus négatif de déconstruction de l'Education Nationale s'est engagé qui désespère de plus en plus d'enseignants. Dans la plus grande précipitation, sans aucune concertation digne de ce nom, au mépris de l'opinion des enseignants qui sont pourtant les « experts » du quotidien sur le terrain, les annonces médiatiques de « réformes » de l'école se succèdent, suscitant tantôt de l'inquiétude, tantôt de la colère, et surtout beaucoup de désenchantement et de découragement. La méthode est détestable. Elle témoigne de beaucoup de mépris et d'arrogance vis-à-vis de ceux qui sont les premiers concernés. La qualité d'une réforme se juge autant par son contenu que par la façon dont est elle est préparée, expliquée et mise en oeuvre. L'Education Nationale n'est pas l'armée ! Il n'y a pas d'un côté ceux qui décident et d'un autre côté ceux qui exécutent ! L'honneur de notre métier est aussi de faire œuvre de raison, de critique et de jugement.
Aujourd'hui, la coupe est pleine ! Le démantèlement pensé et organisé de l'Education Nationale n'est plus à démontrer tant les mesures décidées et imposées par ce gouvernement l'attestent au grand jour : des milliers de suppressions de postes qui aggravent une situation d'enseignement déjà difficile, la diminution du volume horaire hebdomadaire, la préférence accordée à la semaine de 4 jours, pourtant dénoncée par tous les chronobiologistes, l'alourdissement des programmes scolaires malgré une rhétorique qui prétend le contraire, la suppression des IUFM, la disparition annoncée des RASED alors qu'aucun bilan de leur action n'a été réalisé, la réaffectation dans les classes des enseignants travaillant pour les associations complémentaires de l'école, ce qui mettra à bas grand nombre de projets éducatifs dont l'utilité n'est plus à démontrer, la mise en place d'une agence chargée du remplacement avec l'utilisation de vacataires, la création des EPEP où les parents et les enseignants seront minoritaires dans le Conseil d'Administration, la dévalorisation du métier d'enseignant dans les écoles maternelles et les menaces qui pèsent sur celles-ci, la liste est longue des renoncements, des coupes franches et finalement des mauvais coups portés à notre système éducatif. Sans compter, ce qui m'est le plus insupportable, l'insistance à dénoncer le soit disant « pédagogisme », c'est-à-dire les mouvements pédagogiques qui, depuis des décennies, apportent des réponses innovantes, crédibles, raisonnables à l'échec scolaire.
Le démantèlement des fondements de l'Education Nationale est un processus que je ne peux accepter sans réagir. L'objet de ma lettre est de vous informer que je ne participerai pas à ce démantèlement. En conscience, je refuse de me prêter par ma collaboration active ou mon silence complice à la déconstruction d'un système, certes imparfait, mais qui a vocation à éduquer et instruire, à transmettre tout autant un « art de faire » qu'un « art de vivre », en donnant toutes ses chances à chaque élève, sans aucune distinction.
1. Les « nouveaux » programmes constituent une régression sans précédent. Ils tournent le dos à la pédagogie du projet qui permet aux élèves de s'impliquer dans les savoirs, de donner du sens à ce qu'ils font, de trouver des sources de motivation dans leur travail. Cette vision mécaniste et rétrograde des enseignements, qui privilégie l'apprentissage et la mémorisation, va certainement enfoncer les élèves en difficulté et accentuer l'échec scolaire. Ces programmes sont conçus pour pouvoir fournir des résultats « quantifiables, publiables et comparables » Or, « en éducation, tout n'est pas quantifiable, ni même évaluable en termes d'acquisitions immédiatement repérables ». (Philippe Meirieu). Nous sommes bien dans une logique d'entreprise et de libéralisation de l'école. Désormais, les enseignants seront évalués sur les progrès des acquis des élèves, c'est-à-dire sur la progression des résultats chiffrés. C'est notre liberté pédagogique qui est ainsi menacée. Dans la mesure où les programmes de 2002 n'ont fait l'objet d'aucune évaluation sérieuse et que d'autre part nous ne savons toujours pas qui a élaboré et rédigé les programmes 2008, d'ailleurs sans aucune concertation digne de ce nom, nous sommes en présence d'un déni de démocratie et de pédagogie. Pour toutes ces raisons, je considère que ces programmes sont totalement illégitimes. C'est pourquoi en conscience, j'ai décidé de ne pas les appliquer et de continuer à travailler dans l'esprit des programmes de 2002.
2. Tout particulièrement, je refuse de m'inscrire dans la logique d'une « Instruction morale et civique » aux relents passéistes. C'est une insulte faite aux enseignants et aux élèves de penser que l'inscription d'une règle de morale au tableau, apprise par cœur par les élèves, fera changer un tant soit peu leur comportement ! Aujourd'hui, plus que jamais nous avons besoin de mettre en place dans nos classes des dispositifs qui offrent aux élèves la possibilité de se connaître, de se rencontrer, d'échanger, de se respecter. Nous avons besoin d'une éducation au vivre ensemble, car si nous ne le faisons pas, qui le fera ? L'éducation citoyenne est l'un des piliers de l'école pour construire une société ouverte, démocratique et libérée de l'emprise de la violence. La priorité aujourd'hui est d'apprendre aux élèves à se respecter, à réguler positivement les inévitables conflits du quotidien par la parole, la coopération, la médiation. Aujourd'hui, comme hier, en conscience, j'ai fait le choix d'une éducation citoyenne qui permette aux élèves de découvrir leur potentiel créatif et émotionnel au service du mieux vivre ensemble.
3. La réduction du volume horaire de la semaine scolaire de 26h à 24h apporte des bouleversements tels dans l'organisation des écoles, qu'il faut aujourd'hui parler de désorganisation structurelle. Le dispositif d'aide personnalisée pour « les élèves en difficulté » n'est qu'un prétexte démagogique pour supprimer les RASED. Ce dispositif porte un coup fatal à la crédibilité du métier d'enseignant. En effet, de nombreuses expériences pédagogiques d'hier et d'aujourd'hui ont montré et montrent que la difficulté scolaire se traite avec efficacité avec l'ensemble du groupe-classe, dans des dynamiques de coopération, de tutorat, de travail différencié, d'ateliers de besoin, etc. Le dispositif actuel considère que la difficulté doit être traitée de façon « médicale », avec un remède individuel, en dehors de toute motivation et de tout projet de classe. C'est une grave erreur. Ce dispositif est une faute contre l'esprit et la pédagogie. Dès la rentrée, en conscience, je n'appliquerai pas ce dispositif d'aide personnalisée tel qu'il est actuellement organisé. Ces deux heures seront mises à profit pour mener à bien un projet théâtre avec tous les élèves de la classe, répartis en demi-groupe, le mardi et le vendredi de 15h30 à 16h30, ceci avec l'accord des parents.
4. Les stages de remise à niveau pendant les vacances scolaires à destination des élèves de CM1 et CM2 sont eux aussi des dispositifs scandaleux et démagogiques destinés à caresser l'opinion publique dans le sens du poil. Mis en place sous le motif populiste qu'il est anormal que seuls les riches peuvent se payer des heures de soutien scolaire (dixit notre ministre), ces stages dont certains ne seront pas animés par des enseignants, ne règleront en rien l'échec scolaire. Ils sont destinés à appâter les enseignants qui souhaitent effectuer des heures supplémentaires avec bonne conscience, alors que dans le même temps des milliers de postes sont supprimés, aggravant ainsi les conditions de travail dans les écoles. Parce que je respecte profondément les élèves qui ont des difficultés et leurs parents et que je suis persuadé que ce dispositif est néfaste, je continuerai à refuser de transmettre des listes d'élèves pour les stages de remise à niveau.
5. La loi sur le service minimum d'accueil dans les écoles les jours de grève n'est pas autre chose qu'une loi de remise en question des modalités d'application du droit de grève. Il est demandé aux enseignants de se déclarer gréviste 48h avant la grève afin que ce service minimum d'accueil puisse se mettre en place. Ce qui signifie clairement que les enseignants doivent collaborer à la remise en cause du droit de grève ! On ne saurait être plus cynique ! La commune de Colomiers ayant décidé de ne pas organiser ce service minimum d'accueil les jours de grève, il devient inutile de se déclarer 48h avant. En conscience, je ne me déclarerai pas gréviste à l'administration et j'informerai les parents trois jours avant de mon intention de faire grève.
Dans son dernier ouvrage, « Pédagogie : le devoir de résister », Philippe Meirieu écrit : « Nous avons le devoir de résister : résister, à notre échelle et partout où c'est possible, à tout ce qui humilie, assujettit et sépare. Pour transmettre ce qui grandit, libère et réunit. Notre liberté pédagogique, c'est celle de la pédagogie de la liberté. […] Nous n'avons rien à lâcher sur ces principes pédagogiques. Car ils ne relèvent pas de choix passagers de majorités politiques, mais bien de ce qui fonde, en deçà de toutes les circulaires et de toutes les réformes, le métier de professeur dans une société démocratique.
Et devant les errances de la modernité, le professeur n'a rien à rabattre de ses ambitions, bien au contraire… Face à la dictature de l'immédiateté, il doit travailler sur la temporalité. Quand, partout, on exalte la pulsion, il doit permettre l'émergence du désir. Contre les rapports de force institués, il doit promouvoir la recherche de la vérité et du bien commun. Pour contrecarrer la marchandisation de notre monde, il doit défendre le partage de la culture. Afin d'éviter la sélection par l'échec, il doit incarner l'exigence pour tous.
Personne ne prétend que la tâche est facile. Elle requiert détermination et inventivité. Echanges, solidarité et travail en équipe. Elle exige du courage. Et la force de nager à contre-courant. Il ne faut pas avoir peur de la marginalité. Car, plus que jamais et selon la belle formule de Jean-Luc Godard, « c'est la marge qui tient la page. » »
Si aujourd'hui je décide d'entrer en résistance et même en désobéissance, c'est par nécessité. Pour faire ce métier, il est important de le faire avec conviction et motivation. C'est parce que je ne pourrais plus concilier liberté pédagogique, plaisir d'enseigner et esprit de responsabilité qu'il est de mon devoir de refuser d'appliquer ces mesures que je dénonce. Je fais ce choix en pleine connaissance des risques que je prends, mais surtout dans l'espérance que cette résistance portera ces fruits. J'espère que, collectivement, nous empêcherons la mise en œuvre de ces prétendues réformes. Cette action est une action constructive car dans le même temps il s'agit aussi de mettre en place des alternatives pédagogiques concrètes, raisonnables et efficaces.
Monsieur l'Inspecteur, vous l'avez compris, cette lettre n'est pas dirigée contre vous, ni votre fonction, mais je me dois de vous l'adresser et de la faire connaître. Le propre de l'esprit responsable est d'agir à visage découvert, sans faux-fuyant, en assumant les risques inhérents à cette action. C'est ce que je fais aujourd'hui.
Je vous prie de recevoir, Monsieur l'Inspecteur, l'assurance de mes sentiments déterminés et respectueux.
Alain REFALO
Professeur des écoles
Ecole Jules Ferry, Colomiers (31)
Lettre adressée à Mr l'Inspecteur de l'Education Nationale de la 17ème circonscription de la Haute-Garonne.
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Barbarie
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/10/2011
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Yue Yue, la petite chinoise est donc décédée et cette mort a déclenché un phénomène "médiatique" en Chine et partout dans le monde où les images ont été diffusées. Les "spectateurs" se sont dit choqués...
C'est assez choquant en fait qu'ils se montrent aussi choqués...
3 Millions d'enfants morts en Afrique depuis le début de l'année. Ah, oui, mais ça ne passe pas en boucle sur le Net.
Je me demande si cette réaction révoltée devant l'abomination de la mort de cette petitte fille n'est pas davantage dûe au fait que les images vidéos ont placé les gens devant leur indifférence quotidienne...Ca n'est pas tant la violence de ce drame qui est effroyable mais bien que ça soit devenu possible. Parce que pour en arriver là, pour que ça concerne autant de personnes en si peu de temps, il faut vraiment que cette inhumanité soit inscrite dans les fibres.
Le système occidental transposé à la Chine mais avec une pression insoutenable sur les individus les a conduits à se retrancher derrière une indifférence effroyable.
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"Un froid si terrible" sur la société chinoise
Lettre d'Asie |
| 21.10.11 | 14h34 • Mis à jour le 21.10.11 | 14h35
Une petite fille en pantalon rouge se dandine sur une portion d'allée couverte, entre des boutiques de matériel de nettoyage. Des balles de marchandises si hautes qu'elles débordent d'une échoppe. On est à Huangqi, près de Foshan, un centre industrieux de la province du Guangdong.
Yueyue a 2 ans, ses parents, venus du Shandong, à l'autre bout de la Chine, tiennent l'une des 2 000 boutiques de ce marché de la quincaillerie de 400 000 m2, sorti de terre il y a dix ans à peine. En quelques secondes, c'est le drame. Une camionnette la renverse et passe sur son corps avec sa roue avant droite. Le chauffeur s'arrête un instant. Puis repart, écrasant une nouvelle fois la fillette avec sa roue arrière.
Un passant déambule sans prêter attention à Yueyue qui gît à terre. Survient un homme à Mobylette qui contourne l'enfant. Une troisième personne jette un regard sans s'arrêter. Puis une deuxième camionnette apparaît. Elle roule sur les jambes de l'enfant - essieu avant, essieu arrière. Défileront devant l'enfant blessée un cycliste encapuchonné et dégoulinant de pluie, à la monture chargée de longues tiges. Un triporteur pressé dont la benne est remplie de cartons vides. Une dame trottinant avec sa fillette. Un motocycliste qui s'arrête, perplexe, et se retourne même vers Yueyue.
Ainsi de suite jusqu'à la... dix-neuvième personne. Une petite dame sèche comme un coup de trique. Elle s'appelle Chen Xianmei et sera ensuite fêtée par les médias et couverte de récompenses. Mais, pour l'instant, ce n'est qu'une récupératrice de métaux qui arpente les allées du marché en quête d'un bout de ferraille. Quand elle voit la petite fille par terre, elle pose son baluchon et prend le corps mou comme une chiffe, le déplace sur le côté. Appelle à l'aide. La mère accourt, soulève sa fillette inanimée. C'est une jeune femme au beau visage émacié que l'on verra ensuite recroquevillée dans l'hôpital militaire de Canton où Yueyue a fini par être transportée. Son mari à côté d'elle est en sanglots.
La vidéo, capturée par une caméra de sécurité, a fait le tour des télés chinoises depuis mardi, et gagné les réseaux en ligne du monde entier. Vendredi 21 octobre, Yueyue est morte des suites de ses blessures.
Ce spectacle insoutenable de l'indifférence est un électrochoc pour les Chinois, qui s'interrogent, comme ils ne l'ont jamais fait, sur un syndrome qui n'est pas tout à fait nouveau - même l'écrivain Lu Xun le décrivit il y a plus d'un siècle, dans L'Appel aux armes. Inertie, crainte de se mêler des affaires d'autrui... On n'intervient pas, car personne ne le fait, la culpabilité en est alors réduite d'autant, divisée par le nombre d'indifférents avant vous : "Tout cela traduit une confiance bien faible dans la société", avance Hu Shenzi, un psychologue parmi d'autres qui donne son avis au Quotidien de Canton.
Des faits divers retentissants ont façonné en Chine le sentiment qu'un "bon Samaritain" ne risque que des ennuis. L'affaire Peng Yu, en 2006, est connue de quasiment tous les Chinois : à Nankin, un jeune homme, Peng Yu, qui s'était porté au secours d'une dame tombée dans la rue et qui l'avait conduite à l'hôpital, fut accusée par celle-ci de l'avoir renversée. Elle fit un procès, le juge lui donna raison. L'infortuné dut débourser plusieurs milliers de yuans. En août, un chauffeur de bus à Rugao, dans le Jiangsu, s'est arrêté pour relever une dame âgée qui avait fait une chute de vélo - elle aussi réclama une indemnisation. Mais la police visionna les images de la caméra du bus et découvrit que le chauffeur était innocent.
Avant Yueyue, d'autres affaires ont elles aussi conduit à des examens de conscience sur la réticence à se porter au secours d'autrui. Des cas de chauffards qui ne s'arrêtent pas, voire... achèvent leurs victimes, ont plusieurs fois ému l'opinion. Quand, il y a quelques semaines, une touriste américaine a plongé dans un lac d'Hangzhou, pour sauver une jeune fille qui s'y noyait, les internautes se sont extasiés sur son héroïsme. Mais voilà, rien n'y fait : un "grand froid" a gagné les rouages de la société chinoise et paralyse les "relations humaines", analysent les médias. Le service de microblog Sina Weibo, le Twitter chinois, a recensé près de quatre millions de messages sur ce thème de l'indifférence depuis l'horrible accident de Yueyue. Au moins 400 000 usagers avaient relayé, jeudi 20 octobre, le message : "S'il vous plaît, cessons d'être aussi froids !"
Enquêtant sur le marché d'Huangqi, le reporter du quotidien Nanfang Dushi Bao, de Canton, constate que personne ou presque ne connaît son voisin. On trime, on besogne et l'on ne pense qu'à ça, un "gigantesque marché et un froid si terrible" - à l'image, insinue-t-il, de la Chine entière. Sans foi ni loi, l'empire du Milieu ? Le paradoxe, c'est que tous ceux dont le premier réflexe serait d'aider une personne en difficulté craignent justement d'être entraînés dans un procès à l'issue aussi fluctuante que l'humeur du juge. Et qu'aucune loi ne sanctionne la "non-assistance à personne en danger".
Les autorités du Guangdong ont pris l'initiative de lancer sur le microblog Weibo une enquête pour sonder le public. 63 % des 18 000 personnes qui y ont répondu à ce jour sont favorables à une loi pour "protéger les bons Samaritains". Pour qu'un jour, peut-être, plus aucune Yueyue ne passe sous les roues de deux camionnettes de livraison et n'agonise sous les yeux de dix-huit passants.
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Ce qui est terrifiant, c'est de devoir légiférer, de devoir protéger les Samaritains.
Ce qui est terrifiant, c'est de penser qu'il n'y a qu'en Chine que ces drames ont lieu.
On ne voit pas la misère de ce monde.
La Barbarie n'est pas une nouveauté. La seule distinction ici, c'est qu'elle a été filmée.
Les municipalités qui dressent des contraventions à ceux qui fouillent dans les poubelles. Les SDF qui vont mourir cet hiver dans les parcs publics. Pas la peine d'aller chercher l'horreur jusqu'en Chine. Lorsqu'on laisse s'installer le terreau des rejets, les rejets ne cessent de grandir. C'est l'apprentissage de la barbarie. Ensuite, il ne s'agit que de degrés dans l'horreur. Faut-il donc attendre qu'une petite fille soit écrasée pour qu'on s'indigne ? Alors, dans ce cas-là, c'est que la barbarie est déjà considérablement installée en nous, que nous y sommes habitués, que les milliers d'images diffusées par les télés du monde nous ont vacciné contre ses outrages et que nous devons être encore plus choqués que d'habitude pour réagir.
La prochaine fois, ça sera quoi ? Je n'ose même pas l'imaginer.
D'ailleurs, si je voulais m'y prendre comme à la télévision, j'aurais dû commencer cet article par une page de pub, en insérer une autre au milieu et vous annoncer une série américaine ensuite pour vous inciter à encaisser les dix minutes de pub supplémentaire. Ca vous permettrait en plus d'oublier rapidement ce que vous venez de lire.
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En toute conscience (spiritualité)
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/10/2011
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Le Cochon, la Chèvre et le Mouton
Une Chèvre, un Mouton, avec un Cochon gras,
Montés sur même char s'en allaient à la foire :
Leur divertissement ne les y portait pas ;
On s'en allait les vendre, à ce que dit l'histoire :
Le Charton n'avait pas dessein
De les mener voir Tabarin,
Dom Pourceau criait en chemin
Comme s'il avait eu cent Bouchers à ses trousses.
C'était une clameur à rendre les gens sourds :
Les autres animaux, créatures plus douces,
Bonnes gens, s'étonnaient qu'il criât au secours ;
Ils ne voyaient nul mal à craindre.
Le Charton dit au Porc : Qu'as-tu tant à te plaindre ?
Tu nous étourdis tous, que ne te tiens-tu coi ?
Ces deux personnes-ci plus honnêtes que toi,
Devraient t'apprendre à vivre, ou du moins à te taire.
Regarde ce Mouton ; a-t-il dit un seul mot ?
Il est sage. - Il est un sot,
Repartit le Cochon : s'il savait son affaire,
Il crierait comme moi, du haut de son gosier,
Et cette autre personne honnête
Crierait tout du haut de sa tête.
Ils pensent qu'on les veut seulement décharger,
La Chèvre de son lait, le Mouton de sa laine.
Je ne sais pas s'ils ont raison ;
Mais quant à moi, qui ne suis bon
Qu'à manger, ma mort est certaine.
Adieu mon toit et ma maison.
Dom Pourceau raisonnait en subtil personnage :
Mais que lui servait-il ? Quand le mal est certain,
La plainte ni la peur ne changent le destin ;
Et le moins prévoyant est toujours le plus sage.JEAN DE LA FONTAINE
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"Celui qui ne sait pas est un imbécile, mais celui qui sait et ne dit rien est un criminel."
BERTOLD BRECHT
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Terrible dilemme...Nous avons d'un côté une vision fataliste, ce qui est ne peut pas être changé et il ne sert à rien de s'en tourmenter et de l'autre l'idée que l'ignorance est du domaine des imbéciles et que la connaissance non utilisée est criminelle.
Il faudrait bien évidemment analyser ces deux attitudes dans diverses situations pour juger de la pertinence d'un choix.
S'il s'agit de la mort inéluctable d'une fin de vie, il est inutile de se tourmenter, ça ne changera rien à l'affaire et ça serait même le meilleur moyen de se priver du temps qui reste.
S'il s'agit d'une menace extérieure envers cette vie, un risque rapporté, un danger qu'il est possible d'éviter, une sanction fatale à laquelle l'individu peut s'opposer, il convient à mon sens d'user de toute son énergie pour lutter. Ne serait-ce que pour l'estime de soi. Je ne veux pas être une victime consentante. Même si l'issue peut paraître périlleuse, je me dois d'honorer la Vie en moi par l'exploitation du potentiel qu'elle m'a offert. Il s'agit de mourir avec regret, certainement, mais sans remords. Ou éventuellement d'en réchapper.
Qu'en est-il maintenant de toutes les situations dans lesquelles le risque de mort n'est pas présent ?
Celui qui ne sait pas est-il un imbécile ?
Non, assurément, sinon cela sous entendrait que tous mes élèves sont des imbéciles.Et moi aussi au vu de tout ce qui me reste à apprendre.
Par contre, celui qui ne chercherait pas à savoir alors qu'il a conscience qu'il ne sait pas, celui-là serait un imbécile. Mais encore faut-il qu'il puisse disposer d'une aide, d'un support, d'un tuteur pour réaliser au moins qu'il ne sait pas.On ne peut apprendre que ce qu'on sait ne pas savoir.
Celui qui sait et n'agit pas est-il un criminel ?
On rejoint bien entendu le phénomène actuel des "Indignés". Nous savons que nous ne savons pas tout de la vérité et ce que nous en savons nous pousse à agir.
Celui qui sait et ne dit rien participe au mensonge. C'est une certitude. Il entre dans le registre des "collaborateurs" par son silence. Un rappel historique et on sait à quel point l'Histoire se répète. Cette omission de la vérité a facilité les crimes. Même si l'individu n'est pas le bourreau, il l'autorise à agir.
Certains pourraient dire qu'autour de nous, il n'y a pas de crime, qu'on n'est pas en temps de guerre, que la juxtaposition des époques est indécente.
Il faudrait aller l'expliquer à ceux qui ont vu un de leur proche se suicider. En Grèce, le taux de suicide est en augmentation de 40%...Et les statistiques des suicides dans les entreprises françaises n'est pas à porter aux nues..."Allo, je suis bien chez France Télécom? _ Tut...tut...tut..."
Combien de personnes en dessous du seuil de pauvreté ? Combien de repas servis par les Restos du coeur qui n'ouvraient à l'origine que pour un seul hiver ? Ceux qui s'efforcent de ne pas le savoir sont des assassins de la Vérité.
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"Il y a deux vérités; L'histoire officielle, menteuse, puis l'Histoire secrète où sont les véritables causes des évènements. "
Honoré de Balzac.
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Le choix du fatalisme, dans l'exploration de la Vérité, est une insulte à l'Homme.
C'est le choix de la lâcheté. Je refuse d'accepter la version officielle. Celle des gouvernants, des financiers, des tireurs de ficelle.
Je ne veux pas être un imbécile mais je refuse avec encore plus de force d'être un criminel.