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  • Le mépris de l'Education Nationale

    Pourquoi écrire ça avec des majuscules d'ailleurs?

    Une amie, Françoise, institutrice puis Maîtresse E pour enfants en difficulté a appris par un courrier envoyé par l'Inspecteur d'académie que son poste, parmi des milliers d'autres, étaient supprimés...

    Mais pour couronner le désastre, la lettre était adressée à Mr François LAJOTTE au lieu de Françoise LAJOTTE...

     

    Mépris total de l'administration, de la hiérarchie la plus haute, qui ne sait même pas à qui elle s'adresse, qui nie de la façon la plus odieuse une carrière entière dédiée aux enfants. Je connais l'engagement, la passion, l'empathie et le professionnalisme de Françoise et je suis écoeuré de cette attitude. A en avoir honte de travailler pour eux.

    Heureusement qu'il y a les enfants.

    Avec l'autorisation de Françoise, qui ne souhaite pas cacher son identité, je poste ici la réponse faite par Françoise à l'Inspecteur et aux autres "sommités" dégénérées.

    Que quelques lecteurs et lectrices sachent avec quel mépris les enseignants sont traîtés.

    A savoir aussi que Françoise a toute sa carrière été en opposition avec cette hiérarchie qui ne parle que de finances, de statistiques, de réductions de poste, d'objectifs cognitifs et qui bafoue sans vergogne toutes les valeurs humaines. A se demander si cette "erreur" n'est pas intentionnelle...Ils sont capables de tout.

    J'avais écrit à une époque directement au ministre de l'EN pour contester le système des inspections. Je l'avais fait sans passer par la voie hiérarchique. Convocation chez l'Inspecteur d'académie, blâme et blocage de salaire pendant sept ans en me privant d'inspection et par conséquent d'avancement de carrière...

    Bienvenue dans l'Education nationale. Sois fonctionnaire et tais-toi, devoir de réserve et autres censures et humilations. La fonction publique, comme un monde professionnel de privilégiés...Mais bien sûr...

     


     

     

    M (me) Lajotte François(e)
    Maître(esse) G
    Rased de Caumont l’éventé                à
                                    M(me) l’inspecteur (trice)
                                    De l’académie de Caen 

                    M(me) le ministre de

    l’éducation nationale

    M (me)Le président de la   république


                                    Le 27 février 2012

    Objet : Réponse à la lettre d’information de la suppression du poste d’adaptation (Oh ? Un nouveau terme…) maître G rattaché l’EEPU ( ???) Caumont l’éventé.

     

    Madsieur, Mondame,

     

    Je confirme la réception, le 25 février 2012, d’un courrier faisant acte de la suppression du maître G rattaché à l’école de Caumont l’Eventé adressé à MONSIEUR LAJOTTE FRANCOIS.

    Dans un premier temps j’ai regretté que la poste ait fait une erreur d’acheminement, en effet, à ma connaissance, aucun Monsieur Lajotte François n’habite à cette adresse.

    Lisant, curieusement et illicitement donc, ce courrier, je me suis aperçue qu’il évoquait la suppression d’un poste que j’occupe, ce courrier me concernait-il ?

    Pleine de doute, je suis remontée précipitamment dans mon appartement et directement dans ma salle de bain. Culotte en bas des chevilles et face à la glace, j’ai vérifié : en place d’un pénis, il n’y a qu’un timide clitoris, pas le moindre soupçon de scrotum, des lèvres, grandes et petites et, un peu plus haut, oui, hélas, deux protubérances mamellaires pourvues de tétons saillants. Je ressemble à ce que l’on nomme le genre féminin.

    Il y a donc erreur quelque part mais, enfin, l’administration a loi et ne peut se méprendre !!!

    Alors, trois heures durant, j’ai sauté d’un pied sur l’autre, pour faire descendre la vérité, rien… irrémédiablement je demeure femme physiquement ! Je me suis alors rappelé la naissance de mes trois fils… plus aucun doute je crois être bel et bien une femme. Quoi que…

    Ces naissances ne sont pas reconnues par l’éducation nationale. En effet, étant nés hors temps d’appartenance à cette suprême institution… Ils ne comptent pas dans le calcul des annuités. S’ils ne comptent pas, ils n’existent donc pas.

    Je récapitule, je crois être une femme mais suis un homme, j’ai eu trois fils qui, travaillant contribuent, à la retraite de chacun mais ne sont nullement reconnus comme tels.

    J’en conclue que je suis un homme célibataire n’ayant pas eu d’enfant. Et m’étant pris depuis septembre1985 pour une femme institutrice et depuis septembre 1998 pour une institutrice spécialisée, passionnée et dévouée, je mérite un blâme au minimum !

    Il est grand temps que je fasse l’aveu de ma féminité et que je me rende coupable d’avoir, déguisée telle Eon mais à son inverse, usurpé ainsi la joie d’un autre être, de voir tant d’enfants renouer avec le scolaire, passer dans la classe supérieure ou au collège, le sourire aux lèvres, le désir d’apprendre revenu, la confiance en soi enfin conquise.

    Sans doute, je me méprends puisque me pensant femme, je suis homme à vos yeux. Pire, ne suis-je pas, pour vous, un Don Quichotte, n’ayant livré batailles qu’à des moulins oniriques ? Si, très certainement, puisque de toute façon, homme ou femme, je me vois réduite à vos yeux que comme ce chevalier burlesque, inutile et à détruire et même dont on peut se railler ! Dont, en sus,  on se moque de savoir s’il est mâle ou femelle.

    Il me vient cette pensée qu’en ce cas je n’ai qu’à me plier devant vous et implorer votre grâce, votre pardon, votre reconnaissance, oui, me traîner à terre.

    Et pourtant… Oh, je suis suffisamment maitresse des mes doigts pour dompter mon majeur, droit ou gauche.

    Ce que je ne maîtrise pas : ma profonde douleur, ma détresse, traduites ici dans une acide ironie.

    Je vous prie Monsieur l’inspecteur d’académie, Monsieur le ministre de l’éducation nationale, Monsieur  le président de la république, d’accepter mes sentiments les plus douloureux et déçus.

     

    MADAME LAJOTTE FRANCOISE 

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  • Stand by

    Un éditeur s'intéresse à Jarwal.

    Je me replonge dans une énième relecture des trois tomes et j'entame ensuite l'écriture du quatrième tome.

    C'est parti pour quelques mois d'écriture et par conséquent d'une mise en sommeil partiel du blog. Pas le choix.

    Il faut battre le fer pendant qu'il est chaud bouillant :)

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  • Le désir mimétique

    « L'homme désire toujours selon le désir de l'Autre » est le postulat du désir mimétique, développé par René Girard, dans un conflit tragico-comique dont les protagonistes deviennent interchangeables et transformés en « doubles » symétriques « en miroir » dans une relation duale de la rivalité mimétique qui conduit à la violence mimétique.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9sir_mim%C3%A9tique

    Sur le plan individuel, les hommes se haïssent parce qu'ils s'imitent. Le mimétisme engendre la rivalité, mais en retour la rivalité renforce le mimétisme. Les protagonistes d'un tel conflit tragique ou comique ne voient pas qu'ils sont interchangeables, symétriques, des « doubles », mais l'observateur extérieur le voit : il y a double logique, celle du désir et celle de l'imitation. En d'autres termes, faire de l'Autre un modèle, c'est faire de lui un rival.

    La notion de désir mimétique devient pleinement intelligible avec le « modèle » du désir qui devient « obstacle » dans la réalisation de ce désir, comme dans l'exemple illustratif donné par Girard des enfants qui se disputent pour un même jouet, alors que bien d'autres sont disponibles. C'est le phénomène fondamental du modèle-obstacle.

    Au niveau physique, la mimétique est un camouflage dont l’exemple illustratif est le caméléon. C’est aussi le niveau des besoins ou appétits.

    Au niveau social des congénères et des collègues qui partagent la même loi (lex. legis) et le même héritage (legs), la mimétique consiste à faire « comme tout le monde » dans le conformisme dont l’exemple illustratif est l’effet de la mode. C’est le niveau de la confusion (à la fois « prendre l’un pour l’autre » et « fondre ensemble l’un dans l’autre ») entre « besoin » et « désir ». Le besoin d’habillement peut être satisfait par n’importe quel vêtement, alors que « le désir selon l’Autre » du postulat girardien se rapporte à la particularité d’une telle marque et d’un tel type désignée par la mode.


    Ce qui m'intéresse particulièrement dans cette analyse, c'est de constater que ce désir de mimétisme conduit paralèlement à la confrontation entre les individus. L'individu copie mais cherche simultanément à faire mieux, ce qui lui laisse croire qu'il fait différemment. Chaque étape de différenciation, aussi insignifiante soit-elle, renforce le phénomène chez l'autre qui va à son tour s'accorder aux désirs de ses congénères tout en cherchant à s'en défaire en les approfondissant encore davantage. C'est le fondement même de la société de consommation. Il n'y a aucune liberté dans ce système et la possession générée par la multiplicité des désirs assouvis conduit immanquablement à la dépossession de soi.

    La publicité suggère que les autres ont tel désir mais propose en même temps la satisfaction de ce désir à une échelle supérieure.

    "Vous voulez posséder une voiture, tout comme vos contemporains mais grâce à nous, vous posséderez une voiture différente..."

    On est bien entendu là encore dans le paradigme du moi encapsulé qui se soumet à des valeurs matérielles élevées au rang de valeur humaine. L'individu se persuade d'une grande valeur au regard de ce qu'il possède et que les autres désirent. C'est la course en avant. L'autre est un modèle que chacun veut dépasser, l'autre est un miroir qu'il faut briser pour parvenir à constituer un miroir plus vaste ne reflétant que son propre reflet.

    Tant que durera cette illusion de la valeur humaine nourrie par des paramètres évènementiels et épisodiques, l'élévation spirituelle sera bridée. Tant que l'individu sera incapable de s'extraire de cette futilité, il n'y aura aucune issue. Les hommes seront enchaînés à des désirs libérant en eux des intentions toujours plus carcérales.


     

  • L'agitation

    Ce monde est agité.

    j'ai regardé sur internet les informations du soir et j'en suis ébahi. On passe d'un paquebot en panne de moteur à un adolescent poignardé puis un restaurateur qui a obtenu trois étoiles, le salon de l'agriculture, l'oscar de Dujardin avec des questions totalement stupides de la part de la journaliste, "Êtes-vous heureux ? ", la saison de ski qui profite d'un enneigement exceptionnel, fermeture d'une usine, visite des guignols présidentiables, les prévisions météo pour les stations de ski, la nomination d'un grand couturier chez jesaispasqui, en prévision des prochaines "tendances", j'hallucine ou quoi...hop, de la pub, les prévisions météo nationales, de la pub, le film du soir, de la pub, le programme de demain, de la pub...Bon, là, j'avoue, j'ai craqué, j'ai éteint...

    Ce monde est follement agité. Egaré. Halluciné. Cet effet de fragmentation du monde est effroyable. La vitesse des images est consternante. Dans le cas du meurtre de l'adolescent poignardé, j'ai vu deux femmes qui pleuraient, deux secondes, ça pourrait très bien être filmé à l'autre bout de la planète, ça pourrait très bien dater d'il y a cinq ans, vingt ans, rien n'a changé. Même pas le temps de réaliser ce dont on vient de nous parler. De toute façon, on est déjà passé à autre chose. Pub.

    On vit donc dans un monde ultra connecté, avec une vitesse de diffusion des informations absolument stupéfiante mais rien n'a changé, fondamentalement. Je suis certain que si on regardait les informations télévisuelles des années 1960, on retrouverait le même fond de commerce. La raison en est très simple : nous n'avons pas évolué.

    Technologiquement, le bond est phénoménal mais d'un point de vue philosophique, existentiel, spirituel, nous sommes dans le même état. En tout cas, pour une bonne partie de l'Humanité.

    Quels sont les changements ?

    "Dès le premier tressaillement de la réflexion, l'esprit d'inquiétude nous tourmente ; car la réflexion n'est pas là pour confirmer les évidences, mais au contraire pour les contester."
    Jankélévitch

     

    Et bien, ce monde-là ne veut pas de contestation. Le monde économique qui dirige le monde ne peut pas fonctionner dans la contestation. Il n'y a qu'à voir l'écroulement de l'économie tunisienne depuis le "printemps arabe". Alors, bien entendu, les économistes, les politiques, tous les pisse froids s'écrient que la contestation est un désastre et qu'il faut à marche forcée reconstituer "le vivier industriel, touristique, minier etc etc...Et c'est reparti pour un tour. Effet de la mondialisation ? Non, absolument pas. Juste l'effet multiplié à l'infini des "moi-encapsulé".

    Les révoltes arabes n'ont pas donné ce que j'espérais. C'est facile pour moi de l'écrire, dans le confort de mon petit salon. Je le sais bien et je ne leur reproche rien. De quel droit le ferais-je ?

     

    La route est encore longue avant de voir le début de l'ombre d'une évolution planétaire.

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  • Economie de proximité.

    Ce monde, tel que nous le connaissons, n'existe qu'au regard de ce que nous sommes. Il n'a aucune existence en dehors de nous, "il" n'est responsable de rien. C'est nous, individuellement, qui lui donnons forme parce que chaque individu se retrouve dans un fonctionnement établi par la similitude que nous recherchons chez autrui. Rien ne changera sans l'évolution spirituelle, puis sociale de chaque individu. Là aussi, on peut retrouver l'hypothèse des champs morphiques. Ce monde correspond à un schéma de pensées qui s'est propagé, non seulement de façon éducative mais de façon "philosophique", puis comme une évidence ou une condamnation... "C'est comme ça". Et c'est dans ce schéma de pensées que chacun essaie d'établir un sursaut de liberté. Mais il n'y en a pas fondamentalement. Juste la duplication d'ornements variés sur une architecture commune. Il s'agit dès lors d'établir ce travail individuel de prise de conscience de nos fonctionnements pour pouvoir établir une voie différente. Ces voies différentes se nourriront des individualités, il ne s'agit pas d'imposer une voie unique mais dès lors que le phénomène vital à l'échelle de l'Univers sera considéré, quelle que soit les voies philosophiques pratiquées, il existera une unité commune: celle de la Vie. Et non celle des egos dans l'égarement matérialiste et la course à la surenchère.

    D'un point de vue économique, par exemple, je trouve que l'économie de proximité est une nécessité. Est-ce qu'on a besoin d'acheter des mangues, des litchis, des avocats ? Une nécessité vitale bien évidemment. Est-ce que nos grands-parents en manquaient ? Est-ce qu'on a besoin de faire venir des voitures de Corée étant donné qu'on en fabrique en France ? (presque plus justement...). Alors, évidemment, c'est un bouleversement planétaire de l'économie. Est-ce qu'on doit attendre que la planète ne puisse plus supporter ce fonctionnement par épuisement de ses ressources et que la crise qui surviendra inévitablement (exploitation pétrolière en chute libre...) soit catastrophique ou doit-on essayer de trouver une autre voie, par principe de précaution et aller peu à peu vers un changement radical dans nos us et coutumes?

    Il ne s'agit pas pour autant d'en revenir à la bougie mais de ré-apprendre à vivre avec ce dont nous disposons, au mieux, au lieu de laisser s'installer le pire. Rien que ce changement implique une prise en considération d'une unité au regard du Vivant. Je ne peux pas me permettre d'abuser des ressources de la Terre étant donné que le reste de l'Humanité et du phénomène vital va en pâtir...C'est une question d'empathie en quelque sorte. Le fait de consommer de l'huile de palme participe à la destruction des forêts primaires qui abritent les orangs-outans. Est-ce que j'éprouve une compassion réelle envers cet animal ou pas ?

    Oui. Bon, alors, je ne dois plus consommer d'huile de palme et Nestlé cessera d'en produire.

    Non. Et bien, je continuerai alors à m'intéresser à ce qui répond à mes désirs.

    Cette détermination ne relève pas pour moi d'un simple geste écologique mais bien plus profondément d'une souffrance réelle envers ce qui vit. Et d'un amour. Il n'y a pas "moi" et les Orangs-outans. Il y a la Vie. Celle qui est en moi est identique à celle qui vibre chez ce singe. Et le mot "singe" n'est que l'étiquette associée à une forme. Cette diversité de formes est une richesse fabuleuse et nous en avons fait une "distinction". Descartes disait des animaux qu'ils étaient privés d'âmes. Que pouvait-il penser des plantes ? Je n'ose l'imaginer. Mais le plus effroyable, c'est que nous fonctionnons toujours sur ce schéma de pensées "philosophique"...

  • Le Message.

    C’est une proposition concrète qui doit rassembler derrière elle les millions de citoyens dont l’impuissance politique est programmée dans la constitution.

     

    http://www.le-message.org/

    Parce que ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir
    “Nous voulons une Assemblée Constituante démocratique, donc tirée au sort.”

     En lisant les 6 chapitres de ce site, vous comprendrez pourquoi si vous voulez changer quoi que ce soit dans le fonctionnement actuel de notre société, vous devez faire de ce message votre seule revendication : de son application découlera tout le reste. Afin de comprendre concrètement la force de ce message prenez maintenant quelques minutes pour lire les six chapitres du site, ils sont très courts.

    Les chapitres vont à l’essentiel et vous trouverez en bas de chaque page des sons, vidéos, documents et liens, pour approfondir le sujet.

    Découvrez maintenant ce qu’est vraiment une démocratie.

     

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  • Libre arbitre (2)

    Image associée

     

    Dans le déroulement de vie d'une personne, on peut considérer que l'éducation favorise l'émergence de trois paramètres : la culture s'impose en premier lieu, elle se renforcera dans certains domaines pour devenir une réelle connaissance à travers diverses expériences, puis, dans certains cas et pour certaines personnes, viendront prendre place les convictions.

    Un petit enfant africain, un petit enfant européen ou un petit enfant asiatique n'aura pas le même bagage culturel, ses connaissances et ses convictions seront influencées par cet environnement culturel.

    -Culture : accumulation de « savoirs. »

    -Connaissances : une culture à laquelle s'ajoute une expérience. Savoir et faire. Avoir et être.

    -Convictions : idées profondément ancrées à travers les connaissances accumulées.

    Dès lors se pose le problème du libre arbitre...

    « La notion de libre arbitre, synonyme de liberté, désigne le pouvoir de choisir de façon absolue, c'est à dire d'être à l'origine de ses actes. »

    Mais si nous gardons à l'esprit les influences environnementales, est-ce qu'il est possible d'envisager ce libre arbitre ? Ne sommes-nous pas plutôt fondamentalement « enfermés » dans des fonctionnements qui nous échappent ? Le libre arbitre ne nous est-il pas retiré au fur et à mesure de notre avancée, au fil des expériences de vie ?

    Ne s'agirait-il donc pas davantage d'une liberté à prendre ?

    Un sujet qui se voudrait libre est sensé pouvoir choisir de lui-même ce qu'il choisit, sans être poussé à l'avance d'un coté ou d'un autre par quelque influence ou cause que ce soit. Si l'individu « choisit », c'est qu'il dispose de plusieurs options et surtout qu'il bénéficie d'un complet contrôle de lui-même. Il se doit d'être « vierge » de toutes influences... Mais est-ce que c'est possible ? Ne conviendrait-il pas plutôt d'être capable d'identifier clairement l'ensemble de ces influences afin de s'en détacher et de pouvoir assumer dès lors l'intégralité du choix ?

    La diversité des conditions de vie, les relations sociales, le poids du passé, l'intégration, le formatage intellectuel, ne maintiennent-ils pas insidieusement un détournement de l'esprit, une direction donnée ?

    Les conditions objectives n'enferment-elles pas l'esprit dans un conditionnement subjectif ?

    Sur quoi repose la notion de libre arbitre ?

    N'est-elle pas simplement une certaine forme de prétention, un déni de l'enfermement ?

    Un exemple :

    J'ai décidé de réfléchir sur la notion de libre arbitre, sur l'idée essentielle de ma liberté. Je tente de cerner les tenants et les aboutissants (en voilà une expression bien « culturelle »...) et aussitôt me viennent à l'esprit les résidus de mes cours de philosophie : Platon, Spinoza, Nietzsche, Schopenhauer... La culture est là (enfin, bon, quelques restes de culture...). Jaillissent aussi mes quelques expériences de vie à travers lesquelles je peux constater que beaucoup trop d'éléments m'ont échappé pour que je puisse affirmer que mes choix se sont faits en toute liberté. Intervient dès lors la conviction que ce libre arbitre n'est qu'une illusion...

    Est-ce que cette réflexion porte fondamentalement une liberté totale ou n'est-elle qu'un imbroglio anarchique de multiples données chaotiques...Un immonde fatras en quelque sorte ...

    Bien sûr que j'ai décidé librement de mener cette réflexion... Tiens, non, d'ailleurs, ça n'est même pas certain...C'est peut-être plus justement une certaine souffrance liée à un désordre intérieur, une inquiétude de voir à quel point tout m'échappe... Ce sont mes conditions existentielles de vie qui m'ont amené à réfléchir. Je n'ai fait que réagir à un tourment. Je n'ai pas été libre d'entamer cette quête et je ne peux que tenter de la mener à son terme pour m'en libérer... Mais alors, pour être libre, il faudrait s'être libéré... Ça paraît absurde et pourtant il s'agit bien sans doute de cela.

    Le libre arbitre ne serait que l'effort à mener pour être davantage libéré de tout ce que l'on porte. Plus profondément encore, le libre arbitre ne serait que la conscience de mon enfermement et l'éventuel élargissement de la cellule...

    Je peux quand même me réjouir de taper librement sur mon clavier, c'est un acte que je maîtrise, que j'ai pensé, que je pense et que j'élabore. GRTDFCVHKKIO...Voilà ce que ça donnerait si je n'avais pas de culture. Chouette, je suis donc libre par ma culture et la connaissance expérimentale que j'en ai. Tiens, d'ailleurs, je vais aller me faire un café et je reviens. Yeah, je suis libre de me lever et d'aller faire un café. Comme la vie est belle et riche de trésors !

    Aucune moquerie là-dedans d'ailleurs... J'ai la chance extraordinaire de posséder encore toute mon intégrité physique. Peut-être d'ailleurs devrais-je m'en contenter et arrêter de me prendre la tête. Mais je suis aussi un être tourmenté qui a besoin d'explorer les espaces intérieurs. C'est peut-être culturel, peut-être historique (ma petite histoire personnelle bien évidemment), l'écheveau des traumatismes irrésolus pourrait-on dire.

    Excellent ce café.

    Bon, je suis libre de taper sur mon clavier parce que j'ai enregistré toute la connaissance nécessaire mais je ne suis pas libre des pensées qui m'envahissent et tourneboulent. Il faut donc que je les saisisse au vol et que je les autopsie. Sacrée boucherie en perspective...

    Philosophiquement parlant, si je veux pouvoir autopsier ces pensées, il faut que je me libère des émotions qui les nourrissent sinon, je ne ferai qu'entretenir leur croissance en générant d'autres émotions comme autant d'engrais. Je me dois d'être lucide. D'ailleurs, si je continue à me répéter que mon libre arbitre est une illusion, je crée en moi une émotion mortifère qui me désole et me ronge et si par contre je décide que je suis libre, je libère un bonheur hallucinogène qui trouble ma lucidité.

    Je dois donc être neutre ou pour parler scientifiquement me soumettre à une lobotomie volontaire. Cela fait-il du libre arbitre et du contrôle qu'il suppose une donnée évidente ? Est-il si évident que nous avons un contrôle sur nos pensées et nos émotions ? La plupart de nos supposées « actions », ne sont-elles pas en réalité des réactions mécaniques qui répondent à autant de facteurs intérieurs (émotions, préjugés...) et extérieurs (les circonstances) que nous ne contrôlons pas ? Et nos supposées pensées ne sont-elles pas toujours la résultante de pensées antérieures ?

    Prenons l'exemple d'un arbre au milieu d'une forêt. Bien sûr qu'il continue à croître et à se dresser vers la lumière mais son environnement influe sur cette croissance. La proximité des autres arbres, le climat, l'intervention humaine, un accident de parcours dans une tempête redoutable. Il n'existe pas de croissance libre.

    La multitude des expériences de vie et mon environnement immédiat et même planétaire conditionnent ma croissance. Et l'ensemble de mes pensées n'est qu'un courant agité par cet environnement lui-même.

    D'ailleurs, si je remonte encore plus loin vers la source ou vers la graine, je n'ai même pas choisi ce que je suis. Je n'ai pas choisi délibérément ma naissance. Est-il envisageable de parler de liberté innée ? Je ne pense pas. Il ne peut s'agir que d'une liberté qui s'acquiert. Ou plutôt de la désintégration progressive de tout ce qui peut porter atteinte à la liberté.

    Disons qu'il n'y a aucune liberté. Mais qu'il est éventuellement possible au fil du temps d'en acquérir.

    Une liberté qui concerne uniquement l’énergie que je mets dans mes actes mais en gardant à l’esprit que ces actes sont générés par des influences que je me dois d’identifier. Sinon, quelle que soit la qualité de mes actes, ils ne pourront être qualifiés de « libres ».

    Pour que cette identification se réalise, il est nécessaire d’entrer dans le « juste milieu ». 

    Je ne suis rien à 100%, ni libre, ni enfermé mais je peux naviguer entre ces deux extrêmes en agissant lucidement, c'est à dire d'identifier, avant même d'agir, toutes les influences qui pourraient troubler la pensée et l'acte à venir. 

    La quête de ce libre arbitre devient dans cette constance de l'analyse une sorte de tuteur contre lequel je dois m'appuyer pour crôitre. Il y a aura inévitablement des ralentissements dans cette croissance, des erreurs d'itinéraire, comme une plante qui s'éloignerait de son tuteur et piquerait du nez, il y aura des flamboyances aussi, comme des paliers franchis vers le haut, puis des moments de repos...

    Rien ne sera jamais définitif, rien ne sera jamais figé.

    C'est une ascension à mener avec tous les événements inhérents à la tâche.  

  • Le choix de se croire libre

    Par cette expression, je ne parle pas de la liberté matérielle, professionnelle, familiale, sociétale mais de la liberté existentielle.

    Pour ce qui est des situations précédentes, je ne crois pas un seul instant à une quelconque liberté. Tout est l'effet des causes initiales. Si je regarde les enchaînements de mon existence, je finis toujours par trouver une cause première. Mes choix n'ont été que des réactions et non des actions. Je sais pourquoi je suis devenu instituteur, je sais pourquoi j'aime la montagne, je sais pourquoi j'aime la solitude, pourquoi j'écris... Rien ne s'est fait "librement" mais parce qu'il y avait initialement un évènement qui m'amenait à réagir. Je pourrais convenir pour me rassurer qu'il y a tout de même une décision prise de ma part et qu'il y en avait sans doute une autre d'envisageable. Mais la source reste la même. Rien ne vient de rien.

    Je pourrais choisir d'arrêter d'écrire cet article et de fermer l'ordinateur pour me prouver que j'ai un pouvoir décisionnel. Je regretterai certainement dans peu de temps ce caprice prétentieux et je reviendrai m'asseoir en me maudissant d'avoir perdu ce que j'avais déjà écrit. Je "dois" écrire ce que je porte. Je sais pourquoi je dois l'écrire, j'en ai déjà parlé.

    Cette illusion du choix s'établit dans les contingences de la vie quotidienne. C'est certain mais c'est si insignifiant que ça n'a aucun intérêt. Je vais choisir une nouvelle tapisserie. Ouah, formidable...Ou acheter un smartphone, ouah, trop bien ! Ah, non, finalement, là je ne l'ai pas choisi, je n'en avais pas besoin, je n'ai fait que succomber à une pression médiatique et encore une fois prétentieuse. "Moi, j'ai un smartphone" !! (Je ne sais d'ailleurs même pas à quoi ça sert...) Ah, et puis, je pourrais changer de voiture aussi, là, il y a du choix. C'est important le choix d'une voiture ! Elles ont bien toutes quatre roues, un moteur et une caisse mais quand même il y en a qui sont mieux que d'autres et je serais tellement heureux de rouler dans une voiture qui me plaît. Oui, bon, ok , c'est ridicule, je sais...

    Je pourrais même choisir de changer de femme. Celle-là est vraiment trop nulle. Et d'ailleurs, je ne sais même pas pourquoi j'en suis arrivé à l'aimer et à avoir des enfants avec elle. Mais des femmes, il y en a tellement, c'est comme les voitures, il y a du choix...Quand je vois ce qui existe dans les revues que je lis...Non, pas les revues de bagnole, les revues avec de belles femmes ! Celle du cinéma par exemple, c'est extraordinaire comme elles sont belles au cinéma. Ah, oui, là c'est vrai, je me fais un film. J'en finis même par ne plus voir la réalité de ma femme...

    Liberté du choix...Quelle fumisterie. Il faudrait déjà exister intérieurement pour pouvoir prétendre faire un choix. Car enfin, qui choisit ? Qui est là pour choisir ? Un individu lucide, conscient, éveillé ou une machine qui se remplit de carburant pour croire qu'elle avance par elle-même ? Qui lui donne ce carburant ? Les autres ? Des individus endormis qui fonctionnent avec le même carburant ? Ah, non, ceux-là sont propriétaires des pompes à carburant. Mais ils sont tout aussi endormis. C'est juste qu'ils ont appris à en profiter davantage et à se servir de ceux qui restent juste attachés à ce désir immodéré de remettre sans cesse du carburant. Hiérachie dans le sommeil et dans les addictions. Il y a les dealers camés et les camés tout court.

    Le choix de se croire libre est par conséquent une auto mutilation. Je coupe en moi le lien qui me rattachait à mon âme et je "décide" de me soumettre à mon mental. Ca n'est évidemment pas une décision réfléchie mais juste un abandon par conditionnements. C'est pour cela qu'il faut bénir les drames. Ils sont la plupart du temps les seuls évènements susceptibles de réveiller les individus. Il y aura toujours ceux qui regretteront infiniment le temps du grand sommeil et de la multiplicité des pompes à carburant. Bon, tant pis. Peut-être ont-ils besoin de revenir pour un autre passage...Va savoir.

    Et puis, il y a ceux ou celles qui ne peuvent plus dormir. Parfois même réellement. Ils vont aller marcher pendant des jours et des nuits. Mûs par une énergie inconnue qui les brûle intérieurement.

    Il y a aussi ceux ou celles qui vont s'apitoyer en disant qu'il n'y a rien à faire, "que c'est comme ça ma pauvre dame, que la vie est dure, ah la la, pensez donc, il n'était pas bien vieux encore, partir comme ça, si vite alors qu'il allait être grand-père, c'est vraiment trop dur, et vous avez vu sa pauvre Ginette comme elle a l'air de s'en fiche, vraiment quelle honte."

    Bon, on connaît...Et puis quand ça leur tombe dessus et bien ces personnes-là seront des victimes parfaites, elles tiendront leur rôle à la perfection, avec un professionalisme indéniable, comme si elles avaient attendu ça toute leur vie, LE grand rôle. "C'est comme ça, que voulez-vous, mais je suis courageux, je ne me plains pas même si je dois aller chez le docteur trois fois par semaine et deux visites à l'hôpital et que personne ne me fait les courses, mes enfants ne viennent même pas, vous vous rendez compte, avec tout ce que j'ai fait pour eux, mais bon, je ne me plains pas, c'est dur mais je peux y arriver même si avec l'hiver qui arrive, je sais que les journées seront longues tout seul et patati patata...Pas le choix, c'est comme ça ma pauvre dame, c'est même Dieu qui l'a voulu mais je vais à la messe quand même. Y'a rien d'autre à faire."

    Bon, là, effectivement, l'absence de choix est vécu comme une opportunité. Pas question d'aller voir à l'intérieur ce qui se passe. L'environnement occupe toute l'énergie dépensée.

    Et alors, qu'en est-il de cette liberté existentielle ?

    On a donc les endormis qui se gavent de carburant. Liberté existentielle : néant.

    On a aussi les victimes qui adorent leur statut de victimes. Liberté existentielle : néant.

    On a aussi les traumatisés qui ne cherchent pas à se plaindre parce qu'ils ont basculé dans un espace qu'ils ne connaissaient pas et qui se révèlent absolument fabuleux. Liberté existentielle : en cours d'apprentissage.

    Ces derniers possèdent-ils un libre arbitre ? Non, bien entendu étant donné que leur évolution est dictée par un évènement indépendant de leur volonté. Mais il y a une différence essentielle. ILS LE SAVENT.

    Dès lors, il y a une observation lucide qui s'installe, celle que j'appelle "le juste milieu".

    A mon sens "le cul entre deux sièges" est l'état d'une personne n'ayant pas réussi à faire un choix. Elle reste donc torturée par son indécision, hésitant constamment à prendre une direction définie et souffrant de son incapacité à le faire. A peine partie dans un sens, elle regrette déjà son élan et s'arrête, souffrant aussitôt d'être revenue au point de départ, là où pour elle il n'y a que le chaudron bouillant dans lequel elle cuit sans comprendre que les flammes sont attisées par sa propre errance.

    Le juste milieu représente à mon sens, non pas la capacité à rester au centre du carrefour sans prendre de décision mais la capacité à ne pas s'identifier à la décision qui a été prise. Le juste milieu est l'endroit duquel l'individu peut observer ses actes sans être lui-même les actes. C'est un état d'observation qui fait que l'on peut entretenir la lucidité nécessaire à l'analyse de ce qui est entrepris. Je ne suis pas ce que je fais. Je ne suis pas ce que j'ai décidé de faire. Je le gère mais sans être emporté dans le flot d'émotions, de ressentis, que cela génère.

    Pour ne pas couler au milieu de l'océan, il ne sert à rien de nager, il faut faire la planche et observer, saisir chaque instant en se libérant de l'activité. Le nageur aura systématiquement le cul entre deux chaises en décidant de prendre une direction puisqu'il ne sait pas vers où il va. Il va dépenser une énergie considérable à nager et dès lors il ne peut pas s'observer.
    Le "planchiste" se laisse porter en mesurant ses efforts et en restant réceptif à tout ce qui l'entoure. Les courants l'entraînent mais ça n'a aucune importance étant donné qu'il ne sait pas vers où il faut aller. Il est donc inutile d'y penser. Agir dans le non-agir revient donc à être inscrit dans le juste milieu.

    Il ne s'agit nullement de rester inerte au carrefour d'une décision à prendre. Le juste milieu consiste à ne pas devenir la décision...Chaque fois qu'une préoccupation trop vive nous saisit et que celle-ci implique une décision à prendre nous restons bien nous-mêmes évidemment mais nous ne sommes plus avec nous-mêmes. Nous nous perdons de vue dans les évènements extérieurs. Comme si les actes nous engloutissaient. Ca peut devenir de la colère, des regrets, de la rancoeur, de la jalousie ou du bonheur mais quelques soient les effets, si nous nous perdons de vue, il n'y a plus d'observateur, nous sommes devenus ce que nous faisons. Le juste milieu consiste à ne pas nous identifier à cette décision. Il s'agit donc de continuer à analyser les évènements, avec lucidité et si une autre direction s'impose, il n'y a aucun regret à avoir, il serait inutile de continuer à se fourvoyer, par prétention ou entêtement. Le juste milieu est à la source de la lucidité. Il ne s'agit pas de rester indécis et de refuser l'engagement. Il faut s'engager. Mais celui qui s'engage dans une voie ne devient pas la voie. Il reste une entité homogène.

    Le juste milieu est une observation de ce que nous faisons. Comme si nous prenions de la hauteur en fait, que nous installions une vision macroscopique de nos actes au lieu de nous étourdir de ces actes eux-mêmes.

    Le libre arbitre existe dans la dimension du juste milieu. Non pas qu'il y ait pour autant une liberté totale et inconditionnelle des choix mais il existe une conscience réelle de la raison de ces choix et ensuite une absence d'identification à ces choix. L'individu reste dans un état d'observation. Il ne dort plus et l'énergie intérieure est son seul carburant.