Ce matin, je suis allé passer un IRM. Un sacré coup de pot d'avoir trouvé une date aussi rapidement. Normalement, c'est trois semaines de délai. J'ai bénéficié d'un désistement et de l'attention de la secrétaire qui m'a rappelé pour me le proposer.
J'étais donc à 7h30 dans la salle d'attente.
Rien, aucune inquiétude, aucun ressassement des souvenirs.
Tranquille. Et je me vois sourire intérieurement devant cette paix installée. Il ne servirait à rien que mes peurs anciennes soient réactivées et qu'elles viennent amplifier le mal. Je suis profondément convaincu que les pensées agissent sur la matière. Mes pensées sont tournées vers l'instant et je m'accorde parfois quelques visites émotionnelles vers les paysages de montagnes qui sont en moi.
La radiologue m'invite à passer en cabine et je me présente devant l'appareil. J'entre dans le tube et elle me pose un casque sur les oreilles avec de la musique. J'ai le souvenir que l'examen est effectivement impressionnant (enfermement et bruit).
Une fois allongé, la jambe gauche irradie immédiatement, des crépitements dans le mollet principalement, rien de douloureux, je me suis habitué, ce sont des vagues électriques qui parcourent les réseaux nerveux.
Je ferme les yeux et je me concentre sur ce rayonnement. Habituellement, c'est assez irritant et dérangeant mais là, j'ai soudainement réalisé que j'observais tout ce chahut intérieur avec un certain émerveillement...Là, ce que je sentais irradier dans ma jambe et qu'on ne sent pas habituellement, quand tout va bien, ce que je sens maintenant parce qu'il y a un désordre passager, c'est la vie en moi...
Ça n'a l'air de rien, dit comme ça, mais c'était très émouvant. J'avais pour cette "douleur" un regard aimant et je me suis appliqué à la remercier de ce rappel. La vie en moi, la vie qui crépite.
J'ai repensé alors à ces textes amérindiens qui invitent l'homme à remercier les moments de paix, les moments de bonheur, "les instants suspendus" et cette habitude néfaste du monde occidental à ne penser qu'à se plaindre de la vie quand elle n'est pas ce que l'on souhaite.
J'ai remercié encore. Puis, j'ai "coupé l'interrupteur" et je n'ai plus pensé à rien.
C'est quand la radiologue est réapparue que je suis "revenu" et j'ai réalisé alors que ma jambe n'irradiait plus...
A la fin de l'examen, j'ai rencontré le médecin qui avait analysé les clichés.
Hernie L4-L5-S1. Voilà, j'ai pris le pack par trois. Racines irradiées et activées par divers points de compression. etc etc...
C'est la suite de la discussion que j'ai beaucoup aimée.
On s'est mis à parler sport, massages, yoga, spiritualité, médecine...
Et j'ai donc entendu un médecin hautement qualifié me dire avec une forte conviction que :
"si les gens faisaient davantage de sport, la population française se porterait beaucoup mieux et que les "pépins" physiques associés au sport ne sont pas cher payés au regard de l'état général des sportifs amateurs,...... que tout le monde devrait pratiquer des massages intégraux quotidiens d'une heure dans une dimension de soins et non pas nécessairement erotisés ou limités à la zone douloureuse......qu'il faudrait enseigner le massage aux populations....qu'il faudrait faire pratiquer la méditation en entreprise et à l'école..... que les peuplades des forêts primitives massent les enfants et que nous on les gave de bouffe. Le yoga ? Très bien, tout le monde devrait en faire également. C'est le partenaire idéal de la pratique sportive parce qu'il conscientise le corps et participe à son gainage. Alors, oui, très clairement, reprenez le yoga, reprenez le vélo, retournez marcher, il n'y a que vous qui puissiez dire ce qui vous est profitable, sûrement pas moi. Moi, je vous dis juste ce que je vois sur cette image. Vous en faites ce que vous voulez. Je peux vous dire ça parce que vous l'avez déjà fait par rapport à votre passé médical. Vous êtes affuté et musclé, c'est votre meilleure protection et aucun kiné ne vous serait utile. Si vous marchez ce matin après un épisode de sciatique paralysante, c'est que vos étirements de yoga ont été très efficaces. Qu'est-ce que vous voulez qu'un kiné aille faire de mieux ? Ce sont de bons mécaniciens mais vous n'en êtes pas là. Il vaut mieux retourner voir votre ostéopathe et continuer à travailler avec elle si c'est nécessaire. Sa vision est indublitablement plus vaste et profonde que celle d'un mécanicien."
Oui, vraiment un bel échange...Il y a des gens biens partout.
Vaincre les traditions néfastes, croise en soi quand personne ne le fait, comprendre, observer et aimer la nature et malgré les moqueries, aimer aussi les hommes...
Prix Nobel Alternatif 2018: le triomphe de Yacouba Sawadogo, paysan du Burkina
Par Martin Mateso@GeopolisAfrique | Publié le 26/09/2018 à 18H07, mis à jour le 27/09/2018 à 14H43
Il fait la fierté de tout un peuple. Le paysan burkinabè Yacouba Sawadogo n’a pas fait d’études scientifiques. Mais sa réputation a largement dépassé les frontières de son pays pour avoir converti en forêts des terres infertiles de son Burkina natal, permettant de régénérer les sols. Il fait partie des personnalités récompensées le 24 septembre par Le Right Livelihood, prix Nobel alternatif 2018.
Les hommages affluent de toutes parts à commencer par le Burkina Faso, son pays natal. Les burkinabè ne tarissent pas d’éloges à l'endroit de leur compatriote de 80 ans qu’ils ont surnommé affectueusement «l’homme qui a arrêté le désert».
Yacouba Sawadogo ou le triomphe du «Zaï», titre Burkina 24. Le journal burkinabè rappelle que la technique de cet homme, raillé au départ par les membres de son village dans le Yatenga, a montré qu’il avait raison.
«Il a réussi à établir une forêt d’environ 40 hectares sur des terres jusqu’alors infertiles. Plus de 60 espèces d’arbres et d’arbustes différents y cohabitent», écrit le journal qui s’associe à la joie exprimée par l’octogénaire.
«La légitimation apportée par ce prix, j’en suis confiant, devrait inspirer d’autres personnes et les encourager à agir tant que possible pour la régénération de leur terre. Et ce au profit de la nature, des communautés locales et des générations futures», a réagi Yacouba Sawadogo en remerciant ceux qui l’ont honoré.
«Tout le monde riait de moi. Moi je me suis tu»
Il y a près de 40 ans, cet homme illettré avait été traité de fou quand il s’était mis à labourer la terre en pleine saison sèche.
«Ils ont dit que j’allais à l’encontre de la tradition. Ça m’a fait mal de l’entendre. Le chef de ma propre famille m’a désapprouvé. Tout le monde riait de moi. Moi je me suis tu», se souvient-t-il dans un reportage que lui a consacré la chaîne de télévision française France 5.
Selon le journal burkinabè Sydwaya, ce système lui est venu en tête quand il a constaté que les pratiques culturales traditionnelles ne nourrissaient plus son homme, exposé chaque année à la famine. Il avait constaté que son rendement avait triplé.
Une prouesse écologique qui fait école dans le Sahel désertique
La technique est simple: des trous remplis de fumier creusés en saison sèche avec de petites digues pour retenir l’eau des pluies le moment venu. Des grains de mils et des graines de plantes qui finiront par devenir une forêt de plusieurs dizaines d’hectares dans le Sahel Burkinabè. Mais le secret de cette méthode, ce sont les termites, explique Yacouba Sawadogo sur le site Les Observateurs de France24.
«Elles nous aident beaucoup dans la restauration du couvert végétal. Elles creusent des canalisations qui absorbent l’eau de pluie et au lieu de ruisseler, l’eau stagne. Les termites viennent aussi à la surface du sol pour chercher des feuilles à manger et tout au long de leurs trajets, elles creusent des petites tranchées permettant au sol d’imbiber davantage d’eau.»
Une prouesse écologique qui fait la fierté de Yacouba Sawadogo. Sa technique est devenue incontournable dans la région désertique du Sahel.
«La nourriture est indispensable. S’il y a assez à manger et si l’approvisionnement alimentaire est assuré, alors nous nous développons. Nous devons donc avant tout assurer la sécurité alimentaire», a confié à la Deutsche Welle, celui que ses compatriotes avaient surnommé l’idiot du village, avant de devenir le héros de tout un peuple.
Dans le reportage ci-dessous, réalisée au Burkina par une équipe de France 5, on peut voir comment ce cultivateur, honoré par le prix Nobel Alternatif 2018, a rendu fertile la terre très aride de son village de Gourga en défiant avec succès les lois de la nature.
Le triangle de Karpman, connu également sous le nom de triangle dramatique, est un triangle représentant les relations entre trois rôles d’un jeu psychologique dangereux : le Persécuteur – le Sauveur – la Victime.
Le Persécuteur/Bourreau attaque, brime, humilie, donne des ordres et provoque la rancune. Il considère la victime comme inférieure.
Le Sauveur étouffe, apporte une aide inefficace, crée la passivité par l’assistanat. Il considère aussi la victime comme inférieure et lui propose son aide, à partir de sa position supérieure.
La Victime apitoie, attire, énerve,…. Elle se positionne comme inférieure et cherche un Sauveur ou un Persécuteur pour conforter sa croyance.
Lorsque le triangle est en place, les individus passent d’un rôle à l’autre mais cela se solde invariablement par de la souffrance.
LE TRIANGLE DE KARPMAN DANS LA VIE DE NOS ENFANTS
Grâce à des attitudes et des méthodes de communication adéquates, il est possible d’éviter à nos enfants d’entrer dans ce triangle dramatique (et de l’identifier avant qu’il ne fasse des dégâts). Il est nécessaire d’être particulièrement attentif aux signes de son émergence d’ailleurs car, à l’école par exemple, il peut rapidement se mettre en place de façon sournoise via du harcèlement, des humiliations, des exclusions sociales par des pairs qui font l’expérience du pouvoir et reproduisent ce qu’ils observent parfois à la maison ou dans les séries télévisées.
Dans cette logique, je vous propose de partager avec vos enfants deux feuilles qui accompagneront vos explications principales sur le triangle :
ATTENTION : LE TRIANGLE DE KARPMAN DANS LA PARENTALITÉ
Notons que ces jeux de manipulation sont fort répandus dans notre société et trouvent leurs racines dans notre enfance.
Exemple de scénario : l’enfant est une Victime évidente (car il est dépendant) et les parents jouent tour à tour le rôle de bourreau et de sauveur (via les compliments, les menaces, le chantage, les comparaisons, les jugements, les récompenses, punitions, etc.).
C’est comme cela que le schéma de ce jeu psychologique se met en place et se perpétue.
Mais il y a d’autres configurations possibles :
Le parent Persécuteur a peut-être été lui-même persécuté. Il reproduit donc ce qu’il a vécu en se montrant trop exigeant, anxieux, intolérant, répressif,… L’enfant sera donc privé de liberté, ne pourra pas montrer ses émotions, sera stressé et aura tendance à développer des complexes (notamment d’infériorité).
Le parent Sauveur sera trop laxiste et tentera sans cesse de plaire à son enfant. L’enfant deviendra capricieux, manipulateur et peu volontaire. Il ne développera pas son autonomie.
Le parent Victime est un parent infantile. Il ira même jusqu’à réclamer de se faire materner par ses propres enfants. Cette situation ne contribue pas au développement des enfants qui endosseront le rôle de Sauveur, négligeant leurs besoins au profit de la satisfaction et de la reconnaissance d’autrui.
J'écris toujours en musique et c'est celle-ci qui tournait pour ce passage...
TOUS, SAUF ELLE
CHAPITRE 12
Il tentait de se dépêtrer des éternels ralentissements de circulation de Grenoble et l’idée lui vint, une nouvelle fois, qu’en cas de panique générale, cette ville deviendrait un enfer routier en quelques dizaines de minutes. Une enclave montagneuse qu’il faudrait quitter avant qu’elle ne condamne les inconscients. La voix étrange du chirurgien. Il n’arrivait pas à la traduire. Il avait dit qu’il n’était pas dubitatif et il y avait pourtant une intonation qui ne collait pas avec cette guérison. Comme si quelque chose relevait de l’incompréhensible.
« Elle lisait ce qu’il y avait sur nos écrans. »
Qu’est-ce que ça signifiait ? Il connaissait le parcours de Laure Bonpierre et il n’était nullement fait mention d’études médicales.
« Il n’était pas question de s’opposer à sa volonté. »
Il n’en était pas surpris au regard de ce qu’il avait lu dans le dossier laissé par Mathieu et Fabien. Il éprouva une certaine fascination puis immédiatement une interrogation troublante le tarauda. Qui donc était cette Laure Bonpierre ? L'intuition que les heures à venir portaient en elles des émotions puissantes. De l'impatience à la méfiance, de l'enthousiasme à la prudence. Il vit passer ainsi une kyrielle de pensées contradictoires.
Et le Francis, où est-ce qu’il était passé ? Il n’aimait pas ce que sa disparition pouvait signifier.
Il arriva à l’hôpital et se gara à l’extérieur. Il suivit les plans disposés sur les parkings et rejoignit l’enceinte de la maternité. Arrivé dans le parc, il balaya l’espace des yeux : une mère et son bébé, une infirmière qui poussait le fauteuil roulant d’une femme âgée, un homme en pyjama qui fumait une cigarette, une adolescente, assise dans l’herbe, qui manipulait son smartphone.
Et puis. Elle. Une évidence.
Assise sur un banc, face à un arbre immense, sur le bord gauche du jardin. Une haie de lauriers dans son dos.
Les rayons solaires tissaient à travers les frondaisons une trame circulaire. La jeune femme semblait entourée par un halo lumineux.
L’image s’inscrivit en lui et libéra une alerte étrange.
L’impression inexplicable d’être au seuil d’un basculement.
Comme une plongée à venir dans une dimension inconnue.
Il ferma les yeux pour se ressaisir. Il avait un travail à effectuer et il n'était pas temps de se laisser distraire.
Il inspira profondément puis s’approcha en suivant le sillon goudronné.
Elle avait les mains ouvertes sur les cuisses, les paumes tournées vers le ciel, le dos droit, les pieds posés au sol, un foulard coloré sur la tête. Elle semblait regarder le tronc de l’arbre en face d’elle, fixement. Comme absente.
« Mademoiselle Bonpierre ? »
Elle tourna la tête et son regard l’interpella. Un visage impassible, comme éteint. Non, d’ailleurs, il se corrigea immédiatement. Elle semblait habitée d’une paix profonde. Le bleu de ses yeux ressemblait à un ciel marin.
« Oui. »
Une voix grave et douce à la fois.
Aucun cheveu ne dépassait du foulard. Une peau lisse. Rien pourtant ne semblait manquer à ce visage. Il devinait l’épaisseur d’un pansement sur l'arrière du crâne et il en eut un pincement au ventre.
Elle n’était plus celle qu’il avait vue sur les photos de son dossier. Le changement était stupéfiant.
Les yeux. Ils étaient … Aucun mot ne lui vint.
Il se força à tousser pour tourner la tête et sortir de sa contemplation.
« Bonjour. Je suis le lieutenant Bréchet. Je crois que le docteur Flaurent vous a déjà parlé de moi ? » annonça-t-il, en tendant la main.
Elle répondit à son salut et il aima le contact de sa peau.
« Oui.
–Je peux vous poser quelques questions ?
–Oui. »
Il décida de s’asseoir. Il n’y avait aucun rejet de la discussion dans les réponses laconiques de la jeune femme. Il le sentait. Son visage ne portait aucune impatience ou colère. Juste cette paix profonde qui le troublait.
« Si vous êtes trop fatiguée ou que cela vous dérange, je peux revenir demain.
–Non. »
Il se voulait attentionné. Sans savoir pourquoi et il s’étonna de ce changement progressif depuis qu’il avait été chargé de cette enquête. Déjà, avec le docteur, il avait été surpris par son inhabituelle affabilité. Il pensa qu’il était tombé sous le charme d’une inconnue dans un dossier stupéfiant puis maintenant survenait ce choc visuel, cette émotion ancienne, comme jaillie d’une geôle brisée. L’éblouissement.
Il se reprocha aussitôt sa futilité. Il était flic. Un de ses collègues était mort, un autre dans le coma et un troisième avait disparu.
« Le docteur Flaurent m’a dit au téléphone que votre mémoire n’a pas été affectée par votre coma alors j’aimerais savoir si vous pouvez me dire quelque chose qui pourrait m’aider.
–Comment vont les deux policiers ?
–Un est décédé et l’autre est toujours dans le coma. Il a fait un arrêt cardiaque provisoire. Les médecins disent que c’est miraculeux que son cœur soit reparti spontanément. Ils ne se prononcent pas sur les séquelles éventuelles. J’aimerais donc savoir s’il s’agit d’un accident ou d’un acte provoqué.
–Une grosse voiture, une Dodge, l’homme s’appellerait Francis. »
Il la regarda intensément, le souffle coupé.
« Vous en êtes certaine, mademoiselle Bonpierre ?
–Le passager devant moi s’est retourné et l’a dit juste avant que la voiture ne nous heurte sur l’arrière.
–Francis vous a envoyé dans le décor ?
–La voiture de Francis, lieutenant. Je ne sais pas qui conduisait. Je vous répète juste ce que j’ai entendu.»
La confirmation des soupçons. Francis avait craqué pour le pognon, pensa Théo.
« Oui, vous avez raison, mademoiselle. Mais je dois vous préciser que ce Francis, un lieutenant de police, a disparu depuis le soir de l’accident et nous n’avons aucune idée des raisons de cette disparition, sinon celle d’être le responsable de cette sortie de route.
–Je comprends votre suspicion.
–Vous pourriez témoigner par écrit de vos propos, mademoiselle Bonpierre ?
–Oui.
–Je reviens demain avec les formulaires de déposition. Ça vous va ?
–Oui.
–À quelle heure ?
–Comme aujourd’hui. Je serai ici.
–Très bien. Vous n’avez rien noté lorsque mes deux collègues sont venus vous chercher ? Vous n’avez rien remarqué ? Quelqu’un qui vous suivait ?
–Rien. Je ne m’attendais pas à être accueillie. Alors encore moins pour la suite. »
Toujours cette voix distante, neutre, sans aucune émotion. Et ce regard étrange. Il se sentait ausculté, visité, autopsié. Elle ne le quittait pas des yeux.
Pénétrants… Voilà, c’était le mot. Elle avait des yeux pénétrants.
« Merci pour votre collaboration, mademoiselle Bonpierre. Je vais vous laisser. Je ne veux pas vous fatiguer.
–Je ne suis pas fatiguée, lieutenant. »
Il se leva et tendit la main. Elle la regarda longuement, une observation méticuleuse qui intrigua Théo puis elle la serra.
Une main chaude, douce et forte. Elle prolongea le contact, comme si ce lien créait une brèche, une ouverture, une lecture intérieure.
Il ne comprenait même pas les pensées qui le submergeaient. Comme une influence inexplicable.
Elle relâcha doucement la pression et se retira sans quitter des yeux les doigts de Théo.
Il ne put s'empêcher de regarder sa main deux secondes. Il sentait dans les fibres des rayonnements délicieux.
« Au revoir, mademoiselle, je suis vraiment heureux que vous soyez tirée d’affaire.
–Je ne suis pas certaine de l’être. »
Il fronça des sourcils devant cette mise en doute. Une incertitude quant à l’interprétation possible de sa réponse.
« Si, je vous assure que votre récupération me fait vraiment plaisir. C’est même impressionnant, insista-t-il.
–Je ne parlais pas de votre plaisir, monsieur Bréchet, mais du mien.
–Vous n’êtes pas certaine d’avoir du plaisir à être en vie, c’est ça ?
–Cette vie-là me laisse perplexe, lieutenant. Je suis très heureuse de pouvoir contempler cet arbre et de le sentir vibrer mais je vous assure que de ressentir ses propres atomes, à l’intérieur de soi, c’est bien autre chose encore et c’est inégalable. »
Il pencha la tête d’un air interrogateur.
« Je ne suis pas certain d’être en mesure de comprendre ça, mademoiselle. Il faut que je vous laisse. Le travail. À demain.
–Oui. »
Il recula de deux mètres sans désirer réellement quitter son visage. Puis, il fit demi-tour et allongea aussitôt le pas.
En traversant le parc, il décida qu’une discussion avec le chirurgien s’imposait. Il rejoignit le bâtiment de neurochirurgie et se présenta au secrétariat.
« Bonjour madame. Lieutenant Bréchet, dit-il en montrant sa carte, j’aimerais m’entretenir quelques minutes avec le docteur Flaurent, c’est urgent.
–Il est en visite à l’étage. Je vais appeler son assistante. »
Il s’éloigna de quelques pas. Le visage de Laure Bonpierre ne quittait pas ses pensées.
« Lieutenant ? Le docteur Flaurent vous attend dans un bureau, à droite, au fond du couloir, à cet étage. Vous prenez la porte A, sur votre gauche.
–Merci. »
Les pensées qui défilent tout au long du
Relancer les recherches internationales. Un dénommé Francis Thiébaud, suspecté d’avoir volontairement commis un accident impliquant deux lieutenants de police et une passagère. Et d’avoir empoché un sacré pactole. Il en était persuadé. Francis connaissait toute l’histoire, il avait accès au dossier. Le soir où Mathieu et Fabien avaient attendu Laure à la gare, Francis les avait suivis et sur le retour, il avait décidé de les envoyer dans le décor. Laure avait sûrement un sac pour porter l’argent. Il ne lui avait pas demandé. L’imbécile ! Il s’en voulait de perdre sa lucidité et ne se reconnaissait pas. Trop troublé pour être efficace. Il s’en amusa, malgré tout, et sourit.
Il frappa à la porte entrouverte du bureau.
« Entrez, lieutenant. »
Théo raconta l’échange avec Laure. Le docteur écouta attentivement sans se départir d’une esquisse de sourire.
« Je vous avais dit, lieutenant, que ça n’était pas racontable au téléphone et d’ailleurs, vous avez du mal à décrire ce que vous avez ressenti. Eh bien, c’est pareil pour moi. Le problème, c’est que je ne connaissais pas Laure Bonpierre avant son accident et je ne peux donc m'avancer sur l’idée d’un changement dans sa personnalité.
–De ce que j’ai lu sur elle, il s’agit d’une femme très sportive, très connue dans son milieu, elle fait des courses à pied en montagne, du trail, elle a battu des records. Mais, bon, sur son caractère et sa personnalité, je ne sais rien. Sauf qu’elle a échappé à la mort d’une façon incroyable et j’en déduis qu’il s’agit d’un esprit fort.
–Vous parlez de son accident de voiture ? intervint le docteur.
–Non, une histoire d’attentat au Kenya. Elle a échappé à un tueur. Elle court très vite et elle a une prise de décision très rapide. Je peux vous assurer qu’elle a vécu quelque chose de très impressionnant. On sait aussi qu’elle revenait de Colombie mais on ne sait pas ce qu’elle y a fait.
–Je vais vous faire une confidence, cher lieutenant. »
Le docteur plongea les yeux dans ceux de Théo.
« J’ai discuté avec mademoiselle Bonpierre, nous avons même eu des échanges qui m’ont singulièrement marqué, je ne restais pourtant jamais bien longtemps, un quart d’heure maximum, et à chaque fois, ses propos me poursuivaient toute la journée. Et ce matin, quand je lui ai parlé de vous, à la fin de notre échange, alors que j’allais sortir, elle m’a rappelé : « Docteur, je voulais vous dire. C’est bien que vous ayez appris à aimer les gens avec votre cœur et non à vénérer votre médecine à travers eux. »
Il s’arrêta, les yeux dans le vague, comme un regard intérieur.
« Vous ne pouvez pas imaginer, lieutenant, à quel point les paroles de mademoiselle Bonpierre sont justes. Et je suis sidéré de cette … capacité à lire à l’intérieur des gens. »
En retournant au commissariat, Théo repensa à cette interrogation dans les yeux du docteur, ce regard perdu au-delà de l’instant.
« Cette capacité à lire à l’intérieur des gens. »
C’est un peu ce qu’il avait éprouvé devant Laure. Il réalisa alors qu’elle ne l’avait pas quitté des yeux, comme si elle écoutait bien autre chose que les mots.
« Bon, c’est n’importe quoi, mon gars. Réfléchis plutôt à ce que tu dois faire pour choper ce salaud de Francis. »
Le photographe George Steinmetz a sillonné la planète pendant un an pour donner à voir l'univers cauchemardesque de l'élevage industriel. Entre les Etats-Unis, le Brésil et la Chine, cette enquête photographique présentée cette année au festival Visa pour l'image à Perpignan pointe «un divorce total avec la nature». Cette «guerre» contre les animaux reste encore cachée et son message est sans appel : «Si tu n'aimes pas ce que tu vois sur mes photos, alors il va falloir changer tes habitudes alimentaires.»
Dans la province de Heilongjiang en Chine, c'est le premier jour de la récolte du riz, principal aliment de base de la Chine. Le «riz dragon 46», qui a été planté début mai, produit 650 kg par mu (1 mu = 0.66 hectare).
Photo George Steinmetz. Cosmos
La plus grande ferme d'œufs d'Amérique latine, Granja Mantiqueira au Brésil, produit 2,7 millions d'œufs par jour grâce à 4 millions de poules. Les œufs roulent sur le sol des cages jusqu'à un tapis roulant qui les transporte à un autre système de convoyage. Celui-ci les amène à des centaines de mètres du bâtiment de tri, de nettoyage et de conditionnement.
Photo George Steinmetz. Cosmos
26 poules partagent une petite cage et reçoivent une quantité illimitée de nourriture et d'eau. Elles commencent à pondre à 110 jours et ont une productivité d'environ 95 semaines avant d'être expédiées à l'abattoir à 1 300 km près de São Paulo.
Photo George Steinmetz. Cosmos
L'usine d'abattage de poulets Seara, près de Sidrolandia, au Brésil, exporte environ 65 % de sa production en Russie, en Chine et en Europe. Les usines Seara transforment 170 000 poulets par jour, 3 millions par mois et fonctionnent 24 heures sur 24. Toutes les pattes sont désossées au Japon, les ailes sont exportées en Chine et à Hong Kong, les pieds en Chine et en Afrique, les cuisses à 80 % en Europe et 20 % au Brésil. La tête et les os sont transformés en farine pour l'alimentation animale au Brésil.
Photo George Steinmetz. Cosmos
Pont arrière du C/P Alaska Ocean avec un chargement de 65 tonnes de merlan du Pacifique (ou «merlu») à une trentaine de milles au large des côtes de l'Oregon. L'an dernier, le bateau a capturé 6 500 tonnes de merlan du Pacifique et 63 kt de goberge, dont la plus grande partie est consommée sous forme de filets ou de bâtonnets de poisson panés. L'un de leurs plus gros clients est McDonald's, mais leurs produits de poisson sont également expédiés à l'étranger.
Photo George Steinmetz. Cosmos
Plantation et récolte de laitue dans la ferme hydroponique rotative de «Granpa», à l'ouest de Tokyo. Les plantules sont plantées au centre et les plantes tournent lentement pendant un mois avant d'atteindre le bord extérieur où elles sont récoltées.
Photo George Steinmetz. Cosmos
Des serres forment une mer de plastique en Andalousie, en Espagne, le 20 octobre 2015.
Photo George Steinmetz. Cosmos
Le filet mignon est paré et coupé en morceaux de 6 onces (170 grammes) dans la salle de découpe principale d'Omaha Steaks, une entreprise familiale de 101 ans qui se spécialise dans la transformation, la découpe et l'emballage de la viande. Avec plus de 3 millions de clients, Omaha Steaks est le plus grand utilisateur de glace sèche aux États-Unis.
Photo George Steinmetz. Cosmos
Festival international de l'écrevisse à Xuyi, dans le Jiangsu chinois.
Photo George Steinmetz. Cosmos
Récolte de céleri pour Dole Foods à la ferme Bassetti SW de Greenfield en Californie. Les boîtes brunes sont destinées à la consommation américaine, les boîtes blanches sont destinées à la Chine et les contenants de plastique noir seront transformés sur place pour que les cœurs de céleri soient vendus chez Costco.
Photo George Steinmetz. Cosmos
Usine de transformation de poulets dans le Jiangsu, en Chine, le 16 juin 2016.
Photo George Steinmetz. Cosmos
Des fleurs de colza couvrent les champs et des bateaux parcourent les canaux creusés dans cette ancienne zone humide dans la région du Xinghua en Chine. L'explosion en couleur ne dure que quelques semaines mais amène des autobus remplis de touristes se promener sur le kilomètre de passerelles et de ponts qui relient les îlots et les tours d'observation.
Photo George Steinmetz. Cosmos
Ferme d'élevage de porcs Seis Amigos à environ 15 kilomètres à l'est de Tapurah au Brésil. Les truies sont inséminées artificiellement avec du sperme donné par le conglomérat alimentaire BRF qui gère l'abattoir et fournit également les porcs de départ pour la ferme. Chaque truie a en moyenne un peu plus de onze petits jusqu'à l'âge adulte et est productive pendant 2 à 3 ans avant que sa fertilité ne baisse et qu'elle ne soit envoyée à l'abattoir.
Photo George Steinmetz. Cosmos
3 300 cabanes abritent les veaux nouveau-nés afin d'alimenter les méga-laiteries de Milk Source, la plus grande exploitation laitière du Wisconsin, aux Etats-Unis. Les veaux proviennent de huit laiteries du Wisconsin et du Michigan et y restent depuis leur première semaine de vie jusqu'à l'âge de six mois.
Quand je vois que Mario Beauregard intervient, je m'intéresse et quand je lis toute la liste des spécialistes, je m'empresse de regarder.
Et c'est effectivement très intéressant.
"TOUS, SAUF ELLE"
CHAPITRE 2
Des visages sans relief. Des peaux lisses qui l’observaient scrupuleusement, la détaillaient intérieurement. Elle sentait leurs regards sur son âme, comme des brises tièdes qui l’enveloppaient. Elle ne savait dire ce qu’elle était malgré le flot puissant de ressentis. Elle avançait sans aucun mouvement, elle n’était plus qu’un souffle d’air, un rayon de lune, l’éclat tremblotant d’une étoile naine et pourtant, chacune de ces âmes rencontrées la parcourait comme le ferait le flux sanguin de la matière. Elle les voyait et simultanément elle les sentait en elle.
Elle ne possédait pourtant plus aucune matière. C’était une certitude. Mais tout était là. L’air sur sa peau, le son du silence, le toucher des parois circulaires qui crépitaient et tous ces visages lisses qu’elle croisait. Où que se posent ses regards, elle ne discernait qu’une myriade de présences.
Elle avançait à des vitesses stupéfiantes dans une immobilité absolue. Une aimantation vers le fond de l’Univers. Un plongeon intemporel vers les étoiles. Elle était subjuguée par ce puits vertical et elle aurait été incapable de préciser le sens de son déplacement. Comme s’il n’y avait plus d’espace, pas plus que de temps.
C’est là que Figueras s’était interposé et avait stoppé sa progression. Elle avait reconnu le sourire flamboyant de ses prunelles. Les mots avaient résonné quelque part en elle.
« Tu n’as pas fini ton parcours. Retourne d’où tu viens. Réintègre ta matière. Tu te souviendras de ce que tu es quand tu ne seras plus ce que tu crois être.»
Tout était là sans qu’elle n’y comprenne rien.
Je reposte ici un texte que j'ai écrit en 2017 à la suite d'une expérience troublante :
Avec Nathalie, on a décidé de ne plus pratiquer le yoga uniquement à la maison mais de prendre des cours avec une enseignante.
Hier soir, c'était la deuxième séance et la professeure a demandé de refaire les présentations pour l'ensemble du groupe.
Lorsque mon tour est arrivé, j'ai expliqué qu'à la première séance, j'étais venu avec une bonne sciatique. Je la traînais depuis une bonne semaine. J'ai donc détaillé un peu mon dossier médical et mes cinq hernies discales en 30 ans...J'ai expliqué que le lendemain de cette première séance, je n'avais plus aucune douleur et que ce soir, j'allais très bien. Je n'ai rien dit de cette "présence" que j'ai ressentie pendant cette première séance, la présence de mon frère qui me disait : "C'est bien que tu prennes soin de toi.".
Et puis, la séance a commencé...
Lors d'une posture, la professeure s'est approchée et s'est adressée à moi en m'appellant : "Christian".
J'ai eu un frisson et Nathalie qui était à côté de moi, sur son tapis, a été très surprise également...
Christian était le prénom de mon frère et il est décédé il y a 19 ans...
Comment est-il possible qu'au vu du nombre de prénoms masculins existants, c'est celui-là que l'enseignante a utilisé ?
Hasard ?
Il faudrait qu'un mathématicien en calcule la probabilité...
Je n'y crois pas un seul instant.
Je n'avais évidemment pas parlé de mon frère et je ne connais pas cette enseignante. A part, Nathalie, personne ne connaît mon histoire dans ce groupe.
Il est donc impossible que cette enseignante ait pu me confondre avec mon frère en inversant les prénoms.
Alors ? Quelle explication ?
Est-ce que le fait d'avoir évoqué mes hernies et par conséquent une partie de mon histoire a pu "activer" l'âme de mon frère ?
Est-ce que cette éventuelle "présence" a pu influencer ensuite l'enseignante au point qu'elle en utilise le prénom "terrestre" pour se faire "entendre" ?
La magnétiseuse qui est intervenue lorsque j'ai eu trois hernies d'un coup, à 44 ans, a dit que "je portais l'âme de mon frère", que nous étions "enchaînés" et que je devais abandonner ma culpabilité et tous les souvenirs associés à notre vécu commun lorsque je le veillais, sur son lit d'hôpital, lorsque j'avais 16 ans et lui 19. Que son âme souffrait, elle aussi, de ma souffrance intérieure.
Je n'ai plus d'hernie discale et même si le nerf sciatique connaît quelques épisodes douloureux, je ne me sens plus en "danger" de récidive.
Que s'est-il donc passé hier soir ?
L'explication que j'en retire, c'est que l'âme de Christian est intervenue pour me signifier que j'avais raison d'être là, que c'était bien que je prenne soin de moi, qu'elle/il en était heureuse/x, que le fait de pratiquer le yoga pour entretenir mon corps et mon âme marquait l'ultime "délivrance" pour elle/lui...
Il me plaît de le penser et je m'en réjouis infiniment.
A la fin de la séance, alors que nous étions en phase de "relaxation", j'ai senti dans la paume de mes mains tournées vers le ciel, un rayon chaud, comme une lumière translucide qui montait vers les cieux. Une sensation très précise qui a duré plusieurs secondes.
...
Je suis allé raconter à la professeure ce qui s'était passé et l'inversion des prénoms. Elle a mis la main devant sa bouche, les yeux écarquillés.
Je n'ai pas continué le yoga avec cette professeure, ni même à la maison.
Raideur invalidante du mollet avec perte de sensations.
Fourmillements et irradiations dans toute la jambe.
Sensation très forte de froid dans tout le pied.
Tests de mobilité très restreints.
Douleurs à la pression sur les vertèbres du bas du dos.
Diagnostic
Hernie discale sur L5/S1
Bon, ça c'est fait. On en est à la sixième quand même, je devrais peut-être postuler au livre des records...
Longue discussion avec mon médecin. On se connaît bien et il sait qu'avec moi, dans le domaine médical, rien n'est vraiment prévisible à part le fait qu'il est probable que les prévisions se révèlent fausses... Donc, on ne sait pas où on va. Il me plaît de penser que mon âme le sait. Et ça me suffit.
Sur un plan essentiellement mental, je remarcherai normalement et je retournerai en montagne. A 42 ans, j'avais trois hernies d'un coup et un an plus tard, j'étais là-haut.
Je recommencerai.
Mon médecin dit la même chose que moi à propos du sport : si je n'en avais pas fait, je serais dans un état pitoyable et j'aurais souffert toute ma vie de la première opération (boucherie) de mon dos à 24 ans. C'est le sport qui m'a remis debout et qui a suffisamment musclé mon corps pour protéger les faiblesses du dos. Je ne me suis jamais fait mal en courant dans les descentes et bien au contraire, cette pratique contribue au bon état de ma sangle abdominale et des dorsaux. J'utilise toujours des bâtons en descente et du coup, le haut du corps travaille beaucoup également.
Je me suis fait mal en montrant aux enfants de la classe ce qu'il ne fallait pas faire et non pas en courant en montagne. Il n'y a pas non plus "d'usure" de mon dos étant donné que la masse musculaire le protège. Quand mon médecin me dit que des hommes de mon âge avec cette musculature, il n'en voit pas beaucoup, j'entends surtout que c'est le sport qui me protège et qu'il n'est certainement pas la raison de cette hernie.
Alors, justement, quelle est la raison ? Car il y en a une. Nécessairement. Il y en a toujours eu.
J'en ai identifié une et elle est de taille : tout ce que j'écris sur l'instant présent et le lien entre la pensée et la matière, je dois le vivre.
Il y a une semaine, je me suis fait mal au dos pendant une séance de sport avec mes élèves. J'ai voulu leur montrer comment ne pas se réceptionner à la suite d'un saut de muret. Je n'aurais pas dû. Le dos n'a pas aimé. J'ai senti un pincement puis je n'ai plus fait attention. J'ai continué la séance avec mes élèves et je cours toujours avec eux.
Jeudi, dans la journée, j'ai vraiment pris conscience que ça allait mal se mettre...
Nathalie m'a longuement massé et c'est toujours bénéfique mais pendant la nuit, j'ai senti que tout était en train de se bloquer. Le matin, quand j'ai voulu me lever pour démarrer la cafetière, j'ai fait trois pas et je suis retourné m'effondrer sur le lit.
Une brûlure très violente, une irradiation qui ranima aussitôt des bourrasques de souvenirs très sombres. Je suis resté un long moment totalement hagard, dans une incompréhension énorme et toutes les pensées qui jaillissaient étaient nourries par une peur sidérante.
Une sixième hernie discale ? L'opération était quasiment irréalisable il y a douze ans. Elle le sera toujours. Voire pire encore avec l'ossification du ligament jaune qui se dresse en bas de mon dos comme une crête...Je suis tombé dans une alternance fiévreuse entre le drame et une issue heureuse, entre l'incertitude énorme de la chirurgie et une guérison miraculeuse.
Je me suis demandé plusieurs fois pendant la journée si je ne devais pas partir aux urgences. Je sais, par expérience, combien le seuil haut de la douleur n'est finalement jamais atteint et à quel point cette ascension est un cauchemar...
Aucun médecin généraliste de disponible. J'obtiens par téléphone une ordonnance avec de la codéïne. De quoi tenir le week-end.
Il faut que je vois une amie ostéo avant de décider de quoi que ce soit. Il faut que je puisse me lever...
La codéïne fait son effet et je profite de l'accalmie pour essayer d'étirer la colonne, en restant allongé. L'effort d'étirement augmente la douleur du nerf mais au bout d'un moment, la douleur qui suit est moins forte. Je vais faire des exercices similaires plusieurs fois dans la journée.
Ce qui a changé rapidement et qui a sans doute été déterminant pour la suite, c'est le fait que je me sois détaché des souvenirs sombres, que je sois parvenu à ne pas me laisser submerger par les peurs réactivées. Etre dans l'instant et agir en conséquence, voilà le chemin à prendre.
Rien de ce qui avait eu lieu n'était inévitablement reconductible, rien de ce qui pouvait advenir ne contenait de certitudes. Je devais me concentrer sur l'instant et ce qu'il contient, le nourrir de visions positives non pas dans une illusion néfaste mais à travers des faits : mes trois dernières hernies discales n'ont pas été opérées et j'ai fini par reprendre le sport. Je peux le refaire, je sais que c'est possible.
Il est donc néfaste de laisser le passé brider l'instant.
Il est tout autant néfaste de s'illusionner en imaginant des guérisons miraculeuses.
J'ai le droit par contre de me nourrir de ce que j'ai réussi à faire autrefois. Je sais que je peux guérir.
Cela étant réglé, je peux laisser mon corps organiser la réparation du système défaillant. Les pensées invalidantes et les émotions anciennes n'ont aucune raison d'être en cet instant.
Je ne sais pas où je vais mais, là, je sais où je suis.