Nouvelles technologies

Le problème, à mon sens, ne vient pas des nouvelles technologies mais de la tendance naturelle de l'homme à s'abrutir. C'est même à se demander comment il a fait pour évoluer.


  • Nouvelles technologies : et si on se déconnectait ?

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    Par Astrid De Larminat Mis à jour | publié Réactions (5)
    Privés de médias électroniques, Susan Maushart et ses enfants, Anni, Bill et Sussy, ont redécouvert les joies de la vraie vie.
    Privés de médias électroniques, Susan Maushart et ses enfants, Anni, Bill et Sussy, ont redécouvert les joies de la vraie vie. Crédits photo : Frances Andrijich/AP

    Ordinateurs, smartphones, consoles de jeux : une mère de famille américaine a tout mis au placard pendant six mois. Une expérience passionnante qu'elle raconte dans Pause.

    Quel parent d'adolescent, exaspéré et inquiet de voir son enfant immergé dans son ordinateur envoyer des salves de SMS à longueur de journée, n'a-t-il pas rêvé de le débrancher de ces appareils numériques? Susan Maushart, mère de famille divorcée, docteur en sociologie des médias de l'université de New York, l'a fait. Et pourtant, elle-même était accro à son smartphone. Mais un jour, en relisant Walden, de Thoreau, elle a décidé de dire stop. Elle annonça à ses enfants, Anni, 18 ans, Bill, 15 ans, Sussy, 14 ans, qu'ils allaient faire pendant six mois une merveilleuse expérience, un grand voyage dans la vraie vie… en vidant leur maison de tous ses écrans, c'est-à-dire: quatre ordinateurs, quatre téléphones portables, une console de jeux, quelques iPod et deux télévisions.

    Réaction de sa fille cadette, typique d'un adolescent d'aujourd'hui: «Ce n'est pas juste, ce que tu nous demandes. Tu nous imposes ta volonté.» Commentaire de la mère: «Mes enfants auraient préféré renoncer à boire, à manger ou à se laver les cheveux.» Il faut dire qu'ils n'étaient pas loin de passer 7 h 38 par jour en compagnie d'un écran (téléphone non compris) comme l'adolescent américain moyen.

    Dispo 24 heures sur 24

    C'est donc au stylo qu'elle a tenu la chronique de leur cure de désintoxication. Le récit est drôle, enlevé ; la réflexion qu'elle mène, passionnante. Avant la coupure, comme toute mère de famille, elle était sans cesse sollicitée à son bureau par ses adolescents qui trouvaient normal qu'elle soit disponible 24 heures sur 24 pour répondre quand ils lui écrivaient par texto: «Il n'y a rien à manger», ou «Bill m'a frappé», ou «l'ampoule du salon a éclaté», etc. Quand elle sortait d'un rendez-vous, il n'était pas rare qu'elle ait dix ou douze appels en absence de ses enfants qu'elle rappelait, paniquée, pour s'entendre dire, «non, c'est bon, t'inquiète, on a retrouvé la télécommande». Que les téléphones portables accroissent dangereusement la dépendance des enfants à l'égard de leurs parents est une évidence dont on n'a pas toujours conscience.

    L'usage des SMS a une autre conséquence sur les ados, remarque-t-elle. Il leur permet de modifier leurs rendez-vous au dernier moment et les habitue à remettre toute décision à la dernière minute, à ne rien prévoir. Quant au mode de communication induit par les textos et messageries instantanées, il n'y a qu'à jeter un œil sur ce que les adolescents y écrivent pour être d'accord avec elle: il est confus, superficiel, voire totalement incohérent. Sussy, qui compensa son manque d'Internet en passant des heures sur le téléphone filaire de la maison, l'a reconnu. Elle déclara qu'une conversation n'avait rien à voir avec une discussion par messagerie interposée: «Sur MSN, tu fais coucou, LOL, j'aime, j'aime pas. Au téléphone, par contre, c'est super-profond…»

    Dix choses à la fois

    Les écrans et le travail scolaire: autre débat, d'autant plus aigu, aux États-Unis et en Australie, où réside cette famille, que beaucoup d'écoles donnent à leurs élèves un ordinateur pour rédiger leurs devoirs. Un jour, Susan Maushart a surpris sa fille Sussy en train de taper une dissertation sur le poète E. E. Cummings avec neuf fenêtres actives sur son écran. Six fenêtres de messageries instantanées, une septième qui passait un feuilleton téléchargé illégalement, et une huitième qui suivait les enchères en ligne d'un couple de perruches. Cerise sur le bureau: le téléphone en mode vibreur qui ne cessait de se tortiller. Les adolescents soutiennent qu'il est normal de faire dix choses à la fois et que leurs parents n'y arrivent pas parce qu'ils ont un cerveau d'un autre siècle.

    N'empêche, trois mois après le début du sevrage, les professeurs de la jeune fille notèrent une nette amélioration de ses résultats scolaires (sans doute, aussi, parce que l'abus d'écran perturbe le sommeil et engendre une fatigue chronique: le chapitre consacré à ce sujet fait froid dans le dos). Certes, il est avéré que les médias électroniques sont en train de modifier l'organisation du cerveau, mais toutes les études de neurobiologistes que détaille l'auteur montrent que la capacité du cerveau à travailler en mode dit «multitâche» est un mythe. Le laboratoire de médias interactifs de Stanford, qui voulait pourtant prouver les avantages du «multitâche», conclut: «Les individus qui font plusieurs choses à la fois mélangent toutes les informations. Ils gobent tout et n'importe quoi sans discernement. Les multitâches sont tout simplement mauvais à presque toutes les tâches.»

    L'auteur confirme: «Avant je me doutais que sauter sans cesse d'une tâche à l'autre ne pouvait favoriser un train de pensée fluide. Maintenant je le sais. Mes enfants sont sortis de l'état de “cogitus interruptus” pour devenir des penseurs plus logiques et plus concentrés.» Elle assure avoir vu leur capacité d'attention - très réduite - se développer de façon spectaculaire, si bien qu'ils étaient capables de «lire pendant des heures et non plus des minutes, d'avoir des conversations plus longues avec les adultes et de se projeter au-delà du moment présent».

    Les bénéfices du sevrage furent multiples: l'un reprit avec passion l'étude de son instrument de musique, l'autre dont la chambre était un bac à linge sale géant retrouva le sens de l'ordre, la troisième se mit à cuisiner et à écrire un roman. La vie de famille s'en trouva également bouleversée: «Nous sommes plus proches les uns des autres», affirma l'aînée de la fratrie. Par exemple, ils ne fuyaient plus les repas pour retourner dans leur bulle multimédia mais s'attardaient à table pour discuter.

    Enfin, ils se mirent à fréquenter leurs amis pour de vrai, ce qui n'est pas anodin: des études montrent en effet que les neurones dédiés aux rapports humains des individus qui ont grandi avec les nouvelles technologies sont souvent sous-développés, si bien qu'ils ont des carences dans certaines aptitudes sociales telles que l'écoute empathique.

    «Pause», de Susan Maushart, traduit de l'anglais (États-Unis) par Pierre Reignier, NiL, 366 p., 20 €.

    LIRE AUSSI:

    » Trop d'écrans, selon les Français (Ifop)

    » Les enfants aussi utilisent de plus en plus les tablettes

    » L'informatique modifie-t-elle notre manière de penser?

    » Non au TV-sitting!

    Par Astrid De Larminat
    Journaliste Figaro
     

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Avatar Mother93

Les nouvelles technologies comme le langage sont surtout victimes d'abord de la médiocrité, de l'intolérance, du manque de formation de bien des individus quand ce n'est pas de la société en général.
En même temps, la société d'hier sans les nouvelles technologies a construit de solides valeurs dont tous nous n'avons pas profité, cela est injuste, personne ne nous rendra des comptes.
Pour nombre d'enfants et de parents aujourd'hui, il n'a pas été question de choix, contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire mais d'adaptation, car ces technologies ont tout envahi y compris l'univers familial.
La modulation de l'utilisation et leur rationalisation intelligente suivant les besoins sont donc nécessaires.
Il est possible d'améliorer la qualité de vie. Il n'est pas possible et pas logique d'accuser les nouvelles technologies mais seulement certaines orientations de leur utilisation, elles sont très professionnelles et n'ont rien de l'amateurisme.

Le 28/02/2013 à 14:30 Alerter Répondre

Avatar piermer

Ce sujet est délicat ... car effectivement j'utilise AUSSI le clavier pour m'exprimer ici certes (je n'ai pas utilisé de courrier postal ),... MAIS !!! mais entre user et ABUSER n'y a t il pas un juste équilibre?
juste à partir de quand?Il me semble qu'il y a là un crénaux ou entre sévir et subir il faudra choisir : Je ne veux plus subir et même si le numérique a de beaux jours devant lui ( ne plus savoir écrire au stylo bic bientot?) j'ai très souvent déconnecté en partant sur des randos au long court ( Compostelle par ex ) quel plaisir !!! ce qui n'empéchait pas certains marcheurs de s'interroger sur la disponibilité de la Wi fi en arrivant au gite???Liberté avant tout à respecter mais n'y aurait il pas une grande reprise d'air pur à oublier ... téléphone, SMART de préférence,TELE ou autre substitut artificiel au profit du chant des oiseaux,des bruits de la forêt,des vibrations du marché le matin,et enfin utiliser son temps à bricoler,RE ...découvrir son environnement,
ouvrir ses yeux et ses oreilles aux rendez vous des contacts humains et autres rencontres de la vie.
Que se passerait il si le " numérique " n'existait plus?????

Le 28/02/2013 à 13:58 Alerter Répondre

Avatar Dominique Repronche

D'ou cette devinette de mauvais gout concernant les djeunes :

Tu connais la différence entre un smartphone et un clitoris ?

Non ?

Ben continue de jouer avec ton smartphone !

Le 28/02/2013 à 13:17 Alerter Répondre

Avatar marcel legand

Et bien je comprend mieux et tout se confirme.. j'ai fait cette expérience pendant 1 an... au début je culpabilisais comme si je me comportait comme un sauvage en me coupant de tout, mais non, en fait on fait a nouveau corps avec la vie, on se sent léger, frais, attentif et tellement plus heureux, la vie devient belle...en fait j'étais mal sans savoir pourquoi et c'était ça.. on a fini par m'inciter à reprendre et j'ai replongé... mon mal être revient.. je suis fatigué, triste plus rien n'a vraiment de goût, je suis a nouveau un esclave... Franchement, j'arrête... je conseille a tous d'essayer, stoppez tout ça pendant un moment, vous verrez... la liberté n'a pas de prix.. c'est la plus belle chose au monde.


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