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  • Mongolie 2

    Des nouvelles de Rémi dans son périple en Mongolie. Dix-huit jours sans nouvelles et puis aujourd'hui, une connexion et des photos ^^Il va bien et vit son projet à fond. Neige, rivières et lacs gelés, solitude, espaces immenses, pistes infinies de cailloux, de sable, de pierres, de terre, d'herbe, des kilomètres avalés, des rencontres, des échanges, du cheval dans la steppe et tout ce qu'il vit intérieurement et qui n'est pas racontable...

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  • LES ÉGARÉS (roman) 6

     

     

     

    LES ÉGARÉS 

    EXTRAIT

    Il pleure et les paysages fragmentés par les larmes embuant ses rétines sont des kaléidoscopes féeriques qui le ravissent, tout cet amour coulant de l’Univers, toute cette vie qui l’entoure, toute cette vie qui l’anime, cette connivence qu’il a découverte, il aurait pu tout perdre mais cette vibration insoumise qu’il percevait parfois, noyau vital résistant aux assauts incessants de la douleur barbare, cette palpitation comme un cœur d’étoile, il ne pouvait l’abandonner, il était impossible de l’ignorer, de la laisser couler dans le néant putride de la mort souveraine. Quand Leslie, le matin, ouvrait les volets et qu’il découvrait le ciel du fond de son lit il pleurait les espaces perdus. Mais cette simple fissure dans le mur compact de ses souffrances érigées suffisait à insuffler le germe d’un sursis, l’esquisse d’un bourgeon de vie et les heures de tourmente, les tortures ressassées ne ravageaient jamais complètement cette terre fertile, cet espace d’amour qui le sauvait.

    L’amour. Il sait ce qu’il lui doit. L’amour pour Leslie, l’amour pour les enfants, l’amour pour la Terre, l’amour pour ses parents.

    Ses parents. Ils avaient déjà tellement souffert. Il les imaginait rongés de détresse à mille kilomètres de son supplice, ce désespoir dans leurs voix éteintes lorsqu’ils appelaient au téléphone, cet abattement gorgé de larmes, cette incompréhension désespérante devant cet acharnement de la vie à violenter leur amour parental. Ils avaient déjà tellement souffert. Leur deuxième fils en sursis. Leslie tentait de les rassurer.

    Les nuits sans sommeil, quelques cessez-le-feu épisodiques, l’observation inquiète des horizons éteints, les embrasements suspendus, les odeurs âcres des sueurs, des morves séchées, des peaux talées, les cheveux collés … Juste un répit. Il tentait de récupérer, se laisser porter par l’épuisement, flotter entre la surface lumineuse et les fonds obscurs, les yeux clos, le corps immobile, essayer de relâcher les résistances, les nœuds enflammés par les heures de lutte, respirer profondément et que l’air absorbé liquéfie les crampes, emporte les acides, purifie les tranchées ravinées, les artères souillées, les muscles brisés, arracher de son corps la boue solidifiée des douleurs.

    Remonter à la source du conflit, identifier les forces en présence, analyser les raisons du désastre. Comprendre, chercher une issue, ailleurs que dans les réseaux médicaux, on voulait l’éventrer, en période de guerre, les chirurgiens ne font pas de détails.

    Il était en guerre.

    « A 50%, le risque c’est le fauteuil roulant, à 25% la paralysie de la jambe gauche, il reste 25% de chances que l’opération réussisse. »

    Leslie lui avait fait part de ce commentaire du chirurgien dans le couloir, il ne considérait finalement que l’opération et pas l’individu, le geste chirurgical était évalué en pourcentage. Pas la vie de l’homme.

    Il n’irait pas.

    Plutôt mourir. 

    Le rêve. Une voix qui lui parle. Au cœur d’un halo bleuté.

    « Ce que tu vois n’est pas la vérité. Ca n’est qu’une image. Ton âme sait où elle va. »

    Il n’en parlait pas.

    Peut-être la morphine et pourtant cet amour ineffable, incommensurable. La lumière l’aimait, des auras bleues qui dansaient devant ses yeux émerveillés. La notice du médicament, les effets secondaires, une liste redoutable mais pas d’hallucinations. Une incompréhension totale. Habituellement, ses rêves disparaissaient au réveil. Rien, aucun souvenir. Celui-là perdurait et l’enlaçait de douceur. Comme un baume d’amour.

    Une caresse d’ange.

    Et puis.

    L’apparition d’Hélène.

    Un conseil d’une amie, une médium magnétiseuse, Leslie avait pris rendez-vous. Il avait étouffé les douleurs en triplant les doses de morphine. Se lever, marcher en traînant la jambe gauche, elle ne réagissait plus. Elle l’avait soutenu jusqu’à la voiture. Plus rien à perdre.

    Une petite maison dans la montagne, un jardin très soigné, des volets et un portail violets.

    Hélène en haut de l’escalier. Ce premier regard. Inoubliable. Tellement de force et tellement d’amour. Elle avait demandé à Leslie de les laisser. Elle lui téléphonerait quand ça serait fini. Il s’était effondré sur une banquette moelleuse. Les effets de la morphine qui s’estompaient, la terreur des douleurs à venir, tous ces efforts qu’il allait devoir payer. Une petite pièce lambrissée, aménagée pour la clientèle, des bougies parfumées, quelques livres. Ils avaient discuté, quelques minutes, tant qu’il pouvait retenir ses larmes puis elle l’avait aidé à se déshabiller.

    « Je vais te masser pour commencer. Tu as besoin d’énergie. »

    Il s’était allongé en slip sur une table de kiné.

    Les mains d’Hélène. Une telle chaleur.

    Elle parlait sans cesse. D’elle, de ses expériences, de ses patients, elle l’interrogeait aussi puis elle reprenait ses anecdotes, des instants de vie.

    « Tu veux te faire opérer ?

    - Non.

    - Alors, il faut que tu lâches tout ce que tu portes. »

    Il n’avait pas compris.

    Elle avait repris son monologue, son enfance, ses clients, ses enfants, son mari, son auberge autrefois, maintenant la retraite, quelques voyages. Et tous ces clients. De France, de Suisse, de Belgique, de la Réunion … Elle n’avait rien cherché de ses talents. Ils étaient apparus lorsqu’elle avait huit ans, une totale incompréhension, des auras qui lui faisaient peur et puis elle avait fini par comprendre, nourrie par des révélations incessantes descendues en elle comme dans un puits ouvert.

    Des auras … Les rêves qui habitaient ses nuits. Interrogations. Lui aussi ?

    Les mains d’Hélène, sa voix, la chaleur dans son corps, ce ruissellement calorique.  L’abandon, l’impression de sombrer, aucune peur, une confiance absolue, un tel bien-être, des nœuds qui se délient, son dos qui se libère, comme des bulles de douleurs qui éclatent et s’évaporent, une chaleur délicieuse, des déversements purificateurs, un nettoyage intérieur, l’arrachement des souffrances enkystées, l’effacement des mémoires corporelles, les tensions qui succombent sous les massages appliqués et la voix d’Hélène.

    « Tu sais que tu n’es pas seul ?

    - Oui, je sais, tu es là.

    - Non, je ne parle pas de moi. Il y a quelqu’un d’autre. Quelqu’un que tu portes et tu en as plein le dos. Il va falloir que tu le libères. Lui aussi, il souffre. Vous êtes enchaînés.»

    Il n’avait pas encore parlé de Christian.

    Les mains d’Hélène, comme des transmetteurs, une vie insérée, les mots comme dans une caisse de résonance, des rebonds infinis dans l’antre insondable de son esprit, une évidence qui s’impose comme une source révélée, l’épuration de l’eau troublée, les mots comme des nettoyeurs, une sensation d’énergie retrouvée, très profonde, aucun désir physique mais une clairvoyance lumineuse, l’impression d’ouvrir les yeux, à l’intérieur, la voix qui s’efface, un éloignement vers des horizons flamboyants, il vole, il n’a plus de masse, enfin libéré, enfin soulagé, effacement des douleurs,  un bain de jouvence, un espace inconnu, comme une bulle d’apesanteur, un vide émotionnel, une autre dimension, les mains d’Hélène qui disparaissent, comme avalées doucement par le néant de son corps, il flotte sans savoir ce qu’il est, une vapeur, plus de contact, plus de pression, même sa joue sur le coussin, tout a disparu, il n’entend plus rien, il ne retrouve même pas le battement dans sa poitrine, une appréhension qui s’évanouit, l’abandon, l’acceptation de tout dans ce rien où il se disperse, le silence, un silence inconnu, pas une absence de bruit mais une absence de tout, plus de peur, plus de douleur, plus de mort, plus de temps, plus d’espace, aucune pensée et pourtant cette conscience qui navigue, cet esprit qui surnage, comme le dernier élément, l’ultime molécule vivante, la vibration ultime, la vie, il ne sait plus ce qu’il est, une voix en lui ou lui-même cette voix, la réalité n’est pas de ce monde, il est ailleurs, il ne sait plus rien, un océan blanc dans lequel il flotte mais il n’est rien ou peut-être cet océan et la voix est la rumeur de la houle, l’impression d’un placenta, il n’est qu’une cellule, oui c’est ça, la première cellule, le premier instant, cette unité de temps pendant laquelle la vie s’est unifiée, condensée, un courant, une énergie, un fluide, un rayonnement, une vision macroscopique au cœur de l’unité la plus infime, des molécules qui dansent.

    Où est-il ?

    Fin du Temps, même le présent, comme une illusion envolée, un mental dissous dans l’apesanteur, ce noir lumineux, pétillant, cette brillance éteinte comme un univers en attente, concentration d’énergie si intense qu’elle embrase le fond d’Univers qui l’aspire, la vitesse blanche, la fixité noire, la vitesse blanche, la fixité noire, le Temps englouti dans un néant chargé de vie, une vie qui ruisselle dans ses fibres, des pléiades d’étoiles qui cascadent, des myriades d’étincelles comme des galaxies nourricières dans son sang qui pétille.

    Il est sorti en marchant.

    Que s’est-il passé ?

    Aucune réponse.

    Il ne sait rien.     

    Il se souvient d’Hélène qui l’embrasse sur le front alors qu’il est encore allongé. Il n’arrive pas à ouvrir les yeux. Comme l’abandon refusé d’un espace scintillant et la plongée douloureuse dans la lumière sombre de sa vie réintégrée.

    Il aurait préféré ne jamais revenir.

    Un filet d’eau qui sourd entre deux roches. Il remplit la gourde.

    Il n’a jamais compris. Aucune explication rationnelle. Hélène n’en donnait pas.

    « Moi, je n’ai rien fait, disait-elle avec son habituel sourire. Juste un transfert d’énergie mais cette énergie, c’est toi qui t’en sers ou qui la rejettes. Je n’ai fait qu’initier la guérison que tu portais. Tu étais au bout du rouleau, tu n’avais pas le choix, il fallait bien que tu comprennes.

    - Mais comprendre quoi Hélène ? Je ne comprends rien.

    -Ton mental ne comprend rien mais celui-là on s’en moque. C’est l’être réel qui importe. Et celui-là a tout compris ou ton âme si tu préfères. Laisse ton mental régler les problèmes quotidiens, c’est son travail. Mais pour le reste, c’est une question d’âme. »

    Rien de plus.

    Son médecin parlait de « chance. » La même incompréhension. Dans le cabinet médical. Il observait une nouvelle fois les radios, les hernies aussi visibles qu’une tumeur, « des œufs de moineau, » avait-il dit, le nerf sciatique englobé dans une fibrose solidifiée, l’inévitable opération et pourtant la disparition des symptômes.

    Il était venu à pied, un besoin irrépressible de marcher.

    « Ça vaudrait le coup que tu repasses un scanner Yoann, pour voir où sont passées ces trois hernies.

    - Ca ne m’intéresse pas, elles ne sont plus là, c’est tout, je le sens bien, je n’ai pas envie de concentrer mes pensées sur elles. Je m’en suis libéré, inutile de les rappeler.

    - Mais tu sais aussi bien que moi que c’est impossible. Quand elles sont aussi installées, rien ne peut les faire rentrer dans leur logement, c’est écrasé et c’est tout, il faut les enlever.

    - Ça, c’est le point de vue de la médecine, pas celle de mon corps, ni de mon esprit. Je ne sais pas ce qu’Hélène a réussi à faire mais en tout cas, ces hernies ne sont plus là. C’est tout ce qui compte.

    - Je n’y comprends rien. Jamais vu ça.

    - Y’a rien à comprendre. Ca obligerait à y penser et c’est du passé. Là, maintenant, je marche. C’est ça qui m’importe. »

    Quatre rechutes. Violentes. Des crises qui le laissaient hagard mais une étrange compassion envers son corps. Il n’était plus un ennemi mais juste le porteur d’une douleur. Il n’y était pour rien, la source était ailleurs. Il n’était pas sa douleur, il ne s’identifiait plus à elle, il savait qu’elle n’était qu’une intruse à laquelle il avait ouvert la porte et que si elle était parvenue à entrer, il existait nécessairement la possibilité qu’elle s’en aille.

    Qu’il lui donne l’autorisation de le quitter.   

    Il n’avait plus besoin d’elle pour exister.

    L’impression d’entendre tomber autour de lui les murs ébranlés de sa geôle. Bloc après bloc, des coups de bélier répétés, les horizons qui s’ouvrent.

    Hélène. Trois autres visites. Des heures entre ses mains, des plongées intérieures, des flux d’énergie, des mots comme des scalpels, tranchant les vieilles écorces, les armures invalidantes, des paroles chirurgicales, affûtées, une précision infaillible, il ne résistait plus, une évidence. La vérité.

    « Comment veux-tu que ton dos vous porte tous les deux ? Il ne peut pas supporter un tel fardeau. Il faut que tu le poses. Christian aussi en sera libéré. Il ne peut pas partir puisque tu le retiens. Il n’a pas décidé d’être là, c’est toi qui l’emprisonnes avec tes regrets, ta culpabilité, ton identification. Tu n’existes qu’à travers cette histoire et profondément, là où ton mental se perd, tu crois que tu ne peux pas vivre sans ce passé. Tu t’y accroches comme une huître à son rocher. C’est inconscient bien entendu mais les dégâts sont gigantesques. Tu n’es pas là, dans l’instant, tu vis ailleurs, dans une dimension psychologique et ton corps n’en peut plus. »

    Il écoutait sans aucun refus, sans aucune résistance, c’était impossible de ne pas admettre la vérité.

    « La première fois que tu es entré, Christian était là, je le voyais, tu le portais, une âme violette, alourdie elle aussi, vieillie par ta propre souffrance, vous êtes tous les deux des victimes et il n’y a que toi qui puisses vous libérer. Christian attend que tu l’autorises à partir en abandonnant la culpabilité que tu traînes et qui le rattache à toi. Il a besoin que tu t’éveilles, il sait que tu souffres et il s’en veut. Son âme est emprisonnée dans ton histoire. »

    Il n’en avait rien dit à Leslie, ça n’était pas racontable.

    Un regret. Ca n’est pas elle qui ne pouvait pas comprendre mais lui qui ne savait pas en parler. Comme une honte aussi. Tout ce gâchis.

    « Inutile de regretter. »

    Hélène.

    « Tu ne pouvais rien prévoir. Ca ne t’appartenait pas. C’est le chemin que tu as choisi. Il y a longtemps. Cette vie est nécessaire pour ton évolution. Elle n’appartient pas à ton mental mais à ton âme. »

    Impossible à comprendre. Et il ne fallait pas chercher à comprendre. Pas avec le mental.

    « Les choix de l’âme peuvent paraître redoutables mais elle sait où elle va, elle sait ce dont elle a besoin. Laisse faire. »

    Laisser faire. Il s’y était attaché. Lâcher les résistances. Cette impression d’être conditionné, influencé, manipulé, il avait essayé d’admettre l’idée que c’était nécessaire, qu’il était inutile de lutter, que tout avait un sens. Même s’il ne le comprenait pas, que ça finirait par le mener quelque part, qu’un nouvel espace s’ouvrirait un jour. C’était peut-être déjà le cas avec cette guérison miraculeuse. L’âme en avait besoin même si le mental en souffrait. Et qu’il trouvait dans cette souffrance une identification qui le servait.

    Des jours et des nuits de pensées ressassées, un chaos étrange, comme si dans ce fatras existait une volonté cachée, un cheminement désiré. Christian, l’hôpital, la douleur, les hernies, le goût de la mort. Aucun hasard là-dedans, un chemin de croix pour grandir. Le choix de l’âme à laquelle il appartenait.

    Accepter, laisser faire.

    « Quand tu les comprends, les choses sont ce qu’elles sont. Quand tu ne les comprends pas, les choses sont ce qu’elles sont. »

    Hélène. Elle devait apparaître, c’était nécessaire et déjà établi.

    Un plan minutieusement élaboré.

    Ces marches la nuit, ce magma de forces en lui, impossible de dormir, une lampe frontale lorsque la nuit était trop sombre, des marées de questions sur le rythme de ses pas. Dieu. Il n’aimait pas le nom, les hommes l’avaient tellement souillé.

    L’Un.

    Etait-ce lui qui avait programmé un chemin aussi douloureux ? Connaissait-il déjà l’issue ? Hélène avait-elle été le fil conducteur de ses intentions ? Un canal d’énergie. C’était au-delà de la raison. Personne ne comprenait cette rémission. Cette magie des pas qui se succèdent, ce sourire intérieur qui ne le quittait plus, cette joie incompressible, inaltérable, cette chaleur dans son corps, comme un noyau en fusion. Un flux vital libéré, comme si la raison éteinte ne pouvait plus maintenir enfermée la conscience du lien. Une connexion indescriptible.

    La vie pouvait-elle souffrir des errances du mental au point de se détruire ? N’était-ce pas son amour retrouvé de cette vie qui avait permis la guérison ? Cette épuration de son mental, l’éveil de sa conscience, l’abandon, l’acceptation, tout ce qu’il avait découvert. La vie pouvait-elle se guérir ? Aucune intervention divine. Juste le flux vital qui se nourrit de l’amour qu’on lui porte.

    Et ce rêve. Sans que le mot ne convienne, il aurait fallu un autre terme, une rencontre, un message, un contact, une bénédiction, un médecin aurait parlé de rêve, un psychiatre aurait dit hallucination ou délire, il n’en parlait pas, c’était inutile.

    Des bulles bleues, phosphorescentes, il flottait dans un océan de plénitude, aucun mouvement, juste les arabesques lentes de ces entités lumineuses. Des voix qui résonnaient en lui, des murmures susurrés doucement dans son âme, il ne se voyait pas mais il était là, c’était lui, une présence, et des myriades d’esprits qui l’enlaçaient, il savait bien que ça n’était pas que des bulles, c’était vivant, animé, un rayonnement d’amour, des auras câlines.

    « Tu n’es pas au fil des âges un amalgame de verbes d’actions conjugués à tous les temps humains mais juste le verbe être nourri par la vie divine de l’instant présent. »

    La phrase inlassablement répétée, comme glissée en lui, coulant dans son âme comme une délivrance, une certitude, une naissance, oui, c’est ça, une naissance.

    Il sort de ses pensées. Le col au fond de la vallée étroite, une crête au vent, une herbe rase, quelques rochers, une heure de montée.

  • La pensée émotionnelle

    « Vérifie toujours que tes pensées, tes choix, tes décisions et tes actes, sont  à l’image de la personne que tu es et que tu veux être. »

     

    Une réflexion en classe sur cette attitude qui consiste à trouver en soi ce « maître intérieur », à ne pas se contenter d’une surveillance extérieure, celle de l’adulte qui installe et impose des barrières qu’on ne saisit pas réellement.

    Une réflexion sur cette pensée qui précède tout le reste et cette émotion qui suit la pensée, qui n’existe que dans l’ombre de cette pensée, qui se nourrit d’elle et est dès lors corrompue…

     

    De très nombreuses situations identifiées par les enfants dans leur vie quotidienne. Des pensées qui les assaillent et déclenchent des émotions très puissantes, l’abandon de l’individu à ces émotions comme si elles devenaient le maître d’équipage, plus aucune observation de soi, une dérive, une acceptation de ce bouillonnement intérieur qui amène à prendre un choix, à s’en tenir à une décision, à produire un acte. Et ensuite, parfois, à le regretter. Une extension de la discussion sur cette fameuse « conscience morale » qui n’a pas pu rester prioritaire parce que la « pensée émotionnelle » a été plus puissante ou parce que l’individu a décidé, inconsciemment, de s’y soumettre.

     

    La « pensée émotionnelle » est un assemblage de deux entités : la pensée et l’émotion qu’elle génère. Et dès lors que cette émotion vient se greffer, la pensée n’est plus maîtrisée, elle n’est plus observée, elle est prise dans un tourbillon de colère, de frustration, d’envie, de jalousie, d’euphorie, d’espoir, d’attente, d’illusion…Ca n’est plus la réalité mais l’interprétation de la réalité par une pensée et l’émotion qu’elle génère. Le risque, évidemment, c’est que cette réalité finisse par revenir en force, dès lors que cette « pensée émotionnelle » a interdit tout discernement, toute objectivité et que l’hallucination s’efface soudainement parce que la réalité reste la même…

     

    Si je me mets à penser à la sortie très proche d'un roman et que j’ajoute à cette pensée une émotion euphorique, liée à l’idée que ça va être un succès national, international, planétaire, universel… Je m’abandonne à cette joie intérieure, j’efface volontairement toute objectivité, je plonge dans une irréalité qui me convient, une projection temporelle qui n’a aucune autre existence que celle que ma pensée lui donne et aucune autre énergie que celle de mes émotions…

    La pensée est le moteur, l’émotion est le carburant…

    Je deviens dès lors un véhicule sans conducteur, le « maître intérieur » s’est endormi et tout ça va finir la tête dans le mur…Et ensuite, mes pensées reviendront, elles diront que la réalité est vraiment trop dure, les émotions sombres nourriront ces pensées et je repartirai pour un autre tour.

    L’individu a beau se prendre le mur à longueur de vie, il remonte toujours à bord et repart pied au plancher…

    Stop !!

     

    La pensée n’est pas la réalité, elle n’en est qu’une interprétation. L’émotion n’a rien à y faire et si l’individu décide de la laisser s’étendre, il doit garder à l’esprit que tout ça est un jeu dangereux. Une observation constante des phénomènes intérieurs.

     

    Un exemple très simple : une partie de tennis.

    Dès lors qu’un des deux joueurs s’approche du point final, de cette victoire espérée, si la pensée temporelle prend le pas sur l’instant présent, si des images de coupe brandie, de photographes, d’applaudissements, de reconnaissance, prennent le pas et que des émotions euphoriques viennent nourrir simultanément ces pensées, la maîtrise du geste va voler en éclat…Un point,deux points, une montée au filet catastrophique et l’euphorie va changer de camp…L’individu n’est plus là, il n’est plus dans la réalité mais dans une irréalité temporelle, générée par des pensées émotionnelles. Il peut y avoir au contraire de cette illusion de la victoire, la peur de gagner…Une autre pensée émotionnelle mais négative dans sa projection. Au lieu de continuer à produire le jeu qui lui a permis de prendre le match en main, le joueur va imaginer qu’il pourrait ne pas réussir à maintenir cette pression sur son adversaire. Et cette peur va le figer.

    On est toujours dans le même phénomène. La pensée n’est pas la réalité. La réalité se vit, la pensée la commente. Ou mieux encore, elle se tait.

     

    C’est finalement la source de cette plénitude procurée par la marche ou l’effort long que j'aime infiniment.

    Il y a parfois des « émotions spontanées », des bouffées de bonheur « dé-pensées », rien ne les a déclenchées, aucune pensée, aucune réflexion, aucune interprétation de cette réalité, c’est une bourrasque qui passe, balaie d’un coup tous les résidus de pensées qui cherchent à survivre, c’est un vide immense qui se révèle, un horizon vierge de tout et dans cette épuration mentale, cette bourrasque qui survient, je sais ce qu’elle est. C’est la vie.     

  • Montagne

    Et bien voilà, les vacances sont finies. Notre petit camping-car nous a emmenés dans le Vercors et en Chartreuse. De longues et belles randonnées dans le silence et la solitude des montagnes. Très peu de personnes sur les sommets. De moins en moins, même, il me semble...

    En tout cas, toujours ce même bonheur de l'altitude, de cette lumière, de ce silence, des horizons étendus, des couleurs, des surprises, de la recherche d'un itinéraire, de l'abandon des pensées disparates pour entrer dans la mécanique isolante des pas, le silence intérieur et cette "présence" de la vie qui vibre et se réjouit de l'attention qu'on lui porte.

     

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  • Mongolie.

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    Rémi au départ de Oulan bator.

    Il roule depuis hier matin.

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  • Attention et concentration.

     

     

    « Si vous faites attention, vous ne pouvez pas être concentrés. »

     

    Un travail en classe sur cette idée que l’attention est une nécessité.

     

    « Fais attention quand tu écris, quand tu calcules, quand tu apprends ta leçon…! »

     

    Et bien non justement. L’attention est source de dispersion et elle est très représentative du fonctionnement actuel de ce monde « moderne. »

    Lorsque nous faisons attention, nous sommes à l’écoute de tout ce qui nous environne, dans un florilège de perceptions liées à nos sens, attentifs justement à ne rien laisser passer, une discussion, un bruit, un mouvement, tout ce qui peut nous remplir de cette activité ambiante, une espèce de « caméra sensorielle », capable de distinguer le moindre déplacement, le moindre son, la moindre odeur, le moindre frôlement. Il faut imaginer un réseau routier sur lequel notre attention bifurquerait anarchiquement. Il est très long et ardu d'apprendre à "conduire".

     

    La concentration implique au contraire l’établissement d’un horizon limité, une interdiction de changer de chemin, comme si une voie unique était tracée et qu’elle devait être empruntée sans aucune interférence, dans le refus de toutes perceptions étrangères, une lobotomie sensorielle, uniquement attachée à la validation du travail entamé. Il n’y a qu’un objectif et rien ne doit s’y greffer.

     

    Le silence et la solitude sont des alliés de choix. On peut dès lors se demander comment 30 enfants dans une classe peuvent y parvenir…Quand je vois d’ailleurs la difficulté pour un groupe d’adultes à rester « concentré », il y a une certaine aberration à en attendre davantage d’un groupe d’enfants.

     

    Il me semble que cette fameuse attention est très représentative de cette dispersion ambiante. Les marchands, les médias, les autres, les contraintes sociétales, sont des éléments perturbateurs.

    Les marchands sont d’ailleurs passés maîtres dans l’art d’entretenir l’attention.

    « Attention, ce nouveau smartphone va révolutionner votre vie, attention cette nouvelle voiture sera une compagne fidèle, attention cette nouvelle série télé est un évènement, cette télé réalité va vous bouleverser, attention, attention, attention, ne manquez pas tout cela, vous le regretteriez. Soyez dans le coup !»

     

    Et les consommateurs ne cessent de faire attention sans jamais se concentrer.

    L’attention est un phénomène tourné vers l’extérieur quand la concentration est une plongée intérieure. Dès lors, elle est un ennemi de la consommation.

    Un ermite silencieux est un citoyen économiquement sans intérêt…

    La concentration implique une observation de soi afin de ne pas quitter la voie intérieure. Alors que ce monde moderne est une ouverture constante sur l’extérieur.

    Bien sûr qu’il est profitable de faire attention lorsqu’on marche en forêt. Il n’est pas question de le nier ou de rejeter ces bonheurs multiples. On peut par contre y adjoindre une certaine concentration dans la plénitude qu’on y trouve. Comme si la nature ramenait immanquablement l’individu vers soi. Une boucle en quelque sorte. Marcher en montagne est autant une ouverture aux sens qu’un état de méditation dans l’intériorisation que l’activité déclenche. Encore faut-il aller marcher avec des personnes oeuvrant à l’exploration intérieure et non aux commentaires des dernières nouveautés technologiques ou de la campagne présidentielle…Il y a des sujets de discussion qui sont des insultes aux arbres.

     

    Quand j’entends mes élèves discuter du dernier jeu vidéo à la mode, alors qu’ils marchent en montagne, sous les frondaisons des arbres, au bord d’un torrent, je me dis que le travail à faire est gigantesque avant de les amener au silence…De l’attention à la concentration, le chemin est long et parsemé de pièges de toutes sortes.

     

    Cette attention pourrait être visualisée sur un plan horizontal, une espèce d'extension destinée à capter tous les éléments générés par les esprits engagés dans le même fonctionnement.

    La concentration implique un mouvement vers le centre. Une plongée verticale déclenchant simultanément une élévation du même ordre. Les perceptions environnementales ne sont plus des interférences dispersives mais des phénomènes aléatoires qui s'estompent naturellement.

    Juste des risées sur l'Océan intérieur. 

  • L'école.

    Tout ce qu'il conviendrait de faire. Et il y a urgence...

     

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    DEI-France

    41 rue de la République, 93200 Saint-Denis 

    01 48 30 81 98

    www.dei-france.org ; contact@dei-france.org

     

    LETTRE OUVERTE

    A Monsieur Eric DEBARBIEUX

     

    Saint-Denis, le 22 avril 2011

    Objet : Assises nationales sur le harcèlement à l’Ecole / 2 et 3 mai 2011

                Monsieur,

    DEI-France est une association – section française de l’ONG Défense des enfants International, habilitée auprès des Nations Unies – qui promeut la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et milite donc de façon globale et pluridisciplinaire pour le respect des droits des enfants à être protégés – contre toute violence notamment – en même temps que pour leurs droits à participer à leur éducation et à exercer progressivement leurs libertés, qui sont des gages évidents d’une meilleure protection. C’est dans cet état d’esprit que deux de nos membres ont été signataires de la « lettre ouverte » qui a été adressée au ministre de l’Education nationale en janvier sur le sujet, et que nous participerons aux prochaines Assises sur le harcèlement à l’Ecole.

    Nous avons pris connaissance avec intérêt de l’étude de victimation que vous avez réalisée avec  Georges FOTINOS à la demande d’UNICEF-France sur les violences dans les écoles primaires. Nous sommes heureux qu’enfin une étude sociologique donne directement la parole aux enfants pour recueillir leur « expertise » sur ce qu’ils vivent au quotidien. Nous apprécions également qu’une étude similaire ait été lancée par le ministre dans les collèges dont nous pensons qu’ils cristallisent plus encore que l’école primaire ces phénomènes de violences et de harcèlement. 

    Dans la perspective de la mise en débat, à l’occasion des prochaines Assises des 2 et 3 mai sous votre caution scientifique, de propositions pour lutter contre les phénomènes de harcèlement entre pairs dans l’institution scolaire, nous souhaitons attirer votre attention sur les écueils suivants :

    • S’il est indispensable de trouver des solutions pour prévenir et lutter contre les phénomènes de harcèlement entre pairs, il ne faut pas oublier pour autant toutes les autres formes de violences auxquelles sont confrontés les élèves, parfois même du fait de l’organisation de l’institution scolaire, dont les acteurs soulignent de plus en plus les tensions professionnelles et les déficits de formation auxquels ils sont eux-mêmes exposés.  
    • Il y a lieu de ne pas se désintéresser non plus des situations où des élèves  - en l’absence de tout comportement violent apparent - retournent contre eux-mêmes la violence qu’ils ressentent, et l’expriment par des comportements d’autoagressivité voire d’autodestruction ou encore de désinvestissement, d’évitement et de repli. Moins perturbateurs pour la communauté scolaire, ces enfants n’en sont pas moins, eux aussi, en réel danger.
    • Enfin et surtout, s’il faut viser à repérer, pour mieux les accompagner, les victimes et les auteurs potentiels de ces violences, il ne faut pas en rester, dans la recherche des causes comme des solutions, à une approche strictement individuelle : il y a lieu bien sûr de faire prendre conscience aux élèves de leur responsabilité individuelle, y compris au sein de groupes, mais il n’en reste pas moins vrai que les causes essentielles de ces phénomènes de harcèlement sont collectives, comme les solutions d’ailleurs. 

    A ce sujet, nous tenons à vous signaler les solutions originales que DEI-France promeut depuis longtemps mais pour lesquelles nous n’avons pas trouvé une oreille attentive de la part des  prédécesseurs de Monsieur Luc Chatel[1]. Elles peuvent être résumées dans les quelques items qui suivent :

    • Approche et enseignement des fondements du droit dès l’école primaire et, au collège, un enseignement plus poussé de l’organisation de notre système judiciaire et des notions de droit civil et pénal utiles à tout citoyen.
    • Une approche et un enseignement particulier aux droits de l’homme, à commencer par les droits de l’enfant, non seulement à être protégé mais aussi à être acteur de son éducation et à exercer progressivement ses libertés – d’expression, d’information, de conscience – aussi bien dans la famille que dans l’école ou dans la cité.
    • Sensibilisation des élèves aux phénomènes de groupe, à la gestion des conflits, à la relation à l’autre, à « l’apprivoisement » des différences (handicap, âge, sexe, etc.). Une approche sous des formes actives - théatre forum, expressions artistiques ou autres - permet ainsi des apports plus théoriques comportant, adaptées aux contextes, des notions de philosophie, d’anthropologie, de sociologie, de psychologie, d’éducation sexuelle, à la santé, à la gestion des conflits, etc.
    • Une organisation des établissements scolaires – en matière de locaux, de groupes classes, de rythmes scolaires, de vie scolaire, de présence de permanences médicales et sociales, -  qui mette en œuvre concrètement les droits de l’enfant à être protégé dans son intimité, sa santé, contre toute forme de violence ou de négligence, mais aussi ses droits à être écouté, pris au sérieux, à avoir un pouvoir sur sa vie en participant, avec l’accompagnement des adultes, aux décisions qui le concernent.
    • En matière de discipline, l’élaboration avec les élèves et tous les acteurs de l’établissement de règles de vie connues et valables pour tous mais tenant compte de la « spécificité d’enfant » des élèves[2] ; l’utilisation de sanctions restauratrices plutôt que la mise à l’écart ; le développement et la formation des élèves aux pratiques de médiation entre pairs et une présence d’adultes disponibles et en nombre suffisant, plutôt que le recours à des systèmes de surveillance désincarnés dont on connaît bien les limites.
    • S’agissant des méthodes pédagogiques, le développement de méthodes actives et coopératives, du « faire ensemble » aussi bien entre élèves qu’entre élèves et adultes ; la valorisation du travail de l’élève plutôt que de la seule parole de l’enseignant.
    • Quant à l’évaluation, l’abandon du système actuel construit sur les notes[3], le classement, le tri entre bons et mauvais, ceux qui réussissent et ceux qui échouent, pour retenir comme objectif principal du nouvel outil d’évaluation l’utilité pour l’enfant de mesurer ses progrès et de lui donner, ainsi qu’à sa famille, les éléments lui permettant de s’orienter au mieux pour la poursuite de ses études et pour sa formation professionnelle.
    • La formation de tous les personnels scolaires au développement d’une nouvelle forme d’autorité fondée non pas sur une différence de statut adulte-enfant ou enseignant-enseigné mais sur la capacité de cette autorité à autoriser et pas seulement à interdire, à protéger les élèves, à faire de l’Ecole un lieu « secure » tout en les aidant progressivement à grandir intellectuellement, à s’ouvrir à d’autres cultures que familiale et à acquérir leur autonomie en les accompagnant dans une prise de risque maîtrisée.
    • Plus fondamentalement une affirmation forte dans les objectifs de l’école obligatoire, et localement dans les projets d’école et d’établissement, de la volonté de réconcilier « réussite » individuelle  et apprentissage du vivre en société, d’éduquer aux notions de bien collectif, de travail en équipe et de promouvoir les valeurs de solidarité [4].
    • Une formation indispensable des personnels aux implications éducatives de leur mission de service public, au delà de leur fonction d’enseignant, d’ATSEM, d’ATOS ou de personnel de direction ; et un minimum de connaissance de psychologie des enfants, des situations de handicap, des droits de l’enfant et du rôle des autres acteurs publics de l’enfance et de la famille.
    • L’ouverture de l’Ecole sur l’environnement par l’implication des personnels, des enfants et des familles dans l’élaboration d’un projet éducatif territorial et global permettant d’articuler de façon cohérente tous les espaces-temps de l’enfant [5].

    Si ces propositions peuvent paraître très générales et parfois éloignées du seul problème des violences et harcèlements entre pairs, elles nous semblent pour autant essentielles : nous sommes convaincus que ces violences et harcèlements trouvent en large partie leur source dans le fonctionnement actuel de l’institution scolaire qui engendre lui-même de la souffrance, de l’exclusion[6] et donc de la négligence et de la violence. Elles sont aussi la reproduction par les enfants de replis identitaires ou de mise à l’écart de la différence dans notre société qui tend à une normalisation de plus en plus forte, quand elle ne disqualifie pas purement et simplement toute une partie de la population qui ne peut avoir accès aux conditions quotidiennes d’une sécurité de base..

    Nous espérons vivement que, sous votre caution scientifique, les Assises organisées par le ministre de l’Education nationale sauront éviter les écueils d’une réduction de la violence à l’Ecole aux seuls phénomènes visibles de harcèlement entre pairs et d’un oubli des responsabilités collectives et institutionnelles en la matière ; qu’elles déboucheront aussi sur des propositions de solution qui, loin des systèmes de surveillance déshumanisés, et bien au delà des seuls dispositifs de repérage individuel des auteurs ou victimes de harcèlement, sauront s’attaquer aux causes profondes et collectives de ces violences que malheureusement les orientations du gouvernement ces dernières années, en termes d’effectifs et de formation des personnels, de scolarisation des 2-3 ans, de modification des textes sur la discipline, de responsabilisation à outrance des parents ou les discours nostalgiques sur une autorité à l’ancienne  n’ont fait qu’accroître.

    En vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien porter à cette lettre, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de ma haute considération

    Jean-Pierre ROSENCZVEIG,

    Président

     

    Copie à : M. Georges FOTINOS et M. Jacques HINTZY, président d’UNICEF-France



    [1] Nous avons rencontré un conseiller du Ministre Xavier DARCOS en février 2008 : cf lettre adressée le 10 mars 2008:

    http://www.dei-france.org/DEI-communiques-commentaires/2008/Lettre_MEN_13-03-2008.pdf

    Voir aussi les recommandations de notre rapport alternatif au Comité des droits de l’enfant au chapitre éducation loisir et culture :

    http://www.dei-france.org/rapports/2008/index_rapport2008.html

    [2] Comme il en existe déjà dans certaines écoles primaires, par exemple l’école Marie Curie à Bobigny.

    [3] Cf la proposition de L’AFEV et d’autres associations dans le domaine scolaire :

    http://suppressiondesnoteselementaire.org/

    [4] Voir l’Appel de Bobigny signé par plus de 40 organisations : syndicats, réseaux de villes, associations complémentaires de l’Education Nationale et d’éducation populaire, associations de parents…

    http://blogs.mediapart.fr/edition/appel-de-bobigny/article/181010/appel-de-bobigny-vers-un-grand-projet-national-pour-len

    [5] Cf la proposition n°10 de l’appel de Bobigny

    [6] Voir les conclusions de la journée du refus de l’échec scolaire 2010 organisée par l’Association de la fondation étudiante pour la ville : http://www.afev.fr/communication/Bilan_jres_2010_AFEV_web.pdf

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  • L'inquiétude.

    Rémi, notre garçon (20 ans dans 7 jours) est parti pour un raid à vélo pendant trois mois, tout seul.

    Départ Genève, passage par Moscou, Transsibérien pendant 5000 kilomètres, Transmongolien jusqu’à Oulan Bator puis départ pour les steppes.

    Une continuité finalement si on pense à tout ce qu’on a fait avec nos trois enfants. Sauf que Rémi franchit une étape élevée d’un coup…

     

    D’où le sujet du jour : l’inquiétude. 

     

    Imaginons que j'ai montré à Rémi que j'étais inquiet. S'il se retrouve dans une grosse galère, cette peur qui m'appartient s'est ancrée en lui et elle va rajouter une pression alors qu'à ce moment précis, il a besoin de tout son potentiel et de sa lucidité. C'est ma peur qui l'alourdit, comme un fardeau.
    Cette inquiétude est totalement inutile pour moi, elle crée une pression pénible mais je l’entretiens malgré tout, comme si je me devais d’être inquiet, un bon père qui a peur pour son fils, une bonne conscience que je me donne. C’est totalement absurde. Cette inquiétude n'aidera pas non plus Rémi. Elle va même avoir un effet particulièrement néfaste. Il aura peur, non pas pour lui mais pour moi et ça le figera dans l’expectative et le doute alors qu’il aura besoin de réagir rapidement.

    Si par contre, j'ai transmis à Rémi ma confiance, si j'ai su l'accompagner dans sa préparation et qu'on est assuré d'avoir fait tout ce qu'on pouvait, qu'on a parlé de tout ce qui pouvait lui arriver et que je lui montre que je n'ai aucun doute sur sa capacité à gérer l'urgence, j'ai ancré en lui une force supplémentaire, celle de cette confiance.
    Pour moi, cette confiance ne servira à rien sinon d’éviter à l’inquiétude de refaire surface. Mais pour Rémi, elle peut être utile.

    En définitive, toutes mes émotions actuelles n'ont aucune importance. Mais celles qui se sont produites avant peuvent avoir un rôle à jouer.

    C'est l'expérience du canyonning qui me l'a montré. C'est ma peur pour Léo qui ne savait pas si on était vivant, c'est d'imaginer son inquiétude qui nous a fait, ma femme et moi, perdre cette lucidité qui nous aurait permis de continuer à descendre la gorge au lieu de remonter la falaise. Comble de la situation, cette inquiétude partagée nous a doublement égarés.  

     

    Dans le cas de Rémi, c’est finalement notre propre bien-être qu’on chercherait à préserver en transmettant cette inquiétude. Une tentative pour mettre un terme ou un frein à une aventure qui dépasse nos capacités. Mais ça n’est pas à Rémi qu’on penserait dans cette pression. Juste un apaisement qui conviendrait à notre vie sédentaire. Il y a dans l’idée du voyage une peur viscérale, une perte de nos repères, de nos murailles, celles de la maison qui nous abrite et celles de nos habitudes qui nous rassurent. Partir, c’est faire voler en éclat tout ce qui correspond à cette vie ancrée.


    On peut aussi, de façon irrationnelle, imaginer que Rémi perçoit nos émotions, malgré les distances et qu'il a davantage besoin de notre soutien que de nos peurs. Après tout, on n’en sait rien alors dans le doute, il vaut bien mieux opter pour le positif.

    Par conséquent, le choix est fait.

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