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  • Des questions et des réponses

     

    Oui, bien entendu, c'est de la vulgarisation et il faudrait un document de cent pages pour répondre à chaque question.

    Disons que c'est une entrée en matière et à chacun et chacune d'approfondir selon sa motivation.

     

     

    Article rédigé par Camille Adaoust

    https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/crise-climatique/changement-climatique-nos-reponses-a-toutes-les-questions-que-vous-vous-posez.html

    France Télévisions

    Publié le 13/03/2023 11:05

    Quelles sont les causes principales du changement climatique ? Les différents pays du monde en sont-ils tous équitablement responsables ? Est-ce la première fois que le climat se réchauffe sur Terre ? Des solutions existent-elles ? Alors que le réchauffement climatique influe de plus en plus directement notre vie quotidienne et fait régulièrement la une de l'actualité en raison de l'arrivée précoce de la sécheresse ou de catastrophes naturelles plus fréquentes, il suscite aussi de nombreuses interrogations. Franceinfo s'efforce ici d'y répondre. Vous trouverez ci-dessous nos réponses à vos questions les plus fréquentes sur le changement climatique et ses effets sur votre quotidien.

    Que voulez-vous savoir sur le changement climatique ?

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    Les causes du réchauffement climatique

     

    Quelles sont les principales causes du réchauffement climatique ?

    C'est "indiscutable", assure la climatologue Valérie Masson-Delmotte : les activités humaines sont à l'origine du réchauffement climatique. Elles nécessitent la combustion d'énergies fossiles et émettent des gaz à effet de serre (ces gaz qui retiennent une partie de l'énergie solaire). Dans le monde, le secteur qui y participe le plus est la production d'électricité (34%), suivi des secteurs de l'industrie (24%), de l'agriculture, des forêts et de l'utilisation des terres (22%), des transports (15%) et de la construction (6%), d'après les experts du Giec.

    La concentration de ces gaz dans l'atmosphère est en constante augmentation depuis des décennies. Au 8 mars 2023, elle atteignait 421 parties par million (ppm), selon l'Institut de recherche Scripps (en anglais). C'est son plus haut niveau "depuis au moins deux millions d'années", déplorait le Giec dans son dernier rapport.

    Quels sont les pays les plus responsables du réchauffement climatique ?

    Deux classements permettent de donner des éléments de réponse. D’abord, celui des plus gros émetteurs annuels. Il s'agit de la Chine, qui participe à 27% des émissions mondiales, suivie des Etats-Unis (15%) et de l'Union européenne (9,8%). Rappelons toutefois que ces émissions sont basées sur la production des biens et services et non sur leur consommation. Ainsi, le téléphone avec lequel vous nous lisez a été fabriqué pour vous, mais les émissions liées à sa fabrication sont comptabilisées pour le pays dans lequel il a été fabriqué (la Chine très souvent).

    L’autre classement, celui des plus gros émetteurs historiques, prend en compte les émissions cumulées depuis le début de l'ère industrielle. Un choix pertinent, puisque le réchauffement climatique est dû à la concentration de gaz à effet de serre cumulés, eux aussi, depuis des décennies dans l'atmosphère. Là, le podium n’est plus le même. Les Etats-Unis passent en tête avec 25% des émissions, suivis de l'Union européenne (22%). Dans les deux cas, un des pays les moins émetteurs au monde est l'archipel polynésien des Tuvalu : il n'est responsable que de 0,0002% des émissions historiques, mais il est voué à disparaître sous la montée des eaux engendrée par le changement climatique.

    Quels sont les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre ? Dans le monde et en France

    Dans le monde, c'est la production d'électricité, issue principalement des énergies fossiles, qui génère le plus d'émissions de gaz à effet de serre. Elle représente 34% des émissions mondiales, d'après le Giec. Suivent les secteurs de l'industrie (24%), de l'agriculture, des forêts et de l'utilisation des terres (22%), des transports (15%) et de la construction (6%).

    En France, le nucléaire étant une source d'énergie peu carbonée, le classement change. Les transports sont responsables de la plus grande part (41%) des émissions nationales, suivis par l'agriculture (19%), l'industrie (19%) et le bâtiment (18%).

    La Chine est-elle le pays qui doit produire le plus d'efforts ?

    La Chine est aujourd'hui le pays qui émet le plus de gaz à effet de serre au monde. En 2021, elle a relâché dans l'atmosphère 11,47 milliards de tonnes de CO2, du fait notamment de son utilisation massive du charbon. Dans le classement, la France arrive loin derrière (à la 22e place) avec 305,96 millions de tonnes, une bonne performance qui s'explique par l'importance du nucléaire dans le mix énergétique français. En effet, cette source d'énergie produit peu de gaz à effet de serre. Nuançons toutefois ce constat : ces dernières décennies, les pays occidentaux ont délocalisé en Chine leurs industries les plus polluantes. Le téléphone sur lequel vous nous lisez a ainsi très probablement été fabriqué là-bas. Il a été produit pour vous, vous l'utilisez en France, mais les gaz à effet de serre émis pendant sa fabrication sont comptabilisés dans son pays d’origine. Lorsqu'on transfère les émissions des biens dans leur lieux de consommation, "elles ont tendance à augmenter dans les pays à hauts revenus comme les Etats-Unis et l'Union européenne (respectivement de 6% et 14%) et à baisser dans les pays tels que l'Inde ou la Chine (respectivement de 9% et de 10%)", note l'ONU dans son rapport d'octobre 2022.

    Quels sont les principaux gaz à effet de serre ?

    On parle souvent de CO2. Le dioxyde de carbone représente en effet 75% des gaz à effet de serre émis par nos activités. Il provient de la combustion d'énergies fossiles, de procédés industriels et de la déforestation. Mais c'est oublier d'autres gaz que l'homme fait fluctuer, aux causes et conséquences diverses.

    Le méthane d'abord (ou CH4). Il représente 18% de nos émissions et provient notamment du secteur agricole, des énergies fossiles et de la gestion des déchets. Sa réduction est un enjeu majeur, puisque son pouvoir réchauffant est bien plus fort que celui du CO2. Concrètement, "1 kg de méthane réchauffera autant l’atmosphère que 27 à 30 kg de CO2 au cours du siècle qui suit leur émission", explique le rapport des Chiffres clés du climat. Toutefois, sa durée de vie dans l'atmosphère est seulement d'une dizaine d'années, contre des centaines pour le CO2.

    Le protoxyde d'azote (N2O) arrive ensuite, avec 4% de nos émissions. Il est émis lors de l'utilisation d'engrais et la gestion des déjections animales. Il a un pouvoir réchauffant 310 fois plus élevé que le CO2.

    Dans l'atmosphère, ce trio piège de manière croissante une partie des rayonnements solaires et fait ainsi monter la température.

    Qui émet le plus de gaz à effet de serre : l'avion ou la voiture ?

    S'intéresser à nos modes de déplacement est essentiel : en France, c'est le secteur qui émet le plus de gaz à effet de serre, une grande partie étant due à l'utilisation de la voiture par les particuliers. Si l'on compare la quantité de CO2 émise par passager et par kilomètre, l'avion et la voiture arrivent loin devant les autres moyens de transport : 230 grammes pour l'avion, 223 g pour la voiture à moteur thermique contre seulement 2,36 g pour le TGV.

    A titre de comparaison, vous émettez plus de 80 fois moins de CO2 en parcourant la distance Paris-Marseille en train qu'en avion et 90 fois moins en train qu'en voiture, selon l'outil personnalisable développé par l'Ademe.

    Est-ce la première fois que le climat se réchauffe sur Terre ?

    Non. Depuis toujours, le climat de la Terre alterne entre des périodes de glaciation et de réchauffement, avec des pics. Citons l'exemple du Paleocene-Eocene Thermal Maximum (PETM), il y a 56 millions d'années. La température terrestre avait alors soudainement augmenté de 6°C en 10 000 à 20 000 ans. Cela n’a rien à voir avec la fulgurance de la hausse que l’on observe actuellement.

    A cause des activités humaines, la température a déjà augmenté de plus d’un degré, mais cette fois-ci en seulement 100 ans. C'est donc 100 fois plus rapide. "L'influence humaine a réchauffé le climat à un rythme sans précédent depuis au moins 2000 ans", alerte le Giec. Et cela ne laisse pas le temps aux écosystèmes de s'adapter.

    Quel est l'aliment qui a le plus d'impact sur le climat ?

    L'alimentation est un enjeu majeur de la lutte contre le réchauffement climatique. L'agriculture est en effet le deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre en France, selon le Haut Conseil pour le climat. En cause notamment : le méthane, émis par les ruminants au cours de leur digestion. C'est la raison pour laquelle la viande est, de loin, l'aliment qui a le plus d'impact sur le climat.

    Si l'on compare la quantité de CO2 émise, de la fourche à la fourchette, pour un kilo de produit consommé, l'agneau est l’aliment le plus émetteur (41,3 kilos d’équivalent CO2). A titre de comparaison, un kilo de viande de bœuf pèse 27,8 kg éqCO2. La culture du riz est certes elle aussi émettrice de méthane. Mais la production d'un kilo de basmati ne provoque l'émission que de 4,1 kg éqCO2.

    Quel est mon impact sur le climat ?

    De par nos déplacements, notre alimentation, notre mode de chauffage ou encore nos achats, nous participons aux émissions de gaz à effet de serre. En France, l'empreinte carbone moyenne d'un habitant avoisine les 10 tonnes de CO2 par an. Ce chiffre comprend, pour 50%, les émissions liées aux importations des produits que nous consommons, mais qui ne sont pas produits sur le territoire français. Pour maintenir le réchauffement en dessous des 2°C, comme s'y sont engagés les Etats dans l'Accord de Paris, il faudrait faire baisser ce chiffre à 2 tonnes. Pour y parvenir, les transformations sont à faire à tous les niveaux. Entre 20 à 45% des efforts à fournir sont à l'échelle individuelle (manger végétarien, se déplacer à vélo, isoler son logement…), selon des estimations du cabinet Carbone 4, le reste dépend de choix politiques et collectifs.

    Que sont les énergies fossiles et pourquoi posent-elles problème ?

    Machines, transports, chauffages, industries… Pour que tout ceci fonctionne, nos sociétés sont largement dépendantes des énergies fossiles que sont le pétrole, le charbon et le gaz. Elles représentent même 80% de la consommation énergétique dans le monde. Or, elles contribuent à 88% des émissions de gaz à effet de serre (hors émissions liées à l'usage des sols), responsables du changement climatique.

    On les appelle "fossiles" car elles sont issues de la décomposition, dans les sols, d'éléments vivants. Un processus qui prend des centaines de millions d'années et que l'homme a bouleversé en quelques décennies, les extrayant à un rythme sans précédent pour en faire des combustibles. Les scientifiques du Giec alertent sur le fait que les infrastructures d'extraction déjà construites produiront davantage de gaz à effet de serre que ce qu'il faudrait pour limiter le réchauffement : "Tenir ces objectifs suppose donc de fermer de façon prématurée ces centrales. A fortiori, toute construction nouvelle rend encore plus difficile l'atteinte de cet objectif", détaille ainsi Franck Lecocq, le directeur du Cired (Centre international de recherche sur l'environnement et le développement), à franceinfo.

    Qu'est-ce qu'un bilan carbone ?

    Ce calcul est aujourd'hui obligatoire pour certaines entreprises, collectivités ou services publics. Il consiste à comptabiliser les gaz à effet serre émis dans l'atmosphère sur une année par les activités de l'acteur scruté. A l'échelle d'un pays, on parle d'inventaire national. Il mesure les émissions émises à l'intérieur d'un territoire, par les ménages (voitures et logements) et les activités économiques (consommation d'énergies fossiles, procédés industriels et émissions de l'agriculture).

    Il ne faut pas confondre le bilan carbone avec l'empreinte carbone, qui prend en compte les émissions associées à l'ensemble des biens et services consommés dans le pays ou par une personne (qu'ils soient produits sur son territoire ou à l'étranger). Votre empreinte carbone personnelle, par exemple, comptabilise donc les gaz à effet de serre induits par votre consommation, en incluant la fabrication de votre téléphone ou de vos vêtements, même s'ils sont made in China ou made in India.

     

  • Prendre plus que sa part

     

     

    L'obésité, qui n'a aucune cause médicale, est devenue très représentative de l'état d'esprit d'une très, très grande part de l'humanité, à un point tel que les plus grands laboratoires pharmaceutiques en font un eldorado financier.

    En quoi est-ce représentatif d'un fonctionnement capitaliste puisqu'il s'agit bien de cela ?

    Prendre plus que sa part sur le plan alimentaire contribue à la continuité de l'exploitation immodérée des ressources de la planète et tout, absolument tout, dans le capitalisme est porté par cette idée de pillage.

    L'obésité qui est la conséquence d'une sur-alimentation, carnée bien évidemment, sucrée bien entendu et dans laquelle les végétaux ont une place infime. L'obésité qui contribue par conséquent à l'élevage intensif et à la déforestation puisqu'il faut de la place pour les animaux et des cultures pour les nourrir. On connaît très bien les causes de la déforestation en Amazonie.

    Si je vais plus loin, l'obésité est le reflet de cet éloignement de la population envers la nature, la propre nature des individus qui se détruisent et la nature qui est censée assouvir leur appétit, quelles qu'en soient les conséquences.  C'est une destruction double.

    Je sais très bien que des problèmes médicaux et les traitements associés peuvent générer une prise de poids importante.

    Lorsque j'avais trois ans, j'ai commencé à avoir des crises d'asthme. À l'époque, la cortisone était très fortement utilisée. Et on connaît ses effets sur le métabolisme. À douze ans, je pesais 60 kilos... Et j'étais bien évidemment devenu une cible rêvée pour le harcèlement scolaire. J'en ai redoublé ma 5 ème de collège. Mes parents m'ont changé de collège et ça a recommencé dès mon arrivée. Jusqu'au jour où j'ai envoyé à l'hôpital le meneur de ce harcèlement. De là, j'ai décidé d'arrêter la cortisone. Et de commencer à faire du vélo. Je n'ai plus jamais arrêté.

    Donc, je sais très bien que l'obésité peut advenir pour des raisons indépendantes de la volonté des personnes. Mais la maladie ne doit pas devenir une "excuse" et lorsque j'en parlais avec mon ancien médecin généraliste, c'est ce qu'il me disait. Lui-même était consterné par l'évolution de la population au regard du surpoids et notamment chez les plus jeunes. Et il n'était pas question qu'il s'autorise à en parler. Les patients changeaient de médecin et c'est tout. Il m'avait d'ailleurs expliqué que l'IMC avait été modifié et était beaucoup plus indulgent que l'orsqu'il avait commencé. Au point d'ailleurs, qu'avec mon poids de 55 kilos pour 1m76, j'étais considéré comme "très maigre".

    Qui avait décidé de cet adoucissement de l'IMC ? Pour quelles raisons ? Un soutien à l'industrie alimentaire ?

    Qu'en est-il par conséquent de ces nouveaux traitements contre l'obésité ? La recherche scientifique a mis au point des traitements pour les diabétiques et les laboratoires se sont aperçus que les patients perdaient du poids. Les médecins se sont emparés de ces nouveaux médicaments et se sont mis à les distribuer à leurs patients obèses. Et ça a été le jackpot. Au risque même d'entraîner des difficultés d'approvisonnement pour les personnes diabétiques...

    Consommer, toujours plus, quel que soit le prix, sans se préoccuper des conséquences.

    Je mange ce que je veux, je prends une pilule bleue et je maigris...

    Il y a des jours où l'humanité me révulse.

     

    Traitements contre l'obésité : "une nouvelle ère" mais des questions

     

    Publié le 26/11/2023 à 20h01 , mis à jour le 26/11/2023 à 20h01

    Lecture 3 min.

    https://www.doctissimo.fr/nutrition/obesite/medicaments-anti-obesite-et-coupe-faim/traitements-contre-lobesite-une-nouvelle-ere-mais-des-questions/e8bd24_ar.html

    Des traitements conçus pour soigner le diabète qui agissent aussi contre l'obésité : la prise en charge de cette maladie chronique, fléau mondial de santé publique, entre dans "une nouvelle ère", mais nombreux sont les appels à la prudence face à un usage détourné de ces produits.

    Sommaire

    Un engouement qui peut déraper

    Des milliards d'euros

    Ces médicaments miment une hormone secrétée par les intestins (GLP-1) qui agit sur le pancréas pour favoriser la sécrétion d'insuline et qui envoie au cerveau un signal de satiété après avoir ingéré de la nourriture.

    Plusieurs médicaments à base de GLP-1 sont ainsi indiqués dans le traitement de l'obésité ou de surcharge pondérale avec facteurs de comorbidité.

    "On voit des effets en termes de perte de poids qu'on n'avait jamais vus avant par rapport à d'autres médicaments et qui peuvent se rapprocher de la chirurgie de l'obésité", déclare à l'AFP Karine Clément, professeure en nutrition à l’Hôpital de la Pitié-Salpétrière et directrice de l’unité de recherche sur Nutrition et Obésité à l'Inserm.

    "C'est un vrai changement dans la prise en charge" mais "en aucun cas, cela ne guérit la maladie" : l'arrêt du traitement fait reprendre du poids, souligne-t-elle.

    "Une vraie petite révolution pharmaceutique et sociétale", abonde l'économiste de la santé Frédéric Bizard, enjoignant cependant à la prudence, comme pour tout nouveau traitement.

    Ces propriétés amaigrissantes sont affichées par des célébrités et des influenceurs sur les réseaux sociaux, créant un véritable engouement pour ces médicaments vus par le public comme le moyen le plus efficace de perdre quelques kilos.

    Un engouement qui peut déraper

    On a donc un détournement d'usage de certaines molécules de GLP-1, comme la semaglutide utilisée dans l'antidiabétique Ozempic du laboratoire Novo Nordisk --qui a annoncé jeudi un nouvel investissement de 2,1 milliards d'euros sur un site de production d'antidiabétiques au sud-ouest de Paris.

    Les autorités sanitaires tirent régulièrement la sonnette d'alarme car le médicament, indispensable aux diabétiques, peut venir à manquer.

    L'engouement est tel que des stylos injecteurs faussement étiquetés Ozempic circulent, ont mis en garde le mois dernier les autorités sanitaires européenne et française.

    Ce type de médicaments, baptisés analogues GLP-1, peut par ailleurs avoir des effets secondaires tels que des nausées, vomissements, troubles gastro-intestinaux.

    Ils "doivent être prescrit à bon escient, de façon encadrée car c'est un domaine sensible où il y a eu beaucoup d'échecs par le passé", insiste le Pr Karine Clément. "La vraie question, c'est le très long terme", dit-elle. "Et puis, il y a des gens qui répondent à ces traitements, d'autres pas. On ne comprend pas pourquoi".

    Autre bémol : le mode d'administration est encore exclusivement injectable, mais surtout, le prix de ce médicament et ses conséquences sur le budget de la santé (le traitement coûte un millier de dollars par mois pour un patient aux Etats-Unis).

     

    Efficacité confirmée pour un nouveau traitement contre l'obésité

     

    Par Sciences et Avenir avec AFP le 27.04.2023 à 17h54, mis à jour le 28.04.2023 à 11h52 Lecture 3 min.

    L'antidiabétique tirzepatide (Mounjaro) a montré son efficacité dans la perte de poids des personnes obèses et en surpoids. Dans l'étude qui devrait lui permettre d'obtenir une indication contre l'obésité, les participants de l'étude ont perdu 15,6 kg en un an et demi.

    Le groupe pharmaceutique américain Eli Lilly indique que sa molécule tirzepatide aidait à la perte de poids

    Le groupe pharmaceutique américain Eli Lilly indique que sa molécule tirzepatide aide à la perte de poids

    AFP/Archives - PHILIPPE HUGUEN

    Le groupe pharmaceutique américain Eli Lilly a publié jeudi 28 avril 2023 les résultats d'un nouvel essai clinique confirmant que sa molécule tirzepatide, pour le moment approuvée aux Etats-Unis contre le diabète uniquement, aide à la perte de poids. Ces résultats ouvrent la voie à une possible autorisation prochaine de ce médicament par l'Agence américaine des médicaments (FDA) pour les personnes obèses spécifiquement.

    Presque 16 kg en moins en un an et demi avec le tirzepatide

    L'étude a été menée sur un peu plus de 900 participants en surpoids ou obèses et atteint de diabète de type 2 (le plus courant). Le médicament se prend une fois par semaine sous la forme d'une injection. Les personnes ayant reçu le plus haut dosage ont en moyenne perdu 15,6 kilos (réduction de masse corporelle de 15,7%) sur environ un an et demi (72 semaines). Les effets secondaires étaient généralement des problèmes gastro-intestinaux (nausée, diarrhée, vomissements...).

    Grâce à ces résultats, Eli Lilly prévoit de finaliser sa demande d'autorisation pour les patients obèses ou en surpoids "dans les prochaines semaines", et "s'attend à une action réglementaire dès la fin 2023". Un premier essai clinique, dont les résultats avaient été publiés dans une revue scientifique en juin 2021 et qui portaient cette fois sur des personnes obèses ou en surpoids mais ne souffrant pas de diabète, avait démontré une perte de poids encore plus importante, de l'ordre de 21%.

    Lire aussiLes risques et espoirs soulevés par les nouveaux médicaments contre l'obésité

    La dérive des antidiabétiques prescrits pour perdre du poids

    La tirzepatide imite une hormone gastro-intestinale (GLP-1) qui active des récepteurs dans le cerveau jouant un rôle dans la régulation de l'appétit. Elle est déjà commercialisée sous le nom de Mounjaro pour les personnes souffrant de diabète de type 2, depuis une autorisation de la FDA en mai 2022. Mais certains médecins américains la prescrivent déjà hors de son autorisation de mise sur le marché aux personnes souhaitant perdre du poids, même si elles n'ont pas de diabète. Aux Etats-Unis, environ 40% des adultes souffrent d'obésité, contre 17% en France (47% en surpoids et plus).

    Les traitements utilisant des analogues du GLP-1 représentent pour beaucoup de spécialistes un véritable espoir, car ils entraînent des pertes de poids bien plus importantes que les médicaments disponibles jusqu'à présent. Il s'agit d'un enjeu commercial considérable pour les entreprises pharmaceutiques : selon Morgan Stanley, le marché mondial des traitements contre l'obésité pourrait représenter 54 milliards de dollars d'ici 2030.

    Le laboratoire Novo Nordisk commercialise déjà aux Etats-Unis un nouveau traitement de ce type, appelé Wegovy, et autorisé par la FDA contre l'obésité depuis juin 2021. Son pendant autorisé contre le diabète, appelé Ozempic et utilisant la même molécule (semaglutide), a récemment connu des ruptures de stocks périodiques, après avoir fait fureur sur les réseaux sociaux pour ses propriétés amaigrissantes. Les experts s'inquiètent que des personnes n'étant pas clairement en surpoids en fassent un usage détourné pour perdre quelques kilos. Aux Etats-Unis, il existe en outre un problème d'accès à ces nouveaux médicaments très onéreux (autour de $1.000 dollars par mois), ceux-ci n'étant fréquemment pas remboursés par les assurances santé. Ils doivent être pris sur le très long terme, au risque de reprendre du poids lorsque le traitement est arrêté.

     

  • Kōhei Saitō: Le Capital dans l’Anthropocène

     

     

    La vidéo est en Anglais mais aisément compréhensible avec quelques notions du lycée ^^

     

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    Et cet article, bien que long, est passionnant et donne une idée de l'immense chantier qu'il faudrait engager, un chantier philosophique avant même d'être politique. On y retouve une idée fondamentale, celle des "Communs", c'est à dire, les biens naturels puis les biens créés pour l'égalité, l'équité, la justice...

     

    Entretien avec Kōhei Saitō: Le Capital dans l’Anthropocène (Hitoshinsei no ‘Shihonron’)

     

    18 mai 2023

    https://lesmondesdutravail.net/entretien-avec-kohei-saito-le-capital-dans-lanthropocene-hitoshinsei-no-shihonron/

    Nous republions un long entretien avec Kōhei Saitō réalisé le 12 janvier 2023 par Emilie Letouzey et Jean-Michel Hupé de l’Atelier d’Écologie Politique . En remerciant vivement Emilie Letouze,  Jean-Michel Hupé et la rédaction de Terrestres.org pour l’autorisation de cette republication.

    Lorsqu’en 1867 Marx publie à Hambourg le livre I du Capital, cinq longues années sont nécessaires pour écouler le tirage de 1 000 exemplaires. Cent-cinquante ans plus tard, un universitaire japonais publie « Le Capital dans l’Anthropocène » qui se vend à 500 000 exemplaires en quelques mois… Kōhei Saitō y propose une relecture écologiste du philosophe allemand, alliant décroissance et communisme. Le « redoutable missile » que Marx croyait avoir « lancé à la tête de la bourgeoisie » vient-il d’être à nouveau mis en orbite depuis le Japon ? Éléments de réponse dans cet entretien avec l’auteur.  Kōhei Saitō

    En 2020, l’universitaire Japonais Kōhei Saitō, spécialiste de Karl Marx, publie Le Capital dans l’Anthropocène  (Hitoshinsei no ‘Shihonron’), un essai dense et radical sur la catastrophe en cours et à venir, véritable manuel d’écologie politique. Succès inattendu, le livre se vend à un demi-million d’exemplaires. Saitō est invité partout et débat volontiers dans les journaux, à la télévision ou sur les réseaux sociaux. Dans un langage clair et concis, il expose sa position anticapitaliste et assume un engagement citoyen peu commun pour un chercheur au Japon.

    Au centre de son analyse : Marx, dont Saitō a décortiqué les carnets tardifs, dans lesquels il voit une inflexion majeure de la pensée de l’auteur du Capital par rapport à l’environnement. Un Marx écologiste avant l’heure, tel que dépeint par les éco-socialistes ? Oui, mais l’analyse de Saitō va plus loin puisqu’il place la décroissance au centre de son propos. Car en plus d’avoir fait ses classes parmi les éco-socialistes, Saitō s’inscrit dans le renouveau de la pensée décroissante, parfois appelé « la voie catalane1 ». Au Japon, qui vit dans la nostalgie de la Haute croissance (1955-1973) et a pour programme gouvernemental le « Nouveau capitalisme » (Atarashii shihonshugi), il est peu dire que cela ne va pas de soi.

    Que contient donc ce livre à succès, dont une version anglaise remaniée, plus académique, est parue en février 20232 ? Saitō y dresse le constat du désastre social et écologique du capitalisme, expliquant les mécanismes d’externalisation d’une charge devenue monumentale sur les humains et la nature. Démontant le solutionnisme technologique et réfutant le Green New Deal, il esquisse quatre scénarios possibles pour le futur : fascisme climatique, maoïsme climatique, barbarie, et un quatrième scénario d’abord nommé « X » et dévoilé plus avant, au terme d’une partie centrale sur la question des communs. Ce scénario, qui constitue la proposition centrale de l’ouvrage, c’est le communisme décroissant – seul à même, selon Saitō, de parer au pire et d’assurer équité, justice et abondance. « Pour ne pas terminer l’Histoire », il appelle enfin à la mobilisation, même minoritaire.

    Le Capital dans l’anthropocène recourt donc à Marx pour lutter contre la catastrophe socio-climatique en cours ; de la même manière, Le Capital depuis zéro, dernier ouvrage de Saitō sorti au Japon en janvier 20233, utilise Le Capital pour parler aux gens de leurs problèmes au travail, de la précarité au Japon ou des raisons qui nous poussent à consommer sans relâche. Une posture qui peut sembler paradoxale puisque la spécificité de Saitō est de s’appuyer sur ce qui n’est justement pas dans Le Capital4, et qui lui vaut d’être en désaccord avec de nombreux marxistes.

    Dans son bureau de l’université de Tōkyō avec vue sur le mont Fuji, Kōhei Saitō revient sur le succès du Capital dans l’anthropocène et nous explique comment il dépasse l’apparente contradiction entre décroissance et communisme : en partant des communs, tout simplement.

    Terrestres : Dans votre livre Le Capital dans l’Anthropocène vous défendez le communisme décroissant comme solution politique (voire civilisationnelle) à l’effondrement prochain des sociétés et de la vie dans l’Anthropocène. Votre proposition converge avec les tendances récentes du mouvement de la décroissance, mais elle est originale pour au moins trois raisons. La première est que vous êtes un spécialiste de Marx ; la deuxième est que vous poussez clairement la décroissance vers la gauche en remettant la notion de communisme au goût du jour ; la troisième est que vous écrivez depuis le Japon, où vous rencontrez un succès important. Le terme « décroissance » est déjà considéré comme une provocation volontaire, celui de « communisme » ressemble à une provocation supplémentaire. Comment les définissez-vous ?

    Kōhei Saitō : En effet, la décroissance et le communisme ont tous deux une très mauvaise image, et ces termes peuvent être compris de différentes façons. Je les combine intentionnellement car j’espère que le négatif multiplié par le négatif sera quelque chose de positif qui ouvrira une nouvelle façon de penser. Mais mon point de départ était relativement simple. La décroissance est incompatible avec le capitalisme car, par définition, le capitalisme est un système de valorisation constante du capital : le capital s’accroît lui-même à l’infini. Dans le monde d’aujourd’hui, cela est représenté par l’augmentation du PIB et la croissance économique comme impératif principal de notre société. Donc si nous prônons la décroissance, nous devons être anticapitalistes : la décroissance sous le capitalisme est impossible, ce sont deux choses qui sont tout simplement incompatibles.

    « La décroissance est incompatible avec le capitalisme car, par définition, le capitalisme est un système de valorisation constante du capital. » (Saitō Kōhei)

    C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai pensé que mon parcours de spécialiste du marxisme serait en quelque sorte utile. D’une part parce que je pense que le marxisme, ou Marx en tant que philosophe, est l’un des rares penseurs qui analyse de manière très critique et systématique le mode de production capitaliste. D’autre part parce que des gens qui appellent à la décroissance, comme Serge Latouche – qui est célèbre même au Japon, puisque trois ou quatre de ses livres sont traduits en japonais – plaident pour une troisième voie par rapport au capitalisme et au socialisme. Latouche n’a jamais dit clairement que, pour sa proposition de décroissance, il serait nécessaire que le socialisme surmonte le capitalisme. C’est pourquoi j’étais un peu méfiant à propos de la décroissance alors que je connaissais le concept depuis longtemps. De même au Japon, Yoshinori Hiroi 広井良典 ou Keishi Saeki 佐伯啓思 sont connus pour avoir utilisé le concept de décroissance, mais ils n’ont jamais dit que l’alternative serait le socialisme ou le communisme. En raison de l’expérience du passé, ils hésitent à utiliser ces termes ou même à revenir à Marx.

    Mon approche est différente. Ma génération aussi est différente. Je suis né en 1987 : quand j’ai grandi, l’Union Soviétique avait déjà disparu et je n’ai pas eu ces mauvaises expériences avec le parti communiste. Mais cela ne veut pas dire que je veux revenir au communisme soviétique ou au socialisme à la chinoise. Quand j’utilise Marx, je travaille à partir de divers carnets non publiés dans le cadre du « projet MEGA5 », où nous découvrons beaucoup de nouvelles idées. L’une de ces idées est que Marx était un penseur très écologique, et j’ai découvert que sa critique écologique du capitalisme pouvait être très utile.

    « Dans le sillage de Marx, je redéfinis le communisme comme une forme d’association et non un capitalisme d’État bureaucratique. » (Saitō Kōhei)

    Par exemple, Marx n’a pas plaidé pour une planification hiérarchique de la société à la soviétique : il met en avant le concept d’association, qui est beaucoup plus du genre bottom-up. Je me suis basé sur ce type de compréhension très largement partagée parmi les marxistes japonais, qui ont montré que la vision du socialisme de Marx est très différente de celle de l’Union Soviétique6. L’Union Soviétique est souvent caractérisée comme un capitalisme d’État – et je suis d’accord avec cela. Ce que j’essaie donc de faire, c’est de redéfinir le communisme comme une forme d’association et non un capitalisme d’État bureaucratique. Il s’agit plutôt de la façon dont diverses formes d’associations gèrent les communs de manière démocratique.

    Ma définition du communisme est donc très simple : le communisme est une société basée sur les communs. Le capitalisme a détruit les communs avec l’accumulation primitive, la marchandisation7 des terres, de l’eau et de tout le reste. C’est un système dominé par la logique de la marchandisation. Ma vision du communisme est la négation de la négation des communs : nous pouvons dé-marchandiser les services de transport public, le logement public, tout ce que vous voulez, mais nous pouvons aussi les gérer d’une manière plus démocratique – pas à la façon de quelques bureaucrates qui régulent et contrôlent tout. Nous pouvons avoir un système de gestion plus bottom-up.

    J’accepte généralement ce que les adeptes de la décroissance disent, mais j’essaie de combiner deux courants dans le « communisme décroissant ». Je pense même que, à la fin de sa vie dans les années 1880, Marx avait de la sympathie pour ce genre d’idée que j’appelle communisme décroissant.

    Il y a quelque chose qui n’apparaît pas dans les traductions, c’est qu’en japonais vous écrivez komyunizumu (コミュニズム) et non kyōsanshugi (共産主義, qui signifie « communisme »). Vous avez aussi mentionné le terme komonizumu (コモニズム, « commonisme ») : est-ce un terme que vous utilisez également ?

    Au Japon en effet, « communisme » écrit avec les caractères chinois 共産主義 est généralement associé à l’Union Soviétique, à la Chine, ou au parti communiste japonais. C’est donc intentionnellement que j’utilise le terme komyunizumu コミュニズム pour différencier ma compréhension du terme conventionnel. Mais comme il y a des gens qui ne saisissent pas la nuance, j’ai dit dans une interview que « la société basée sur les communs est le communisme, donc on pourrait même dire commonisme ». Ce terme est en fait proche de ce que je veux exprimer.

    Le communisme est généralement associé à la notion de révolution, qui n’est pas mentionnée dans votre livre. Dès lors, quel est le processus pour aller vers ce communisme décroissant si ce n’est pas la révolution ? Comment voyez-vous cette transition ?

    C’est une question très importante. Ma vision du communisme est très différente de la révolution prolétarienne, de la dictature du prolétariat et de ce genre de choses. Ce que j’essaie de défendre, c’est l’expansion graduelle des communs.

    Le capitalisme est le processus d’expansion constante de la marchandisation de tout. Le processus à suivre devrait donc être la démarchandisation progressive de ce qui a été marchandisé. Cela me semble plus réaliste et plus proche de ce à quoi Marx pensait, surtout dans ses dernières années. Par exemple, si vous lisez le volume 1 du Capital, il explique pourquoi la réduction de la journée de travail est une stratégie très importante pour le mouvement ouvrier. Ce n’est pas révolutionnaire, d’accord, car ce n’est pas en raccourcissant la journée de travail que nous détruirons le capitalisme. Mais Marx pense que c’est une condition préalable. Parce que lorsque les travailleurs et travailleuses travaillent douze heures par jour, ils et elles n’ont pas de temps pour les mouvements sociaux ou pour étudier. Regardez les travailleurs et travailleuses japonaises, qui travaillent tellement qu’ils et elles sont épuisé·es et ne font rien d’autre que regarder Youtube. Je pense donc qu’il est essentiel de raccourcir la journée de travail.

    « Contre l’expansion constante de la marchandisation, le processus vers le communisme devrait être la démarchandisation progressive de ce qui a été marchandisé. » (Saitō Kōhei)

    De même, il est très important que les gens ne dépendent pas autant des échanges monétaires et marchands. L’État-providence en Europe occidentale me paraît donc plus proche de la vision du socialisme de Marx que l’Union Soviétique. Parce que l’Europe occidentale a démarchandisé l’éducation, une partie du secteur médical et des soins, et même du logement8. Parce que les gens peuvent vivre – ou du moins peuvent sentir qu’ils peuvent vivre – sans dépendre entièrement du travail salarié, ils ont plus de liberté pour s’engager dans d’autres activités non commerciales, non capitalistes. Il peut s’agir d’art, d’activités culturelles, de sport, d’activités politiques, de n’importe quoi. Au Japon, il n’y a pas beaucoup d’endroits où les gens peuvent se réunir sans payer, alors nous allons toujours à l’izakaya9 pour nous réunir – cela reste une activité très marchandisée, je trouve.

    Plus nous arriverons à étendre les communs, plus nous aurons de liberté, plus nous aurons d’espaces pour des activités non-capitalistes ou même anticapitalistes. Et cela changera notre façon de penser et notre comportement, ce qui aidera à construire un mouvement social plus large et plus radical. Je pense que ce processus va s’étendre, s’étendre, s’étendre, et qu’il y aura un moment où la logique de cette valorisation constante du capital ne sera plus la force organisatrice centrale ou principale de la société.

    Donc, ce n’est pas du communisme pur : ma définition est très différente dans le sens où j’admets que les échanges monétaires et marchands peuvent encore exister dans une société future, mais de façon limitée. Il s’agit d’un autre type de société.

    Les deux ouvrages de Kōhei Saitō dans une librairie : « Le Capital dans l’anthropocène » et « Le Capital depuis zéro ». La recommandation des libraires dit : « Tout le monde connait Le Capital, mais à cause de sa difficulté et de sa longueur, personne ne parvient vraiment à poursuivre la lecture…Mais Kōhei Saitō vient renverser cet état de fait ! Avec son approche depuis le point de vue du “métabolisme”, il explique avec soin l’essence du capitalisme et sa signification actuelle…»

    Votre proposition pour étendre les communs semble très proche de ce que la communauté de la décroissance10 appelle des « réformes non réformistes ». En ce sens, « commonisme » serait moins ambigu en Europe que « communisme ». Mais, d’un autre côté, vous appelez de vos vœux une alliance rouge-verte, et parler de « communisme » est clairement un appel à la gauche. Avec les traductions de vos livres, qu’attendez-vous de la gauche en Europe, où la gauche et les syndicats sont encore très attachés à la croissance, au pacte fordiste, etc. ? L’utilisation du terme communisme est-elle une tentative pour construire une stratégie de contre-hégémonie à la croissance en favorisant une alliance rouge-verte ?

    Oui, le premier point est très important : j’ai été influencé par Joachim Hirsch, le marxiste allemand, qui prône quelque chose de similaire : le « réformisme radical ». C’est une réforme, mais c’est radical parce que nous voulons aller au-delà du capitalisme.

    Le deuxième point concernant l’alliance rouge et verte est aussi très important. Ce que j’essaie de faire en mettant en avant ce concept de communisme, c’est de souligner que nous devons aspirer à un post-capitalisme. Les adeptes de la décroissance ont parfois été ambivalents sur ce point. Cela a changé récemment, avec par exemple Jason Hickel et d’autres, plus anticapitalistes, mais dans la génération de Serge Latouche et même André Gorz, les concepts de socialisme et de communisme n’étaient pas mis en avant.

    « Alors que j’adhérais partiellement au Green New Deal, j’ai changé d’avis il y a trois ans : la décroissance est la seule solution. » (Saitō Kōhei)

    En même temps, je suis un universitaire marxiste et je veux donc aussi influencer mes amis éco-marxistes comme John Bellamy Foster ou Paul Burkett. Michael Löwy, dont je suis proche, a souvent dit par le passé que la décroissance était une mauvaise stratégie politique – même Foster n’a jamais vraiment dit que nous avions besoin de la décroissance ou d’une économie stationnaire. Je voulais les faire changer d’avis. Je pense qu’ils sont toujours prisonniers d’une vieille façon de penser, sans doute parce que le marxisme est favorable aux technologies, et aussi parce qu’ils considèrent que l’idée de décroissance n’est pas une idée attractive pour la classe ouvrière et ne deviendra jamais une force politique de contre-hégémonie.

    Mais la situation a changé, la crise climatique s’aggrave vraiment. J’ai d’ailleurs moi-même évolué – surtout après Greta Thunberg, que beaucoup de gens ont soutenu, notamment les jeunes. Alors que j’adhérais partiellement au Green New Deal, j’ai changé d’avis il y a trois ans : la décroissance est la seule solution.

    Ainsi, dans mon premier livre11, j’ai essayé de surmonter le clivage entre verts et rouges. Dans mon deuxième livre12, j’essaie de surmonter l’antagonisme entre le marxisme et la décroissance.

    Est-ce que ça marche ? Est-ce que les marxistes évoluent vers la décroissance ? Et qu’en est-il du parti communiste, qui est encore assez fort au Japon ?

    Le parti communiste ignore mon travail. Tout en profitant du succès de mon livre puisque les gens parlent de Marx. Il prône la croissance et continue d’affirmer que la décroissance est irréaliste. Quant aux marxistes japonais, des hommes âgés pour la plupart, ils ne comprennent pas la gravité de la crise climatique, il est donc très difficile de dialoguer.

    Mais si vous regardez en dehors du Japon, l’année dernière, Michael Löwy a écrit un article14 avec Giorgos Kallis dans la Monthly Review où il appelle explicitement à une décroissance éco-socialiste13. C’est un très grand changement. Je lui ai demandé : « Vous avez changé de position ? », il a répondu : « Oui ». Et le fait que la Monthly Review publie cet article signifie que Foster14 change aussi de position. Il a lu mes interviews et il apprécie ma proposition de communisme décroissant. Foster prend donc aussi clairement position pour la décroissance.

    La stratégie de la décroissance en Europe, telle que développée notamment à Barcelone par Giorgos Kallis et d’autres, a beaucoup plus appelé à des alliances avec l’éco-féminisme qu’avec le communisme. Nous n’avons pas vu beaucoup de références à l’écoféminisme dans votre livre. Est-ce un choix conscient de votre part de ne pas le faire ?

    Je pense que c’est l’une des faiblesses centrales de ce livre (Le Capital dans l’anthropocène) parce que je me suis concentré sur ma nouvelle interprétation de Marx. Je suis également un universitaire homme et j’ai un peu hésité à mettre en avant l’éco-féminisme comme pilier central de mon argumentation. Mais j’aurais quand même dû intégrer davantage ce type d’argument dans mon livre. Dans Marx in the Anthropocene : Towards the Idea of Degrowth Communism (2023), je fais intervenir des autrices comme Stefania Barca, Ariel Salleh, Sylvia Federici et d’autres15. Mais ce que je voulais établir, c’est une interprétation entièrement nouvelle du Marx tardif, qui est ma spécialité, et c’est ce que je peux apporter de plus à la division entre le marxisme et la décroissance.

    « Par opposition au socialisme d’État du XXe siècle, le communisme du XXIe siècle devrait être anarchiste, l’utopie que nous recherchons devrait être anarchiste. » (Kōhei Saitō)

    Vous ne mentionnez également l’anarchisme qu’une seule fois, pour l’écarter, alors que vous parlez beaucoup des expériences actuelles à Barcelone. L’anarchisme espagnol qui a culminé à Barcelone dans les années 30 et toutes les initiatives d’organisation horizontale et d’autonomie qui en sont issues sont en fait très similaires à ce que vous décrivez à travers le communisme décroissant. Vous citez également David Graeber. L’anarchisme n’est-il donc pas pertinent pour vous, d’une manière ou d’une autre ?

    En fait, je viens d’écrire un nouveau livre (en japonais) dans lequel il y a un chapitre sur la Commune de Paris, et j’y écris dans un sens clairement positif que la position du Marx tardif est en fait un « communisme anarchiste » (anākisuto-komyunizumu). Par opposition au communisme ou au socialisme du XXe siècle, c’est-à-dire le socialisme d’État, je soutiens que le socialisme ou le communisme du XXIe siècle devrait être anarchiste, que l’utopie que nous recherchons devrait être anarchiste. Et c’est très proche de ce que Marx préconisait pendant la guerre civile en France dans son analyse de la Commune de Paris.

    Et pas seulement de Marx, mais aussi de gens comme Peter Kropotkine, Élisée Reclus et William Morris. Ces auteurs sont également favorables à un post-capitalisme de type décroissance. Mais ils ont été marginalisés au XXème siècle et le récit du socialisme est devenu le marxisme-léninisme, centré sur l’État et sur le développement constant des technologies et de la bureaucratie. C’est totalement à l’opposé de ce qui était tout à fait central au XIXème siècle. Il y a donc eu une déformation du socialisme et du communisme à cause de l’Union Soviétique. Nous devons redécouvrir ce qui a été perdu, dont cette idée de communisme décroissant.

    Vous avez eu beaucoup de succès au Japon avec des concepts a priori peu populaires. Comment expliquez-vous ce succès japonais ? Vous mentionnez souvent le jeune public comme une des clés de ce succès, mais avez-vous été lu également par des précaires ou par les milieux d’affaires ?

    Oui, beaucoup par les milieux d’affaires ! La première phrase, qui dit que les Objectifs du Développement Durable (ODD) sont le nouvel opium du peuple, a été assez populaire parce qu’au Japon tout le monde parle des ODD : les gens portent des badges « ODD » sans savoir ce que cela signifie. Je pense que mon livre est devenu quelque chose que les milieux d’affaires doivent connaître, mais je ne suis pas sûr qu’ils comprennent vraiment ce que signifie le communisme décroissant, et je ne pense pas qu’ils soient d’accord.

    Mon livre se compose de deux parties. La première partie est sur les limites du capitalisme, qui est incapable de résoudre la crise climatique. Je pense que les gens ont lu attentivement cette partie. Mais en ce qui concerne la deuxième partie, sur la solution, ils ne sont pas d’accord. Dans d’autres pays comme l’Amérique avec la génération Z, ou dans la mouvance de Greta Thunberg, la jeune génération a davantage de sympathie envers les idées socialistes. Des mouvements radicaux émergent. Je dis toujours aux hommes d’affaires16 : « Vous allez travailler avec ces jeunes générations pendant les dix ou vingt prochaines années, alors vous devriez savoir quelles sont les tendances générales dans les autres pays. » Alors ils s’intéressent à mes idées sur le socialisme et le communisme, ainsi qu’à la discussion générale sur la décroissance à l’ère de la crise climatique. J’ai l’impression que ça marche.

    Et quelle est la réception par les travailleurs et travailleuses précaires ? Sachant qu’il y a eu une forte augmentation de la précarité et de la pauvreté au Japon au cours des trente dernières années ?

    Il y a en effet une génération un peu plus âgée que moi qu’on appelle la « génération de l’âge de glace de l’emploi17 » qui était étudiante à l’université au début des années 1990 quand la bulle japonaise a éclaté et qui n’a pas pu trouver d’emploi. Aujourd’hui encore, cette génération précaire est souvent très pauvre. Son avis est que la stagnation de l’économie japonaise est due à l’austérité. Elle plaide donc en faveur d’une augmentation des dépenses gouvernementales, de l’« assouplissement quantitatif » suivant la Théorie Monétaire Moderne18, afin que l’économie japonaise croisse davantage, qu’il y ait plus d’emplois, que les salaires augmentent. Donc, souvent, les précaires n’aiment pas mes idées, ni l’idée de décroissance.

    Il existe un clivage malheureux dont la cause profonde est le capitalisme. Au Japon, il y a ce groupe appelé Hankinshukuha, « groupe anti-austérité », qui combat la décroissance. Ce groupe soutient que le Green New Deal est important, qu’il faut plus d’emplois verts, et que le capitalisme est bien alors que la décroissance va créer plus de pauvreté, de chômage : « le communisme de Saitō est trop extrême ». Je suis critiqué par des figures populaires parmi les travailleurs et travailleuses précaires, comme le parti populiste de gauche Reiwa shinsen-gumi de l’acteur devenu politicien Tarō Yamamoto 山本太郎.

    Vous débattez volontiers avec des adeptes du capitalisme, qui peuvent admettre que le capitalisme est peut-être allé trop loin mais qui pensent que nous pouvons le réformer et que tout ira bien. Vous vivez également dans le pays du « Nouveau Capitalisme », nom du programme gouvernemental actuel. Qu’en est-il de cette tendance réformiste ?

    Je pense que le « Nouveau Capitalisme » (Atarashii shihonshugi) du premier ministre Kishida a été partiellement influencé par le succès de mon livre, où je critique le capitalisme. À l’époque, les journaux et magazines économiques en parlaient et j’ai été beaucoup lu dans les milieux politiques, y compris au Parti Libéral Démocrate [droite nationaliste, NDLR] au pouvoir. Le ministre de l’environnement, Shinjirō Koizumi (qui est le fils de Junichirō Koizumi19 ) a même été interpellé lors d’une discussion au parlement : « Avez-vous lu le livre de Saitō ? Il critique la politique actuelle et dit que l’économie verte n’est pas possible ! ». Le « Nouveau Capitalisme » de Kishida est donc une sorte de réponse.

    Une réponse de type Greenwashing ?

    Oui, mais intéressante.

    En tant que contre-hégémonie ?

    Oui. Mais il n’y a eu aucun changement substantiel depuis que cette politique a été lancée il y a deux ans. L’idée de redistribution de Kishida a disparu, il ne parle plus de corriger l’inégalité des richesses. À la place, il nous recommande d’investir dans le marché boursier ! C’est devenu le contraire, c’est devenu un non-sens.

    Lorsque je discute de ce type de tentative de réforme du capitalisme, mon principal argument est simple : lorsque l’économie se développe, historiquement, l’utilisation de l’énergie et des ressources augmente également. Donc, à moins que ce découplage entre la croissance économique et l’utilisation des ressources et de l’énergie ne devienne possible, si nous essayons de continuer à croître, cela conduira à un désastre écologique – or ce découplage n’a pas lieu.

    Nous devons donc renoncer à la croissance économique : cela ne signifie pas que nous devons vivre dans la pauvreté, n’est-ce pas ? Je ne dis pas que nous devrions réduire l’éducation, les transports publics ou les services médicaux. Je dis simplement que nous n’avons pas besoin d’autant de supérettes, de McDonald’s ou de gyūdon20, ou de fast fashion Uniclo ou Muji, ces choses peuvent être réduites sans réduire notre bien-être social. Nous vivons dans une société de production et de consommation excessive.

    Dans Le Capital dans l’Anthropocène, vous mentionnez souvent que nous avons un mode de vie impérial. Dans la première partie de votre livre, on voit que le Japon est très dépendant et vulnérable, et peut s’effondrer très facilement s’il y a une crise majeure (par exemple la majorité de la nourriture est importée). De même qu’avec la guerre en Ukraine, les gens en Europe ont soudain réalisé à quel point nous sommes dépendants de l’économie mondiale. Avez-vous réussi à faire prendre conscience de cette vulnérabilité ?

    Ce qui s’est passé au Japon après le déclenchement de la guerre en Ukraine est plutôt réactionnaire. Les gens se sont focalisés sur des réalités économiques à court terme, par exemple comment obtenir plus de gaz ou plus de pétrole, et nous parlons maintenant de prolonger l’utilisation des centrales nucléaires – qui ont maintenant 40 ans mais que nous essayons de prolonger à 60 ans. Beaucoup attribuent l’inflation à la guerre ou à l’énergie verte, et réclament davantage d’énergie nucléaire ou de charbon.

    Les gens ont tendance à oublier la crise à long terme du changement climatique. Bien sûr, certaines et certains – dont je fais partie – disent que c’est un problème et que nous devons avoir une plus grande autosuffisance énergétique et alimentaire parce que nous sommes trop dépendants de la Chine, de la Russie et d’autres pays, et que si quelque chose arrive avec la Chine, nous serons toutes et tous morts. Mais je pense que l’opinion publique générale penche plutôt de nouveau vers le nucléaire et estime que nous avons besoin d’autres moyens pour obtenir de l’énergie et la sécurité alimentaire.

    Vous employez dans votre livre une expression très forte : l’« état de barbarie » (yaban jōtai), qui en japonais renvoie à une image horrible de ce que le changement climatique peut produire si nous ne faisons rien. Cette image a-t-elle choqué les gens ?

    J’utilise ce terme pour que les gens se rendent compte de la gravité de cette crise. Vous êtes au Japon depuis un certain temps : vous avez vu que l’intérêt général pour la crise climatique est très faible. Il n’y a pas de parti vert, nous n’avons pas de discussion sérieuse sur le Green New Deal, des entreprises comme Toyota ne fabriquent même pas de voitures électriques, Kishida parle de centrales à charbon de haute technologie… Ce retard est choquant, même pour moi !

    Suite à la popularité de mon livre, je pensais que les gens s’intéresseraient davantage à la crise climatique. C’est tout l’intérêt d’écrire ce genre de livre grand public. Mais dans la société japonaise, la crise climatique est marginalisée. C’est très différent de la France, de l’Allemagne, des États-Unis. Je ne comprends pas et j’ai besoin de trouver une explication !

    Parmi les collègues avec lesquel·les j’en parle, personne n’en a. Certain·es disent que c’est parce que le Japon a beaucoup de catastrophes naturelles, comme des tremblements de terre, et que les Japonais·es penseraient donc que la nature est quelque chose que nous ne pouvons pas contrôler. Ils ou elles considéreraient le changement climatique comme quelque chose auquel il faut s’adapter, et non pas contre lequel lutter. Au contraire, les Européen·nes penseraient que l’être humain peut dominer la nature : très contrariés que la nature se révolte, ils et elles essaient de faire quelque chose. Mais c’est une explication très culturelle. En tant que marxiste, je recherche des explications plus socio-économiques. Mais je n’en ai pas encore trouvé.

    Vous faites un travail théorique, mais vous participez aussi à des manifestations. Quelle est votre position en tant que chercheur, et surtout en tant que penseur radical ?

    Le Japon est une société plutôt conservatrice. Ainsi, simplement participer à une manifestation est considéré comme quelque chose de très dangereux. Beaucoup de gens détestent ce genre d’activités, et même s’ils sont intéressés, ils ne participent pas parce qu’ils ont peur d’être considérés comme des fous furieux. En tant que professeur qui enseigne à l’université j’ai davantage de liberté de m’exprimer en public. Je considère cela comme une sorte de responsabilité sociale que je dois toujours assumer. C’est pourquoi je vais aux manifestations et aux rassemblements chaque fois que je le peux. En même temps, je ressens souvent les limites d’une approche purement théorique : je pourrais me contenter de lire les carnets de Marx dans ce bureau, mais cela ne créera pas une théorie utile au monde d’aujourd’hui !

    Je pense que le changement émerge vraiment des pratiques, des mouvements sociaux. C’est pourquoi j’ai écrit un autre livre pour lequel je me suis rendu dans de nombreux endroits au Japon et j’ai essayé d’apprendre des actions locales ou des activistes LGBTQ, par exemple. Comme vous l’avez remarqué, mon approche manque de perspective éco-féministe, notamment. Bien sûr, je peux apprendre en lisant des livres écrits par des universitaires féministes, mais je dois aussi me rendre dans les endroits où les problèmes se posent, où les gens manifestent et protestent, où je peux en apprendre davantage. Je suis souvent en position d’enseigner, et les occasions d’apprendre se font de plus en plus rares. Alors qu’il y a tant de choses que je dois apprendre sur le féminisme, l’anti-impérialisme… Je suis un universitaire masculin vivant à Tokyo, plutôt aisé. En tant que membre privilégié de la société, j’ai besoin d’autres perspectives.

  • L'intelligence de la nature

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    La question de l’intelligence de la Nature ne se pose plus pour moi. C’est une évidence. Mais je n’en ai aucune preuve. Je n’ai pas un niveau de connaissances suffisant. C’est juste une intuition.

    Est-ce que la Nature elle-même éveille cette intuition en moi ou est-ce juste une imagination débridée, un désir qui prendrait forme, qui se persuaderait lui-même d’avoir raison. La raison… Dans ce simple exemple, on voit bien à quel point, il est déraisonnable de se croire maître de la raison.


     

    La Nature a une intention, une capacité d’intervention. Comment pourrait-il en être autrement d’ailleurs ? De quel droit pourrions-nous considérer que l’entité créatrice n’a pas de pouvoir d’intervention ? La source de Tout n’aurait aucun pouvoir sur elle-même ? Elle ne serait qu'une puissance sans contrôle ?

    C’est absurde.

    Je ne crois pas que nous soyons nous-mêmes lancés dans la vie sans intention. Il y a quelque chose à comprendre. La nature de la Nature.

    Quel est son projet ?

    Je sais bien que de tels questionnements peuvent être perçus comme une dérive religieuse, la validation d'un Dieu inévitable, une intelligence créatrice.

    C'est tout le problème des données insérées par les générations précédentes et qu'elles nous ont transmises.

    Non, le Dieu des religions monothéistes me laisse indifférent. Il ne m'est rien.

    Je parle d'une intelligence d'univers, de la nature de la Nature. De cette possibilité qu'elle soit elle-même à l'origine d'elle-même. Et non du hasard.


     

    Et se pose dès lors le problème de ce que nous sommes. Issus d'elle et désormais sa plus grande menace, un adversaire inconscient.

    Les scientifiques parlent d'une sixième extinction de masse. Ils oublient de mentionner que nous risquons fort d'en faire partie.

    Est-ce là le projet initial ? Sûrement pas. Et pourtant, c'est bien vers ça que nous nous dirigeons.

    La Nature s'en remettra. Même d'une guerre nucléaire planétaire, elle s'en remettrait. Ça serait long mais elle a le temps devant elle.

    Nous, par contre, le temps qui nous reste se réduit considérablement vite. Quelques siècles encore et notre affaire sera réglée. Ne surtout pas croire que ça se fera en douceur.

    Voilà dix ans que je lis des études scientifiques, venues de tous les coins du monde. Si je devais partager ici tout ce que j'ai compilé, il n'y aurait pas 4000 articles mais cinq fois plus.

    Il ne s'agit plus d'une intuition mais d'un constat raisonné.

    Comment en sommes-nous arrivés là ? Je n'ai qu'une explication, toute simple, évidente, imparable.

    Nous sommes amoureux de nous-mêmes, d'une façon si puissante que nous en avons oublié d'aimer la Nature. Puisque nous avions l'intelligence suffisante pour nous en servir, nous avons oublié de l'honorer et nous avons puisé, encore et encore et nous continuons alors même que l'épuisement des ressources est une évidence.

    Nous sommes fondamentalement amoureux de nous-mêmes jusqu'à détruire ce qui nous donne vie.

    Il est faux de dire que nous aimons le confort, les voyages, la technologie, les divertissements, l'argent, la consommation, le matérialisme. Tout cela ne serait pas s'il ne s'agissait pas avant tout de nous aimer encore davantage. C'est nous que nous aimons à travers ces comportements, c'est le plaisir que nous nous offrons et personne ne cherche à faire plaisir à une personne qu'il n'aime pas.

    Alors, nous devrions apprendre à ne plus nous aimer ou plutôt à transférer cet amour à la nature, à tout ce qui vit et nous permet d'exister. Il est vain de croire que l'humanité y parviendra. La quête de l'amour de soi est inscrit dans nos gênes. Il faudrait éduquer l'humanité à l'amour de la nature et elle ne le souhaite absolument pas.

    Il m'arrive d'espérer que la nature ne prendra pas trop de temps pour régler ce problème. Afin que lorsque l'humanité sera moribonde, il reste encore des libellules et des ours polaires et des orchidées, des papillons et des baleines.

    La nuit dernière, il y avait deux vers luisants dans les plantes grasses au bord de la terrasse.

    Combien étions-nous dans le monde, au même instant, à regarder béatement la magie de la nature, d'un amour si grand, qu'il en arrive à effacer tout le reste? 

  • La sixième extinction

     

    La sixième extinction massive a déjà commencé

    Les espèces disparaissent à un rythme alarmant selon une nouvelle étude. L’auteur Elizabeth Kolbert estime que cela soulève des questions quant à notre propre survie.

     

    https://www.nationalgeographic.fr/environnement/la-sixieme-extinction-massive-a-deja-commence

    De Nadia Drake

    Photo d'un lion

    Les lions sont classés comme espèce vulnérable à l’échelle mondiale. La disparition de leur habitat naturel, le déclin du gibier et les conflits directs avec l’Homme sont autant de raisons qui les mettent en danger critique dans certaines régions où ils vivent.

    Photo de Michael Nichols, National Geographic Creative

    Au cours des dernières 500 millions d'années, la vie sur Terre a presque totalement disparu à cinq reprises, à cause de changements climatiques : une intense période glaciaire, le réveil de volcans et la fameuse météorite qui s’est écrasée dans le Golfe du Mexique il y a 65 millions d’années, rayant de la carte des espèces entières comme celle des dinosaures. Ces événements sont communément appelés les cinq extinctions massives ; or tout semble indiquer que nous sommes aux portes de la sixième du nom.

    À la différence que, cette fois, nous sommes seuls responsables de ce qui se produit. D’après une étude publiée en juin 2013 dans Science Advances, le taux d’extinction des espèces pourrait être 100 fois plus élevé que lors des précédentes extinctions massives – et encore, ne sont pris en compte que les animaux dont nous avons une bonne connaissance. Les océans et les forêts de notre planète cachent un nombre indéterminé d’espèces, qui disparaîtront pour la plupart avant même que nous n’en ayons entendu parler.

    Le livre de la journaliste Elizabeth Kolbert, La Sixième Extinction, a remporté le Prix Pulitzer de cette année dans la catégorie non-fiction. Nous avons évoqué avec elle ces nouveaux constats et leur impact potentiel sur l’avenir de la vie sur Terre. Peut-on encore éviter ces disparitions massives ? Les hommes sont-ils condamnés à devenir les victimes de leur propre négligence en matière environnementale ?

    La nouvelle étude qui a tant fait parler d’elle estime à 75% le taux d’espèces animales vouées à disparaître durant les siècles à venir, ce qui semble extrêmement alarmant.

    Oui, certaines familles d’animaux ont fait l’objet d’observations approfondies dans cette étude. Limitée aux vertébrés – comme les mammifères, les oiseaux, les reptiles et les amphibiens – elle s’intéresse à ce qu'il se passe vraiment aujourd’hui. Selon des données très sérieuses, les taux d’extinction, déjà très élevés dans [les années] 1 500, ne font qu’empirer.

    Il s’agit de chiffres significatifs, auxquels les gens deviennent pourtant assez insensibles. Les enfants nés au cours des 20 dernières années ont grandi avec ces données et ne les considèrent pas comme particulièrement inhabituelles. 

    Photo d'une Cypripedioideae

    Cueillies à outrance et victimes de la disparition de leur milieu naturel, 99 % des Cypripedioideae asiatiques (comme la Paphiopedilum appletonianum ci-dessus) sont menacées d’extinction.

    Photo de Karl Gehring, The Denver Post, Getty

    Les gens s’interrogent : sommes-nous vraiment au beau milieu d’une sixième extinction massive ? 

    Pour être honnête, je crois qu’il s’agit là d’un de ces débats où nous ne nous prenons pas le problème dans le bon sens. Lorsque nous aurons la réponse à cette question, il est possible que les trois quarts des espèces présentes sur Terre aient déjà disparu. Croyez-moi, nous n’avons pas envie d’attendre ce jour.

    Mais nous vivons indéniablement dans une époque où les taux d’extinctions sont très, très élevés, de l’ordre de ceux constatés lors d’extinctions massives. Toutefois, une telle extinction pourrait prendre des milliers d’années.

    Existe-t-il des habitats naturels ou des espèces animales particulièrement vulnérables aux changements en cours ?

    Les populations des îles sont très vulnérables aux extinctions, et ce pour plusieurs raisons. Elles ont toujours plus ou moins vécu de manière retirée ; or l’Homme lève actuellement toutes les barrières qui maintenaient ces espèces iliennes isolées jusqu’à présent. Ainsi, en Nouvelle-Zélande, il n’y avait pas de mammifères terrestres ; les espèces ayant évolué en l’absence de tels prédateurs s’avèrent donc incroyablement vulnérables aujourd’hui. Vous seriez stupéfiés par le nombre d’espèces d’oiseaux qui ont déjà disparu là-bas. Sans oublier celles qui subsistent encore, maintenant en grand danger.

    Les régions longtemps isolées sont donc plus fragiles. De la même manière, les espèces disposant d’un habitat naturel très restreint, qui n’existent qu’à un seul endroit du monde, ont tendance à être extrêmement vulnérables aux changements en cours. Si leur habitat devait être détruit, elles n’auraient nulle part où aller et seraient vouées à disparaître.

    Qu’est-ce qui prouve indiscutablement l’implication de l’Homme dans cette histoire – le fait que nous soyons a priori responsables de la sixième extinction ?

    Je ne vois pas ce qui pourrait venir contredire le fait que nous sommes responsables des taux d’extinction élevés constatés. Très peu, voire aucune des extinctions d’espèces des 100 dernières années n’auraient eu lieu sans l'implication de l’Homme. Je n’ai jamais entendu personne dire : « Les taux d’extinctions ? Oh, rien de plus naturel, cela se serait produit avec ou sans les humains ! » Il n’y a pas vraiment de place pour le débat ici.

    Si nous sommes en train d’appuyer sur la gâchette, avec quoi avons-nous donc chargé l’arme ?

    Des milliers et des milliers d’articles scientifiques se sont penchés sur cette question. Ces munitions ne sont autres que la chasse, l’introduction d’espèces invasives, les évolutions climatiques. Nous touchons à nos standards géologiques. Nous modifions le fonctionnement de tous les océans. Nous changeons la surface de la planète. Nous détruisons des forêts entières et basons notre agriculture sur de la monoculture, néfaste pour de nombreuses espèces. Nous pêchons à outrance. Et la liste est encore longue.

    Nous ne serons jamais à cours de munitions, avec l’arsenal dont nous disposons actuellement. 

    Photo d'un lion de mer de Nouvelle-Zélande

    Un groupe de Lions de mer de Nouvelle-Zélande (Phocarctos hookeri) s’ébat dans les eaux près de la colonie de reproduction d’Enderby Island, en Nouvelle-Zélande.

    Photo de Tui De Roy, Minden, National Geographic

    Est-il encore possible de ralentir ce désastre qui cause la perte des espèces ?

    Nous avons autant d’occasions de changer la planète dans le bon sens que d’occasions de la détruire ; pour chaque cas évoqué précédemment, je pourrais vous fournir une bibliothèque entière de rapports expliquant ce que nous pouvons faire pour améliorer les choses. Prenons juste pour exemple les zones mortes découvertes dans les océans. Nous pourrions changer notre utilisation des fertilisants de bien des manières, au lieu de répandre du nitrogène dans les champs du Midwest américain, fertilisant qui se retrouve ensuite dans le fleuve Mississippi, qui l’amène jusque dans le Golfe du Mexique, où il est ensuite responsable de la formation de ces zones mortes.

    En fait, la question que chacun devrait se poser est plutôt la suivante : les 7,3 milliards – qui passeront bientôt le seuil de 8, puis de 9 milliards – de gens peuplant cette planète auront-ils assez de place et de ressources pour cohabiter avec toutes les autres espèces ? N’allons-nous pas droit dans le mur en consommant quantités de ressources dont de nombreuses autres créatures ont aussi besoin ? Je n’ai pas de réponse à apporter à cela.

    Combien de temps a-t-il fallu à la planète pour se remettre des cinq extinctions massives ?

    Pour revenir aux niveaux de biodiversité d’avant-crise, il faut compter plusieurs millions d’années.

    Il n’est donc pas impossible qu’à partir de maintenant, les êtres humains ne connaissent qu’un monde essayant de se remettre d’une crise d’extinction majeure, voire un monde plongé dans une de ces fameuses crises.

    En effet, en sachant que les espèces vertébrées (et nous en faisons partie) ont une durée de vie moyenne d’un million d’années et que l’Homme a vécu 200 000 ans, soit 1/5 de ce million d’années, si vous précipitez une nouvelle extinction massive, vous ne pouvez pas vous attendre à ce que ces espèces actuelles soient encore représentées sur Terre lorsque la planète se sera rétablie. Et je n’évoque même pas la possibilité que les humains soient victimes de leur propre crise d’extinction massive.

    Voilà une question intéressante : l’Homme pâtira-t-il de l’extinction massive qu’il provoque ?

    Je n’irais pas jusqu’à avancer que l’on ne peut survivre à la disparition de très nombreuses espèces. Nous avons déjà prouvé que nous en étions capables. L’Homme a en effet une forte capacité d’adaptation. Mais au bout du compte, je pense que nous n’avons pas envie de connaître la réponse à cette question.

    Deux grandes interrogations sont nées. La première : simplement parce que nous avons survécu à la disparition de X espèces, sommes-nous capables de garder cette trajectoire ? Ou bien mettons-nous finalement en péril les systèmes qui ont jusqu’à présent gardé l’Homme en vie ? Une bien grande question, au sérieux indiscutable.

    Une autre question se pose : même si nous arrivons à survivre, est-ce vraiment le monde dans lequel nous voulons vivre ? Est-ce le monde que nous voulons léguer à nos enfants ? La portée de cette question est différente, mais toutes deux sont très sérieuses. Je dirais même qu’il n’y aurait pas de sujet plus sérieux.

     

     

     

  • De l'absurdité

     

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    Pour Albert Camus, la compréhension de l'absurdité de la vie est le seul chemin viable.

    Je n'y adhère pas.

    On me dira que c'est très prétentieux de m'opposer à un tel penseur.

    J'apporte donc une précision.

    La vie est au-delà de notre compréhension humaine. Son foisonnement, son extraordinaire diversité, sa capacité d'adaptation et d'évolution font de la vie elle-même un impossible saisissement. On ne peut en percevoir qu'une infime parcelle. Des formes, des noms, des études scientifiques, des catalogues, tout cela est utile mais insignifiant dès lors qu'il ne s'agit que d'une forme d'appropriation, de domination, d'encadrement. De la vie, nous ne devrions garder que sa magnificience ou en tout cas ne jamais la délaisser au profit d'une connaissance qui ne peut être que partielle.

    C'est l'existence que nous pouvons autopsier. Notre existence. C'est elle qu'il est possible de disséquer pour tenter d'en extraire un sens. Car nous en sommes conscients. Ou tout du moins, nous disposons d'une conscience pour en être l'observateur. Non pas dans sa forme matérielle, familiale, sociale, professionnelle, amoureuse, émotionnelle, affective mais dans sa profondeur. Et c'est là que pointe l'absurdité. Car nous ne voulons pas de cette conscience, nous la fuyons, nous la rejettons et nous nous illusionnons d'artifices.

    L'accélération du processus est d'ailleurs effrayant et il n'est pas sain d'essayer de se projeter sur les décennies à venir. C'est même dangereux. Psychologiquement. Il y a longtemps déjà que je sentais poindre une sorte de dégénérescence, un effondrement lent et pernicieux dans le saisissement et l'usage de la conscience mais je n'en ai plus aucun doute.

    La masse est inconsciente, la masse a sa propre inertie et comme une avalanche sur la pente, elle entraîne tout avec elle, grossissant inexorablement.

    J'ai pris le risque de lire des écrivains "feelgood", j'ai parcouru ces pages dans lesquelles ils parlent de l'élévation de la conscience au regard de l'existence. J'ai juste envie de leur dire de se taire et d'arrêter de mentir. Cette littérature est un paravent de la misère existentielle et de l'affadissement des consciences, juste un entracte qui entretient le désastre. Qu'on me cite une seule personne dont la vie a été littéralement transformée par un de ces ouvrages...Je souhaite qu'il y en ait au moins une. Peut-être même deux.

    Lorsque je parle de transformation radicale, il ne s'agit pas d'envisager une personne qui aurait trouvé sa voie professionnelle, qui aurait réglé ses difficultés relationnelles, qui aurait compris la complexité de l'amour, qui aurait trouvé sa place dans son environnement sociétal, qui aurait appris à moins souffrir des autres ou même à ne plus souffrir du tout.

    Grand bien leur fasse. Il est toujours préférable de se sentir mieux.

    Je parle de la transformation radicale de conscience au regard de la vie, du phénomène vivant, de l'incommensurable mystère et de notre place ou de notre insignifiance dans ce gigantesque maelstrom. Et je parle surtout des actes qui suivent cette prise de conscience. Car s'il ne s'agit que d'une posture intellectuelle, elle n'est jamais que l'étendard de l'absurdité et de l'intellectualisme.

    N'est-ce pas cela d'ailleurs le sens de notre présence ? Ne sommes-nous pas dotés de cette conscience auto-réflexive pour être les porteurs de flamme, non pas une flamme olympique tournée vers la compétition mais une flamme d'appartenance, de reconnaissance cellulaire, de bienveillance, d'amour, de respect, et une volonté farouche et inexpugnable de protéger tout ce qui est ?...

    Si c'était cela le projet, nous avons tout faux et il y a longtemps que la flamme est éteinte. Albert Camus considérait d'ailleurs qu'il était vain de chercher un sens à la vie dans un univers qui n'en a pas. Et chercher un sens n'est jamais qu'un moyen de repousser l'angoisse du néant.

    Alors, oui, il est tout à fait possible que nous n'ayons aucun sens et qu'il est totalement vain et absurde de vouloir extraire un diamant de la boue. Mais je ne peux pas pour autant admettre que mon insignifiance m'autorise à nier l'existence de tout ce qui m'entoure, de cette vie qui me fascine et me réjouit.

    L'humanité manque cruellement d'amour envers la vie. Et n'aimant pas cette vie, elle ne s'aime pas non plus.

     

    Plus les années passent et plus je m'éloigne de mes congénères. Je ne supporte plus la futilité. Le temps de l'insouciance est révolu.

    J'aime le vélo et j'ai donc regardé la course olympique et encore une fois, je suis effaré par cette ferveur populaire pour un évènement aussi dérisoire. Disons que la ferveur est disproportionnée si on la compare avec la dévastation de la biodiversité, par exemple ou du réchauffement des océans, ou de l'abattage quotidien de millions d'animaux, de cette abominable souffrance, des déforestations, du pillage des mers, de la fonte des glaces, de la mort des ours polaires, de la disparition des zones humides et des libellules, etc etc, de ce massacre constant et planétaire du vivant. Là, on peut parler d'absurdité.

    J'imagine les rires moqueurs... À moins que ceux et celles qui viennent me lire en pensent tout autant.

    Paul Watson est en prison parce qu'il cherche à protéger les grands mammifères marins. J'ai lu qu'une banderole pendant la cérémonie d'ouverture des JO avait été tendue sur une péniche et qu'elle avait été arrachée par "les forces de l'ordre"... Du pain et des jeux.

    Oui, tout cela est absurde mais le phénomène vivant ne l'est pas.

    Et d'ailleurs, encore une fois, je vais manquer de respect envers Albert Camus. La philosophie est une exploration de l'esprit humain et elle ne peut aucunement s'abroger le droit de la moindre conclusion envers l'ensemble du vivant. À moins de continuer à considérer encore et toujours que nous sommes supérieurs à tout ce qui vit.

    Je rêve d'un jour où les animaux, de l'ours polaire à la libellule, parviendraient à nous faire connaître leur point de vue sur nous, les humains.

     

  • Depuis longtemps

    Tout a commencé quand mon frère qui avait trois ans de plus que moi a eu un accident de voiture. Cliniquement mort à dix-neuf ans. Je suis resté dans sa chambre d'hôpital de fin juin à début septembre et il est sorti vivant. Ce que j'ai vécu là-bas, à ses côtés, a été ma première confrontation avec la notion de Bien et de Mal.

    Et dès lors, je n'ai cessé d'y réfléchir.

    De travailler avec de jeunes enfants m'a sans cesse amené à me remettre en question. Jusqu'au dernier jour de ma carrière. Et c'est dans les cinq dernières années que ce conflit intérieur a pris une dimension immense. La décision de me mettre en désobéissance civique et de refuser d'obéir aux injonctions ministérielles.

    J'ai réalisé quelques années plus tard (il y a cinq ans que je suis en retraite) que mes actes étaient nourris par ma situation sociale et c'est depuis cette mise en retrait que ma vision a évolué et que la notion de Bien et de Mal ne concerne plus que l'état de la planète et son exploitation mortifère.

    L'an prochain, cela fera vingt ans que nous ne mangeons plus d'animaux. Je ne dis jamais que je ne mange pas de viande mais je dis que je ne mange pas d'animaux et la nuance est de taille car la première expression ignore volontairement que cette "viande" est à l'origine un être vivant. Cette dialectique  des mangeurs de viande n'est qu'un moyen de réduire la dissonance cognitive. Manger de la viande exclut le fait d'avoir tué un animal qui, pour sa part, ne se considérait pas comme de la viande. Il y a donc vingt ans que la notion de Bien et de Mal envers la nature est entrée dans ma vie.

    Mais je suis sidéré que les choses n'évoluent pas davantage dans la population. Et ça n'est qu'une partie du problème.

    La surconsommation est un Mal. Nos modes de vie sont destructeurs et la transition écologique une véritable foutaise commerciale.

    Il n'y aura de transition qu'au jour où nous considérerons le Vivant comme une part de nous-mêmes et non pas comme un "environnement", qu'au jour où nous aurons conscience que nous tuons la planète et que sans elle nous disparaitrons.

    Il ne s'agit donc pas de trouver comment faire pour continuer à vivre de la même façon mais d'accepter l'idée que nous devons nous transformer intérieurement. Le reste suivra. Et sans aucun manque, aucune frustration, remords, regrets, détresse et autres états douloureux mais bien au contraire dans une joie profonde, celle de participer à l'extraordinaire beauté de la Vie.

    Le Bien et le Mal (1)

    Le Bien et le Mal (2)

    Le Bien et le Mal (3)

    Le Bien et le Mal (4)

    Le bien et le mal : mise à jour.

     

  • Bien et mal

    Loin de moi l'idée de me lancer dans une analyse philosophique de ces deux notions essentielles. On peut trouver des dizaines de pages sur ce thème sur le net. D'ailleurs la philosophie, je m'en suis éloigné tout autant que de la démarche spirituelle, le développement personnel, la quête de soi etc...

    Pour moi, l'urgence n'est pas là et toutes ces pratiques ne sont toujours que des retours vers l'humain alors qu'il s'agit de se tourner vers la nature.

    Il n'est pas justifié de chercher à vivre mieux en soi quand la nature va si mal. La question que je me pose, par conséquent, c'est de savoir si ne pas faire de mal à la nature revient à lui faire du bien.

    Et la réponse est négative.

    Ça n'est pas suffisant. Ne pas faire de mal à la nature, c'est une position neutre qui, bien qu'elle soit déjà recommandable, ne répond pas aux urgences. Il faut aller plus loin et agir, à son échelle, pour propager le bien, c'est à dire des actes réels, et non des réflexions ou une satisfaction au regard de la neutralité.

    Nous avons donc planté des arbres, beaucoup d'arbres, ceux qui n'avaient aucune chance de survivre parce qu'ils étaient au milieu d'une piste forestière ou sur un talus qui serait saccagé par la DDE. On les déterre et on les plante sur notre terrain.

    J'ai également creusé une mare et la vie qui s'y est installée est magique. Il y a quelques jours, j'ai vu deux tritons marbrés, des animaux en régression à cause de la disparition des zones humides, des mares, des étangs et de la pollution des eaux. Pour les libellules, je ne les compte plus alors qu'elles sont également en régression, pour les mêmes raisons. Dytiques, notonectes, gyrins, planorbes, argyronètes, grenouilles, crapauds, couleuvres, hérissons, passereaux, tout ce monde vient à la mare.

    Là, il s'agit de faire le bien. Agir pour la biodiversité.

    Je l'ai déjà dit ici, nous ne mangeons plus d'animaux depuis une vingtaine d'années. Le potager nous nourrit, hormis la farine, les céréales, l'huile, le sucre, le sel et autres aliments que nous ne pouvons produire.

    Faire le bien, c'est agir.

    Il y a quelques jours, j'ai eu la chance de voir une libellule posée sur un poteau de la terrasse de la mare. Elle venait de quitter son exuvie, enveloppe dans laquelle elle a vécu à l'état aquatique. Elle est restée plusieurs heures immobile.

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    Un quart des 68 espèces de libellules et demoiselles est menacé de disparition

    Libellule Leucorrhinia pectoralis grande pile

    Libellule Leucorrhinia pectoralis grande pile • © Luc Bettinelli

    Écrit par Patrick Ferret

    Publié le 22/07/2024 à 08h00

    Aquatiques et terrestres, les insectes appartenant à la famille des odonates, libellules et demoiselles, sont de véritables gardiens de nos milieux naturels. Or, une espèce de libellule sur quatre est menacée en Centre-Val de Loire. Un signal inquiétant pour l'état de santé de nos écosystèmes.

    À proximité d'une mare ou d'un petit cours d'eau, deux paires d'ailes transparentes posées sur un corps allongé et coloré, les libellules, vives et élégantes, font partie de ces rares insectes qui évoquent d'heureux souvenirs et suscitent notre sympathie. Mais aurons-nous encore longtemps l'occasion de les observer ?

    Les odonates, n'échappent pas à la tendance alarmante des dernières décenniese déclin massif, à l'échelle mondiale, des populations d'insectes, tant en nombre d'individus qu'en diversité des espèces.

    Les libellules et demoiselles en gardiennes de l'environnement

    Pour la ponte, l'éclosion des œufs, puis le développement des larves, les milieux aquatiques sont essentiels pour les odonates. Une fois leur taille maximale atteinte, les larves sortent de l'eau pour une dernière mue, les libellules adultes se libèrent de l'exuvie, l'enveloppe larvaire, et entreprennent une vie plus terrestre, vouée à la chasse aux insectes et à la reproduction.

    Un gomphe serpentin vient de quitter son enveloppe larvaire appelée exuvie

    Un gomphe serpentin vient de quitter son enveloppe larvaire appelée exuvie • © Eric Sansault / ANEPE Caudalis

    Ainsi, par leur mode de vie, par la diversité de leurs habitats, les libellules et demoiselles sont de véritables sentinelles de nos milieux naturels. Leur préservation contribue de façon importante au maintien de la biodiversité et au bon état de conservation des écosystèmes, à la fois aquatiques et terrestres.

    Un plan d'action pour sauver les odonates

    Un Plan National d’Actions (PNA) dédié aux odonates a été lancé en France en 2010. Il est décliné dans notre région par la DREAL Centre-Val de Loire et animé par l'association tourangelle  ANEPE Caudalis (Association naturaliste d'étude et de protection des milieux naturels).

    Une première liste rouge régionale des libellules et demoiselles a ainsi pu être établie en 2012, réactualisée 10 ans plus tard, en 2022 (les listes rouges de l'UICN, Union internationale pour la conservation de la nature, mesurent le risque de disparition d'une espèce sur un territoire donné). L'évolution est franchement inquiétante puisque le quart des espèces de libellules présentes en Centre-Val de Loire est désormais menacé de disparition.

    Le constat est même alarmant, et l'enjeu national, pour au moins 2 espèces emblématiques des bords de Loire, le gomphe à pattes jaunes (Gomphus flavipes) et le gomphe serpentin (Ophiogomphus cecilia), qui sont fortement associées aux habitats particuliers à ce système fluvial.

    En quelques années seulement, on enregistre un effondrement des populations de gomphes à pattes jaunes, entraînant la quasi-disparition de cette espèce dans notre région.

    Un gomphe serpentin vient de quitter son enveloppe larvaire appelée exuvie

    Un gomphe serpentin vient de quitter son enveloppe larvaire appelée exuvie • © Eric Sansault / ANEPE Caudalis

    "On est passé d'une espèce relativement commune à une espèce qu'on ne voit plus du tout, se désole Renaud Baeta, chargé de mission biodiversité, animateur du plan régional d'actions en faveur des libellules. On a perdu 99% de la population de gomphe à pattes jaunes. En cherchant assidûment on arrive à trouver une exuvie par an, mais cela fait des années que l'on n'a pas observé d'adulte volant."

    Une hétérogénéité régionale face à l'accueil des libellules

    Dans notre région, les secteurs propices à l’activité agricole intensive, comme la Beauce, la Gâtine tourangelle ou la Champagne Berrichonne de l’Indre n’accueillent aujourd’hui que très peu, voire pas du tout, d’espèces menacées d'odonates. À l’inverse, on peut encore les observer encore dans les grandes zones naturelles humides les mieux conservées comme le bassin de Savigné, la Sologne, l’Orléanais forestier ou la Brenne. Ces grandes écorégions sont donc primordiales pour la conservation des libellules et demoiselles de notre région.

    Le déclin des populations de libellules ne date pas d'hier, la destruction de leurs habitats a commencé il y a plus d'un siècle : urbanisation, drainage et assèchements de marais, recalibrage des cours d'eau, agriculture intensive, pollution aux pesticides et aux engrais, homogénéisation des paysages...

    Mais cette tendance s'est considérablement aggravée ces dernières décennies avec les premiers effets du réchauffement climatique :

    "Les longues périodes de sécheresse que nous traversons sont catastrophiques pour toutes les espèces liées aux têtes de bassins-versants, explique l'odonatologue tourangeau. Ces libellules sont inféodées aux suintements, aux zones de sources, aux petits ruisseaux, qui se retrouvent à sec pendant plusieurs mois, les larves ne peuvent survivre. Et, au niveau des mares, des étangs, ce n'est pas mieux, ces plans d'eau deviennent de plus en plus des bassines, des milieux aquatiques qui se simplifient à l'extrême, qui s'appauvrissent."

    La double peine des libellules

    Plus spécifique à notre région, en effet, que le réchauffement climatique, la gestion, ou la non-gestion, des étangs constitue également une sérieuse menace pour la survie de nos libellules et demoiselles :

    "Aujourd'hui, poursuit Renaud Baeta, soit les étangs ne sont plus gérés, et des poissons comme les carpes y prolifèrent, détériorent la qualité du plan d'eau en mangeant toute la végétation. Il n'y a plus d'oxygène, plus de nourriture, plus de caches pour les larves. Soit, au contraire, on y pratique une activité piscicole de plus en plus intensive, on retire la végétation et on nourrit les poissons aux granulés. Tout l'écosystème qui permet aux libellules de se reproduire disparaît..."

    La petite nymphe à corps de feu, photographiée en Indre-et-Loire. Les libellules témoignent de l'état de santé de nos écosystèmes, aquatiques et terrestres

    La petite nymphe à corps de feu, photographiée en Indre-et-Loire. Les libellules témoignent de l'état de santé de nos écosystèmes, aquatiques et terrestres • © Eric Sansault / ANEPE Caudalis

    Le premier PRA, plan régional d'actions, pour les odonates visait surtout à mieux connaître les espèces, leurs habitats et leur mode de vie. Le second, en cours de rédaction, va devoir s'attaquer concrètement à la gestion des milieux naturels :

    "Ce n'est pas simple, reconnaît le chargé de mission biodiversité. On travaille à l'échelle de rivières, mais aussi d'étangs, de mares, qui sont souvent privés".

    Les leviers d'action sont complexes, mais il faut impérativement mieux gérer les zones humides, les restaurer, pour y maintenir ces espèces et obtenir des milieux plus résilients face au changement climatique. L'alarme que sonnent les libellules, ce sont tous nos écosystèmes qui sont fortement dégradés.

    Renaud Baeta, animateur Plan Régional d'Actions en faveur des libellules

    Presque toutes les familles d'insectes sont confrontées à un effondrement de leur population. Les libellules et demoiselles, liées, par leur cycle de vie, autant aux écosystèmes d'eau douce qu'aux milieux terrestres, cumulent les difficultés. Pour arriver à les protéger, il va falloir sérieusement se retrousser les manches. Pouvoirs publics, collectivités, acteurs du monde rural, propriétaires terriens...l'heure est à la mobilisation générale !

    "On ne luttera pas contre l'effondrement de la biodiversité d'un simple coup de baguette magique. Si l'on veut inverser la dynamique, il va falloir accepter de revenir sur pas mal de choses, sur nos pratiques intensives, sur des habitudes liées à nos modes de vie. Ce n'est pas en restaurant une petite rivière de temps en temps qu'on va y arriver. Mais avec une vraie vision, une volonté politique forte de restauration des zones humides et l'arrêt de toutes les pratiques qui utilisent de l'eau à outrance."

    On ne semble guère en prendre le chemin ; les signaux envoyés par le gouvernement pour calmer la colère dans le monde agricole ont de quoi désespérer l'odonatologue-défenseur de l'environnement :

    On n'a pas cherché à trouver des solutions bénéfiques à la fois pour les agriculteurs et pour la biodiversité. C'est encore cette dernière que l'on sacrifie en situation de crise, au nom d'une prétendue efficacité. C'est inquiétant, nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis. À un moment donné, sans insectes, cela va devenir très compliqué !

    Renaud Baeta, animateur Plan Régional d'Actions en faveur des odonates

    Difficile, dans ces circonstances, de rester optimiste. Mais pour finir tout de même sur une note positive, le naturaliste parvient à trouver une raison d'espérer :

    "Je reste très impressionné par la capacité de résilience des écosystèmes, et notamment des zones humides. Si l'on creuse un trou pour récupérer un peu de sable ou du granulat au milieu de nulle part, disons un champ de maïs, en quelques années on va regagner une biodiversité incroyable. Des plantes, des insectes, des amphibiens, des oiseaux migrateurs vont s'y installer ! Cela me rassure vraiment. On n'en est pas encore à un point de non-retour, où une zone humide ainsi créée resterait stérile. Tout n'est pas perdu !"