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L'inconscient qui écrit.
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/12/2024
Ce que j'écoute quand j'écris.
Rien ne nous appartient dans la création littéraire.
Ni l’inspiration, ni le talent, ni la maîtrise, ni l’euphorie, ni le moindre mot.
Il n’y a pas de liberté quand on s’aventure dans ce territoire.
C’est lui qui dicte ses lois.
Nous sommes les jouets de son humeur et de son immensité.
Qu’il devienne indifférent à notre présence et nous nous égarerons, comme des âmes littéraires en peine, qu’il devienne attentionné et nous nous envolerons dans les hautes sphères.
J’ai longtemps cogné contre les murs de la geôle quand « l’encrier » s’asséchait. Je ne le fais plus.
Maintenant, je sais que les mots continuent à manigancer des histoires en secret, dans ma tête, sans se faire entendre, je sais qu’ils attendent d’être prêts pour jaillir. Je les laisse monter leur spectacle. J’attends que le rideau s’ouvre. Il finit toujours par s’ouvrir. L'inconscient est un faiseur d'histoires, un ajusteur de mots, c'est dans ce gouffre insondable que tout se crée.
L'écrivain prend forme lorsque son humilité laisse l'inconscient remonter à la surface. On ne doit pas "vouloir écrire" mais juste "aimer écrire".
La volonté est un étouffoir de l'inconscient littéraire. L'amour en est le tuteur.
Quand on aime vraiment, on ne s'octroie pas la liberté de l'être aimé. Il en est de même avec les mots. Ils ne nous appartiennent pas. Ils sont comme ces chats de la maison qui passent près de vous sans vous accorder le moindre intérêt et qui parfois viendront se blottir sur vos genoux. On n'oblige pas un chat à s'asseoir sur ses genoux. On n'oblige pas les mots à se coucher sur une feuille.
Ils n'auraient rien de beau à dire.
Et donc, j'écris le quatrième tome d'une histoire qui ne m'appartient pas. Je ne sais pas où elle m'entraîne, je ne connais rien de la suite et j'avance à petits pas, sans aucune inquiétude malgré l'incertitude. je suis entré dans cette confiance absolue parce que je n'ai pas le choix et que j'ai abandonné toute volonté d'écrire.
Il y a vingt ans, je m'obligeais à écrire tous les jours ou toutes les nuits et si je n'écrivais pas, je m'attelais à corriger, à relire, à m'imprégner et avec les années, j'ai pris conscience que ce travail venait d'une inquiétude, d'une tension, d'un doute. Celui de ne pas aller au bout. Celui de perdre le fil, celui d'oublier ce que j'avais construit, celui de ne pas retrouver la trame et tous les détails, celui de trahir mes personnages.
"Mes" personnages. Mais ils ne sont pas à moi. C'est juste qu'ils reprennent vie. Oui, je sais, ça peut paraître absurde, voire totalement ridicule. Mais c'est ainsi que je vis avec eux. Je les accompagne et je ne sais pas où ils vont. Bien sûr que c'est moi qui pose les mots sur l'écran mais je n'ai plus cette prétention de dire que toute leur vie m'appartient. Ils me la racontent. Ce tome 4, je l'ai commencé il y a un an et je ne sais pas ce que les personnages vont devenir. Et si je raconte ça aujourd'hui, c'est parce que les rêves occupent une partie de mes nuits et qu'ils me racontent des événements dont je n'imaginais pas la direction. Et lorsqu'ils surviennent, je réalise que c'est une évidence. Une évidence qui ne m'était pourtant pas venue.
Que se passe-t-il dans cet inconscient ? D'où viennent ces images alors que je ne les ai même pas conçues en phase d'éveil ?
Un jour, il faudra que j'écrive un roman sur ces phénomènes.
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Onfray et l'ignorance des climatosceptiques.
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/12/2024
Oui, je sais, j'avais dit que je ne posterai plus rien sur les chiffres liés au climat. Alors, disons que cette fois, c'est uniquement pour montrer à quel point les climatosceptiques, dont Michel Onfray fait partie, sont à des années lumière du début d'un raisonnement objectif.
“ L'ennui en ce monde, c'est que les imbéciles sont sûr d'eux et les gens censés pleins de doutes…” Bertrand RUSSELL
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Proudhon
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/12/2024
Ces esprits étaient entendus, écoutés,acclamés ou critiqués et conspués mais ils existaient dans la sphère sociale. Aujourd'hui, à l'ère du divertissement, Proudhon, n'aurait strictement aucune chance d'être entendu.
L’hydrologie régénérative
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/12/2024
On a vendu notre maison et on part dans trois mois pour le nord de l'Ardèche. Neuf mille mètres carrés de terrain.
On va pouvoir implanter une petite forêt et comme une source traverse le terrain, on va creuser des canaux en espalier sur la partie en pente et une mare en bas. Tant qu'on aura l'énergie et la force de creuser des trous, on plantera des arbres.
On laisse ici quelques deux-cents arbres qui continueront à grandir.
Charlène Descollonges répare le cycle de l’eau grâce à l’hydrologie régénérative
L’hydrologie régénérative est constituée de deux principes clés. Le premier est le quatuor : ralentir, répartir, infiltrer et stocker l’eau dans le sol, et, le second, de densifier la végétation.
https://lareleveetlapeste.fr/charlene-descollonges-repare-le-cycle-de-leau-grace-a-lhydrologie-regenerative/
Texte: Liza Tourman Photographie: Yannick Perrin 4 décembre 2024
Repenser la gestion des rivières, des eaux pluviales en ville par l’aménagement du territoire, l’activité agricole et/ou forestière afin de réparer les cycles de l’eau. Telle est l’ambition de l’hydrologie régénérative. Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue, nous raconte l’histoire d’un cycle de l’eau régénéré.
Pour une hydrologie régénérative
Charlène Descollonges est ingénieure hydrologue indépendante, co-fondatrice et co-présidente de l’association “Pour une hydrologie régénérative » qu’elle a créée en 2022 avec Simon Ricard et Samuel Bonvoisin, deux ingénieurs spécialisés sur la gestion de l’eau en contexte agricole. Son objectif est de régénérer massivement les cycles de l’eau à l’échelle des bassins versants et des continents.
« On se base sur le recyclage continental de l’eau verte qui est l’eau évapotranspirée par le végétal et qui est recyclée en eau bleue par ce dernier à l’intérieur des continents » précise-t-elle pour La Relève et La Peste.
L’hydrologie régénérative est constituée de deux principes clés. Le premier est le quatuor : ralentir, répartir, infiltrer et stocker l’eau dans le sol, et, le second, de densifier la végétation.
« Ralentir l’eau de pluie qui arrive à la parcelle en l’infiltrant dans les sols pour qu’elle puisse bénéficier à la végétation qui va la recycler en eau bleue. Le tout autour du triptyque : eau, sol, arbre » détaille Charlène Descollonges pour La Relève et La Peste.
« On a largement dégradé ce cycle des eaux verte, bleue et grise. L’eau verte a été profondément perturbée par le changement de la couverture et l’usage des sols causés par la déforestation, l’artificialisation, la transformation de prairies en monocultures. Tout cela affecte la trajectoire de la goutte de pluie qui ne va plus pouvoir s’infiltrer. » prévient Charlène Descollonges pour La Relève et La Peste
La notion d’eau verte est récente et commence à peine à être documentée. Si l’on fait la somme de l’empreinte des eaux verte, bleue et grise, on obtient ce que l’on appelle l’empreinte eau. En France, cette dernière est dominée à 80% par notre empreinte eau verte. Nous nous l’approprions démesurément à travers nos activités agricoles et forestières. Ensuite, nous avons l’empreinte eau bleue, associée à la consommation de l’eau que nous allons prélever et consommer à travers l’irrigation agricole ou l’évaporation des centrales nucléaires en circuit fermé.
« Il y a les impacts des hydrosystèmes : stocker l’eau dans des grands barrages ou des grands ouvrages comme les méga-bassines. Les rivières sont perturbées lorsqu’on les dévie, les canalise ou les enterre, ce qui accélère les flux d’eau en surface, quand on ne les supprime pas. Pour finir, il y a les impacts de l’empreinte eau grise qui sont tous les flux de polluants que l’on émet dans l’environnement et qui terminent dans les hydrosystèmes.
Quand on fait la somme de l’empreinte des eaux bleue, verte et grise à l’année, on est, à l’échelle de l’humanité, à 24 000 milliards de mètres cubes d’eau. C’est comme si on détournait la moitié de tous les fleuves ceux du monde pour notre usage »
Charlène Descollonges – Crédit : Thierry Mesnard
Un autre cycle est possible
Un cycle qui allierait activités humaines et ce bien commun si précieux qu’est l’eau. Ce dernier contribuerait à sa régénération plutôt qu’à sa destruction. Certains pays sont des précurseurs en la matière.
« La Slovaquie est le premier pays européen à avoir largement déployé l’hydrologie régénérative sur son territoire. Ils ont axé leur gestion de l’eau en milieu forestier mais aussi agricole et fluvial. Il y a un ouvrage qui nous intéresse beaucoup en France que l’on appelle les “check dams”. Ce sont de petits barrages assez rustiques qui permettent de ralentir les flux d’eau dans les ruisseaux forestiers et la gardent dans des talwegs (ligne de plus grande pente d’une vallée secs, ndlr). Ces ruisseaux ne sont à la base pas considérés comme des cours d’eau puisqu’ils sont intermittents. Ils les réhydratent et créent ainsi des cours d’eau. » explique Charlène Descollonges pour La Relève et La Peste
D’autres ouvrages ont montré leur efficacité et n’attendent qu’à être répliqués à grande échelle. Comme les bassins d’infiltration, des petites cuvettes creusées pour optimiser l’infiltration des eaux de pluie en contexte agricole et forestier. Du côté de l’Australie, de l’Inde ou encore du Mexique, il y a les baissières, des fossés creusés perpendiculairement à la pente pour ralentir les eaux de ruissellement sur les courbes de niveau et où derrière chacune d’entre elles se trouve un bourrelet de terre dans lequel on plante des haies. Des alliances avec le Vivant sont possibles notamment avec une espèce ingénieure bien connue.
« Le castor, 8 millions d’années d’expérience ! Il cohabite avec tout un écosystème que ce soit les végétaux, les zones humides, les truites, les saumons et ses prédateurs. Il s’adapte dans un contexte rivière qui est foisonnant. Ils sont capables de recréer des zones humides, de ré-inonder des plaines et de faire remonter le niveau du cours d’eau, réhydrater la nappe d’accompagnement et d’aggrader le lit de la rivière pour qu’elle puisse s’écouler latéralement. Cela crée ainsi des nouveaux chenaux diversifiés et complexifiant la rivière. » se réjouit Charlène Descollonges pour La Relève et La Peste
Lire aussi : Ces paysagistes drômois réparent le cycle de l’eau grâce à l’hydrologie régénérative
Des solutions à portée de mains
Aujourd’hui, l’agroécologie intègre l’approche hydrologie régénérative avec les couverts permanents, les inter-cultures, les engrais verts, les amendements organiques ou encore le biochar. Tout ce qui augmente le taux de matière organique dans un sol permet de mieux stocker l’eau.
Les associations de cultures et les champignons nourrissent les sols et les structures. L’agroforesterie ou l’agriculture syntropique permettent d’optimiser sur des petites surfaces la production autour des arbres. Enfin, on peut citer l’agriculture biologique de conservation des sols qui est l’alliance à priori impossible entre l’agriculture biologique et l’agriculture de conservation.
« Dans mon livre « Agir pour l’eau », j’essaie de faire le lien entre le ralentissement de nos modes de vie et celui du cycle de l’eau. Pomper, consommer, rejeter, canaliser les rivières pour le transport fluvial et artificialiser les sols pour construire des routes pour aller toujours plus vite contribue à son accélération. Pour le ralentir, on doit mettre un frein à nos modes de vie, de consommation, de mobilité. C’est la sobriété. » décrypte Charlène Descollonges pour La Relève et La Peste
Il est possible de s’informer et de se sensibiliser avec le mouvement d’alliance pour le peuple castor (MAPCA) et de prendre soin de nos cours d’eau. Cette association préconise de se mettre en lien avec les services compétents sur la gestion des rivières. Il y a aujourd’hui 1600 techniciens de rivière en France montés en association (ARRA, association rivière Rhône-Alpes Auvergne) qui apprennent ces nouvelles techniques. Pour aller plus loin et sur un plan juridique, le mouvement de reconnaissance des droits des rivières et des fleuves agit afin de les intégrer aux documents d’urbanisme.
Charlène Descollonges – Crédit : Yannick Perrin
Des mesures phares pour opérer le basculement
Selon Charlène, il y a aujourd’hui des actions et des solutions possibles afin de réhydrater nos paysages. A l’échelle nationale, il est possible de réformer la PAC, notamment en interdisant l’usage des pesticides. Dans un premier temps sur les périmètres de captage d’eau potable puis de les étendre par la suite. Toujours selon Charlène, développer massivement les paiements pour services environnementaux (PSE) permettraient des rémunérations intéressantes pour les agriculteurs.
Aux yeux de l’hydrologue, d’autres problématiques sont à prendre en compte pour préserver le cycle de l’eau. « Les questions du nucléaire et de la réouverture des mines de lithium pour assouvir nos besoins en énergie doivent être repensées sous le prisme de la sobriété en passant par la décarbonation de notre mobilité ainsi que de notre industrie » précise-t-elle pour La Relève et La Peste.
Pour Charlène, d’autres pistes accessibles se passent à l’échelle locale. Là où nous créons du lien avec les habitants et les politiques de proximité et aussi où nous avons le pouvoir d’agir sur le terrain de manière efficace et immédiate. Dans ses préconisations : les barrages (parfois mimétiques) de castors, les ouvrages d’hydrologie régénérative cités plus haut. Quant au niveau national, elle préconise l’arrêt de projets comme les méga-bassines ou les grandes infrastructures routières pour aménager le territoire via la mise en œuvre de la loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette).
« Il faut aussi désimperméabiliser les sols en contexte urbain : les parkings, les cours d’école, tous les espaces qui peuvent être re-végétalisés » détaille Charlène Descollonges pour La Relève et La Peste.
Enfin, Charlène Descollonges plaide pour l’éducation des enfants. Certaines associations, comme la Water Family dont l’hydrologue est ambassadrice, font de la sensibilisation dans les écoles autour de l’eau, des rivières ou des zones humides afin d’apprendre à les observer, les comprendre et les protéger.
« Dès le plus jeune âge, ils parlent de l’empreinte eau. C’est génial car quand les enfants rentrent à la maison, ils demandent aux parents de mettre en place des potagers et de choisir une viande issue d’une agriculture locale et biologique par exemple » s’enthousiasme Charlène Descollonges pour La Relève et La Peste.
Sensibiliser les enfants, mais les adultes aussi. Charlène nous confie que même dans des grandes entreprises qu’elle est amenée à côtoyer et qui n’ont pas de modèle régénératif, les lignes bougent. Notamment dans certaines institutions financières avec des personnes qui emploient des termes comme décroître ou décroissance économique. Cela lui donne une note d’espoir malgré un climat ambiant délétère.
« Il y a un proverbe Africain qui dit : on entend l’arbre qui tombe, mais pas la forêt qui pousse. Je pense vraiment qu’une forêt est en train de pousser » conclut-elle d’un ton optimiste.
Un autre monde est possible. Tout comme vivre en harmonie avec le reste du Vivant. Notre équipe de journalistes œuvre partout en France et en Europe pour mettre en lumière celles et ceux qui incarnent leur utopie. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté.
"Se distraire à en mourir"
- Par Thierry LEDRU
- Le 24/12/2024
"La perversion de la cité commence par la fraude des mots."
Platon
Et lorsque l'usage des mots s'appauvrit, les pensées se fanent, la justesse des propos se dégrade et dans l'esprit de la masse, il ne reste que "l'opinion" ou pire encore la "rumeur".
Se contenter du divertissement, de la futilité, de l'amusement, c'est fermer sur soi le cadenas de l'esprit limité. Et il ne reste qu'une masse manipulable qui se réjouit de l'accumulation de son inconscience.
Neil Postman
Thérèse de Chérisey (Traducteur)Michel Rocard (Préfacier, etc.)EAN : 9782360150144
254 pages
NOVA Editions (15/09/2010)3.89/5 44 notes
Résumé :
L'esprit d'une culture peut se flétrir de deux manières. Dans la première - celle d'Orwell -, la culture devient une prison. Dans la seconde, celle de Huxley la culture devient une caricature. (...) Huxley nous enseigne qu'à une époque de technologie avancée, la dévastation spirituelle risque davantage de venir d'un ennemi au visage souriant que d'un ennemi qui inspire les soupçons et la haine. C'est nous qui avons les yeux sur lui, de notre plein gré. Nul besoin de tyran, ni de grilles, ni de ministre de la Vérité. Quand une population devient folle de fadaises, quand la vie culturelle prend la forme d'une ronde perpétuelle de divertissements, quand les conversations publiques sérieuses deviennent des sortes de babillages, quand, en bref, un peuple devient un auditoire et les affaires publiques un vaudeville, la nation court un grand risque : la mort de la culture la menace."Mayotte, à qui la faute ? "
- Par Thierry LEDRU
- Le 22/12/2024
Au-delà du drame humain, les catastrophes naturelles ou autres, les phénomènes de grande ampleur, m'intéressent de par l'analyse des manques qui se révèlent et l'analyse des réactions. Ici, encore, il y a beaucoup d'enseignements à retirer.
https://bonpote.com/mayotte-a-qui-la-faute/
Mayotte, à qui la faute?
Publication :
22/12/2024
Mis à jour :
22/12/2024
©Crédit Photographie : TWA
Alors que l’on ne connaît toujours pas le nombre de décès consécutifs au passage du Cyclone Chido, qui a ravagé Mayotte le vendredi 13 décembre 2024, la France semble plongée dans un état de sidération.
Il n’a pas fallu longtemps pour que la classe politique et les piliers de comptoir médiatiques nous gratifient de leurs éléments de langage sur les causes du drame. La recherche des responsabilités, qui devient très vite une chasse au bouc-émissaire, est désespérément banale.
S’il est parfaitement normal de chercher à comprendre les causes du désastre, qu’on veuille donner un sens à l’inacceptable ou qu’on souhaite empêcher qu’une telle catastrophe se reproduise, encore faut-il prendre le temps de mettre à distance l’émotion et la politique politicienne pour regarder ce que les recherches sur la prévention des risques de catastrophes ont produit depuis plus de … 60 ans.
La faute au réchauffement climatique
Le 6e rapport d’évaluation du GIEC indique que le réchauffement climatique intensifie les cyclones, sans pour autant augmenter leur fréquence. Ce fait scientifiquement établi a conduit des activistes du climat à nommer les cyclones du nom des compagnies pétrolières, le réchauffement climatique résultant à 90% des émissions liées à la combustion des énergies fossiles.
Au lendemain de la catastrophe, et avant même la parution des études d’attribution, des voix se sont élevées pour faire de Chido un effet du changement climatique. Au-delà des questions de méthode qui font débat chez les scientifiques, il est faux de poser un lien causal direct entre le réchauffement global et le désastre à Mayotte.
Une catastrophe “naturelle” résulte toujours de la combinaison entre un phénomène physique, appelé aléa, et une situation d’exposition et de vulnérabilité. La vulnérabilité réside conjointement dans la fragilité physique qui rend sensible aux effets de l’aléa et la capacité à lui opposer une réponse appropriée (comportement préventif, mise en sécurité, etc.).
La vulnérabilité et l’exposition résultent d’un système de causes imbriquées, qui interagissent entre elles:
des facteurs conjoncturels comme l’état physique des personnes, la période (jour ou nuit, vacances scolaires, élection), l’existence de crises concomitantes.
des facteurs intermédiaires plus structurels : état du bâti, organisation des secours, état des services de soins, inégalités de développement, exclusion, etc.
des causes profondes qui ne sont pas forcément perçues par les acteurs sociaux et économiques, mais déterminent pourtant les cadres de pensée, d’organisation et d’action : héritages de l’histoire, valeurs et croyances, régimes politiques, système économique.
Depuis la fin du du XIXe siècle, les sciences sociales ont entrepris de “dénaturaliser les catastrophes” en mettant en lumière leurs dimensions sociales et territoriales. C’est ce qui explique par exemple que les conséquences des ouragans Chido et Irma en 2017 soient différentes : 11 morts aux Antilles françaises pour potentiellement plusieurs milliers à Mayotte. Pourtant, comparé à Irma Chido est un “petit” cyclone : 220 km/h contre 320 km/h pour Irma.
Concernant le bâti, Saint-Barthélémy, l’île des milliardaires, n’a subi que des dommages matériels superficiels, alors que Saint-Martin et Mayotte ont été dévastés.
L’aléa n’explique jamais à lui seul la catastrophe : même dans un climat non réchauffé par l’Homme, Chido aurait ravagé l’île. En revanche, dans ce contexte d’extrême vulnérabilité, tout incrément de réchauffement supplémentaire, parce qu’il augmente l’intensité de l’aléa, aggrave le risque, car il accroît la pression sur un système social et territorial déjà très fragile.
La faute aux prévisions et aux prévisionnistes
À chaque catastrophe climatique ressurgit l’idée “qu’on ne pouvait pas prévoir”, ce qui est doublement faux.
Les cyclones ont ceci de particulier que leur trajectoire est difficile à prévoir. Les prévisions ont fortement progressé, grâce aux modèles numériques : la position d’un cyclone peut être prévue 24 heures à l’avance avec une erreur moyenne inférieure à 100 km. Ce temps reste court pour procéder à des évacuations, mais suffisant pour mettre à l’abri les personnes. En outre, c’est la position de l’œil (donc du “mur”) qui compte, sachant que les îles sont petites. Ainsi, le cyclone peut très bien passer au large ou la vitesse des vents être moins forte que dans le pire scénario.
Depuis plus de vingt ans, la quasi-totalité des catastrophes climatiques qui ont affecté les pays développés, qu’on soit en Europe, en Amérique du Nord ou en Asie, ont été correctement prévues. Le problème vient généralement du moment où les autorités décident de donner l’alerte, des messages qui sont transmis aux populations et des moyens qui sont déployés (évacuation, confinement, etc.).
Pour autant, le “qui aurait pu prédire” ne relève pas forcément du pur cynisme. Dans les pays riches, l’absence de catastrophes meurtrières, la confiance dans le progrès technique et la qualité de la gestion de crise, qui ont drastiquement réduit le nombre de morts et des dommages matériels, ont créé une illusion de sécurité absolue, si bien que la catastrophe reste du domaine de l’inimaginable, quand bien même le risque est connu. D’ailleurs, le dernier rapport sur la vulnérabilité de Mayotte en cas de catastrophe naturelle a été produit sous la houlette de l’ex-député LR de Mayotte en mars 2024.
Comme pour le changement climatique, le risque était connu de longue date. La question n’a jamais été de savoir si, mais quand. Mais le désastre est resté inconcevable, car il crée une situation de dissonance cognitive entre la réalité de la menace et les croyances collectives attachées à une modernité qui repose sur le projet cartésien de se rendre “comme maître et possesseur de la nature”.
La faute aux victimes
Depuis plusieurs années monte un discours qui impute aux victimes la responsabilité de leur sort. Certains commentateurs médiatiques l’ont poussé jusqu’à l’abjection en expliquant que certaines l’avaient bien cherché, et ouvrir ainsi la fenêtre d’Overton sur la hiérarchisation des morts.
Le transfert de la culpabilité sur les victimes s’est nourri de la relecture de la notion de résilience par l’idéologie néolibérale, qui met en avant la liberté de choix et d’action des individus. L’autonomie, les capacités d’auto-organisation, l’accent porté sur l’action individuelle sont inhérents à la notion de résilience qui entre ainsi en écho avec les valeurs portées par le néolibéralisme. Ce dernier s’est ainsi réapproprié la résilience, pour transférer sur les individus le coût et la responsabilité morale et juridique de leur sécurité.
L’identification de la vulnérabilité comme composante du risque a conduit à revoir la place des comportements individuels qui concourent, en amont des crises, à la prévention des risques de catastrophes. La recherche a montré qu’il était indispensable de développer des capacités de réponse des individus en cas de crise. Les politiques de réduction des catastrophes naturelles ont alors promu la “culture du risque”, fondée sur la mémoire, la sensibilisation, la connaissance des comportements appropriés et la préparation aux situations d’urgence. Cette dernière est d’autant plus importante dans les territoires insulaires que l’éloignement et l’isolement empêchent l’arrivée immédiate des secours. Aux Antilles françaises par exemple, la Croix-Rouge déploie le plan “72h autonomie” en cas de séismes pour augmenter la résilience des populations.
Selon la loi française, chaque citoyen doit être acteur de sa sécurité. Cela ne signifie pas que chaque citoyen peut être acteur. En effet, la capacité de réponse dépend de la combinaison singulière entre les caractéristiques de la personne, du groupe, du bien matériel ou de la fonction qu’on considère, des ressources, moyens et capitaux à sa disposition et des structures et modes d’organisation collectifs. Elle ne relève donc pas des seuls individus et fluctue dans le temps.
Comme pour le climat, l’action individuelle n’est possible que si les structures collectives garantissent l’existence, l’accès et le maintien dans le temps des ressources nécessaires à cette action. À cet égard, le discours qui assigne les vulnérables à leur condition et en fait des victimes passives, en niant leur liberté de choix et leurs capacités d’apprentissage, ne vaut pas mieux que celui qui occulte les dimensions collectives indispensables à l’action individuelle.
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La faute à l’immigration
Au cours des quarante dernières années, Mayotte a connu une très forte croissance démographique, alimentée par une immigration clandestine massive et incontrôlée, comme le rappelle Fahad Idaroussi Tsimanda dans sa thèse qui étudie la vulnérabilité des migrants comoriens. Les migrants viennent, pour l’essentiel, des îles voisines, Comores et Madagascar et de la région des grands lacs africain. Souvent en situation irrégulière et sans ressources économiques viables, ils rejoignent les bidonvilles, formes d’habitat précaire informel et souvent illégal, qui s’étalent sur des collines fortement exposées aux aléas naturels (cyclones, mouvements de terrains, séismes).
L’immigration clandestine est à l’origine de fortes tensions sociales au sein de l’archipel. Malgré la départementalisation, qui a fait en 2011 de Mayotte le 101e département français, et les promesses des gouvernements successifs, et bien que Mayotte ait l’un des PIB par habitant les plus élevés de la région, la moitié de la population vit avec moins de 260 euros par mois, soit 6 fois moins que dans l’hexagone et 3 fois moins qu’en Guyane. Parmi les plus pauvres, une majorité est née à l’étranger et est en situation irrégulière.
Comme le soulignait en 2023 FI Tsimanda, la croissance démographique rapide, qui se nourrit de l’immigration, a des conséquences lourdes pour les Mahorais : insécurité liées à la présence de gangs et de bandes rivales, situation sanitaire dégradée avec une épidémie de choléra qui s’est déclarée au printemps 2024, services publics saturés et insuffisants, habitat dégradé, pressions sur la ressource en eau avec des pénuries accrues par des sécheresses qui augmentent et s’intensifient avec le réchauffement climatique. Les tensions intercommunautaires s’expriment dans des mouvements comme les « coupeurs de route » initiés par des Comoriens et les décasages initiés par des Mahorais.
Les migrants en situation irrégulière cumulent les facteurs de vulnérabilité. La grande pauvreté, aggravée par l’absence de travail formel et l’irrégularité de leurs revenus, les contraint à gagner les bidonvilles. Cette population est jeune, avec des taux élevés de fécondité. Elle compte beaucoup d’enfants en bas âge et de jeunes nés à Mayotte de parents étrangers. On compte aussi beaucoup de mineurs isolés. La barrière de la langue et la peur d’être expulsé fragilisent les migrants sans papiers en cas d’alerte : les messages en français n’ont pas été reçus et de nombreux clandestins ont craint de rejoindre les abris.
En comparaison, l’île de Saint-Martin accueille aussi des migrants sans papiers, notamment Haïtiens, qui rejoignent les bidonvilles littoraux. Ces derniers ont été totalement détruits par Irma en 2017, sans que le nombre de victimes n’y soit analogue. Bien mieux intégrés car indispensables aux activités touristiques de l’Île, ces migrants ont en effet pu se réfugier sans crainte dans les abris.
Occulter le poids de l’immigration clandestine dans la trajectoire démographique et socio-économique de l’île est une erreur d’analyse et une faute politique, qui nourrit le ressentiment des Mahorais. Mais faire de l’immigration une cause de la catastrophe est tout aussi infondé. Ce n’est pas la migration en soi qui est un facteur de vulnérabilité, mais l’incapacité à accueillir dignement les migrants et à réduire les inégalités de développement régionales à l’origine des migrations.
La faute au racisme
En 2005, lorsque l’ouragan Katrina frappe la Nouvelle-Orléans, beaucoup d’observateurs font du racisme la clé d’explication du désastre. Les travaux de recherche de Julie Hernandez ont pourtant produit des analyses bien plus nuancée. En Louisiane, le racisme à l’encontre des populations afro-américaines s’exprime encore aujourd’hui de façon structurelle et systémique. Au moment de Katrina, le racisme a joué au niveau de l’État fédéral, notamment dans les prises de parole de Georges Bush et son épouse à propos des réfugiés noirs qui avaient réussi à fuir au Texas. Il a également été très présent dans le récit que les médias ont produit, y compris de manière inconsciente, sur la catastrophe. Ainsi, les photographies montrant des Noirs qui allaient chercher de la nourriture dans la ville inondée étaient légendées par les termes de voleurs ou de pillards, alors que lorsqu’ils s’agissaient de Blancs, elles parlaient de personnes tentant d’assurer la survie de leur famille.
Il ne s’agit donc pas de nier le racisme. Mais la catastrophe elle-même ne résiste pas à une lecture raciale. Quelle que soit l’origine ethnique des victimes, c’est d’abord la pauvreté qui a joué : les riches, qu’ils soient noirs, blancs ou latinos ont évacué la ville, alors que les pauvres, y compris les Blancs, y sont restés prisonniers. De même, alors que les quartiers riches, situés en bordure du Lac Ponchartrain, ont été les plus inondés, la plupart des victimes se trouvent dans les quartiers pauvres. Ces quartiers pauvres sont majoritairement noirs, du fait de la composition ethno-raciale de la ville et parce qu’il existe une corrélation forte entre pauvreté et couleur de la peau, du fait des discriminations historiques à l’encontre des populations afro-américaines, mais ils abritaient aussi des Blancs, des Latinos et des minorités issues des diasporas asiatiques.
Ainsi, en faisant du racisme le déterminant de la catastrophe, on confond la cause et la conséquence. La vulnérabilité s’enracine dans les inégalités de développement, qui découlent en partie des discriminations attachées au racisme, mais en partie seulement. Il ne s’agit pas de nier le racisme plus ou moins conscient et volontaire de certains discours, mais d’analyser correctement la fabrique de la vulnérabilité pour espérer la réduire.
La faute à la colonisation
La compréhension de la vulnérabilité s’est enrichie des apports des courants post-coloniaux, qui ont montré la construction historique de certains mécanismes générateurs d’inégalités. La prise en compte des héritages de la colonisation ont été particulièrement éclairants pour comprendre les sous-jacents des organisations sociales, politiques et territoriales à l’origine de l’extrême vulnérabilité, dans le cas des catastrophes qui ont frappé Haïti ou la Caraïbe ces deux dernières décennies.
Pour autant, nier le rôle des héritages historiques est tout aussi absurde que d’en faire l’alpha et l’oméga de la situation à Mayotte. Le processus de décolonisation de l’archipel est complexe. Il s’inscrit dans un contexte géopolitique particulier, qui s’accommode mal des raccourcis et des anachronismes. C’est justement parce que Mayotte a connu un développement socio-économique rapide, après l’indépendance des Comores de 1975, que s’est instauré un déséquilibre à l’échelle régionale, alors même que l’écart de développement avec les autres régions françaises n’a pas été comblé.
En particulier, le chantier de « rattrapage des autres départements français » mis en place au tournant des années 2000 afin de préparer la départementalisation, reposait sur un processus politique, administratif et technique de transformation des institutions mahoraises. Des efforts importants ont été déployés pour moderniser les infrastructures, de santé ou d’enseignement. Cette politique de développement exogène a évidemment eu des conséquences sur les structures socio-territoriales mahoraises, accentuées par la rapidité du processus, du fait du déséquilibre socio-économique régional créé. Il est à l’origine de la trajectoire démographique et du creusement des inégalités au sein de l’archipel, ces deux facteurs ayant contribué à exacerber les vulnérabilités.
Par conséquent, lire la trajectoire de vulnérabilité de l’archipel au seul prisme de la colonisation revient à nier les choix des Mahorais et les étapes qui ont accompagné l’indépendance du territoire. C’est aussi détourner le regard des acteurs politiques du reste de la région.
Alors, à qui la faute ?
Chaque désastre est devenu une opportunité pour faire triompher ses valeurs, son idéologie et ses convictions, quitte à se livrer parfois à une instrumentalisation écœurante.
S’appuyer sur les résultats de la recherche est essentiel pour prévenir les catastrophes. Et la recherche montre qu’il est faux de retenir un facteur explicatif unique pour expliquer les désastres. Ceux-ci s’enracinent dans un système de causalité complexe.
Plaquer coûte que coûte des cadres interprétatifs théoriques sur des situations singulières est la meilleure façon de s’interdire de comprendre la fabrique des vulnérabilités et d’agir efficacement. C’est assigner les vulnérables à leur condition de victimes et les condamner à subir encore et encore des crises. C’est remplacer les injonctions normatives et moralisatrices contre lesquelles on prétend lutter, par d’autres formes de normativité tout aussi délétères. Paresse intellectuelle, cynisme ou naïveté, peu importe. Les victimes n’ont pas besoin de ça.
Un résumé dans un schéma
- Par Thierry LEDRU
- Le 22/12/2024
Un résumé dans un schéma.
Mais qu'en est-il exactement des "réactions" ? D'où viennent-elles ? Qu'expriment-elles ? Est-il concevable de les contrôler ? Est-il juste, en toutes circonstances, de vouloir les contrôler ? Peut-on associer le terme de "réactions" à celui "d'émotions" ?
Pour ma part, je dirais que l'émotion précède la réaction. Et que la réaction sera proportionnelle à l'émotion. Il est même possible que les deux soient si proches qu'elles en paraissent indivisibles. Dans le cas de la peur par exemple.
Un éclair qui traverse le ciel si près de nous qu'on se ratatine, le corps empli de frissons, tétanisé par la proximité du danger, dans un réflexe qui provient du cerveau limbique. On ne pourra pas dissocier l'émotion de la réaction.
Mais s'il s'agit d'une rencontre amoureuse, de ce "fameux coup de foudre", l'intensité ne sera pas la même, l'envahissement ne sera pas aussi immédiat, l'effet ne sera pas instantané même s'il peut nous sembler a postériori avoir été saisi d'amour. L'émotion aura été puissante et la réaction aura grandi au fil des secondes ou des minutes ou des heures ou de toute une vie.
Les neurosciences ont considérablement exploré le cerveau pour cartographier les zones concernées et expliquer, chimiquement, la raison de ce qui nous fait parfois perdre raison. Pour notre bien ou pour notre mal. Est-il utile de connaître les phénomènes chimiques pour gérer au mieux les méotions et leurs réactions ? Je pense que Spinoza aurait été très intéressé, lui qui cherchait systématiquement les causes des conséquences.
Parvenir à se distancer des effets en l'observant à travers le prisme des données chimiques, physiques, de la cartographie de notre corps, je pense que ça peut s'avérer utile. On le voit dans le sport de haut niveau, dans des interviews de sportifs. Alex Honnold, par exemple, à travers la méditation. Ou Novack Djokovic.
Alors c'est que nous pouvons devenir des sportifs de haut niveau spirituels, en nous-mêmes, puisque nous sommes tous constitués de la même façon.
https://www.futura-sciences.com/sante/questions-reponses/sentiments-cerveau-chimie-guide-t-elle-nos-emotions-7505/
Joie, colère, tristesse… Toutes ces émotions que nous ressentons résultent d’un équilibre subtil de substances dans diverses parties de notre cerveau.
au sommaire
Colère : que se passe-t-il dans le cerveau ?
La tristesse expliquée par la chimie
L’amour, un sentiment complexe
À lire aussi
Les émotions sont les réactions de notre corps provoquées par une stimulation venue de notre environnement. Elles sont traitées dans le système limbique de notre cerveau.
Joie et dopamine
Pour mieux comprendre comment fonctionne la joie par exemple, partons d'abord de la question suivante : à quoi la sensation de plaisir est-elle due ? Les chercheurs Olds et Milner ont découvert, en 1952, que le noyau accumbens gérait la récompense et le bien-être : il reçoit des informations venues, entre autres, de l'aire tegmentale ventrale via un neurotransmetteur, la dopamine. Une fois activé, le noyau accumbens communique avec diverses parties du cerveau en libérant trois neurotransmetteurs :
la sérotonine pour l'euphorie ;
les endorphines contre la douleur ;
les endocannabinoïdes contre l'anxiété.
Colère : que se passe-t-il dans le cerveau ?
Lorsque nous ressentons de la colère, notre cœur s'accélère, notre respiration devient ample, nos muscles se contractent... Dans le cerveau, l'aire septale (noyau basal de Meynert, noyau antérieur du thalamus et corps mamillaires) s'active.
Un message est envoyé à l'hypothalamus médian qui va donner l'ordre de déverser dans l'organisme adrénaline, cortisol et testostérone. Hennig a montré, en 2004, qu'un faible taux de sérotonine est également lié à un comportement agressif.
La tristesse expliquée par la chimie
La tristesse est un moment de pause, d'analyse d'un moment difficile. Chimiquement, elle correspond à une baisse des enképhalines au niveau de l'amygdale. Un message est envoyé à l'hypothalamus qui déclenche une double action :
via le système sympathique, une libération d'adrénaline entraînant ventre noué et respiration accélérée ;
en parallèle, via le système parasympathique, l'acétylcholine et la noradrénaline sont déversées dans l'organisme, ce qui provoque larmes et prostration.
Le cœur, à la fois accéléré et ralenti, semble pris dans un étau...
L’amour, un sentiment complexe
L'amour n'est pas une émotion mais un sentiment complexe, qui met en jeu un large cocktail de substances. Lors d'un coup de foudre, un pic d'adrénaline survient, ce qui provoque un sentiment d'éveil et une accélération du rythme cardiaque. Parallèlement, un pic de dopamine engendre du plaisir.
Si l'amour dure, une activité accrue apparaît dans une région liée au sentiment d'attachement, le globus pallidus, et dans des structures riches en récepteurs à l'ocytocine, l'hormone de l'attachement.
L'amnésie environnementale
- Par Thierry LEDRU
- Le 20/12/2024
J'ai des souvenirs merveilleux de mon enfance dans les bois. Je pouvais parcourir des kilomètres sans rencontrer de traces humaines comme celles que je vois aujourd'hui : coupes rases qui se multiplient, constructions de lotissements et de zones commerciales. Les bois où j'ai vécu enfant n'existent plus. Ils ont été rasés et à la place, il y a un périphérique et des zones urbaines, lotissements et zones commerciales. Il y avait une zone humide, vaste, emplie de vie. Tout a été asséché, remblayé, bétonné. C'était dans le secteur de Quimper. Puis, plus tard, mes parents ont fait construire une maison près de la mer et de la même façon, tout le littoral est devenu aujourd'hui une enfilade de maisons et de magasins. Ce sont des centaines d'hectares qui ont été transformés.
On a quitté la Savoie pour fuir cette urbanisation frénétique et on est venu dans la Creuse. Et depuis quatre ans, ici, on voit s'étendre les coupes rases, des massacres effroyables. Le relief s'y prête aisément. Pas de grosses pentes, les forêts sont très accessibles, il y a beaucoup de chemins et de pistes forestières. L'avenir des forêts creusoises est très sombre.
Et on a décidé de partir. La maison est vendue.
Méthode
Type
Fiche posture et repère
L'amnésie environnementale : comprendre pour agir
Mots clésL'amnésie environnementale touche de plus en plus et constitue une clé d'analyse dans l'inaction face au réchauffement climatique. Mais qu'entend-on par amnésie environnementale, et comment y remédier ? C'est l'objet de cette fiche repères qui fait le point sur cette notion émergente et des notions connexes telles que l'extinction de l'expérience de nature ou le syndrome de la référence changeante. Si les conséquences sont connues, des pistes d'actions existent également.
1. De quoi parle-t-on ?
Extinction de l'expérience de nature
Des chercheurs ont récemment montré une diminution voire une extinction de l'expérience de nature dans une revue de la littérature (A global synthesis of trends in human experience of nature) [1]. Cela se traduit par une diminution des contacts avec la nature, comme les balades en forêt, mais aussi par le fait que l'humain vit de plus en plus en milieu urbain, loin des espaces naturels et des forêts (2/3 des français vivent en ville en 2021 selon l'INSEE). Aujourd'hui, nous passons ainsi en moyenne plus de 80% de notre temps à l'intérieur (selon Santé Publique France). Or « un haut niveau d'“expérience de la nature” dans l'enfance détermine fortement la connaissance, les valeurs associées et l'attachement émotionnel à la nature des humains », précise une équipe de chercheurs dans le cadre d'une étude publiée en 2022 dans Frontiers in Ecology and the Environment.
Cette extinction d'expérience de nature va de pair avec l'extinction de l'expérience de la biodiversité. Ainsi, R.M. Pyle, dans L'extinction de l'expérience, précise que « la perte d'espèces locales menace notre expérience de la nature. Si une espèce s'éteint dans notre environnement accessible - qui est d'autant plus restreint que nous sommes très âgés, très jeune, handicapé ou pauvre, en un sens c'est comme si elle disparaissait totalement ».
Les bienfaits de la nature sur la santé et sur la projection dans l'avenir
De nombreuses recherches soulignent les bienfaits de la nature sur la santé physique et psychologique : diminution du stress, augmentation de l'immunité, de la vue, de la concentration, de la créativité… Les espaces de nature en ville constituent également des lieux de répit et de réduction des effets des aléas climatiques (canicule notamment) et favorisent la pratique de l'activité physique, les rencontres…
De plus, du point de vue de la psychologie du développement, le rapport à la nature est essentiel car participe à la construction de l'imaginaire de l'enfant, élément déterminant pour transformer ses sensations en représentations. Le jeu dans la nature participe à l'intégration de la personnalité et à la compréhension des autres et du monde. Plus le monde imaginaire de l'enfant est développé, plus il lui sera facile d'imaginer plusieurs issues à une situation négative et de se projeter dans l'avenir.
Cette extinction d'expérience de la nature interroge également l'organisation de nos sociétés modernes où les enfants jouent de moins en moins à l'extérieur et passent plusieurs heures par jour devant les écrans. Ils n'ont ainsi pas ou peu l'occasion d'explorer la nature par eux-mêmes. En outre, lorsqu'ils fréquentent des espaces verts dans les villes, ces lieux de nature sont souvent fortement réglementés dans leur accès public, ce qui contribue à la mise à distance de la nature voire à sa dégradation. Selon un rapport de l'Institut de veille sanitaire 2015, quatre enfants sur dix ne jouent jamais dehors pendant la semaine. La rationalisation et l'uniformisation de nos imaginaires et de nos activités causées par l'explosion de la consommation de contenus à travers nos écrans dégrade grandement nos expériences de nature : les enfants (comme les d'adultes) ont le sentiment de trouver davantage de stimulation dans un écran qu'à travers une expérience de balade en forêt, de randonnée en montagne ou de construction d'une cabane dans un arbre. La biologiste A.C. Prévot illustre pleinement l'enjeu : « quand un enfant grandit loin de la nature, il aura moins tendance à vouloir la protéger ensuite, car elle ne fait pas partie de son cadre de référence. Elle n'existe pas dans sa mémoire » [3].
L'éloignement de la nature et le syndrome de manque de nature
Notre mode de vie actuel, sédentaire et citadin, pousse les humains, notamment les plus jeunes à s'éloigner de la nature voire à en avoir peur. Face à ces constats, corroborés par l'augmentation de l'hyperactivité, de la prise de poids ou encore de la myopie et de l'asthme, le journaliste R. Louv a popularisé le concept de « syndrome de manque de nature » (ou nature-deficit disorder) [4]. Il part du postulat que pour réduire ces symptômes et signes cliniques, le remède est simple : rapprocher de la nature les êtres humains de tout âge.
Aller plus loin en consultant la synthèse réalisée par le FRENE.
L'amnésie environnementale générationnelle et individuelle
Ce sont ces réflexions qui ont nourri l'hypothèse d'une « amnésie environnementale générationnelle ». Selon le psychologue de l'environnement P. H. Kahn, à l'origine de ce concept, l'amnésie environnementale se produit alors que « nous considérons l'environnement naturel dans lequel nous grandissons comme une référence qui nous servira à mesurer les dégradations environnementales plus tard dans nos vies. De génération en génération, les dégradations de l'environnement augmentent. Mais chaque génération considère le niveau dégradé dans lequel elle grandit comme le niveau non dégradé, comme un niveau normal. […On] appelle ce phénomène psychologique l'amnésie environnementale générationnelle » [5].
Sur le plan psychologique, chaque individu construit sa vision du monde en fonction de ses expériences passées, notamment durant son enfance. Cependant, avec l'ampleur et le rythme soutenu de la perte de la biodiversité, les générations successives développent des représentations différentes de ce qu'est l'état originel de la nature. C'est pourquoi S.K. Papworth et d'autres chercheurs [7] ont identifié deux formes d'amnésie environnementale : la générationnelle, où les nouvelles générations perdent le référentiel des conditions environnementales passées, et l'individuelle, où les individus oublient leurs propres expériences passées de l'environnement.
Pour P.J. Dubois, ornithologue et auteur de « La grande amnésie écologique » [8], l'amnésie tient avant tout au manque de transmission de la mémoire environnementale. Selon lui, les individus ayant un contact intime avec le vivant sont parfois trop accablés par les changements qu'ils observent : ils oublient alors d'en parler à leurs enfants. Résultat : les éléments constitutifs de l'environnement sont effacés de la mémoire familiale et intergénérationnelle.
Le syndrome de la référence changeante
Cette notion renvoie au « syndrome de la référence changeante » (shifting baseline syndrome) forgé par le biologiste marin D. Pauly qui déclare lors d'une conférence « nous transformons le monde, mais nous ne nous en souvenons pas » [6]. Il a élaboré ce concept en 1995 après avoir constaté que les chercheurs spécialistes de la pêche prenaient comme référence scientifique la taille et la composition du stock de poissons du début de leur carrière. « Chaque génération de chercheurs oubliait que cet état qu'elle considérait comme normal était déjà dégradé par rapport aux générations précédentes, ce qui avait comme conséquence d'empêcher une prise de conscience globale de l'érosion de la biodiversité marine », précise A.C. Prévot, directrice de recherche au CNRS.
En résumé, l'amnésie environnementale est un mécanisme psychologique où les individus oublient ou sous-estiment les changements négatifs survenus dans leur environnement naturel au fil du temps, accélérant sa destruction. Ce concept souligne que face à des processus denses mais lents et diffus, tels que le réchauffement climatique ou la perte de biodiversité, l'habituation conduit à ce que l'amplitude du changement passe presque inaperçue, de la même manière qu'un parent ne remarque pas forcément le développement pourtant quotidien de son enfant. Ainsi, ce phénomène nous fait accepter comme normal le monde dans lequel nous évoluons même s'il est très différent et plus dégradé que celui que nous avons connu enfant ou dans lequel nos parents ont grandi.
2. Quels sont les risques liés à l’amnésie environnementale ?
Les conséquences de l'amnésie environnementale sont problématiques puisqu'à l'ère de l'Anthropocène, l'action de l'humain sur son environnement transforme le monde sans que nous n'ayons toujours souvenir de l'état antérieur. Or, la transmission du savoir passe principalement par la mémoire. C'est aussi la mémoire des catastrophes naturelles -et des meilleures façons de s'y adapter- qui se perdent. Cela déclenche finalement une conséquence « fataliste » qui nous entraînerait contre notre volonté dans une chute vers l'oubli et nous rendrait inapte à tout changement. P.J. Dubois corrobore cette théorie en précisant que le cerveau met constamment à jour sa perception du monde en écrasant les versions antérieures. Cette hypothèse est approuvée par A.C. Prévot, qui soutient que la nature ne fait plus partie du cadre de référence des enfants et n'est donc plus ancrée dans leur mémoire : en conséquence ils auront moins d'opportunités de vouloir la préserver.
On dénombre alors trois risques sous-jacent liés à cette perte de mémoire et de souvenir, tous accélérant le phénomène :
L'inaction : En s'accoutumant à des situations jadis anormales et en cessant de les percevoir comme telles, nous perdons toute impulsion à agir.
La perte de repères : Au fil du temps, ce qui était autrefois anormal devient la norme. Certaines générations ne perçoivent plus l'état dégradé de leur environnement car n'ont jamais connu de réalité antérieure. Et si la connaissance théorique de cette dégradation peut pousser à agir pour améliorer la situation, elle ne remplace pas l'expérience, moteur de changement et facteur de résilience individuelle et collective. Par exemple, avec le changement climatique les événements météorologiques extrêmes deviennent de plus en plus fréquents. Les populations côtières, habituées pendant des siècles à se prémunir contre les inondations et les tempêtes, se retrouvent aujourd'hui démunies face à ce dérèglement car elles ont perdu le savoir et les repères que leurs ainés avaient acquis par l'expérience.
La perte de sensibilité : Nous observons une diminution progressive de notre connexion avec la nature dans nos vies. Dans ces conditions, comment pouvons-nous être sensibles à la destruction d'une forêt ou à l'extinction d'une espèce animale si nous n'avons que rarement, voire jamais, été en contact direct avec elles ? Sans ressentir d'affection pour ces éléments, il devient extrêmement difficile de se mobiliser pour les préserver - moteur fondamentalement humain.
3. Comment agir face à l’amnésie environnementale ?
Pour limiter l'amnésie environnementale et ses conséquences (l'inaction environnementale notamment), le levier majeur est de renforcer les connexions avec la nature, les expériences de nature en favorisant les expériences collectives qui renforcent le sentiment du pouvoir d'agir. Cela passe aussi par un autre rapport à la nature dont nous faisons partie.
En pratique
De nombreux acteurs développent des actions afin d'agir en faveur du vivant et limiter les effets de l'amnésie environnementale. Il n'existe pas encore de revue de la littérature pour identifier formellement les leviers d'actions efficaces sur l'amnésie environnementale mais les expériences de terrain et une étude de la littérature sur les effets des interventions en éducation relative à l'environnement [9] du Réseau Idée permettent d'identifier des pistes :
Renforcement de la mémoire collective : encourager la préservation de notre mémoire collective des changements environnementaux à travers des initiatives communautaires, des récits historiques et des archives environnementales… Favoriser également le partage des expériences et souvenirs de nature.
Education dehors, multiplication des expériences de nature : encourager les pratiques éducatives dehors, afin d'entretenir le lien avec la nature de manière très régulière.
Education au vivant : renforcer l'éducation à l'environnement pour ouvrir les yeux sur la biodiversité, la richesse du vivant.
Education à la régulation émotionnelle : déployer des actions qui permettent de développer l'empathie envers le vivant et plus globalement qui s'appuient sur la prise en compte des émotions. Certaines émotions peuvent constituer un obstacle à l'action quand d'autres sont de réels leviers donc l'accompagnement dans l'identification et la régulation émotionnelle apparait comme nécessaire.
Création de zones protégées ou débitumisation d'espaces pour favoriser la biodiversité : soutenir la création de parcs naturels, d'aires marines protégées où l'activité humaine est limitée et la débitumisation pour faire revenir des espèces et favoriser ainsi les contacts entre l'humain et la nature.
D'autres formes d'action restent à inventer pour renforcer ce lien au vivant. Travailler avec d'autres acteurs pour sortir des approches morcelées, croiser des approches, créer des nouvelles manières d'agir sont autant de pistes pour réensauvager notre relation au monde comme nous y invite B. Morizot dans « L'Europe réensauvagée ». Cette relation vise à adopter un humanisme qui nous relie intrinsèquement au vivant plutôt que de nous en distinguer. Nous ne devons pas perdre ces liens essentiels avec la vie qui nous entoure : nous sommes façonnés par elle autant qu'elle l'est par nous.
Notes de bas de page
[1] A global synthesis of trends in human experience of nature Frontiers in Ecology and the Environment (Volume 21, Issue 2 Mar 2023).
[2] R. Pyle, L'extinction de l'expérience dans Ecologie et politique N°53
[3] A-C. Prévot, La nature à l'œil nu, Edition CNRS, 2021
[4] Le syndrome de manque de nature, du besoin vital de nature à la prescription de sortie. Dynamique sortir, FRENE.
[5] P.H. KAHN, Children's affiliations with nature: structure, development and problem of environmental generational amnesia, dans: Children and nature: psychological, sociocultural and evolutionary investigations, MIT Press, p. 93-116.
[6] https://www.ted.com/talks/daniel_pauly_the_ocean_s_shifting_baseline/transcript.?subtitle=en
[7] S.K. Papworth, J Rist, L. Coad and E.J. Milner-Gulland (2009), Evidence for shifting baseline syndrome in conservation. Conservation Letters
[8] P.J. Dubois, La grande amnésie écologique ; Delachaux & Niestle, 2012.
[9] C. Préat, Quels sont les effets éducatifs des interventions en éducation relative à l'environnement ? Réseau Idée, 2024.