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THÈME : Les Kogis (17)
- Par Thierry LEDRU
- Le 09/03/2024
Peuple de la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie, les Kogis ou Kagba sont les descendants des Tayronas, une des plus grandes sociétés précolombiennes du continent sud-américain et surtout une des plus anciennes : leur histoire pourrait remonter à plus de 12000 ans.
Ces 25 000 hommes et femmes mènent aujourd’hui une existence simple et spirituelle, respectueuse de la Terre qui leur a donné naissance. Accueillant très peu d’étrangers, ils se sont pourtant donné la mission de transmettre leurs savoirs ancestraux aux hommes «civilisés» afin qu’ils puissent renouer avec l’harmonie du monde.
Pour les kogis, le territoire est considéré comme un «corps» territorial, reflet du fonctionnement des constellations autant que celui du corps humain. Où vivent-ils ? Quelle est leur «vision» du territoire ? Que nous apprennent les sagesses et cultures amérindiennes ?
Le 17 ème regroupement d'articles.
les Kogis : Le message des derniers Hommes
"Ce que les Kogis ont à nous dire"
Les Indiens Kogis ont une place importante dans certains de mes romans et notamment dans les histoires de Jarwal le lutin.
Jarwal et les Kogis : la réalité et le Réel
Jarwal et les Kogis : les Conquistadors
Jarwal le lutin :"L'arbre de vie"
On retrouve les Indiens Kogis dans la quadrilogie en cours d'écriture.
Dans le tome 1 "LES HEROS SONT TOUS MORTS"
LES HEROS SONT TOUS MORTS : Figueras, un personnage majeur
Puis dans les trois tomes suivants...
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"Le gang de la clé à molette"
- Par Thierry LEDRU
- Le 06/03/2024
Edward AbbeyLe gang de la clef à molette tome 1 sur 2
EAN : 9782351785690
491 pages
Gallmeister (03/10/2016)3.96/5 879 notes
Résumé :
Révoltés de voir la somptueuse nature de l'Ouest américain défigurée par les industriels, quatre insoumis décident d'entrer en lutte contre la « Machine ». Un vétéran du Vietnam accro à la bière et aux armes à feu, un chirurgien incendiaire entre deux âges, sa superbe maîtresse et un mormon nostalgique et polygame se mettent à détruire ponts, routes et voies ferrées qui balafrent le paysage. Armés de simples clefs à molette - et de quelques bâtons de dynamite - ils affrontent les représentants de l'ordre et de la morale dans une folle course-poursuite à travers le désert.
Traduit de l'américain par Jacques Mailhos
Un chef-d’œuvre où rage se marie au rire.
LES INROCKUPTIBLESLes mêmes métodes appliquées aujourd'hui.
« Les écoterroristes les plus stupides du monde » : c’est ainsi que le business man états-unien Elon Musk a réagi à l’acte de sabotage qui a visé la gigafactory de Tesla en Allemagne mercredi 6 mars.
C'est le terme "d'écoterrorisme" qui me fait bondir. S'attaquer à une industrie terriblement néfaste pour la planète est désormais un acte terroriste. Si des gens pensent encore que les véhicules électriques permettront de stopper ou de ralentir le réchauffement climatique, que c'est une industrie verte et vertueuse, c'est par manque de connaissances. Je n'ai même pas envie de développer. En cherchant cinq minutes, tout est expliqué sur le net.
Le terrorisme industriel, lui, est une réalité. Et là aussi, les exemples regorgent.
Cette dialectique d'écoterrorisme n'est pas innocente. Elle frappe les esprits, volontairement parce que le terme de terrorisme est connu de tous.
La voiture électrique cause une énorme pollution minière
https://reporterre.net/La-voiture-electrique-cause-une-enorme-pollution-miniere
[VOLET 2/3] — Grosse émettrice de gaz à effet de serre, la construction des voitures électriques consomme aussi une très grande quantité de métaux. Lithium, aluminium, cuivre, cobalt… le boom annoncé de la production de « véhicules propres » réjouit le secteur minier, l’un des plus pollueurs au monde, et promet un enfer aux populations des régions riches de ces matières premières.
Cet article est le deuxième d’une enquête en trois volets que nous consacrons à la voiture électrique. Le premier volet, sur les émissions de gaz à effet de serre : « Non, la voiture électrique n’est pas écologique ».
« Comment justifier de détruire des territoires comme le bassin des Salinas Grandes et la lagune de Guayatayoc, occupés par quelque 7.000 habitants, 33 communautés autochtones et ethniques, et tout un mode de vie fondé sur la coresponsabilité et la démocratie directe, comment donc justifier cette destruction au nom de la lutte contre la pollution de l’air dans des villes, une contamination à laquelle ces communautés n’ont pris aucune part ? » Interrogé sur l’exploitation du lithium, telle est la question que nous renvoie Roger Moreau, ancien militant du Larzac, installé depuis quelques décennies dans la province de Jujuy, dans le nord de l’Argentine, à l’épicentre de la ruée sur le lithium provoquée par le déploiement programmé des véhicules électriques.
Ici, les communautés qollas vivent sobrement de l’élevage de lamas et de brebis, d’extraction artisanale de sel, d’artisanat et du tourisme. Sur ces hauts-plateaux des Andes, à plus de 3.000 mètres d’altitude, l’entreprise canadienne LCS s’apprête à exploiter près de 180.000 hectares de lagunes et de salars, ces lacs de sels asséchés dont on extrait le lithium contenu dans les batteries d’ordinateur, de téléphone et de voitures électriques. Une batterie de Renault Zoe peut contenir 8 kg de lithium, une Tesla 15 kg (contre 300 g pour un vélo électrique).
« Tous les moyens sont bons pour maintenir le mode de vie des États-Unis et de l’Europe, qui, s’ils étaient généralisés, nécessiteraient trois à cinq planètes »
Bien qu’elles n’aient pas toutes de titre formel de propriété, les communautés locales sont en théories souveraines sur ces terres ancestrales collectives, et se prévalent des droits des peuples autochtones reconnus par l’Organisation internationale du travail (OIT) et par les Nations unies imposant le « consentement libre » des habitants avant tout projet. En 2019, après une série de pétitions, quelque trois cents personnes ont procédé à l’expulsion d’une équipe de forage venue commencer les travaux d’exploration. Les blocages routiers se sont succédé pour informer la population. « Au lieu de remettre en question un mode de développement responsable de nombreuses crises contemporaines et de désastres annoncés qui augmentent à vue d’œil », déclare l’Assemblée des communautés autochtones du peuple qolla de Salinas dans son prospectus sur le lithium, « tous les moyens sont bons pour maintenir le mode de vie des États-Unis et de l’Europe, qui, s’ils étaient généralisés, nécessiteraient trois à cinq planètes. L’extraction de lithium dans les salars est une catastrophe écologique, et non un simple désagrément qu’on pourrait compenser par des dons aux communautés ».
Chemetall Foote Lithium Operation, dans la Clayton Valley, à l’est de Silver Peak (Nevada), est l’unique mine de lithium des États-Unis d’Amérique.
Dans ces régions parmi les plus arides au monde, les mines de lithium évaporent à grande allure les rares ressources en eau. Sur le site d’Atacama, au Chili, les miniers prélèvent près de 200 millions de litres par jour. Le pompage de la saumure du sous-sol riche en lithium crée un vide qui fait migrer vers les profondeurs l’eau douce disponible. « Cette double perte d’eau abaisse le niveau de la nappe phréatique, assèche le sol et la végétation au détriment des animaux, des cultures et des gens », expliquent les Qollas. À quoi s’ajoutent les traitements au chlore et la dispersion dans les eaux des déchets de pompage mêlés à des solvants, qui détruisent des micro-organismes dont on ne sait pas grand-chose, sinon qu’ils sont les organismes vivants les plus anciens de la planète [1]. Or toutes les mines actuellement en production annoncent un doublement ou un triplement de leurs activités pour se positionner sur le marché du lithium, dont la demande pourrait croître de 18 % par an d’ici à 2025 [2].
Transférer aux métaux la demande de puissance qui reposait, depuis le début de l’industrialisation, sur les énergies fossiles
Le cas du lithium est emblématique du principe de la transition écologique, telle que le décrit la Banque mondiale dans un rapport de 2017 [3]. Pour nous assurer un avenir « bas carbone », il n’est manifestement pas question de revoir à la baisse le mode de vie des pays riches : tout l’enjeu va consister à transférer aux métaux la demande de puissance qui reposait, depuis le début de l’industrialisation, sur les énergies fossiles (charbon et pétrole). Compte tenu des technologies déployées — photovoltaïque, éoliennes, numérique et réseaux, véhicules électriques —, certains métaux sont particulièrement cruciaux : cuivre, argent, aluminium, nickel, terres rares… Et tout le paradoxe de la voiture électrique, deux fois plus polluante à produire que la voiture thermique, est contenu dans cette synthèse : « Les technologies qui pourraient permettre le passage à une énergie propre s’avèrent en réalité PLUS intensives en matériaux dans leur composition que les systèmes actuels fondés sur les énergies fossiles. (…) Pour le dire simplement, un avenir fondé sur les technologies vertes exige beaucoup de matières premières qui, si elles ne sont pas correctement gérées, pourraient empêcher les pays producteurs d’atteindre leurs objectifs en matière de climat et de développement durable. » En d’autres termes, les technologies vertes ne sont pas vertes, en grande partie parce qu’elles reposent sur l’industrie minière, réputée la plus polluante au monde [4].
Par exemple, pour compenser le poids des batteries des véhicules électriques, qui, s’il n’était pas contrebalancé, les rendrait trop énergivores, les constructeurs ont augmenté la part d’aluminium dans les carrosseries, jantes, boîtes de vitesse. Mais alors qu’une voiture particulière, dans l’Union européenne, contient déjà aujourd’hui en moyenne 179 kg d’aluminium, l’Audi e-tron, un SUV électrique, en enferme 804 kg ! Or la production d’aluminium consomme trois fois plus d’énergie que celle de l’acier, et que cette production est très émettrice de gaz à effet de serre (CO2 et perfluorocarbonés) [5]
Et pas seulement. Aurore Stéphant, ingénieur géologue minier pour l’association Systext, qui vient de lancer un programme de recherche sur les conséquences environnementales des « métaux de la transition », explique : « Pour obtenir de l’aluminium, la première étape est de mettre la bauxite en solution avec de la soude. On chauffe ensuite le précipité à 1.200 °C. Ce traitement est à l’origine de gigantesques digues de résidus : ces barrages, qui retiennent les déchets miniers liquides au creux des vallées, stockent donc l’équivalent des bidons de soude qu’on utilise pour déboucher les toilettes, mais à des concentrations encore supérieures. C’est ce qu’on appelle les “boues rouges”. Comme les autres digues de résidus miniers, elles cèdent régulièrement, avec des conséquences inimaginables. » En octobre 2010, sur le site de production d’aluminium d’Ajka, près de Kolontar, un barrage a rompu, provoquant la plus grave catastrophe de l’histoire de la Hongrie : un raz-de-marée de plus d’un million de mètres cubes de résidus a déferlé sur sept villages, un millier d’hectares de sols et 10 millions de m³ d’eau ont été contaminés, dix personnes sont mortes et près de 300 ont été grièvement brûlées à la soude. Au cours des dix dernières années, dans le monde, pas moins de quatre accidents de ce type se sont produits dans des mines de bauxite [6].
Image satellite du trajet de la coulée de boue du 4 octobre 2010 après la rupture de la digue de l’usine d’aluminium d’Ajka, en Hongrie.
200.000 creuseurs, dont des enfants privés de scolarité « payés un à deux dollars par jour »
Pour électrifier les véhicules, il faut aussi du cuivre. Il y en a quatre fois plus dans une voiture électrique (environ 90 kg) que dans une voiture à essence, sans compter l’infrastructure de recharge — une prise pouvant alimenter 120 véhicules en contient près de 100 kg [7]. Le problème du cuivre, c’est qu’on le trouve naturellement associé à de nombreux métaux, dont une bonne partie sont très toxiques, comme l’arsenic, le plomb ou le cadmium. Exploiter du cuivre implique donc de disperser ces autres métaux dans la nature sous forme de vapeurs, d’émissions de particules ou par le ruissellement des résidus. À ce problème s’ajoute le fait que les teneurs en cuivre, c’est-à-dire la quantité présente dans la roche, ont énormément baissé du fait de la surexploitation des gisements : rien qu’entre 1990 et 2008, elles ont été divisées par deux. Il faut donc extraire et traiter chimiquement des volumes toujours plus importants de roche pour l’extraire. Ainsi, les mines de cuivre accumulent des volumes toujours plus gigantesques de déchets, ce qui augmente d’autant les pollutions et le risque de rupture de digues chargées de boues toxiques, etc. Pour avoir une idée de l’ampleur de la production existante et des problèmes qu’elle pose déjà, il faut penser qu’on produit aujourd’hui, avant le boom des véhicules électriques, trois cents fois plus de cuivre que dans les années 1960 [8].
Outre le lithium, les batteries contiennent des cathodes de cobalt, dont plus de la moitié provient du Congo-Kinshasa, où il est exploité conjointement avec le cuivre. Depuis plusieurs années, le fameux « métal bleu » a été placé sous le feu des projecteurs par les ONG : une partie du minerai est extrait par quelque 200.000 creuseurs, dont des enfants privés de scolarité « payés un à deux dollars par jour », et revendu à des firmes chinoises qui assurent la majorité de l’affinage [9]. Fin 2019, à la suite de la mort de quatorze enfants, l’International Rights Advocates, à Washington, déposait une plainte visant plusieurs entreprises dont Apple, Alphabet (Google) et Tesla. Face à cette situation connue depuis plus d’une dizaine d’années, mais aussi à la suite du relèvement de la taxe sur l’extraction par le gouvernement congolais (passée de 3,5 à 10 %), les constructeurs tentent de diminuer la quantité de cobalt dans les batteries.
Pour en utiliser moins, Renault a ainsi choisi une technologie NMC (lithium-nickel-manganèse-cobalt) contenant moins de cobalt, mais très dépendante du lithium, du nickel et du manganèse. Mais, là encore, le problème est moins résolu que déplacé. Les approvisionnements sont sécurisés par le fait que le nickel provient de Nouvelle-Calédonie, colonie française et le manganèse du Gabon, ancienne colonie française, où il est exploité par Eramet depuis les années 1960. En revanche, l’extraction du manganèse a provoqué dans la région du Haut-Ogooué, dans l’est du Gabon, une situation sanitaire catastrophique. Dans un mémoire en gestion durable des mines réalisé pour l’Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement, Grâce Mélina Mengue Edoh Afiyo nous la décrit : « Depuis le début de l’exploitation à Moanda en 1962, tous les déchets miniers de l’exploitation du manganèse ont été rejetés dans la rivière Moulili par le fait du ruissellement des eaux de pluie. Ces déchets représentent une quantité absolument colossale, des millions de tonnes accumulées année après année dans cette rivière. (…) L’envasement de la Moulili a engendré la disparition totale de toute vie aquatique dans ce milieu. En effet, les poissons qui selon les populations y étaient abondants ont laissé place à une vaste étendue d’eau boueuse et nauséabonde [10]. » Les eaux de surface seraient polluées à l’acide sulfurique, au cyanure, au mercure et à l’arsenic, mais une partie de la population n’a d’autre choix que de continuer à les utiliser pour le trempage du manioc. Si Eramet a commencé à contenir ses résidus miniers dans des digues à partir de 2006, les boues toxiques continuent à ruisseler lors des fortes pluies et s’infiltrent dans les sols, faute de membranes au fond de certains bassins. Du fait de la déforestation, « il faut aujourd’hui faire plus de dix kilomètres pour aller chasser », constate l’auteure, et les quantités d’eau pompées « arrivent même à assécher des puits et des sources ». Qu’en sera-t-il après le boom des véhicules électriques ?
« Pour l’instant, le recyclage en boucle fermée des batteries lithium-ion en Europe n’existe pas »
Faut-il s’inquiéter des effets de cette demande croissante en métaux, qui, selon la Banque mondiale pourrait augmenter de 1.000 % pour les batteries électriques [11] ? Aucunement, assure le ministère de la Transition écologique sur un petit schéma destiné à inciter le grand public à acheter une voiture électrique, car « 80 % des batteries sont recyclables ». Les mots sont importants, et cette formulation ne doit rien au hasard : recyclables ne signifie pas recyclées. La directive européenne de 2006, en cours de révision, impose le recyclage de 50 % de la masse de la batterie. « Nous allons jusqu’à 70 % », assure Alain Le Gougenc, porte-parole du groupe PSA. Mais, sur une batterie de 300 à 600 kg contenant une bonne quantité d’acier et de plastique, les métaux les plus polluants sont-ils recyclés ? En tout cas, pas le lithium, trop peu cher à l’achat : « Les compagnies minières ont une politique de surproduction qui fait baisser le coût des matières premières, explique Alma Dufour, des Amis de la Terre. L’État pourrait imposer le recyclage du lithium, pourquoi ne le fait-il pas ? » « Pour l’instant, le recyclage en boucle fermée des batteries lithium-ion en Europe n’existe pas, constate Olga Kergaravat, ingénieure spécialiste des batteries à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). D’autant plus que, du fait du contexte concurrentiel très tendu entre fabricants, elles sont toutes différentes. Ce serait déjà plus imaginable si elles étaient standardisées… »
Faute de modèle économique pour le recyclage des métaux, qui nécessite en outre des techniques intensives et polluantes comme l’hydrométallurgie et la pyrométallurgie, la Société nouvelle d’affinage des métaux (Snam), en Aveyron, s’oriente vers le réemploi des batteries pour stocker de l’énergie, par exemple pour lisser les apports intermittents des énergies renouvelables. À ce jour, le projet n’est que timidement engagé, et pourtant, depuis des années, les analyses quantifiant les effets globaux des véhicules électriques sont d’autant plus optimistes qu’elles comptabilisent ces économies d’énergie dans leurs bilans. « Les VE (véhicules électriques) et leurs bornes de recharge peuvent par exemple être un maillon dans l’introduction des énergies renouvelables, le stockage stationnaire de l’énergie ou permettre des expérimentations avec des bâtiments à énergie positive, voire à l’échelle de quartiers », anticipe l’Ademe [12]. La perspective de ce « cercle vertueux » entre smart grids, compteurs communiquants et électromobilité a grandement contribué à la réputation de viabilité écologique des voitures électriques, de même que la promesse d’une « mobilité du futur » dans laquelle elles entreraient en synergie avec les plateformes d’autopartage en ligne et les véhicules autonomes. Le véhicule électrique et ses promesses sont en réalité fondées sur un programme plus général de numérisation des réseaux et des transports, qui seraient optimisés, comme par une « main invisible », par l’intelligence artificielle et le big data. C’est un projet de société qui se dessine. Et il est polluant.
Retrouvez le troisième et dernier volet de notre enquête
« Derrière la voiture électrique, l’empire des Gafam ».
Après cet article
Non, la voiture électrique n’est pas écologique
Notes
[1] Impacto socio-ambiental de la extraccion de litio en las cuencas de las salares altoandinos del Cono Sur, Observatorio de Conflictos Mineros de América Latina, Ocmal, , août 2018, p. 28 et 45.
[2] « En France, on n’a pas que des idées, on a aussi du lithium », L’Usine nouvelle 20/02/2019.
[3] « The Growing Role of Metals and Minerals in a Low-Carbon Future », Banque mondiale et Extractives Global Programmatic Support, 2017, p. 58. Les majuscules sont dans le texte original.
[4] Revue Z no 12, « Trésors et Conquêtes », 2018.
[5] L. Castaignède, Airvore ou la face obscure des transports, p. 194 ; Rapport de l’AEE, p. 16.
[6] « Chronology of major dam failures », Wise Uranium Project.
[7] OFI Asset Management, février 2018.
[8] La production de cuivre en 2015 était trois cents fois plus élevée que la production moyenne sur la période 1956-1965 (Bureau des ressources gépologiques et minières, BRGM).
[9] « La face honteuse du “métal bleu” », Akram Belkaïd, Le Monde diplomatique, juillet 2020.
[10] « Impacts de l’exploitation minière sur l’environnement et les collectivités locales dans la province du Haut-Ogooué : cas de la Comilog à Moanda (Gabon). » Mémoire de fin d’études pour l’obtention du master spécialisé, option : gestion durable des mines, 2010-2011.
[11] Ibid., p. 58.
[12] « Les potentiels du véhicule électrique », Les avis de l’Ademe, avril 2016, p. 10.
Précisions
Source : Celia Izoard pour Reporterre
Photos :
. chapô : Des creuseurs viennent séparer le cobalt de la roche et du sable dans un lac entre les villes congolaises de Lubumbashi et Kolwezi, en mai 2015 (© Federico Scoppa/AFP).
. lithium : Wikipedia (Doc Searls/CC BY 2.0)
. aluminium : Wikipedia (Jesse Allen — NASA Earth Observatory/CC0) -
Sans issue
- Par Thierry LEDRU
- Le 04/03/2024
Nous sommes les participants enthousiastes ou réfractaires d'un business planétaire et nous ne pouvons pas en sortir. Et c'est justement parce que nous n'avons plus la possibilité d'en sortir que ce business planétaire court à sa perte. Par épuisement des ressources, par une dévastation effrénée.
Ça prendra un certain temps mais c'est inéluctable.
Il ne nous reste qu'à nous y préparer et en fait pas grand monde, actuellement, n'a idée de ce que ça signifie.
L'explication est très simple.
Le business. Nous sommes les proies du business et en même temps son moteur. Et c'est en cela que c'est effroyable. Car pour nous sauver, il faudrait que nous nous amputions de nous-mêmes tellement ce business est devenu une partie de nous.
Il n'y a pas de solution. Nous allons donc poursuivre sur cette voie jusqu'à ce que la Nature vienne entraver le convoi.
Le problème, c'est que ce convoi ne supporte aucunement l'entravement. Il ne sait pas ralentir, il sait encore moins s'arrêter. Il a donc décidé d'aller jusqu'au déraillement. Coûte que coûte. Persuadé que le progrès contient en lui-même la résolution aux problèmes qu'il génère.
L'humanité vit hors sol et s'imagine que le convoi taille sa route dans une Nature qu'il domine. Ce fameux "environnement". Comme s'il y avait nous, les humains et puis le reste. Pure folie. Il n'y a qu'une réalité. C'est le Tout. Nous nous en sommes extraits, nourris par la puissance du business, nourris par le progrès.
La Nature n'a pas besoin de nous. Elle est un Tout et elle peut se passer d'une partie.
Il nous reste à nous alléger, à réduire la vitesse de ce chaos en marche, à nous retirer autant que possible, non seulement pour les générations à venir mais pour nous épargner aussi, ceux tout du moins qui ont une part de conscience, de crever de honte un jour prochain car nous serons tous responsables aux yeux de nos descendants.
LE DESERT DES BARBARES
CHAPITRE 46
Figueras s'était levé au premier chant d'oiseau. Il s'était assis sur une roche moussue et il avait observé la montée de l'astre. De l'autre côté des cimes, à l'est, derrière les crêtes dentelées. L'air était frais, descendu des montagnes comme un voyageur curieux, mais il allait remonter avec la venue du maître des lieux.
La lumière n'était encore qu'une esquisse, un placenta en croissance. Le ciel épuré avait bu tous les nuages de la veille et le bleu métallique de la nuit accueillait l'astre naissant. La lumière condensée tel un ventre rond annonçait la mise au monde. Puis vinrent les traits lumineux, des routes à suivre, des rayons écarlates lancés dans l'azur comme autant d'éclaireurs. Ils tracèrent leur chemin dans les échancrures, les cols et les versants et Figueras imagina les animaux engourdis s'étirer délicieusement.
Des chapelets de gouttes de rosée, suspendus sur les fils des toiles d'araignée, s'illuminèrent comme autant de perles, des rêves de nuit dans l'attente du réveil. Les dentelles tendues sur les herbes drues dessinaient des étoiles.
Plus bas, dans la vallée, au-dessus des forêts épaisses, traînaient nonchalamment des nappes de brouillard, larges marées immobiles, couvertures humides étirées comme des voiles protecteurs. Ces brumes éphémères s'évanouiraient dès les premières chaleurs et les frondaisons se gorgeraient de lumière.
Tout était juste.
Et Figueras s'en réjouit.
Il avait rêvé de la Terre.
Coulaient en elle des soifs d'apaisement. Il en avait senti le désir.
L'hégémonie passée des hommes, leur déliquescence, l'effondrement de leur frénésie, la découverte des biens essentiels, les actes solidaires, quelques-uns, au fil des jours, au fil des drames, de plus en plus, des survivants qui organisaient les jours à venir, les uns après les autres, sans autre intention que la préservation de chacun et que chacun préserve les autres.
Le silence des cieux, les avions cloués au sol, toutes ces flèches dorées qui cisaillaient l’atmosphère et l'empoisonnaient, toutes ces machines volantes immobilisées, tous ces moteurs éteints, toutes ces usines mortes, toutes ces exploitations figées, ces filets assassins qui raclaient les fonds marins, ces millions d'êtres vivants égorgés, éviscérés, emballés, vendus en barquettes, plus rien, plus aucune concentration de bêtes, elles étaient mortes ou enfuies, l'air des villes ne piquaient plus les gorges, plus de poubelles à trier, il n'y avait plus rien à manger, plus d'emballages, les magasins dévalisés, les routes désertes, les camions abandonnés, les pétroliers à quai, leurs citernes vides, les torchères éteintes des raffineries, les villes sombres dès la fuite du soleil, des feux de camp pour se réconforter, des étincelles fugaces de réconfort partagé.
Le monde humain posé sur une balance à plateaux, d'un côté la fureur et de l'autre la paix. Les forces sombres ont pris le pouvoir, elles ont tout écrasé. Mais elles s'éliminent entre elles et le plateau se vide.
La Terre montre la voie.
Depuis longtemps, la lumière des montagnes n'a été aussi épurée.
Tous ces actes meurtriers prendront fin, une sélection naturelle, par épuisement du contingent.
Tous ces humains disparus, comme autant de virus éradiqués, les uns après les autres.
Et la fièvre délirante de la Terre qui diminue.
Une évidence.
Le nombre était la plaie, l'extermination une guérison.
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TOUS, SAUF ELLE
- Par Thierry LEDRU
- Le 02/03/2024
La suite de "LES HEROS SONT TOUS MORTS"
Publication prévue pour la fin de l'année.
L'idée de départ est simple : les puissants, les maîtres de tous les peuples, ne laisseront pas l'humanité continuer à porter atteinte à la vie de la planète puisqu'eux aussi, les maîtres, seraient impactés. Il n'est pas d'autre solution que d'éliminer une part conséquente de cette masse humaine.
TOUS, SAUF ELLE
CHAPITRE 3
L'hélicoptère survolait des forêts immenses. Au loin se dressaient les sommets partiellement enneigés du parc national d'Arthur's Pass.
Début mai. L'hiver posait les premiers manteaux.
L'appareil effectua une rotation au-dessus de vastes forêts puis se dirigea vers un immense assemblage de bâtiments rectilignes. Des routes goudronnées reliaient les différents éléments du complexe militaire disséminés sur plusieurs centaines d'hectares. Les bâtiments où vivaient les militaires, une serre de cent mètres carrés, des champs cultivés, un verger avec des dizaines d'arbres, un parc arboré de plusieurs hectares, un terrain d'entraînement pour les soldats, un gymnase, une salle pour le tir et un stade extérieur. Deux rangées de grillages ceinturaient l'ensemble sur quatre mètres de haut.
L'appareil se posa sur l'hélisurface.
Protégé par quatre hommes en arme, un couple descendit de l'hélicoptère et monta dans une Cadillac blanche.
Le véhicule emprunta une voie rectiligne menant à une vaste demeure, à travers d'immenses étendues de pelouses soignées, ornées de bassins aux fontaines majestueuses.
Domaine de Walter Zorn, Nouvelle-Zélande.
Une architecture moderne, un bâtiment colossal, à la blancheur éclatante, une immense façade agrémentée d'étranges fenêtres, des hublots opaques comme des judas scrutateurs. L'ensemble figurant une citadelle redoutable mais dégageant pourtant une beauté stupéfiante.
Une construction récente dont la magnificence contrastait si fortement avec l'ensemble militaire qu'un diamant au milieu de galets aurait eu le même effet.
Une Maison-Blanche, bunkérisée, solidement implantée dans l'hémisphère sud, au milieu de nulle part.
Arrivé à destination, le couple descendit du véhicule, accompagné jusqu'au perron par deux militaires en armes.
Ils empruntèrent une allée couverte, un entablement soutenu par des colonnades de pierre blanche.
Un majordome accueillit le couple et les salua.
« Bienvenue, Monsieur Zorn. Bienvenue, Madame.
– Bonjour Zack. »
L'homme prit les manteaux du couple qui emprunta immédiatement le hall en marbre blanc.
Treize hommes et une femme réunis dans une salle ovale, une coquille d’œuf éclairée par des hublots dépolis, une bulle insonorisée, isolée du monde extérieur.
Aucune décoration. Des murs nus, lisses, couleur crème, un sol marbré, une immense table en verre translucide, des sièges noirs à accoudoirs.
« Combien avez-vous dit, cher Helmut ?
–Douze milliards.
–Quelle échéance ?
–David, ce sont de simples prévisions avec leur contingent d’erreurs mais avant la fin de ce siècle, cette population mondiale semble tout à fait probable. Nous en avons déjà parlé et rien aujourd’hui ne vient contredire nos prédictions.
– J'ai toujours du mal à enregistrer ce nombre tellement il semble fou.
–Vous connaissez tous les problèmes planétaires que nous rencontrerons », intervint Walter Zorn, fondateur de l’Ordre des Immortels.
Carrure de rugbyman, quarante-deux ans, adepte du régime végétarien, cheveux courts taillés à la tondeuse, un visage imperturbable ciselé au cordeau, une large mâchoire, des yeux si marron qu’ils en paraissaient noirs, une profondeur de gouffre et simultanément une puissance de pénétration redoutable. Personne ne soutenait son regard.
Les quelques femmes de la haute société qui avaient entendu parler de lui en rêvaient secrètement. Les rumeurs les plus exaltées se diffusaient inévitablement sur cet homme insaisissable. Les rares individus qui se permettaient d’évoquer son existence usaient de la déférence accordée habituellement à un saint : le saint le plus fortuné de toute la planète.
« Je me permets de vous en brosser un petit descriptif afin que tout soit clair pour les trois jours à venir, continua-t-il. Je vous rappelle également que nous accueillons aujourd’hui la première femme de notre communauté. C’est un honneur, un privilège, une très grande satisfaction que notre projet corresponde à une personnalité aussi charismatique que Fabiola Mesretti et je me réjouis de sa venue. Vous connaissez tous le parcours exceptionnel de Fabiola et ses extraordinaires compétences. Elle tient à ce que ses talents nous servent et je l’en remercie, au nom de l’Ordre des Immortels.»
Tous les visages se tournèrent vers la beauté fatale, assise aux côtés du maître des lieux. La trentaine, tailleur clair vantant des formes parfaites, une longue chevelure brune couvrant les épaules, un visage fin, la femme hispanique dans toute sa grâce et son mystère. Présidente de la principale banque espagnole, un réseau de plus de cent vingt agences sur la péninsule et trente-deux succursales en Amérique du Sud. Une femme d’affaires de haut vol. Tous les hommes qui avaient tenté de s’opposer à ses projets avaient fini par abandonner. La détermination psychologique de Fabiola était à l’égal de sa flamboyance.
Walter inclina la tête, un geste empreint d’un profond respect et un plaisir évident.
Elle lui répondit en posant délicatement une main sur son avant-bras.
L’assemblée observa silencieusement la scène. Walter et Fabiola. Dix ans d’écart, le couple dont rêve la presse people. La classe, la fortune, la beauté, la réussite. Tout le monde savait que la venue de la banquière ne pouvait souffrir de la moindre contestation. Et d’ailleurs, contempler une aussi belle femme ne déplaisait à aucun des hommes présents.
« Avec cette densité planétaire, reprit Walter, l’approvisionnement alimentaire sera un problème majeur. L’accès à l’eau potable tout autant. Aux environs de 2050, selon nos modélisations, les deux tiers de la population mondiale, c'est-à-dire de nos fameux douze milliards, seront affectés par une pénurie d’eau. Entre quatre et cinq milliards de personnes déjà vers 2030. Dans un avenir très proche, quelques années, il faudra compter sur un milliard de réfugiés climatiques avec toutes les tensions que cela va générer et qui ne pourront que s'étendre. Nous entrerons par conséquent dans une période très troublée. Un peuple qui meurt de faim et de soif se révolte parfois avant d’être trop faible et il est toujours possible de le ramener au silence. Nous en avons une longue expérience. Mais si dix peuples se révoltent, cela s'apparente à une contagion beaucoup plus difficile à enrayer. Nous pourrions évidemment trouver quelques moyens pour circonscrire ces mouvements de masse durant quelque temps. Nous pouvons toujours fomenter des guerres pour obtenir des traités qui nous servent, profiter des marchés issus de la reconstruction des pays ravagés par la vente de nos armes, bénéficier de la faiblesse des États pour nous accaparer leurs matières premières. Nous pouvons propager des virus pour réduire les populations et nous saisir de leurs territoires, nous pouvons soumettre des peuples par la force et instaurer une illusoire démocratie. Nous pouvons produire une alimentation suffisante pour les pays développés en pillant les pays pauvres. Mais il est un élément contre lequel nous sommes impuissants et dont nous aurons, nous aussi, à souffrir, un élément qui nous contraint à changer radicalement de modes d'intervention : le ré-chauf-fe-ment cli-ma-ti-que. »
Chaque mot minutieusement articulé, un découpage syllabique qui intensifiait la portée.
« Vous le savez, désormais, nous ne pouvons plus nous contenter d’inventer des procédés technologiques ou des lois qui nous avantagent sans nous préoccuper des dégâts que l’humanité entière a provoqués et amplifie encore, jour après jour, en utilisant ce que nous leur vendons. »
Walter adressa un regard aimant à Fabiola qui versait de l'eau dans sa flûte de cristal puis il reprit son allocution.
« D'un milliard d’individus en 1830, nous sommes passés à deux milliards en 1930. Désormais, nous approchons des huit milliards et la population mondiale augmente de quatre-vingt-dix millions d'individus par an. La consommation d’énergie a été multipliée par dix sur un siècle et elle ne cesse d'augmenter. La quasi-totalité de la planète court après le mode de vie occidental. On peut dire aujourd'hui que le matérialisme fait partie de l'ADN des humains. Vous savez également qu’aucune des restrictions énergétiques ou des technologies d’énergies renouvelables ne parviendront à stopper le processus du réchauffement climatique renforcé par les paramètres précédents. Tout au plus sera-t-il ralenti mais les phénomènes naturels ont pris déjà une ampleur considérable : inondations, cyclones, tornades, sécheresse, canicules et incendies gigantesques, atteinte générale à la biodiversité, épuisement des sols par surexploitation et empoisonnement, augmentation constante des températures, jusque dans les zones polaires, fonte des banquises et de l'inlandsis, réchauffement et élévation du niveau des océans auxquels il faut ajouter une pollution exponentielle par des millions de tonnes de plastique, épuisement des ressources halieutiques, affaiblissement considérable du corail à l'échelle mondiale, épuisement des nappes phréatiques et de l'eau potable, pollution de l'air dans toutes les mégalopoles, disparition des insectes et hyménoptères pollinisateurs et d’autres constats encore sur toute la biodiversité. Vous avez tous entendu parler de la sixième extinction de masse. Il serait absurde de croire que tout cela ne peut pas porter préjudice à l'Ordre des Immortels. »
Walter balaya l'assemblée attentive et pensa soudainement à ce bref échange avec le jardinier en chef du domaine, au printemps dernier. L'homme, attristé, avait évoqué la disparition des abeilles dans le parc. « Des fleurs qui ne sont plus aimées, c'est à pleurer, » avait-il dit. Walter avait répondu qu'il allait très prochainement s'occuper du problème et qu'entre-temps, il invitait le jardinier à installer des ruches dans l'enceinte du domaine et à récolter le miel produit.
Il considéra enfin, avec un certain amusement, que le projet Némésis contribuerait au retour des abeilles et que l'enjeu valait bien la disparition partielle de l'humanité.
« Ces phénomènes, une fois enclenchés, poursuivit-il, deviennent exponentiels. Il serait ridicule de compter sur un retour à des données acceptables mais il faut surtout comprendre que l’inertie de ces courbes dépasse l’entendement. Très peu d’humains ont conscience de l’avenir parce qu’ils n’ont pas la volonté intellectuelle de s’y confronter. Nous ne sommes donc pas dans des délires apocalyptiques. Vous connaissez tous désormais la réalité indéniable de ce désastre. Pour résumer en une phrase, nous allons droit au bûcher. L’humanité se condamne mais condamne avec elle l’Ordre des Immortels et cela, nous ne pouvons l'accepter. »
Walter laissa le silence inscrire dans les esprits les images que ses paroles provoquaient. Que chacun, encore une fois, prenne l’exacte mesure de la situation.
« Nous savons également, Walter, qu’il n’est plus temps d’attendre et c’est bien pour cela que nous sommes tous réunis ici, intervint Fernando.
–Et que nous devons tous nous entendre pour agir communément et définitivement, reprit Walter, sans qu’aucun intérêt personnel ne vienne entraver notre mission. Six ans que nous travaillons à élaborer ce projet. Le temps est venu de l’appliquer sur le terrain et cette dernière rencontre marquera le début d’un nouveau monde. Nous avons tous hérité de la sueur et de la détermination de nos pairs et ceux ou celles qui nous rejoignent sans être issus de cette lignée, adhèrent intégralement à nos idées. Nous devons donc nous montrer dignes de nos prédécesseurs et implacables pour le bien de nos descendants. Le plan que nous allons finir d’élaborer ici devra entrer en vigueur le plus efficacement possible. Nous possédons toutes les connaissances pour cela. Némésis entre dans sa phase finale, messieurs et chère madame, et nous ne pouvions l’appeler autrement.
Walter accentua l’hommage en plongeant ses yeux dans ceux de Fabiola puis il invita l’assemblée à se lever. Chacun croisa les mains sur la poitrine. Comme des récitants respectueux, des prêtres antiques invoquant leurs dieux.
La voix de Walter s’imposa :
« Némésis est notre salut, Némésis nous libérera de l’humanité. »
Tous les hommes et Fabiola répétèrent la sentence d’une même voix puis le silence retomba. Quelques secondes de réflexions ciblées, le scénario à venir.
Les treize hommes se dispersèrent par petits groupes. Fabiola se joignit à l’un d’eux. Quatre salles furent investies puis les portes fermées.
Trois jours pour finaliser le plan « Némésis. »
Trois jours pour modifier à tout jamais la face du monde.
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TERRE SANS HOMMES (2)
- Par Thierry LEDRU
- Le 27/02/2024
Puisque le titre du tome 3 de la quadrilogie en cours, "LE DESERT DES BARBARES" vient du titre d'un roman existant, roman de Dino Buzzati, "Le désert des Tartares", j'ai décidé d'user du même procédé pour le titre du tome 4.
J'abandonne "RESET" pour "TERRE SANS HOMMES".
"Terre des hommes" de Saint-Exupéry m'avait marqué, considérablement. Pour la beauté de l'écriture et la force de vie des personnages. J'aurais pu titrer ce tome 4 par un "No man's land", expression que tout le monde connaît mais la référence à Saint-Exupéry me plaît. Il fait partie des auteurs qui m'ont invité à écrire.
Et au vu de ce que je raconte, il s'agit bien d'une planète vidée de sa population dans les grandes dimensions...
CHAPITRE 4
« Théo, tu penses que l’électricité peut être rétablie un jour ?
Assis sur un banc, sous le couvert des étoiles. Si longtemps qu’ils n’avaient pu profiter des cieux ouverts. Une chouette au loin lançait des alertes aux rongeurs. Le temps de la chasse approchait.
« Qu’elle soit de nouveau exploitable, c’est possible mais que les infrastructures soient en état, sûrement pas.
- Et ça serait réparable ?
- Je ne sais pas mais le problème majeur vient des stocks de produits de remplacement. Et de leur acheminement. Il faudrait des mois, des années sans doute. Tout dépend en fait de l’état de chaque pays mais principalement de ceux qui ont des usines de production. Et comme le maillage industriel en France est en décrépitude depuis des années, le pays ne possède certainement pas tout ce qui est nécessaire.
- Tout venait de Chine, c’est ça ?
- De Chine et de l’Asie du sud-est. Dans une très grande proportion. Et on n’a aucune idée de ce qui se passe là-bas. Et de toute façon, encore une fois, les réseaux d’acheminement ne sont pas en état. Et il faut imaginer que la Chine se concentrera sur le rétablissement de son économie avant d’envisager une reprise du commerce mondial. Et il en sera de même partout. C’est l’effacement de la mondialisation que nous vivons et l’établissement de communautés locales avant même de parler de pays. Il n’y a plus de transport parce qu’il n’y a plus de carburant où qu’il n’est pas accessible. Il faut de l’électricité pour pomper dans une citerne. Les routes sont vides. Ceux qui survivent trouvent dans leur environnement immédiat de quoi subvenir à leurs besoins vitaux. Personne n’est capable d’organiser une reprise des échanges commerciaux.
- Et personne ne peut s’avancer à donner une durée, c’est ça ?
- Exactement. Peut-être que les populations des centres urbains à proximité des zones industrielles trouveront des produits manufacturés pour remettre en état un réseau électrique local mais encore faut-il qu’une centrale nucléaire puisse fournir de l’énergie et personne n’est en mesure de dire dans quel état sont les centrales. On peut juste espérer qu’elles n’ont pas fini par exploser. Il reste aussi les centrales hydroélectriques. Quand les barrages n’ont pas cédé. Mais tout ça est très complexe quand il faut le remettre en état.
- C’est effrayant la vitesse avec laquelle tout a dérapé.
- Parce que l’humanité est engagée depuis bien longtemps sur une route verglacée.
- Et donc, maintenant, quel est l’avenir de cette humanité confinée ?
- Confinée, oui, le mot est parfaitement adapté. Sauf que les confinements liés au coronavirus, c’était un mot d’ordre et que maintenant c’est le désordre. Je pense que l’avenir appartient aux communautés, rurales principalement. Parce qu’elles disposent de l’espace pour produire la nourriture nécessaire alors que dans les villes, les espaces verts n’ont jamais été cultivés et ça ne se fait pas du jour au lendemain. Des gens pourraient se servir des terrains de football par exemple mais il faut des graines et il faut nourrir le terrain, l’amender, il faut des mains et des outils basiques, et puis il faudra attendre le printemps pour que ça pousse. Et en attendant ? Il reste les jardins des particuliers, des potagers urbains mais ça ne nourrit pas un quartier. Sans parler, bien évidemment, que ceux qui se lanceraient dans une production locale en ville auraient à lutter contre les pillards. Il va falloir organiser des surveillances. Il faudra des armes et les gens lambda n’ont pas d’armes à feu.
- Les villes vont donc se vider.
- Perdre une bonne partie de la population qui a survécu au Hum et au choléra, aux barbares, aux maladies, aux accidents, aux inondations et à tout ce qui peut se produire quand plus rien ne tourne rond. Et je n’ai aucune idée du pourcentage.
- Tu penses qu’on pourra descendre dans la vallée un jour ?
- Tant que rien ne m’y forcera, je ne m’y risquerai pas.
- Et qu’est ce qui pourrait t’y obliger ? »
Les yeux dans le vague, une réflexion intérieure avant qu’il ne réponde.
« Un besoin médical, je pense, la recherche d’un médicament précis ou d’un chirurgien. Mais tu es là.
- Je ne peux pas refermer une plaie avec mes mains. Juste accélérer la cicatrisation.
- Oui, Laure, je sais. Il faut être prudent. »
Des regards bienveillants et pourtant cette incertitude. Ne pas compter sur les services médicaux.
« En fait, nous sommes revenus des siècles en arrière, reprit Laure.
- Je pense que rien n’est comparable. Nous avons de multiples connaissances, nous avons des matériaux à récupérer et des outils.
- Un Moyen Âge moderne en quelque sorte. On connaît l’anatomie humaine, les troubles ou les maladies, on sait comment intervenir mais on n’a plus les structures. La différence avec le Moyen Âge, c’est qu’on peut avoir une idée précise des causes d’un décès.
- Oui, c’est ça, on sait de quoi on meurt. On peut se demander si ça a une utilité. Les gens qui apprennent par un médecin qu’ils ont un cancer, est-ce que ça leur permet de mieux lutter ou est-ce que ça les détruit intérieurement ?
- J’imagine que chaque cas est différent.
- La force de caractère, le goût de la vie ou à l’inverse l’acceptation d’une fatalité mortifère, comme l’aboutissement d’une existence sombre. Comment tu réagirais, Laure ?
- Je ne sais pas mais a priori mais je verrais ça comme une course. L’objectif étant de franchir la ligne en tête et que la maladie reconnaisse sa défaite.
- Un défi en quelque sorte ?
- Oui, la course d’une vie. Sans doute qu’il faut avoir vécu d’autres épreuves avant ça. Mais en même temps, je peux imaginer qu’au contraire, il y a un effondrement. Le fameux « pourquoi moi » alors que j’ai tout fait pour y échapper.
- Rien de simple, rien de gravé dans le marbre. L’incertitude. Exactement ce que l’humanité vit en ce moment. Qui va en réchapper ?
- Nous », répondit Laure, immédiatement.
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Claire NOUVIAN
- Par Thierry LEDRU
- Le 27/02/2024
Claire Nouvian : « Il faut prendre le pouvoir pour le réinventer »
https://reporterre.net/Claire-Nouvian-Il-faut-prendre-le-pouvoir-pour-le-reinventer
Comment réinventer notre rapport au politique ? Comment articuler les différentes formes d’engagement ? Pourquoi entrer dans le jeu démocratique de l’élection ? Claire Nouvian, dans cet entretien, explique pourquoi elle a quitté la posture de l’observatrice pour faire face aux périls fasciste et écologique.
Reporterre poursuit une série d’entretiens de fond avec celles et ceux qui renouvellent la pensée écologique aujourd’hui. Parcours, analyse, action : comment voient-elles et voient-ils le monde d’aujourd’hui ? Aujourd’hui, Claire Nouvian, présidente de l’ONG Bloom pour la conservation des écosystèmes marins, et cofondatrice du mouvement politique Place publique.
Reporterre – D’où vient votre appétence pour l’écologie ?
Claire Nouvian — J’ai grandi en Algérie, où on passait nos week-ends à la plage, à pêcher, à jouer avec les animaux marins. L’hiver, on partait dans le désert chercher des fossiles et guetter les scorpions. Au contact de la nature, j’ai développé une curiosité intellectuelle pour le vivant. Aujourd’hui, les enfants qui vivent en ville sont effrayés par des mouches… c’est dingue !
Dans les années 1990, je suis partie avec mon mari en Argentine, où j’ai découvert la « grande nature » : les toucans, les condors, les baleines. Quelle émotion ! C’est ce qui a forgé mon envie de faire du documentaire scientifique et animalier.
Quelles sont les sources de votre engagement ?J’ai constitué une conscience écologique et scientifique au contact des chercheurs rencontrés pour mes documentaires. Ma prise de conscience est montée comme le niveau de l’eau actuellement : petit à petit, mais très sûrement. Pas seulement sur le changement climatique et la pollution, mais surtout sur la destruction des habitats. Quand on travaille en Afrique, c’est vraiment tangible.
Ma rencontre avec Pilai Poonswad a été un vrai moment de bascule. Cette femme, ornithologue et biologiste thaïlandaise, a reçu une récompense Rolex pour son travail de préservation des calaos. Ces magnifiques oiseaux sont en train de disparaître très rapidement, parce qu’ils sont très braconnés. Des collectionneurs sordides veulent leur casque comme trophée. C’est grâce, entre autres, au travail inlassable de cette femme que ces oiseaux existent toujours.
En 2004, vous avez laissé tomber la caméra pour créer Bloom. La posture d’observatrice ne vous suffisait-elle plus ?J’étais dans mon métier de communication, et ça m’allait très bien… jusqu’à ce que je découvre les grandes profondeurs de l’océan, et l’ampleur de leur destruction, lors d’un documentaire pour France 2. Quand j’ai pris connaissance des menaces qui pesaient sur ces fonds marins, personne ne s’en occupait. Des gens s’occupaient de la préservation de la forêt en Thaïlande, des gibbons en Malaisie, de la savane en Afrique, mais sur les océans profonds, il n’y avait rien. C’est ce qui m’a décidé à me lancer.
Comment vivez-vous le délitement de cette biodiversité que vous aimez tant ?Quand on a une vision de l’ensemble des effondrements de la biodiversité, du climat, de notre projet de société… c’est désespérant. Les scientifiques sont en première ligne : ils enregistrent le déclin de la biodiversité, sonnent l’alarme. Tous ceux que je connais sont angoissés. Ils vivent une sorte de syndrome prétraumatique, lié à leur connaissance de la situation. À l’inverse du stress post-traumatique, propre aux personnes ayant déjà vécu un événement grave, un choc, eux vivent dans l’angoisse de ce qui va advenir.
Quand j’ai découvert, dans un article scientifique, ce stress prétraumatique, ça m’a fait le même effet que quand j’ai lu Kant pour la première fois. Cette sensation de rencontrer quelque chose qui décrit exactement ton état. À 17 ans, quand j’ai lu les Fondements de la métaphysique des mœurs, je me suis rendue compte que toute ma colonne vertébrale morale avait été théorisée par Kant.
« Macron a poussé l’exercice du mensonge sémantique tellement loin qu’on ne peut plus le supporter, ça en devient épidermique » - Claire Nouvian pour Reporterre en 2019. © Mathieu Génon/Reporterre
Qu’est-ce qu’être kantienne ?
Je vis avec un impératif catégorique sur la vérité. Thomas Porcher dit de moi que je suis rugueuse. Par rapport à des gens de culture latine, avec un rapport plus élastique à la vérité, je suis germaniste, au sens caricatural : je ne rigole pas du tout avec le mensonge.
Avec l’avènement de la société industrielle et du marketing, on est entré dans l’ère du mensonge permanent et institutionnalisé. Les élites, économiques comme politiques, mentent. Et ceci n’est plus toléré. Les gens recherchent de la sincérité.
Une société qui est fondée sur le mensonge voit son langage détruit. On ne sait plus ce que les mots veulent dire, puisqu’ils veulent dire l’inverse de ce qu’ils sont supposés signifier. Macron utilise des mots comme « bienveillance » ou « société civile ». Il a poussé l’exercice du mensonge sémantique tellement loin qu’on ne peut plus le supporter, ça en devient épidermique.
Qu’entendez-vous par « effondrement de notre projet de société » ?À la sortie de la guerre, on avait une visée progressiste, mais la croissance des inégalités montre que nous avons eu tout faux. En très peu de temps, on a réussi à faire complètement fausse route.
Dans Notre mal vient de plus loin, un petit livre sorti juste après les attentats du 13 novembre 2015, Alain Badiou écrit que le rêve d’une narration alternative au libéralisme capitaliste s’est effondré avec la chute du mur de Berlin. Dès lors, une seule possibilité se présentait à nous : un repli sur l’individualisme. L’individualisme est apparu comme la seule valeur sûre : un individu ne va jamais trahir sa propre entité physique. On pourrait donc lui faire confiance pour trouver un équilibre bon pour lui et donc pour tous.
La destruction de nos idéaux collectifs s’est ainsi accélérée. L’échec du communisme nous a retiré la possibilité d’avoir un rêve alternatif. Il s’agit donc, désormais, de réinventer un autre discours, une autre narration, fondé sur la mutualisation, sur la conscience, sur la valorisation des liens plutôt que des biens, sur la liberté aussi.
Comment construire cet autre discours ?Notre génération peut s’y atteler, parce que nous sommes détachés de l’héritage du communisme. Nos parents étaient socialisés dans ces appareils, le Parti communiste structurait la vie sociale et familiale des ouvriers. Ils ont donc eu une résistance psychologique à faire le bilan du communisme, avec ses côtés sombres. Nous, nous avons fait le bilan, et donc nous pouvons passer à autre chose. Tout réinventer.
Il n’empêche que, si notre rêve n’est pas communiste, il doit être communautaire au sens large. On doit faire communauté. Parce qu’aujourd’hui, on voit combien l’individualisme est l’un des pires aspects du libéralisme économique hyperfinanciarisé et dérégulé. On voit à quel point le libéralisme est une menace pour la société et pour la planète.
Ce rêve alternatif, quels en sont les germes aujourd’hui ?Il est éparpillé. On a d’un côté la Macronie et tout ce qu’il y a à sa droite. Ce sont des valeurs claires : le libéralisme économique et une croyance en l’entreprise comme vecteur d’emploi et de solutions. On a également le souverainisme populiste, qui prône un repli sur les frontières.
Entre le libéralisme économique dérégulé et le populisme souverainiste nationaliste, il existe un espace occupé par toute une famille de valeurs… mais qui est éparpillée dans des chapelles qui se font la guerre : les hamonistes avec le PS, le PS qui nous a trahis et qui est en scission profonde…
Les électeurs ne s’y retrouvent pas, alors que nos valeurs [celles de Place publique] sont claires : on est humanistes, européens, profondément démocrates. On trouve que la démocratie ne va pas assez loin, qu’il faut passer à la VIe République. On sait faire la critique de l’Europe actuelle, une Europe marchande, libérale, opaque, cynique, trustée par des lobbys. Mais on tient à l’Europe, parce que la bonne échelle pour combattre les fléaux du XXIe siècle sera européenne. Et, évidemment, on est écologiste.
« Les marchands de peur et de haine montent les gens les uns contre les autres, avec toujours plus de succès. Et nos cerveaux répondent très bien à la peur. C’est un réflexe de survie. »
Que risquons-nous si cette famille de valeurs reste éparpillée ?
Il ne faut pas sous-estimer la possibilité d’un péril fasciste : l’extrême droite représente 40 % des intentions de vote aux élections européennes. D’après certains sondages, l’extrême droite au « sens strict » serait à 20 %. Mais le Parti populaire européen (PPE, droite) est crédité de 25 %. On pensait que seuls nos grands-parents connaîtraient la guerre… Mais le pire devient possible. Les marchands de peur et de haine montent les gens les uns contre les autres, avec toujours plus de succès. Et nos cerveaux répondent très bien à la peur. C’est un réflexe de survie. Peur de l’autre, peur de l’étranger… ça marche !
La trahison violente des élites, avec une réalité de l’évasion fiscale qui est à vomir sur un fond de croissance des inégalités constitue le terreau de cette évolution. Il suffisait ensuite à l’extrême droite de laisser monter le rejet des élites, le « dégagisme » des élus, et de mettre là-dessus un discours qui joue pile sur ce qui marche dans le cerveau archaïque de l’homme… et le résultat est là. Se battre contre cela n’est pas simple.
L’écologie fédère, mais de quelle écologie parlez-vous ? Défendez-vous une écologie anti-capitaliste, anti-productiviste ?Au sein de Place publique, nous ne sommes pas contre le capitalisme, au sens familial ou entrepreneurial. L’innovation est une des merveilles de l’esprit humain, si elle est faite avec une contrainte impérieuse d’économie de moyens. Renouveler des gammes d’iPhone en allant chercher des terres rares au fonds des océans, ce n’est pas une innovation compatible avec les limites de la planète. L’écologie doit être une condition sine qua non de toute décision, mesure publique, texte de loi ou initiative. C’est l’impératif catégorique du XXIe siècle.
Avec l’essayiste Raphaël Glucksmann et l’économiste Thomas Porcher, vous avez fondé en 2018 Place publique. Pourquoi avoir créé une structure politique en plus ?On ne se reconnaissait dans aucune des chapelles existantes. On a tous été abordés pour être sur des listes européennes, et on a tous refusé. La politique est un sacerdoce, un sacrifice. Si on se met aujourd’hui en position d’assumer un mandat, c’est vraiment parce que l’heure est grave, qu’il faut qu’on prenne notre part. Il y a péril. La menace fasciste est réelle, la menace écologique est totale. Il faut faire la guerre au libéralisme dérégulé et, en même temps, ne pas laisser cet espace-là à une confrontation entre nationalistes, populistes et libéraux.
Ce n’est donc pas de gaieté de cœur qu’on se lance dans l’aventure. On a tous des vies très remplies, des projets familiaux. Dans un monde qui irait bien, aucun d’entre nous ne ferait de la politique. Si les politiques remplissaient vraiment leurs missions, en respectant une certaine éthique, on ne ferait pas de politique. Mais ce n’est pas le cas : quand on s’approche des appareils politiques, nous, les citoyens normaux à peu près normalement constitués, on part en courant.
« C’est tout notre rapport au politique, à l’autre et à nous-même qu’il faut repenser pour devenir des citoyens sympathiques. »
Pourquoi ?
C’est la guerre ! Les appareils politiques sont des espaces fratricides. Le philosophe Patrick Viveret considère les partis comme les seuls endroits où l’on est sûr de perdre ses amis. C’est exactement la raison pour laquelle je n’ai jamais voulu rejoindre aucun parti, même s’ils ne sont pas tous logés à la même enseigne. On ne peut pas mettre Europe Écologie - Les Verts (EELV) et ses élus combatifs et ultracohérents, au même niveau que le Parti socialiste (PS), qui a trahi tout le monde. Il n’empêche qu’EELV a aussi ses guerres fratricides. Je suis tellement proche de la politique, depuis tellement longtemps, que je sais pourquoi je n’irai jamais dans ces partis-là.
Avec Place publique, on a comme ambition de se faire des amis et de les conserver dans le temps. Si on arrive à transformer cette initiative en aventure humaine, on aura une chance de réussir l’aventure politique. Mais on n’est pas à l’abri, nous non plus, d’un échec total. On y va modestement… Si tout le monde s’est planté, pourquoi ne pas essayer ?
Comment faire de la politique différemment ?Les appareils actuels sont condamnés. Il faut inventer des formes politiques complètement nouvelles. Jusqu’à présent, on a été d’une grande immaturité dans notre rapport consumériste à la démocratie. Dès l’instant où l’on a voté, on se dit que c’est à l’élu de représenter nos intérêts, en pensant qu’on peut tourner le dos, s’occuper de notre bien-être plutôt que du collectif. C’est tout notre rapport au politique, à l’autre et à nous-mêmes qu’il faut repenser pour devenir des citoyens sympathiques.
Au sein de Place publique, on a lancé des consultations citoyennes à partir de lundi 14 janvier, « place aux idées », portant sur du contenu mais aussi sur des modalités. On essaie d’inventer un mouvement qui réinvente les codes de la politique. Cela commence par l’organisation interne : il va falloir apprendre à se parler, à s’écouter, à poser nos désaccords et identifier nos accords. Apprendre à vivre ensemble nous transformera profondément. C’est ça être démocrate.
N’était-ce pas l’idée de départ de la France insoumise ou de la République en marche ?Les partis les moins démocratiques sont la République en marche (LREM) et la France insoumise (FI). LREM a prôné la consultation citoyenne, l’établissement d’un programme à partir des citoyens, mais la méthode Macron a été de créer un écran de fumée épais et efficace entre des discours bien ficelés et une réalité très différente. Depuis, l’écran de fumée s’est dissipé et le réel visage de ce mouvement et de son chef est apparu.
« Voilà toute l’ambiguïté de la démocratie : pour aller nous battre pour l’intérêt général, nous devons nous faire élire, donc développer un rapport de séduction et une certaine forme de clientélisme. »
Aujourd’hui, le mouvement écologiste s’incarne davantage dans des associations ou des collectifs que dans des partis. Ne faut-il pas chercher d’autres modes d’action que la politique institutionnelle ?
Il n’existe pas de modalité d’action plus efficace qu’une autre pour réinventer le monde. C’est la complémentarité de ces outils qui contribue au basculement de nos représentations mentales et donc de la réalité de notre société. Le succès des campagnes de Bloom vient de cette association entre action médiatique, plaidoyer, sensibilisation, recherche scientifique.
Chaque jour, des centaines d’amendements passent devant des parlements, européen ou nationaux, plus ou moins toxiques pour le collectif, pour la sauvegarde des écosystèmes. Les parlementaires ont un pouvoir énorme. Or, les deux logiques politiques qui ont pris le dessus sont le libéralisme dérégulé et le conservatisme. On ne peut pas laisser faire ça : les deux sont destructeurs des hommes et de la planète. Négliger le pouvoir des politiques publiques et leur laisser ce pouvoir est ultra dangereux.
Faut-il se battre de l’intérieur ?Il faut prendre le pouvoir. Certes, c’est un peu de la schizophrénie. Je ne suis pas une femme de pouvoir, il ne m’intéresse pas. Mais comme il y a un péril majeur, il nous faut prendre ce pouvoir pour le réinventer. Voilà toute l’ambiguïté de la démocratie : pour aller nous battre pour l’intérêt général, nous devons nous faire élire, donc développer un rapport de séduction et une certaine forme de clientélisme. Les modalités de la démocratie induisent une dérive des égos, accentuée notamment dans les médias. On va devoir réinventer tout ça et ce n’est pas gagné.
Comment conjuguer écologie et justice sociale ?Sans justice sociale, aucune politique ne marchera. La Macronie tente, en vain, de faire passer des mesures présentées comme sociales après avoir fait sauter l’impôt sur la fortune, fait passer la Flat Tax et baissé la contribution des entreprises de 33 à 25 %. En commençant le quinquennat ainsi, tous les discours qui viennent ensuite sur la lutte contre la pauvreté sont morts d’avance, inaudibles.
Grâce au travail de Thomas Piketty, on sait qu’aujourd’hui les fortunes proviennent aux trois quarts du capital qui est transmis, alors que c’était 40 % il y a 50 ans. Le fait de connaître ces chiffres de l’inégalité change notre compréhension du monde. De même que le travail réalisé par le consortium international de journalistes d’investigation sur l’évasion fiscale nous a permis de connaître l’ampleur de la restriction du partage des richesses.
La justice est la colonne vertébrale de toute communauté. Elle permet de faire société, d’avoir une vision commune. La justice sociale, écologique, climatique, fiscale, économique est un impératif. Pourquoi certains territoires seraient-ils privés de services publics ? Pourquoi investir plusieurs milliards d’euros pour accélérer un TGV sur une ligne déjà ultrarapide et démanteler quotidiennement des lignes secondaires ? Macron s’est présenté comme le rempart contre le Front national. Il a été élu comme tel, mais il a pensé qu’on lui avait donné un mandat ultralibéral pour faire du Margaret Thatcher avec trente ans de retard. Il a tout faux.
« Le corps social bourgeois me déçoit parce qu’il se regarde le nombril et ne voit pas plus loin que les écoles de commerce de ses enfants, leurs stages dans des banques à New York. »
Au quotidien, comment mettez-vous en cohérence vos convictions avec vos actes ?
Il faut à la fois combiner l’exigence et le pardon vis-à-vis de soi-même. Mon exigence est de ne pas être dans un consumérisme débile. C’est une lutte quotidienne avec les enfants, qui reviennent de l’école en ayant envie d’acheter des tas de cochonneries Made in China. Et même si on a les moyens de prendre l’avion à chaque vacances, on ne le fait que rarement. Un beau voyage, une fois de temps en temps. L’exigence climatique se retrouve aussi dans notre hygiène quotidienne, avec une consommation ultramodérée de viande rouge.
Vous avez notamment grandi à Hong Kong, dans un milieu aisé. Faut-il encore attendre des riches qu’ils cessent de détruire la planète ?Il y a un vrai problème avec nos riches, mis en lumière par le scandale de l’évasion fiscale. Mais il faut leur donner de l’espace pour se racheter. Mon appel aux riches, c’est d’être plus généreux, d’être fier de contribuer à un projet social par l’impôt, sans faire des combines infernales avec des niches fiscales.
Quand on est riche, on a un niveau d’éducation supérieur à la moyenne. Ceci oblige à plus de responsabilité morale, de générosité, de largesse d’esprit. Le corps social bourgeois me déçoit parce qu’il se regarde le nombril et ne voit pas plus loin que les écoles de commerce de ses enfants et leurs stages dans des banques à New York. Avoir le ventre bien rempli ne doit pas empêcher de réfléchir ! C’est impardonnable.
Vous avez évoqué les enfants, et vous avez vous-même une fille. Comment vivez-vous cette parentalité, à l’heure où l’on parle d’effondrement ?Je flippe. Quel monde leur laisse-t-on ? Avoir des enfants oblige à l’action. C’est la plus grande des responsabilités car elle implique de s’assurer qu’on leur laisse un monde vivable. C’est pour être disponible pour ma fille que je ne veux pas de mandat. Si on aime et on structure nos enfants, le monde peut devenir empathique et juste.
Vous vous donnez énormément. Vos nuits et vos week-ends doivent être très courts. Qu’est-ce qui vous fait tenir ?Notre cerveau a le pouvoir de nous transformer. Autrement dit, nous pouvons changer notre vision du monde, notre rapport aux autres, au fur et à mesure des lectures, des rencontres… Et si on peut tout transformer, on peut tout surmonter. C’est fou ! Mais il faut se battre. La clé, c’est la persévérance.
Propos recueillis par Alexandre-Reza Kokabi et Lorène Lavocat
Pour lire les autres entretiens de cette série consacrée à celles et ceux qui renouvellent la pensée écologique aujourd’hui, cliquez-ici.
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La spiritualité ? Quel intérêt ?
- Par Thierry LEDRU
- Le 27/02/2024
Oui, le titre est provocateur...Disons qu'il répond partiellement à une interrogation qui me poursuit. J'ai bien conscience que le contenu de ce blog a beaucoup changé ces dernières années. Les archives des premières années listent les thèmes liés à la spiritualité, la conscience, l'ego, le mental, le soi, les émotions, la passion, l'amour, la sexualité, les relations humaines, la réalité et le réel, l'illusion, l'intuition, la méditation, le silence, etc...La liste est longue.
J'ai beaucoup, beaucoup lu pendant une longue période de ma vie, depuis l'adolescence. J'avais seize ans quand j'ai découvert les écrits de Krishnamurti. Puis ont suivi Swami Prajnanpad, Arnaud et Denise Desjardins, Thoreau, Thomas Merton, Gilles Farcet, Anthony de Mello, Gurdjieff, Ouspensky, Spinoza, Dürckheim, Jung, Joelle Mauraz, René Barbier, Alexandre Jollien, Sri Aurobindo, le Dalaï Lama, Matthieu Ricard, Lovelock, Peter Russel etc... La liste est longue.
Qu'en est-il aujourd'hui ? Ces lectures ne font plus partie de mon quotidien parce que l'urgence n'est pas là. Peut-être que la quête de spiritualité n'est compatible qu'avec un monde en paix. Peut-être même qu'il n'est pas légitime de chercher à vivre mieux en soi dans une humanité malade. Peut-être qu'il s'agit d'un paravent, d'une fuite, d'un déni de réalité. On pourrait me répondre qu'aucun individu en souffrance n'aurait l'énergie pour prendre en considération que l'urgence de la vie sur Terre est prioritaire, que la quête d'un bonheur personnel est la voie d'accès vers un engagement général.
Mais pourtant, je ne vais pas bien...Je vis avec une menace physique qui est comme une épée de Damoclès et dont la corde s'effiloche année après année. Les prévisions sont sombres. Je tente de me maintenir en sachant que l'issue est relativement inévitable. Compression de la moelle épinière et développement progressif de la sténose. Depuis trois mois, j'ai des fourmillements dans les doigts, nouvelle étape...
Ajouté à cela, je m'occupe de mes parents depuis six ans. je suis devenu parent de mes parents, tous les deux victimes d'un AVC. Mon père est aveugle, quasiment sourd, il ne lui reste que très peu de souvenirs. Il me reconnaît encore mais ne se souvient pas d'avoir eu un autre fils, mon frère décédé. Ma mère, pour sa part, est dans un autre monde, totalement décorellée de tout. Elle ne sait pas qui je suis. Ils sont tous les deux en fauteuil roulant. J'ai réussi à leur trouver un EHPAD à quarante km de chez moi. Je les vois partir à petit feu.
Alors, la spiritualité, la gestion des émotions, de la peur, de la colère, de l'abattement, des alternances entre le bonheur de l'énergie en moi et de la tristesse des limites qui s'accroissent, tout cela j'y travaille, intérieurement.
Mais bien au-delà de cette démarche personnelle, la situation de la vie sur Terre reste cruciale. Cette problématique majeure occupe toutes mes lectures, tout ce que je visionne. Nul catastrophisme là-dedans mais une recherche lucide. Il est de toute façon impossible de ne pas être un minimum informé tant les medias les plus basiques se font l'écho de la situation. Est-ce que cela a un impact sur les comportements de chacun ? J'en doute fortement. L'ancrage dans le fonctionnement matérialiste est similaire à une dalle de béton armé et des centaines de millions d'individus y ont les pieds figés. Rien de bon à attendre de la part des instances dirigeantes. Elles sont sous l'emprise des financiers et de leurs plans de carrière. Point à la ligne.
Il ne reste donc que le renforcement des phénomènes d'ampleur pour que les populations réalisent vers quoi nous allons.
Et c'est là que je pense que la spiritualité n'a plus la même valeur. Elle reste beaucoup trop centrée sur l'individu lui-même. Et il suffit de voir comment sont considérés les "écologistes" pour imaginer à quel point ils seraient conspués, moqués, ridiculisés s'ils adjoignaient à leur "étiquette" celle de "spiritualité".
Et c'est pourtant bien la seule spiritualité qui aurait du sens : une spiritualité écologique.
Si vous avez un moral à toute épreuve, je vous encourage à écouter cette dame :
Claire Nouvian
Pour les articles homonymes, voir Nouvian.
Claire Nouvian
Claire Nouvian en 2018.
Fonction
depuis 2004
BiographieNaissance
(49 ans)
Bordeaux (Gironde, France)Nationalité
Activités
Productrice de télévision, femme politique, documentariste, écologiste
Autres informationsParti politique
Place publique (novembre 2018 - 2019)
Mouvement
Distinctions
Trophées Femmes en or (2012)
Chevalier de l'ordre national du Mérite (2013)
Prix Goldman pour l'environnement (2018)modifier - modifier le code - modifier Wikidata
Claire Nouvian est une militante écologiste française, née le 19 mars 1974 à Bordeaux, ancienne journaliste, productrice, réalisatrice de documentaires animaliers et scientifiques. En 2004, elle fonde l'association BLOOM dont elle est la présidente. Elle est l'autrice du livre Abysses et commissaire de l'exposition du même nom.
En 2018, elle cofonde le parti politique Place publique, avant de le quitter dès l'année suivante.
Biographie
Origines et formation
Claire Nouvian naît le 19 mars 1974 à Bordeaux1. Elle est la petite-fille de Pierre Péricard, maire de Civaux dans la Vienne. Il est à l'instigation de l'installation d'une centrale nucléaire dans sa commune2. Elle affirme avoir hérité d'une part de son tempérament et de ses valeurs intransigeantes, notamment en ce qui concerne la vérité3.[pertinence contestée]
Dans son enfance, elle voyage en suivant ses parents, son père étant cadre chez Total4. Lors du divorce de ceux-ci, elle suit à Hong Kong sa mère, qui y dirige une entreprise textile. Dans un entretien, elle évoque sa détestation de l'école au cours de son enfance, ses difficultés émotionnelles et son hypersensibilité, liée à une précocité non détectée. À l'âge de 35 ans, elle suit une psychanalyse pendant sept ans3. Polyglotte, elle parle six langues dont le russe3. Elle est diplômée d'histoire de l’université Paris-Sorbonne en France5,6.
Parcours
Elle est dans un premier temps journaliste, productrice et réalisatrice dans l’audiovisuel. Elle travaille sur une suite de films pour Télé Images Nature. La visite à l’aquarium de Monterey en Californie, en 2001, et les images des créatures vivant 4 000 m sous la surface de l’océan, constituent pour elle un tournant. Elle se focalise sur la protection des océans et la défense de la faune marine7.
Elle écrit deux documentaires primés, dont Expeditions dans les Abysses, en suivant une expédition scientifique menée par le chercheur excentrique Craig Smith8. En 2004, Claire Nouvian fonde et devient directrice de BLOOM, association loi de 1901 qui milite pour la protection des écosystèmes marins9.
En 2006 le livre Abysses, traduit en dix langues, est plusieurs fois primé10. En 2007, elle monte l’exposition du même nom au Muséum national d'histoire naturelle, présentant une grande variété d'animaux abyssaux. L’exposition, dont elle est commissaire, voyage dans plusieurs pays11,12.
Puis elle devient militante écologiste en s’engageant contre l’exploitation des océans. Elle œuvre à sensibiliser le public et les autorités aux problèmes posés par l’exploitation d’espèces et de milieux marins vulnérables tels que les requins et les océans profonds. Elle est une défenseuse des océans et des équilibres socio-économiques qui en dépendent, notamment de la pêche artisanale, qu'elle juge laissée pour compte des décisions publiques. Son implication, avec un groupe d’ONG, dans le Grenelle de la mer a conduit à des avancées notables pour la conservation du milieu marin, telle que l’engagement de la France de protéger 20 % de son territoire maritime d’ici 202013,14. Elle s’attaque à la pêche électrique et dépose plainte contre les Pays-Bas, qui en sont adeptes pour les poissons des fonds marins15. En janvier 2018, après une forte médiatisation, le Parlement européen bloque la généralisation de cette technique en Europe16.
Fin octobre 2018, elle participe à la fondation de Place publique, parti politique « citoyen, écologiste et solidaire », avec l'essayiste Raphaël Glucksmann17,18. Elle forme un tandem avec ce dernier pour présenter une liste aux élections européennes de 2019, dans laquelle elle ne se place qu'en position non éligible19. Elle s'engage dès lors dans le combat politique20, tout en refusant de participer à ce qu'elle appelle la lutte « entre les égos surdimensionnés » qui y règne19.
Invitée le 6 mai 2019 sur le plateau de CNews pour l'émission L'Heure des pros animée par Pascal Praud, Claire Nouvian accuse un discours ambiant de nature « climato-sceptique » de la part de l'animateur et des autres invités. Elle juge « complètement taré » de remettre en cause les conséquences et les causes du réchauffement climatique21, tandis que Pascal Praud déclare que Claire Nouvian donne une image « hystérique » de sa pensée22. Claire Nouvian évoque la « misogynie » du plateau, un « guet-apens de climatosceptiques »23 et dénonce un « négationnisme climatique »24. Le CSA reçoit à la suite de cette émission une centaine de plaintes de la part d'auditeurs pour le traitement qu'il lui a été réservé, sans que soient clairement établies les motivations de ces plaintes25.
Au début de l'été 2019, elle quitte le comité exécutif de Place publique, et coupe tout contact avec l'organisation26. Après Thomas Porcher, c'est le deuxième départ d'un cofondateur du parti, environ un an après son lancement27. Elle fait part de regrets devant l'échec de cet engagement, qu'elle juge totalement dénaturé au regard de l'idée première qui l'a constitué. Elle dénonce la récupération du mouvement par des politiques professionnels issus du Parti socialiste et déclare que Place publique n'a pas réussi à se garder de vieux procédés pour écarter les contradicteurs internes. Tout en précisant que les députés élus sont « tout à fait corrects », elle constate que les systèmes politiques en général restent inchangés, condamnés à la médiocrité et au clientélisme28,29. Claire Nouvian annonce son renoncement à tout engagement politique s'avouant incompatible avec les « tambouilles politiques » au regard de ses conceptions de l’honnêteté et de l'intégrité. Elle décide toutefois de poursuivre son engagement pour l'environnement au travers de l’association BLOOM30.
Distinctions
Claire Nouvian est l'une des six lauréates et lauréats (un par continent) du prix Goldman pour l'environnement 2018, une des plus hautes distinctions dans le domaine environnemental31, pour son combat gagné en 2016 contre le chalutage en eaux profondes dans les eaux de l'Union européenne32.
En 2013, elle est reçue dans l'Ordre national du Mérite33
En 2012, elle reçoit le trophée des femmes en or, catégorie « femme en or de l’environnement »34.
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Tous les animaux morts.
- Par Thierry LEDRU
- Le 26/02/2024
Ce que j'éprouve aujourd'hui lorsque je passe à proximité des rayons de viande ou de conserves animales. Et ça ne m'arrive plus dans les magasins que je connais déjà. Je fais un détour.
TOUS, SAUF ELLE.
CHAPITRE 27
Laure était descendue au supermarché de la ville. Elle devait se réapprovisionner. Elle voulait manger des fruits. Une envie si forte qu’elle en avait rêvé. Elle ne comprenait pas sa réticence à manger de la viande depuis son réveil. Elle avait refusé les plats de l’hôpital et ne s’était alimentée qu’en fruits et légumes. Elle avait pensé que ça passerait, que les médicaments pendant son coma avaient perturbé ses perceptions puis elle avait fini par accepter l’évidence.
L’idée de manger un animal lui était devenue insupportable. Elle s’était munie d’un simple panier à roulettes.Ses besoins alimentaires n’obéissaient à aucun désir. Juste une nécessité de survie.
Lorsqu’elle traversa l’allée des conserves, ses yeux se posèrent sur des boîtes de sardines et de maquereaux.Elle en avait mangé souvent, pendant des années, elle en adorait le goût.
Elle eut un haut-le-cœur, une douleur dans la poitrine, l’impression d’être enfermée dans des tôles étroites, des noirceurs huilées baignant des cadavres.
Elle s’échappa du couloir et se dirigea vers le rayon des fruits et légumes.
Le rayon boucherie et charcuterie se trouvait sur sa route et c’est en approchant des présentoirs que le malaise s’amplifia au point qu’elle s’arrêta.Un vertige qui l’obligea à fermer les yeux.
Une odeur détestable l’enveloppa. Un sirop épais et amer coula dans sa gorge, un étouffoir, un filtre bouché, la suspension involontaire de son souffle. C’est là qu’elle entendit les cris aigus des bêtes et elle en eut si peur qu’elle sursauta en regardant autour d’elle. Le sol était jonché de viscères. Des flaques de sang où trempaient des abats.
De chaque présentoir à viande ruisselaient des coulées épaisses, des vomis d’entrailles lacérées. Des têtes de veau aux yeux exorbités la fixaient.
Des groins tranchés de porcs vociférants. Des serpentins d’intestins dégueulant des excréments. Des pyramides de boudins gélifiés couverts de mouches verdâtres, des agneaux agonisants suspendus par leurs pattes, le bruit de la viande martelée, le sursaut des corps électrifiés, les beuglements de terreur, les carotides tranchées et les giclées de sang, les soubresauts de la vie qui s'enfuit.Un vacarme de guerre dans son crâne, le chaos des massacres.
Elle étouffait sous le poids du charnier, elle se noyait dans les biles déversées.
Elle sentit ses jambes se dérober et elle dut s’appuyer au montant d’une étagère.
Le souffle haletant, le cœur aux abois. Elle recula en s’interdisant de hurler.
Elle ne comprenait pas sa solitude. Plus aucun client, plus aucune activité humaine.Juste ces monceaux de cadavres et les tressaillements des mourants.
Elle recula encore, anéantie par le dégoût. Elle chercha une issue.Elle devina alors au bout d’une allée interminable un espace lumineux, la sortie d’un tunnel. Elle s’efforça de respirer calmement et n’y parvint pas. De chaque côté des parois circulaires, les yeux globuleux des animaux morts la fixaient. Elle devait sortir, au plus vite, s’enfuir, s’éloigner de ce charnier, ne plus jamais y revenir.
Elle en mourrait.Elle se lança dans une course folle, paniquée, elle sentit les pattes des cadavres qui tentaient de la retenir, s’accrochaient à ses vêtements, des poids morts qui la ralentissaient, elle courait dans une glu sanglante, écrasant des viscères, elle entendait les plaintes, comme des prières, des gémissements qui la poursuivirent jusqu’à la lumière du jour.