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Jeux Olympiques de Los Angeles
- Par Thierry LEDRU
- Le 11/01/2025
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Autant, je compatis à la douleur des habitants de Mayotte, autant la situation de la population de Los Angeles me laisse froid. (oui, j'utilise cet adjectif volontairement).
Je pense par contre avec une infinie douleur aux milliers d'animaux qui ont péri carbonisés et aux millions d'arbres calcinés.
Et je me contrefiche totalement que les souvenirs de Johnny Hallyday aient brûlé avec la maison de sa femme et jen pense tout autant de toutes les maisons des milliardaires qui ont fini en cendres.
Quant aux Jeux Olympiques, j'ai déjà dit ce que j'en pense : c'est devenu une aberration écologique, une de plus et s'ils ont toujours lieu, c'est principalement pour la manne financière que ça représente pour les sponsors et les constructeurs du BTP, les avionneurs, les agences de voyage, les hôtels et tous ceux qui gravitent dans le secteur du tourisme. Et j'en pense tout autant de la coupe du monde de foot ou de rugby et des jeux olympiques d'hiver.
Il n'y a plus que le sport amateur qui trouve grâce à mes yeux.
Resilience Montagne
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JEUX OLYMPIQUES ET CLIMAT
« Los Angeles est ravagé par des incendies massifs depuis plusieurs jours.
Au moins 11 personnes sont mortes, des milliers de familles sont déplacées, les infrastructures détruites et la biodiversité décimée. Les conséquences sont dramatiques et touchent particulièrement les communautés vulnérables.
Accentués par le réchauffement climatique, ces mégafeux sont plus fréquents et intenses en Californie (+320% de surfaces brulées entre 1996 et 2021, NOOA).
Le GIEC rappelle que ces événements climatiques extrêmes sont et seront de plus en plus fréquents et violents en raison du changement climatique provoqué par les activités humaines.
2024 a été l'année la plus chaude de l'histoire de l'humanité.
Pour la première fois, nous avons dépassé le seuil de 1,5 °C de réchauffement par rapport à l'ère préindustrielle (Copernicus).
Nous nous devons de replacer cet événement dans le contexte politique du pays.
Dans quelques jours, Donald Trump sera à nouveau investi président des États-Unis.
Les flammes de LA ne semblent pourtant pas ébranler son discours climatosceptique (il a déclaré en novembre que "nous n'avions pas de problème avec le changement climatique"), ni son programme orienté vers la désinformation et la désorganisation des agences de protection de l'environnement.
À l'heure où Los Angeles se prépare à accueillir les Jeux Olympiques de 2028, nous ne pouvons que rappeler que les événements sportifs internationaux contribuent à alimenter un modèle irréconciliable avec nos limites planétaires.
Ces incendies nous montrent aussi que le sport est intrinsèquement vulnérable au changement climatique.
Nos pratiques sportives doivent s'adapter pour limiter l'impact environnemental qu'elles provoquent. Plusieurs organisations sensibilisent, alertent, accompagnent les acteurs du sport et les sportifs.
Informez-vous, engagez-vous
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C'est encore et toujours là
- Par Thierry LEDRU
- Le 06/01/2025
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On regarde une série sur l'ordinateur : "RIVAGES"
Dans un épisode, le personnage principal, une scientifique, vient à l'hôpital pour voir une personne qui lui est chère et qui est dans le coma. Elle lui prend la main et lui parle.
"Je ne peux pas pleurer parce que si je me laisse aller, si je laisse les émotions m'emporter, je vais sombrer."
J'ai eu une montée d'émotions, énormes, les larmes aux yeux, une brûlure dans le ventre. J'étais là, au bord du lit, à veiller mon frère.
J'avais 16 ans, j'en ai 62
Il en avait 19.
C'est là, encore une fois, que je réalise à quel point cette partie de ma vie s'est ancrée au plus profond, à quel point j'ai grandi avec elle. On n'oublie rien. C'est quelque part en nous.
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Nouvel an
- Par Thierry LEDRU
- Le 31/12/2024
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Que celui qui a l'aplomb de souhaiter une bonne année réfléchisse deux secondes. Pas plus.
Nous ne savons aucunement où nous allons.
Je n'ai aucun espoir et ne suis aucunement désespéré. Je suis neutre.
Je n'aime pas cette convenance qui voudrait qu'on souhaite une bonne année à quelqu'un qui sera peut-être mort demain. Je considère que c'est un mensonge.
Un lundi soir, mon frère était vivant et le mardi matin, il était mort. Il avait 39 ans.
Non, je n'ai aucune peur de la mort étant donné qu'elle n'a aucune réalité tant que je suis vivant.
Je veux bien souhaiter à tout le monde de profiter de chaque instant mais je ne me projetterai pas plus loin.
Advienne que pourra et on fera au mieux.
Bonne nuit.
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Le champ profond de Hubble
- Par Thierry LEDRU
- Le 31/12/2024
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Le champ profond de HUBBLE
Le 30 décembre 1924, Edwin Hubble (1889-1953), après une série d’observations réalisées quelques mois plus tôt, annonçait officiellement une découverte qui allait changer radicalement notre connaissance de l’univers : des nébuleuses, que l'on croyait situées à l’intérieur de notre Galaxie (le terme s’écrit avec une majuscule quand il s’agit de la nôtre, appelée aussi la Voie lactée), s’avéraient être d’autres galaxies indépendantes et beaucoup plus éloignées qu’on ne le pensait.
La Voie lactée, n’était donc pas l’univers, mais juste une partie infinitésimale, une galaxie parmi des milliards d’autres. Quelques précurseurs, tels Emmanuel Kant ou William Herschel soupçonnaient déjà cette réalité, les travaux d’Edwin Hubble la confirmèrent de manière irréfutable. Troublant de penser qu’à l’époque où les relativités restreintes et générales d’Einstein avaient déjà révolutionné notre vision de l’univers, la tendance majoritaire était de croire que la Galaxie (la nôtre donc, c’est bien de le repréciser) représentait en quelque sorte l’univers tout entier !
Un télescope spatial, lancé en 1990 et toujours en activité, fut baptisé Hubble en hommage aux travaux d’Edwin.
Belle intuition car en 1995, ce télescope réalisera le fameux « champ profond de Hubble » sur une minuscule zone du ciel assez sombre où seules 4 étoiles de faible luminosité sont visibles (et serviront de guides).
Quand j’écris « minuscule zone du ciel » c’est plus qu’un euphémisme : la zone représente un 30 millionième du ciel. En gros, imaginez vous, dans un champ, tendre une épingle à bout de bras ; la tête de cette épingle représentera la zone photographiée. On peut aussi opter pour un bouton de chemise à 25 mètres, un ballon de foot à 900 mètres etc. Dans cette minuscule zone du ciel, totalement sombre hormis les 4 étoiles à faible luminosité citées plus haut, après des durées d’exposition de plusieurs dizaines d’heures (pour capter un maximum de lumière) sur quatre longueurs d’onde différentes, le télescope spatial produira une image devenue légendaire où l’on dénombrera pas moins de 3000 galaxies.
C’est peu dire que, face à l'immensité, nous sommes bien peu de chose...
Robert Loï
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Les droits des "êtres non-humains"
- Par Thierry LEDRU
- Le 29/12/2024
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Il me semble que c'est Albert Einstein qui a écrit : " Le chaînon manquant entre le singe et l'homme, c'est nous. "
Si nous n'accordons pas de droits aux être non humains, sommes-nous réellement humains ou pas encore ?
"Mais peuvent-ils souffrir ?" : 5 textes philosophiques sur la sensibilité animale
Par Pauline Petit
Publié le vendredi 26 mars 2021 à 17h50
12 min
"La question n'est pas : peuvent-ils raisonner ?, ni peuvent-ils parler ?, mais peuvent-ils souffrir ?", Jeremy Bentham.
© Getty - Frans Lemmens
De la reconnaissance de la souffrance animale à la question de l'extension des droits aux "êtres non-humains" : parcours à travers quelques essais philosophiques qui ont durablement marqué la réflexion sur l'éthique animale, de Porphyre à Tom Regan en passant par Jean-Jacques Rousseau.
Ni véritable frère humain comme il peut apparaître sous la plume de La Fontaine, parlant et s'affairant à divers métiers, ni simple objet aux facultés automatiques comme le suggérait Descartes, l'animal est considéré comme un être vivant doué de sensibilité. C'est en raison de la reconnaissance, progressive, des capacités qu'ont les animaux à ressentir de la douleur que la question de leurs droits a évolué.
En janvier dernier, la proposition de loi contre la maltraitance animale a été adoptée à l'Assemblée nationale. Elle prescrit, entre autres, le durcissement des sanctions pour mauvais traitement, l'interdiction progressive de la détention d'animaux dans les cirques et des élevages destinés à la production de fourrure. Majoritairement saluées, ces mesures reflètent un souci grandissant du respect des animaux. Depuis 2015 en France, ceux-ci sont en effet définis par le Code civil (art. 515-14) comme : "Des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens."
À écouter
En quoi le bien-être animal est-il une question politique ?
Le Temps du débat
39 min
Mais aux yeux de certains philosophes et juristes, ce statut soulève au moins une contradiction. Définis par leur sensibilité, qui les distingue des biens et des choses, les animaux demeurent pourtant "soumis au régime des biens" là où les lois n'encadrent pas leur protection. Si cette ambivalence nous frappe, c'est que la question de la sensibilité des animaux nous taraude depuis des siècles : comment la définir ? Est-elle différente de celle des êtres humains (l'animal éprouverait de la douleur comme une simple sensation tandis que l'homme souffrirait de façon consciente et vécue) ? Qu'implique-t-elle du point de vue de nos comportements envers ces êtres avec lesquels nous partageons le monde ?
Ces questions, aux implications philosophiques, éthiques et même politiques, ont été traitées dans nombre d'essais. Au cours de l'histoire, il s'est toujours trouvé des philosophes appelant à une reconception de la condition animale. Ce sont les penseurs antiques qui prônent le régime végétarien pour des raisons éthiques, les savants des Lumières qui remettent en cause la "chaîne des êtres" classique selon laquelle l'espèce animale se trouve soumise à celle des humains, ou encore les philosophes moraux anglo-saxons qui avancent l'idée de droits pour les "êtres non-humains". Retour sur quelques-uns de ces grands textes philosophiques qui ont marqué la réflexion éthique sur la sensibilité animale.
À lire
La diète-éthique de Porphyre : tu ne mangeras pas ton semblable souffrant
Parmi les motivations invoquées par les défenseurs des animaux, un point fait consensus : la souffrance animale existe. "Si les animaux ne souffraient pas, dit-on, la question de leur statut moral, celle de notre responsabilité à leur égard, ne se poserait pas davantage que pour les arbres, les légumes, les roches ou les rivières", constate le philosophe Jean-Baptiste Jeangène Vilmer dans Éthique animale (PUF, 2008). Et les carottes, ne souffrent-elles pas quand on les déterre en tirant sur leurs fanes ? La question, un brin moqueuse, parfois opposée aux défenseurs du bien-être animal révèle le soupçon porté sur la véracité, ou au moins le degré, de cette souffrance. Tuer une bête pour la manger ne serait pas plus problématique que de cueillir une salade.
L'argument est loin d'être nouveau. Porphyre de Tyr, philosophe néo-platonicien connu pour avoir été le disciple de Plotin, y répondait déjà au IIIe siècle dans son traité sur l’abstinence de la chair des animaux :
"Mettre sur le même pied plantes et animaux, voilà qui est tout à fait forcé. La nature des uns en effet est de sentir, de souffrir, de craindre, de subir un dommage et donc aussi l’injustice. Les autres n’ont aucune sensation et donc rien qui leur soit inapproprié ou mauvais, un dommage ou une injustice." Porphyre, De l'abstinence, III (vers 271)
À lire
Dans ce traité en trois volumes, le philosophe énumère diverses raisons de ne pas mettre de chair animale dans assiette. Il s'adresse à un ami, Firmus Castricius, lequel, apprend-il avec déception, s'est remis à consommer de la "pâture carnée" et a même condamné publiquement le végétarisme ! En s'appuyant sur des observations des comportements animaux, Porphyre montre qu'ils raisonnent, communiquent avec leurs semblables comme avec les hommes, souffrent… Bref, que les animaux ont une intelligence et que celle-ci doit nous empêcher d'établir une séparation ontologique entre notre espèce et la leur, au nom de laquelle on aurait le droit de les tuer pour notre simple plaisir gustatif. Selon Porphyre, c'est "par gloutonnerie que les hommes refusent la raison aux animaux."
On connaît d'autres végétariens illustres : Pythagore défend ce régime parce qu'il croit en la métempsycose : maltraiter un animal ou le tuer, c'est peut-être faire du mal à un proche réincarné. Quant à Plutarque, il considère que manger des animaux n'est tout simplement pas un besoin. Cette question, loin d'être marginale, a été diversement traitée selon les écoles philosophiques antiques, comme l'explique le professeur de littérature Renan Larue :
"Les uns proclament que l’espèce humaine est la finalité de l’univers, que les autres créatures ne sont que des moyens et qu’il faut honorer la divinité en lui offrant des sacrifices. Les autres assurent au contraire que l’homme est une partie du monde créé, que nous devons considérer les animaux comme nos parents, et que les dieux, qui sont bons, interdisent qu’on verse en leur nom le sang de victimes innocentes. Ceux-là considèrent que nous perdrions notre humanité à accorder des droits aux bêtes ; ceux-ci que nous la perdons à chaque fois que nous les maltraitons, que nous les mettons à mort et que nous mangeons leur chair . Renan Larue, Le Végétarisme et ses ennemis (PUF, 2015)
À écouter
Depuis quand défend-on les animaux?
La Fabrique de l'Histoire
53 min
Pitié pour les animaux : Jean-Jacques Rousseau contre l'animal-machine
Au XVIIe siècle, dans la lignée de Descartes, une certaine lecture mécaniste de l'animal se développe en Occident. Si on s'intéresse à l'animal, c'est surtout pour mettre en lumière ce qui fait la spécificité de l'être humain. Selon Descartes, tous deux sont comparables à des machines. Mais l'être humain, contrairement à l'animal, échappe au statut de pur automate en cela qu'il possède une âme - c'est le dualisme cartésien de l'âme et du corps.
L'hypothèse de l'animal-machine principalement théorisée par les successeurs de Descartes a amené certains d'entre eux à considérer l'animal comme un être dont les réactions sont automatisées et non pleinement senties et vécues. Malebranche, rapporte-t-on, aurait déclaré après avoir battu son chien qui répondait à l'attaque par des aboiements : "Regardez, c'est exactement comme une horloge qui sonne l'heure !" On en convient désormais, la scène relève de la maltraitance. Pour autant, l'idée selon laquelle les animaux seraient, à l'instar d'objets, dénués de sensibilité consciente (ou alors sous une forme minimale) n'a pas disparu. En quelque sorte, elle se trouve transposée dans le droit avec la soumission de l'animal au régime des biens, et se manifeste dans la conception d'un animal-marchandise selon laquelle on accepte, par exemple, que des animaux atteints de maladie contagieuse soient abattus plutôt que vaccinés.
À écouter
Vers un nouveau pacte Homme/Animal (4/4) : L’animal est-il une personne comme les autres ?
Cultures Monde
58 min
Cette fable de l'animal-machine est cependant remise en cause au XVIIIe siècle. Le développement de la classification du vivant permet une meilleure connaissance des espèces animales et de leurs spécificités biologiques et comportementales. Le Traité des animaux (1755) de Condillac ou encore les Lettres philosophiques sur l'intelligence et la perfectibilité des animaux (1768) de l'éthologiste Georges Leroy qui décrivent le caractère finalisé du comportement animal, contribuent à faire entendre que la condition de l'animal et celle l'homme ne sont pas si éloignées. Dépassant l'opposition entre l'instinct animal versus la raison humaine pour aller sur le terrain de la morale, Jean-Jacques Rousseau fait de la sensibilité commune aux deux espèces la raison pour laquelle l'homme doit respecter les bêtes :
"On termine aussi les anciennes disputes sur la participation des animaux à la loi naturelle. Car il est clair que, dépourvus de lumières et de liberté, ils ne peuvent reconnaître cette loi ; mais, tenant en quelque chose à notre nature par la sensibilité dont ils sont doués, on jugera qu'ils doivent aussi participer au droit naturel, et que l'homme est assujetti envers eux à quelque espèce de devoirs. Il semble, en effet, que si je suis obligé de ne faire aucun mal à mon semblable, c'est moins parce qu'il est un être raisonnable que parce qu'il est un être sensible ; qualité qui, étant commune à la bête et à l'homme, doit au moins donner à l'une le droit de n'être point maltraitée inutilement par l'autre." Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755)
En faisant de la sensibilité la condition par laquelle les êtres vivants, humains comme animaux, ont des droits naturels, le philosophe inclut tous les êtres souffrants au sein d'une communauté morale. S'il n'est pas "libre", l'animal a néanmoins des droits en vertu de la sensibilité qu'il partage avec l'homme et celui-ci, des devoirs envers lui : "Il ne fera jamais du mal à un autre homme ni même à aucun être sensible, excepté dans le cas légitime où sa conservation se trouvant intéressée, il est obligé de se donner la préférence à lui-même."
À écouter
Radiographies du coronavirus, la chronique
5 min
Jeremy Bentham, la souffrance est la seule question qui vaille
Quelques années après son confrère genevois, le philosophe et juriste britannique Jeremy Bentham fait de la sensibilité des animaux le fondement de la relation éthique entre humains et animaux. L'année de la rédaction de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, énoncé des droits naturels et imprescriptibles communs à tous les êtres humains, Bentham publie son Introduction aux principes de Morale et de Législation. Il y présente sa doctrine utilitariste et propose d’intégrer les animaux à la communauté de droit, dont ils sont exclus en tant qu'êtres non doués de raison, en vertu de leur capacité à souffrir :
"Le jour arrivera peut-être où le reste de la création animale acquerra les droits que seule une main tyrannique a pu leur retirer. Les Français ont déjà découvert que la noirceur de la peau n'était pas une raison pour abandonner un homme au caprice de ses persécuteurs sans lui laisser aucun recours. Peut-être admettra-t-on un jour que le nombre de pattes, la pilosité ou la terminaison de l'os sacrum sont des raisons tout aussi insuffisantes d'abandonner un être sentant à ce même sort. Quel autre critère doit permettre d'établir une distinction tranchée ? Est-ce la faculté de raisonner, ou peut-être la faculté de parler ? Mais un cheval ou un chien adulte est un être incomparablement plus rationnel qu'un nourrisson âgé d'un jour, d'une semaine ou même d'un mois - il a aussi plus de conversation. Mais à supposer qu'il n'en soit pas ainsi, qu'en résulterait-il ? La question n'est pas : 'peuvent-ils raisonner ?', ni 'peuvent-ils parler ?', mais 'peuvent-ils souffrir ?'" Jeremy Bentham, Introduction aux principes de la morale et de la législation, chap. XVII (1789)
Le passage se trouve dans un essai qui, par ailleurs, traite de tous autres sujets. Il est cependant devenu incontournable de la littérature sur l'éthique animale, en vertu de ce déplacement : la considération morale envers les animaux ne tourne plus autour de la raison, mais de la sensibilité. Bentham emploie ce qu'on appelle aujourd'hui "l'argument des cas marginaux". Si une capacité comme la parole, par exemple, était un critère pertinent sur lequel fonder la considération morale, nous n'en aurions pas pour les nourrissons dont on ne comprend pourtant pas - ou mal - le babillage. Comme l'écrira Henry Sidgwick, philosophe britannique du XIXe siècle qui s'inscrit dans la pensée utilitariste de Bentham, "la différence de rationalité entre deux espèces d’êtres sensibles ne permet pas d’établir une distinction éthique fondamentale entre leurs douleurs respectives" (The Establishment of Ethical First Principles, Mind, 1879).
À écouter
L'économie du bonheur (1/4) : Dans la peau de Jeremy Bentham
Entendez-vous l'éco ?
59 min
Peter Singer, considérer les intérêts des animaux non-humains
Si l'on suit l'utilitarisme de Bentham, et que l'on considère avec lui que le bonheur est un bien et la souffrance un mal à minimiser, la sensibilité entre dans le champ de la morale. Au XXe siècle, Peter Singer, un philosophe australien et professeur de bioéthique à l'université de Princeton, va appliquer cette théorie pour proposer une véritable "libération des animaux". En tant qu'êtres sensibles, ceux-ci devraient bénéficier d'une égale considération de leurs intérêts :
"Si un être souffre, il n’y a aucune justification morale qui permette de refuser de prendre en considération cette souffrance. Quelle que soit la nature d’un être, le principe d’égalité exige que sa souffrance soit prise en compte de façon égale avec toute souffrance semblable — dans la mesure où des comparaisons approximatives sont possibles — de n’importe quel autre être. Si un être n’a pas la capacité de souffrir, ni de ressentir du plaisir ou du bonheur, alors il n’existe rien à prendre en compte." Peter Singer, La Libération animale (1975)
Pour Peter Singer, les animaux subissent des "discriminations" de la part des êtres humains au nom de la différence des espèces. L'ouvrage décrit de nombreuses situations dans lesquelles la souffrance des "animaux non-humains" n'est pas considérée : expériences en laboratoire où l'on verse du décapant pour four dans les yeux de lapins, élevages intensifs où des veaux sont maintenus malades afin que leur viande reste blanche, etc. Pour le philosophe, cette souffrance infligée est d'autant plus injustifiable qu'elle n'est pas nécessaire : puisque la survie de l'être humain ne dépend pas d'une alimentation carnée, Singer en appelle par exemple au boycott de l'industrie de la viande.
À écouter
L’antispécisme, retour sur une révolution philosophique
La Grande table (2ème partie)
33 min
L'essai est devenu un incontournable de la littérature sur l'exploitation animale. Mais il valut aussi à son auteur antispéciste d'être qualifié par le magazine The New Yorker de "philosophe vivant le plus controversé", d'"homme le plus dangereux du monde" par The Guardian, ou encore le titre de "Professeur de la mort" par The Wall Street Journal, en raison de certaines propositions comme : "S’il faut choisir entre la vie d’un être humain et celle d’un autre animal, nous devons sauver celle de l’humain ; mais il peut y avoir des cas particuliers où l’inverse sera vrai, quand l’être humain en question ne possède pas les capacités d’un humain normal".
Ce n'est pas que le philosophe préfère le chien au bébé - ou si c'est le cas, cela ne guide pas son raisonnement -, mais que, suivant une logique utilitariste et antispéciste, il conteste le caractère sacré de la vie humaine par rapport à celle d'une autre espèce, appelant dès lors à l'égale considération des intérêts des êtres concernés par des décisions éthiques… ce qui n'équivaut pas à une égalité des vies. En quelque sorte, le "droit" de l'être vivant à ne pas souffrir prévaut sur celui de ne pas être tué, comme l'explique le philosophe Jean-Baptiste Jeangène Vilmer :
Singer est un utilitariste qui distribue la considération morale en fonction du critère de la souffrance : il suffit de souffrir pour être patient moral. De ce point de vue, il est également un welfariste, c'est-à-dire que le principe qui est à l'origine de son système est la minimisation de la souffrance, donc la maximisation du bien-être animal (...). Singer n'a pas d'objection de principe d'élever un animal pour le tuer, tant que son bien-être est maximisé, c'est-à-dire s'il est élevé de manière humaine et tué sans douleur - mais il doute que ce soit réalisable et économiquement viable dans nos sociétés. C'est donc par pragmatisme et non par principe qu'il défend le végétarisme. Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Éthique animale (préface de Peter Singer PUF, 2008)
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Mais peut-être Peter Singer ne va-t-il pas encore assez loin. C'est en tout cas ce que pensent les abolitionnistes dont fait partie le professeur américain de philosophie morale Tom Regan, partisan d'une théorie du droit des animaux qui ne viserait pas simplement à améliorer leur sort, mais à abolir, tout bonnement, leur exploitation. Le but n'est pas d'élargir les cages, mais de les vider ! Dans un ouvrage également devenu un classique de l'éthique animale, Les Droits des animaux (1983), Regan dénonce l'insuffisance de la position réformiste qui vise seulement à améliorer le bien-être animal, même considérée comme une étape intermédiaire. "Les pratiques qui ont été abolies, comme l'esclavage, écrit-il, n'ont pas d'abord été réformées."
Alors que Peter Singer veut maximiser le bien-être des animaux en considérant leurs intérêts, Tom Regan veut abolir leur exploitation en leur reconnaissant des droits moraux. S'ils en ont, ce n'est pas en raison de critères comme la rationalité, le langage ou la conscience (critères également écartés par Singer, Bentham et Rousseau), ni même uniquement la capacité de souffrir (Singer), mais parce qu'ils sont des "sujets-d'une-vie" ("subject-of-a-life") :
"[Les animaux] portent au monde le mystère d'une présence psychologique unifiée. Comme nous, ils possèdent différentes capacités sensorielles, cognitives, conatives et volitives. Ils voient et entendent, croient et désirent, se rappellent et anticipent, dressent des plans et ont des intentions. De plus ce qui leur arrive leur importe (…). Pris collectivement, ces états psychologiques et ces dispositions, et bien d'autres encore, nous aident à définir la vie mentale et le bien-être corrélatif de ces sujets-d'une-vie (selon ma terminologie) que nous connaissons mieux sous le nom de ratons laveurs et lapins, castors et bisons, écureuils et chimpanzés, vous et moi." Tom Regan, Les Droits des animaux (1983)
À écouter
Comment ajuster le droit à la condition animale ?
Esprit de justice
58 min
Alors que "Peter Singer dit : avoir une considération morale pour un être implique de reconnaître qu'il a des intérêts selon le critère de la sensibilité, Tom Regan dit : attribuer des droits moraux à un être implique de reconnaître qu'il a une valeur inhérente selon le critère du fait d'être sujet-d'une-vie", synthétise Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, toujours dans Ethique animale.
Partant d'un même constat - l'indignation face à la souffrance animale - ces grands textes sont loin de recouvrir toutes les positions philosophiques en matière d'éthique animale. Ils ouvrent cependant la voix aux grandes questions qui l'animent, comme celle de l'outil le plus adapté pour défendre les animaux (la compassion ou la justice), l'utilité d'une réforme pour leur bien-être ou la nécessité de l'abolition pure et simple de l'exploitation animale, ou encore celle du spécisme et de l'antispécisme.
À écouter
Protéger les animaux pour se protéger soi-même ?
La Transition
4 min
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Références
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L'inconscient qui écrit.
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/12/2024
- 0 commentaire
Ce que j'écoute quand j'écris.
Rien ne nous appartient dans la création littéraire.
Ni l’inspiration, ni le talent, ni la maîtrise, ni l’euphorie, ni le moindre mot.
Il n’y a pas de liberté quand on s’aventure dans ce territoire.
C’est lui qui dicte ses lois.
Nous sommes les jouets de son humeur et de son immensité.
Qu’il devienne indifférent à notre présence et nous nous égarerons, comme des âmes littéraires en peine, qu’il devienne attentionné et nous nous envolerons dans les hautes sphères.
J’ai longtemps cogné contre les murs de la geôle quand « l’encrier » s’asséchait. Je ne le fais plus.
Maintenant, je sais que les mots continuent à manigancer des histoires en secret, dans ma tête, sans se faire entendre, je sais qu’ils attendent d’être prêts pour jaillir. Je les laisse monter leur spectacle. J’attends que le rideau s’ouvre. Il finit toujours par s’ouvrir. L'inconscient est un faiseur d'histoires, un ajusteur de mots, c'est dans ce gouffre insondable que tout se crée.
L'écrivain prend forme lorsque son humilité laisse l'inconscient remonter à la surface. On ne doit pas "vouloir écrire" mais juste "aimer écrire".
La volonté est un étouffoir de l'inconscient littéraire. L'amour en est le tuteur.
Quand on aime vraiment, on ne s'octroie pas la liberté de l'être aimé. Il en est de même avec les mots. Ils ne nous appartiennent pas. Ils sont comme ces chats de la maison qui passent près de vous sans vous accorder le moindre intérêt et qui parfois viendront se blottir sur vos genoux. On n'oblige pas un chat à s'asseoir sur ses genoux. On n'oblige pas les mots à se coucher sur une feuille.
Ils n'auraient rien de beau à dire.
Et donc, j'écris le quatrième tome d'une histoire qui ne m'appartient pas. Je ne sais pas où elle m'entraîne, je ne connais rien de la suite et j'avance à petits pas, sans aucune inquiétude malgré l'incertitude. je suis entré dans cette confiance absolue parce que je n'ai pas le choix et que j'ai abandonné toute volonté d'écrire.
Il y a vingt ans, je m'obligeais à écrire tous les jours ou toutes les nuits et si je n'écrivais pas, je m'attelais à corriger, à relire, à m'imprégner et avec les années, j'ai pris conscience que ce travail venait d'une inquiétude, d'une tension, d'un doute. Celui de ne pas aller au bout. Celui de perdre le fil, celui d'oublier ce que j'avais construit, celui de ne pas retrouver la trame et tous les détails, celui de trahir mes personnages.
"Mes" personnages. Mais ils ne sont pas à moi. C'est juste qu'ils reprennent vie. Oui, je sais, ça peut paraître absurde, voire totalement ridicule. Mais c'est ainsi que je vis avec eux. Je les accompagne et je ne sais pas où ils vont. Bien sûr que c'est moi qui pose les mots sur l'écran mais je n'ai plus cette prétention de dire que toute leur vie m'appartient. Ils me la racontent. Ce tome 4, je l'ai commencé il y a un an et je ne sais pas ce que les personnages vont devenir. Et si je raconte ça aujourd'hui, c'est parce que les rêves occupent une partie de mes nuits et qu'ils me racontent des événements dont je n'imaginais pas la direction. Et lorsqu'ils surviennent, je réalise que c'est une évidence. Une évidence qui ne m'était pourtant pas venue.
Que se passe-t-il dans cet inconscient ? D'où viennent ces images alors que je ne les ai même pas conçues en phase d'éveil ?
Un jour, il faudra que j'écrive un roman sur ces phénomènes.
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Onfray et l'ignorance des climatosceptiques.
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/12/2024
- 6 commentaires
Oui, je sais, j'avais dit que je ne posterai plus rien sur les chiffres liés au climat. Alors, disons que cette fois, c'est uniquement pour montrer à quel point les climatosceptiques, dont Michel Onfray fait partie, sont à des années lumière du début d'un raisonnement objectif.
“ L'ennui en ce monde, c'est que les imbéciles sont sûr d'eux et les gens censés pleins de doutes…” Bertrand RUSSELL
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Proudhon
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/12/2024
- 0 commentaire