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Les animaux et les incendies
- Par Thierry LEDRU
- Le 12/01/2025
Eux, ils n'y sont pour rien, ils n'y comprennent rien, ils tentent juste de sauver leurs vies. Beaucoup, beaucoup trop n'y parviendront pas.
Animaux sauvages tués par les incendies à Los Angeles : des espèces menacées en danger
par Pierre G. 10 janvier 2025, 21h57
Les récents incendies ravageant la région de Los Angeles menacent gravement la faune et la flore, y compris des espèces en danger d’extinction. Entre la destruction massive d’habitations et les pertes économiques considérables, la situation est catastrophique, soulevant des inquiétudes sur la survie des animaux et plantes endémiques déjà vulnérables.
La région de Los Angeles est notoire pour sa vulnérabilité aux incendies de forêt, causés par les célèbres et chauds vents de Santa Ana – surnommés “vents du diable” – qui soufflent sur la Californie du Sud, apportant cycle après cycle mort et détruction. Cependant, ce qui se passe au début de 2025, en plein hiver, est considéré comme l’événement le plus catastrophique jamais enregistré dans la région de la “Cité des Anges”. Actuellement, on dénombre 10 victimes et environ 120 kilomètres carrés de territoire consumés par les flammes, soit l’équivalent de la ville de San Francisco. Plus de 5.000 maisons détruites – de nombreuses demeures d’acteurs et d’autres célébrités – et des dommages dépassant 50 milliards de dollars sont recensés. Toutefois, les pertes économiques dues à cette catastrophe naturelle pourraient atteindre 150 milliards de dollars, faisant de celle-ci l’une des plus “coûteuses” de l’histoire des États-Unis.
Les zones les plus touchées se situent principalement au nord et à l’ouest de Los Angeles, avec des quartiers entiers brûlés à Palisades – entre Santa Monica et Malibu – ainsi qu’à Pasadena, avec 7.000 hectares réduits en cendres. Les pompiers luttent contre les vents de Santa Ana avec des moyens limités; bon nombre des bornes fontaines sont à sec en raison d’une demande extrême en eau, causant une baisse significative de la pression dans le réseau d’approvisionnement en eau, déjà éprouvé par les mois précédents de siccité exacerbée par le changement climatique. Ce mélange de circonstances rend la maîtrise des flammes, poussées par les vents de Santa Ana, extrêmement difficile – lorsque cela n’est pas impossible.
Cela a déclenché une course contre la montre pour sauver les personnes piégées dans leurs maisons entourées par les flammes. Mais ce ne sont pas les seules préoccupations. Les autorités ont également mis en place des grands centres de secours comme le Westwood Recreation Center et le Los Angeles Equestrian Center pour accueillir les évacués, y compris leurs animaux de compagnie, de toutes tailles. De nombreuses images de sauvetage de chiens, chats, chevaux, porcs, vaches et autres animaux circulent sur le net. Certains ont été laissés à l’abandon parce que leur transfert était impossible, tandis que d’autres, malheureusement, ont péri dans les maisons détruites par le feu. Beaucoup de propriétaires étaient au travail lorsque les autorités ont ordonné l’évacuation et n’ont pas pu revenir pour récupérer leurs compagnons avant que les quartiers ne soient engloutis par les flammes.
La maison de Paris Hilton, d’une valeur de 8 millions, a été détruite par les incendies à Los Angeles : à quoi ressemblait-elle
Dans cette situation dramatique et tragique, on n’a pas beaucoup parlé de la faune sauvage, c’est-à-dire des animaux vivant librement dans les zones naturelles ravagées par le feu. Comme l’explique à Newsweek Stephanie Eyes, biologiste spécialisée dans la faune sauvage au Fish and Wildlife de Sacramento auprès du Service des poissons et de la faune américain (FWS), la Californie “a une longue histoire d’incendies de forêt”, et par conséquent, de nombreuses espèces se sont adaptées et ont évolué pour survivre aux incendies, en s’éloignant de la fumée et des flammes pour retourner ensuite dans leurs zones de nourrissage et de reproduction. Les amphibiens et les poissons peuvent nager dans des eaux profondes en attendant que la chaleur de surface se dissipe, tout comme les petits mammifères, reptiles et invertébrés peuvent se glisser dans des tunnels et des terriers souterrains pour échapper aux flammes et se protéger de la chaleur. Les oiseaux adultes s’envolent, tandis que les grands mammifères – comme les cerfs – se déplacent dans les bois pour éviter fumée et feu. Il est évident que les jeunes, ainsi que les animaux blessés et malades, succombent souvent aux incendies. Toutefois, l’incendie en cours n’est pas un incendie ordinaire, et il peut également être impossible pour des adultes en bonne santé de trouver refuge. Rappelons ce qui s’est passé en 2020 en Australie, où des incendies dévastateurs ont causé la mort de plus d’un milliard d’animaux. Parmi les images les plus émouvantes en provenance de Californie, on trouve celle d’un jeune cerf effrayé et confus cherchant refuge sur une route, alors que les flammes dévorent les zones boisées environnantes.
Les experts en faune sauvage s’inquiètent particulièrement pour certaines espèces endémiques – c’est-à-dire qui ne vivent que là – déjà menacées d’extinction (ou proches de l’être) pour diverses raisons, principalement d’origine humaine, telles que la détruction de l’habitat naturel, la pollution et le changement climatique causé par les activités humaines. Parmi elles se trouve la grenouille à pattes rouges de Californie, une sous-espèce de grenouille rouge du Nord, classée comme “quasi menacée” dans la Liste Rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN) depuis 2021. La population subit une baisse significative et la sous-espèce est strictement protégée par la loi fédérale américaine. Les experts expliquent qu’elle peut trouver refuge dans l’eau ou dans les terriers de mammifères, mais l’ampleur et la rapidité des incendies en cours pourraient décimer un grand nombre d’individus.
Un attrape-mouches des saules. Crédit : Jim Rorabaugh/USFWS
Trois espèces d’oiseaux sont également en danger : le vireo de Bell (Vireo bellii pusillus), une sous-espèce vivant dans la Californie du Sud, qui est classée comme en danger d’extinction; le pigliamosche du sud-ouest (Empidonax traillii extimus), dont on ne dénombre que quelques centaines de couples reproducteurs et qui est également en danger d’extinction ; et le pigliamosche côtier de Californie (Polioptila californica californica), qui se retrouve dans une situation similaire à celle de la précédente espèce. Il ne s’agit pas seulement d’animaux menacés par les terribles incendies californiens, mais également de nombreuses plantes rares déjà à risque d’extinction en raison de l’impact humain. Parmi elles, on trouve la Pentachaeta de Lyon, l’Astragale de Braunton et plusieurs espèces de Dudleya, telles que celles de Santa Monica, du Conejo et la “marcescente”. Toutes ces espèces, comme l’indique le Service de la faune et des poissons des États-Unis, “sont considérées comme menacées ou en danger d’extinction sous l’Endangered Species Act”.
La grenouille à pattes rouges de Californie. Crédit : Wikipedia
Actuellement, deux espèces d’oiseaux menacées sont heureusement dans des situs de migration en Amérique centrale ou du Sud, donc loin de la zone touchée par les incendies. Néanmoins, les experts estiment qu’à leur retour, beaucoup d’entre eux ne retrouveront pas leurs sites de nidification habituels, les obligeant ainsi à se déplacer ailleurs. Probablement dans des conditions encore plus difficiles qui pourraient compromettre le potentiel de récupération des populations, déjà en grave diminution.
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De la Bérarde à Los Angeles
- Par Thierry LEDRU
- Le 11/01/2025
Il se pose désormais un problème fondamental. Celui de l'empathie.
Peut-elle s'adresser à tous, uniformément ?
Non, je ne me réjouis pas de la dévastation de ces centaines de maisons en Californie. Je me doute bien qu'il y a parmi tous ces gens des individus qui ont conscience du problème planétaire. Mais ont-ils pour autant opté pour une vie en accord avec cette conscience écologique ?
En même temps, est-ce que le fait de ne pas me sentir solidaire de ceux qui ont perdu leurs biens (je ne parle pas des personnes décédées où là, le drame est total), fait de moi un individu peu recommandable ou détestable?
Nous savons tous que l'impact écologique du mode de vie américain est gigantesque.
La question qui se pose désormais est de savoir si nous pouvons continuer à vivre dans un déni de la situation climatique, sans rien changer à nos modes de vie et à se contenter de plaindre "ces pauvres gens qui ont tout perdu" (en espérant surtout ne jamais connaître la même chose) alors que jusque-là, ces gens faisaient partie dans leur très grande majorité de ceux qui n'éprouvaient aucun intérêt pour la biodiversité, la nature, la souffrance animale, la pollution de l'atmosphère et des océans, l'extinction de masse en cours.
Surconsommateurs, gros SUV, adeptes de l'avion pour des voyages exotiques, mangeurs de viande et gros (dans le sens plein du terme) client de la malbouffe, climatiseurs et pelouses copieusement entretenues avec les réserves d'eau potable (cette eau qui a fini par manquer aux pompiers).
Est-il donc possible de continuer à vivre en s'obstinant à ignorer que nos comportements ont désormais des effets planétaires et que les catastrophes à Valence en Espagne, la disparition quasi complète du hameau de la Bérarde, et toutes les catastrophes les plus vastes comme les plus localisées ne sont plus que les effets du comportement de tous ?
J'éprouve de l'empathie et une solidarité totale envers les habitants du hameau de la Bérarde qui ont vu disparaître des maisons entretenues depuis des générations dans le paysage magique (et dangereux) des montagnes qu'ils adorent.
Je n'éprouve rien envers les habitants de Los Angeles.
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Une aberration qui rapporte
- Par Thierry LEDRU
- Le 11/01/2025
22 000 km pour un seul match : le non-sens écologique du rugby européen
https://reporterre.net/22-000-km-pour-un-seul-match-le-non-sens-ecologique-du-rugby-europeen
Depuis 2022, plusieurs clubs sud-africains ont intégré la Coupe d’Europe de rugby. Casse-tête logistique et sportif, ce choix effectué pour des raisons financières est un non-sens écologique.
Huit avions, 22 000 kilomètres et 31 heures de vol étalées sur une semaine pour jouer un match de 80 minutes. Le Stade toulousain a entrepris un véritable périple pour se rendre à Durban, en Afrique du Sud, où il affronte, samedi 11 janvier, les Sharks dans le cadre de la troisième journée de la Champions Cup, l’ancienne Coupe d’Europe de rugby. Depuis 2022, l’instance dirigeante du rugby européen, l’European Professional Club Rugby (EPCR), a décidé d’ouvrir la compétition aux franchises sud-africaines pour générer de nouveaux revenus, notamment à travers les droits de diffusion.
Cette saison, comme les deux précédentes, les Sharks de Durban, les Stormers du Cap ou les Bulls de Pretoria peuvent ainsi affronter le Rugby club toulonnais, les Saracens de Londres, les clubs franciliens du Racing 92 et du Stade français, l’équipe écossaise de Glasgow, ou encore les Italiens de Trévise.
Casse-tête logistique et aberration écologique
Cette décision d’étendre la compétition européenne à d’autres continents est « une étape cruciale pour concrétiser notre vision du développement du rugby et de nos propres tournois, en continuant d’offrir des revenus commerciaux solides à nos ligues et en créant un niveau toujours plus élevé de matchs passionnants pour nos fans », justifiait il y a deux ans Dominic McKay, président de l’EPCR.
Dans les faits, cette décision se révèle être un véritable casse-tête logistique pour les clubs et une aberration écologique. Pour arriver à temps en Afrique du Sud, le Stade toulousain, qui jouait un match de championnat de France samedi 4 janvier à La Rochelle, a dû rentrer en avion privé jusqu’à Toulouse dès la fin de la rencontre. Arrivée dans la nuit, la délégation toulousaine a pris un avion dimanche direction l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle, puis un autre pour Johannesburg. Arrivés en Afrique du Sud lundi matin après 11 h 30 de vol, les quarante-neuf joueurs et membres du staff sont remontés dans un avion pour Le Cap, sur la côte ouest du pays.
Un détour de 1 300 km pour rendre hommage à un jeune joueur du club, Medhi Narjissi, disparu en mer l’été dernier. Les champions d’Europe ont terminé leur périple mardi, avec un nouvel avion pour Durban, sur la côte est, pour préparer leur match de samedi contre les Sharks.
« Il faut réduire l’empreinte carbone et responsabiliser les clubs, mais les instances dirigeantes font tout le contraire »
Au total, selon le calculateur de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, ce périple va générer près de 4 tonnes de CO2 par personne, soit la moitié de la consommation annuelle d’un Français, et deux fois plus que les préconisations pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C selon le GIEC.
Ce déplacement n’est pas un cas isolé puisqu’avec trois équipes sud-africaines engagées, au moins douze déplacements intercontinentaux auront lieu cette saison. « Je trouve que la décision d’intégrer des équipes sud-africaines est totalement absurde », lance l’ancien joueur professionnel de rugby Julien Pierre.
Mauvais exemple
« Il faut qu’on réduise l’empreinte carbone de ces compétitions et qu’on responsabilise les clubs, mais les instances dirigeantes font tout le contraire », poursuit celui qui a fondé le label Fair Play For Planet en 2020, un outil qui sert à accompagner des clubs ou des organismes sportifs dans l’identification et la mise en place d’actions écoresponsables. « On est dans une période où on parle beaucoup de réchauffement climatique, de CO2, et je ne suis pas sûr que le rugby soit un bel exemple en ayant invité l’Afrique du Sud », réagissait en décembre 2023 l’ancien sélectionneur du XV de France Philippe Saint-André sur RMC.
L’élargissement de la Coupe d’Europe à l’Afrique du Sud doit permettre de gonfler les droits de diffusion télé. Wikimedia Commons / CC BY 2.0 / palmipode
Julien Pierre, ancien deuxième ligne de Clermont-Ferrand et de l’équipe de France, souligne également à Reporterre que « 80 % de l’impact carbone d’un événement sportif est lié aux déplacements des supporters, et bien évidemment ces matchs sur plusieurs continents incitent les fans de rugby à voyager partout dans le monde. Ce n’est pas le déplacement de quelques joueurs qui pèse lourd dans la balance, mais surtout le message et le symbole qui sont véhiculés. Quand on a vu les All Blacks prendre le train en France lors de la Coupe du Monde en 2023, c’est le genre d’image qui change les mentalités et qui inspire les jeunes », souligne le vice-champion du monde 2011.
« Si on continue sur cette voie, on va droit dans le mur »
Lenaïg Corson, ancienne joueuse professionnelle qui a disputé 35 matches avec le XV de France, fustige « une décision de l’EPCR motivée par l’argent. Aujourd’hui, nos organes dirigeants ne voient pas la préservation de la planète comme prioritaire », dit-elle à Reporterre.
« Si on continue sur cette voie, avec toujours plus de compétitions, toujours plus de matches, toujours plus de déplacements, on va droit dans le mur. Il n’y aura plus de rugby ni de sport sur une planète invivable. Plus de Tour de France quand il fera 50 °C et que le goudron sera en train de fondre, plus de football ou de rugby quand les terrains seront inondés ou trop secs, plus de ski quand il n’y aura plus aucune neige », raconte celle qui multiplie les prises de positions en faveur de l’écologie.
Lire aussi : Mondial, JO, Tour de France… L’overdose de compétitions climaticides
Contacté, l’EPCR n’a pas répondu aux questions de Reporterre. En 2022, l’ancien directeur général de l’instance, Anthony Lepage, expliquait que cette nouvelle formule de la Coupe d’Europe était un « investissement », et qu’il fallait suivre le modèle du football, notamment en étant « plus ouvert avec le terme européen. Dans le football, en Ligue des champions, il n’y a pas de débat sur les équipes de l’Est », argumentait-il, alors que les compétitions européennes de football s’étendent jusqu’à Israël et au Kazakhstan.
Le spectre d’une compétition mondiale
Dans une interview au média spécialisé Rugbyrama, l’ancien international français Clément Poitrenaud, désormais membre du staff d’entraîneurs du Stade toulousain, avouait quant à lui sa crainte que cette nouvelle compétition soit « une première étape. Les instances dirigeantes ont une idée en tête et finiront par créer un tournoi mondial. Il verra le jour prochainement, à mon sens ».
Dans le monde du rugby, rares sont les joueurs en activité qui s’expriment publiquement sur la question environnementale, notamment liée à la multiplication des matchs internationaux. « Je ne me rendais pas compte à quel point je détruisais la planète en tant que sportive. Pour moi, c’était formidable de jouer des grands matches », se rappelle Lenaïg Corson, retraitée depuis 2023.
« Des solutions existent, il faut juste la volonté de nos instances dirigeantes »
« Honnêtement, en tant que joueur, je ne pense pas que j’aurais été capable de dire que je n’allais pas jouer en Afrique du Sud », admet Julien Pierre, « mais je pense que ces prises de position vont arriver, et si demain un Antoine Dupont ou un joueur de ce calibre déclare qu’il ne va pas en Afrique du Sud pour ne pas alourdir son bilan carbone, je pense que les organisateurs devront se plier, tout simplement », poursuit-il.
Pour l’ancien deuxième ligne, « il faudrait au moins revenir à une compétition qui se déroule sur le continent et réfléchir à des solutions pour alléger les déplacements. Quand une équipe française se déplace en Angleterre, on pourrait faire un match dix jours plus tard en Écosse, par exemple, pour compenser le voyage et éviter un aller-retour en France. Des solutions existent, il faut juste la volonté de nos instances dirigeantes. »
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Jeux Olympiques de Los Angeles
- Par Thierry LEDRU
- Le 11/01/2025
Autant, je compatis à la douleur des habitants de Mayotte, autant la situation de la population de Los Angeles me laisse froid. (oui, j'utilise cet adjectif volontairement).
Je pense par contre avec une infinie douleur aux milliers d'animaux qui ont péri carbonisés et aux millions d'arbres calcinés.
Et je me contrefiche totalement que les souvenirs de Johnny Hallyday aient brûlé avec la maison de sa femme et jen pense tout autant de toutes les maisons des milliardaires qui ont fini en cendres.
Quant aux Jeux Olympiques, j'ai déjà dit ce que j'en pense : c'est devenu une aberration écologique, une de plus et s'ils ont toujours lieu, c'est principalement pour la manne financière que ça représente pour les sponsors et les constructeurs du BTP, les avionneurs, les agences de voyage, les hôtels et tous ceux qui gravitent dans le secteur du tourisme. Et j'en pense tout autant de la coupe du monde de foot ou de rugby et des jeux olympiques d'hiver.
Il n'y a plus que le sport amateur qui trouve grâce à mes yeux.
Resilience Montagne
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JEUX OLYMPIQUES ET CLIMAT
« Los Angeles est ravagé par des incendies massifs depuis plusieurs jours.
Au moins 11 personnes sont mortes, des milliers de familles sont déplacées, les infrastructures détruites et la biodiversité décimée. Les conséquences sont dramatiques et touchent particulièrement les communautés vulnérables.
Accentués par le réchauffement climatique, ces mégafeux sont plus fréquents et intenses en Californie (+320% de surfaces brulées entre 1996 et 2021, NOOA).
Le GIEC rappelle que ces événements climatiques extrêmes sont et seront de plus en plus fréquents et violents en raison du changement climatique provoqué par les activités humaines.
2024 a été l'année la plus chaude de l'histoire de l'humanité.
Pour la première fois, nous avons dépassé le seuil de 1,5 °C de réchauffement par rapport à l'ère préindustrielle (Copernicus).
Nous nous devons de replacer cet événement dans le contexte politique du pays.
Dans quelques jours, Donald Trump sera à nouveau investi président des États-Unis.
Les flammes de LA ne semblent pourtant pas ébranler son discours climatosceptique (il a déclaré en novembre que "nous n'avions pas de problème avec le changement climatique"), ni son programme orienté vers la désinformation et la désorganisation des agences de protection de l'environnement.
À l'heure où Los Angeles se prépare à accueillir les Jeux Olympiques de 2028, nous ne pouvons que rappeler que les événements sportifs internationaux contribuent à alimenter un modèle irréconciliable avec nos limites planétaires.
Ces incendies nous montrent aussi que le sport est intrinsèquement vulnérable au changement climatique.
Nos pratiques sportives doivent s'adapter pour limiter l'impact environnemental qu'elles provoquent. Plusieurs organisations sensibilisent, alertent, accompagnent les acteurs du sport et les sportifs.
Informez-vous, engagez-vous
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C'est encore et toujours là
- Par Thierry LEDRU
- Le 06/01/2025
On regarde une série sur l'ordinateur : "RIVAGES"
Dans un épisode, le personnage principal, une scientifique, vient à l'hôpital pour voir une personne qui lui est chère et qui est dans le coma. Elle lui prend la main et lui parle.
"Je ne peux pas pleurer parce que si je me laisse aller, si je laisse les émotions m'emporter, je vais sombrer."
J'ai eu une montée d'émotions, énormes, les larmes aux yeux, une brûlure dans le ventre. J'étais là, au bord du lit, à veiller mon frère.
J'avais 16 ans, j'en ai 62
Il en avait 19.
C'est là, encore une fois, que je réalise à quel point cette partie de ma vie s'est ancrée au plus profond, à quel point j'ai grandi avec elle. On n'oublie rien. C'est quelque part en nous.
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Nouvel an
- Par Thierry LEDRU
- Le 31/12/2024
Que celui qui a l'aplomb de souhaiter une bonne année réfléchisse deux secondes. Pas plus.
Nous ne savons aucunement où nous allons.
Je n'ai aucun espoir et ne suis aucunement désespéré. Je suis neutre.
Je n'aime pas cette convenance qui voudrait qu'on souhaite une bonne année à quelqu'un qui sera peut-être mort demain. Je considère que c'est un mensonge.
Un lundi soir, mon frère était vivant et le mardi matin, il était mort. Il avait 39 ans.
Non, je n'ai aucune peur de la mort étant donné qu'elle n'a aucune réalité tant que je suis vivant.
Je veux bien souhaiter à tout le monde de profiter de chaque instant mais je ne me projetterai pas plus loin.
Advienne que pourra et on fera au mieux.
Bonne nuit.
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Le champ profond de Hubble
- Par Thierry LEDRU
- Le 31/12/2024
Le champ profond de HUBBLE
Le 30 décembre 1924, Edwin Hubble (1889-1953), après une série d’observations réalisées quelques mois plus tôt, annonçait officiellement une découverte qui allait changer radicalement notre connaissance de l’univers : des nébuleuses, que l'on croyait situées à l’intérieur de notre Galaxie (le terme s’écrit avec une majuscule quand il s’agit de la nôtre, appelée aussi la Voie lactée), s’avéraient être d’autres galaxies indépendantes et beaucoup plus éloignées qu’on ne le pensait.
La Voie lactée, n’était donc pas l’univers, mais juste une partie infinitésimale, une galaxie parmi des milliards d’autres. Quelques précurseurs, tels Emmanuel Kant ou William Herschel soupçonnaient déjà cette réalité, les travaux d’Edwin Hubble la confirmèrent de manière irréfutable. Troublant de penser qu’à l’époque où les relativités restreintes et générales d’Einstein avaient déjà révolutionné notre vision de l’univers, la tendance majoritaire était de croire que la Galaxie (la nôtre donc, c’est bien de le repréciser) représentait en quelque sorte l’univers tout entier !
Un télescope spatial, lancé en 1990 et toujours en activité, fut baptisé Hubble en hommage aux travaux d’Edwin.
Belle intuition car en 1995, ce télescope réalisera le fameux « champ profond de Hubble » sur une minuscule zone du ciel assez sombre où seules 4 étoiles de faible luminosité sont visibles (et serviront de guides).
Quand j’écris « minuscule zone du ciel » c’est plus qu’un euphémisme : la zone représente un 30 millionième du ciel. En gros, imaginez vous, dans un champ, tendre une épingle à bout de bras ; la tête de cette épingle représentera la zone photographiée. On peut aussi opter pour un bouton de chemise à 25 mètres, un ballon de foot à 900 mètres etc. Dans cette minuscule zone du ciel, totalement sombre hormis les 4 étoiles à faible luminosité citées plus haut, après des durées d’exposition de plusieurs dizaines d’heures (pour capter un maximum de lumière) sur quatre longueurs d’onde différentes, le télescope spatial produira une image devenue légendaire où l’on dénombrera pas moins de 3000 galaxies.
C’est peu dire que, face à l'immensité, nous sommes bien peu de chose...
Robert Loï
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Les droits des "êtres non-humains"
- Par Thierry LEDRU
- Le 29/12/2024
Il me semble que c'est Albert Einstein qui a écrit : " Le chaînon manquant entre le singe et l'homme, c'est nous. "
Si nous n'accordons pas de droits aux être non humains, sommes-nous réellement humains ou pas encore ?
"Mais peuvent-ils souffrir ?" : 5 textes philosophiques sur la sensibilité animale
Par Pauline Petit
Publié le vendredi 26 mars 2021 à 17h50
12 min
"La question n'est pas : peuvent-ils raisonner ?, ni peuvent-ils parler ?, mais peuvent-ils souffrir ?", Jeremy Bentham.
© Getty - Frans Lemmens
De la reconnaissance de la souffrance animale à la question de l'extension des droits aux "êtres non-humains" : parcours à travers quelques essais philosophiques qui ont durablement marqué la réflexion sur l'éthique animale, de Porphyre à Tom Regan en passant par Jean-Jacques Rousseau.
Ni véritable frère humain comme il peut apparaître sous la plume de La Fontaine, parlant et s'affairant à divers métiers, ni simple objet aux facultés automatiques comme le suggérait Descartes, l'animal est considéré comme un être vivant doué de sensibilité. C'est en raison de la reconnaissance, progressive, des capacités qu'ont les animaux à ressentir de la douleur que la question de leurs droits a évolué.
En janvier dernier, la proposition de loi contre la maltraitance animale a été adoptée à l'Assemblée nationale. Elle prescrit, entre autres, le durcissement des sanctions pour mauvais traitement, l'interdiction progressive de la détention d'animaux dans les cirques et des élevages destinés à la production de fourrure. Majoritairement saluées, ces mesures reflètent un souci grandissant du respect des animaux. Depuis 2015 en France, ceux-ci sont en effet définis par le Code civil (art. 515-14) comme : "Des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens."
À écouter
En quoi le bien-être animal est-il une question politique ?
Le Temps du débat
39 min
Mais aux yeux de certains philosophes et juristes, ce statut soulève au moins une contradiction. Définis par leur sensibilité, qui les distingue des biens et des choses, les animaux demeurent pourtant "soumis au régime des biens" là où les lois n'encadrent pas leur protection. Si cette ambivalence nous frappe, c'est que la question de la sensibilité des animaux nous taraude depuis des siècles : comment la définir ? Est-elle différente de celle des êtres humains (l'animal éprouverait de la douleur comme une simple sensation tandis que l'homme souffrirait de façon consciente et vécue) ? Qu'implique-t-elle du point de vue de nos comportements envers ces êtres avec lesquels nous partageons le monde ?
Ces questions, aux implications philosophiques, éthiques et même politiques, ont été traitées dans nombre d'essais. Au cours de l'histoire, il s'est toujours trouvé des philosophes appelant à une reconception de la condition animale. Ce sont les penseurs antiques qui prônent le régime végétarien pour des raisons éthiques, les savants des Lumières qui remettent en cause la "chaîne des êtres" classique selon laquelle l'espèce animale se trouve soumise à celle des humains, ou encore les philosophes moraux anglo-saxons qui avancent l'idée de droits pour les "êtres non-humains". Retour sur quelques-uns de ces grands textes philosophiques qui ont marqué la réflexion éthique sur la sensibilité animale.
À lire
La diète-éthique de Porphyre : tu ne mangeras pas ton semblable souffrant
Parmi les motivations invoquées par les défenseurs des animaux, un point fait consensus : la souffrance animale existe. "Si les animaux ne souffraient pas, dit-on, la question de leur statut moral, celle de notre responsabilité à leur égard, ne se poserait pas davantage que pour les arbres, les légumes, les roches ou les rivières", constate le philosophe Jean-Baptiste Jeangène Vilmer dans Éthique animale (PUF, 2008). Et les carottes, ne souffrent-elles pas quand on les déterre en tirant sur leurs fanes ? La question, un brin moqueuse, parfois opposée aux défenseurs du bien-être animal révèle le soupçon porté sur la véracité, ou au moins le degré, de cette souffrance. Tuer une bête pour la manger ne serait pas plus problématique que de cueillir une salade.
L'argument est loin d'être nouveau. Porphyre de Tyr, philosophe néo-platonicien connu pour avoir été le disciple de Plotin, y répondait déjà au IIIe siècle dans son traité sur l’abstinence de la chair des animaux :
"Mettre sur le même pied plantes et animaux, voilà qui est tout à fait forcé. La nature des uns en effet est de sentir, de souffrir, de craindre, de subir un dommage et donc aussi l’injustice. Les autres n’ont aucune sensation et donc rien qui leur soit inapproprié ou mauvais, un dommage ou une injustice." Porphyre, De l'abstinence, III (vers 271)
À lire
Dans ce traité en trois volumes, le philosophe énumère diverses raisons de ne pas mettre de chair animale dans assiette. Il s'adresse à un ami, Firmus Castricius, lequel, apprend-il avec déception, s'est remis à consommer de la "pâture carnée" et a même condamné publiquement le végétarisme ! En s'appuyant sur des observations des comportements animaux, Porphyre montre qu'ils raisonnent, communiquent avec leurs semblables comme avec les hommes, souffrent… Bref, que les animaux ont une intelligence et que celle-ci doit nous empêcher d'établir une séparation ontologique entre notre espèce et la leur, au nom de laquelle on aurait le droit de les tuer pour notre simple plaisir gustatif. Selon Porphyre, c'est "par gloutonnerie que les hommes refusent la raison aux animaux."
On connaît d'autres végétariens illustres : Pythagore défend ce régime parce qu'il croit en la métempsycose : maltraiter un animal ou le tuer, c'est peut-être faire du mal à un proche réincarné. Quant à Plutarque, il considère que manger des animaux n'est tout simplement pas un besoin. Cette question, loin d'être marginale, a été diversement traitée selon les écoles philosophiques antiques, comme l'explique le professeur de littérature Renan Larue :
"Les uns proclament que l’espèce humaine est la finalité de l’univers, que les autres créatures ne sont que des moyens et qu’il faut honorer la divinité en lui offrant des sacrifices. Les autres assurent au contraire que l’homme est une partie du monde créé, que nous devons considérer les animaux comme nos parents, et que les dieux, qui sont bons, interdisent qu’on verse en leur nom le sang de victimes innocentes. Ceux-là considèrent que nous perdrions notre humanité à accorder des droits aux bêtes ; ceux-ci que nous la perdons à chaque fois que nous les maltraitons, que nous les mettons à mort et que nous mangeons leur chair . Renan Larue, Le Végétarisme et ses ennemis (PUF, 2015)
À écouter
Depuis quand défend-on les animaux?
La Fabrique de l'Histoire
53 min
Pitié pour les animaux : Jean-Jacques Rousseau contre l'animal-machine
Au XVIIe siècle, dans la lignée de Descartes, une certaine lecture mécaniste de l'animal se développe en Occident. Si on s'intéresse à l'animal, c'est surtout pour mettre en lumière ce qui fait la spécificité de l'être humain. Selon Descartes, tous deux sont comparables à des machines. Mais l'être humain, contrairement à l'animal, échappe au statut de pur automate en cela qu'il possède une âme - c'est le dualisme cartésien de l'âme et du corps.
L'hypothèse de l'animal-machine principalement théorisée par les successeurs de Descartes a amené certains d'entre eux à considérer l'animal comme un être dont les réactions sont automatisées et non pleinement senties et vécues. Malebranche, rapporte-t-on, aurait déclaré après avoir battu son chien qui répondait à l'attaque par des aboiements : "Regardez, c'est exactement comme une horloge qui sonne l'heure !" On en convient désormais, la scène relève de la maltraitance. Pour autant, l'idée selon laquelle les animaux seraient, à l'instar d'objets, dénués de sensibilité consciente (ou alors sous une forme minimale) n'a pas disparu. En quelque sorte, elle se trouve transposée dans le droit avec la soumission de l'animal au régime des biens, et se manifeste dans la conception d'un animal-marchandise selon laquelle on accepte, par exemple, que des animaux atteints de maladie contagieuse soient abattus plutôt que vaccinés.
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Cette fable de l'animal-machine est cependant remise en cause au XVIIIe siècle. Le développement de la classification du vivant permet une meilleure connaissance des espèces animales et de leurs spécificités biologiques et comportementales. Le Traité des animaux (1755) de Condillac ou encore les Lettres philosophiques sur l'intelligence et la perfectibilité des animaux (1768) de l'éthologiste Georges Leroy qui décrivent le caractère finalisé du comportement animal, contribuent à faire entendre que la condition de l'animal et celle l'homme ne sont pas si éloignées. Dépassant l'opposition entre l'instinct animal versus la raison humaine pour aller sur le terrain de la morale, Jean-Jacques Rousseau fait de la sensibilité commune aux deux espèces la raison pour laquelle l'homme doit respecter les bêtes :
"On termine aussi les anciennes disputes sur la participation des animaux à la loi naturelle. Car il est clair que, dépourvus de lumières et de liberté, ils ne peuvent reconnaître cette loi ; mais, tenant en quelque chose à notre nature par la sensibilité dont ils sont doués, on jugera qu'ils doivent aussi participer au droit naturel, et que l'homme est assujetti envers eux à quelque espèce de devoirs. Il semble, en effet, que si je suis obligé de ne faire aucun mal à mon semblable, c'est moins parce qu'il est un être raisonnable que parce qu'il est un être sensible ; qualité qui, étant commune à la bête et à l'homme, doit au moins donner à l'une le droit de n'être point maltraitée inutilement par l'autre." Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755)
En faisant de la sensibilité la condition par laquelle les êtres vivants, humains comme animaux, ont des droits naturels, le philosophe inclut tous les êtres souffrants au sein d'une communauté morale. S'il n'est pas "libre", l'animal a néanmoins des droits en vertu de la sensibilité qu'il partage avec l'homme et celui-ci, des devoirs envers lui : "Il ne fera jamais du mal à un autre homme ni même à aucun être sensible, excepté dans le cas légitime où sa conservation se trouvant intéressée, il est obligé de se donner la préférence à lui-même."
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Jeremy Bentham, la souffrance est la seule question qui vaille
Quelques années après son confrère genevois, le philosophe et juriste britannique Jeremy Bentham fait de la sensibilité des animaux le fondement de la relation éthique entre humains et animaux. L'année de la rédaction de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, énoncé des droits naturels et imprescriptibles communs à tous les êtres humains, Bentham publie son Introduction aux principes de Morale et de Législation. Il y présente sa doctrine utilitariste et propose d’intégrer les animaux à la communauté de droit, dont ils sont exclus en tant qu'êtres non doués de raison, en vertu de leur capacité à souffrir :
"Le jour arrivera peut-être où le reste de la création animale acquerra les droits que seule une main tyrannique a pu leur retirer. Les Français ont déjà découvert que la noirceur de la peau n'était pas une raison pour abandonner un homme au caprice de ses persécuteurs sans lui laisser aucun recours. Peut-être admettra-t-on un jour que le nombre de pattes, la pilosité ou la terminaison de l'os sacrum sont des raisons tout aussi insuffisantes d'abandonner un être sentant à ce même sort. Quel autre critère doit permettre d'établir une distinction tranchée ? Est-ce la faculté de raisonner, ou peut-être la faculté de parler ? Mais un cheval ou un chien adulte est un être incomparablement plus rationnel qu'un nourrisson âgé d'un jour, d'une semaine ou même d'un mois - il a aussi plus de conversation. Mais à supposer qu'il n'en soit pas ainsi, qu'en résulterait-il ? La question n'est pas : 'peuvent-ils raisonner ?', ni 'peuvent-ils parler ?', mais 'peuvent-ils souffrir ?'" Jeremy Bentham, Introduction aux principes de la morale et de la législation, chap. XVII (1789)
Le passage se trouve dans un essai qui, par ailleurs, traite de tous autres sujets. Il est cependant devenu incontournable de la littérature sur l'éthique animale, en vertu de ce déplacement : la considération morale envers les animaux ne tourne plus autour de la raison, mais de la sensibilité. Bentham emploie ce qu'on appelle aujourd'hui "l'argument des cas marginaux". Si une capacité comme la parole, par exemple, était un critère pertinent sur lequel fonder la considération morale, nous n'en aurions pas pour les nourrissons dont on ne comprend pourtant pas - ou mal - le babillage. Comme l'écrira Henry Sidgwick, philosophe britannique du XIXe siècle qui s'inscrit dans la pensée utilitariste de Bentham, "la différence de rationalité entre deux espèces d’êtres sensibles ne permet pas d’établir une distinction éthique fondamentale entre leurs douleurs respectives" (The Establishment of Ethical First Principles, Mind, 1879).
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Peter Singer, considérer les intérêts des animaux non-humains
Si l'on suit l'utilitarisme de Bentham, et que l'on considère avec lui que le bonheur est un bien et la souffrance un mal à minimiser, la sensibilité entre dans le champ de la morale. Au XXe siècle, Peter Singer, un philosophe australien et professeur de bioéthique à l'université de Princeton, va appliquer cette théorie pour proposer une véritable "libération des animaux". En tant qu'êtres sensibles, ceux-ci devraient bénéficier d'une égale considération de leurs intérêts :
"Si un être souffre, il n’y a aucune justification morale qui permette de refuser de prendre en considération cette souffrance. Quelle que soit la nature d’un être, le principe d’égalité exige que sa souffrance soit prise en compte de façon égale avec toute souffrance semblable — dans la mesure où des comparaisons approximatives sont possibles — de n’importe quel autre être. Si un être n’a pas la capacité de souffrir, ni de ressentir du plaisir ou du bonheur, alors il n’existe rien à prendre en compte." Peter Singer, La Libération animale (1975)
Pour Peter Singer, les animaux subissent des "discriminations" de la part des êtres humains au nom de la différence des espèces. L'ouvrage décrit de nombreuses situations dans lesquelles la souffrance des "animaux non-humains" n'est pas considérée : expériences en laboratoire où l'on verse du décapant pour four dans les yeux de lapins, élevages intensifs où des veaux sont maintenus malades afin que leur viande reste blanche, etc. Pour le philosophe, cette souffrance infligée est d'autant plus injustifiable qu'elle n'est pas nécessaire : puisque la survie de l'être humain ne dépend pas d'une alimentation carnée, Singer en appelle par exemple au boycott de l'industrie de la viande.
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L’antispécisme, retour sur une révolution philosophique
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L'essai est devenu un incontournable de la littérature sur l'exploitation animale. Mais il valut aussi à son auteur antispéciste d'être qualifié par le magazine The New Yorker de "philosophe vivant le plus controversé", d'"homme le plus dangereux du monde" par The Guardian, ou encore le titre de "Professeur de la mort" par The Wall Street Journal, en raison de certaines propositions comme : "S’il faut choisir entre la vie d’un être humain et celle d’un autre animal, nous devons sauver celle de l’humain ; mais il peut y avoir des cas particuliers où l’inverse sera vrai, quand l’être humain en question ne possède pas les capacités d’un humain normal".
Ce n'est pas que le philosophe préfère le chien au bébé - ou si c'est le cas, cela ne guide pas son raisonnement -, mais que, suivant une logique utilitariste et antispéciste, il conteste le caractère sacré de la vie humaine par rapport à celle d'une autre espèce, appelant dès lors à l'égale considération des intérêts des êtres concernés par des décisions éthiques… ce qui n'équivaut pas à une égalité des vies. En quelque sorte, le "droit" de l'être vivant à ne pas souffrir prévaut sur celui de ne pas être tué, comme l'explique le philosophe Jean-Baptiste Jeangène Vilmer :
Singer est un utilitariste qui distribue la considération morale en fonction du critère de la souffrance : il suffit de souffrir pour être patient moral. De ce point de vue, il est également un welfariste, c'est-à-dire que le principe qui est à l'origine de son système est la minimisation de la souffrance, donc la maximisation du bien-être animal (...). Singer n'a pas d'objection de principe d'élever un animal pour le tuer, tant que son bien-être est maximisé, c'est-à-dire s'il est élevé de manière humaine et tué sans douleur - mais il doute que ce soit réalisable et économiquement viable dans nos sociétés. C'est donc par pragmatisme et non par principe qu'il défend le végétarisme. Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Éthique animale (préface de Peter Singer PUF, 2008)
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Mais peut-être Peter Singer ne va-t-il pas encore assez loin. C'est en tout cas ce que pensent les abolitionnistes dont fait partie le professeur américain de philosophie morale Tom Regan, partisan d'une théorie du droit des animaux qui ne viserait pas simplement à améliorer leur sort, mais à abolir, tout bonnement, leur exploitation. Le but n'est pas d'élargir les cages, mais de les vider ! Dans un ouvrage également devenu un classique de l'éthique animale, Les Droits des animaux (1983), Regan dénonce l'insuffisance de la position réformiste qui vise seulement à améliorer le bien-être animal, même considérée comme une étape intermédiaire. "Les pratiques qui ont été abolies, comme l'esclavage, écrit-il, n'ont pas d'abord été réformées."
Alors que Peter Singer veut maximiser le bien-être des animaux en considérant leurs intérêts, Tom Regan veut abolir leur exploitation en leur reconnaissant des droits moraux. S'ils en ont, ce n'est pas en raison de critères comme la rationalité, le langage ou la conscience (critères également écartés par Singer, Bentham et Rousseau), ni même uniquement la capacité de souffrir (Singer), mais parce qu'ils sont des "sujets-d'une-vie" ("subject-of-a-life") :
"[Les animaux] portent au monde le mystère d'une présence psychologique unifiée. Comme nous, ils possèdent différentes capacités sensorielles, cognitives, conatives et volitives. Ils voient et entendent, croient et désirent, se rappellent et anticipent, dressent des plans et ont des intentions. De plus ce qui leur arrive leur importe (…). Pris collectivement, ces états psychologiques et ces dispositions, et bien d'autres encore, nous aident à définir la vie mentale et le bien-être corrélatif de ces sujets-d'une-vie (selon ma terminologie) que nous connaissons mieux sous le nom de ratons laveurs et lapins, castors et bisons, écureuils et chimpanzés, vous et moi." Tom Regan, Les Droits des animaux (1983)
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Comment ajuster le droit à la condition animale ?
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Alors que "Peter Singer dit : avoir une considération morale pour un être implique de reconnaître qu'il a des intérêts selon le critère de la sensibilité, Tom Regan dit : attribuer des droits moraux à un être implique de reconnaître qu'il a une valeur inhérente selon le critère du fait d'être sujet-d'une-vie", synthétise Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, toujours dans Ethique animale.
Partant d'un même constat - l'indignation face à la souffrance animale - ces grands textes sont loin de recouvrir toutes les positions philosophiques en matière d'éthique animale. Ils ouvrent cependant la voix aux grandes questions qui l'animent, comme celle de l'outil le plus adapté pour défendre les animaux (la compassion ou la justice), l'utilité d'une réforme pour leur bien-être ou la nécessité de l'abolition pure et simple de l'exploitation animale, ou encore celle du spécisme et de l'antispécisme.
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