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  • Musique et écriture

    Le tome 3 de la tétralogie en cours a été écrit avec comme accompagnement musical toutes les compositions de LOSCIL.

    L'album « Clara » a été une découverte particulièrement émouvante et je me suis appliqué ensuite à écouter tout ce que ce musicien a produit.

    Je suis toujours impressionné depuis le temps que j'écris en écoutant de la musique de constater la puissance de cet accompagnement.

    Malgré les années écoulées, il m'arrive en écoutant une musique de voir défiler les images de ce que j'ai écrit. Tout est définitivement relié.

    Je regrette de ne pas avoir mentionné à chacun de mes romans les musiques qui m'ont accompagné. Je le ferai désormais. 

     

     

    LE DESERT DES BARBARES

    CHAPITRE 33

    Tristan avait pris son poste de veille à vingt-deux heures. Dans le dernier virage avant l’arrivée sur le plateau. David occupait le deuxième poste cinquante mètres plus haut. Fusil, cartouches, poignard, cocktail Molotov, radio, thermos, lampe frontale, un duvet. Quatre bouteilles incendiaires. Moussad les avait confectionnées. Il avait expliqué que l’ajout de produit vaisselle limitait l’évaporation de l’essence et les morceaux de plastique découpées en petites lamelles et glissés à l’intérieur avait pour intérêt de coller à la surface du véhicule en fondant et de renforcer l’emprise de l’incendie. Ils s'étaient tous investis pour le débroussaillage des deux pentes du corridor. Deux arbres, surplombant la piste, avaient été abattus. L'idée était de ne pas mettre le feu à la végétation avec les cocktails Molotov.

    L’attente.

    Peut-être rien. Peut-être le pire. La conscience aiguë de la survie du groupe.

    Tristan avait vérifié le fonctionnement de sa radio en appelant David puis il avait installé ses affaires. Tout à portée de main. Il avait laissé le duvet dans son sac. La nuit était douce, ciel étoilé. L’idée de garder une radio dans le hameau pour prévenir d’une attaque avait été abandonnée. Si une attaque avait lieu, les coups de feu suffiraient à réveiller le groupe. Il était préférable que les guetteurs puissent communiquer entre eux. Ils avaient regretté malgré tout de n'avoir pas assez investi dans le matériel de communication. La maison de Sophie et Tristan avait été choisie pour accueillir l’ensemble de la communauté pendant les nuits. Il était essentiel que le groupe soit réactif. Pas de dispersion dans les diverses habitations. Les décisions devaient être immédiates. Il avait fallu aménager les pièces, enlever des meubles pour installer des couchages. Quatre couples à loger. Martha avait demandé à rester avec Tian et Louna.

    Poste de guet en pierres sèches, au sommet de la pente qui dominait la piste, cinq mètres en contrebas. L’autre versant montait en pente douce sur trois mètres. Pas d'endroit adapté pour ériger un poste de guet, la pente n'était pas assez haute, un tireur aurait été trop vulnérable. Moussad avait regretté que les deux pentes ne soient pas à la même hauteur. Un corridor étroit aurait permis de couvrir les deux versants et de croiser les tirs. Des assaillants n'auraient eu aucune échappatoire.

    Pendant la construction des deux abris, ils s’étaient tous appliqués à penser au confort. Si tant est qu’on pouvait parler ainsi. Des pierres plates en assise et pour le dos, le corps tourné vers la piste. Un châssis en bois supportant deux tôles. Les pluies étaient rares mais souvent intenses. Il s’agissait de tenir quatre heures, aux aguets. Des assaillants viendraient sans doute avec des véhicules, comme chez les Mangin mais ils pouvaient aussi les laisser plus bas et finir à pied. Il fallait rester vigilant, guetter le moindre bruit de pas sur les pierres de la piste, une lampe frontale, des voix.

    Une chouette au loin, pas de vent. La lune en phase ascendante, juste un croissant. Clarté limpide.

    Tristan se doutait bien qu’ils auraient tous à vivre des nuits bien plus rudes.

    Il se leva pour uriner, s’écarta de quelques mètres puis il décida de pousser jusqu’au point de vue, un promontoire qui dominait l’étendue forestière. Si la piste n’avait pas filé en ligne droite pendant un kilomètre pour bifurquer bien plus bas, il aurait pu voir les phares d’éventuels véhicules. Mais sous lui, s’étendait uniquement un espace sauvage, parcouru par les sentes animales. Avant que le monde ne s’éteigne, on pouvait distinguer les lumières des villes en fond de vallée. Maintenant, la nuit n’avait plus aucune blessure. Pas un seul point lumineux sur tout l’horizon. À vol d’oiseau, Alès devait être à vingt kilomètres. Tristan imagina la ville dans l’obscurité. Comment les habitants se débrouillaient-ils sans courant ? Plus d’eau potable dans les robinets, plus de nourriture dans les magasins, plus de soins dans les hôpitaux. Les forces de l’ordre étaient-elles encore en état d’intervenir ou la loi du plus fort était-elle devenue la norme ? L’entraide, la solidarité, le partage, l’attention aux autres. Que restait-il de ce qui avait permis à l’espèce humaine de se développer alors qu’elle avait représenté pendant des millénaires une proie de choix ? Il se souvenait d’un livre de Kropotkine sur cette entraide. Loin des théories de Darwin et du combat pour la vie, de la sélection naturelle à l’avantage du plus fort, Kropotkine considérait que l’entraide avait eu un rôle considérable dans le maintien et le développement des communautés, qu’elles soient animales ou humaines. Le chaos permettrait-il aux humains de redécouvrir ce que la vie moderne avait effacé ? Non pas juste, le coup de main aux membres de la famille ou aux amis proches, mais un mouvement de masse, un comportement universel. Les villes regorgeaient-elles désormais d’individualistes acharnés ou baignaient-elles dans un amour inconditionnel de l’autre ? Ou était-ce le mélange des deux ? Et qui avaient le plus de chances de l’emporter ?

    Lui vint alors l’image de Jean et Delphine. Et la tristesse de Martha.

    Il retourna à son poste de guet.

    Il restait quinze minutes avant la relève lorsqu’il entendit un moteur. Dans les deux ou trois premières secondes, il pensa à un avion et réalisa que c’était juste un espoir, le déni de l’évidence.

    Une voiture arrivait sur la piste. Il saisit la radio et contacta David.

    « J’entends un moteur, peut-être deux. On y a droit, David. 

    - On va y arriver. On est prêt. 

    - Cocktail Molotov.

    - Oui.

    - Et on descend tout ce qui sort.

    - Bonne chance, Tristan.

    - À toi aussi, David. »

  • Viande et réchauffement climatique

    Oui, je sais, c'est un thème que j'ai déjà servi ici, à maintes reprises.

    Mais je sais aussi que c'est une idée qui a besoin d'être répétée pour qu'elle fasse son chemin.

     

    Pourquoi la viande réchauffe le climat ? Avec Pénélope Bagieu

     

    Mardi 28 mars 2023

    ÉCOUTER (54 MIN)

    Pourquoi la viande réchauffe-t-elle le climat ? ©Getty - VICUSCHKA

     

    La terre au carré

    Provenant du podcastLa Terre au carré

    CONTACTER L'ÉMISSION

    Dans le cadre de la semaine "Carte blanche Pénélope Bagieu". Dans les émissions de gaz à effet de serre liées à notre alimentation, l’essentiel provient de la viande. Pourquoi la production et la consommation de viande émettent-elles tant de gaz à effet de serre ?

    C’est une recommandation que l’on entend de plus en plus : si l’on veut réduire notre empreinte carbone, l’une des premières choses à faire est de manger moins de viande. En effet, la viande pèse lourd dans nos émissions de gaz à effet de serre. Mais pourquoi la viande contribue-t-elle autant au réchauffement ?

    Au-delà des émissions de gaz à effet de serre, la viande a un coût environnemental important lié à son mode de production intensif et industriel, entrainant déforestation et pollution des eaux… Selon la FAO, la consommation mondiale de viande a quintuplé depuis les années 1960.

    Aujourd’hui en France, nombreuses sont les personnes qui comprennent qu’il faut changer ses habitudes de consommation. Mais dans la pratique, les résistances persistent…. Alors que plus de 60% des Français sont favorables au fait de réduire leur consommation de viande, dont près de 70% des 25-34 ans, seulement 2,2% de la population est végétarienne.

    Serons-nous prêts à manger moins de viande pour protéger le climat et la planète ?

    Extraits de l'entretien

    La diminution de la consommation de viande utile pour le climat

    Pénélope Bagieu s'interroge sur les conséquences réelles de la consommation de viande sur le climat. Pour Carine Barbier, ingénieure au CNRS, spécialiste de l'impact de l'alimentation sur le climat : "Se tourner vers des viandes de qualité issues d'élevages extensifs, et réduire la consommation de viande fait partie de la solution contre le dérèglement climatique. Mais le lobby de la viande est encore très actif, en particulier dans les écoles."

    Laure Ducos, experte en alimentation : "L'élevage émet beaucoup de gaz à effet de serre. Or, la France s'est engagée à les réduire pour atteindre la neutralité carbone en 2050. L'une des voies majeures est de réduire notre consommation de viande.

    La production globale de notre alimentation participe pour un quart des émissions françaises. Et à l'intérieur de cette pollution atmosphérique, la moitié provient de l'élevage. Ces gaz à effet de serre proviennent soit des ruminants, qui émettent du méthane au moment de la digestion, soit de l'alimentation animale faite à partir de grandes cultures de maïs, de blés, d'oléoprotagineux, qui elles-mêmes utilisent des engrais azotés minéraux à l'origine d'émission de protoxydes d'azote qui ont un fort pouvoir de réchauffement climatique."

    L'incidence des surfaces agricoles

    Et si ces terres étaient consacrées à notre alimentation directement ? Laure Ducos explique : "Si on regarde la surface agricole utile de la France, on s'aperçoit que les trois-quarts servent à alimenter les élevages, que ce soient les ruminants, mais aussi le porc ou les volailles… Or il faut effectivement sept ou huit calories végétales pour faire une calorie animale. L'efficacité du système n'est pas performante.

    Alors que si on produit directement des végétaux pour l'alimentation humaine, on libère des terres. Si on a moins de terres utilisées à produire des céréales, ou autres végétaux, pour les animaux, il y aura moins de pression sur les terres. On pourra se permettre d'avoir un élevage un peu plus extensif, meilleur du point de vue de la biodiversité, ou de la consommation d'eau… Et on va pouvoir cultiver en agriculture biologique, qui a des rendements plus faibles, ou produire soit de l'alimentation pour les humains, soit de l'énergie…"

    Les consommateurs de viande restent majoritaires

     

    À réécouter : Se passer de viande, est-ce vraiment la solution ?

    La chronique "Detox" de Caroline TourbeÉCOUTER PLUS TARD

    4 min

    Manger moins, mais de meilleure qualité. Laure Ducos : "Aujourd'hui, le problème de l'accès à une alimentation digne n'est pas une question de quantité. Aujourd'hui, la faim en France, n'est pas due à une question de quantité, mais de qualité. On a besoin de redonner à l'alimentation son vrai prix, de mieux rémunérer les agriculteurs, et agricultrices. Le nombre de petites fermes chute. Il y a un profond mal-être dans les campagnes. De plus en plus d'agriculteurs se suicident. Les petites fermes disparaissent au profit des très grandes fermes.

    Auparavant, c'étaient les riches qui mangeaient le plus de viande. Aujourd'hui, c'est dans la classe populaire que l'on trouve les plus gros mangeurs d'alimentation carnée. Si on regroupe les protéines (poissons, œufs, viande, fruits de mer, laitage, etc.) ce sont toujours les plus aisés qui en consomment le plus. Donc, quand on dit qu'il faut réduire la consommation de viande, que faut-il diminuer exactement ? La part de tout le monde. Aujourd'hui, les végétariens et végans représentent moins de 2% de la population. Il faut diminuer toutes les formes de viandes, sans oublier la volaille."

    Se méfier des produits laitiers

     

    À lire aussi : Quand les fermes laitières œuvrent pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre

    Certains se tournent vers les produits laitiers lorsqu'ils abandonnent la viande. Or pour Laure Ducos : "La moitié de la viande consommée en France vient de l'industrie laitière. Une fois que les vaches ont produit du lait, on les envoie en réforme au bout de quelques années. C'est très rapide parce qu'elles sont plus assez productives selon les standards industriels, et donc on les envoie se faire transformées en steaks hachés.

    Pour faire des produits laitiers, il faut des bébés : des chevreaux, des agneaux, des veaux… Les vaches ne peuvent pas produire du lait ad hoc. Donc on produit des petits. Les mâles, qui ne vont pas renouveler le cheptel de vaches, comme on ne les consomme pas, on les envoie dans des centres d'engraissement au mieux en France, et au pire dans d'autres pays. Et ils sont transportés sur de longues distances dans des conditions absolument terribles en termes de bien-être animal !

    Il faut savoir que la France est une très, très grande productrice de lait. On exporte beaucoup de fromage qui nécessite beaucoup de litres de lait, à tel point que l'industrie laitière en France émet presque autant de gaz à effet de serre que l'industrie de la viande rouge. Ça, c'est peu connu !"

    La suite, dont les moyens de se passer de viande, est à écouter...

    Avec :

    Carine Barbier, économiste et ingénieure de recherche au CNRS, membre du CIRED. En 2022, elle a coordonné une étude intitulée « Simulation prospective du système alimentaire et de son empreinte carbone », qui est une somme de données et d’analyses qui permet d’imaginer à quoi ressembleront nos assiettes (et donc nos vies) en 2050.

    Laure Ducos, experte des enjeux environnementaux en agriculture et alimentation

  • Jesse Dufton, grimpeur non-voyant

     

     

    Climbing Blind : Non-voyant, Jesse Dufton grimpe « Old Man of Hoy » en tête

     

    par  | J 03, 2021 | Films d'aventure

    https://bonne-projection.com/climbling-blind

    Climbing Blind - The movie

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    Le grimpeur britannique Jesse Dufton a quatre ans quand on lui diagnostique une maladie génétique rare qui lui détruit les cellules de la rétine. À 20 ans, il n’arrive plus à lire. À 30 ans, sa vision est réduite à une simple perception de la lumière avec un champ de vision d’environ 1 ou 2%. Pourtant, Jesse Dufton défie les diagnostics comme les lois de l’apesanteur. Il continue à grimper. En trad. Et en tête, s’il vous plaît ! Un destin hors-du commun à retrouver dans le documentaire Climbing Blind, primé dans les plus grands festivals de films d’aventure au monde (Kendal, Vancouver, Bilbao, Dijon), qui suit le parcours exceptionnel de Jesse autour d’un défi tout aussi incroyable : être le premier grimpeur non-voyant à escalader en tête l’emblématique pilier écossais du « Old Man of Hoy ». Près de 140m de grès friable, balayé par la mer et par les vents. Chiche ?

    Un destin hors du commun

    Suivre le parcours du grimpeur britannique Jesse Dufton, c’est à la fois découvrir une détermination et une force de caractère hors-normes mais c’est aussi embrasser un destin exceptionnel, qui renverse les idées toutes faites et repousse les frontières du handicap. Sur les traces de son père, alpiniste émérite et membre d’une équipe de secours en montagne, Jesse Dufton commence à grimper très jeune : première voie à 2 ans, première falaise à 11 ans. Mais entre ces deux périodes, un diagnostic médical vient bouleverser la vie du jeune Britannique : Jesse est atteint d’une maladie génétique rare qui lui fait, petit à petit, perdre la vue. Étudiant à la fac de Bath, le jeune homme s’inscrit au club d’alpinisme. Entouré d’amis qui le soutiennent dans sa pratique, il s’adonne avec joie à sa passion, fait de l’escalade sur glace, découvre le style alpin. Et par-dessus tout, Jesse rencontre Molly, une jeune femme sportive et brillante qui sera sa plus fidèle compagne de cordée avant de devenir « ses yeux » au pied des voies et sa femme dans la vie.

    Climbing Blind - Jesse & Molly

    Quand Jesse rencontre Molly

    À tout juste 20 ans et un doctorat en cours, la vue du jeune homme se détériore. Jesse n’arrive plus à lire. Face à la maladie et au handicap, cet amoureux du rocher et des belles choses s’adapte. Il continue ainsi à vivre sa passion de l’escalade, malgré sa cécité grandissante. À 30 ans, il ne perçoit désormais plus que des ombres… Pourtant, en paroi comme dans sa vie comme, Jesse agit avec calme et sérénité. Certains diraient aisément avec un flegme et des traits d’humour dont seuls les Britanniques ont le secret : « Pour moi, traverser la route est bien plus dangereux que faire de l’escalade ! » s’écrit-il, face caméra, un généreux sourire en bandoulière.

    Climbing Blind - Old Man of Hoy

    Une aventure humaine plus qu’un défi sportif

    En 2017, Jesse Dufton rejoint l’équipe nationale britannique d’handi-grimpe. Mais à mesure que ses bras prennent de la puissance, ses yeux l’abandonnent : Jesse ne voit plus que du flou, ne distingue même plus sa main devant son visage. Pour autant, rien ne l’arrête. Courant 2019, avec deux premières au Groenland (par – 20° !) en compagnie de Molly en poche, l’insolite défi d’aller se confronter au grès rouge de « The Old Man of Hoy » en trad et en tête arrive tout naturellement. Jesse se sent prêt. Nous sommes sur la côte ouest de l’île Hoy dans les Orcades, au Nord de l’Écosse, à cinq heures de route de la capitale Édimbourg. Deux ferries et une marche d’approche vertigineuse plus tard, Jesse est au pied de ce pilier légendaire de 137 mètres de haut (côté 6a+ > 6a). Entre roche délicate, rafales de vent et mouettes rieuses, Jesse s’élance dans la voie. En trad et en tête, donc. Son seul guide face à la puissance des éléments ? La voix de Molly, son alter ego dans la vie comme sur le caillou. On laissera à Jesse le mot de la fin : « I am not disabled, but blind and able », comprenez « Je ne suis pas handicapé mais aveugle et capable ». Une phrase qui claque plus fort qu’un clip de dégaine. Et nous voilà, derrière l’écran, à transpirer sévère. Mais surtout à prendre une belle leçon de vie. « Vaché, Molly ! ».

    Alastair Lee, réalisateur de l’extrême

    Pour filmer ce destin hors du commun, il fallait bien tout le génie du réalisateur et producteur Alastair Lee (Al pour les intimes !) déjà à l’œuvre sur The Asgard Project (2010) et Spectre Expedition : Mission Antarctica (2019), deux films mythiques sélectionnés pour le Banff Centre Mountain Film and Book Festival. Amoureux des sports extrêmes, le photographe et réalisateur britannique a parcouru le monde, de l’île de Baffin à la jungle vénézuélienne, pour filmer et photographier les plus grands athlètes. Mais surtout, révéler à l’écran le portrait de personnages hors normes, d’aventures humaines exceptionnelles avec un sens aigu du storytelling. Pour Climbing Blind, au-delà de l’histoire incroyable de Jesse & Molly Dufton et des paysages époustouflants qu’offrent les falaises emblématiques de « The Old Man of Hoy », il y a pour Al Lee à la fois un défi technique considérable et un questionnement d’ordre éthique : alors qu’il va être au-dessus de Jesse pour filmer sa progression sur la paroi, se doit-il d’intervenir si l’athlète dévie de la voie ? Le résultat est saisissant : au-delà de la prouesse technique, le film s’élève, tel cette tour de grès d’une sauvage beauté au milieu des éléments déchaînés, comme un monument de sincérité et d’humanité. Et résonne comme un hymne au dépassement de soi et à la résilience.

  • Plogoff et les violences policières

    https://www.ouest-france.fr/bretagne/plogoff-29770/en-images-il-y-a-40-ans-la-revolte-de-plogoff-les-photos-de-la-lutte-antinucleaire-6930932

     

    Entre 1975 et 1981, les opposants à la centrale nucléaire à Plogoff, dans le Finistère, s’organisent et luttent jusqu’à l’abandon du projet. Point culminant de ce combat antinucléaire : l’enquête d’utilité publique. Retour en images sur ce début d’année 1980.

    Le comité de défense de Beuzec-Cap-Sizun (Finistère) en lutte contre l’implantation d’une centrale nucléaire à Plogoff a installé une banderole « Non au nucléaire » dans le clocher de la paroisse de Beuzec. Elle y restera plusieurs semaines. | ARCHIVES OUEST-FRANCE

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    Ouest-FranceNawal LYAMINI (avec le service photothèque d’Ouest-France).Publié le 07/08/2020 à 11h22

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    Avec le choc pétrolier de 1973, la France accélère son programme nucléaire et ambitionne de construire des centaines de centrales nucléaires partout en France. En Bretagne, plusieurs sites sont pressentis mais le Conseil régional vote pour Plogoff, petite ville à la pointe du Finistère, à quelques kilomètres de la Pointe du Raz, aujourd’hui protégée.

    Alors que l’Amoco Cadiz vient de déverser des milliers de litres de pétrole sur les côtes bretonnes, les opposants au nucléaire deviennent de plus en plus nombreux dans la région. Bien avant que le site de Plogoff et des communes du Cap-Sizun ne soient officiellement choisis, des manifestations ont lieu dans le Finistère et rassemblent des milliers de personnes.

    Rassemblement à l’occasion de la journée internationale antinucléaire contre l’implantation d’une centrale nucléaire en Bretagne. La dizaine de tracteurs labourera ensuite une parcelle acquise par le Groupement foncier agricole de Plogoff (03/06/1979) | ARCHIVES OUEST-FRANCE

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    En mars 1978, plus de 15 000 personnes sont ainsi présentes à Brest pour protester contre l’implantation d’une centrale nucléaire et les dangers que cela représente. Quelques mois plus tard, un Groupement foncier agricole (GFA) est créé, de manière à compliquer les expropriations que pourraient envisager EDF pour construire la centrale et les infrastructures annexes nécessaires à son fonctionnement.

    Ci-dessus, une manifestation à Plogoff, le 3 juin 1979, avec en tête des tracteurs qui laboureront ensuite, une des parcelles achetées par le GFA. Celle-ci se déroule quelques mois après l’accident nucléaire de Three Mile Island, l’une des pires catastrophes nucléaires aux Etats-Unis.

    Les mairies annexes, installés près de la chapelle Saint-Yves, à Plogoff, et surveillées par des gendarmes mobiles, sous l’œil des opposants au projet. | JEAN-PIERRE PREVEL/ARCHIVES OUEST-FRANCE

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    Deux tiers des habitants de Plogoff se mobilisent

    Près des deux tiers des habitants de Plogoff se mobilisent contre l’implantation d’une centrale sur la commune. Les opposants travaillent alors à informer la population locale, et dans toute la Bretagne, en créant des Comité locaux d’information nucléaire (CLIN).

    Ces CLIN seront très actifs jusqu’à l’abandon du projet en 1981, effectuant un travail de terrain pour informer sur les différents aspects de l’énergie nucléaire, et ainsi contrer la propagande d’EDF et le manque d’information de l’État.

    Mais en janvier 1980, la lutte de Plogoff prend une nouvelle tournure avec le déclenchement de l’enquête d’utilité publique. Nécessaire à la validation du projet, celle-ci est rejetée par la population opposée à la centrale. Après les nombreuses manifestations et actions pour appuyer leur refus, élus et population s’engagent dans de nouvelles méthodes afin de faire entendre leur point de vue.

    À quelques jours de l’ouverture de l’enquête, l’État fait envoyer les dossiers relatifs au projet dans les mairies des quatre communes concernées : Plogoff, Primelin, Cléden et Goulien.

    À la veille de l’enquête d’utilité publique, des élus du Cap-SIzun (dont le maire de Plogoff Jean-Marie Kerloc’h) brûlent les dossiers relatifs au projet de centrale (31/01/1980) | JEAN-PIERRE PREVEL/ARCHIVES OUEST-FRANCE

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    Le 31 janvier 1980, le maire de Plogoff Jean-Marie Kerloc’h et des élus du Cap-Sizun réalisent un autodafé symbolique. Ils brûlent ces dossiers et refusent la venue des enquêteurs.

    À défaut de s’installer dans les mairies de ces communes, l’État met en place des mairies annexes, aménagées à l’intérieur de camionnettes. 450 gendarmes mobiles sont mobilisés pour les accompagner et assurer le bon fonctionnement de l’enquête. Ils seront 525 quelques jours plus tard.

    Les camionnettes faisant office de mairies annexes pour l’enquête d’utilité publique (Plogoff, 14/03/1980) | PAUL BILHEUX/ARCHIVES OUEST-FRANCE

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    Soutenue et menée par des élus de la communauté de communes du Cap-Sizun, la lutte antinucléaire de Plogoff connaît un élan particulier. Figure incontournable du mouvement, Jean-Marie Kerloc’h, le maire de Plogoff, n’a eu de cesse de s’informer pour transmettre à la population les données récoltées.

    Après avoir laissé entendre que la construction pourrait se faire, il démissionne du Comité de défense de Plogoff, mais continue à être un maire très actif dans ce mouvement atypique. Au premier jour de l’enquête d’utilité publique, il prend place sur le calvaire, près du lieu de stationnement des mairies annexes pour motiver la foule.

    Premier jour de l’enquête d’utilité publique à Plogoff. Le maire Jean-Marie Kerloc’h harangue la foule, devant le calvaire Saint-Yves où stationneront les mairies annexes, sous l’œil des gendarmes mobiles. | JEAN-PIERRE PREVEL/ARCHIVES OUEST-FRANCE

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    Faire de « Plogoff une île »

    La mission que se donnent alors les opposants antinucléaires : faire de Plogoff une île, comme le dira Amélie Kerloc’h, adjointe au maire de Plogoff, sans lien de parenté avec le maire Jean-Marie Kerloc’h. Dès le premier jour de l’enquête d’utilité publique, les opposants débutent la première nuit des barricades.

    Vieux véhicules, matériaux divers, gravats, troncs d’arbres sont enchaînés les uns aux autres et déposés sur les routes principales d’accès à Plogoff. Plus tard, les ordures ménagères seront déversées pour remplacer les gravats.

    Dans une ville de marins, les femmes de tous âges prennent alors une place incontournable dans la lutte, présentes en première ligne sur les barricades, sur la photo ci-dessous. Certaines s’engageront également dans une guerre des nerfs le jour.

    Debout face aux gendarmes mobiles protégeant les mairies annexes, elles feront craquer psychologiquement nombre de gendarmes, loin d’être habitués à être pris à partie par des femmes de trente à soixante-dix ans.

    Les femmes sont montées en première ligne sur les barricades montées lors de la première « nuit des barricades ». Elles s’opposent à la colonne de gendarmes mobiles venus installer les mairies annexes | JEAN-PIERRE PREVEL/ARCHIVES OUEST-FRANCE

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    La nuit, des barricades se montent. Et au petit matin, un nouveau ballet commence, joué par les gendarmes mobiles et bientôt les parachutistes, qui viendront en renforts dès la fin du mois de février.

    Afin que les mairies annexes puissent accéder à Plogoff, les forces de l’ordre font preuve d’autant d’ingéniosité que les manifestants, défaisant ce qui avait été construit la nuit. Certains matins, il faudra également éteindre le feu mis aux barricades par les opposants à la centrale.

    Au petit matin, un engin militaire déblaie les tonnes de matériaux, gravats et véhicules formant les barricades montées par des habitants de Plogoff durant la nuit (Plogoff, 08/02/1980) | JEAN-PIERRE PREVEL/ARCHIVES OUEST-FRANCE

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    Plogoff théâtre de violences policières

    Chaque soir, le départ des mairies annexes à 17 h donnera lieu à des affrontements, parfois violents, entre les forces de l’ordre et les opposants au projet. Rendez-vous quotidiens, ces face-à-face dans les rues de Plogoff seront surnommés la messe de 5 h par les antinucléaires. Aux jets de pierre, les gendarmes mobiles répondent par des jets de grenades lacrymogènes.

    Mais très vite, les projectiles changent des deux côtés. Boulons et cocktails molotov font alors parfois face à des tirs de grenades offensives et à la mobilisation de commandos parachutistes. Plogoff sera le théâtre de violences policières visant aussi bien les manifestants que les journalistes présents sur place. Cinq journalistes seront directement visés par les forces de l’ordre, et plus d’une quinzaine de manifestants seront blessés.

    Affrontements entre les gendarmes mobiles et les manifestants, lors de la « messe de 5 h » (Plogoff, 08/02/1980). | JEAN-PIERRE PREVEL/ARCHIVES OUEST-FRANCE

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    Mais la messe de 5 h fut loin d’être le mode opératoire des manifestants, durant les six semaines d’enquête d’utilité publique. Les manifestations ont été nombreuses à Plogoff et dans d’autres villes du Finistère comme Quimper, Douarnenez ou Brest. Parfois en un cortège funéraire, portant croix et cercueils de morts du nucléaire. Parfois avec les anciens combattants ou les personnels soignants de la ville, en tête de cortège.

    Manifestation à Plogoff contre le projet de centrale nucléaire. (1er mars 1980) | ARCHIVES OUEST-FRANCE

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    Ayant compris que la bataille serait également foncière, des habitants du Cap-Sizun opposés à la centrale créent un Groupement foncier agricole (GFA) pour bloquer des terres qu’EDF convoite pour la construction de la centrale. Les propriétaires des terres les revendent au GFA afin qu’une parcelle soit détenue par tous les membres du groupement. De quoi compliquer les potentielles expropriations.

    Sur une partie des terres, une bergerie est construite durant l’été 1979 et accueille 120 brebis, ainsi qu’un projet d’éolienne. Le berger Alain-Pierre Condette arrivera, quant à lui, en mars 1980. L’occasion pour les 20 000 manifestants présents à Plogoff, de se rassembler sur les terres de la bergerie pour manifester.

    La bergerie appartenant au groupement foncier agricole (GFA) de Plogoff, lors de la manifestation du 3 mars 1980, qui avait rassemblé 20 000 personnes. | ARCHIVES OUEST-FRANCE

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    Le slogan des opposants : « Tous coupables ! »

    Mais au cours du mois de février, de premières personnes sont arrêtées et jugées très rapidement, à Quimper, pour flagrant délit de jets de pierre sur les forces de l’ordre. Les soutiens sont alors nombreux dans et devant le Palais de justice de Quimper.

    Sur la photo ci-dessous, Jean-Marie Kerloc’h s’y rend, accompagnés d’Amélie Kerloc’h et André Penanen, les deux adjoints à la mairie. Comme nombre de manifestants, chacun d’eux porte une fronde autour du cou, symbole de la lutte à Plogoff, et une valise en soutien aux arrêtés.

    Le slogan des opposants : Tous coupables ! Tous sont prêts à être emprisonné par solidarité. Cette journée sera marquée par les charges de CRS devant et à l’intérieur du palais de justice et de nouvelles violences policières sont observées. Le procès sera reporté au 17 mars 1980.

    Le 6 mars 1980 à Quimper (Finistère), le maire de Plogoff Jean-Marie Kerloc’h (au centre), entouré de ses deux adjoints Amélie Kerloc’h et André Penanen, se rendent au tribunal pour le procès des arrêtés de Plogoff. Chacun porte une valise et une fronde autour du cou. | ARCHIVES OUEST-FRANCE

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    À Plogoff, des commandos de parachutistes se rajoutent aux 525 gendarmes mobiles présents à Plogoff depuis les débuts de l’enquête publique. Les projectiles se font plus violents. Aux affrontements de fin de journée s’ajoutent des heurts entre manifestants et forces de l’ordre. Les grenades offensives répondent aux bouteilles incendiaires. Au lendemain du premier procès de Quimper, la tension monte à Plogoff.

    À midi, au départ des mairies annexes, de vifs accrochages ont eu lieu pendant dix bonnes minutes. Aux cailloux et bouteilles incendiaires des manifestants, les gendarmes mobiles ont répondu par des grenades lacrymogènes et cinq ou six grenades offensives faisant quelques blessés légers (Plogoff, 08/03/1980). | ARCHIVES OUEST-FRANCE

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    Le 10 mars, manifestants et journalistes sont témoins d’une scène violente, au milieu des rues de Pont-l’Abbé. Des manifestants s’assoient pacifiquement au milieu de la route et entendent y rester. Comme observé sur la photo ci-dessous, un camion des forces de l’ordre va alors continuer à rouler en direction des personnes assises.

    Il s’arrêtera devant les personnes en première ligne, que l’on aperçoit sur le cliché, à quelques centimètres du véhicule. Les manifestants seront ensuite repoussés à coups de matraque et de gaz lacrymogènes, avant qu’ils ne créent un cortège pour déposer plainte à la gendarmerie.

    Lors de la manifestation du 10 mars 1980, à Pont-l’Abbé, les camions des forces de l’ordre ont foncé sur les manifestants qui venaient juste de s’asseoir. | ARCHIVES OUEST-FRANCE

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    14 mars 1980. Dernier jour de l’enquête d’utilité publique et départ des mairies annexes comme des forces de l’ordre ; gendarmes mobiles et parachutistes. Si une manifestation se déroule dans le calme à Plogoff, Pont-Croix est le théâtre de violences. Des manifestants s’invitent au Petit séminaire, lieu de résidence temporaire des forces de l’ordre. Certains seront blessés et des journalistes volontairement matraqués par les gendarmes mobiles.

    Les gendarmes mobiles en préparation d’une opération, lors du dernier jour de l’enquête publique (Plogoff, 14/03/1980). | PAUL BILHEUX/ARCHIVES OUEST-FRANCE

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    Dernière messe de 5 h pour les habitants du Cap Sizun et de Plogoff. L’enquête d’utilité publique se termine le 14 mars 1980 à Plogoff, mais continue son chemin jusqu’à la publication d’un décret jugeant le projet de centrale à Plogoff comme d’utilité publique. Le projet ne sera abandonné qu’en 1981 avec l’élection de François Mitterrand.

    Manifestation pour le dernier départ des mairies annexes et des gendarmes mobiles (Plogoff, 14/03/1980) | PAUL BILHEUX/ARCHIVES OUEST-FRANCE

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  • Violences policières

    Je rappelle juste qu'à Sainte Soline des manifestants sont gravement blessés. Et le premier qui répond "ils l'ont bien cherché", je lui demanderai de ne plus revenir traîner ici, merci. 

    En 1981, j'avais 19 ans, j'ai participé plusieurs journées aux manifestations à Plogoff, contre la centrale nucléaire. J'ai vu les CRS piétiner les anciens Poilus de 14-18, je les ais vus marcher sur les mémés, tabasser les jeunes à plusieurs. Rien n'a changé. 

     

    https://www.publicsenat.fr/article/societe/violences-policieres-le-maintien-de-l-ordre-part-completement-a-vau-l-eau-et-pietine?

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    Violences policières :

    « Le maintien de l’ordre part complètement à vau-l’eau et piétine toutes les règles », selon le chercheur Sebastian Roché

    France Pension Protests Photo Gallery

    Alors que les images de répression policière contre les manifestants se répètent, Sebastian Roché, chercheur au CNRS, pointe « l’usage de la violence non proportionnée et non-nécessaire, l’usage des nasses avec gaz, qui est complètement illégal, et le détournement de l’usage des gardes à vue ». Il note cependant quelques « progrès », par rapport à la doctrine du préfet Lallement.

    LE 24 MAR 2023

    François  VignalPar François Vignal@francoisvi

    10mn

    A chaque soir son lot d’images sur les réseaux sociaux de forces de l’ordre qui interpellent parfois violemment des manifestants. Pour Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de la police comparée, « on piétine complètement toutes les règles du schéma national du maintien de l’ordre ». « Le problème qu’on voit, c’est que la force n’est pas dirigée vers les gens dangereux », note celui qui est aussi expert pour les Nations Unies et le Conseil de l’Europe sur les questions relatives à l’encadrement des pouvoirs de la police. Sebastian Roché pointe notamment « les interpellations de masse pour dissuader de participer au cortège », avec « des personnes ramassées au hasard avec la technique de la nasse, et on envoie devant un officier de police judiciaire qui fait un PV Minority Report ».

    Le chercheur note cependant que « la différence avec Didier Lallement, c’est la retenue dans l’usage des LBD ». « C’est un progrès, il faut le reconnaître », souligne cet universitaire. Reste encore de nombreux excès de maintien de l’ordre, comme les interventions des BRAV-M (brigades de répression des actions violentes motorisées), « inutilement brutales ». Pour Sebastian Roché, « les BRAV-M doivent être dissous ». « Le coup de matraque fabrique, ou plutôt détruit le citoyen, et détruit cette appartenance au collectif politique », analyse le chercheur, auteur de La Nation inachevée, la jeunesse face à l’école et la police (Ed. Grasset).

    Il soulève aussi la question des forces de l’ordre qui ne portent pas leur numéro d’identification, le RIO. Or « pas de RIO, pas de conséquence aux mauvaises pratiques policières ». Selon le chercheur, « le gouvernement ne corrige pas ce problème pour maintenir la paix sociale dans les unités ». Il pointe aussi « la responsabilité politique ». Car pour le chercheur, « l’erreur individuelle, c’est l’excuse pour ne pas regarder les problèmes politiques ». Au fond, il rappelle que « le maintien de l’ordre est ultra-politique. On restreint la possibilité de dire qu’on est contre les règles ». Entretien.

    De nombreuses associations comme la Ligue des droits de l’Homme, mais aussi la Défenseure des droits et même l’ONU dénoncent les excès et les cas de violence policière observés depuis plusieurs jours, dans le cadre des manifestations spontanées ou celle organisée, comme hier. On pensait jusqu’ici qu’on était dans un maintien de l’ordre post-préfet Lallement. Toutes les premières manifestations se sont bien passées. Puis, depuis le recours au 49.3 et les manifestations spontanées, la tension est là, des deux côtés. Qu’est-ce qui s’est passé et qu’en est-il de la doctrine de maintien de l’ordre appliquée ?

    Ce qui s’est passé, c’est qu’il y avait un processus de contestation d’une loi qui a pris la forme de protestations dans la rue, organisées par les syndicats. Des protestations institutionnalisées. C’est ce qu’on appelle des formes non conventionnelles – le vote étant une forme conventionnelle. A partir du moment où le Président a souhaité interrompre le débat à l’Assemblée et ne pas aller au vote avec les 49.3, la pertinence de la participation à des manifestations encadrées en coordination avec la préfecture s’est effondrée, comme la porte était fermée au dialogue à l’Assemblée. Ça a fait exploser la colère. La colère était canalisée par les grands intermédiaires pour négocier que sont les organisations syndicales. C’est leur fonction. A partir de là, on a des explosions non-coordonnées de colère, auxquels se sont mêlés des groupes qui ont chacun leur agenda. On appelle black bloc de façon systématique des groupes organisés plutôt proche des thèses anarchistes, où la réforme de l’Etat par les institutions n’est pas possible.

    Effectivement, face au problème de maintien de l’ordre, le gouvernement a changé son fusil d’épaule. Ce n’était pas que le préfet Lallement. A Lyon aussi on avait un maintien de l’ordre avec une mise en retrait des unités, qui n’étaient plus directement le long du cortège. On évitait de provoquer de l’agressivité en montrant des armes. Il y a eu des accrochages, c’est arrivé. Mais comparé aux gilets jaunes, le niveau de conflictualité était beaucoup plus faible. Il y avait des instructions nationales qui étaient de ne plus pratiquer un maintien de l’ordre aussi agressif.

    Et quand on est entré dans la phase 2, c’est-à-dire que la porte de la négociation s’est fermée, là, c’était le vrai test pour le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, et les autres préfets. Car il allait être confronté à quelque chose qui ressemble aux gilets jaunes. Et là, on voit que les mauvais principes ont été pour une part poursuivis et pour une autre, pas poursuivis.

    C’est-à-dire, quels sont ces mauvais principes ?

    Les mauvais principes, c’est envoyer des unités non-professionnelles que sont les BRAV-M (Brigades de répression des actions violentes motorisées). Ce ne sont pas des pros du maintien de l’ordre, ce sont des couteaux suisses qu’on envoie dans toute sorte de situations. Celui à l’arrière de la moto est souvent de la BAC. On sait que ça avait fait des dégâts et le gouvernement choisit de continuer dans cette voie-là. Ce sont des interventions sauvages, mal coordonnées avec le reste du dispositif, inutilement brutales et dont les médias sociaux ont donné des dizaines d’illustrations. Et ça, c’est vraiment une décision politique, quand on va lâcher les BRAV-M, elles ne choisissent pas où elles vont. On sait que leur but officiel est d’aller au contact et de faire un maximum d’interpellations.

    Le deuxième élément, ce sont les interpellations de masse pour dissuader de participer au cortège. C’est le deuxième pilier. On va priver des gens de liberté – pour 24 ou 48 heures, on n’est pas non plus en Russie – et on va ressortir. Mais ce sont des personnes ramassées au hasard avec la technique de la nasse, on ramasse tout, on envoie devant un officier de police judiciaire, qui fait un PV Minority Report. C’est-à-dire que vous êtes accusé car on pense que quelqu’un sait que vous allez faire quelque chose de pas bien. C’est une stratégie de police réfléchie.

    Alors y a-t-il une différence avec la doctrine du préfet Lallement ou pas ?

    Oui, la différence avec Didier Lallement, c’est la retenue dans l’usage des LBD. On a aussi des grenades, avec une mutilation, un pouce perdu pour le moment. C’est certain que ces armes n’ont pas leur place en maintien de l’ordre. Mais elles sont quand même utilisées. Les LBD, qui ont causé, lors des gilets jaunes, 30 mutilations avec ablation des globes oculaires, sont utilisés de manière limitée aujourd’hui. On voit peu de tirs filmés, mais on voit des menaces contre des journalistes avec les LBD en revanche. C’est une stratégie d’intimidation même s’il n’y a pas de journaliste touché. On essaie de contrôler les images, en limitant la liberté de la presse. C’est un problème qui doit être souligné. Mais en termes de blessures corporelles, on est pour l’instant à un niveau faible. Il y a derrière une instruction de ne pas tirer comme des malades, enfin en dehors de tout cadre réglementaire. C’est un progrès, il faut le reconnaître.

    Mais globalement, le maintien de l’ordre part complètement à vau-l’eau et piétine toutes les règles énoncées dans le schéma national du maintien de l’ordre : la déontologie, parler avec respect, ne pas tutoyer ; le port du RIO (référentiel des identités et de l’organisation), qui est en pointillé, le port de cagoule, interdit en maintien de l’ordre. Elle est pourtant portée ; l’usage de la violence non proportionnée et non-nécessaire, l’usage des nasses avec gaz, qui est complètement illégal ; et le détournement de l’usage des gardes à vue. On piétine complètement toutes les règles du schéma national du maintien de l’ordre.

    Faut-il revoir justement ce schéma national du maintien de l’ordre ?

    Non, il faudrait déjà l’appliquer, même s’il est imparfait, et l’améliorer, par exemple, sur la redevabilité des agents. C’est-à-dire qu’on a le droit de demander des comptes aux policiers et aux décideurs. Or il n’y a rien dans le schéma sur ça.

    Faut-il dissoudre les BRAV-M (brigades de répression des actions violentes motorisées) comme le demandent certains, notamment des députés LFI ?

    Il y a toujours eu la volonté à la fois de quadriller le terrain et de pouvoir intervenir. Ça a toujours été deux éléments du maintien de l’ordre. Mais quand vous mettez beaucoup de moyens dans ce dispositif, 180 motos, vous orientez le maintien de l’ordre vers la confrontation. Je serai favorable à leur suppression, étant donné leur passif, un peu comme on a supprimé les voltigeurs. Ils doivent être dissous. Quelle est l’utilité pour la préfecture de police ? Pour autant, les préfets auraient du mal à se passer d’unités plus mobiles. La question, c’est de chercher la bonne approche. Ça veut dire des règles d’emploi et de sélection différentes et meilleures.

    Les problèmes de répression policière viennent-ils selon vous de la formation des policiers et gendarmes ou plutôt des ordres qui leur sont donnés ?

    Ce sont les ordres. Le maintien de l’ordre, c’est la partie la plus militarisée de la police, au sens organisé et planifié. Ce n’est pas comme la police de sécurité du quotidien. Dans le maintien de l’ordre, il y a un décideur qui est le préfet qui va valider ce que le commandement de l’état-major a préparé. Et ensuite, ce plan, qui est alimenté des informations reçues du renseignement territorial, et les contraintes en effectif, qui les limite, aboutit à une stratégie d’action pour le lendemain. Quand on va demander aux agents d’aller au corps à corps, on va envoyer les BRAV-M. Pour faire les nasses et interpellations massives, on va utiliser des unités faites pour ce type de fonction. Après, les agents eux-mêmes peuvent être perfectibles.

    Il y a le paradigme du policier professionnel, qui est derrière son bouclier, qui est sous le stress, qui reçoit des projectiles. Mais il est formé à ça et réagit de façon placide. Il y a la question de l’orientation du maintien de l’ordre. Après, il y a la culture de l’organisation elle-même. On voit le contraste entre les gendarmes et les BRAV-M. Dans les travaux de recherche, on voit d’un côté la situation et de l’autre l’instruction, qui est le principal déterminant pour les agents. On le voit sur les tirs de LBD. Quand l’instruction est de ne pas le faire, il y a moins de tirs. Ça n’empêche pas les fautes, les erreurs. Mais l’erreur individuelle, c’est l’excuse pour ne pas regarder les problèmes politiques. La pomme pourrie, celui qui fait la faute et qu’on jette en pâture, c’est plus facile que démonter la responsabilité politique.

    Les policiers et gendarmes font face aussi à une attitude violente d’une minorité. Cela ne leur complique-t-il pas la tâche et la recherche de la bonne réponse proportionnée ?

    Bien sûr. Il y a une dimension de l’action qui est la configuration de la situation. Donc quand les policiers sont placés dans une situation où il y a plus d’agressivité, sont plus pris à partie, ça provoque une réaction de leur part. Mais la police – et c’est une norme qui se développe en Europe – a le devoir de réagir de façon proportionnée, d’utiliser la force que si cela est nécessaire et d’utiliser cette force que vers les groupes à l’origine des troubles. Et le problème qu’on voit, c’est que la force n’est pas dirigée vers les gens dangereux. Et quand on va nasser toutes sortes de personnes de façon indiscriminée, on ne répond pas à la menace bien réelle que vous indiquez, avec certains groupes qui sont rapides, mobiles, entraînés et qui vont détruire des abris bus ou des poubelles.

    Dans ce contexte sensible de la réforme des retraites, peut-on voir aussi un usage politique du maintien de l’ordre ?

    Mais c’est l’activité la plus politique de la police. Car c’est l’imposition par la coercition de l’obéissance. On ne peut pas trouver meilleure définition de la politique. La politique, pour un Etat, c’est la contrainte. L’Etat nous contraint par les règles, qui peuvent être fondées, par la taxation, par l’usage de la prison. Les Etats sont des systèmes de contrainte. La question, c’est la légitimité de ces contraintes. La légitimité est mise en question ensuite.

    La question, ce n’est pas sa légalité – quoiqu’en France, elle est posée – mais sa légitimité. Est-ce que les gens acceptent ? C’est ce qu’on voit en Iran. Est-ce qu’on va dire aux femmes iraniennes, qui n’ont pas le droit de ne pas porter le voile, qu’on ne peut pas contester cela ? Est-ce qu’en démocratie, on permet de dire que les règles sont mauvaises ? C’est là que le maintien de l’ordre est ultra-politique. On restreint la possibilité de dire qu’on est contre les règles. La démocratie, c’est le conflit. La question, c’est comment on gère ce conflit. Et Emmanuel Macron a choisi, comme pour les gilets jaunes, une orientation très conflictuelle. En France, la chaîne de commandement est située à ce niveau-là. La police est nationale, donc centralisée auprès d’un ministre de l’Intérieur qui ne procède que de la volonté du Président. Il tranche les orientations.

    Les policiers ne portent souvent pas le RIO, leur numéro d’identification, bien qu’il soit obligatoire. Comment l’expliquez-vous et quel en est la conséquence ?

    Dans le schéma national du maintien de l’ordre, le RIO répond à l’objectif de transparence de la police. Mais le RIO lui-même est un numéro trop petit, trop long et peu lisible. Le RIO sert à pouvoir identifier les responsabilités des agents. Pas de RIO, pas de conséquence aux mauvaises pratiques policière. C’est aussi simple que ça. Il y a un enjeu énorme pour qu’il y ait un RIO de taille 20/20 cm. Et il faut que ce soit lisible de nuit à 20 mètres. Si on ne peut pas rechercher la responsabilité des personnes, on ne peut pas espérer un comportement impeccable en matière de maintien de l’ordre. Les gens savent que l’IGPN dira on n’a pas trouvé. Et le juge dira, on n’a pas trouvé.

    Les chefs doivent commander. Mais les policiers ne sont pas toujours d’accord avec leur chef. Ils disent on nous envoie au casse-pipe et après on veut rechercher notre faute individuelle. La discipline a un prix pour la hiérarchie, en termes de temps passé et de conflictualité dans les unités. Donc le choix, c’est de ne pas faire appliquer la loi.

    Dans ces conditions, peut-on aller jusqu’à parler d’impunité organisée pour les forces de l’ordre qui ne portent pas leur RIO ?

    Je serais un peu moins sévère. Mais le gouvernement ne fait rien pour permettre l’identification individuelle, donc il ne corrige pas un problème qu’il connaît. Ce n’est pas organisé. Mais le gouvernent ne corrige pas ce problème pour maintenir la paix sociale dans les unités. Après une journée de maintien de l’ordre, les gars sont crevés, il faut qu’ils y retournent le lendemain. Est-ce que c’est le moment de s’engueuler sur le RIO ? La hiérarchie doit penser que non.

    Ces cas répétés de répression policière mettent-ils à mal la confiance qu’a la population dans sa police ? Quel est ce niveau de confiance ?

    L’expérience de la contrainte par la police, voire de la brutalité des policiers, a des effets que j’ai mesurés chez les jeunes. Dans mon livre La Nation inachevée, la jeunesse face à l’école et la police (Ed. Grasset), j’ai rassemblé 10 ans de recherches en France et aux Etats-Unis pour comprendre les conséquences du contact avec la police. L’expérience du contact qui se passe bien renforce les normes démocratiques dans la tête des adolescents. Quand ils ont un policier qui vient en classe les sensibiliser aux dangers de la drogue ou de la conduite rapide, ce bon contact fait qu’on croit davantage dans la République et qu’il y a une Nation française, un collectif où ils ont une place.

    Quand ils sont mal traités dans la rue, les choses sont fortement corrodées. La mauvaise police va corroder l’idée que la République est bonne et qu’ils ont une place dans la Nation. Et ça, on le constate en France, comme aux Etats-Unis. L’exposition aux brutalités policières fait que les noirs américains ne se sentent plus citoyens à part entière. Les sous-jacents psychologiques sont les mêmes. Vous faites l’expérience de la citoyenneté dans votre chair, alors qu’on la représente de manière abstraite. Le coup de matraque fabrique, ou plutôt détruit le citoyen, et détruit cette appartenance au collectif politique. On n’y croit plus.

    Publié le : 24/03/2023 à 17:50 - Mis à jour le : 24/03/2023 à 18:11

    Crédits photo principale : Laurent Cipriani/AP/SIPA

  • Sainte Soline : la bataille de l'eau

    Manifestations à Sainte Soline

    Non, ce ne sont pas des voyous, des casseurs, des gauchistes fascistes, des écolo-bobo et autre conneries du même genre, ce sont des gens qui depuis 2018 demandent un moratoire sur l'usage de l'eau, qui proposent une réflexion globale sur l'avenir de l'agriculture, qui défendent la paysannerie et luttent contre les agro-industriels, qui souhaitent l'autonomie alimentaire du pays et non promouvoir l'exportation des récoltes ou le nourrissage des animaux dans des fermes usines. Il faut absolument comprendre les revendications de ces gens dont beaucoup sont eux-mêmes des paysans (et non des agriculteurs-industriels). Il faut absolument sortir des clichés diffusés par les "grands" médias et lire, écouter, s'informer par d'autres canaux. La violence n'a jamais été le but de ces regroupements, elle est la conséquence du comportement du gouvernement.

    Je suis effaré par la violence des commentaires sur les réseaux sociaux et notamment sur France Info avec des particuliers qui disent qu'il faut que les forces de l'ordre tirent à balles réelles sur ces anarchistes ou qu'ils laissent "crever" les blessés qui n'ont que ce qu'ils méritent. J'ai tenté une fois de lancer un échange avec ces adeptes des mega-bassins pour vite réaliser qu'ils ne connaissent rien ou pas grand-chose du problème et mes tentatives d'explication se sont soldées par des "donne-nous ton adresse qu'on vienne cramer ta bagnole" ou "va manger ton herbe pauvre con."

    Bon, ok, j'imagine bien la tension à Sainte Soline.

    Quant aux quelques exploitants agricoles qui sont favorables aux bassins, il faut bien comprendre qu'ils font partie des "élus" qui pourront en bénéficier. La méthode est toujours la même, créer un noyau dur, quand le reste de la profession demande un partage et une gestion réfléchie. Il n'est qu'à voir le nombre de tracteurs présents parmi les convois de manifestants pour comprendre combien les adhérents à la FNSEA sont bien une minorité et que la Confédération paysanne représente ici la majorité opposante. 

    Non, les manifestants ne sont pas opposés au monde agricole. Ils en réclament un autre, un modèle durable, respectueux de la nature et des hommes. Et ce modèle existe.

     

     

  • Sagesse amérindienne.

     

    J'ai lu beaucoup d'ouvrages sur les Indiens d'Amérique. 

    "Enterre mon coeur à Wounded knee" est le plus désespérant de tous. Un historique complet du génocide indien. Il nous reste quelques écrits, quelques paroles. Et l'infinie tristesse.

    J'aurais tellement aimé être un Indien, avant l'arrivée des Blancs. 

     

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    Le message prémonitoire des amérindiens.

    Ces textes sont extraits du livre de T.C. Mac Luhan, "Pieds nus sur la terre sacrée", une anthologie de la philosophie, du mode de vie et de la destinée des Indiens d'Amérique du Nord.
     



            "Nous avons toujours eu beaucoup; nos enfants n'ont jamais pleuré de faim, notre peuple n'a jamais manqué de rien... Les rapides de Rock River nous fournissaient un excellent poisson, et la terre très fertile a toujours porté de bonnes récoltes de maïs, de haricots, ce citrouilles, de courges... Ici était notre village depuis plus de 100 ans pendant lesquels nous avons tenu la vallée sans qu'elle nous fût jamais disputée. Si un prophète était venu à notre village en ce temps-là nous prédire ce qui allait advenir, et ce qui est advenu, personne dans le village ne l'aurait cru."
    Black Hawk, chef indien.


            "Nous aimons la tranquillité; nous laissons la souris jouer en paix; quand les bois frémissent sous le vent, nous n'avons pas peur."
    Chef indien au gouverneur de Pennsylvanie en 1796.
     


            "Nous le savons : la terre n'appartient pas à l'homme, c'est l'homme qui appartient à la terre. Nous le savons: toutes choses sont liées. Tout ce qui arrive à la terre arrive aux fils de la terre. L'homme n'a pas tissé la toile de la vie, il n'est qu'un fil de tissu. Tout ce qu'il fait à la toile, il le fait à lui-même."
    Seattle, chef indien Suquamish.
     


            "Le Lakota était empli de compassion et d'amour pour la nature, et son attachement grandissait avec l'âge. (...) C'est pourquoi les vieux Indiens se tenaient à même le sol plutôt que de rester séparés des forces de vie. S'asseoir ou s'allonger ainsi leur permettait de penser plus profondément, de sentir plus vivement. Ils contemplaient alors avec une plus grande clarté les mystères de la vie et se sentaient plus proches de toutes les forces vivantes qui les entouraient.
        Le vieux Lakota était un sage. Il savait que le coeur de l'homme éloigné de la nature devient dur. Il savait que l'oubli du respect dû à tout ce qui pousse et à ce qui vit amène également à ne plus respecter l'homme. Aussi maintenait-il les jeunes sous la douce influence de la nature."
    Standing Bear, chef Lakota (Sioux).
     


            "Nous voyons la main du Grand Esprit dans presque tout: le soleil, la lune, les arbres, le vent et les montagnes; parfois nous l'approchons par leur intermédiaire. (...) Nous croyons en l'Etre Suprême, d'une foi bien plus forte que celle de bien des Blancs qui nous ont traité de païens... Les Indiens vivant près de la nature et du Maître de la nature ne vivent pas d'ans l'obscurité.
            Saviez-vous que les arbres parlent ? Ils le font pourtant ! Ils se parlent entre eux et vous parleront si vous écoutez. L'ennui avec les Blancs, c'est qu'ils n'écoutent pas ! Ils n'ont jamais écouté les Indiens, aussi je suppose qu'ils n'écouteront pas non plus les autres voix de la nature. Pourtant, les arbres m'ont beaucoup appris: tantôt sur le temps, tantôt sur les animaux, tantôt sur le Grand Esprit."
    Tatanga Mani (ou Walking Buffalo), indien Stoney (Canada).
     


            "Les Blancs se moquent de la terre, du daim ou de l'ours. Lorsque nous, Indiens, cherchons les racines, nous faisons de petits trous. Lorsque nous édifions nos tipis, nous faisons de petits trous. Nous n'utilisons que le bois mort.
            L'homme blanc, lui, retourne le sol, abat les arbres, détruit tout. L'arbre dit « Arrête, je suis blessé, ne me fais pas mal ». Mais il l'abat et le débite. L'esprit de la terre le hait. Il arrache les arbres et les ébranle jusqu'à leurs racines. Il scie les arbres. Cela leur fait mal. Les Indiens ne font jamais de mal, alors que l'homme blanc démolit tout. Il fait exploser les rochers et les laisse épars sur le sol. La roche dit « Arrête, tu me fais mal ». Mais l'homme blanc n'y fait pas attention. Quand les Indiens utilisent les pierres, ils les prennent petites et rondes pour y faire leur feu... Comment l'esprit de la terre pourrait-il aimer l'homme blanc?... Partout où il la touche, il y laisse une plaie."
    Vieille sage Wintu (Indiens de Californie).
     


            "Je peux me rappeler l'époque où les bisons étaient si nombreux qu'on ne pouvait les compter, mais les Wasichus (hommes blancs) les ont tués tant et tant qu'il ne reste que des carcasses là où ils venaient paître auparavant. Les Wasichus ne les tuaient pas pour manger; ils les tuaient pour le métal qui les rend fous et ils ne gardaient que la peau pour la vendre. Parfois ils ne les dépeçaient même pas. Ils ne prenaient que les langues et j'ai entendu parler de bateaux-de-feu descendant le Missouri chargés de langues de bison séchées. Parfois ils ne prenaient même pas les langues; ils les tuaient simplement pour le plaisir de tuer. Ceux qui ont fait cela étaient des fous. Quand nous chassions le bison, nous ne le faisions que selon nos besoins."
    Hehaka Sapa, grand chef Sioux.
     


            "Vous avez remarqué que toute chose faite par un indien est dans un cercle. Nos tipis étaient ronds comme des nids d'oiseaux et toujours disposés en cercle. Il en est ainsi parce que le pouvoir de l'Univers agit selon des cercles et que toute chose tend à être ronde. Dans l'ancien temps, lorsque nous étions un peuple fort et heureux, tout notre pouvoir venait du cercle sacré de la nation, et tant qu'il ne fut pas brisé.
            Tout ce que fait le pouvoir de l'Univers se fait dans un cercle. Le ciel est rond et j'ai entendu dire que la terre est ronde comme une balle et que toutes les étoiles le sont aussi. Les oiseaux font leur nid en cercle parce qu'ils ont la même religion que nous. Le soleil s'élève et redescend dans un cercle, la lune fait de même, et tous deux sont rond.
            Même les saisons forment un grand cercle dans leur changements et reviennent toujours là où elles étaient. La vie de l'homme est dans un cercle de l'enfance jusqu'à l'enfance, et ainsi en est-il pour chaque chose où l'énergie se meut."
    Hehaka Sapa, ou Black Elk, indien Oglala, branche des Dakotas (Sioux).
     

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            "La vie dans un tipi est bien meilleure. Il est toujours propre, chaud en hiver, frais en été, et facile à déplacer. L'homme blanc construit une grande maison, qui coûte beaucoup d'argent, ressemble à une grande cage, ne laisse pas entrer le soleil, et ne peut être déplacée; elle est toujours malsaine. Les Indiens et les animaux savent mieux vivre que l'homme blanc. Personne ne peut être en bonne santé sans avoir en permanence de l'air frais, du soleil, de la bonne eau. Si le Grand Esprit avait voulu que les hommes restassent à un endroit, il aurait fait le monde immobile; mais il a fait qu'il change toujours, afin que les oiseaux et les animaux puissent se déplacer et trouver toujours de l'herbe verte et des baies mures.
             L'homme blanc n'obéit pas au Grand Esprit. C'est pourquoi nous ne pouvons être d'accord avec lui."
    Flying Hawk, chef Sioux du clan des Oglalas.


            "Les vastes plaines ouvertes, les belles collines et les eaux qui serpentent en méandres compliqués n'étaient pas « sauvages » à nos yeux. Seul l'homme blanc trouvait la nature sauvage, et pour lui seul la terre était « infestée » d'animaux « sauvages » et de peuplades « sauvages ». A nous, la terre paraissait douce, et nous vivions comblés des bienfaits du Grand Mystère. Elle ne nous devint hostile qu'à l'arrivée de l'homme barbu de l'Est qui nous accable d'injustices insensées et brutales."
    Standing Bear, chef Lakota (Sioux).


            "Notre terre vaut mieux que de l'argent. Elle sera toujours là. Elle ne périra pas, même dans les flammes d'un feu. Aussi longtemps que le soleil brillera et que l'eau coulera, cette terre sera ici pour donner vie aux hommes et aux animaux. Nous ne pouvons vendre la vie des hommes et des animaux. C'est pourquoi nous ne pouvons vendre cette terre. Elle fut placée ici par le Grand Esprit et nous ne pouvons la vendre parce qu'elle ne nous appartient pas."
    Chef indien Blackfeet (Pieds-Noirs).


            "Mes jeunes gens ne travailleront jamais. Les hommes qui travaillent ne peuvent rêver. Et la sagesse nous vient des rêves."
    Smohalla, chef indien Sokulls.

     

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            "Le Grand Esprit nous a donné une vaste terre pour y vivre, et des bisons, des daims, des antilopes et autres gibier. Mais vous êtes venus et vous m'avez volé ma terre. Vous tuez mon gibier. Il devient dur alors pour nous de vivre. Maintenant vous nous dites que pour vivre, il faut travailler. Or le Grand Esprit ne nous a pas fait pour travailler, mais pour vivre de la chasse.
            Vous autres, hommes blancs, vous pouvez travailler si vous le voulez. Nous ne vous gênons nullement. Mais à nouveau vous nous dites « pourquoi ne devenez-vous pas civilisés? » Nous ne voulons pas de votre civilisation ! Nous voulons vivre comme le faisaient nos pères et leurs pères avant eux."
    Crazy Horse, grand chef Sioux du clan Oglalas.


            "Vous êtes déjà si misérables que vous ne pouvez le devenir plus. Quels genre d'homme doivent être les Européens? Quelle espèce de créature choisissent-ils d'être, forcés de faire le bien et n'ayant pour éviter le mal d'autre inspiration que la peur de la punition? (...) L'homme n'est pas seulement celui qui marche debout sur ses jambes, qui sait la lecture et l'écriture et montrer mille exemples de son industrie...
            En vérité mon cher frère, je te plains du plus profond de mon âme. Suis mon conseil et devient Huron. Je vois clairement la profonde différence entre ma condition et la tienne. Je suis le maître de ma condition. Je suis le maître de mon corps, j'ai l'entière disposition de moi-même, je fais ce qui me plaît, je suis le premier et le dernier de ma nation, je ne crains absolument aucun homme, je dépends seulement du Grand Esprit.
            Il n'en est pas de même pour toi. Ton corps aussi bien que ton âme sont condamnés à dépendre de ton grand capitaine, ton vice-roi dispose de toi. Tu n'as pas la liberté de faire ce que tu as dans l'esprit. Tu as peur des voleurs, des assassins, des faux-témoins, etc. Et tu dépends d'une infinité de personne dont la place est située au-dessus de la tienne. N'est-ce pas vrai ?"
    Kondiarionk, chef Huron, s'adressant au baron de Lahontan, lieutenant français en Terre-Neuve.


            "Les hommes blancs annonçaient bien haut que leurs lois étaient faites pour tout le monde, mais il devint tout de suite clair que, tout en espérant nous les faire adopter, ils ne se gênaient pas pour les briser eux-mêmes.
            Leurs sages nous conseillaient d'adopter leur religion mais nous découvrîmes vite qu'il en existant un grand nombre. Nous ne pouvions les comprendre, et deux hommes blancs étaient rarement d'accord sur celle qu'il fallait prendre. Cela nous gêna beaucoup jusqu'au jour où nous comprîmes que l'homme blanc ne prenait pas plus sa religion au sérieux que ses lois. Ils les gardait à portée de la main, comme des instruments, pour les employer à sa guise dans ses rapports avec les étrangers."
    Pachgantschilhilas, chef des Delawares.


            "Chaque année notre envahisseur blanc devient plus avide, exigeant, oppressif et autoritaire... La misère et l'oppression, tel est le lot qui nous échoit... Ne sommes-nous pas dépouillés jour après jour du peu de liberté qui nous reste ?
            A moins que les tribus ne se liguent unanimement pour modérer les ambitions et l'avidité des Blancs, ils nous auront bientôt tous conquis et désunis, nous serons chassés de notre pays natal et éparpillés comme les feuilles d'automne par le vent."
    Tecumseh, chef Shawnee, en 1812.


            "Nous ne voulons pas des chariots de feu qui font du bruit (trains à vapeur) sur les terrains de chasse au bisons. Si les Visages Pâles s'avancent encore sur nos terres, les scalps de vos frères seront dans les wigwams des Cheyennes. J'ai dit !"
    Roman Nose, chef-guerrier des Cheyennes, s'adressant au général Palmer en 1866 dans le Kansas.


            "Regardez mes frères, le printemps est venu, la terre a reçu les baisers du soleil et nous verrons bientôt les fruits de cet amour. Chaque graine est éveillée, et de même, tout animal est en vie. C'est à ce pouvoir mystérieux que nous devons nous aussi notre existence. C'est pourquoi nous concédons à nos voisins, même nos voisins animaux, autant de droit qu'à nous d'habiter cette terre.
            Cependant écoutez-moi mes frères, nous devons maintenant compter avec une autre race, petite et faible quand nos pères l'ont rencontrée pour la première fois, mais aujourd'hui, elle est devenue tyrannique. Fort étrangement, ils ont dans l'esprit la volonté de cultiver le sol, et l'amour de posséder est chez eux une maladie. Ce peuple a fait des lois que les riches peuvent briser mais non les pauvres. Ils prélèvent des taxes sur les pauvres et les faibles pour entretenir les riches qui gouvernent. Ils revendiquent notre mère à tous, la terre, pour eux seuls et ils se barricadent contre leurs voisins. Ils défigurent la terre avec leurs constructions et leurs rebuts. Cette nation est comme le torrent de neige fondue qui sort de son lit et détruit tout sur son passage."
    Tatanka Yotanka, ou Sitting Bull, grand chef Sioux.


            "Frère, notre territoire était grand et le vôtre était petit. Vous êtes maintenant devenus un grand peuple, et il nous reste à peine l'espace pour étendre nos couvertures. Vous avez notre pays, mais cela ne vous suffit pas. Vous voulez nous forcer à épouser votre religion.
            Frère, continue à écouter. Tu te dis envoyé ici pour nous apprendre à rendre le culte au Grand Esprit d'une manière qui lui soit agréable. Et tu prétends que si nous n'adoptons pas la religion que vous les Blancs vous prêchez, nous seront malheureux ici-bas. Tu dis être dans le vrai et que nous sommes perdus. Comment pourrions-nous vérifier la vérité de tes paroles? (...)
            Frère, tu dis qu'il n'y a qu'une seule façon d'adorer et de servir le Grand Esprit. Si il n'y a qu'une religion, pourquoi le peuple blanc est-il si partagé à ce sujet? Nous savons que votre religion est écrite dans un livre. Pourquoi n'êtes-vous pas tous d'accord, si vous pouvez tous lire le livre?
            Frère, nous ne comprenons pas ces choses. On nous dit que ta religion a été donnée à tes ancêtres, et s'est transmise de père en fils. Nous aussi nous avons une religion que nos ancêtres ont reçue et nous ont transmise, à nous, leurs enfants. Nous rendons le culte de cette manière. Il nous apprend à être reconnaissants pour toutes les faveurs que nous recevons, à nous aimer les uns les autres et à être unis. Nous ne nous querellons jamais à propos de religion parce que c'est un sujet qui concerne chaque homme devant le Grand Esprit."
    Sa-go-ye-wat-ha, ou Red Jacket, chef Seneca (Iroquois) et grand orateur des Six Nations.


            "J'assiste avec tristesse au déclin de notre noble race. Nos pères étaient forts et leur pouvoir s'étendait sur tout le continent américain. Mais nous avons été réduits et brisés par la ruse et la rapacité de la race à peau blanche. Nous sommes maintenant obligés de solliciter, comme une aumône, le droit de vivre sur notre propre terre, de cultiver nos propres terres, de boire nos propres sources.
            Il y a de nombreux hivers, nos sages ancêtres ont prédit qu'un grand monstre aux yeux blancs viendrait de l'Est, et qu'eu fur et à mesure qu'il avancerait il dévorerait la terre. Ce monstre, c'est la race blanche, et la prédiction est proche de son accomplissement."
    O-no'-sa, chef indien.


            "Le changement du costume tribal pour celui de l'homme blanc fut brutal. Les effets sur la santé et le confort des enfants furent considérables. Notre premier grief fut d'avoir les cheveux coupés. Les hommes Lakotas ont toujours porté les cheveux longs. Plusieurs jours après avoir été tondus, nous nous sommes sentis bizarres et mal à l'aise. Si l'argument avancé était vrai, à savoir l'élimination des poux, pourquoi les filles n'avaient-elles pas subi le même traitement que les garçons?
            La vérité, c'est qu'ils voulaient nous transformer. Les cheveux courts étant la marque distinctive de l'homme blanc, on nous l'imposa, alors que lui-même conservait sa propre coutume de se laisser pousser les poils du visage."
    Standing Bear, chef indien Lakota.


            "Les Wasichus nous ont mis dans ces boites carrées (maisons), notre pouvoir s'en est allé et nous allons mourir parce que le pouvoir n'est plus en nous.
            Nous sommes des prisonniers de guerre tant que nous attendons ici. Mais il y a un autre monde."
    Hehaka, ou Black Elk (Wapiti Noir), indien Sioux.


            "Enfant, je savais donner. J'ai perdu cette grâce en devenant civilisé. Je menais une existence naturelle, alors qu'aujourd'hui je vis de l'artificiel. Le moindre joli caillou avait de la valeur à mes yeux. Chaque arbre était un objet de respect. Aujourd'hui, j'admire avec l'homme blanc un paysage peint dont la valeur est exprimée en dollars !"
    Chiyesa, écrivain indien contemporain.


            "Je suis allé à l'école des hommes blancs. J'y ai appris à lire leurs livres de classe, les journaux et la bible. Mais j'ai découvert à temps que cela n'était pas suffisant. Les peuples civilisés dépendent beaucoup trop de la page imprimée. Je me tournai vers le livre du Grand Esprit qui est l'ensemble de sa création. Vous pouvez lire une grande partie de ce livre en étudiant la nature.
            Si vous preniez tous vos livres et les étendez sous le soleil, en laissant pendant quelque temps la pluie, la neige et les insectes accomplir leur oeuvre, il n'en restera plus rien. Mais le Grand Esprit nous a fourni la possibilité, à vous et à moi, d'étudier à l'université de la nature les forêts, les rivières, les montagnes, et les animaux dont nous faisons partie."]
    Tatanga Mani (ou Walking Buffalo), indien Stoney (Canada).

     

    the warrior's prayer by stan davis

            "L'homme blanc, dans son indifférence pour la signification de la nature, a profané la face de notre Mère la Terre. L'avance technologique de l'homme blanc s'est révélée comme une conséquence de son manque d'intérêt pour la voie spirituelle, et pour la signification de tout ce qui vit. L'appétit de l'homme blanc pour la possession matérielle et le pouvoir l'a aveuglé sur le mal qu'il a causé à notre Mère la Terre, dans sa recherche de ce qu'il appelle les ressources naturelles. Et la voie du Grand Esprit est devenue difficile à voir pour presque tous les hommes, et même pour beaucoup d'Indiens qui ont choisi de suivre la voie de l'homme blanc.
            Aujourd'hui, les terres sacrées où vivent les Hopis sont profanées par des hommes qui cherchent du charbon et de l'eau dans notre sol, afin de créer plus d'énergie pour les villes de l'homme blanc. On ne doit pas permettre que cela continue. Sans quoi notre Mère la Nature réagirait de telle manière que presque tous les hommes auraient à subir la fin qui a déjà commencé. Le Grand Esprit a dit qu'on ne devait pas laisser cela arriver, même si la prédiction en a été faite à nos ancêtres. Le Grand Esprit a dit de ne pas prendre à la terre, de ne pas détruire les choses vivantes.
            Aujourd'hui, presque toutes les prophéties se sont réalisées. Des routes grandes comme des rivières traversent le paysage; l'homme parle à travers un réseau de téléphone et il voyage dans le ciel avec ses avions. Deux grandes guerres ont été faites par ceux qui arborent le swastika ou le soleil levant.
            Le Grand Esprit a dit que si une gourde de cendres était renversée sur la terre, beaucoup d'hommes mourraient, et que la fin de cette manière de vivre était proche. Nous interprétons cela comme les bombes atomiques lancées sur Hiroshima et Nagasaki. Nous ne voulons pas que cela se reproduise dans aucun autre pays pour aucun autre peuple; cette énergie devrait servir à des fins pacifiques, non pour la guerre.
            Nous, les chefs religieux et porte-parole légitimes du peuple indépendant des Hopis, avons été chargés par le Grand Esprit d'envoyer au président des Etats-Unis et à tous les chefs spirituels une invitation à nous rencontrer pour discuter du salut de l'humanité, afin que la Paix, l'Unité et la Fraternité règnent partout où il y a des hommes."
    Lettre des Indiens Hopis au président Nixon en 1970.

  • Scénario à venir

     

     

    2050 : Marseille et Avignon suffoquent, la Camargue prend l'eau, mégafeux... Le scénario noir du climat en Provence

     

    Par Alexandra DUCAMP et Sophie MANELLI

    https://www.laprovence.com/article/region/49586782207445/2050-le-scenario-noir-du-climat-en-provence?

    Dans notre région, depuis le début du XXe siècle, la température moyenne a augmenté de 2,1º, soit 20 % de plus que la moyenne nationale. Et jusqu’à 2,4º dans les Alpes. "Le scénario du pire, on y va tout droit", alerte le Giec.

    COP 27, novembre 2022. António Guterres, secrétaire général de l’ONU, donne le ton devant une centaine de chefs d’État, à Charm el-Cheikh (Égypte). "L’humanité a un choix : coopérer ou périr. C’est soit un Pacte de solidarité climatique, soit un Pacte de suicide collectif, avait-il lancé. (…) Nous sommes sur l’autoroute vers l’enfer climatique avec le pied toujours sur l’accélérateur."

    Le monde fonce-t-il droit dans le mur ? Dans leur dernière synthèse publiée lundi, les experts du Giec estiment que "la fenêtre d’action se rétrécit, mais elle existe encore" : une "action majeure" permettrait encore d’atteindre les objectifs pour contenir le réchauffement à 1,5ºC par rapport à l’ère pré-industrielle. Mais les actions ne viennent pas ou pas suffisamment, et des symboles en disent long : la prochaine COP se tiendra à la fin de l’année à Dubaï sous la présidence de son ministre de l’Énergie, chantre des investissements gaziers.

    Les scénarios du pire sont donc encore parfaitement envisageables. En France, nous sommes déjà largement au-dessus de 1,7º et c’est en Provence que le réchauffement climatique se fait le plus sentir. "Dans notre région, depuis le début du XXe siècle, la température moyenne a augmenté de 2,1º, soit 20 % de plus que la moyenne nationale. Et jusqu’à 2,4º dans les Alpes", souligne Philippe Rossello, coordinateur du Grec-Sud, l’antenne régionale du Giec. Le scénario du pire ? "On y va tout droit", prévient l’ingénieur géoprospectiviste.

    Même si les promesses actuelles des États sont tenues, "on sera à 3 degrés de plus en moyenne mondiale à la fin du siècle". Dès 2050, l’impact du réchauffement climatique sur notre quotidien sera considérable. Pour s’en faire une idée, il faut lire les 10 000 pages de travaux de modélisation que le Giec a publiés depuis huit ans sur l’état de la science. Avec l’aide du Grec-Sud et du livre France 2050 de Marc Lomazzi, nous avons imaginé ce que sera dans 30 ans la vie des Provençaux. Il était une fois, Emma et Louis, le 12 juillet 2050…

    Avignon est une étuve

    Il est 8 heures, ce 12 juillet 2050, quand Louis, webdesigner de 28 ans, ouvre un œil. Son thermomètre connecté affiche déjà 31º. Place des Corps Saints, à l'heure du café, on respire (un peu) entre les remparts après l'étouffoir des nuits tropicales à plus de 26 degrés, sans pouvoir fermer l'œil. C'est épuisant, même pour un jeune organisme ! Et ça fait plus d'un mois que ça dure. D'après la météo, la vague de chaleur est installée pour un bon mois encore.

    Désormais, l'été, c'est la fournaise de mai à septembre. Les pics à plus 45 degrés ont fait fuir les touristes qui préfèrent venir au printemps ou en automne. Les panneaux d'information municipaux rappellent que la température est encore plus intense au ras du sol et qu'il faut éviter de sortir les jeunes enfants entre midi et 18 heures... Dire que quand Louis était gamin, le festival était organisé en juillet ! Il les revoit encore, ces pauvres artistes bariolés, en sueur, au bord de l'évanouissement, qui racolaient en plein cagnard des spectateurs dont l'amour pour le théâtre s'érodait d'année en année à cause des canicules à répétition. Heureusement, depuis 2035, le festival a été décalé en mars. La saison des beaux jours. Mais du coup, Avignon en juillet, c'est un peu le désert de Gobi sur le plan culturel.

    Louis irait bien passer une semaine à Paris mais il appréhende les six heures de voyage en TGV. En cette période de l'année, les temps de trajets sont multipliés par deux à cause des rails qui se dilatent et s'allongent sous l'effet de la chaleur, ce qui oblige les trains à ralentir l'allure. Et pas question de faire le déplacement en voiture : la semaine dernière, Louis a eu la peur de sa vie sur la route départementale. Les enrobés avaient fondu et collaient à ses pneus ! Des travaux ont été engagés pour changer de revêtement, mais comme toujours en été, ça traîne en longueur : les ouvriers ne peuvent travailler que la nuit sur le chantier sinon c'est la mort par grillade assurée. Et s'il allait passer une semaine à Marseille chez sa cousine Emma ?

    À la mi-journée, Marseille est déserte

    Même si l'humidité de la mer protège un peu la ville des pics de chaleur, on suffoque. Tout autour du Vieux-Port, on a monté de nouvelles ombrières. Avec ses nouvelles constructions passées à la chaux, "Marseille la blanche" a des airs de village grec.

    Devant l'entrée des urgences de la Timone, une tente de tri a été plantée. Bien que le personnel n'ait plus le droit de prendre ses congés pendant la saison chaude, il n'est pas en nombre suffisant pour accueillir tout le monde. Déjà quinze patients victimes de coups de chaleur ce matin : les plus âgés et souvent les plus précaires tombent comme des mouches. Encore trop de logements mal isolés, les moteurs de clim' en surchauffe qui lâchent. Une étude de la London School of Hygiene and Tropical Medecine avait prévenu il y a trente ans : en 2050, les décès causés par la canicule seront multipliés par 3. Dans les couloirs de l'hôpital, des enfants, en nombre, victimes de crise d'asthme : la municipalité a beau avoir interdit les véhicules les plus polluants, la pollution de l'air associée aux allergies aux pollens fait des ravages.

    Emma, 35 ans, infirmière, est inquiète. Comme toutes les mères de famille, elle connaît par coeur les symptômes de la dengue : fièvre, douleurs articulaires, nausée, maux de tête... Cette fois, cela pourrait être son tour. "Le réchauffement climatique n'a pas un impact direct sur les pandémies, prévenait, en 2020, Roger Frutos, chercheur en microbiologie moléculaire au Centre de coopération internationale en recherche agronomique (Cirad). En revanche, il joue un rôle plus ou moins positif sur la mobilité des espèces. Et donc des virus dont elles sont vecteurs."

    Et aussi Quelle température fera-t-il dans les principales villes de Provence en 2050 ?

    Moustiques, tiques, fourmis électriques, plus craints que les rats...

    Voilà bientôt un demi-siècle que l'aedes albopictus (le moustique-tigre) a colonisé la Provence. Nous sommes passés de 50 cas autochtones de dengue en 2022 à des centaines en 2050. À Marseille, désormais, on attrape le chikungunya, la dengue ou zika sans même sortir de chez soi. La tique chasseuse qui peut faire des bonds de cent mètres et vous coller la fièvre hémorragique de Crimée-Congo crée régulièrement la panique quand ce n'est pas la fourmi électrique dont la piqûre est à hurler de douleur. Ce n'est pas faute d'avoir prévenu, rappelle souvent la presse locale, en exhumant une audition de Didier Fontenille, directeur de recherche à l'IRD, devant les députés en 2020. Il avait réclamé un "grand plan" contre les insectes vecteurs de maladie en France comme ceux qui avaient été dédiés au cancer ou à Alzheimer. Personne ne l'a écouté.

    Emma passe, aussi, tous les soirs sa peau claire au crible. Avec ses températures intenables, c'est short et t-shirt six mois de l'année. Conséquence : les cancers de la peau ont augmenté de 70%.

    Profiter de l'été à Marseille c'est encore possible pourtant. Mais seulement quelques heures par jour et en évitant le bitume et les îlots de chaleur. Sur la plage des Catalans, c'est à 5 heures du matin que les baigneurs viennent poser leurs serviettes. Question de température - il fait déjà 28º - et de place : la mer a grignoté 7 mètres de plage. Poser sa fouta est devenu un combat. C'est à cette heure que vont se coucher les ouvriers qui ont travaillé toute la nuit pour surélever les quais du Vieux-Port et protéger les commerces du bas de la Canebière de la submersion.

    La Camargue prend l'eau

    On peut encore se baigner aux Saintes-Maries de la mer. Les terres (infestées de moustiques) sont peu à peu englouties et les digues semblent dérisoires pour ralentir le phénomène. En 2023, les scientifiques prévenaient déjà : quoi qu'on fasse, la mer sera montée de 25 cm en 2050 en raison de la fonte des pôles.

    Le milieu marin se réchauffe et s'acidifie, mettant en péril la biodiversité et changeant toute la chaîne alimentaire. Les gorgones se meurent en Méditerranée, des espèces invasives s'implantent sur nos côtes, comme le tétraodon et le poisson-pierre, potentiellement toxiques, ou le poisson lapin qui ratiboise les herbiers de posidonies, ravageant les habitats et les nurseries d'autres espèces.

    La montagne, comme neige au soleil...

    Dans les années 2020, à chaque rapport du Giec, son grand-père rigolait des scénarios catastrophe sur les hausses de température : "Tu iras t'installer au chalet, à Saint-Véran". Emma avait dix ans à l'époque et pas la tête à ce genre de lecture qui prévenait pourtant qu'en haute altitude, les températures grimpaient encore plus vite qu'au bord du littoral : entre 0,3 et 0,4º par décennie. Depuis trente ans, le manteau neigeux de moins en moins épais ne permet plus de réfléchir l'énergie solaire. En 2050, dans le parc du Queyras, relever 35º en été n'a rien d'exceptionnel.

    Emma et Louis espèrent encore aller au ski cet hiver. Dans les Alpes-du-Sud, toutes les remontées mécaniques en dessous de 2 000 mètres d'altitude ont été rallongées pour amener directement les skieurs aux sommets les plus hauts. Les pistes ont singulièrement raccourci : c'est en bus que l'on redescend aux stations. Les annonces de location ne vantent plus ces "appartements au pied des pistes". Les canons à neige qui ont pallié pendant des années le manque d'or blanc ont été démontés. Il fait trop chaud, ils ne servent plus à rien.

    Et aussi Climat: le Giec publie son "guide de survie" pour l'humanité

    À Aix, on trinque au Boulaouane

    Heureusement, pour égayer les soirées d'été d'Emma et de Louis, il reste le rosé... À consommer avec modération car avec un taux d'alcool de plus de 15 degrés, il fait vite tourner la tête. Gorgés en sucre du fait de l'ensoleillement accru, les raisins produisent un vin plus fort. "À ce rythme, dans 100 ans, ce sera du rhum !" plaisante le père de Louis, qui se souvient avec nostalgie de la légèreté fruitée des rosés de Provence d'antan. La saveur et la robe des vins aussi ont changé. Pour adapter les vignobles à la sécheresse, les producteurs ont introduit des cépages plus résistants en provenance du Maghreb. Désormais c'est Boulaouane à l'apéro !

    Dans le Vaucluse et les coteaux d'Aix, les vendanges de plus en plus précoces commencent début juillet. Et pour la vigne comme pour les autres cultures, l'eau vient à manquer : -10 à 20 % de ressources en eau en moins en 2050. Malgré les alertes des spécialistes, les réseaux d'irrigation ont tardé à être rénovés. Comme en 2023, on déplore encore 30% de pertes pour cause de fuites. Un crève-coeur. D'autant que chaque été, dans le Haut-Var et les Bouches-du- Rhône, de plus en plus de petites communes doivent être alimentées en eau par camions-citernes. L'exemple du village de Seillans, en mai 2022, où 2 700 habitants avaient dû être ravitaillés en urgence n'a pas servi de leçon...

    Sous la menace d'un mégafeu

    Dans les zones qui souffrent le plus de la sécheresse, le manque d'eau fait fuir de nombreux habitants. Les stars ont quitté leur mas du Luberon pour aller s'installer en Bretagne ! Partout en Provence, les incendies de forêts se multiplient sur une végétation toujours plus sèche... Les pins sylvestres, les chênesblancs, à l'agonie, laissent peu à peu la place à des arbres plus petits, aux broussailles et servent de combustibles aux flammes. Le pin d'Alep, plus résistant, gagne du terrain. Dans des espaces verts qui deviennent de plus en plus inaccessibles, les mégafeux, incontrôlables, menacent. Il est loin le temps où il fallait réguler le flux de touristes prêts à tout pour un selfie au paradis des Calanques. Le paysage est lunaire et carbonisé.

    La Région Paca a bien tenu ses promesses de planter cinq millions d'arbres - un par habitant. Mais en quelques heures, tous ces efforts peuvent partir en fumée. Et où en est-on du recrutement de 50 000 sapeurs-pompiers volontaires supplémentaires que réclamait dès 2022 Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers ? Aujourd'hui, les soldats du feu parviennent tout juste à protéger les habitations. À Gonfaron, les grands-parents de Louis ne peuvent plus faire assurer leur maison en bordure de forêt. Et ce ne sont pas les dispositifs de séquestration du carbone lancés par les grands industriels qui vont régler le problème.

    En attendant la tornade...

    À l'ombre de son grand sombrero, contemplant le massif de l'Étoile au nord de Marseille, ravagé il y a deux ans par un énième incendie, Emma croise les doigts pour qu'arrivent enfin des nuages porteurs d'une bonne pluie. En espérant que ce ne soit pas un épisode cévenol, de plus en plus fréquent avec leurs cortèges d'inondations et de drames dans des villes bétonnées. "Les événements exceptionnels vont augmenter de 20 % en intensité", prévenait, il y a 20 ans, Philippe Rossello du Grec-Sud, rappelant qu'en un demi-siècle le nombre de pluies supérieures à 200 litres/m² avait doublé. Le pire serait la formation d'un "bow echo", cet orage en forme d'arc d'une brutalité inouïe qui avait tué six personnes en Corse le 18 août 2022. Autrefois exceptionnelles, ces tornades soudaines sont désormais redoutées. Pas plus qu'il y a trente ans, ni les modèles climatiques, ni ceux de Météo France ne parviennent à les prévoir.

    COP 27, novembre 2022. António Guterres, secrétaire général de l'ONU, donne le ton devant une centaine de chefs d'État, à Charm el-Cheikh (Égypte). "L'humanité a un choix : coopérer ou périr. C'est soit un Pacte de solidarité climatique, soit un Pacte de suicide collectif, avait-il lancé. (...) Nous sommes sur l'autoroute vers l'enfer climatique avec le pied toujours sur l'accélérateur."

    Le monde fonce-t-il droit dans le mur ? Dans leur dernière synthèse publiée lundi, les experts du Giec estiment que "la fenêtre d'action se rétrécit, mais elle existe encore" : une "action majeure" permettrait encore d'atteindre les objectifs pour contenir le réchauffement à 1,5ºC par rapport à l'ère pré-industrielle. Mais les actions ne viennent pas ou pas suffisamment, et des symboles en disent long : la prochaine COP se tiendra à la fin de l'année à Dubaï sous la présidence de son ministre de l'Énergie, chantre des investissements gaziers. Les scénarios du pire sont donc encore parfaitement envisageables. En France, nous sommes déjà largement au-dessus de 1,7º et c'est en Provence que le réchauffement climatique se fait le plus sentir. "Dans notre région, depuis le début du XXe siècle, la température moyenne a augmenté de 2,1º, soit 20 % de plus que la moyenne nationale. Et jusqu'à 2,4º dans les Alpes", souligne Philippe Rossello, coordinateur du Grec-Sud, l'antenne régionale du Giec. Le scénario du pire ? "On y va tout droit", prévient l'ingénieur géoprospectiviste. Même si les promesses actuelles des États sont tenues, "on sera à 3 degrés de plus en moyenne mondiale à la fin du siècle". Dès 2050, l'impact du réchauffement climatique sur notre quotidien sera considérable. Pour s'en faire une idée, il faut lire les 10 000 pages de travaux de modélisation que le Giec a publiés depuis huit ans sur l'état de la science. Avec l'aide du Grec-Sud et du livre France 2050 de Marc Lomazzi, nous avons imaginé ce que sera dans 30 ans la vie des Provençaux. Il était une fois, Emma et Louis, le 12 juillet 2050...

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