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Point de rupture
- Par Thierry LEDRU
- Le 14/02/2012
Pour qu'un changement de paradigme s'opère, les déséquilibres doivent s'étendre jusqu'à l'extrême. C'est la particularité la plus sombre de l'humanité. Rien ne se fera de façon volontaire. Je pense parfois à ce "nombre déclencheur" dont parle Rupert Sheldrake et qui compose sa théorie des champs morphiques.
http://sechangersoi.be/4Articles/Sheldrake01.htm
Articles A découvrir Nouveautés DU CENTIEME SINGE AUX CHAMPS MORPHIQUES
DE LA LEGENDE A L'HYPOTHESE SCIENTIFIQUEPeut-être connaissez-vous déjà le phénomène du 100ème singe, cette observation par des scientifiques en Asie, dans les années '50, concernant la transmission de l'apprentissage d'une communauté de singes à d'autres communautés sans qu'il n'existe de moyen connu de communication entre les singes concernés. Si vous ne la connaissez pas, en voici une version glanée sur le net :
http://www.naute.com/anecdotes/singe.phtmlCe phénomène étant controversé, en voici davantage sur le sujet afin d'étayer le phénomène en lui retirant son côté miraculeux et légendaire.
Rupert Sheldrake, biologiste britannique, introduit le concept de champs morphiques dans son livre "La mémoire de l'univers", publié en français en 1989 aux Editions du Rocher.
Sur son site, Rupert Sheldrake donne sa version du phénomène du centième singe (en anglais). Bien qu'il ne démente pas, il admet que le texte a été répété, modifié et interprété, et surtout beaucoup exagéré :
http://www.sheldrake.org/Resources/faq/answers.html#monkeyl . Il donne en partie sa version à lui.La théorie de Sheldrake sur les champs morphiques corrobore en partie le phénomène du centième singe, en y apportant une hypothèse d'explication. Les conséquences possibles de cette théorie sur l'effet que nous pouvons avoir autour de nous par les propres changements que nous introduisons dans notre vie à un niveau individuel, peuvent porter à croire que notre responsabilité, au niveau de notre comportement individuel, donc l'importance de ce que nous faisons, pourraît être fondamentale pour parvenir à changer les mentalités et les comportements à plus grande échelle dans le monde, ou du moins, dans la communauté ou société dans laquelle nous vivons.
Alors que nous avons coutume de penser que notre mémoire est localisée dans notre cerveau, que nos gênes sont responsables des caractères héréditaires et que nos pensées sont la conséquence uniquement de phénomènes chimiques et électriques siégeant dans le cerveau, Sheldrake postule qu'il en est autrement. Il ne présente pas son hypothèse comme "la" vérité, mais il en fait paraître le bon sens et propose diverses manières d'étudier le phénomène afin d'étayer ce qu'il exprime.
Selon lui les lois de la nature ne sont pas "universelles" et "immuables". Elles évoluent depuis toujours, même les lois qui concernent les phénomènes physiques et chimiques les plus élémentaires.
Au delà du contexte scientifico-historique qui occupe une grande part de l'ouvrage, Rupert Sheldrake fait comprendre ce phénomène d'évolution suivant le principe de la chréode.
Imaginez-vous un plan de sable légèrement incliné. Posez-y une bille dans la partie supérieure, elle va se mettre à rouler en traçant un sillon dans le sable lors de sa descente. Posez-y une seconde bille. Si sa trajectoire rencontre le sillon tracé par la première bille, il est très probable qu'elle va également l'emprunter, et l'élargir. Posez-y une troisième bille, la probabilité de la répétition du phénomène sera encore plus importante. Après la centième bille, il deviendra carrément improbable qu'elle ne prenne pas le sillon creusé par toutes les billes qui l'auront précédée. Cela étant, il n'est pas impossible non plus qu'un nouveau sillon soit tracé par une bille n'ayant pas emprunté le sillon déjà largement creusé, et qu'avec le temps d'autres billes empruntent ce second sillon, en l'élargissant, l'approfondissant, quitte à rendre le second sillon plus facilement praticable que le premier, voire à finir par empêcher l'accès au premier sillon.
Selon Sheldrake, tous les phénomènes de la nature fonctionnent selon le principe de la chréode. C'est à dire qu'une fois un phénomène apparu : plus il se produit, plus il est probable qu'il se reproduise. Et sur une échelle de temps et de répétitions en milliards d'années et en milliards d'opportunités, certaines lois de la nature apparaissent comme immuables.
De la sorte on peut parler d'une forme de mémoire de tout ce qui se passe dans la nature. Les phénomènes se reproduisent tels qu'ils se sont déjà produits, parce qu'ils se sont déjà produits. Et le fait qu'ils se reproduisent augmente encore la probabilité qu'ils se reproduiront de la même manière. Et cela concerne tant les atomes et molécules, que les cellules, les animaux, les humains, les planètes, étoiles et galaxies.Cependant, la chréode telle qu'expliquée ci-dessus, n'est qu'une image, ou métaphore de la réalité, mais qui peut en faciliter la compréhension.
Selon Sheldrake, cette mémoire, représentée par la chréode, est contenue dans les champs morphiques.
Le champ morphique n'est pas matériel. A l'heure actuelle il n'est pas mesurable. Et il fonctionne un peu à l'instar des champs magnétiques ou gravitationnels. Il contient donc de l'énergie, mais n'est pas constitué de matière (atome, électrons, etc.).
Ce serait donc ce champ qui contient la mémoire (représentée par la chréode), et permettrait à toute entité (des particules atomiques aux galaxies, en passant par les êtres vivants) de se développer à l'image de celles qui lui ont précédé.Rupert Sheldrake donne à ce phénomène de répétition qui constitue une mémoire, le nom de résonance morphique.
"Sheldrake montre au fil des pages que l’héritage du code génétique est insuffisant pour comprendre la structure et le comportement du vivant : «Alors que la théorie mécaniste impute la plupart des phénomènes héréditaires à l'héritage génétique rassemblé dans l'ADN, l'hypothèse de la causalité formative présume que les organismes héritent également des champs morphogénétiques d'organismes antérieurs appartenant à la même espèce. Ce second type d'héritage intervient via la résonance morphique et non via les gênes. L'hérédité inclut donc tant l'héritage génétique que la résonance morphique des formes antérieures semblables ». "extrait du site "philosophie et spiritualité" :
http://sergecar.club.fr/cours/theorie8.htm"Ainsi, une semence de hêtre prendra-t-elle, au cours de son développement, la forme, les structures génétiques empreintes des habitudes caractéristiques d’un hêtre. Elle est apte à se comporter de la sorte parce qu’elle hérite sa nature des hêtres précédents ; mais cet héritage n’est pas une simple question de gênes chimiques, il dépend aussi de la transmission des habitudes de croissance et de développement d’innombrables hêtres ayant existé par le passé." extrait du site : forum de philosophie et d'ethnologie de la culture :
http://www.avs-philo-ethno.org/texte.php?id=107 dont cette page n'est plus accessible actuellement.Dans le cadre de l'évolution d'un individu (par exemple) il parle aussi d'auto-résonance morphique. Nous aurons tendance à répéter nos comportements, en fonction de ceux que nous avons déjà eus.
Et dans ce cadre par exemple, "nous pouvons aussi comprendre la somatisation des processus conscients et inconscients dans le corps. Une souffrance intérieure profonde longtemps portée finit par marquer son empreinte dans la structure organique. Nous portons le visage de nos passions et la trace de notre passé."
"extrait du site "philosophie et spiritualité" :
http://sergecar.club.fr/cours/theorie8.htmRupert Sheldrake illustre de plusieurs manières le concept des champs morphiques. Représentons-nous comme une télévision : l'appareil correspond à notre corps, et le contenu des émissions télévisées n'est que l'effet sur l'appareil des ondes électro-magnétiques que capte l'appareil. En modifiant l'appareil, il se peut que l'on perde la possibilité de capter une émission, ou que l'on capte une autre chaîne, mais cela ne veut pas dire que les ondes électromagnétiques ont disparu de l'espace.
De la même manière, notre cerveau a accès à la mémoire que représente les champs morphiques qui nous correspondent. S'il y a une altération du cerveau, il n'y a pas forcément altération de la qualité de la mémoire. Et si celle-ci devait être affectée, bien souvent cela n'est que passager. Il n'a jamais été possible de localiser physiquement la mémoire dans le cerveau.Dans le même registre de métaphore, Rupert Sheldrake se réfère plusieurs fois à la comparaison entre
- l'être humain : son cerveau, son esprit, son corps et sa mémoire,
- et l'ordinateur : matériel et logiciel.
Si l'on considère le matériel (hardware) en parallèle au corps de l'homme et à son cerveau, on pourraît comparer le logiciel ou programme (software) aux champs morphiques. Dans ce cadre, nos gênes ne contiennent pas l'information ayant trait à notre mémoire, mais ce sont eux qui rendent l'utilisation du champ morphique possible afin de choisir les comportements adaptés. Et lorsque la partie hardware disparaît, elle n'entraîne pas la disparition de la partie software. Qu'une molécule soit décomposée, qu'une cellule soit détruite, ou qu'un personne décède, les champs morphiques qui leur correspondent ne disparaissent pas.Pour mieux concevoir la réalité possible des champs morphiques, Rupert Sheldrake relate aussi plusieurs témoignages et expériences. Le témoignage le plus parlant dont il fait écho dans son livre est celui des mésanges perceuses de bouteilles de lait (livrées chez les particuliers devant leur porte). En voici la description, tirée du site "philosophie et spiritualité" : http://sergecar.club.fr/cours/theorie8.htm (et en partie extraite du livre de Sheldrake).
"Le cas des mésanges bleues est très documenté et il met en évidence la propagation cette fois-ci spontanée d'une habitude, celle de l’ouverture des bouteilles de lait par les oiseaux. Le phénomène a été enregistré pour la première fois en 1921 à Southampton (UK) et on a suivi sa propagation de 1930 à 1947. Or on sait que les mésanges ne s’aventurent pas à plus de quelques kilomètres de leur nid. La propagation de ce comportement s’est pourtant nettement étendue et accélérée dans le temps. De plus, en Suède, au Danemark et en Hollande, les bouteilles de lait avaient disparu pendant la guerre. Elles ne revinrent qu’en 1947, 1948. Il est tout à fait improbable que des mésanges ayant appris cette habitude aient survécu à la durée de la guerre. ....Tout ce que l’on peut dire, c’est que les habitudes acquises par certains animaux viennent faciliter l’acquisition des mêmes habitudes par d’autres animaux de la même espèce et cela même en l’absence de tout moyen de connexion physique connu. "
Une autre anecdote racontée par Sheldrake dans son livre est celle des nouvelles cristallisations. Pour obtenir un nouveau produit chimique en laboratoire, il faut souvent énormément de temps pour y arriver. Les chimistes y travaillent des mois, voire des années. Ils obtiennent alors un nouveau produit, une nouvelle cristallisation. Selon l'hypothèse de Sheldrake, celle-ci n'ayant jamais existé au préalable ne peut pas fonctionner par résonance morphique pour être formée. Or il s'avère que plus on parvient à réussir et reproduire cette cristallisation, plus celle-ci est obtenue facilement ensuite, ce qui correspond à l'idée de la chréode. Plus la fréquence de cristallisation augmente, plus l'influence du champ morphique est grande pour faciliter les cristallisations suivantes. Les chimistes ont pourtant tout un folklore à ce sujet : ils voyagent avec le fruit de leurs efforts entre les laboratoires à travers le monde, pour faciliter la réaction chimique grâce aux fragments de cristaux qu'ils utilisent comme semence pour de nouvelles cristallisations. D'autres pensent que "des semences voyagent dans l'atmosphère sous forme de particules de poussières microscopiques. Si la résonance morphique joue un rôle dans ce phénomène, plus les nouveaux composés seront cristallisés, plus leur cristallisation deviendra aisée dans le monde entier, même en l'absence de chimistes migrateurs et de toute particule de poussière dans l'atmosphère."
extrait du livre de Rupert Sheldrake, éditions du Rocher, p. 140De la même manière, Rupert Sheldrake cite les bancs de poissons. La rapidité de réaction (lors de la présence d'un prédateur par exemple) pour changer de direction, ou pour dissoudre le banc, est bien trop grande pour qu'il puisse y avoir communication entre les poissons. L'existence d'un champ morphique unique utilisé par chacun des poissons du banc, rend ce phénomène explicable. Les poissons réagissent "comme un seul homme". Idem pour les bandes d'oiseaux.
Rupert Sheldrake fait également le lien avec l'inconscient collectif si cher à Jung. Comme pour les bancs de poisson, l'être humain a accès non seulement aux champs morphiques qui lui sont personnels, mais il a accès aux champs de groupes, de société, et de son espèce. Les champs fonctionnent en hiérarchie gigogne, s'emboîtant les uns dans les autres. Nous héritons chacun ainsi d'une mémoire collective renfermant les caractéristiques de nos ascendants, de notre groupe social, ainsi que de notre espèce. Cela va influencer notre évolution et nos comportements. "Tous les humains puisent dans une mémoire collective, qu’à leur tour, ils contribuent à façonner."
extrait du site : forum de philosophie et d'ethnologie de la culture
http://www.avs-philo-ethno.org/texte.php?id=107 dont cette page n'est plus accessible actuellement."D’un côté « nous avons nos souvenirs propres parce que nous sommes plus similaires à nous-même dans le passé qu’à quiconque ; nous sommes soumis à une autorésonance hautement spécifique de nos états antérieurs ». Mais parce qu’ici la théorie abandonne délibérément le concept de séparation, il y a aussi une mémoire collective. « Nous sommes aussi similaires aux membres de notre famille, aux membres des groupes sociaux auxquels nous appartenons, aux individus qui ont le même langage et la même culture que nous, et dans une certaine mesure, à tous les êtres humains, passés et présents ». Nous sommes influencés par les schèmes mentaux d’autrui, lesquels forment une matrice de pensée collective qui est activée via la résonance morphique."
"extrait du site "philosophie et spiritualité" :
http://sergecar.club.fr/cours/theorie8.htmNous évoluons également en fonction des champs morphiques des générations qui nous ont précédés. L'hérédité n'est à ce titre pas uniquement "génétique", mais nous portons avec nous les habituations de nos parents, grands-parents, etc.
Sheldrake, depuis la parution du livre, a continué ses recherches, et propose aussi via son site
Site de Rupert Sheldrake :
http://www.sheldrake.org/homepage.html (voir : experiments online)
de participer à des expériences de manière à apporter de l'eau au moulin de sa théorie. Suite à l'écriture de ses livres, il a aussi reçu des témoignages par milliers qui permettent d'étayer son propos et d'avancer dans sa recherche.
L'accueil de sa théorie dans le monde scientifique s'est heurtée bien sûr aux plus orthodoxes, qui semblent être moins majoritaires que par le passé. Il faudra sans doute encore un peu de temps pour qu'elle soit plus ouvertement approuvée, alors que le public, lui, n'a pas fait la fine bouche et le soutient de toutes parts.***************************************
Les mentalités sont en train de changer autour de nous, et cela devient particulièrement visible en ce moment.
Et si nous avons la conscience de la responsabilité individuelle que nous avons dans ces changements, il est probable que nos changements, au-delà des conséquences de nos comportements, sont aussi potentiellement porteurs de changements autour de nous, sans que nous ayons rien à faire de plus que changer, évoluer, ouvrir nos consciences.
Car une fois qu'un apprentissage est appris par un nombre suffisant d'individus, il se généralise rapidement dans toute la population.
Cela peut motiver à apprendre et tenter d'évoluer toujours davantage, pour soi-même bien entendu, pour assumer notre responsabilité de ne plus participer au désastre, mais sans doute aussi et surtout, pour être un facteur de changement plus rapide à plus grande échelle.Texte rédigé par Claire De Brabander
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Il est possible d'en lire davantage sur la théorie des champs morphiques ou d'autres compléments d'hypothèses, témoignages et expériences effectués ou relatés par Sheldrake sur les sites suivants :
le site de Rupert Sheldrake :
http://www.sheldrake.orgla page du site de Rupert Sheldrake qui parle des champs morphiques :
http://www.sheldrake.org/Articles&Papers/papers/morphic/morphic_intro.htmlun interview de Rupert Sheldrake réalisé par Patrice Van Eersel pour le magazine "Nouvelles Clés" :
http://www.nouvellescles.com/article.php3?id_article=806ainsi que deux sites desquels sont tirés quelques extraits dans le présent texte :
Le site du "forum de philosophie et d'ethnologie de la culture"
http://www.avs-philo-ethno.org/texte.php?id=107 dont cette page n'est plus accessible actuellement.Le site "philosophie et spiritualité"
http://sergecar.club.fr/cours/theorie8.htm
On peut ajouter à cette réflexion celle de Teilhard de Chardin concernant la "NOOSPHERE"
http://fr.wikipedia.org/wiki/Noosph%C3%A8re
Ce mot, développé par Pierre Teilhard de Chardin dans Le Phénomène humain6 a été inventé par Vladimir Vernadski7. C'est la représentation d'une couche de faible épaisseur entourant la Terre (qu'on comparerait presque aujourd'hui à un biofilm) qui matérialiserait à la fois toutes les consciences de l'humanité et toute la capacité de cette dernière à penser.
Vernadsky a formé ce néologisme sur le modèle du mot « biosphère » (couche du vivant, bios, entourant la terre), en y substituant la racine noos (intelligence, esprit, pensée). Ce néologisme est en lui-même une proposition cosmologique, exprimant cette idée qu’une couche de pensée et de conscience, une « nappe pensante », envelopperait la surface de la terre de la même façon que la biosphère.
« [C]’est vraiment une nappe nouvelle, la « nappe pensante », qui, après avoir germé au Tertiaire finissant, s’étale depuis lors par-dessus le monde des Plantes et des Animaux : hors et au-dessus de la Biosphère, une Noosphère8. »
Teilhard de Chardin a développé sa vision d’une humanité en voie de « planétisation9 » (ce qui est ni plus ni moins qu'un terme équivalent au plus actuel terme « mondialisation »). C'est la vision d'une humanité dont l’imaginaire, les pensées, les idées, les découvertes, en d'autres termes le psychisme ou la conscience tissent progressivement une « noosphère » de plus en plus serrée et dense, génératrice de toujours plus de conscience, et d’une conscience de plus en plus solidaire, de plus en plus planétaire. Par « noosphère », Teilhard désigne le milieu, ou la dimension, de pensée et de conscience qui, depuis le début de la vie sur terre a progressivement évolué pour finir par envelopper et imprégner toute la biosphère, à la manière d’une autre atmosphère, faite cette fois non pas d’oxygène, mais de psychisme. Parce que l’humanité se multiplie et se répand sans cesse à la surface d’une terre limitée géographiquement, Teilhard voit les humains se resserrer les uns sur les autres, et cette densification de l’humanité équivaut pour lui à une densification de la noosphère, donc une intensification de la conscience. Cette densification progressive amène à un retournement sur elle-même de la conscience, phénomène que Teilhard appelle « le Réfléchi10 ». Il voyait l’humanité prendre progressivement conscience d’elle-même et de ses possibilités sur une terre rendue de plus en plus petite sous l’effet de la croissance d’une population humaine toujours plus serrée sur elle-même, donc plus « échauffée » psychiquement, donc plus consciente d’elle-même : vision prophétique de la mondialisation, qu’il appelle « planétisation ».
La noosphère se juxtapose à la lithosphère (la masse inerte), à la biosphère (la masse vivante) et à la sociosphère (ensemble des relations humaines et/ou écologiques) et elle englobe l'ensemble de l'activité intellectuelle de la Terre : il s'agit d'une sorte de « conscience collective de l'humanité » qui regroupe toutes les activités cérébrales et mécaniques de mémorisation et de traitement de l'information11 .
À partir du milieu du XXe siècle, les géographes commencent à considérer les éléments culturels et immatériels en plus des réalités matérielles. Pierre Deffontaines écrit ainsi que « le plus grand événement dans l’histoire géographique de la Terre, ce n’est pas tel plissement de montagne, tel déplacement de mer, telle modification de climat, c’est l’apparition avec l’homme d’une sorte de sphère spéciale, plus extraordinaire que la pyrosphère, l’hydrosphère, l’atmosphère ou même la biosphère; ce qu’on pourrait appeler la sphère pensante, que le R. P. Teilhard de Chardin a appelé la « noosphère », enveloppe immatérielle sans doute, qui cependant s’inscrit matériellement dans le paysage12 »
Les vulgarisateurs scientifiques Jack Cohen et Ian Stewart s'approchent de ce concept avec un nom plus médiatique d’extelligence. Le cerveau des hommes fait partie de l'extelligence, mais aussi toutes les infrastructures créées par lui qui participent au traitement comme au stockage de l'information : villes, bibliothèques, infrastructure politique, culture, réseaux de communication.
En revanche, la noosphère est née grâce à la montée de conscience des individus au fur et à mesure de leur maturation, depuis l'apparition du vivant jusqu'à nos jours. Sa manifestation la plus probante est la naissance d'organisations « humanisantes » telles que les lois, les notions d'éthique, la politique, la culture, les organisations humanitaires, et aussi comme le dit Werber, la multiplication dans l'histoire, d'inventions faites aux mêmes moments mais à différents endroits.
J'ai du mal à croire que ce type d'évolution soit graduelle et surtout volontaire. Je crains que le paradigme soit trop profondément creusé pour qu'une masse suffisante d'individus puisse s'en extraire et parvienne à creuser un nouveau sillon, jusqu'à ce ce nombre déclencheur qui verrait un nouveau paradigme s'installer.
Il faudra un évènement. Un point de rupture.
Je m'interroge malgré tout sur la possiblité d'un effet indiscernable venant de la multitude d'individus isolés et agissant dans cette autre conscience. Hors du moi dérivé. Est-il envisageable que les effets conjugués de leur engagement spirituel finisse par créer un champ de conscience unifiée, sans qu'ils n'aient cherché à le faire, comme une énergie aimantée qui finirait par créer une masse suffisante pour quitter le sillon archaïque. Rien ne se ferait de façon volontaire. Il s'agirait d'une évolution déclenchée par l'assemblage spirituel...Un champ morphique...
Gurdjieff disait qu'il suffirait de cent hommes Eveillés pour faire basculer l'Humanité dans l'Eveil...
Monsieur Gurdjieff
par Julius Evola (publié une première fois dans: Roma, 16 avril 1972; première publication de cette traduction française par Gérard Boulanger: L'age d'or, printemps 1987)
Il est rare qu'apparaissent à notre époque - où ils courent le risque d'être confondus avec certains mystificateurs - des personnages qui nous fassent toucher du doigt de façon inquiétante ce à quoi s'est réduit, métaphysiquement parlant, l'existence de la grande majorité des gens.
A cette catégorie appartient, sans l'ombre d'un doute, le "mystérieux Monsieur Gurdjieff", à savoir Gerogej Ivanovitch Gurdjieff. Le souvenir de sa présence et de l'influence qu'il exerça est encore vif, bien qu'il soit mort depuis de nombreuses années, comme en témoignent les ouvrages qui lui ont été consacrés et même les romans où il figure sous un autre nom. Louis Pauwels, l'auteur du Matin des magiciens, a pu écrire un volume de plus de cinq cents pages, qui a fait l'objet de deux éditions successives, où il a recueilli un grand nombre de documents - articles, lettres, souvenirs, témoignages - le concernant. De fait, l'influence de Gurdjieff s'étendit aux milieux les plus divers: le philosophe Ouspensky (qui, á partir de sa doctrine, écrivit un ouvrage intitulé Fragments d'un enseignement inconnu, ainsi qu'un autre, L'évolution possible de l'homme, dont une traduction italienne est annoncée), les romanciers A. Huxley et A. Koestler, l'architecte "fonctionnaliste" Frank Lloyd Wright, J.-B. Bennet, disciple d'Einstein, le docteur Wakey, l'un des plus grands chirurgiens new-yorkais, Georgette Leblanc, J. Sharp, fondateur de la revue The New Statesman: tous eurent avec Gurdjieff des contacts qui laissèrent des traces.
Notre personnage apparut pour la première fois à Saint-Pétersbourg, peu avant la Révolution d'Octobre. On ne sait pas grand chose de ce qu'il fit avant: lui-même se bornait à dire qu'il avait voyagé en Orient à la recherche des communautés qui gardaient en dépôt les restes d'un savoir transcendant. Mais il semblerait qu'il ait été également le principal agent tsariste au Tibet, qu'il avait quitté pour se retirer dans le Caucase où il fut, étant enfant, le condisciple de Staline. En France, et ensuite à Berlin, en Angleterre et aux États-Unis, il s'était consacré à l'organisation de cercles qui suivaient ses enseignements, cercles intitulés "groupes de travail". Un éditeur français qui se retirait des affaires lui offrit en 1922 la possibilité de faire du château d'Avon, près de Fontainebleau, sa "centrale" où, dans un premier temps, il créa quelque chose qui tenait de l'ésole et de l'ermitage. Parmi les bruits qui circulent à son propos, certains concernent le domaine politique. Gurdjieff aurait eu des contacts avec Karl Haushofer, le fondateur bien connu de la "géopolitique", qui occupa une place de premier plan dans le IIIe Reich, et l'on prétend même que ces relations auraient présidé au choix de la croix gammée comme emblème du national-socialisme, dont la rotation s'effectue non pas vers la droite, symbole de la sagesse, mais vers la gauche, symbole de la puissance (comme ce fut effectivement le cas).
Quel message annonçait Gurdjieff? Un message pour le moins déconcertant. Peu d'hommes "existent", peu ont une âme "immortelle". Certains d'entre eux possèdent le germe, lequel peut être développé. En règle générale, on ne possède pas un "Moi" de naissance: il faut l'acquérir. Ceux qui n'y parviennent pas se dissolvent à leur mort. "Une infime partie d'entre eux sont parvenus à avoir une âme."
L'homme de la rue n'est qu'une simple machine. Il vit à l'état de sommeil, comme hypnotisé. Il croit agir, penser, alors qu'il est "agi". Ce sont des impulsions, des réflexes, des influences de tous ordres qui agissent en lui. Il n'a pas d'"etre". Les manières de Gurdjieff n'avaient rien de délicat: "Vous pas comprendre, vous idiot complet, vous merdité", disait-il souvent dans son mauvais français à ceux qui l'approchaient. De Katherine Mansfield, morte lors d'un séjour dans son ermitage d'Avon en quête de la "voie", Gurdjieff déclara: "Moi pas connaître", voulant signifier par là que la morte n'était rien, qu'elle n'"existe" pas.La vie ordinaire est celle d'un individu continuellement aspiré, ou "sucé", enseignait Gurdjieff. "Je suis aspiré par mes pensées, par mes souvenirs, mes désirs, mes sensations. Par le beefsteak que je mange, la cigarette que je fume, l'amour que je fais, le beau temps, la pluie, cet arbre, cette voiture qui passe, ce livre." Il s'agit de reágir. De s'"éveiller". Alors naîtra un "Moi" qui, jusque-là, n'existait pas. Alors il apprendra à être, à être dans tout ce qu'il fait et ce qu'il ressent, au lieu de ne représenter que l'ombre de lui-même. Gurdjieff appelait "pensée réelle", "sensations réelle", etc., ce qui se manifeste selon cette dimension existentielle absolument nouvelle que la majorité des gens ne peuvent même pas imaginer. Et il distinguait également chez chacun l'"essence" de la "personne". L'essence constitue sa qualité authentique, tandis que la personne n'est que l'individu social, construit de toutes pièces, et extérieur. ces deux éléments ne coïncident pas: on rencontre des gens dont la "personne" est développée alors que leur "essence" est nulle ou atrophiée - et vice versa. Dans notre monde, le premier cas prévaudrait: celui d'hommes et de femmes dont la "personne" est exacerbée jusqu'à la démesure mais dont l'"essence" est à l'état infantile - quand elle n'est pas totalement absente.
Ce n'est pas le lieu ici d'évoquer les procédés indiqués par Gurdjieff pour s'"éveiller" pour s'ancrer en l'"essence", pour se créer un "être". Quoi qu'il en soit, le point de départ serait la reconnaissance pratique, expérimentale, de sa propre "inexistence", cet état quasiment somnambulique, le fait d'être "sucé" par les choses, par nos pensées et nos émotions. C'est également à cela que servait la "méthode du désordre": mettre sans dessus dessous la "machine" que l'on est pour prendre conscience du vide qu'elle cache. Il ne faut pas s'étonner si certains de ceux qui ont suivi Gurdjieff dans cette voie sont allés au devant de crises extrêmement graves, bouleversant leur équilibre mental au point de prendre la fuite ou de se rappeler avec terreur de pareilles expériences oú ils avaient eu quasiment l'impression de vivre la mort. Quant à ceux qui ont résisté à l'épreuve et persisté dans le "travail sur soi" auprès de Gurdjieff, ils parlent d'un incomparable sentiment de sécurité et d'un nouveau sens donné à leur existence.
Il semblerait que Gurdjieff exerçait sur quiconque l'approchait, de façon presque automatique et sans qu'il le veuille, une influence qui pouvait avoir des effects positifs ou délétères selon les cas. Il est hors de doute qu'il possédait quelques facultés supranormales. Ouspensky raconte qu'en recourant à une science apprise en Orient, et dont en Occident on ne connaît "qu'une partie insignifiante sous le nom d'hypnotisme", Gurdjieff pouvait, grâce à certaines expériences, séparer l'"essence" de la "personne" chez un individu donné - faisant éventuellement apparaître l'enfant ou l'idiot qui se cachait derrière quelqu'un d'évolué et de cultivé ou, inversement, une "essence" très différenciée en dépit de l'inexistence de manifestations extérieures.Parmi les témoignages recueillis par Pauwels, il en est un particulièrement piquant relatif au pouvoir, attribué également en Orient à certains yogis (et évoqué par un auteur aussi digne de foi que Sir John Woodroffe), de "rappeler la femme à la femme". Celui qui rapporte l'anecdote se trouvait á New York, dans un restaurant, en compagnie d'une jeune femme écrivain très sûre d'elle-même à laquelle il montra le "fameux" Gurdjieff, assis á une table voisine. La jeune femme le dévisagea avec un air de supériorité affiché mais, quelque temps après, elle se mit à pâlir et sembla sur le point de défaillir. Ceci ne manque pas d'étonner son compagnon, qui n'était pas sans connaître sa grande maîtrise d'elle-même. Plus tard, elle lui avoua ceci: "C'est ignoble! J'ai regardé cet homme et il a surpris mon regard. Il m'a alors dévisager froidement et, à ce moment-là, je me suis sentie fouaillée intimement avec une telle précision que j'ai éprouvé l'orgasme!"
Gurdjieff se contentait de quelques heures de sommeil: on l'appelait "celui qui ne dort pas". Il alternait un mode de vie quasiment spartiate avec des banquets d'une opulence russo-orientale disparue depuis longtemps. En 1934, il fut victime d'un accident d'automobile très grave: il resta trois jours dans le coma mais reprit connaissance aussitôt et parut avoir rajeuni, comme si le choc physique, au lieu de léser son organisme, l'avait galvanisé. De nombreuses choses de ce genre se racontent sur son compte: nous en avons nous-même entendues directement, par la voix de quelqu'un qui fut un de ses proches et dirigea au Mexique un des "groupes de travail" évoqués plus haut. Bien entendu, un processus de "mythification" est inévitable dans des cas de ce genre, et il n'est pas aisé de démêler la réalité de l'imaginaire. Gurdjieff n'a quasiment rien laissé comme écrits et ce qu'il a publié est d'une qualité assez médiocre, mais il est extrêmement fréquent que celui qui est "quelqu'un" n'ait ni les qualités ni la préparation pour être écrivain: il donne un enseignement direct et exerce une influence. Comme nous l'avons dit, à part le recueil de témoignages publié par Pauwels sous le titre Monsieur Gurdjieff, il revint à Ouspensky d'écrire sur ses enseignements.
Gurdjieff mourut à l'âge de soixante douze ans, en pleine possession de tous ses moyens et en disant ironiquement à ceux de ses disciples qui l'assistaient: "Je vous laisse dans de beaux draps!" Aujourd'hui encore, il ne cesse pas d'être cité et, comme on l'a dit, ici et là en Angleterre, en France et en Afrique du Sud, les restes des groupes qui s'étaient constitués sous son influence subsistent.
www.geocities.com/capitolhill/1404/gurdjieff.html
www.gurdjieff.org pour en savoir plus sur G. Gurdjieff
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L'huni-manité
- Par Thierry LEDRU
- Le 13/02/2012
Le paradigme du moi dérivé a conduit l'humanité à explorer son inhumanité. Il reste donc pour les millénaires à venir à découvrir "l'huni-manité" avant qu'il ne soit trop tard.
Aucune philosophie n'a permis d'établir durablement et à l'échelle planétaire une conscience du flux vital et de la nécessité absolue d'oeuvrer à la préservation de la Vie. Les philosophies se sont contentées d'explorer le champ humain, cette conscience égocentrée. Tout le mal est là. Ce raisonnement, qu'il soit cartésien, existentialiste, nihiliste, matérialiste, déterministe, marxiste ou autre n'aura été qu'une succession de conflits intellectuels étant donné que rien de tout ça n'aura été capable de contrer cette vision du moi encapsulé.
http://www.cles.com/entretiens/article/de-l-inhumanite-353Michel-Antoine Burnier
De l’inhumanité
Pour Michel-Antoine Burnier, politologue, journaliste, écrivain, ami de longue date et conseiller personnel de Bernard Kouchner - jusqu’à la nomination de ce dernier au poste de gouverneur du Kosovo -, l’inhumanité se définit par rapport à l’idée que l’on se fait de l’humain. « Or, notre idée de l’homme, dit Burnier, est très récente. Soumis à nos critères actuels d’indignation morale, la quasi-totalité des grands hommes de l’histoire - y compris les savants et les philosophes - seraient aujourd’hui en prison pour barbarie. »
Paradoxe suprême : c’est l’épouvantable succession de génocides du XXe siècle qui nous aurait fait le plus progresser en humanité.
Privilège redoutable de la condition humaine : elle n’est jamais acquise. On n’est jamais tout à fait humain. Pourquoi, sinon, prendrait-on la peine de préciser, parlant d’une personne particulièrement subtile et bonne : « C’est quelqu’un de vraiment très humain » ? Et pourquoi déplorerait-on, hélas trop souvent, l’inhumanité de tel ou telle de nos congénères ?
Être humain, c’est un processus, ce n’est pas un état. Cela se gagne jour après jour.
Cela se découvre, se révèle, se conquiert. Et c’est, oui, une singularité inouïe, un privilège d’espèce. Si nous avons, hélas de plus en plus souvent, à déplorer l’inanimalité de telle poule ou de tel porc - grandis en batterie, exécutés en série et finalement jaugés dans nos assiettes -, c’est parce que ces malheureuses bêtes ont été happées par notre industrieuse inhumanité. Pour parler de ce sujet aux contours parfois dangereusement nébuleux, nous avons pris un homme concret. Formé à la philosophie et aux sciences politiques, auteur de nombreux essais, romans et parodies, Michel-Antoine Burnier, qui fut successivement rédacteur en chef de l’Evénement d’Emmanuel d’Astier, d’Actuel et conseiller de l’Express, s’est aussi beaucoup intéressé à l’histoire. Nous avions d’autant plus envie de l’interroger sur la notion d’inhumanité qu’il est, depuis plus de trente ans, l’ami et le conseiller d’un homme qui n’a cessé de se jeter à corps perdu, sur le terrain, contre les pires irruptions d’inhumanité de l’histoire présente : Bernard Kouchner, fondateur de Médecins sans frontières et de Médecins du monde. Aussi est-ce un peu la philosophie du fameux « devoir d’ingérence contre l’inhumanité » qu’en interviewant Michel-Antoine Burnier, nous sommes allés interroger.
Nouvelles Clés : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit »... On peut dire que le programme central de la Révolution .française, désormais censé s’appliquer à six milliards d’individus, demeure dramatiquement inachevé. Nous le savons bien, à la fin du siècle de la décolonisation et de la Croix-Rouge internationale, mais aussi de la Shoah et du Goulag. On ne naît pas humain, dit-on, on naît comme un « projet humain » et on ne devient éventuellement humain que dans des circonstances très particulières. Lesquelles ?
Michel-Antoine Burnier : J’ai tendance à penser que Michel Foucault n’a pas complètement tort : l’homme, au sens où nous l’entendons, est une invention récente, puisqu’il suppose un individualisme réel, une notion de la liberté, la capacité de reconnaître son semblable comme humain et un minimum d’organisation sociale, à la fois structurée et relâchée, pour que tout cela fonctionne. Bref, il faut les fondements de notre civilisation. Les autres grandes civilisations, de l’Indus à l’Égypte des Ptolémée, de Rome à Cordoue, de la Chine à Byzance, sont parvenues au même degré de développement que la nôtre à l’époque de la Renaissance. Mais elles n’ont pas donné lieu à ce que nous appelons l ’homme aujourd’hui, c’est-à-dire à l’humanisme. Elles en sont restées à des conceptions autoritaires et collectives du comportement, qui ne servent ni l’invention ni le développement, puis sont entrées en décadence. La civilisation occidentale, démarrant d’un socle commun à toutes ces grandes civilisations, a développé une forme particulière qui lui a permis d’accéder à un stade ultérieur. Toutes les autres se sont arrêtées à un moment donné ; la seule qui, parvenue au même point, a rebondi sur autre chose, c’est l’Europe de la Renaissance. Ce n’est pas un phénomène national. Il est né en Italie, mais a grandi aussi en Europe du Nord, en France, à Prague, à Londres, etc. Ce que nous appelons aujourd’hui inhumanité est un comportement qui va contre ce courant de base qui fonde notre civilisation à partir du XIV" ou du XV" siècle. Si l’on prend toutes les civilisations antérieures à la nôtre, les comportement inhumains sont absolus et ne paraissent pas particulièrement scandaleux. La cruauté romaine, pourtant terrible, ne révulse pas grand monde, en tout cas ni les moralistes ni les philosophes romains. Cicéron ne se demande pas : « Comment penser après le massacre épouvantable des esclaves insurgés dirigés par Spartacus ? » Alors que les Occidentaux se demanderont après 1945 : « Comment penser après Auschwitz ? » Si la grandeur de la civilisation romaine est incontestable - nous en sommes issus et pour une part nous l’aimons, forcément -, elle se fonde aussi sur des massacres atroces et sur la disparition de peuples entiers. En Gaule, vous avez entre un quart et une moitié de la population massacrée en dix années de conquête - les chiffres sont abrupts : sur cinq millions de Gaulois qui vivaient à l’époque, un million de morts au minimum et un million déportés comme esclaves. Rome a fait disparaître des peuples entiers, par exemple les Lygiens. Des génocides au sens universel...
N. C. : Quand a-t-on commencé à s’en indigner ?
M.-A. B. : Grosso modo à partir de Montaigne. L’humanisme naît autour de 1500. L’un des premiers à s’indigner est sans doute Las Casas, quand il revient des Amériques et qu’il raconte de quelle façon on massacre les Indiens. Il est incontestable que mille ou mille cinq cents ans plus tôt, il n ’y avait eu aucun Plutarque, aucun Sénèque pour dire : « C’est mal d’avoir fait disparaître le peuple lygien », alors que, dès la Renaissance, il se trouve des gens pour dire : « Dites-donc, ce que vous faites avec les Indiens d’Amérique, ce n’est pas bien. » À mon avis, c’est donc à partir de là que l’on commence à définir l’inhumanité : le massacre atroce et systématique des autres hommes, et leur asservissement massif. Bien sûr, et malheureusement, tout cela ne cesse pas pour autant. En un sens, le processus s’accélère même jusqu’au XXe siècle, où se produisent deux phénomènes énormes : 1°) les techniques permettent des massacres de masse à des échelles soudain industrielles - c’est la Première Guerre mondiale ; 2°) le nazisme surgit, c’est-à-dire l’inhumanité absolue.
Mais le nazisme ne nous apparaît comme atroce que parce que nous avons des siècles d’humanisme derrière nous. Car on peut, sinon, trouver énormément d’entreprises du même genre dans le passé, sans que les contemporains y aient vu quoi que ce soit à redire. Bien sûr, Gengis Khan ou Tamerlan n’étaient pas spécialement bien vus des populations... Mais Alexandre le Grand, et même César, gardent une réputation très flatteuse. Dans l’optique humaniste moderne, parce que nous savons à peu près ce que nous entendons par humanité, le nazisme nous permet de définir a contrario l’inhumanité totale et absolue. Sa monstruosité a secoué nos morales à tel point que nous sommes en train, très lentement, très difficilement, soixante-dix ans plus tard, de revoir notre définition de l’humain : il est apparu en effet que la morale humaniste classique, néo-chrétienne ou néo-kantienne, n’a pas pu empêcher Auschwitz, ni les Khmers rouges, ni le Rwanda, ni le Kosovo...
N. C. : Justement : à quoi ressemblerait un nouvel humanisme qui serait, lui, efficace ?
À quelque-chose qui intégrerait le fameux « devoir d’ingérence » cher à Bernard Kouchner ?
M.-A. B. : Je crois, oui. Nous connaissons actuellement une mutation très importante. Si Hitler surgissait en 2033 et non en 1933, le « devoir d’ingérence » pousserait les démocraties à attaquer l’Allemagne dès le début : empêcher Auschwitz. Mais cette politique - comme Léon Blum le regrettera plus tard, trop tard - ne pouvait s’imposer à l’époque, ni pendant les années qui ont suivi la Libération, parce qu’il fallait que tout cela mûrisse. Nous commençons tout juste à concevoir un droit d’ingérence préventif. La référence au nazisme est maintenant constante : nous avons connu le mal absolu. Le stalinisme aurait d’ailleurs très bien pu jouer ce rôle symbolique ; il se trouve que c’est le nazisme, coup de chance pour les communistes d’hier et d’aujourd’hui.
N. C. : Lors du débat provoqué par la publication du Livre noir du communisme, on a entendu, de nouveau, des gens s’insurger contre lefait que l’on ose comparer le nazisme - un système qui cria haut et fort son inhumanité - et le communisme - un système qui aurait malheureusement dérivé, mais dont le projet de départ était beau...
M.-A. B. : Concrètement, au XXe siècle, l’inhumanité a pris ces deux visages-là, qui sont en réalité très proches.
Le nazisme a été une caricature construite pour lutter contre le communisme. S’il n ’y avait pas eu le bolchévisme, Hitler n’aurait pas eu les matériaux ni l’organisation pour construire le nazisme - c’est quand même très ressemblant. Et jusque dans les idéologies. Le marxisme n’a jamais été un humanisme ! Quand on lit les textes de Marx et que l’on observe son comportement, on trouve les prémisses des appels systématiques au massacre que lancera Lénine. Bien avant la révolution d’Octobre, Jean Jaurès explique que si on applique à un pays les thèses du Manifeste publié par Marx en 1847, les dirigeants révolutionnaires ne représenteront bientôt plus qu’une bande campée sur le territoire et que ce sera la dictature la plus effroyable jamais vue.
Pourquoi, alors, continue-t-on à craindre de rapprocher nazisme et bolchévisme ? Cela tient simplement à la pression des anciens communistes, qui refusent d’aller jusqu’au bout de leur honte. Le communisme aurait eu une visée plus universaliste ? Mais qui a bien lu les textes fondateurs du nazisme ? Il faudrait remonter le temps et aller interviewer le jeune homme ou la jeune fille qui adhèrent au parti nazi à l’âge de seize ans, en 1937... À quoi pensaient-ils ?
À la fraternité humaine, à la joie d’être jeunes et ensemble, à la fin de la corruption bourgeoise et des vieilles morales... bref à tout ce à quoi pensaient, au même moment, les jeunes communistes - et à quoi nous avons continué à penser bien des années après...
N. C. : Qui sont les principaux penseurs antitotalitaires, selon vous ? Hanna Arendt ?
M.-A. B. : Hanna Arendt a décrit un type d’individu : c’est Eichmann, d’une inhumanité propre à ce siècle, la jonction entre le barbare et le bureaucrate, qui dit : « J’obéissais aux ordres ! » Mais Hanna Arendt n’est pas la première ; on a ce regard chez Souvarine, chez Gide, chez Koestler, chez Aron, chez Merleau-Ponty, dont l’évolution - de Humanisme et Terreur aux Aventures de la dialectique, c’est-à-dire d’un volontarisme marxiste à une nouvelle forme d’humanisme - est frappante...
N. C. : Quelle découverte font ces penseurs ?
M.-A. B. : Je crois qu’en général les humains vivent les phénomènes avec une relative lucidité ; ensuite, l’historiographie (qui se fait passer pour de l’histoire) obscurcit tout. Prenez l’exemple de la Révolution française : on a vécu comme une découverte troublante, récemment, le fait qu’il y ait eu deux révolutions, 1789 et 1793 - la seconde anéantissant les acteurs de la première. Or, la dualité de la Révolution (d’abord les Droits de l’homme, ensuite la Terreur) a été tout naturellement perçue par les contemporains, et pendant une grande partie du XIXe, tout le monde le savait ; Dumas l’explique très bien, Tocqueville aussi, etc. Et puis l’historiographie de la IIIe République, à partir de 1880, fondée sur un gauchisme antérieur, a expliqué qu’il n’y avait eu qu’une seule Révolution. La phrase de Clemenceau « la Révolution est un bloc », vient de son réquisitoire, à la Chambre des députés, contre une pièce de théâtre, Thermidor, écrite par Victorien Sardou en 1891, où l’on voyait Robespierre comme un méchant sanguinaire : figurez-vous que cette pièce a été interdite par la République radicale, au nom de la phrase de Saint-Just : quiconque l’attaque en détail [la Révolution] est un traître.
N. C. : Lorsque les générations d’après guerre (c’est-à-dire beaucoup d’entre nous) comprendront, dans les années 70, la nature foncièrement totalitaire de leur bel idéal, une évidence s’imposera : la genèse de toute cette inhumanité remonte justement, pour une bonne part, à la Révolution .française, plus précisément à 1793. Nous avons été, nous Français, le laboratoire d’où est sortie cette forme nouvelle d’inhumanité : la terreur idéologique moderne.
M.-A. B. : C’est évident en effet. C’est l’historien François Furet qui a le mieux défini les deux révolutions françaises : 1989, révolution voltairienne des droits de l’homme - celle des philosophes -, et 1993, révolution rousseauiste et terroriste - qui conduit les philosophes à la mort.
N. C. : Pour vous, Jean-Jacques Rousseau est un penseur inhumain ?!
M.-A. B. : La Terreur de 1793 est la stricte application du Contrat social ! Il n ’y a qu’à le relire : Rousseau y prévoit l’exclusion de l’individu qui ne se soumettrait pas à la Volonté générale, comme plus tard Staline élimine qui ne se soumet pas au parti, c’est clair et net. Robespierre est d’un rousseauisme exacerbé et plus la Terreur avance, plus on cite Rousseau, plus on le tutoie, plus on s’adresse à lui comme au maître sublime, etc.
La pensée de Rousseau est aussi coupable que celle de Marx. Mais pour en revenir à la différence supposée entre les régimes autoritaires de droite - nazisme et fascisme - et les régimes autoritaires de gauche - de Robespierre aux bolchéviks -, eh bien la querelle est désormais tranchée : le parti communiste yougoslave est devenu le parti nationaliste serbe fascistoïde conquérant, qu’on a vu à l’oeuvre - avec matraquage des opposants, propagande, invasion des voisins, racisme, « sous-races », épuration ethnique, etc. —, dans une continuité absolue, avec les mêmes gens, quasiment les mêmes slogans, les mêmes troupes spéciales, la même organisation, etc. Bref, la démonstration n’est plus à faire. Il y a une continuité directe entre les deux. Le fameux discours du Champ des Merles n’a jamais fait que marquer le passage de l’un à l’autre.
N. C. : Vous voulez dire qu’on a eu la chance que cela se passe dans un petit pays comme la Serbie et pas en Russie ?
M.-A. B. : Cela peut malheureusement encore se produire en Russie. Sauf que le communisme russe est très délabré, alors que le yougoslave tenait encore la route...
N. C. : Fondamentalement, l’idée judéo-chrétienne de « défendre un faible » révulsait les idéologues nazis, qui y voyaient le signe d’une maladie quasiment... écologique : comment peut-on aimer un faible, se demandaient-ils, c’est-à-dire aimer une pathologie ?
M.-A. B. : Les marxistes pensaient pareil ! Ils avaient le même culte physique de la jeunesse, les mêmes démonstrations avec pelle sur l’épaule, les mêmes torses nus, les mêmes crânes rasés, les mêmes cheveux blonds.
N. C. : Finalement notre humanisme n ’est-il pas d’essence judéo-chrétienne. C’est la Bible qui rend l’humain radicalement différent de l’animal !
M.-A. B. : Oui, d’une certaine façon... Ce n’est cependant qu’une des interprétations que l’on peut tirer de la Bible, ce livre très composite, dont l’avantage est la richesse et la durée...
Mais les interprétations médiévale ou inquisitoriale de la Bible, par exemples, n’ont rien à voir avec celle que nous avons de nos jours. Les pires horreurs espagnoles de la Renaissance ont été directement justifiées par des passages bibliques. Qui saurait dire si le christianisme a sauvé plus de gens qu’il n’en a fait tuer ? Quant à moi, je crois fondamentalement que la source de notre humanisme est gréco-latine. La Bible y a apporté des éléments, c’est évident...
N. C. : Seulement des éléments ? Nous sommes issus d’un croisement des deux, non ?
M.-A. B. : Oui sans doute, mais vous savez, la Bible sans la Grèce et Rome, ça n’est vraisemblablement qu’une petite religion intolérante et intolérable. Le judaïsme du temps du Christ nous serait très difficile à avaler ! - ce qui n’empêche pas qu’il y ait une qualité émotionnelle et littéraire très grande chez un certain nombre de prophètes bibliques : pour moi, c’est du Victor Hugo. Un christianisme tiré de la Bible a dominé le Moyen Âge, l’obscurantisme et la cruauté.
Tout ne commence que lorsque la Renaissance revivifie l’Antiquité.
Mais il me semble que le vrai terrain qui a permis l’émergence de l’humanisme, c’est le bourg de la Renaissance, c’est le bourgeois, c’est l’auto-administration (même si elle reste longtemps assez autoritaire) des gens des villes à l’écart du pouvoir spirituel, et avec un retrait relatif du pouvoir temporel. Tout d’un coup, l’espérance n’est plus le Ciel, c’est la société urbaine rationnelle - et il est remarquable que la plupart des penseurs de cette époque sont des architectes, des urbanistes rêvant de cités idéales.
Ce phénomène-là - la naissance de la bourgeoisie -, vous ne le trouvez ni en Égypte, ni en Mésopotamie, ni dans les États de l’Indus, ni à Rome (qui est gouvernée de manière administrative centralisée), absolument pas en Chine... Bref, on ne le trouve qu’en Europe, au début essentiellement en Italie et dans les pays du Nord... La seule démocratie connue de nous, c’est l’humanisme bourgeois. Le problème, c’est d’empêcher la bourgeoisie de s’accaparer cette belle découverte !
N. C. : Et la fameuse thèse de Max Weber sur le décollage protestant du capitalisme ?
Selon lui, sans les protestants, le modèle occidental ne serait jamais devenu mondial...
M.-A. B. : Je n’en suis pas complètement sûr. Parce que le catholicisme, au moins, vous laisse de temps en temps tranquille, alors que le protestantisme, jamais. Quant aux comportements autoritaires induits par le protestantisme, ils n’aident pas toujours à l’émancipation des êtres. Le calvinisme présente des aspects proches d’un pré-totalitarisme moderne, et les attaques de Luther contre les révoltes paysannes (avec en outre des phrases antisémites qui se terminent par : « Il faut les brûler ! ») nous font frémir - on peut trouver dans Luther toute la prophétie « Terre Materne » de Hitler !
N. C. : Ce qui nous ramène à l’inhumanité. À partir de quand regarde-t-on l’homme comme un être très dangereux ? Arrivant en poste au Kosovo, votre ami Kouchner disait qu’il n’avait plus du tout confiance dans l’être humain et que sa seule façon de tenir était de constamment prévoir le pire, de façon à avoir parfois une minuscule surprise positive.
M.-A. B. : La découverte que l’homme est sans cesse capable du pire ? Mais elle est vieille comme le monde ! Toutes les religions vous expliquent que le mal existe, notamment les religions juive et chrétienne, qui situent le mal et le péché à l’origine même de l’humanité.
Empiriquement, I’humanité ne fait, de toute façon, que passer sans cesse d’une guerre à l’autre. Nous nous en sommes déshabitués, en Europe, depuis 1945, mais le sort ordinaire de l’humanité, c’est le village qui brûle, les enfants éventrés, les femmes violées, les hommes tués ou emportés en esclavage. Nous autres, Européens de la seconde moitié du XXe siècle, nous vivons dans une bulle que la guerre yougoslave, d’une certaine façon, est d’ailleurs venue crever. D’où un certain sentiment d’urgence...
Après le nazisme, notre humanisme s’est doté d’exigences telles que si l’on jugeait à l’aune de nos indi- gnations morales d’aujourd ’hui les grands hommes de I ’histoire, on les flanquerait quasiment tous au trou ! La façon dont Diderot se comportait avec sa bonne, Voltaire avec ses affaires, Montaigne lui-même avec ses paysans... nous révulserait : ce n’est qu’abus de la personne et du bien social, coups de bâton, enfermement, esclavagisme, abandon, séparation des familles. Tycho Brahé, le fameux astronome dont nous parlons avec aménité dans nos livres d’astrophysique, a dû se faire rappeler à l’ordre de nombreuses fois par le roi du Danemark avant d’arrêter de mutiler sauvagement les paysans de ses terres ! Et pour prendre un exemple beaucoup plus proche et terre-à-terre, si l’on avait appliqué aux patrons français des années cinquante les critères de l’abus de bien social que nous appliquons aujourd’hui dans nos lois, 90 % du patronnat français aurait fini en prison.
Dans le crime, c’est pareil. Prenons le dictateur Milocevic. Qu’a-t-il fait d’autre que les Français en Algérie de 1954 à 1962 ? À l’époque, la France a en effet prétendu que des territoires qui manifestement n’étaient pas peuplés de Français d’origine lui appartenaient, que cela relevait de sa souveraineté, que personne n’avait à s’en occuper, etc. Elle a ainsi déplacé deux millions de personnes, fait probablement 350 000 morts (moins que ce que le FLN a prétendu, mais c’est tout de même considérable) , pratiqué la torture partout, installé des tribunaux d’exception... Bref, il y a moins d’un demi-siècle, la France a fait plutôt pire en Algérie que Milocevic au Kosovo.
N. C. : L ’OTAN aurait dû intervenir ?
M.-A. B. : La question d’une intervention extérieure s’est posée. Souvenons-nous que la guerre d’Algérie a fait l’objet de violents débats lors de chaque assemblée générale de l’ONU, avec des motions condamnant la France et une permanente volonté d’intervenir dans les affaires françaises de la part des Américains - ne parlons pas des Soviétiques. On espérait d’ailleurs que Kennedy, une fois élu, interviendrait et pèserait pour écarter l’armée française de l’Algérie.
Conclusion ? Eh bien, je crois que nous avons beaucoup évolué. Il y a des choses que l’on ne tolère plus, et c’est bien. Cela ne veut certainement pas dire que nous soyons devenus purs et innocents ! Mais il est certain que la succession des génocides du siècle nous a obligés à avancer. Autrement dit, c’est le mal qui fait progresser les hommes !
Je crois que l’un des grands progrès de la conscience humaine est réellement dû à la Seconde Guerre mondiale. Nous avons complètement identifié, non seulement le mal absolu et total, mais, de plus en plus, ses prémisses. L’humanisme, aujourd’hui, c’est d’abord d’empêcher le retour d’Auschwitz par tous les moyens, c’est-à-dire de protéger les minorités.
C’est vrai aussi pour les moeurs. La pédophilie nous apparaît comme d’une inhumanité absolue - mais je peux vous garantir que si l’on avait arrêté tous ceux qui tripotaient des petits garçons et des petites filles au XIXe siècle, aussi bien dans la bourgeoisie que dans la classe ouvrière ou la paysannerie, et dans les collèges et internats religieux, une bonne part des adultes se serait retrouvée en prison. Notre notion de l’humanité est en train de se resserrer. Il faut s’en réjouir. À une condition : qu’elle n’essaie pas de se dépasser elle-même. Le nazisme a été une tentative de dépasser les injustices et les insuffisances de la société libérale bourgeoise, on voit où ça a versé. Le stalinisme a représenté une tentative parallèle. Il ne faut surtout pas fabriquer une troisième idéologie qui, prétendant dépasser notre civilisation, nous ramènerait en arrière. Moyennant quoi, je suis frappé que nous ayons à ce point évolué.
Les choses bougent paradoxalement d’autant plus - et en mieux - qu’il n ’y a pas de définition de l’homme éternel. L’homme le plus humain d’il y a quelques siècles nous semblerait fichtrement inhumain aujourd’hui. Il n’y a pas de raison que cela s’arrête. Il faut se résoudre à une pensée relativiste. On en est arrivé au point que si l’OTAN avait mené une guerre brutalement inhumaine en Yougoslavie, elle aurait été tant désapprouvée par ses opinions publiques qu’elle aurait été obligée de mettre fin à la guerre, c’est-à-dire d’accepter une défaite. C’était les rois qui décidaient de la guerre autrefois, maintenant les peuples occidentaux ont presque le pouvoir de décider de la paix. Renversement de perspective vertigineux.
Propos recueillis par Patrice van Eersel
Le plus effroyable à mes yeux est de constater à travers les centaines de livres que j'ai pu lire que rien n'équivaut à la philosophie des ethnies comme celle des Kogis et que j'aurais mis 50 ans à le découvrir.
Je ressens parfois un profond dégoût envers l'Occident. Et en même temps, c'est bien parce qu'il existe ici des livres que j'ai pu décovrir ce peuple. Est-ce que ça atténue la douleur de ces massacres perpétrés depuis l'époque des Conquistadors ? Certainement pas. Et même si d'autres livres me montrent que ces massacres continuent. Je préfèrerais être ignorant. Qu'il n'y ait aucun livre, que je ne connaisse rien de ces Peuples Premiers mais qu'ils puissent vivre dans la paix.
"L'huni-manité" prendra forme lorsqu'il n'y aura plus rien à raconter sur les hommes parce qu'ils vivront tous en osmose avec la Terre et les formes de Vie qui la peuplent.
Oui, je sais ce que vous pensez...
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Ethique mondiale...
- Par Thierry LEDRU
- Le 12/02/2012
« Il nous manque un vrai droit et une vraie éthique mondiale. Il nous manque des instances capables de réguler les fléaux qui empêchent cette société-monde de naître et peuvent nous détruire : une instance capable d’éradiquer l’arme atomique qui devrait être détruite partout, une instance capable de régler le grave problème de la biosphère, une instance régulant l’économie autrement que le Fonds monétaire international, dans l’équité...
Une confédération capable de prendre des décisions vitales pour l’avenir de la planète. Un nouveau modèle, une troisième voie est donc à trouver. La haine disproportionnée contre l’Amérique est injuste, mais il faut considérer le problème de sa puissance hégémonique incapable de voir ses vrais devoirs à l’égard du monde. Il y a une citoyenneté mondiale à établir qui ne va pas nier les autres citoyennetés.
J’ai peur qu’il faille des catastrophes plus grandes encore pour susciter des réactions salutaires en ce sens. Castoriadis parlait de la montée de l’insignifiance : il est vrai que nous devons sortir de cette invasion de la futilité qui touche l’ensemble de la société occidentale, alors que nous sommes devant des défis extraordinaires, incommensurables qu’il nous faut relever. Autre point : nous avons été éduqués dans une forme d’esprit qui apprend à séparer les problèmes mais qui rend aveugle au contexte, au global. C’est pour cela que tant qu’il n’y a pas une réforme de la pensée et de l’éducation rien ne se passera de façon durable. Une vraie réforme de l’esprit, cet esprit humain qui a des possibilités extraordinaires et que l’on maintient dans une forme de sous-développement qui nous rend obnubilés par nos petites obsessions et hagards face à la réalité globale. » Edgar Morin.
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Physique existentielle.
- Par Thierry LEDRU
- Le 12/02/2012
http://fbon.free.fr/cordes.html
L'unification de la physique
Le but suprême de la physique est de trouver une théorie unique qui décrive l'univers dans son ensemble, c'est à dire qui unisse toutes les théories physiques.
Il faut savoir qu'il existe 4 forces et interactions fondamentales dans l'univers:
- La gravitation
- L'interaction faible (régissent certains processus intranucléaires comme la désintégration beta)
- L'interaction forte (cohésion des protons et des neutrons au sein du noyau atomique)
- L'électromagnétisme (est à l'origine des liaisons entre le noyau et les électrons)
Les trois dernières forces sont unies en mécanique quantique et la gravitation est utilisée par la relativité générale...en d'autres termes, une théorie qui unifie la physique serait une théorie qui unifie la mécanique quantique et la relativité générale...le seul problème est que la relativité est une théorie "classique" ,c'est à dire qu'elle ne contient pas le principe d'incertitude qui existe en mécanique quantique. Pour unir la relativité générale et la mécanique quantique, il faudrait d'abord unir la relativité générale et le principe d'incertitude.
Albert Einstein fut le premier physicien à tenter d'élaborer une théorie unificatrice dans les années 1910. Ses travaux sur la relativité lui faisant présumer l'existence d'une théorie commune pour les forces électromagnétiques et gravitationnelles, il essaya en vain, durant les trente dernières années de sa vie, de concevoir un modèle où forces et particules seraient représentées uniquement par des champs, les particules n'étant rien d'autre que des zones du champ où les valeurs d'intensité seraient particulièrement élevées. Mais l'avènement de la théorie quantique et la découverte de nouvelles particules sonnèrent l'échec d'Einstein, qui ne pouvait réussir dans sa tâche en s'aidant uniquement des lois de la relativité et de la physique classique. Cette quête fut relancée dans les années 1960 sous l'impulsion des physiciens américains Steven Weinberg et Sheldon Glashow, et du physicien pakistanais Abdus Salam. Ces trois chercheurs parvinrent à unifier l'interaction nucléaire faible et l'interaction électromagnétique en faisant appel à des symétries internes, symétries portant sur les propriétés intrinsèques des particules (charge, spin, etc.) et non sur leurs positions spatio-temporelles. Selon cette théorie connue sous le nom de théorie électrofaible, les photons, responsables des interactions électromagnétiques, appartiendraient à la même famille que les bosons intermédiaires W et Z, qui gouvernent les interactions faibles. Aujourd'hui, les scientifiques tentent de combiner les quatre types d'interactions à l'aide de théories dites de supersymétrie. Mais le problème s'avère très ardu, les physiciens ne parvenant pas à englober l'interaction gravitationnelle dans leur théorie unificatrice.
Cependant, une nouvelle théorie semblerait être capable de résoudre ces problèmes...il s'agit de la théorie des cordes...
La théorie des cordes
Il existe un grand nombre de théories des cordes. Elles reposent toutes sur l'idée de ne pas considérer les entités élémentaires de la physique comme des particules ponctuelles (de dimension 0) mais des cordes qui formeraient des boucles d'une taille finie, de l'ordre de la longueur de Planck.Ces cordes vibreraient comme des cordes de violon, et des différents modes de vibration donneraient naissance aus spins 0,h/(2Pi),2h/(2Pi),... et aussi dans les versions supersymétriques aux spins 0, h/(4Pi),3h/(4Pi),...La physique changerait de nouveau son paradigme, avec des entités élémentaires qui ne seraient plus des particules ponctuelles mais des cordes minuscules. La théorie mathématique utilisée est la théorie des surfaces de Riemann à deux dimensions, les quatre dimensions de l'espace et du temps n'émergeant que comme concepts secondaires. Une théorie des cordes devrait satisfaire un certain nombre de conditions physiques:- Tous les objets du modèle standard, aussi bien les particules sources (les quarks et les leptons) que les messagers (comme les gluons, les photons, les W+ - et Z^0 (bosons)), ou que les Higgs devraient rentrer dans ce cadre.
- Ce devrait être une théorie géométrique, puisqu'il lui faut englober la théorie d'Einstein de la gravitation.
- Elle devrait décrire la gravité sans aucun infini.
L'espace-temps qui émerge de cette théorie des cordes unique a,comme nous l'avons dit, dix dimensions. Il faudrait une "compactification" de six dimensions pour retomber dans un espace-temps réaliste. Et il restera encore à descendre de la masse de Planck jusqu'aux particules W et Z, soit environ 10² fois la masse du proton. Malheureusement, l'unicité qui rendait la théorie des cordes si attachante à dix dimensions ne semble pas survivre au retour à quatre dimensions:un million de théories au moins semblent aussi viables les unes que les autres. C'est un obstacle théorique que les cordes doivent maintenant affronter (sans parler du problème expérimental que pose la construction d'un accélérateur particulaire capable d'atteindre l'énergie de Planck (il devrait être long de dix années lumières). Les cordes pourraient-elles fournir la Théorie du Tout (TDT) qui engloberait toutes les particules sources connues, les quarks, les leptons, les messagers connus et les Higgs plus toutes leurs intéractions mutuelles?
Deux types de cordes sont envisageables: ouvertes ou fermées.


Essayons d'approcher cette théorie par un exemple simple:
Imaginez une corde de guitare qui a été accordée en augmentant la tension de la corde. Selon la façon dont on pince la corde et selon la tension de celle-ci, des notes différentes seront crées par la corde. On pourrait dire que ces notes sont des modes d'excitation de la corde de guitare...
D'une façon similaire, dans la théorie des cordes, les particules élémentaires que nous observons dans les accélérateurs particulaires peuvent être comparées à des "notes de musique" ou à des modes d'excitation de cordes élémentaires.
Dans la théorie des cordes ,comme pour la pratique de la guitare, la corde doit être étirée pour qu'elle devienne ensuite excitée. Cependant, les cordes dans la théorie des cordes flottent dans l'espace-temps ,et ne sont pas attachées à une guitare. Mais elles ont tout de même une tension. La tension d'une corde dans la théorie des cordes est donnée par la quantitée 1/(2 p a'),où a représente le carré de la longueur de la corde.Une corde typique serait si petite qu'il faudrait en mettre 10e20 bout à bout pour atteindre le diamètre d'un simple proton. Il n'existe sur Terre aucun moyen de tester en laboratoire de façon expérimentale la structure de la matière à cette échelle, il faudrait pour cela un accélérateur de particules plus grand que la Terre elle-même.
Alors que le chemin d'une particule normale dans l'espace temps est une ligne (ligne d'univers), le chemin d'une corde sera une surface bidimensionelle (feuille d'univers), une bande ou un cylindre selon le type de corde.
Deux morceaux de cordes peuvent s'ajouter pour former une seule corde. De même, un morceau de corde peut se diviser en 2 cordes. Ainsi, l'émission ou l'absorption d'une particule par une autre peut se traduire en terme de "cordes" par la division ou la jonction de cordes.
Les physiciens mathématiciens sont cependant très intéressés par les implications de la théorie des cordes : tout en fournissant une explication du comportement connu de particules comme les électrons et les protons, elle donne une description de la gravitation en termes de comportement de cordes vibrantes ayant la forme de boucles. De nombreux physiciens estiment que les supercordres constituent donc le meilleur espoir de pouvoir développer un jour une "théorie du tout" fondamentale.
Physicien et mathématicien né en 1951 et enseignant à l'université de Princeton, Edward Witten est considéré comme un des plus éminents spécialistes de la physique théorique. En 1990, il a reçu la médaille Fields, l'équivalent du prix Nobel pour les mathématiques, pour ses modélisations de la théorie des cordes
Sa théorie représente les particules élémentaires de la physique par des cordes extrêmement petites (100 milliards de milliards de fois plus petites qu'un noyau d'hydrogène) évoluant dans un espace étrange à 10 ou 26 dimensions, pouvant vibrer à différentes fréquences ou "résonances". Pour décrire les mouvements vibratoires d'une corde, il faut représenter un espace avec un grand nombre de dimensions. La topologie (science de l'"étude des lieux" et qui est une sorte de "géométrie de situation") joue ici un rôle majeur car elle permet d'imaginer comment, à l'intérieur de ces cordes, on peut voyager dans des mondes aux dimensions différentes.
L'intérêt de la théorie des cordes pour les théoriciens de la physique est qu'elle surmonte et par là même unifie les deux grandes théories de la physique moderne, celle de la relativité générale et celle de la mécanique quantique. Elle modifie notre compréhension de l'espace-temps et notamment envisage ses autres aménagements possibles.Peut-il y avoir réellement une théorie unique?
En fait, il semble qu'il y ait 3 possibilités:- Il n'y a pas de théorie de l'univers, les événements ne peuvent être prédits au delà d'un certain point et arrivent au hasard et de manière arbitraire.
Cette version est défendue par certains affirmant que si un ensemble de lois décrivaient le fonctionnement de l'univers, cela enfreindrait la liberté de Dieu, fut effacé en redéfinissant le but de la physique c'est à dire: de formuler un ensemble de lois capables de prédire les événements seulement dans les limites du principe d'incertitude. - Il n'y a pas de théorie ultime de l'univers, juste une suite infinies de théories partielles qui décrivent l'univers plus ou moins précisément.
Cependant il semble vraiment que la séquence de théories de plus en plus raffinées doivent connaître quelques limites dans le futur. En effet, la gravité parait fournir une limites à cette séquence de "poupées russes". Si l'on avait une particule avec une énergie supérieure à l'énergie de Planck (10e10 GeV), sa masse se retrancherait elle même du reste de l'univers et formerait un trou noir. Bien sur, l'énergie de Planck représente un long chemin à partir des énergies obtenues actuellement avec nos accélérateurs (~100 GeV), mais tous laisse penser qu'une théorie universelle existe. - Il y a bien une théorie unifiée.
Paradoxe fondamental de la théorie de l'unification
Les notions relatives aux théories scientifiques supposent que nous sommes des êtres rationnels, libre d'observer l'univers comme nous le voulons et de tirer des conclusions logiques à partir de ce que nous voyons. Donc, si une théorie complètement unifiée existe elle est vraisemblablement capable de déterminer nos actions. Ainsi, la théorie elle même devrait déterminer l'aboutissement de notre recherche la concernant!
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Le moi dominateur
- Par Thierry LEDRU
- Le 12/02/2012
Le véritable problème de la planète ne vient pas des ressources disponibles mais des ressources existentielles. Cette exploration-là n'en est qu'à ses balbutiements et la catalepsie que nous connaissons entretient le pillage des ressources et l'inégalité dans la distribution de ces ressources. Le monde occidental profite à outrance de ses avancées technologiques et de son aveuglement existentiel pour piller le reste du monde et nourrir dans les pays émergents le désir de parvenir à ce soi-disant bien être matériel. Bien entendu que la situation des pays occidentaux est préférable à celle des populations confrontées à la misère, à la famine, à la soif, aux maladies. Je sais très bien que je vis infiniment mieux que la plupart des Africains. Ce que je conteste, c'est l'imposition forcenée du paradigme matérialiste sur les populations indigènes qui ont établi depuis des millénaires un équilibre particulier avec la nature.
La vision du monde prédominante repose sur l'exploitation des ressources naturelles et la soumision des ethnies qui vivent dans les territoires concernés. Les Conquistadors justifiaient la colonisation par l'évangélisation. L'enrichissement restait la motivation première. Aujourd'hui, le fonctionnement est le même. La colonisation n'a jamais cessé. Les justifications religieuses n'ont plus cours. Elles ont été remplacés par le sacro saint progrès...Progrès dans l'affaiblissement progressif des ressources. Les ethnies n'y gagnent rien. Il suffit de regarder les populations déracinées qui hantent les bidonvilles de toutes les mégapoles de la planète.
C'est un fonctionnement court-termiste. le Moi exige l'accomplissement de ses intentions matérielles. Il n'y a aucune visée existentielle, aucune philosophie, aucune unité. Nous fonctionnons dans un registre essentiellement individualiste. Même l'idée de nation est un leurre. C'est une valeur qui contribue essentiellement à l'extension du Moi. Il ne s'agit pas de créer une unité planétaire mais de contribuer à la formation d'un Moi national. Le Moi français contre le Moi chinois, arabe, asiatique, un jour peut-être le moi extraterrestre. On reste dans le conflit d'intérêt.
Quand je tente de me projeter dans l'avenir, je ne parviens pas à voir la moindre éclaircie. La paradigme ayant institué la vision dualiste de l'existence des egos ne laisse paraître aucune faiblesse.
La conclusion s'impose d'elle-même. Rien ne se fera volontairement.
La rupture surviendra lorsque l'équilibre sera rompu, lorsque l'exploitation aura atteint un seuil limite et que le système s'effondrera de lui-même.
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Le lac Vostok
- Par Thierry LEDRU
- Le 11/02/2012
Tiens, en voilà un bon scénario de film. Une bactérie remontée à la surface, qui élimine les scientifiques sur place et qui s'étend à toute la planète; Ca leur apprendra à forer aussi profond que la bêtise humaine;
http://www.lepoint.fr/science/lac-de-vostok-nous-sommes-obliges-de-croire-les-russes-sur-parole-10-02-2012-1430134_25.php
Selon Yves Frenot, président du Comité pour la protection de l'environnement en Antarctique, en forant jusqu'au lac, la Russie n'a enfreint aucune réglementation internationale.
Les chercheurs russes de la station de Vostok le 5 février, le jour où ils ont atteint le lac sous une couche de 3 769 mètres. © AP/Sipa
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Survival
- Par Thierry LEDRU
- Le 11/02/2012
http://www.survivalfrance.org/peuples/dongria/montagnesacree
Les Dongria Kondh
Victoire sur un géant minier
Les Dongria Kondh ont gagné une bataille sans précédent pour sauver leurs terres et leurs forêts du projet de mine à ciel ouvert de la compagnie britannique Vedanta.
Vedanta Resources comptait exploiter une mine de bauxite à ciel ouvert sur la montagne Niyamgiri en Inde.
La mine aurait détruit les forêts dont dépendent les Dongria Kondh et anéanti la vie de milliers d’autres Kondh vivant dans cette région.
Au cœur du conflit se trouve la montagne sacrée des Dongria Kondh, ‘la montagne de la loi’. Les Dongria vénèrent son sommet qu’ils considèrent comme le domaine de leur dieu et protègent les forêts qui s’y trouvent.
Vedanta Resources veut exploiter la bauxite que renferme son sommet.
Les Dongria Kondh y perdraient tous leurs moyens de subsistance, leur identité même et leur site le plus sacré.
Comme d’autres peuples indigènes qui ont été déplacés ailleurs dans le monde, leur santé en serait affectée, ils perdraient leur autosuffisance et leurs connaissances expertes des collines, des forêts et des systèmes agricoles qu’ils ont sauvegardés jusqu’à présent.
La souffrance
D’autres groupes kondh subissent les effets destructeurs de la présence d’une raffinerie construite par Vedanta et fonctionnant au pied des collines de Niyamgiri.
Les villageois qui ont été déplacés à cause de la raffinerie ont subi menaces et intimidations. Ils ont à la fois perdu leur territoire et leurs moyens de subsistance.
Ils souffrent également de graves problèmes de santé dus à la pollution de la raffinerie qu’ils accusent d’être responsable d’affections de la peau, de maladies du bétail et de la destruction de leurs récoltes.
L’office du contrôle de pollution du gouvernement d’Orissa a estimé que les émissions chimiques de la raffinerie étaient ‘alarmantes’ et ‘continuelles’.
Agissez maintenant pour aider les Dongria Kondh
Écrivez une lettre au Premier Ministre de l’Inde pour lui faire part de votre préoccupation.
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Basse synergie
- Par Thierry LEDRU
- Le 11/02/2012
Le besoin constant de soutenir le moi dérivé aboutit à une vision extrêmement courte des effets générés par les actes. Il n'y a aucune compassion envers les générations futures. Elles n'existent même pas à moins qu'elles puissent autoriser par leur venue prochaine la validation des actes présents. Les industriels alliés des politiciens qui combattent les ethnies de la planète pour s'attribuer leurs richesses naturelles utilisent le prétexte de l'aprovisionnement des générations actuelles et même futures en énergies fossiles et autres minéraux. Vaste mensonge qui n'a pour autre but que de maintenir le flux des richesses pour quelques privilégiés, au détriment de communautés entières et de l'équilibre naturel; La société indienne Vedanta en est un des nombreux exemples;
On a ici le détail d'une des affaires.
Il est indispensable de connaître tous les actes qui contribuent à cette basse synergie. Et à les combattre à notre mesure;
Bulletin Oeconomia Humana
Mai 2010, volume 8, numéro 4
Vedanta Resources et les Dongria Kondh : une histoire de responsabilité sociale ?
Par Kristell Labous et Anne de Malleray, candidates au Master développement durable de l'Université Paris DauphineCatégorie: RSE
Vedanta Resources, une compagnie minière, siégeant à Londres, exploite de nombreuses mines d’aluminium, de cuivre, de zinc et de plomb en Inde, en Australie et en Zambie. En projet depuis 1997, la mine de bauxite située dans l’état indien d’Orissa n’est pas en activité. Elle se situe en effet sous la colline sacrée des Dongria Kondh, une tribu de 9000 personnes dont le mode de vie ancestral serait menacé par l’ouverture de la mine. Ce conflit local est devenu international : l’ONG Survival International, spécialisée dans la défense des droits des tribus et peuples indigènes s’est saisie du sujet et a porté plainte devant l’OCDE pour non respect des droits de l’homme et des libertés. Cette plainte a donné lieu à une condamnation par le gouvernement britannique en octobre 2009. La même année, Amnesty International a lancé sa campagne.
L’affaire a pris une ampleur médiatique à la sortie du film Avatar, en décembre 2009. Les ONG ont fait le parallèle entre la situation des Na’vi, la tribu du film, et celle des Dongria Kondh, ce qui a valu de nombreux articles dans la presse internationale.
Depuis 2007, des investisseurs retirent leurs actions de la société Vedanta, cotée à la bourse londonienne. Ainsi, l’Eglise d’Angleterre, après de nombreux avertissements, s’est retirée du capital de la compagnie, l’Etat norvégien ou encore le fonds de pension de la major britannique BP également.
Contre toute attente, la compagnie minière ne réagit que très peu aux pressions médiatiques. Elle dément le rapport publié par Amnesty International, a refusé de collaborer à l’enquête menée par l’OCDE sur la véracité des faits allégués par Survival International. Elle se contente uniquement de publier son rapport de développement durable annuel, d’informer ses investisseurs sur ses projets, de tenir quelques blogs sur les impacts positifs de la raffinerie de bauxite déjà implantée au pied de la colline Niyamgiri et de poursuivre ses projets auprès de la communauté locale indienne (implantation d’écoles, projet d’université en Inde…). Cette passivité nous a amené à nous interroger sur la stratégie de l’entreprise.
Pour répondre à cette question, nous nous sommes intéressées tout d’abord à l’émergence du problème social sur la scène médiatique internationale, dans un second temps au rôle de l’Etat, régulateur et arbitre, et dans un dernier temps à la stratégie de l’entreprise face à cet environnement hostile et complexe.
Pour comprendre l’émergence de ce conflit local sur la scène internationale, il nous a semblé pertinent de l’analyser selon une approche constructiviste. Le modèle de l’arène publique d’Hilgartner et Bosk (1988) offre un cadre d’analyse pour expliquer la sélection qui s’opère, dans l’espace public, entre les différents enjeux sociaux. Selon ces auteurs, la capacité d’attention de l’opinion et des institutions est limitée, c’est pourquoi une compétition s’installe entre les différents problèmes sociaux émergents. Différents critères opèrent pour permettre à un conflit de faire surface : la dramatisation, le principe de nouveauté, la culture, le contexte politique et l’espace disponible dans l’opinion publique. Concernant le cas de Vedanta Resources, la dramatisation a eu lieu à la sortie du film Avatar : l’ONG Survival International publie en février 2010 un appel à James Cameron dans la revue hollywoodienne Variety. Comparer la situation des Dongria Kondh à celle des Na’vi a suscité l’intérêt de tous les médias internationaux. L’enjeu, pour les ONG est désormais de conserver l’attention des médias pour maintenir la pression de l’opinion publique sur la compagnie minière. Nous pouvons aussi nous référer au principe de caractérisation formulé par Joel Best (2005) pour expliquer l’émergence de problème social. Premièrement, il faut souligner le fait que les ONG, impliquées dans le conflit, défendent les droits de l’homme et non la protection de l’environnement. Même si les impacts environnementaux sont mis en avant, la priorité dans ce conflit est de défendre les droits des peuples autochtones, dont les Dongria Kondh font partie. Dans un second temps, ce conflit peut être caractérisé comme un enjeu économique et politique pour l’Etat d’Orissa et l’Etat indien. En effet, le développement économique de l’Inde est une priorité pour le gouvernement et pour l’Etat d’Orissa, le plus pauvre en Inde. Concernant l’OCDE et les actionnaires, l’enjeu semble davantage correspondre à la responsabilité sociale et à l’éthique des affaires. Chaque acteur interprète ici le conflit entre les Dongria Kondh et Vedanta Resources selon sa propre culture, son propre point de vue, ce qui conduit à la complexification du problème.
Vedanta Resources est également confronté à un autre acteur dominant : l’Etat. Plusieurs Etats interviennent dans le conflit : l’Etat indien, l’Etat d’Orissa, l’Etat britannique et l’Etat norvégien. Nous avons identifié différents rôles qu’endosse l’Etat selon la relation qu’il entretient avec l’entreprise. L’Etat d’Orissa soutient Vedanta Resources depuis le début du projet d’exploitation minière. Riche en métaux, notamment en bauxite, c’est l’Etat le plus pauvre d’Inde. Ainsi depuis 2002, le gouvernement d’Orissa a signé 54 accords d’exploitation minière. De plus, l’Etat d’Orissa a engagé son entreprise d’Etat Orissa Mining Corporation dans un consortium avec Vedanta Resources pour l’exploitation de la mine de Lanjigarh. Ce soutien est un soutien financier, économique et politique, l’Etat d’Orissa souhaitant développer l’économie locale autour du secteur minier. L’Etat indien a une position plus ambigüe : le Ministère de l’Environnement souhaite préserver les forêts de cette région et maîtriser l’exploitation forestière, tandis que le gouvernement indien espère développer économiquement son pays; Anil Argawal, président directeur de Vedanta Resources, disposant d’une fortune personnelle de 6 milliards de dollars, les enjeux économiques entre Vedanta Resources et l’Inde sont considérables. La divergence des intérêts indiens a conduit l’Etat indien à des décisions contradictoires : l’autorisation d’exploitation fut accordée en 2009 par la Cour Suprême indienne, un rapport recommande au Ministère de l’Environnement d’interdire l’exploitation et le gouvernement indien n’a toujours pas rendu sa décision. Ainsi le dossier est en suspens depuis 2006.
Concernant l’Etat britannique et l’Etat norvégien, les positions sont différentes de celles de l’Inde. L’Etat britannique héberge le siège londonien de Vedanta Resources depuis quelques années désormais. L’entreprise a donc la nationalité britannique. De ce fait, l’ONG Survival International a pu déposer une plainte auprès du point de contact national britannique de l’OCDE, selon le principe qu’une entreprise multinationale, dont le siège se situe dans un Etat membre de l’OCDE, doit respecter les principes directeurs de l’OCDE (Droits de l’Homme universels, transparence, droits du travail internationaux…). Selon l’ONG, l’entreprise aurait violé les droits des peuples autochtones. Le point de contact national britannique après avoir mené une enquête sur la véracité des faits a statué favorablement à la demande de Survival International, déçu de l’absence de réponse de la part de la compagnie minière. Malgré l’absence de force obligatoire des recommandations de l’OCDE, cette condamnation du point de contact national britannique signale à l’entreprise la nécessité d’être responsable socialement. C’est une intervention indicative et non normative de l’Etat britannique. Cette décision a ensuite été reprise médiatiquement par les ONG et les journaux internationaux. Pour l’Etat norvégien, actionnaire de Vedanta Resources, l’absence de considération à l’égard des Dongria Kondh relève d’un manque d’éthique des affaires, c’est pourquoi, l’Etat norvégien s’est retiré du capital. Cette intervention relève du champ des normes incitatives. L’Etat souhaite faire pression sur l’entreprise par une intervention financière. Toutefois, nous relevons que Vedanta Resources n’a pas réagi aux différents retraits de ces plus gros actionnaires. Est-ce dû au fait que l’entreprise est détenue majoritairement par la famille Argawal ? Dans le cas de Vedanta Resources, aucun Etat n’a pour l’instant pris de mesures coercitives. L’Etat indien pourrait condamner la compagnie minière pour la pollution de la rivière de Lanjigarh par la raffinerie de bauxite, il n’en est rien actuellement. La décision finale d’exploiter la mine de bauxite peut constituer, si elle est négative, une sanction. Nous supposons également que l’ONG pourrait saisir la Cour de Justice de la Communauté Européenne pour violation du droit communautaire et ainsi faire condamner Vedanta Resources. Cependant, un tel procès peut prendre plusieurs années avant d’aboutir, et la situation d’urgence des Dongria Kondh ne permet sûrement pas à l’ONG de recourir à ce type de procédure.
Dans un dernier temps, nous avons analysé le comportement de l’entreprise à l’égard de ses parties prenantes, que nous avions identifié précédemment. Selon le cadre d’analyse de Mitchell, Agle et Wood, les parties prenantes peuvent être classées selon leur degré d’influence sur l’entreprise. Celui-ci peut s’évaluer en fonction du nombre d’attributs que possèdent les parties prenantes : légitimité, urgence et pouvoir. Cette classification des parties prenantes nous a permis d’identifier quatre groupes. Le premier constitué de l’Etat d’Orissa et de l’Etat indien dispose des trois attributs : la légitimité au regard de Vedanta Resources du fait que le territoire concerné soit sous l’autorité des deux Etats, le pouvoir de sanctionner par l’autorisation ou l’interdiction d’exploiter et l’urgence pour Vedanta Resources d’exploiter le plus rapidement possible la mine de bauxite. Le deuxième est constitué de l’Etat britannique, des ONG et des communautés locales. Ce groupe dispose de la légitimité et du pouvoir. L’Etat britannique dispose de la légitimité au regard de sa compétence sur une entreprise de sa nationalité, du pouvoir de sanctionner, mais l’Etat britannique ne l’utilise pas. Il ne dispose donc pas de l’urgence. Concernant les ONG et les communautés locales, elles disposent de la légitimité d’agir, elles sont directement concernées par les activités de la compagnie minière, elles disposent du pouvoir médiatique et de l’opinion publique, mais au regard de l’entreprise, l’urgence ne leur est pas attribuée. La compagnie minière ne réagit pas à leurs revendications et ne répond pas à leurs attentes. La dernière entité est l’OCDE, qui dispose de l’urgence et de la légitimité. En effet, l’OCDE est légitime d’intervenir dans un conflit entre une ONG et une entreprise multinationale depuis la mise en place des points de contact nationaux. L’urgence a permis au point de contact britannique de rendre une décision rapide et de condamner l’entreprise, ce qui l’obligerait à réagir. Cependant, Vedanta Resources semble n’accorder que peu de pouvoir à l’OCDE, puisqu’elle ne répond pas à sa demande de lui apporter des preuves de son innocence. Les mesures indicatives de l’OCDE ne semblent pas ennuyer Vedanta Resources, qui reste silencieuse sur cette affaire.
Pour conclure sur les comportements de l’entreprise face à son environnement, Vedanta Resources use de trois stratégies différentes : l’évitement, la compétition et la non coopération. Ces trois stratégies ont pour cible des parties prenantes différentes en fonction des intérêts que porte l’entreprise à celles-ci. Nous pouvons ici faire le parallèle entre les stratégies déployées par l’entreprise et le classement que nous avons fait précédemment des parties prenantes. En effet, nous remarquons que la considération pour autrui coïncide avec le nombre d’attributs dont disposent les parties prenantes. Ainsi l’Etat d’Orissa et l’Etat indien disposent des trois attributs et Vedanta Resources adopte un comportement de collaboration pour le premier et un comportement de compétition pour le deuxième. Les autres parties prenantes ne possèdent que deux attributs. De ce fait l’entreprise semble négliger leur importance et leur potentiel d’influence sur les activités de l’entreprise. En effet, en optant pour une stratégie de non coopération à l’égard des ONG et de l’OCDE, elle fait abstraction de leur poids international et notamment des conséquences médiatiques d’une telle campagne. Pour les Dongria Kondh, principaux concernés par les conséquences de l’ouverture de la mine, elle ne prend pas en compte la légitimité et le pouvoir dont disposent les communautés locales. Vedanta Resources semble ne pas se soucier de son image dans la région, ni de son intégration dans la communauté locale. Ces comportements trahissent une stratégie uniquement économique, écartant toute responsabilité sociale dans la région.
Par Guy Savoy
En atteignant la surface du lac Vostok, enfoui sous 4 kilomètres de glace en Antarctique, les Russes ont-ils pris un risque insensé en matière de contamination bactérienne ? Sous prétexte de vouloir découvrir une vie autonome depuis au moins un million d'années, ne l'ont-ils pas condamnée à mort ipso facto ? Les scientifiques russes qui ont conduit le forage affirment avoir pris toutes les mesures possibles et imaginables pour que leur foreuse n'introduise pas d'organismes étrangers dans les eaux du lac, et, inversement, pour que des germes - éventuellement pathogènes - du lac ne remontent pas en surface.
Dans le document qu'ils ont remis l'an dernier au Comité pour la protection de l'environnement (CPE) en Antarctique, et que Le Point.fr s'est procuré, les autorités russes écrivent : "La couche de kérosène-fréon dans le trou de forage constitue une barrière biologique efficace au transport de matériel biologique depuis la surface par les équipements de forage et le câble. Par conséquent, les risques potentiels de contamination des eaux relictuelles (protégées de toute concurrence extérieure, NDLR) du lac, en utilisant la méthode russe, sont réduits au minimum." C'est cette notion du "risque minimum" qui pose problème à de nombreux scientifiques et à plusieurs pays, qui condamnent l'initiative russe. Simple rappel : les experts de l'atome japonais ne parlaient-ils pas également de risque minimum quant à la fusion simultanée du coeur de plusieurs centrales nucléaires nippones ? On connaît la suite...
Dans les clous
Reste qu'en poursuivant leur forage jusqu'à la surface du lac Vostok, les Russes n'ont enfreint aucune réglementation internationale. Ils sont restés totalement dans les clous, selon Yves Frenot, directeur de l'Institut polaire français Paul Émile Victor (Ipev), qui préside le Comité pour la protection de l'environnement en Antarctique. "Les Russes ont fourni l'étude d'impact réclamée par le Protocole de Madrid pour toute activité en Antarctique. Ils l'ont rendue publique, à la fois dans leur pays et à l'international comme le veut la procédure, puis l'ont soumise en 2003 au CPE pour discussion", précise Frenot. L'étude a été très contestée par la communauté scientifique internationale. "Elle était très sceptique quant aux capacités d'atteindre le lac Vostok sans contamination par le fluide de forage, et, par conséquent, elle encourageait vivement les Russes, d'une part, à faire des essais préliminaires dans des lacs plus petits pour tester leur technologie et, d'autre part, à attendre que la technologie s'améliore avant de travailler en grandeur nature à Vostok", poursuit le directeur de l'Ipev.
Après sept ans de réflexion, les Russes ont donc produit l'an dernier un document répondant point par point aux craintes émises par le CPE. Grosso modo, ils ont répété qu'ils avaient revu tous leurs calculs, qu'ils étaient sûrs de leur coup, et que, donc, plus rien ne les empêchait de percer les derniers mètres jusqu'à la surface du lac. Et ce en toute légalité. "Effectivement, confirme Yves Frenot, l'étude d'impact finale ne repasse pas devant le comité. La Fédération de Russie est juste tenue de la faire circuler. L'autorisation définitive de forer est donnée par l'autorité compétente nationale. Il n'y a aucun moyen d'empêcher une activité de se faire à partir du moment où l'autorité compétente nationale délivre une autorisation."
Aucune obligation
Pire que cela, le Protocole de Madrid ne prévoit aucun contrôle de l'activité sur place. Les scientifiques russes n'ont de comptes à rendre à personne, sinon à leurs propres autorités. Aucune délégation internationale ne pourra se rendre spécialement sur place pour vérifier les travaux de forage. "On peut le regretter, mais c'est comme cela. On attend avec impatience que les Russes nous rendent compte de leurs travaux, qu'ils nous expliquent s'ils estiment que c'est un succès, s'il y a eu contamination ou non, mais surtout ce qui leur permet de l'affirmer. Mais là, une fois encore, ils ne sont pas obligés de nous faire ce rapport", note Yves Frenot. On imagine facilement qu'en cas de contamination de la surface par des bactéries du lac, les Russes n'aillent pas le crier sur les toits. "Nous sommes obligés de croire les Russes sur parole", poursuit-il.
L'enjeu scientifique en vaut-il la chandelle ? Le responsable du forage parle d'une avancée pour l'espèce humaine aussi importante que le jour où l'homme est allé dans l'espace. Petite plaisanterie qu'il ne faut pas prendre au sérieux. Dans leur enthousiasme, les Russes auraient un peu trop tendance à vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Par exemple, lorsqu'ils parlent d'une grande avancée attendue en matière climatique, elle est généralement considérée comme fausse par tous les paléoclimatologues du monde.
Plaisir médiatique
Les carottages actuels ou à venir dans la calotte glaciaire fournissent suffisamment d'informations sans avoir à explorer le lac Vostok. Quant à la découverte d'une vie "extraterrestre" extraordinaire, il existe encore sur Terre et sous les océans de très nombreuses formes de vies isolées et inconnues pour satisfaire la curiosité de milliers de scientifiques. Bref, les Russes se sont surtout fait un grand plaisir médiatique en perçant le lac Vostok et en prenant le risque d'une contamination. Sans doute réduit, mais bien réel. Maintenant, on peut aussi penser au risque pris par les Américains le jour où ils ont posé le pied sur la Lune. Celui de la polluer biologiquement ou, au contraire, de rapporter sur Terre des germes nocifs. Qui s'en soucie, aujourd'hui ?