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  • Ecrire en musique

    J'ai toujours les écouteurs sur les oreilles quand j'écris.

    Loscil, Richter, Hudson, Arvo Part...

     

     

  • "Rendre l'eau à la terre"

    Loin de moi, l'idée d'être irrespectueux envers les populations de Valence frappées par les inondations, les images sont terrifiantes et le bilan humain ne cesse d'augmenter.

    On sait depuis longtemps que le problème de l'urbanisation fait courir des risques majeurs aux populations. Un article sur France Info montrait l'envahissement des villes, l'extension des zones urbaines, commerciales, industrielles depuis les années 1950...L'eau n'a plus de place...

    Ce livre est une lecture nécessaire pour prendre conscience du problème.

     

     

    Rendre l'eau à la terre

     

    Sous-titre

    Alliances dans les rivières face au chaos climatique

    Baptiste MORIZOT

    Suzanne HUSKY

    Sur la planète Terre, une rivière vivante s’entoure de milieux humides qui protègent la vie. Pourtant, nous lui avons pris ces milieux pour déployer nos villes et nos agricultures industrielles. Corsetées, drainées, bétonnées, les rivières ne peuvent plus nous préserver d’un climat déréglé. Face au péril, il est temps de rendre l’eau à la terre, pour abreuver les déserts que l’extractivisme nous laisse en héritage.
    Comment ramener l’eau à la vie ? En enquêtant sur le temps profond des rivières. On découvre qu’elles ont coévolué avec une forme de vie qui travaille depuis des millions d’années à hydrater les milieux : c’est le castor. Il ralentit l’eau, l’infiltre dans les sols, la purifie et la donne en partage à tous les vivants. Il façonne ainsi des oasis de vie qui peuvent nous aider à traverser les sécheresses, les feux et les crues. Son action amplifie la vie. Traqué pendant des siècles comme un nuisible, peut-il devenir aujourd’hui un allié ? Le castor peut-il nous inspirer une philosophie de l’action enfin libérée du culte du pétrole, du machinisme et du contrôle ? Saurons-nous apprendre d’un autre animal comment guérir les rivières ?
    L’enjeu est de changer de paradigme, vers une pensée de l’eau vivante capable de désaltérer un monde assoiffé. En ces temps bouleversés, il est temps de passer des alliances avec des puissances non humaines. D’explorer la possibilité de participer, en humains, à l’autoguérison du monde. Et d’apprendre, nous aussi, à amplifier la vie.

    Retrouvez et soutenez les actions contribuant au mouvement d’alliance avec le peuple castor sur le site : https://mapca.eu/

  • Les castors

    Laisser la nature se réguler et en tirer les bénéfices. 

    Une famille de castors aide cette ferme drômoise face au dérèglement climatique

     

    « Le castor immerge l’entrée de sa maison par des retenues d’eau mais cultive toutes les espèces avec lesquelles il alimente son habitat, notamment les saules et les peupliers qu’il préfère. Ces arbres vont stimuler les milieux humides en pompant de l’eau, en la remontant en permanence et en la diffusant ensuite dans l’écosystème »

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    Texte: Liza TourmanPhotographie: Eve Campestrini6 juin 2024

    Au fin fond du Diois se trouve l’un des plus vieux GAEC de la Drôme : la ferme de Montlahuc où un jeune castor s’est installé il y a trois ans, inondant 2000m2 de terre, un exploit pour un lieu situé à 1000m d’altitude. Aujourd’hui, les 6 associés du GAEC cohabitent avec cet allié, réhydratant petit à petit les paysages et régénérant la biodiversité.

    D’une ferme conventionnelle à un havre de biodiversité

    Marco est l’un des associés du GAEC, la ferme de Montlahuc. Arrivé il y a une dizaine d’années, il développe l’activité « écosystème » qui consiste à prendre soin du territoire, de tout ce qui effleure de près ou de loin le Vivant et la durabilité de la ferme.

    « En 2013, le GAEC a amorcé une grosse transition où il y a eu un changement d’associés. On était trois jeunes à arriver. On a essayé de travailler avec l’inspiration Kogi, ce peuple ancestral de Colombie très connecté au Vivant. Comment repenser notre modèle agricole en laissant faire la nature au maximum ? » raconte-t-il pour La Relève et La Peste

    La ferme conventionnelle s’est transformée en quelques temps en poly-élevage, modèle vertueux pour la biodiversité. Le groupe fonctionne à 100 % en vente directe et a en une dizaine d’années redynamisé le village en passant d’une dizaine à une quarantaine d’habitants, relançant ainsi l’école.

    Les prairies de la ferme de Montlahuc

    Le rôle du castor dans le cycle de l’eau

    Il y a trois ans, un castor s’est installé au GAEC. De fil en aiguille, il a réhydraté le paysage.

    « Il a commencé par creuser un fossé au milieu de la prairie qui est devenue l’année suivante un véritable plan d’eau. Il a immergé 2000m2 de la parcelle sur 5000m2. Le premier raisonnement des voisins a été de nous dire de ne pas le laisser faire car nous étions en train de perdre de la surface pour le foin pour les animaux. On a quand même 1100 hectares, on s’est dit que 2000m2, on pouvait les laisser aux castors. Notre ruisseau temporaire est devenu permanent » se remémore Marco auprès de La Relève et La Peste

    Petit à petit, la biodiversité a fructifié. Des espèces aquatiques se sont installées comme une trentaine d’espèces de libellules, des canards et des oiseaux de zones humides. Le plus surprenant étant l’impact du rongeur sur l’écosystème en cultivant les espèces nécessaires pour se nourrir.

    « Le castor immerge l’entrée de sa maison par des retenues d’eau mais cultive toutes les espèces avec lesquelles il alimente son habitat, notamment les saules et les peupliers qu’il préfère. Ces arbres vont stimuler les milieux humides en pompant de l’eau, en la remontant en permanence et en la diffusant ensuite dans l’écosystème » détaille Marco pour La Relève et La Peste

    D’une prairie sèche et d’une végétation pauvre, la parcelle est devenue riche et dense. Des légumineuses sont apparues et ont diversifié le paysage. Une aubaine pour le pâturage. Ces légumineuses amènent des fleurs qui attirent tout un cortège de papillons et d’insectes, créant ainsi une vie spectaculaire avec l’apparition de feuillus là où auparavant ne cohabitaient que des pins.

    Un arbre coupé par un castor à la ferme

    « Les pins sont des espèces intéressantes mais qui partagent assez peu l’eau dans les écosystèmes, des espèces un peu plus « égoïstes » que les feuillus. Ces derniers travaillent ensemble. Ce qui permet une régénération de cet écosystème qui l’emmène vers un milieu qui amplifie la vie » sourit Marco

    Si le castor est arrivé seul sur cette parcelle il y a trois ans, ils sont aujourd’hui entre trois et quatre à habiter les lieux. Cependant, Marco nous signifie que sa présence existe sur ce petit cours d’eau depuis déjà une dizaine d’années, à quelques 3 kilomètres de là.

    « Notre petit ruisseau constitue la connexion entre le bassin des Baronnies et le bassin de la Drôme. C’est quasiment l’un des seuls corridors écologiques de zone humide entre ces deux grands bassins versants pour la circulation des espèces aquatiques : c’est un espace fondamental » précise Marco pour La Relève et La Peste

    Marco devant le barrage créé par les castors à la ferme de Montlahuc

    Le castor, un allié précieux

    Après des années de politique d’évacuation rapide de l’eau vers nos mers, on a aujourd’hui un assèchement majeur des territoires. Cette course a créé de l’érosion et donc une incision des ruisseaux qui ont tendance à descendre en profondeur. Les impacts bénéfiques du castor sur les écosystèmes sont multiples. L’un d’eux est le ralentissement et l’infiltration de l’eau dans les sols.

    « L’eau s’infiltre à la même hauteur que le ruisseau quand le castor fait un barrage, il remonte son niveau et aussi celui de cette nappe phréatique qui fait que les plantes ont plus d’accès à l’eau » détaille Marco.

    En édifiant des micro-retenues, le castor empêche une trop grande quantité d’eau de s’échapper. En la ralentissant et la stockant, elle est diffusée progressivement dans le paysage, ce qui évite les inondations.

    « On dit que le castor, en construisant des retenues, a tendance à réchauffer l’eau et que c’est mauvais pour les écosystèmes. En réalité, l’eau qui sort de terre est forcément plus fraîche et donc rafraîchit le cours d’eau. »

    Une expérience que la Californie, aux Etats-Unis, connaît bien. Face aux feux de forêts amplifiés par le dérèglement climatique, la Californie a mis en place des « zones castors », plus résistantes au feu grâce à l’humidité du sol. Ces fameuses « zones castors », dont la végétation perdure, peuvent recréer par la suite les forêts parties en fumée. Lieux refuges pour les animaux, ces derniers retournent dans les espaces désertifiés une fois le danger passé et, en déféquant des graines, régénéreront petit à petit les paysages.

    Le lieu de vie du castor à la ferme de Montlahuc

    Le castor est un animal clé dans l’équilibre des grands cycles, la régulation et la régénération des paysages. Depuis des millions d’années, il cohabite avec la rivière, ce qui en fait de lui en quelque sorte le gardien. Impressionnés par l’efficacité du castor sur cette parcelle, les agriculteurs tentent de l’attirer au plus près de la ferme de Montlahuc. Les associés ont tout mis en place pour rendre, selon l’expression de Baptiste Morizot, un emplacement attractif pour le plus gros rongeur d’Europe.

    « On a créé des petites retenues pour que son terrier soit immergé. On a aménagé ces espaces près des peupliers tremble, ses préférés, et on continue à en planter là-bas. Il y a de grandes chances qu’il soit déjà passé sur le lieu et qu’il l’ait repéré et qu’il vienne s’installer chez nous dès qu’il en aura besoin » espère Marco.

    Sur la ferme de Montlahuc, le réchauffement climatique se fait ressentir depuis une dizaine d’années. Le vent est de plus en plus fort et les parcelles, de plus en plus sèches. Avec une quantité de foin de moins en moins importante, chaque année est un peu plus difficile pour les associés.

    « On a planté 3000 arbres, un peu plus de 3km de haies. Ces arbres on les achète, il faut les protéger avec des clôtures, préparer les tracteurs, aller les planter. Tout ça prend beaucoup de temps, d’énergies fossiles, d’argent alors qu’en deux ans, le castor est plus efficace en utilisant moins d’énergie » résume Marco

    Les Etats-Unis ont ainsi mis en place des indemnisations pour les agriculteurs qui perdent des parcelles agricoles où le castor se réinstalle. Historiquement, le mot maraîchage est lié au marais, terres très fertiles qui ont été subtilisées aux castors. Ainsi, ce sont dans ces espaces qu’il va revenir d’où la nécessité que l’État prenne des mesures. Le modèle allemand a également un barème d’indemnisation agricole en cas de dégâts, de façon à ce qu’il y ait moins de problèmes de cohabitions entre les castors et les agriculteurs.

    Le barrage mimétique créé par les salariés de la ferme pour attirer le castor dans une nouvelle zone

    Entre envahir et infuser le Vivant pour l’habiter, il n’y a qu’un pas

    Co-créer avec le castor a une signification plus profonde et puissante sur notre urgence à cohabiter avec le Vivant, dont nous, humains, faisons pleinement partie. Ce sont des millions d’années de cohabitation qui se sont créées entre les espèces. Chacune, de par sa façon de vivre, a un rôle écologique, une fonction dans les écosystèmes.

    Chaque fois que l’une d’elles disparaît, c’est une fonction qui s’évapore et un équilibre qui est complètement modifié. Tout ce que l’on créait comme déséquilibre, c’est à nous que ça coûte économiquement, en charges de temps de travail et de tous les impacts. Il y a tout intérêt à amplifier la vie et de travailler avec lui.

    Pour Marco, on doit faire avec la nature et cohabiter avec elle dans tous nos espaces. La clé ne serait pas de sanctuariser quelques zones. En revanche, il préconise de préserver quelques endroits de l’intervention humaine de façon à laisser les dynamiques se mettre en place pour qu’ensuite elles puissent se propager. Les Kogis les appellent « zones d’espace sacré ». Que ces espèces puissent y perdurer en dépit du dérèglement climatique. Ainsi, une fois que cela se sera à peu près stabilisé, elles pourront recoloniser et régénérer le reste du paysage.

    « Puisque c’est la vie qui génère et amplifie la vie, il faut que cette diversité d’espèces et ces équilibres qui ont été créés depuis des millions d’années puissent fonctionner et réparer ce qu’on a fait derrière. Cette notion de sanctuaire arrive un peu là. Il n’y a pas une solution absolue, c’est la multitude de solutions qui va permettre qu’on s’en sorte demain »

    Le retour en force du castor dans nos campagnes françaises est donc une formidable façon de faire alliance avec le reste du Vivant.

  • L'écologie n'est pas punitive

    Mais l'absence de conscience écologique induit des sanctions terribles. 

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    Je lis encore et encore des commentaires sur les réseaux sociaux qui affirment que des inondations ont déjà eu lieu et patati et patata.

    Bon, si on prend en considération les données suivantes, en faisant une règle de 3, on peut avoir une idée de ce qui est en route :  5-6 degrés en 100 000 ans vs. 1,5 à 4 degrés en 150-200 ans. Ça donne une idée de la suite...

     

    "Au vu des derniers épisodes météorologiques, il est bon de rappeler certaines études sur les crues paléologiques en période de réchauffement climatique.

    il y a 56 millions d'années a eu lieu un réchauffement rapide (100'000 ans) de 5°C ou 6 °C, le PETM.

    Des mégacrues ont eu lieu : Les lits de certains fleuves ont débordés de 10 à 14 fois leur normale.

    Ces observations dépassent largement (d'un facteur 2 ou 3) les prévisions des modèles climatiques sur les augmentations de pluviométrie.

    Je cite l'étude :

    "Quelles sont les implications de ces résultats pour l'avenir ? Les simulations de modèles et les observations suggèrent que le réchauffement climatique anthropique entraînera des changements prononcés dans l'hydrologie mondiale. Plus précisément, on s'attend à des changements dans la saisonnalité et à une augmentation de l'occurrence et de l'intensité des phénomènes météorologiques extrêmes, mais l'ampleur des changements reste incertaine. Les arguments théoriques indiquent que les précipitations extrêmes devraient être proportionnelles à la capacité de rétention d'eau de l'atmosphère ( 7 % par degré de réchauffement)

    Bien que cette prédiction soit confirmée par les données mondiales sur les précipitations quotidiennes maximales annuelles, les précipitations extrêmes infraquotidiennes (horaires) semblent s'en écarter, certaines régions présentant proportionnalité moindre, tandis que d'autres avec une proportionnalité beaucoup plus importante

    Nos résultats suggèrent des précipitations extrêmes pendant le PETM et confirment donc la probabilité que le réchauffement climatique actuel puisse intensifier les précipitations extrêmes et les inondations associées à des taux plus élevés, peut-être imprévisibles, que ceux prévus par les modèles de circulation générale."

    Adrien Couzinier

    source document en Anglais

    https://www.nature.com/articles/s41598-018-31076-3?fbclid=IwY2xjawGPRrpleHRuA2FlbQIxMQABHTIdbIIs2f1rKhusbwz0jqEePdgjNnhZe7jB8ejAbJVgReKd2-hY5j8rpQ_aem_VDxmY-TXI4KeHpnBbACdaw

     

     

     

    Publié le 30 octobre 2024

    Une photo prise à Picanya, près de Valence, dans l'est de l'Espagne, le 30 octobre 2024, montre des voitures entassées dans une rue après des inondations. Jose Jordan / AFP

    Ce sont littéralement des torrents d’eau qui ont déferlé sur la région de Valence en Espagne dans la nuit du mardi 29 octobre en raison de pluies soudaines et extrêmement violentes intensifiées par le changement climatique. Le bilan provisoire fait état d’au moins 51 décès.

    Au moins 51 personnes ont péri dans de dramatiques inondations qui ont dévasté mardi 29 octobre au soir le sud-est de l’Espagne, selon un bilan provisoire. “Le chiffre provisoire de personnes décédées (est) de 51”, ont annoncé les services d’urgence dans un message posté sur X.

    La région était pratiquement coupée du reste du pays, certains villages étant inaccessibles, ont indiqué les services de secours. Dans la nuit, le président du gouvernement régional de la communauté de Valence, Carlos Monzón, avait indiqué que plusieurs corps avaient été retrouvés. “Nous faisons face à une situation sans précédent, que personne n’a encore jamais vue”, avait-il ajouté. Rien ne laissait toutefois prévoir un tel nombre de victimes, qui fait de ces inondations les plus dramatiques en Espagne depuis août 1996.

    Les autorités avaient indiqué mardi que sept personnes étaient portées disparues, dont une à L’Alcudia, dans la région de Valence, et six à Letur, dans la province voisine d’Albacete (région de Castille-La Manche), où une crue soudaine avait envahi les rues, emporté des voitures et inondé des bâtiments. Les services d’urgence, appuyés par des drones, ont travaillé toute la nuit pour rechercher les six disparus à Letur, a déclaré à la télévision publique TVE la déléguée du gouvernement central en Castille-La Manche, Milagros Tolon. “La priorité est de retrouver les personnes disparues”, a-t-elle ajouté.

    Armée spécialisée dans les opérations de sauvetage

    La police de la ville de L’Alcudia a, pour sa part, déclaré être à la recherche d’un chauffeur de camion porté disparu depuis mardi après-midi. Les autorités ont demandé à tous les habitants de la région de ne pas essayer de se déplacer par la route. Le gouvernement central a mis en place une cellule de crise, qui s’est réunie pour la première fois mardi soir, et a envoyé dans la région de Valence une unité de l’armée spécialisée dans les opérations de sauvetage. Cette cellule de crise devait se réunir de nouveau mercredi à midi sous la présidence du Premier ministre Pedro Sánchez, de retour d’une visite officielle en Inde.

    La mairie de Valence a annoncé que toutes les écoles resteraient fermées mercredi, de même que les jardins publics, et que tous les événements sportifs étaient annulés. Douze vols qui devaient atterrir à l’aéroport de Valence (est) ont été détournés vers d’autres villes d’Espagne en raison des fortes pluies et des vents violents, a indiqué l’opérateur aéroportuaire espagnol Aena. Dix autres vols qui devaient partir ou arriver à l’aéroport ont été annulés.

    Déraillement d’un TGV

    L’opérateur national d’infrastructures ferroviaires Adif avait suspendu mardi soir les trains à grande vitesse entre Madrid et Valence en raison des effets de la tempête sur les principaux points du réseau ferroviaire. Un train à grande vitesse transportant 276 passagers avait d’ailleurs déraillé dans la région méridionale d’Andalousie, mais personne n’avait été blessé, selon le gouvernement régional.  Les services d’urgence ont secouru des dizaines de personnes à Alora, en Andalousie, certains par hélicoptère, après le débordement d’une rivière.

    L’agence météorologique nationale Aemet avait déclaré une alerte rouge dans la région de Valence et le deuxième niveau d’alerte le plus élevé dans certaines parties de l’Andalousie, prévenant que les pluies allaient se poursuivre au moins jusqu’à jeudi. De nombreuses routes ont été coupées dans les deux régions en raison des inondations. La région de Valence et la côte méditerranéenne espagnole en général subissent régulièrement, en automne, le phénomène météorologique de la “gota fria” (la “goutte froide”), une dépression isolée en haute altitude qui provoque des pluies soudaines et extrêmement violentes, parfois pendant plusieurs jours. Les scientifiques avertissent que les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les vagues de chaleur et les tempêtes sont à la fois de plus en plus fréquents, de plus en plus longs et de plus en plus intenses en raison du changement climatique. ■

  • L'autoroute de la pluie.

     

    Parmi nos 200 plantations, on a planté cinq paulownias sur notre terrain et leur croissance est impressionnante. Moins que les robiniers faux acacias mais ils n'en sont pas loin. Dans cinq ans, ils seront immenses.  

     

    Ils veulent planter 10 millions d’arbres du pays basque au massif central pour réguler la pluie

     

    « Nous visons une continuité de 40 à 80 arbres par hectare sur une zone délimitée au sud par le Piémont Pyrénéen, au nord par la Montagne Noire, la Garonne à l’ouest et le partage des eaux à l’est, afin de créer de l’ombre, refroidir les sols, accueillir la biodiversité et condenser de l’eau. Cela représente près de 260 000 hectares. »

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    Texte: Liza TourmanPhotographie: Mordolff28 octobre 2024

    Si, à la place de dégrader toujours plus impunément le climat, nous mettions à contribution l’inventivité du Vivant pour pérenniser ses cycles, assurer l’équilibre de nos écosystèmes et ainsi contribuer à la sauvegarde de notre planète ? C’est l’objectif que se sont donnés Cédric Cabrol (chimiste), Roméo Teyssier Dumont (gestion de projet) et Joris Dedieu avec leur projet « L’autoroute de pluie », lequel prône une agroforesterie d’urgence. En phase d’expérimentation, Cédric Cabrol nous en explique le concept.

    Une agroforesterie d’urgence

    L’autoroute de la pluie est un projet en gestation qui plaide en faveur d’une agroforesterie d’urgence. Les trois associés sont partis du constat que la simplification des paysages, l’érosion, l’artificialisation, la dévégétalisation etc. avaient fait perdre aux sols leur capacité à infiltrer, condenser et stocker l’eau. Même si l’idée d’augmenter les pluies en développant la végétalisation n’est pas neuve, le concept d’agroforesterie d’urgence, l’est. L’autoroute de la pluie est un projet qui vise à adapter nos paysages pour augmenter la connectivité climatique, générer de la fraîcheur et de l’humidité.

    « Nous visons une continuité de 40 à 80 arbres par hectare sur une zone délimitée au sud par le Piémont Pyrénéen, au nord par la Montagne Noire, la Garonne à l’ouest et le partage des eaux à l’est, afin de créer de l’ombre, refroidir les sols, accueillir la biodiversité et condenser de l’eau. Cela représente près de 260 000 hectares soit, sans tenir compte de l’existant, environ 10 millions d’arbres à  planter » explique Cédric pour La Relève et la Peste.

    Ils se sont inspirés du peuple Dogon au Mali qui plantent 40 arbres à l’hectare en utilisant majoritairement l’espèce Faidherbia Albida. Cette densité leur permet de constater des rendements de culture supérieurs de 40% par rapport aux parcelles dépourvues d’arbres. Pour Cédric, le choix de l’arbre est crucial. Le paulownia est, selon lui, une essence idéale pour l’agroforesterie d’urgence et le contexte climatique. Cependant, dans les terrains trop humides, d’autres espèces sont préférables, comme par exemple le peuplier.

    « Le paulownia possède plusieurs stratégies intéressantes, notamment dû à un mode de photosynthèse hybride. Il peut à la fois saturer au printemps, c’est-à-dire saturer l’atmosphère en vapeur d’eau et, comme un cactus, utiliser très peu d’eau lorsqu’elle devient un GES en été. Le gros intérêt est de faire rapidement de l’ombre pour capter la rosée sur les sous-couverts et directement sur le paulownia. Ses feuilles sont très efficaces pour cela. Condenser de la vapeur d’eau : c’est aussi éliminer du GES » nous explique Cédric.

    Pour améliorer le climat, Cédric aimerait créer des corridors avec ces systèmes agroforestiers. Les arbres capteraient la rosée et provoqueraient une pluviométrie invisible. De l’eau qui ne tombe pas du ciel mais que l’on capte. Faire de l’ombre, c’est perdre 5 à 10°C soit autant que pour un gain de 1000 m d’altitude.

    Feuilles de Paulownia ayant capté la rosée – Crédit : Cédric Chabrol

    L’autoroute de la pluie : un corridor d’arbres

    Alors que les continents représentent une surface équivalant à 40% des surfaces des océans, seuls 10% des volumes d’eau qu’ils évaporent arrivent à venir y alimenter les pluies. Pour Cédric, la cause principale est le manque de conductivité pour amener l’eau dans les territoires. L’autoroute de la pluie, à l’image du bocage normand ou breton, serait un “supraconducteur” pour améliorer la diffusion de l’humidité dans le continent. Cela marchera avec la captation de rosée sur les substrats ou directement sur le paulownia. A court terme, la plantation d’arbres offre la possibilité de faire une préparation de sol.

    « L’idée de l’autoroute de la pluie est de relier la porte d’entrée du climat frais humide régulier, c’est-à-dire le climat océanique, qui serait le climat du pays basque et de le relier avec le château de la France qui est le massif central. Ma vision c’est que la transition agroécologique est compliquée au regard de l’urgence. J’ai essayé de trouver quelque chose de plus simple et accessible où l’on dit que l’on ne plante qu’un arbre et après l’idée est d’amener les gens là-dedans mais par étape. On commence par se mettre en sécurité avec une agroforesterie d’urgence. »

    Cédric travaille sur la démonstration de faisabilité. Avec son frère, ils ont lancé vingt hectares d’agroforesterie d’urgence sur leur exploitation. Pour le moment, leur succès est mitigé. Dans leur pépinière, ils ont des paulownias de 3m30, planté en 2023, malgré une gelée qui a remis à zéro les arbres. Le gel leur a fait perdre 2.5 mètres de potentiel de croissance en pépinière et en plein champ. Actuellement, ils font 1m50 pour les plus grands, sans que l’eau n’apparaisse limitante. Cependant, les objectifs restent atteignables.

    Avec le scientifique Jean-Pierre Sarthou, Cédric et ses compères ont ouvert une thèse en partenariat avec Météo France pour voir quel est l’impact de la dégradation des sols sur le climat. Actuellement, Cédric a eu une quarantaine d’heures de discussions avec 35 climatologues. Il est intervenu dans un colloque scientifique pour proposer une vision d’agro-éco-climatologie qui mélange plusieurs sciences.

    Le paulownia, l’arbre couteau suisse

    Le paulownia est un arbre pré-pionnier qui précède la forêt. Dans les nombreux avantages qu’on lui attribue, le paulownia a une croissance rapide, résiste à des hautes températures (jusqu’à 55° en serre), sa photosynthèse fonctionne jusqu’à 35/38°. Il est endomycorhizien, c’est-à-dire qu’il ne va pas venir concurrencer les cultures mais plutôt leur donner du sucre pendant les phases caniculaires.

    « Il va jouer le rôle d’ascenseur hydrique. Il nous permet d’humidifier et de capter la rosée. Il remonte les minéraux. Il est comestible pour le bétail, la teneur en protéine est de 22 %. D’un point de vue économique, il rapporte de l’argent à court terme. » s’amuse Cédric auprès de La Relève et la Peste

    Dans un contexte changeant, si l’on considère que cette essence va améliorer la captation de la rosée et ainsi augmenter la pluviométrie, il peut être intéressant de constater qu’il modifie l’écosystème pour participer à sa résilience.

    « Pour moi, cette modification est positive. Il y a aussi le rôle des pollens hydrophiles qui peuvent participer à la saison des pluies ou la dissiper. J’ai tendance à penser que le paulownia est un arbre qui va amener la pluie grâce à son pollen ».

    La pollinisation hydrophile consiste en un transfert à la surface de l’eau ou sous l’eau des pollens. Sa reproduction est assurée par l’eau. Ainsi, le pollen hydrophile permet de condenser la vapeur d’eau et de former la goutte de pluie. On parle de noyau de condensation. Et pour les détracteurs du projet ou ceux du paulownia qui argumentent que ce dernier peut être invasif. Cédric répond :

    « Si l’on avait des modifications du climat qui ne convenaient pas, on serait capables de remodeler le dispositif et de l’ajuster le temps que les autres se mettent à niveau. Mais, il faut songer que le Paulownia ne se développe aujourd’hui que sur les concassés SNCF et trottoirs. Il a trop besoin de lumière pour résister à quelques brins d’herbes. »

    En tant qu’arbre pionnier, le paulownia a donc une durée de vie limitée et pourrait être remplacé par des arbres endémiques qui auront bénéficié de sa protection.

    « A terme, l’idéal est bien sûr de planter des espèces natives. On dit que le meilleur moment pour planter un arbre était il y a 20 ans. Planter le paulownia permet de faire comme si on en avait compris la pertinence. A nous, de comprendre la pertinence de planter des graines ou de laisser la nature les planter au pied de ces arbres. »

    Les prochaines étapes sont de réussir à faire une preuve de concept d’ici à l’an prochain. Passer de 20 hectares à 30 ou 40.

    Un autre monde est possible. Tout comme vivre en harmonie avec le reste du Vivant. Notre équipe de journalistes œuvre partout en France et en Europe pour mettre en lumière celles et ceux qui incarnent leur utopie. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté.

    Liza Tour

  • Le parti d'en rire

     

    Paroles de la chanson Le Parti D'en Rire par Chansons Enfantines

     

    Oui
    Notre parti
    Parti d'en rire
    Oui
    C'est le parti
    De tous ceux qui n'ont pas pris de parti
    Notre parti
    Parti d'en rire
    Oui
    C'est le parti
    De tous ceux qui n'ont pas pris de parti

    Sans parti pris nous avons pris le parti
    De prendre la tête d'un parti
    Qui soit un peu comme un parti
    Un parti placé au dessus des partis

    En bref, un parti, oui
    Qui puisse protéger la patrie
    De tous les autres partis
    Et ceci
    Jusqu'à ce qu'une bonne partie
    Soit partie
    Et que l'autre partie
    C'est parti
    Ait compris
    Qu'il faut être en partie
    Répartis
    Tous en seul parti
    Notre parti

    Nous avons placé nos idéaux
    Bien plus haut
    Que le plus haut
    Des idéaux

    Et nous ferons de notre mieux
    Cré vindieu de vindieu de vindieu
    Pour que ce qui ne va pas aille encore mieux
    Oui pour vivre heureux
    Prenons le parti d'en rire
    Seules la joie et la gaieté peuvent nous sauver du pire
    La franche gaieté
    La saine gaieté
    La bonne gaieté des familles

    Nos buts sont déjà fixés:
    Réconcilier les oeufs brouillés
    Faire que le veau d'or puisse se coucher
    Apprendre aux chandelles à se moucher
    Aux lampes-pigeons à roucouler
    Amnistier les portes condamnées
    A l'exception des portes-manteaux

    (tiens ça rime pas, ah oui je sais:)
    C'est pour ça qu'y peuvent s'accrocher
    Exiger que tous les volcans
    Soient ramonés une fois par an
    Simplifier les lignes d'autobus
    En supprimant les terminus
    Et pour prouver qu'on n'est pas chiches
    Faire beurrer tous les hommes-sandwichs

    Voilà quel est notre programme
    Voilà le programme
    Demandez le programme
    On le trouve partout
    Je le fais cent sous

    Mais... pas d'hérésie!

    - Notre parti

    - Parti d'en rire, oui
    - Non!
    - Si!
    - Crétin!
    - Pauvre type!
    - Abruti!

    Et voici... ce qu'est notre parti
    Oui!

     

  • TERRE SANS HOMMES : Ange

     

    Je n'avais pas écrit depuis des semaines, des mois peut-être. Je ne sais plus.

    Je sais que ça ne me sert plus à rien de me forcer à m'asseoir devant l'ordinateur et d'écrire quelques lignes. J'ai beaucoup changé ma façon de travailler. D'ailleurs, je ne parle même plus de "travail".

    Je n'écris que lorsque ça devient nécessaire, lorsque tout est là et qu'il faut que je le pose devant moi, que je le vois en lettres, en mots, en lignes, en chapitres. Que ça ne soit plus seulement que des images, que le film dans ma tête réclame lui-même de s'extraire de cette enceinte, comme s'il n'avait plus de place.

    C'est ce qui vient de se passer pour Ange. Un nouveau personnage qui est apparu de façon fugace il y a quelque temps et pour lequel je n'avais encore rien écrit. Comme si cette femme devait d'abord prendre forme, qu'elle se matérialise, qu'elle se construise, dans le secret de mes pensées et de mes rêves.

    Ce qui suit, je l'ai écrit hier et ce soir. J'écris uniquement le soir. Parfois, la nuit. 

    Je sais que ça devra être repris, affiné, précisé mais l'essentiel est fait.

    Maintenant, Ange est entrée dans le livre. 

     

     

     

    TERRE SANS HOMMES

    « Je m'appelle Ange...Je m'appelle Ange... Le cri est parti, c'est vide dans ma tête mais je sais que je m'appelle Ange. C'est bien. Je n'ai pas tout perdu. »

    Elle marchait dans l'herbe détrempée et parfois elle avait l'impression que la terre cherchait à l'absorber. Elle entendait des succions, des baisers aimants et elle se réjouissait de ces câlins répétés. Elle avait pris de la boue et s'en était couvert le visage et maintenant que la terre avait séché, elle s'amusait à tendre et détendre la peau de son visage pour en sentir l'étreinte. Des volutes d'haleine d'arbres s'enroulaient autour d'elle et elle écoutait attentivement toutes leurs paroles parfumées.

    Depuis que le cri s'était éteint, elle sentait en elle un sourire d'enfant, une sorte de joie figée, l'impression d'être ouverte à tout, comme un antre qui n'aurait plus d'enceintes, une bulle sans paroi, un placenta sans membrane. Elle s'amusait des images.

    Parfois, elle caressait son fusil dont elle avait oublié le nom du modèle tout comme ceux des deux pistolets rangés dans des ceintures, en travers de sa poitrine, elle aimait le poids du métal, elle aimait le poids du sac sur son dos, la fatigue de ses épaules, elle aimait tout ce que son corps délivrait, non pas que ça soit nouveau pour elle mais juste parce que le cri s'était éteint et qu'il lui était délicieux de se sentir revivre.

    Elle marchait hors du temps passé et elle ne cherchait pas à le retrouver, à reconstruire son existence, à rétablir le chemin parcouru. Seuls les pas devant elle l'attiraient. Elle éprouvait cette paix étrange qui enlace celui qui vient de frôler la mort, non pas dans une fraction de seconde mais pendant des jours et des nuits et des milliers d'heures et des milliards de secondes sans que jamais le moindre répit ne soit accordé.

    Le cri dans sa tête était parti et c'était comme s'il avait avalé son existence, comme s'il s'était évaporé après avoir phagocyté la totalité de ses souvenirs. Le cri avait asséché sa mémoire, comme une éponge abandonnée sous un soleil cuisant, toute l'eau disparue, des alvéoles vides, la matière craquelée. L'horreur du cri l'avait déshydratée jusque dans les circonvolutions de son cerveau.

    Et maintenant, depuis la veille, elle marchait dans les marais, le long de canaux aux eaux sombres, sous les frondaisons, sur des chemins enherbés où elle distinguait les passages d'animaux, hier soir, elle avait surpris un chevreuil et bien qu'il ne lui restait plus grand-chose à manger dans son sac, elle n'avait pas utilisé son fusil. Elle ne voulait plus tuer. C'était comme le dégoût d'un trop-plein.

    « Je m'appelle Ange... Je le sais. J'aime bien. »

    Lui revenaient en brides fugaces des images de chaos, explosions, cris, courses tendues, des armes qui balayent l'espace devant elle, des flashs qui la laissaient démunie, dans une incompréhension lourde.

    « Je m'appelle Ange mais je ne sais pas ce que j'ai fait. »

    Depuis que son nom lui était revenu, depuis que le cri s'était tu et avait laissé de la place, des souvenirs remontaient. Elle ne les désirait pas, elle aurait même voulu les repousser, qu'ils retombent dans leurs abysses.

    L'éponge de sa mémoire n'avait pas tout perdu. À moins que la mémoire ne soit pas contenue dans la boîte crânienne et que son corps, désormais apaisé, déversait dans le cerveau tout ce qu'il contenait. La mémoire cérébrale ne serait qu'un contenant. L'idée l'amusa et elle s'étonna de l'étrangeté de cette intuition.

    Elle enregistrait chaque pas dans l'herbe comme ceux d'un nouveau-né qui se construit, elle regardait les arbres et leurs branches nues, les feuilles pourrissant en tapis colorés, elle franchit un ruisseau sans chercher de gué, l'eau froide remplissant ses Rangers et elle s'en réjouit. Le monde, autour d'elle, n'était que végétation, le silence d'un ciel plombé, comme un océan gris suspendu, immobile, silencieux, un couvercle au-delà duquel elle devinait parfois la clarté laiteuse d'un soleil d'automne.

    Elle avait passé beaucoup de temps, le dos appuyé contre le tronc d'un arbre immense et elle avait deviné le cheminement ralenti de la sève. Ces moments-là lui importaient bien davantage que la quête fébrile d'une mémoire dévorée. Le cri l'avait consumée mais elle avait survécu. Et l'instant restait la seule certitude d'être toujours là.

    La nuit passée, elle avait dormi dans une cabane de pêcheur, ça sentait le poisson, au bord d'un bras d'eau serpentant sous les branches nues, une chouette avait raconté chacun de ses vols, chaque plongeon sur les rongeurs imprudents, chaque appel vers un congénère.

    Elle était seule et elle ne voulait pas de congénère. Elle en avait tué beaucoup. Et elle savait qu'elle pourrait recommencer. Elle n'avait aucun visage sur ces morts, juste des silhouettes affolées, des gens armés qui cherchaient à l'abattre, elle s'était enfuie, elle avait appartenu à un groupe mais elle était partie, le cri dans sa tête l'avait condamnée à la solitude, c'est elle qui avait décidé de laisser ses hommes, c'était la règle, elle ne devait pas les contaminer, elle était la chef. Elle avait pris un des 4X4, elle avait chargé de la nourriture, de l'eau, des armes, des munitions, du matériel de survie et elle était partie et elle avait roulé pour s'éloigner des zones habitées, la certitude en elle que seule les arbres pourraient la sauver de la folie dans son crâne. Elle se souvenait vaguement avoir suivi la côte, elle se souvenait d'une explosion gigantesque, une raffinerie, c'était sa mission, Donges, elle retrouvait ce nom, la raffinerie de Donges, des roquettes, elle avait tiré des roquettes, puis le cri l'avait envahie, les souvenirs revenaient dans le désordre, comme si elle devait reconstruire un puzzle, alors elle avait longé la côte, des gens avaient voulu l'arrêter et ils étaient morts parce qu'elle refusait de s'arrêter et qu'ils ne savaient pas qu'elle pouvait tuer n'importe qui.

    Elle suspendit son pas au moment où elle allait déposer sa lourde chaussure sur un escargot, une coquille volumineuse à peine visible dans l'herbe drue. Elle se baissa et le prit délicatement pour le poser dans la paume de sa main. L'animal, aussitôt rentré à l'abri, attendit quelques instants avant de ressortir une tête prudente, puis deux yeux observèrent la situation, deux petits ronds noirs perchés à la pointe des fines tentacules. Elle approcha l'animal de ses yeux, émerveillé par les corpuscules couvrant le corps gluant.

    « Il ne reste plus grand-monde pour te faire du mal mais tu dois quand même rester prudent, » murmura-t-elle en le déposant dans l'herbe.

    Oui, elle devinait des souvenirs, elle ne pouvait le nier, elle avait tué des humains, elle avait fait la guerre, elle savait utiliser des armes, elle devinait également que son corps était une arme, qu'elle avait appris tout ce qu'un soldat doit connaître. Mais elle ne se souvenait pas des raisons de cette guerre, pour quel camp elle se battait, ni contre qui. Puis le cri était entré dans sa tête et elle se souvenait que ça l'avait brisée, anéantie, broyée, éparpillée, déstructurée, elle ne pensait même pas que c'était possible d'être aussi torturée intérieurement et de ne pas en mourir sur le champ. Elle avait quitté la zone des combats, sans la moindre idée de la suite. Combien de temps pouvait-elle résister avant de se tirer une balle dans la tête pour que le cri se taise ? Elle avait roulé jusqu'à ce que la voiture s'arrête, réservoir vide alors elle avait pris son sac, toute la nourriture dans le coffre et ses armes et ses cartouches, elle pouvait porter trente kilos, elle avait plus de résistance qu'un homme, d'ailleurs elle était plus qu'un homme puisqu'elle était une femme que personne ne pouvait contraindre.

  • Cédric Vilani sur le rapport Meadows.

     

     

    On ne peut dire que ce monsieur est un allumé du bulbe qui délire... Donc, il est important de l'écouter.

    En 1972 c'est un coup de tonnerre quand Dennis et Donella Meadows, et leurs collaborateurs, rendent public le rapport que le Club de Rome leur a commandé. Cible d'attaques de tout genre, taxés d'obscurantisme, ils croyaient au contraire en la capacité de la science pour mettre nos activités en équations. Un demi-siècle plus tard, que dire de leurs conclusions et de leurs méthodes ?

    Cédric VILLANI

    Cédric VILLANI, mathématicien (médaille Fields 2010), professeur à l’Université Claude Bernard Lyon 1, membre de l’Académie des sciences. Très engagé en médiation scientifique (Théorème vivant, Un Mathématicien aux métallos, Les Rêveurs lunaires...), député sortant de l’Essonne, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques au cours du mandat écoulé.