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  • Donner vie.

    A la fin de la lecture d'un roman, si, après avoir refermé l'ouvrage, les personnages s'effacent, s'étiolent, se fragmentent et disparaissent, alors c'est qu'ils n'ont jamais existé, ni dans l'esprit du lecteur, ni même dans celui de l'auteur. L'écriture d'un roman consiste à donner vie. Pas simplement à l'imaginer.

    C'est une souffrance, réelle, de penser que Maud, Sat, Laure, Jean, Théo, Jonathan, Max, Pierre, Blandine, Isabelle, Diane, Birgit, Yolanda et les dizaines de personnages de mes romans puissent être absorbés par l'oubli. On pourrait y voir de la prétention mais c'est juste de l'affection. Je les aime.

    Ils sont là, je les vois, je les entends, je connais leurs habitudes, leur caractère propre, je connais toute leur histoire, leurs peines et leurs bonheurs, leurs amours et leurs détresses. Si je les croisais dans la rue, je n'en serais même pas surpris.

    Mais cette vie que je ressens, est-ce que je suis parvenu à la transmettre dans l'écriture ? 

    Est-ce que les personnages s'effaceront ? 

    Est-ce qu'ils trouveront un point d'ancrage dans l'esprit des lecteurs ?

     

    "Le Petit Prince" n'est pas dans le livre que j'ai lu enfant mais en moi. A tout jamais. C'est cela un livre : une passerelle pour que le personnage passe d'un esprit à l'autre.  

     

  • KUNDALINI : Un souvenir de jeunesse

    Kundalini web 1

     

    Maud, professeur de yoga, a cinquante-deux ans. Laurent, son mari, l’a quittée. Sans aucun signe précurseur.

    Une rupture destructrice. Des mois de détresse, de colère, de remords, d'interrogations sans fin.

    Puis Maud décide de s'accorder un séjour dans une région perdue des Alpes. Besoin de nature et de paix intérieure.

    Elle va rencontrer Sat, un homme plus jeune qu'elle. D'origine hindoue, il détient la clé de l'éveil de Maud. Elle va vivre avec lui une réelle métamorphose.

    Naturisme, méditation, respect, silence, contemplation, libération, conscience… Sexualité sacrée vers le couple divin. Illumination.

    Jusqu'à l'ultime révélation… Ce qui est au-delà du connu.

    « Puisque nous pensons en fonction de nos expériences et des sensations éprouvées, qu'en est-il lorsque la sensation est irrationnelle ? À quelle objectivité peut-on prétendre ? Une émotion qui n'a pas de raison d'être et qui en vient à briser toutes les certitudes et les modèles intégrés doit-elle être rejetée ou pleinement explorée ? Quitte à prendre des risques au regard d'une vie formatée…

    Je n'avais pas le choix. Il fallait que j'écrive ce roman… Je ne pouvais pas déposer simplement de telles questions dans un coin de ma tête au risque qu'elle se mette à pencher d'un côté. »

    Le mot de l’éditeur : « Thierry Ledru signe ici un OVNI littéraire. Une fiction qui a des allures d’essai philosophique, et qui trace un cheminement spirituel tout en emportant le lecteur dans une histoire grandiose et poétique. Un roman qui éveille les consciences et les sens, le tout composé d’une écriture magnifique et envoûtante ».

     


    Voilà donc la couverture que j'aime infiniment. Un hommage à Nathalie et je la remercie de l'avoir accueilli. C'est cette image-là que je souhaitais pour ce livre. J'ai ajouté une dédicace également :

    "A Nathalie, la femme que j'aime à chaque instant et que j'ai déjà aimée, en d'autres temps." 

     

    Le texte de 4 ème de couverture. 

    "Ovni littéraire"

    L'expression utilisée par Anita Berchenko, fondatrice des éditions du 38, me touche particulièrement.

    L'histoire remonte à ma classe de seconde au lycée. M Ollier, professeur de français, tenait dans la main une liasse de feuilles de classeur. Il avait distribué les devoirs de toute la classe et il lui restait le mien. Je m'en souviens très bien. Le thème demandait de travailler sur un texte relatif à l'oeuvre de Howard Philipps Lovecraft. "Une rupture totale dans la vie d'un homme" dans le mode fantastique et noir...

    J'avais donc imaginé la vie bien huilée d'un fonctionnaire (je venais de lire "la métamorphose" de Kafka.) Cet homme emprunte tous les jours la même route pour aller à son travail et il passe au pied d'une falaise imposante, une ancienne carrière abandonnée. Le lieu est devenu une école d'escalade et les gens viennent aussi parfois y pique-niquer à l'ombre des grands arbres. 

    Un jour, cet homme s'arrête après une journée particulièrement misérable. Comme le reste de sa vie. 

    Il sort de la voiture et se dirige vers la falaise. Aimanté. Il abandonne sa veste, retire sa chemise et s'approche du rocher. Il y pose les mains, fasciné. 

    La suite est trop longue...Il faudrait que je reprenne ça un jour  :) 

    M Ollier tenait donc la liasse de feuilles dans la main et il a dit :

    "Ledru, vous savez comment ça s'appelle ce que vous avez écrit ? C'est un ovni littéraire. Continuez à écrire et un jour, vous serez édité."

    Merci M Ollier. Je n'ai jamais oublié.

    Merci à Anita Berchenko, d'avoir ranimé le souvenir.

  • Le sentiment d’être 

    Tribune de Paul Degryse : 
    Quand être devient plénitude et sentiment


     

    Ecrivain, initié depuis plus de 30 ans au chamanisme, Paul Degryse se définit comme un “chamane éclaireur”. A travers ses écrits et ses formations, il invite chacun d’entre nous à une réflexion sur la nature et la psyché humaine. Une forme de sagesse pour (r)éveiller les consciences. 

    Un jour Don Juan emmena Carlos[1] au sommet d’une montagne dans le centre du Mexique où ils avaient l’habitude d’errer pendant des journées entières au cours desquelles Carlos recevait toujours une leçon aussi impressionnante que surprenante.

    Après des heures de marche, ils firent une pause, contemplant un paysage dont l’horizon découvrait des crêtes rougeâtres à des dizaines de kilomètres de là.

    Un spectacle à couper le souffle de beauté. Absorbés et comme hypnotisés par l’immense majesté de la situation, aucun des deux ne semblait pouvoir prononcer un mot.

    Au bout d’un long moment, Don Juan se tourna lentement vers Carlos et, hochant doucement la tête comme s’il approuvait ce long silence, il montra le paysage d’un geste large du bras et lui dit : «  Regarde bien… tout cela est à toi… »

    Carlos, habitué à ses plaisanteries, lui sourit doucement d’un air entendu sans un mot.

    Don Juan fit un petit signe de dénégation et répondit d’un air grave : « Je ne plaisante pas… tout cela est vraiment à toi … »

    Interloqué cette fois par son air sérieux, Carlos lui dit : «  Oui, d’accord… C’est une façon de parler… Vous voulez dire qu’il faut que j’en profite parce que c’est exceptionnellement beau … ! »

    « Non.. ! Je ne plaisante pas … tout cela est vraiment à toi… souviens-toi : l’anneau de pouvoir…[2] ce sentiment que je vois sur ton visage, ce sentiment qui t’a rendu muet pendant près de vingt minutes, chose qui ne t’est pas habituelle, ce sentiment-là est gravé pour l’éternité dans cet endroit, ce sentiment-là que tu t’es permis d’avoir par ta présence ici… c’est la quintessence de ton être… »

    Puis après un petit silence, il ajouta :  « C’est ici que tu viendras mourir et que ton âme se connectera à l’éternité quand ton temps sera venu de partir…. » Carlos sentit un long frisson parcourir sa colonne vertébrale… Il ne savait pas si c’était l’évocation de sa mort ou la nature exceptionnelle de cet instant, puis il se tourna à nouveau vers le paysage.

    Et là, il comprit ce que Don Juan avait voulu dire… Il ressentit que le paysage et lui ne faisaient qu’un… Il n’existait plus en tant que « Carlos », il était seulement une conscience de plénitude comme il n’en avait jamais connu. Ce paysage était plus qu’à lui, il était lui…. rien ne comptait plus qu’être là… il ne voulait plus jamais en partir….

    ––––––––––––––––––––––––––––––––––

    Quand on s’intéresse au chamanisme, on se demande fréquemment : « Qu’est-ce qui, après tout, différencie le chamane des autres hommes ? »

    La réponse la plus opérationnelle est la suivante : « Les chamanes pratiquent le sentiment d’être »

    En réalité, ils sont, ils sont vraiment, ils sont pleinement. Mais il faut comprendre le mot « être » non pas comme une abstraction verbale qui vient du fait qu’on l’emploie à tout bout de champ comme un verbe auxiliaire, mais comme la quintessence du sentiment d’exister, comme le sentiment d’une douce intensité qui, en les reliant à tout sans les dissoudre, leur apporte trois choses essentielles : la liberté, l’équilibre et la jubilation. Une joie discrète de vivre chaque instant de leur vie, ce qui, par ailleurs les ouvre à quelques pouvoirs tout à fait naturels mais simplement enfouis dans l’inconscient de l’homme moderne qui, le plus souvent vit trop exclusivement dans « l’avoir », le « faire », la peur de ne pas avoir, de ne pas assez faire et surtout en sacrifiant sa vie au système.

    En un mot, l’homme moderne n’est plus connecté avec son âme.

    C’est l’intensité variable du sentiment d’être qui conditionne toutes nos capacités de nous harmoniser avec le déroulement des situations qui constituent notre vie, et, par là, notre capacité d’être heureux.

    La vraie spiritualité n’est pas religieuse. Elle est le développement libre de notre « ETRE » qui n’est pas qu’une vague sensation d’exister, mais un champ d’expériences dont la maîtrise progressive est infiniment plus importante que notre « paraître », notre « avoir », notre « faire », et surtout infiniment plus importante que notre dialogue intérieur, ce perpétuel remue-ménage de pensées qui n’arrête pas de tourbillonner dans notre tête et avec lequel nous nous décrivons à nous-mêmes nos craintes, nos regrets, nos opinions, nos croyances, nos justifications, nos jugements, etc.

    Alors, qu’est-ce qui nous empêche d’ETRE, comme le sont les chamanes et éclaireurs ?

    C’est précisément ce dialogue intérieur permanent, qui est reconnu par tous les maîtres spirituels des grands courants religieux de notre planète comme la plaie la plus tenace du genre humain.

    Nourri par le formatage socialitaire, la surabondance informationnelle, l’anxiété du faire et de l’avoir, le dialogue intérieur est une véritable addiction du mental qui caractérise l’humanité.

    A cause de lui, le sentiment d’être dont la source est dans notre corps lumineux a perdu la plus grande partie de sa force et il fait défaut à l’homme moderne pour maîtriser les moments négatifs de sa vie car, déconnectée de ce corps lumineux, la conscience ordinaire a perdu ses repères magiques qui devraient la guider pour que nous devenions des êtres équilibrés, forts, confiants et heureux. Nous subissons alors notre vie au lieu de la diriger.

    Mais le sentiment d’être n’est jamais entièrement effacé de notre conscience. S’il n’affleure pas dans notre quotidien, ses racines sont toujours présentes quelque part au fond de nous – notre mal-être ou nos maladies sont en fait le signal positif qui exprime son désir de renaître. A nous d’écouter ce signal pour ce qu’il est : l’invitation à faire revivre notre sentiment d’ ETRE, la chose la plus importante de notre existence.

    PAUL DEGRYSE- www.chamanisme-ecologie.com – wambli.cd@live.fr

    [1] Carlos Castaneda est un anthropologue argentin qui reçut de la part d’un chamane yaqui du Mexique un enseignement de 24 ans à la suite duquel il devint lui-même chamane.

    [2] L’anneau de pouvoir est la prise de conscience que nous créons notre réalité à chaque instant.

     

    Chamanisme-écologie

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    BIOGRAPHIE DE PAUL DEGRYSE

    Actualités du site

    Occupation professionnelle :

    Anime des stages et des formations pour enseigner la connaissance et la pratique individuelle du chamanisme toltèque depuis 14 ans.

    Reçoit en individuel des personnes pour des coachings chamaniques.

    Anime des conférences sur la métaphysique ,la vision du monde et la connaissance de soi du chamanisme toltèque.

    Ecrit des livres sur les mêmes sujets (6 livres à ce jour, Novembre 2013)

    Parcours personnel

    -Séjour d’un an à Taiwan en 1985 auprès d’un chamane chinois pour recevoir l’enseignement du chamanisme ainsi qu’une forme très ancienne de taichi-chuan

    - lecture approfondie de toute l’oeuvre de Carlos Castaneda dont il fera la synthèse qui sera elle-même une partie de son 4ème livre : « chamane, le chemin des immortels » (editions Dervy)

    - différents séjours avec des groupes de chamanes en Europe centrale, en Finlande, en Arizona et au Mexique de 1987 à 2008

    -Commence à enseigner le chamanisme toltèque en 1998

    Ouvrages publiés :

    - 1987 : « le développement personnel systémique » (ed. Accarias-l’originel)

    - 2005 : « mettre du pouvoir dans ses actes » (ed. Dervy)

    - 2007 : « Chamane, le chemin des immortels » (Ed.Dervy)

    - 2008 : « Le dit des chamanes » (Ed. accarias-L’originel)

    - 2012 : « Pratique des gestes conscients toltèques » (Ed.Médicis-Dervy)

    - 2013 : « Le chamanisme Toltèque et le pouvoir de l'âme » (Ed.Dervy)

    - 2016 : « Chamanisme toltèque, le réalisme spirituel » (ed. Lanore)

  • Changement de monde.

    Usbek & Rica

    Quand des chercheurs appellent à nous préparer à l'effondrement climatique

    Pablo Maillé

    « Nouveau débat climatique : comment s’adapter à la fin du monde ». Dans un récent article, le magazine américain Bloomberg s’interroge : l’effondrement écologique est-il déjà en cours ? Et si oui, comment s’y préparer ? De plus en plus intéressés par ces questions, certains chercheurs américains préconisent des mesures radicales. D'après eux, la question n’est plus « Quand ? » mais « Comment s’y préparer ? ».

    « Si certains des scénarios les plus extrêmes des crises écologiques se produisent, nous serons, en Occident, contraints de faire face à de telles transformations, non pas par choix politique, mais par nécessité. » L’étude du chercheur Jonathan Gosling date de décembre 2016, mais elle n’a jamais semblé aussi actuelle : série d'ouragans particulièrement violents en 2017, sécheresse exceptionnelle dans le nord de l’Europe et incendies jusqu'en Arctique cet été, inondations en Caroline du Nord en septembre… Les évènements extrêmes semblent gagner en fréquence et en intensité. Est-ce déjà la fin du monde ? La société moderne peut-elle s’y préparer ? Et quelles sont les implications politiques et sociales du dérèglement climatique actuel ? Autant de questions que pose Bloomberg dans un article publié le 26 septembre, en prenant l’étude de Gosling pour point de départ.

    La partie néerlandaise de l'île de Saint-Martin, après le passage de l'ouragan Irma, en 2017. Source : Ministry of Defense, Netherlands / CC Wikimédia.
    La partie néerlandaise de l'île de Saint-Martin, après le passage de l'ouragan Irma, en 2017. Source : Ministry of Defense, Netherlands / CC Wikimédia.

     « Adaptation profonde »

    Une étude dans laquelle l’anthropologiste, aujourd’hui en retraite, préconisait non seulement une « décarbonisation rapide » et la mise en place d'« infrastructures résistantes aux tempêtes », mais aussi la construction de « systèmes d’eau et de communication pouvant résister à l’effondrement des réseaux électriques » et la « sauvegarde des réserves de nourriture, à travers la protection des insectes pollinisateurs ». Dans le cas contraire, prédit Gosling, « nous nous retrouverons à un point catastrophique, où tous nos systèmes de valeurs seront proches de la rupture. Nous n’aurons plus les capacités - économiques, sociales, politiques - de pouvoir jouir de niveaux de richesse et de prospérité matérielle indéfiniment croissants ».

    Des recommandations d’une urgence extrême, relayées aujourd’hui par d’autres scientifiques. Jem Bendell, professeur à l’université de Columbia, utilise ainsi le terme « adaptation profonde » (« deep adaptation ») pour décrire un ensemble de mesures à prendre, à la fois « physiques et culturelles » : côté physique, « se retirer des côtes, fermer certaines installations industrielles, planifier une rationalisation alimentaire, permettre aux paysages de retrouver leur état naturel » ; côté culturel, « renoncer à ses attentes concernant certains types de consommation, et apprendre à s’appuyer davantage sur les personnes autour de nous ».

    Déplacements de population

    Particulièrement importante pour les Etats-Unis, la question du déplacement des foyers situés sur les côtes est probablement « le point le plus coûteux », note Bloomberg. Depuis 1989, l’Agence fédérale américaine de gestion des situations d’urgence a ainsi dépensé 2,8 milliards de dollars pour racheter « seulement » 40 000 maisons dans des zones « particulièrement sujettes aux inondations ». Un chiffre bien en deçà des quatre millions de citoyens américains qui devront déménager quand le niveau des mers sera monté d’un mètre, comme le prévoyait une étude publiée en 2016 dans la revue Nature Climate Change. Si rien n’est fait, la situation débouchera sur « la migration totalement incontrôlée de centaines de milliers, voire de millions de personnes sur le sol américain », note Rob Moore, expert en politique au Natural Resources Defense Council et spécialiste des inondations.

    Professeur à Harvard et ancien directeur de la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences, William Clark soutient quant à lui un « changement d’échelle » dans notre travail d’adaptation. « Plutôt que de simplement demander aux gens d’arroser moins souvent leur gazon, par exemple, les gouvernements doivent envisager des projets d’infrastructures à long terme, comme le transport d’eau vers des régions de plus en plus arides et des villes éloignées de l’océan », écrit Bloomberg.

    De même, Cameron Harrington, professeur de relations internationales à l’Université de Durham en Angleterre et coauteur du livre Security in the Anthropocene, explique que l’adaptation aux bouleversements climatiques nécessitera que les gouvernements cessent d’envisager ces problèmes comme une simple « menace pour la sécurité ». Les Etats devront, au contraire, trouver de nouvelles solutions transfrontalières, par exemple en partageant leurs ressources en eau douce. « Nous ne pourrons pas ériger suffisamment de murs à nos frontières pour empêcher les effets du changement climatique », prévient Harrington.

    « Réponses collectives »

    Parmi les plus pessimistes (ou réalistes, c’est selon), Guy McPherson, professeur émérite de ressources naturelles à l’Université de l’Arizona, affirme que l’effondrement de notre civilisation interviendra peu après la disparition de la couverture glaciaire arctique en été, provoquant une augmentation brutale des températures partout dans le monde et des pénuries de carburant et de nourriture généralisées. D’après lui, un tel phénomène pourrait même intervenir « dès l’année prochaine ».

    Mais pour Jem Bendell, il s’agit moins de savoir quand le changement climatique ébranlera définitivement l’ordre social occidental que de commencer à l’évoquer et à s'y préparer. Interrogé sur la proximité de sa pensée avec celle du mouvement survivaliste, il objecte que son objectif est, justement, d’atténuer les dommages qui seront causés par un effondrement inévitable, pas de « chercher à survivre plus longtemps que les autres ». Et de conclure : « Il s’agit de réponses collectives, destinées à réduire au maximum les préjudices. »

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  • KUNDALINI, dans l'attente.

     

    Plusieurs personnes m'ont demandé ici ou sur ma page Facebook si la sortie de KUNDALINI était toujours prévue.

    Oui. 

    Probablement en octobre. La maison d'édition fait ce qu'elle peut au regard de la charge de travail pour le nombre de personnes. C'est toute la difficulté des petites structures : travailler à la promotion et à la vente et travailler à la découverte d'auteurs et de livres. Les deux tâches réclamant une très grande énergie et beaucoup de temps.  

    La maison d'édition m'a annoncé également qu'elle souhaitait publier "JUSQU'AU BOUT", " A COEUR OUVERT" et "LES EVEILLES"

    J'espère que les ventes de KUNDALINI viendront déjà récompenser l'engagement de la maison pour mes textes et ceux de tous les autres auteurs "anonymes".

    J'ai réalisé aujourd'hui qu'à partir de septembre 2019, début de ma retraite, je pourrai consacrer autant de temps que souhaité à l'écriture. Etrangement, je réalise ce qui va se produire avec la fin de cette activité professionnelle en m'imaginant écrire, n'importe quand...Librement.

    Pour ce qui est de "KUNDALINI", je pense, en tout cas, que sa lecture surprendra les lecteurs et lectrices.

     

    KUNDALINI

     

    « Maud. »

    Elle s’éloigna un peu de son visage.

    « L’important est que tu chevauches ton plaisir, pas qu’il te piétine.

    -La pleine conscience, c’est ça.

    -Oui, observe, visualise, dirige ton plaisir, c’est toi qui tiens les rênes. Et si tu fermes les yeux, ouvre-les à l’intérieur. Cette émotion que tu as ressentie tout à l’heure et qui a fini par te paniquer, va la chercher, elle est quelque part en toi, prends-là et mêle-la à l’énergie qui vibre, là, maintenant. Transforme cette peur en quelque chose qui élève. C’est simplement ton regard qui doit changer. Tu verras alors que tu as juste eu peur d’un amour qui te paraissait trop vaste. Mais tu ne te perdras pas dans ce territoire puisque c’est le territoire qui souhaite entrer en toi.

    -L’amour en moi.

    -La vie qui s’aime en toi, ajouta-t-il. Nous ne faisons pas l’amour, c’est l’amour qui se sert de nous pour que la vie prenne conscience d’elle-même.

    -Alors, je vais user de mon amour pour toi et aimer cette vie en moi », termina-t-elle avant de l’embrasser.

    Et d’avoir osé le dire l’inonda de douceur. Pour elle-même.

    Il s’était allongé sur le dos, elle avait posé une cuisse sur son bassin. Puis, elle descendit en pointant la langue sur son torse, elle parcourut son ventre puis ses bras, ses aisselles, ses mains, son cou puis de nouveau son ventre et lorsque sa bouche rencontra la verge dressée, elle s’appliqua à la mouiller, sur toute la longueur, à lécher les bourses et le périnée puis elle posa sa bouche à la cime et engloutit le membre lentement.

    Et plus incroyable encore pour elle qui ne se reconnaissait déjà plus, elle leva les yeux vers le visage de Sat et elle croisa son regard.

    Se voir dans ses yeux, comme un miroir diffusant du bonheur.

    Cette femme que Sat regardait caresser sa verge, c’était elle.

    Cette femme adorant en elle l’amour qu’elle offrait.

    Elle avait toujours fermé les yeux quand elle aimait Laurent et elle n’avait donc jamais pu se voir en lui.

    Cette estime de soi qu’elle libérait enfin, cet amour d’elle-même qui invitait l’amour de Sat.

    Elle serrait le membre palpitant et elle éprouvait au plus profond un plaisir qui n’était pas uniquement celui des sens.

    Sans pour autant pouvoir identifier clairement ce qui était là.

    Alors, elle cessa d’y penser.

    Sat fit signe de se redresser. Elle abandonna ses caresses et le regarda. Il passa la tête entre ses cuisses et glissa sous elle. Tête bêche.

    Les lèvres de Sat sur son sexe. Elle en tressaillit et elle renforça la pression. Elle posa la bouche sur la tige érigée, léchant le gland amoureusement puis elle l’avala autant qu’elle le put. Elle le voulait en lui, elle voulait qu’il gonfle encore en elle, elle voulait chevaucher son plaisir sur son corps, être une amazone, une maîtresse écuyère, la Déesse de Sat.

    Elle suspendit ses caresses un court instant.

    Une image fugace.

    Elle était drapée dans une robe d’argent. La femme de son rêve.

    Elle effaça l’image dans son plaisir.

    Les doigts de Sat glissaient de son anus à son vagin et sa langue vivace enlaçait son clitoris. Elle voyait monter en elle des ondes chaudes.

    Dehors. Sous les cieux, dans l’air tiède des ombres végétales. Elle aimait un homme, elle se donnait à lui comme elle n’avait jamais pensé pouvoir le faire de toute sa vie, avec cette impression de lui être offerte et en même temps de pouvoir jouer avec lui, dans une totale complicité…non…bien plus que ça…une reconnaissance…cette impression d’être reliée, connectée, absorbée, diluée, fragmentée, cette impression que seul le plaisir coulait dans ses veines…la langue de Sat…cette pointe appliquée qui jouait avec son sexe…des cisaillements soudains qui nourrissaient son désir…elle s’était totalement allongée sur lui, les seins épanouis sur son torse…elle sentait dans la verge des tensions régulières, des gonflements comme des houles passagères…elle savait que Sat appliquait ce qu’il savait…il avait parlé du contrôle énergétique…ne pas courir après l’orgasme…préliminaires, coït, orgasme…voilà, c’était le schéma qu’il avait détaillé…

    Elle s’arrêta. Net. Elle abandonna la verge, elle suspendit toutes ses caresses et elle s’assit en se tournant vers lui.

    Il en fit tout autant. Intrigué.

    « Sat. J’aimerais que tu m’enseignes la sexualité sacrée dont tu m’as parlé. Je ne veux pas juste reproduire ce que j’ai déjà vécu avec toi, même si mes ressentis sont infiniment plus profonds, même si je ne reconnais déjà plus rien de ce que j’ai déjà connu. J’aimerais que tu m’apprennes à nous aimer. Et tu vois, quand je dis « nous aimer », c’est déjà une transformation radicale. Jusqu’ici, je n’ai toujours fait l’amour que pour mon partenaire… et… pour moi. Mais jamais pour le nous. Même si je le croyais. Tu vois ce que je veux dire ? »

    Elle aimait son sourire quand il regardait ainsi en elle.

    « Oui, je vois ce que tu veux dire. Le nous signifie que tu es dans l’amour et non juste dans la sexualité, que tu es dans la conscience et non juste dans l’excitation, que tu es dans la patience et non juste dans l’urgence de l’orgasme et que tu es dans l’amour pour toi et c’est essentiel pour une femme.

    -Voilà, c’est ça. Un jour, je saurai l’exprimer à mon tour. Un jour, ça sera en moi pour toujours.

    -J’en suis convaincu. »

    Il l’invita à s’asseoir en lotus.

    Elle s’exécuta avec délice, impatiente et consciente de son impatience. Elle eut un rire bref, un éclat cristallin quand elle se vit s’observant intérieurement, visualisant la chaleur de ses désirs et le regard neutre qu’elle y posait.

    Elle pensa soudainement à ces étreintes anciennes où seule l’excitation guidait ses gestes. Cette impression qu’il n’en restait rien.

    « J’aime te sentir heureuse. »

    Il se pencha vers son visage et l’embrassa.

    « Le coït respiré. Ça me paraît tout à fait adapté.

    -Ce que tu veux, Sat, explique-moi. »

    Il se plaça devant elle et posa les mains sur ses cuisses entrouvertes.

    « Il s’agit de synchroniser les respirations sur les mouvements du coït. Lorsque ma verge entre en toi, tu l’attires par une inspiration naturelle, sans forcer, sans exagérer, n’essaie pas de la modifier par ton mental, laisse-toi guider par le rythme que ton corps adoptera. De mon côté, je me retire partiellement à chaque expiration et je reproduis le même va-et-vient, aussi longtemps que tu le souhaites. »

    Il se pencha vers elle et posa les lèvres sur sa bouche. Elle accueillit sa langue avec délice, les mains caressant son corps. Elle sentit le membre érigé frotter la corolle de son sexe.

    Les yeux au fond des siens, elle se concentra sur le souffle.

    « Depuis bien trop longtemps, Maud, la femme a été amenée à penser que son rôle était de satisfaire la sexualité génitale de l’homme. »

    Une voix murmurée à son oreille.

    «  La vérité est à l’opposé de cette habitude ancestrale. L’expression la plus noble de l’amour est que l’homme participe à l’extase divine de la femme, qu’il en soit l’ouvrier patient et appliqué. C’est dans cette dimension amoureuse que je parviens à être dans le nous. Oublie-moi, n’attache pas ton plaisir à mon image mais uniquement à l’amour de la vie en toi. C’est lui qui vibre et c’est lui qu’il convient d’honorer. Et la puissance de ton hommage pour cet amour de la vie nourrira mon plaisir. Abandonne-toi, ouvre-toi et je te rejoindrai. Tu es notre guide.»

    Cette envie de pleurer et de rire, elle finissait par l’aimer et ne plus la craindre. Elle plongea au fond de ses prunelles en inspirant, bouche ouverte.

    Elle sentit un contact léger, comme une tête prudente qui se glisse entre les rideaux entrouverts de la scène.

    Expiration, introduction partielle de l’acteur…inspiration…les pans de tissus qui s’ouvrent et cette chaleur en elle, comme des projecteurs irisés ruisselant d’averses tièdes…expiration... un instant suspendu dans l’observation intime des marées intérieures… inspiration prolongée, mouvements du bassin, elle sentait le membre glisser dans l’étroiture, des perles de rosée naissaient sur son parcours…expiration…les ressentis de sa présence en elle… elle les observait comme des empreintes éternelles…inspiration…elle l’aspirait, grande ouverte, un puits d’amour qu’elle voulait combler, qu’il remonte à son âme et qu’il l’emplisse de sa puissance…ce sourire qui ne la quittait plus, elle n’aurait su dire s’il était visible…elle aimantait le membre dans une inspiration magnétique, elle voulait le garder et craignait qu’il se retire…expiration…elle comprit alors qu’elle n’était pas vraiment là, que les pensées temporelles s’imposaient encore, que les émotions n’étaient pas celles de la vie mais bien toujours celle d’un mental qui craignait de disparaître…inspiration…abandonne-toi, laisse la vie te vivre, elle sait où elle va…Sat…elle n’avait pas oublié et s’en étonnait…Kundalini…il avait dit que les capacités neuronales s’amplifiaient…expiration…elle regrettait de n’avoir pas vécu pleinement la dernière pénétration… elle sentit monter de la colère…inspiration…elle l’enserra de ses bras et de ses jambes repliées dans son dos, elle se voulait ouverte, immense, béante, elle se voulait ancrage et qu’il ne puisse plus partir, elle retint son souffle…

    Elle n’y parvenait pas, il le savait, les pensées la tourmentaient et elle s’en voulait certainement de se voir aussi fragile, aussi instable et impatiente, il percevait les parasites dans les fluides, des nœuds profonds qui cisaillaient les courants d’énergie. Alors, il amplifia la cadence de ses mouvements, il en varia l’angle, il s’appliqua à onduler son pubis contre le sien, il se décala de nouveau sur le côté pour pouvoir saisir les tétons dressés et il les enveloppa de ses lèvres, il les suça ardemment, puis doucement, il les mordilla et les lécha, il cercla les auréoles de la pointe de la langue.

    Il pouvait la libérer, il le savait.

    Il entendit l’accélération de ses souffles, il sentit le déferlement des plaisirs dans les fibres irradiées.

    « Viens sur moi, Maud et on recommence. »

    Il s’allongea sur le dos.

    Elle l’enjamba et plaça son bassin au-dessus de sa verge. Elle la saisit et la conduisit à l’entrée de l’antre.

    La concupiscence. Elle en devinait les anciens ancrages, les attachements archaïques. De quoi avait-elle encore peur ? De ne pas réussir à jouir ? Que Sat éjacule et s’endorme ? Ridicule. Elle s’en voulait de cette absence d’abandon, de tous ces ressentis qui remontaient des mémoires de son corps, les déceptions de son sexe quand Laurent n’avait pas su l’enflammer. Mais elle, la femme bridée, qu’avait-elle accompli pour qu’il y parvienne ? S’était-elle jamais abandonnée avec lui ? Avait-elle aimé en elle l’amour que Laurent lui procurait ? Avait-elle réellement plongé dans l’offrande ?

    Inspiration.

    Elle descendit entièrement sur la verge, bouche ouverte, la tête en arrière, les mains en appui sur les genoux de Sat, le ventre creusé, les seins comme des oriflammes.

    « Oublie-moi »…

    Sat l’avait dit…Mais elle n’y parvenait pas.

    C’est lui qui enflammait ses entrailles, c’est son membre qui fouillait en elle, qui l’emplissait d’une irradiation totale.

    Expiration.

    Abandonner la verge de Sat. Elle avait dû faire un effort immense pour respecter la procédure.

    Il contemplait son visage, l’arrondi de ses seins comme des monts sublimes, les mouvements de son bassin alternant les va-et-vient. Il devinait encore des contractions fugaces, des ingérences mentalisées, des crispations de rides sur son front. Il insuffla dans sa verge des montées vibratoires, travail des muscles du périnée, visualisation du flux sanguin, concentration du souffle, accompagner l’air dans la verge, le gonflement des tissus, la rétention du sperme, l’inversion du flux montant, réactivation incessante du processus, comme une accumulation de forces contre la digue, des avalanches qui remontent la pente.

    « Ne pense pas à la nuit dernière, Maud, ne te fixe pas d’objectifs similaires, ce qui était n’est plus. Reste là, avec l’amour en toi. Il ne voyage pas dans le temps. Il n’y a que tes pensées qui s’égarent. Ne t’impatiente pas. Ce qui doit être arrivera.»

    Elle le regarda fixement, l’esprit étourdi, le corps tendu.

    Arrêter de penser et devoir y penser pour le faire. C’était absurde, elle le savait. Revenir à la respiration, la répéter précieusement comme un mantra.

    Sans y réfléchir, elle inversa le mouvement entre les pénétrations et le souffle. Elle descendit sur la verge en expirant et de se sentir vide d’air, elle percevait davantage la présence du membre palpitant.

    Elle initia un mouvement d’avant en arrière, pubis contre pubis, comme un roulement de vagues, une danse écumeuse, les mains affairées aux caresses du torse de Sat, cette présence en elle, l’énergie de Sat, elle voulait la bénir, elle voulait en nourrir sa jouissance. Elle se synchronisa de nouveau sur la respiration et elle sentit cette fois monter dans sa colonne une vague de frissons chauds. Des paliers qui se découvraient, des zones à franchir, comme des étapes vers l’altitude, elle pensa aux chakras puis rejeta l’image, elle n’avait pas assez de connaissances pour s’égarer dans les illusions du mental, elle voulait vivre et ne rien croire.

    Les frissons se dispersèrent dans son crâne comme des bruines tièdes et elle ferma les yeux.

    « Oublie-moi. » Il l’avait dit. Entrer dans le territoire de l’amour, sans identité, sans intention, évaporée comme autant de particules, saisir l’énergie, la fusionner avec l’énergie sexuelle…non…elles n’étaient pas différentes…elle se trompait…elle ne faisait pas l’amour…elle était dans l’amour et l’amour se servait d’elle.

    « J’aimerais qu’on se remette en lotus, Sat. »

    Il ne répondit pas mais l’invita à se retirer.

    Le vide en elle quand sa verge l’abandonna. Elle aurait voulu tenir dans ses mains la boule de chaleur qui s’évapora.

    Et c’est là qu’elle comprit l’alternance. C’est au moment où elle glissait de nouveau sur le sexe tendu qu’elle comprit le protocole.

    Augmenter la pression, accumuler l’énergie comme un bourgeon qui se gave de sève. Il ne connaît pas la suite de son aventure, il ne sait pas qu’il va s’ouvrir, qu’il deviendra feuille ou fleurs ou fruits. Il n’est que bourgeon et il vit.

    Et c’est là qu’elle comprit l’illumination. Le paysage qui avait fondu en elle. Juste là, dans cette contemplation affûtée, ces regards scrutateurs qui vont au-dedans des choses. Elle s’était libérée des visions de sa mémoire, elle n’avait pas regardé les reliefs comme des choses connues mais comme…

    Elle ne savait pas l’exprimer.

    Cette montée de larmes en elle.

    La respiration qui accélère, le soleil dans son dos, sur ses fesses, l’air autour d’elle comme un cocon silencieux et la verge de Sat comme un piston accordé à ses souffles. Elle entendit une voix qui gémissait et elle comprit étrangement que c’était elle, comme un écho lointain qui remontait des entrailles, la pression des pubis électrisant son clitoris, des décharges lumineuses, des bouffées d’air brûlant qui remontaient de son ventre et fusionnait avec l’air qu’elle inspirait, comme un circuit fermé mû par un mouvement perpétuel. Elle voyait en elle des courants pétillant, un cheminement précis, une circumnavigation interne, de sa bouche à son sexe, une boucle chargée de particules.

    Elle se cambra et tendit les seins, la tête en arrière, les cheveux tombant, la bouche ouverte, cette conscience de son corps impudique, elle n’en voulait plus, elle aimait la verge de Sat, elle aimait son corps, elle aimait la jouissance qui montait, l’impudeur était une morale humaine, rien dans l’amour en elle ne devait s’accorder à une morale, elle voulait jouir, être la femme réelle qu’elle devinait et de s’autoriser ainsi une nudité aussi totale, elle sentit fondre des chaînes mentales, des résistances inquiètes, des images fausses consumées par le feu de ses entrailles, par le brasier de ses fibres, par le ruissellement de son sexe, les flamboyances qui jaillissaient avec de plus en plus d’ampleur.

    Elle n’avait rien à retenir, elle n’avait rien à protéger, il n’y avait aucun danger, aucune menace, aucun objectif à tenir. Juste être là, dans le vide et se remplir de tout ce qu’il était.

    La verge de Sat comme un créateur d’Univers.

    Alors, elle voulut tout connaître, tout explorer, aller au-delà du connu puisqu’il n’était qu’une prison, que la mémoire était une geôle et qu’il fallait l’ouvrir pour qu’elle se charge du réel.

    Elle ne comprenait plus vraiment ce qu’elle pensait et elle se dit d’ailleurs que les pensées pensaient toutes seules, qu’elles existaient au dehors et qu’elles tombaient en elle.

    Elle se retira, fit demi-tour, passa une jambe de chaque côté du visage de Sat et prit sa verge dans ses mains. Elle la lissa, doucement et posa les lèvres sur le gland.

    Les doigts de Sat sur ses fesses, écartant les monts, sa langue fouissant entre les plis des lèvres nacrées.

    Elle continua à user de son souffle pour régler les mouvements de succion. Inspiration, elle absorbait la tige écarlate jusqu’aux racines.

    Expiration.

    Elle remontait jusqu’à la cime.

    Elle imagina un court instant les jets de sperme dans sa bouche. Des queues luisantes de comètes, des laitances épaisses comme des étoiles liquides.

    Le sperme de Laurent. Elle n’en aimait ni la matière ni le goût. Elle n’y percevait qu’une soumission nauséeuse et avait fini par la rejeter.

    Insignifiance des ressentis primaires. Elle voulait vivre l’instant et ne plus rien s’interdire, franchir les limites imaginaires, dépasser le cadre étroit de la matière.

    L’amour n’a pas de mémoire. Elle le comprenait enfin.

    Comme si cela participait au processus. Sans qu’elle ne sache vraiment ce que le processus contenait de découvertes ni même en quoi il consistait. Une évidence. Ce monde qu’elle avait aperçu tout à l’heure dans une étreinte incompréhensible s’ouvrait intégralement à ce que la vie proposait, sans rejet, ni colère, ni adoration, ni suffisance, ni peur, ni espoir, ni attente. Le monde jouissait de ce qui le constituait. Intégralement.

    La terre n’a jamais rejeté la moindre graine.

    Elle absorberait le sperme de Sat comme des rosées salutaires. Ou qu’il jaillisse.

    Et ce fut en elle comme une terre chaude qui s’ouvrait à la pluie.

    Elle glissa vers les pieds de Sat et le remercia intérieurement de son abandon à ses désirs. Elle posa les mains sur ses tibias, totalement dénués de poils, elle les trouva beaux et s’étonna de cette émotion. Des tibias…

    Une étrange contemplation, l’impression de voir crépiter des couleurs.

    Et là surgit la conviction que l’orgasme n’avait aucune importance, qu’autre chose était possible. Ce qu’elle avait déjà vécu dans les bras de Sat n’était pas l’objectif final. Il y avait un horizon aussi vaste que ce qu’elle avait connu lorsque le monde était entré en elle. C’est là qu’elle voulait aller.

    Elle le chevaucha de nouveau, les mains appuyées sur son torse. La verge comme une baguette de sourcier.

    Un déversement continu.

    Il était en elle comme la sève au cœur de l’arbre, comme le soleil sur le monde, la lumière nutritive. Il ne la pénétrait pas, il lui permettait d’être nourrie. Oui, c’était ça. La verge de Sat comme un cordon ombilical qui la reliait à la vie. Et coulait en elle le courant de la source, l’énergie de toutes choses.

    Les fleurs donnent un sens à la vie des bourdons. Sa matrice donnait vie à la verge de Sat. L’un et l’autre redevables de la conscience révélée de l’énergie créatrice.

    Les larmes de nouveau, un voile liquide qui noyait le paysage. Elle regarda les montagnes en descendant et montant sur la trompe butineuse et sa bouche ouverte aspirait des molécules parfumées.

    Elle varia l’angle de frottement du membre en elle, le point sublime qui l’avait fait couler, elle en adorait la rosée.

    Elle n’étouffa plus aucun de ses gémissements et elle voyait s’envoler dans les airs les souffles de sa voix, les aigus de ses râles, le chant de son corps.

    Jouir dans la nature et se réjouir de la nature en soi.

    Un papillon coloré passa devant elle, un vol chaotique empli de joie. Elle croisa son regard pétillant et elle en éclata de rire.

    Le plaisir l’enivrait et la verge engloutie agissait comme un alcool déversé, les vertiges l’emportaient et c’était délicieux, le brasier de son ventre remontait dans son dos et elle aurait pu dessiner à la perfection chacune de ses vertèbres, l’impression de les voir s’illuminer comme une guirlande, étage par étage, puis le courant lumineux redescendit entre ses seins et inonda son vagin.

    Ne pas succomber à l’orgasme comme un bourgeon qui s’ouvrirait dès les premiers flux de sève, constituer une boule d’énergie, plus forte encore, plus vaste, plus dense, accueillir et ne pas vouloir se consumer, s’emplir jusqu’à l’ultime débordement.

    Elle se dégagea de la verge et se déplaça. Il ne bougea pas. Elle s’accroupit au-dessus de son visage, comme si elle s’apprêtait à uriner, posant son sexe sur sa bouche, dans une posture qu’elle n’aurait jamais pensé initier. Et le bonheur de cette liberté l’envahit comme un souffle tiède, une risée de câlins chauds qu’elle regarda s’étendre.

    La langue de Sat fouillait en elle et ses mains pétrissaient ses fesses.

    « La puissance de ton hommage à l’amour de la vie nourrira mon plaisir. »

    Il l’avait dit, elle n’oubliait plus rien désormais, aucune parole, comme un enregistreur inépuisable.

    Elle s’était fabriqué des limites. Il n’y en aurait plus.

    Pour la première fois de sa vie, elle invitait un homme à la caresser. Sans retenue, sans culpabilité, sans aucune peur, comme elle le souhaitait, sans que rien ne bride son désir et elle découvrait, en regardant le visage de Sat entre ses cuisses, ce bonheur du plaisir reçu sans que rien ne soit dû.

    Il glissa deux doigts entre les lèvres, s’insinua lentement entre les parois intérieures.

    Elle s’abandonna aux pressions, elle se délecta des rotations, elle absorba le moindre frémissement.

    Elle leva les yeux vers les arbres, elle contempla les feuillages et sans pouvoir le comprendre, elle sentit dans son corps les pressions des sucs de la terre, le déversement des subsistances, la dispersion des flux énergétiques les plus infimes, la lumière absorbée pour que la vie se forme. Comme un envahissement libérateur, une invasion bénie des Dieux.

    Elle vit en elle, sans en expliquer l’apparition soudaine, les lumières rasantes du lever du jour, ce moment suspendu où la marée solaire gagne les territoires, où la terre endormie par les câlins de la nuit se réveille, ces ondes délicieuses de la chaleur qui s’installe, l’apparition de l’astre par-dessus les crêtes et l’ascension inexorable vers le zénith.

    Elle était au zénith.

    Elle se tendit, le souffle bloqué, bouche ouverte, les mains pressant la poitrine de Sat et l’explosion l’emporta.

    Une fois.

    L’énergie se rechargea immédiatement.

    Nouvelle ascension, deuxième vague contre la digue, un rouleau surpuissant qui balaya l’ouvrage, son sexe déversant des incendies liquides.

    Deux fois.

    Elle pensa un instant au visage de Sat, à sa bouche avide, à sa langue fouisseuse. Il ne se retirait pas, il accueillait ce qu’il déclenchait. Cet amour offert, cet homme entre ses cuisses ouvertes, cette attention sublime qu’il lui accordait. Elle voyait son regard aimant en elle et ce fut comme une fournaise.

    Trois fois.

    Elle se laissa tomber sur le côté.

    « C’est trop fort, je ne tiens plus. »

    Elle roula sur le dos. Il se dégagea et se plaça entre ses cuisses. Il souleva ses fesses et amena son pubis étoilé de cyprine à hauteur de son visage.

    Les regards qui se croisent.

    Il caressa de sa bouche la fine toison et lécha les lèvres avant de venir épouser le capuchon de son bouton érigé.

    Elle ne voulait plus le quitter des yeux, elle s’évertuait à plonger en lui, à se réjouir de chacun de ses gestes, à capter l’intégralité des offrandes, qu’elles soient visuelles ou autres, les parfums de la sueur de Sat, les fragrances de son sexe mâle, le goût de son vagin sur sa bouche quand il l’embrassait, elle voulait goûter à tous les sens et que ses pensées se taisent.

    C’est là que la contradiction apparut. Vouloir, c’était encore une pensée. Il lui restait encore à savoir taire ce mental, elle en devinait les résistances, comme des peurs qui s’accrochaient désespérément au-dessus des vides sensoriels.

    Aller au plus profond de l’ouverture de son corps.

    Le territoire de l’amour n’a pas de pensées.

    Le corps de Sat entre ses cuisses ouvertes. Il avait reposé doucement ses fesses sur la couverture. Ses regards sur elle. Il était si bon de se sentir aimée.

    Mais qu’aimait-il réellement ? Elle ou l’amour de la vie en elle ?

    Elle ne chercha pas la réponse. Elle accueillit sa verge et les pensées s’enfuirent.

    C’est lui qui adopta le protocole de la respiration et elle sentit à chaque souffle l’invasion délicieuse du membre et la chaleur insérée lorsqu’il se retirait. Elle aima l’alternance car elle ne souffrait plus de l’attente. Il ne restait que l’instant et sa complète absorption.

    Le visage béat de Sat et cette flamboyance dans ses prunelles, comme si la vie brûlait à l’intérieur mais qu’il gardait la maîtrise du feu.

    Elle accompagna ses souffles en synchronisant les contractions de son périnée lorsqu’il s’introduisait au plus profond, enserrant la verge dans son cocon et elle imagina son vagin comme un bourgeon extasié.

    Elle aimait les muscles de son dos et la fermeté de ses fesses, les sangles tendues de ses abdominaux, toute cette force contrôlée. Sat aimait la vie en lui et non pas l’image qu’il avait de lui. Elle le savait. L’explication de cette joie qui émanait de chacun de ses regards, la fluidité de ses gestes, la profondeur de ses paroles, cette observation bienveillante de l’existence. Et la sensualité de son corps, cette beauté naturelle qu’il préservait religieusement.

    Lui vint à l’esprit cette image des familles croyantes qui prient avant d’entamer un repas, ces paroles qui honorent et remercient.

    Elle regrettait de n’avoir pas prié avant de jouir et se promit de combler l’oubli, de remercier désormais avant de consommer la joie des corps.

     

  • Prix Nobel de la paix et viol

     

    En lisant cet article, il y avait quelque chose qui me dérangeait, sans que je parvienne réellement à identifier la raison. 

    Prix nobel de la paix...Viol...

    Oui, c'est ça...La juxtaposition des deux me semble tellement inconcevable, effroyable.

    Quand j'étais enfant, la guerre était représentée dans mon esprit par la mort des soldats et parfois des civils.

    Point. 

    Il m'était impossible d'imaginer la suite.

    Les viols... J'allais ajouter le mot "torture" mais le viol est une torture donc l'ajout est inutile. 

     

    Le stade ultime de la déshumanisation.

    Est-il possible d'imaginer l'esprit de ces hommes violeurs ?

    Comment concevoir une telle distance spirituelle, morale, philosophique, éthique entre ces hommes violeurs et moi, et nous, les autres, ceux qui aiment ?

    Comment est-il concevable que ces hommes existent ? 

    C'est là, dans ces récits, que j'ai le plus de mal à valider la possibilité d'un parcours d'âmes, d'élévation spirituelle par la réincarnation, d'un cheminement incontournable pour accéder à la plénitude.

    C'est tellement effroyable.

    Lorsque le mental tente de décrypter le parcours spirituel, le conflit est parfois inévitable.

    Parfois, le goût du nihilisme me revient. 

     

     

     

     

     

    Prix Nobel de la paix : l'activiste yézidie Nadia Murad et le gynécologue congolais Denis Mukwege récompensés

    L\'activiste yézidie Nadia Murad à la tribune des Nations unies à New York, le 9 mars 2017.
    L'activiste yézidie Nadia Murad à la tribune des Nations unies à New York, le 9 mars 2017. (KENA BETANCUR / AFP)

    Par franceinfo avec AFP – France Télévisions

    Mis à jour le  – publié le 

    Denis Mukwege a passé sa vie à soigner les femmes violées dans les conflits en République démocratique du Congo. Nadia Murad, capturée et violée par l'Etat islamique en Irak, est une jeune activiste des droits de l'homme et de la cause des femmes.

    Le gynécologue congolais Denis Mukwege et la jeune activiste yézidie Nadia Murad ont reçu le prix Nobel de la paix, vendredi 5 octobre. Ils sont récompensés pour leurs combats contre les viols de guerre.

    Nadia Murad, âgée de 25 ans, a été capturée et violée par l'Etat islamique en Irak. Depuis, elle est une activiste des droits de l'homme et de la cause des femmes. Aujourd'hui encore, Nadia Murad, tout comme son amie Lamia Haji Bachar, avec laquelle elle obtenait en 2016 le prix Sakharov du Parlement européen, n'a de cesse de répéter que plus de 3 000 Yézidies sont toujours portées disparues, dont certaines sont probablement encore captives.

    Connu sous le nom de "l'homme qui répare les femmes", Denis Mukwege, âgé de 63 ans, a passé sa vie à soigner les femmes violées dans les conflits en République démocratique du Congo. En 2014, il a déjà reçu le Sakharov du Parlement européen.

  • Faire rien et le faire bien.

    Au-dessus de mon bureau, dans la classe, il y a un carillon suspendu. Je m'en sers pour marquer l'état d'entrée en concentration lorsqu'un travail individuel s'enclenche.

    Discussion du jour. 

     

    "Depuis le début de l'année, je vous ai expliqué combien il était important pour moi que le travail que vous effectuez vous permette prioritairement de vous connaitre, c'est à dire à observer ce qui se passe en vous lorsque vous travaillez.

    Il est important que vous progressiez dans le travail scolaire mais il est plus important encore que vous progressiez dans votre propre connaissance de vous-même.

    Je vous ai expliqué qu'il était indispensable que vous parveniez à regarder en vous pour voir si vous êtes attentif à ce qui se passe autour de vous ou si êtes capable de vous concentrer réellement sur le travail en cours.

    Voir si vous êtes capable de peindre en jaune fluo les pensées associées à ce travail pour pouvoir laisser toutes celles qui n'ont aucun intérêt à ce moment-là.

    Voir si vous êtes capable de comprendre ce que signifie le contrôle des émotions, que ça soit la peur ou l'excitation.

    Voir si vous savez maintenir l'équilibre entre la volonté et le calme, c'est à dire la sérénité de celui ou celle qui sait qu'il possède le potentiel pour effectuer ce travail et qu'il doit tout mettre en oeuvre pour y parvenir.

    Voir si vous êtes capable d'identifier des moments où le travail a été insuffisant pour que ce potentiel puisse être pleinement exploité, voir si vous êtes capable de reconnaître vos manquements.

    Voir si vous pensez bien également à vous féliciter pour le travail accompli et à être fier de votre parcours, heureux de vous sentir grandir.

    Alors, maintenant, pour marquer l'entrée dans chaque nouvelle journée de découverte, j'aimerais actionner notre carillon et que pendant cinq minutes, nous nous mettions dans un état de calme total, physiquement et intérieurement, un moment pendant lequel, nous allons juste remercier cette nouvelle journée pour tout ce qu'elle va nous proposer de vivre et nous remercier nous-mêmes de ce bonheur de grandir.

    J'aimerais donc que pendant cinq minutes, nous décidions de "faire rien et de le faire bien." 

     

     

  • Le savoir des Kogis

    Culture & Solidarités

    Dialogue inédit entre chamanes kogis et scientifiques dans la Drôme

    ©Denis Mauplot

    De fin août à mi-septembre 2018, trois chamanes Kogis de Colombie et une quinzaine de scientifiques français se sont rencontrés pour établir un diagnostic croisé sur l’état de santé écologique de la Drôme. Entre science occidentale et savoir traditionnel, quel bilan ont-ils tiré de cette expérience ? 

    « Les Kogis de Colombie sont-ils porteurs d’une connaissance que nous aurions perdue ou que nous ignorerions ? Est-ce une connaissance liée à leur culture ou est-elle l’expression d’une connaissance universelle ? » interroge Éric Julien, géographe, fondateur de l’association Tchendukua et à l’initiative d’une rencontre inédite entre des scientifiques français et des Amérindiens kogis – un peuple racine vivant en harmonie avec la nature depuis 4 000 ans dans les montagnes colombiennes. Pendant une dizaine de jours, quatre Kogis (dont trois chamanes) et une dizaine de scientifiques (naturalistes, géographes, anthropologues, un médecin et un philosophe) ont parcouru la Drôme pour croiser leurs diagnostics sur l’état de ce territoire. Et pour que l’expérience soit la plus objective possible, Français et Colombiens ont travaillé 5 à 6 jours de leur côté (sans cartes pour les Kogis), avant de se rejoindre trois jours pour partager leurs analyses sur un écosystème qu’ils n’avaient jamais étudié auparavant.

    Géologie, eau, végétation, climat… Les thèmes abordés ont été l’occasion de confronter deux méthodes et deux regards sur la nature. Sur le terrain, Éric Julien se souvient avec émotion qu’en marchant dans une zone de grès, « l’un des Kogis a pris une roche et, lorsqu’on lui a demandé ce qu’elle était pour eux, ils nous a expliqué que c’était une roche très ancienne qui gardait la mémoire de la fondation du monde et de la création de la vie. En me tournant ensuite vers le naturaliste, celui-ci nous a dit que c’était du grès du Trias, qui datait de – 350 millions d’années, qui venait du magma de la terre et qui parlait de la création du monde ! »

    La naturaliste Béatrice Krémer-Cochet a elle aussi constaté tout au long des échanges que si « les Kogis ont une manière différente de présenter les choses, les conclusions sont les mêmes ». Les diagnostics kogis se sont souvent révélés très pertinents. Ainsi, lorsque ces derniers ont décrit la zone du sud du Vercors comme un territoire où il y avait eu, en des temps anciens, la présence d’animaux marins, les scientifiques ont confirmé l’origine océanique de la formation de ces montagnes il y a 150 millions d’années. « Les Kogis avaient-ils observé des fossiles marins ou avaient-ils fait appel à d’autres sources de connaissance ? » s’interroge la naturaliste.

    Comment savent-ils tout cela ? La question n’aura de cesse de tarauder les scientifiques à leur contact. Pour Gilbert Cochet, naturaliste, les Kogis ont une appréhension « quasi intuitive de la nature, un ressenti direct qui leur fait voir beaucoup de choses ». Souvent épaté, le chercheur associé au Muséum d’histoire naturelle, a été particulièrement surpris de constater que les chamanes kogis ont très vite perçu que les pins noirs d’Autriche « n’étaient pas à leur place » dans cet environnement. Une espèce en effet implantée dans la région en monoculture depuis la fin du XIXè siècle.

    En marchant dans la montagne, quelle ne fut pas non plus la surprise des scientifiques lorsque les Kogis purent localiser une source d’eau ou une faille géologique invisibles à l’œil nu. « Tout au long de l’expérience, ils nous ont montré que leur savoir est opératoire et opératif. Je pense qu’ils ont une perception très fine. Il faut rappeler que les chamanes kogis ont une éducation très spéciale : ils passent dix-huit ans dans le noir à développer une hypersensibilité. Si nous pouvons sentir l’odeur d’un gâteau à la fraise, eux sont capables de sentir ce que la géobiologie voit comme du magnétisme avec les courants souterrains par exemple. En identifiant aussi l’effet des eaux souterraines sur les systèmes racinaires ou en localisant le déplacement des animaux, ils situent ce que les forestiers appellent les trames de la vie », analyse Éric Julien.

    Le chamane Shibulata propose en effet une vision plus sensible en invitant les Occidentaux à « réapprendre de la nature ; la connaître, c’est aussi sentir la Terre Mère, car la nature n’est pas seulement une idée abstraite ». Le philosophe Patrick Degeorges, directeur de l’école Anthropocène de l’ENS de Lyon, constate ainsi que « notre pensée objectivante et opératoire fonde la connaissance scientifique sur la mise à distance, la représentation de son objet, le détachement et le contrôle, alors que les Kogis nous invitent à renouer avec le vivant, pour interagir avec lui dans une relation d’épanouissement réciproque. Ce qui est, au premier abord, déroutant. »

    © Philippe Brulois

    « Maltraiter l’eau c’est comme maltraiter une femme »

    Pour Gilbert et Béatrice Cochet, cette sensibilité s’explique parce qu’ « ils vivent en permanence dans la nature. Ils ont un tel contact avec leur environnement qu’ils ont appris à l’observer de manière très fine, au point d’être capables de la transposer dans un autre espace que le leur. » En sillonnant la Drôme, les Kogis ont aussi particulièrement été sensibles à la question de l’eau. En déroutant le lit des rivières, en construisant des barrages ou captant toute l’eau d’une source, la société monopolise à leurs yeux l’accès à l’eau au détriment du partage avec les autres êtres vivants comme les animaux et les végétaux. Les territoires s’assèchent et s’appauvrissent en biodiversité.

    Femme chamane, Narcisa n’hésite pas à aller plus loin, en pointant la gravité de la situation. Pour cette femme, qui n’avait jamais quitté sa montagne en Colombie, « maltraiter l’eau c’est comme maltraiter une femme ». Elle rappelle ainsi que, pour les Kogis – comme chez tous les peuples racines des Amériques –, la Terre est une mère à qui l’on doit la vie. « Pour nous, la femme est aussi représentée par l’eau et la Terre Mère. Donc, si on maltraite une femme, on maltraite l’énergie de l’eau et la nature. Chez nous, il est impossible de tuer une femme, ce serait se tuer soi-même. Nous, les femmes, nous sommes d’une importance vitale. Donc, ce serait bien si vous pouviez protéger notre bien commun, comme une mère protège ses enfants », plaide avec sagesse Narcisa.

    Aujourd’hui, dans la Drôme comme ailleurs, cette Mère Nature est malade, en déséquilibre. « “À quoi cela sert-il de faire toutes vos études pour finalement détruire la nature ? Vous voulez entrer en compétition avec le Soleil et vous brûler ?”, nous ont interpellé les Kogis », rapporte Gilbert Cochet, saisi par la force de leur propos. Pour Éric Julien, qui travaille avec ce peuple racine depuis près de trente ans, « les Kogis nous disent : “Réveillez vos connaissances, réveillez cet universel sur vos terres.” Il s’agit désormais de refaire de nos territoires des sujets et non plus des objets, pour passer du paysage au pays-sage, et de l’aménagement du territoire au ménagement des lieux. » Patrick Degeorges ajoute : « C’est peut-être en les écoutant, en les comprenant, que nous pouvons réapprendre aussi à remettre chez nous, au cœur de nos évaluations, l’unité indissociablement organique et spirituelle qui fait la vie d’un corps territorial. »

    Si le chamane Bernardo, qui n’avait lui non plus jamais quitté ses montagnes, a eu du mal au début du séjour à comprendre tout ce qui se passait dans ce monde extérieur, il fut néanmoins rassuré de rencontrer de nombreuses personnes en France préoccupées elles aussi par le sort de la nature. « Si on arrive vraiment à faire ces échanges entre vous et nous, peut-être que l’on pourra travailler et retrouver les lois de paix et d’harmonie avec la nature. Nous pourrons alors nous entendre pour arriver à un accord sur la façon de protéger la nature. »

    Par Sabah Rahmani

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