Blog

  • De la servitude moderne.

    Ca fait mal.

    http://www.dailymotion.com/video/xaze5w_de-la-servitude-moderne-1ere-partie_news

    http://www.dailymotion.com/video/xazf3b_de-la-servitude-moderne-2eme-partie_news

    http://www.dailymotion.com/video/xazgc4_de-la-servitude-moderne-3eme-partie_news

    Mais c'est un mal nécessaire.

    Il faut sortir de tout ça.

    http://www.delaservitudemoderne.org/francais1.html

    "Quelle époque terrible que celle où des idiots dirigent des aveugles."

    William Shakespeare


     

    "Toute vérité passe par trois stades :
    En premier
    lieu on la ridiculise;
    en deuxième lieu on s'y oppose
    violemment;
    enfin on l'accepte comme si elle allait
    de soi."
    "Toute vérité passe par trois stades :
    En premier
    lieu on la ridiculise;
    en deuxième lieu on s'y oppose
    violemment;
    enfin on l'accepte comme si elle allait
    de soi."

    Schopenhauer
        De la servitude moderne est un livre et un film documentaire de 52 minutes produits de manière totalement indépendante ; le livre (et le DVD qu’il contient) est distribué gratuitement dans certains lieux alternatifs en France et en Amérique latine. Le texte a été écrit en Jamaïque en octobre 2007 et le documentaire a été achevé en Colombie en mai 2009. Il existe en version française, anglaise et espagnole. Le film est élaboré à partir d’images détournées, essentiellement issues de films de fiction et de documentaires.

        L’objectif central de ce film est de mettre à jour la condition de l’esclave moderne dans le cadre du système totalitaire marchand et de rendre visible les formes de mystification qui occultent cette condition servile. Il a été fait dans le seul but d’attaquer frontalement l’organisation dominante du monde.

        Dans l’immense champ de bataille de la guerre civile mondiale, le langage constitue une arme de choix. Il s’agit d’appeler effectivement les choses par leur nom et de faire découvrir l’essence cachée de ces réalités par la manière dont on les nomme. La démocratie libérale est un mythe en cela que l’organisation dominante du monde n’a rien de démocratique ni même rien de libérale. Il est donc urgent de substituer au mythe de la démocratie libérale sa réalité concrète de système totalitaire marchand et de répandre cette nouvelle expression comme une trainée de poudre prête à incendier les esprits en révélant la nature profonde de la domination présente.

        D’aucuns espéreront trouver ici des solutions ou des réponses toutes faites, genre petit manuel de « Comment faire la révolution ? ». Tel n’est pas le propos de ce film. Il s’agit ici de faire la critique exacte de la société qu’il nous faut combattre. Ce film est avant tout un outil militant qui a pour vocation de faire s’interroger le plus grand nombre et de répandre la critique partout où elle n’a pas accès. Les solutions, les éléments de programme, c’est ensemble qu’il faut les construire. Et c’est avant tout dans la pratique qu’elles éclatent au grand jour. Nous n’avons pas besoin d’un gourou qui vienne nous expliquer comment nous devons agir. La liberté d’action doit être notre caractéristique principale. Ceux qui veulent rester des esclaves attendent l’homme providentiel ou l’œuvre qu’il suffirait de suivre à la lettre pour être plus libre. On en a trop vu de ces œuvres ou de ces hommes dans toute l’histoire du XXº siècle qui se sont proposés de constituer l’avant-garde révolutionnaire et de conduire le prolétariat vers la libération de sa condition. Les résultats cauchemardesques parlent d’eux-mêmes.

        Par ailleurs, nous condamnons toutes les religions en cela qu’elles sont génératrices d’illusions nous permettant d’accepter notre sordide condition de dominés et qu’elles mentent ou déraisonnent sur à peu près tout. Mais nous condamnons également toute stigmatisation d’une religion en particulier. Les adeptes du complot sioniste ou du péril islamiste sont de pauvres têtes mystifiées qui confondent la critique radicale avec la haine et le dédain. Ils ne sont capables de produire que de la boue. Si certains d’entre eux se disent révolutionnaires, c’est davantage en référence aux « révolutions nationales » des années 1930-1940 qu’à la véritable révolution libératrice à laquelle nous aspirons. La recherche d’un bouc émissaire en fonction de son appartenance religieuse ou ethnique est vieille comme la civilisation et elle n’est que le produit des frustrations de ceux qui cherchent des réponses rapides et simples face au véritable mal qui nous accable. Il ne peut y avoir d’ambigüité sur la nature de notre combat. Nous sommes favorables à l’émancipation de l’humanité toute entière, sans aucune forme de discrimination. Tout pour tous est l’essence du programme révolutionnaire auquel nous adhérons.

        Les références qui ont inspiré ce travail et plus généralement ma vie sont explicites dans ce film : Diogène de Sinoppe, Étienne de La Boétie, Karl Marx et Guy Debord. Je ne m’en cache pas et ne prétend pas avoir inventé l’électricité. On me reconnaîtra simplement le mérite d’avoir su m’en servir pour m’éclairer. Quand à ceux qui trouveront à redire sur cette œuvre en tant qu’elle ne serait pas assez révolutionnaire ou bien trop radicale ou encore pessimiste n’ont qu’à proposer leur propre vision du monde dans lequel nous vivons. Plus nous serons nombreux à diffuser ces idées et plus la possibilité d’un changement radical pourra émerger.

        La crise économique, sociale et politique a révélé la faillite patente du système totalitaire marchand. Une brèche est ouverte. Il s’agit maintenant de s’y engouffrer sans peur mais de manière stratégique. Il faut cependant agir vite car le pouvoir, parfaitement informé sur l’état des lieux de la radicalisation de la contestation, prépare une attaque préventive sans commune mesure avec ce que nous avons connu jusqu’à maintenant. L’urgence des temps nous impose donc l’unité plutôt que la division car ce qui nous rassemble est bien plus profond que ce qui nous sépare. Il est toujours très commode de critiquer ce qui se fait du côté des organisations, des individus ou des différents groupes qui se réclament de la révolution sociale. Mais en réalité, ces critiques participent de la volonté d’immobilisme qui tente de nous convaincre que rien n’est possible. Il ne faut pas se tromper d’ennemis. Les vieilles querelles de chapelle du camp révolutionnaire doivent laisser la place à l’unité d’action de toutes nos forces. Il faut douter de tout, même du doute.

        Le texte et le film sont libres de droits, ils peuvent être copiés, diffusés, projetés sans la moindre forme de contrainte. Ils sont par ailleurs totalement gratuits et ne peuvent en aucun cas être vendus ou commercialisés sous quelque forme que ce soit. Il serait en effet pour le moins incohérent de proposer une marchandise qui aurait pour vocation de critiquer l’omniprésence de la marchandise. La lutte contre la propriété privée, intellectuelle ou autre, est notre force de frappe contre la domination présente.

        Ce film qui est diffusé en dehors de tout circuit légal ou commercial ne peut  exister que grâce à l’appui de personnes qui en organisent la diffusion ou la projection. Il ne nous appartient pas, il appartient à ceux qui voudront bien s’en saisir pour le jeter dans le feu des combats.
        
    Jean-François Brient et Victor León Fuentes      

    Schopenhauer

     

        De la servitude moderne est un livre et un film documentaire de 52 minutes produits de manière totalement indépendante ; le livre (et le DVD qu’il contient) est distribué gratuitement dans certains lieux alternatifs en France et en Amérique latine. Le texte a été écrit en Jamaïque en octobre 2007 et le documentaire a été achevé en Colombie en mai 2009. Il existe en version française, anglaise et espagnole. Le film est élaboré à partir d’images détournées, essentiellement issues de films de fiction et de documentaires.

        L’objectif central de ce film est de mettre à jour la condition de l’esclave moderne dans le cadre du système totalitaire marchand et de rendre visible les formes de mystification qui occultent cette condition servile. Il a été fait dans le seul but d’attaquer frontalement l’organisation dominante du monde.

        Dans l’immense champ de bataille de la guerre civile mondiale, le langage constitue une arme de choix. Il s’agit d’appeler effectivement les choses par leur nom et de faire découvrir l’essence cachée de ces réalités par la manière dont on les nomme. La démocratie libérale est un mythe en cela que l’organisation dominante du monde n’a rien de démocratique ni même rien de libérale. Il est donc urgent de substituer au mythe de la démocratie libérale sa réalité concrète de système totalitaire marchand et de répandre cette nouvelle expression comme une trainée de poudre prête à incendier les esprits en révélant la nature profonde de la domination présente.

        D’aucuns espéreront trouver ici des solutions ou des réponses toutes faites, genre petit manuel de « Comment faire la révolution ? ». Tel n’est pas le propos de ce film. Il s’agit ici de faire la critique exacte de la société qu’il nous faut combattre. Ce film est avant tout un outil militant qui a pour vocation de faire s’interroger le plus grand nombre et de répandre la critique partout où elle n’a pas accès. Les solutions, les éléments de programme, c’est ensemble qu’il faut les construire. Et c’est avant tout dans la pratique qu’elles éclatent au grand jour. Nous n’avons pas besoin d’un gourou qui vienne nous expliquer comment nous devons agir. La liberté d’action doit être notre caractéristique principale. Ceux qui veulent rester des esclaves attendent l’homme providentiel ou l’œuvre qu’il suffirait de suivre à la lettre pour être plus libre. On en a trop vu de ces œuvres ou de ces hommes dans toute l’histoire du XXº siècle qui se sont proposés de constituer l’avant-garde révolutionnaire et de conduire le prolétariat vers la libération de sa condition. Les résultats cauchemardesques parlent d’eux-mêmes.

        Par ailleurs, nous condamnons toutes les religions en cela qu’elles sont génératrices d’illusions nous permettant d’accepter notre sordide condition de dominés et qu’elles mentent ou déraisonnent sur à peu près tout. Mais nous condamnons également toute stigmatisation d’une religion en particulier. Les adeptes du complot sioniste ou du péril islamiste sont de pauvres têtes mystifiées qui confondent la critique radicale avec la haine et le dédain. Ils ne sont capables de produire que de la boue. Si certains d’entre eux se disent révolutionnaires, c’est davantage en référence aux « révolutions nationales » des années 1930-1940 qu’à la véritable révolution libératrice à laquelle nous aspirons. La recherche d’un bouc émissaire en fonction de son appartenance religieuse ou ethnique est vieille comme la civilisation et elle n’est que le produit des frustrations de ceux qui cherchent des réponses rapides et simples face au véritable mal qui nous accable. Il ne peut y avoir d’ambigüité sur la nature de notre combat. Nous sommes favorables à l’émancipation de l’humanité toute entière, sans aucune forme de discrimination. Tout pour tous est l’essence du programme révolutionnaire auquel nous adhérons.

        Les références qui ont inspiré ce travail et plus généralement ma vie sont explicites dans ce film : Diogène de Sinoppe, Étienne de La Boétie, Karl Marx et Guy Debord. Je ne m’en cache pas et ne prétend pas avoir inventé l’électricité. On me reconnaîtra simplement le mérite d’avoir su m’en servir pour m’éclairer. Quand à ceux qui trouveront à redire sur cette œuvre en tant qu’elle ne serait pas assez révolutionnaire ou bien trop radicale ou encore pessimiste n’ont qu’à proposer leur propre vision du monde dans lequel nous vivons. Plus nous serons nombreux à diffuser ces idées et plus la possibilité d’un changement radical pourra émerger.

        La crise économique, sociale et politique a révélé la faillite patente du système totalitaire marchand. Une brèche est ouverte. Il s’agit maintenant de s’y engouffrer sans peur mais de manière stratégique. Il faut cependant agir vite car le pouvoir, parfaitement informé sur l’état des lieux de la radicalisation de la contestation, prépare une attaque préventive sans commune mesure avec ce que nous avons connu jusqu’à maintenant. L’urgence des temps nous impose donc l’unité plutôt que la division car ce qui nous rassemble est bien plus profond que ce qui nous sépare. Il est toujours très commode de critiquer ce qui se fait du côté des organisations, des individus ou des différents groupes qui se réclament de la révolution sociale. Mais en réalité, ces critiques participent de la volonté d’immobilisme qui tente de nous convaincre que rien n’est possible. Il ne faut pas se tromper d’ennemis. Les vieilles querelles de chapelle du camp révolutionnaire doivent laisser la place à l’unité d’action de toutes nos forces. Il faut douter de tout, même du doute.

        Le texte et le film sont libres de droits, ils peuvent être copiés, diffusés, projetés sans la moindre forme de contrainte. Ils sont par ailleurs totalement gratuits et ne peuvent en aucun cas être vendus ou commercialisés sous quelque forme que ce soit. Il serait en effet pour le moins incohérent de proposer une marchandise qui aurait pour vocation de critiquer l’omniprésence de la marchandise. La lutte contre la propriété privée, intellectuelle ou autre, est notre force de frappe contre la domination présente.

        Ce film qui est diffusé en dehors de tout circuit légal ou commercial ne peut  exister que grâce à l’appui de personnes qui en organisent la diffusion ou la projection. Il ne nous appartient pas, il appartient à ceux qui voudront bien s’en saisir pour le jeter dans le feu des combats.
        
    Jean-François Brient et Victor León Fuentes      
     

  • Une réalité instable.

    Je suis stupéfait et parfois consterné par la puissance des croyances. Ces croyances qui construisent en nous une certaine réalité. Un exemple. J'ai dans ma classe un élève qui a toujours été considéré par les enseignants comme un perturbateur, un enfant paresseux, soutenu par les parents, un "fardeau", comme me l'a dit la collègue précédente...

    Comme chaque année, je refuse de lire les dossiers scolaires de mes élèves et je leur dis le premier jour de classe que je ne sais rien sur eux, que je ne veux pas qu'ils entrent dans ma classe avec l'idée qu'ils vont encore être jugés sur leurs "défauts", comme s'ils avaient une étiquette collée sur le front, qu'ils savent quels comportements ou quelles lacunes ont servi aux enseignants précédents pour que ce jugement les poursuive et qu'ils doivent par conséquent travailler sur eux-mêmes pour se défaire de cette étiquette, que je fais toujours la différence entre leur nature d'enfant et leur fonction d'élève et que ce qu'ils font n'est pas la même chose que ce qu'ils sont, que je ne veux pas qu'ils établissent en eux des croyances liées aux regards et aux "condamnations" que leur porte les enseignants, qu'il m'importe avant tout qu'ils cherchent en eux ce qu'ils veulent être et non se laisser piéger par l'image néfaste dont certains adultes les affublent.

    "Vérifie toujours à chaque instant, que tes pensées, tes choix, tes décisions et tes actes sont à l'image de la personne que tu veux être."

    C'est affiché au-dessus du tableau et je les renvoie souvent à ce texte. C'est leur propre regard qui doit être le seul juge de paix. Je ne suis parfois, quand c'est nécessaire, que le déclencheur de cette réflexion en eux.

    Cet enfant dont je parlais au début a totalement changé. Il s'est révélé très curieux, dynamique, intéressé et intéressant, il participe, apprend ses leçons, lit à la maison, raconte à ses parents tout ce qu'il vit en classe. La maman est venue me voir pour me faire part de son bonheur, ainsi que de son mari, quant au plaisir de son fils de venir à l'école. "A table, on ne peut plus en placer une, il a toujours quelque chose à raconter."

    Ce petit garçon s'est cassé le bras trois jours avant la rentrée de septembre, c'est dire la peur qu'il avait de revenir en ce lieu maudit...

    Je suis évidemment très heureux de son évolution.

    Mais également consterné, effrayé par la puissance destructrice ou bénéfique des croyances que nous adoptons. Ce petit gars avait une mauvaise image de lui-même et ne parvenait plus à en sortir. A force d'entendre qu'il était "nul", il avait fini par adopter le comportement associé à cette image. Cette certitude en lui d'être un moins que rien le conduisait immanquablement à n'exister qu'à travers des attitudes "rebelles". En le félicitant à la moindre occasion, en le valorisant, en l'encourageant, sans jamais porter de jugement sur ce qu'il faisait mais en le renvoyant si nécessaire à l'image qu'il voulait avoir de lui-même, je sais que j'ai réussi à inverser en lui cette croyance que l'école ne pourrait jamais le rendre heureux.

    Le soir de la réunion avec tous les parents d'élèves, j'ai considérablement insisté sur la force des mots.

    Dire à un enfant qui vient de faire une bêtise, "tu es vraiment nul" au lieu de dire "ce que tu as fait est vraiment nul", c'est ancrer en lui une image destructrice. Nos actes ne sont pas ce que nous sommes mais le reflet d'une émotion qui parfois nous dépasse : la colère, la jalousie, la paresse, l'inattention, l'indifférence, c'est ce qui existe en nous à un instant T mais ce n'est pas ce que nous sommes intrinsèquement parlant. Si l'individu n'avait pas commis cet acte, il serait toujours le même.

    C'est le jugement porté par les pairs qui ancre dans l'individu cette idée que je suis ce que je fais. Un jugement qui doit disparaître.

    Les évènements qui surviennent dans nos existences sont générés par de multiples paramètres et il suffirait qu'un de ces paramètres diffèrent pour que cette "réalité" change.

    Ce petit garçon en est un exemple supplémentaire. Il a suffi que sa "réalité" quotidienne prenne une autre tournure pour qu'il devienne un autre élève. Mais l'enfant est toujours le même, l'individu n'a pas changé dans sa profondeur. C'est la façon dont il gère les évènements exogènes qui a changé parce que la réalité de sa vie d'élève a changé. 

    Où se situe la réalité dès lors ?   

    Est-il possible d'identifier clairement ce que nous sommes, cette réalité intime, existentielle ?

    Dès lors que nous subissons des atteintes diverses et que nous n'avons pas la lucidité de faire la part des choses entre les tourments internes de nos interlocuteurs et notre réalité, comment établir une image stable et claire de ce que nous sommes ? On imagine bien l'immense difficulté que cela représente chez de jeunes enfants...

    Il y aurait donc une réalité instable, liée à notre vie sociale, et une réalité existentielle, liée à notre être.

    Mais cette réalité d'être est-elle un état originel ou quelque chose qui se construit en fonction de la réalité instable de notre vie sociale ?

    Si l'an prochain, ce petit garçon de ma classe, en arrivant au collège, tombe sur un ou plusieurs professeurs destructeurs, qui sera-t-il ? Un élève perturbateur ou un élève passionnant et passionné ?

    Existe-t-il en nous un individu stable ou sommes-nous uniquement des individus formatés et modelables ?

    L'idée m'effraie considérablement.

    Il suffit de penser à ces gardiens des camps de concentration. Certains n'auraient jamais imaginé tenir un tel rôle...Rien en eux ne les destinait à une telle abomination. Comment ont-ils pu se laisser entraîner de la sorte ? La force des conditionnements, des peurs, le désir d'adhérer à un pénomène de groupe pour exister et prendre une importance ...Il n'y avait chez certains d'entre eux aucune haine du peuple Juif. Bien d'autre paramètres sont entrés en jeu. La réalité sociale avait pris le pas sur la réalité existentielle. On sait que certains se sont suicidés à la libération comme si l'effondrement de cette réalité sociale avait brisé en eux la réalité existentielle et que le dégoût de soi avait pris le pas sur tout le reste.

     

    On connaît ces histoires de jeunes de banlieue, brûleurs de voitures, dealers, petits pions au coeur d'une bande et qui un jour, pour diverses raisons, prennent conscience avec une violence immense de l'errance de leur existence et sortent de cette réalité sociale pour retrouver leur réalité existentielle. Certains deviennent éducateurs de rues.

     

    La lutte constante de cette vie ne reviendrait-il pas à identifier constamment ce qui relève de cette réalité instable des conditions de vie et ce qui concerne notre réalité intérieure.

    Ce que nous faisons n'est pas nécessairement ce que nous sommes.  

    Le bonheur serait par conséquent de réussir à vivre en actes comme en esprit. Faire ce que nous sommes, à chaque instant, dans chaque circonstance de vie pour que cette vie instable ne prenne jamais le dessus sur notre réalité.

    Etre réel dans notre réalité.

    Lire la suite

  • Qu'y a -t-il derrière le rideau ?

    Ce rideau qui voile ma conscience. cette impression d'être au bord d'un seuil, que quelque chose est là, devant moi et que je ne peux pas le voir, que je ne peux pas le saisir...C'est peut-être la folie d'ailleurs. Ce désir si fort de passer de l'autre côté. Cette autre conscience, celle du monde qui se réfléchit en moi et me donne forme en prenant conscience de lui-même à travers ce miroir que je lui offre...Une construction insécable, le monde en moi qui me donne vie, la vie en moi qui donne vie au monde, la conscience de ce moi qui s'observe et perçoit face à lui la vie qui s'observe, l'idée tourne en rond en moi, mais elle n'est pas qu'une pensée, elle n'est pas qu'une réflexion, il y a aussi cette douleur, ce noeud au ventre qui ne se délie pas parce que je reste figé dans ma quête et qu'elle me colle à moi-même, je sais qu'il faut autre chose que ce mental surexcité qui pompe toute l'énergie connue.

    Il faut un électrochoc.

    J'en ai déjà goûté l'incommensurable puissance.

    Je ne tiens pas à le revivre. Et pourtant ce parfum en moi, cette lumière ineffable, ces murmures au fond de mon âme...Tout ce qui a disparu et dont l'absence m'a laissé si hagard.

    Une autre conscience. Une certitude.

    "Toute notre dignité consiste donc en la pensée" écrivait Pascal.

    J'aimerais immensément perdre cette dignité alors. Ne plus rien écrire, ne plus rien penser puisque cela signifierait que je serais enfin là où je dois être.

    Mon indignité existe aussi à travers mes pensées. L'homme n'a toujours été que le modelage de ses pensées, il a toujours été soumis à cet artisan et s'en est toujours glorifié. Incroyable esclavage qui voit le serf adorer son seigneur. Jusqu'à lui dresser des cathédrales. Le Dieu des hommes n'est qu'une excroissance de leurs pensées. Des pensées au service des hommes pour manipuler les hommes. 

    Et il y aurait là-dedans, dans ce marasme séculaire une conscience grandiose ?

     

    Une fausse route.

    Un rideau qu'on a tous tiré.

    Qu'y a-t-il derrière ?     

     

    Lorsque j'étais entre lemains d'Hélène, elle m'a ouvert la voie.

    "Lâche ton mental, il n'a rien à faire là."

    Ces pensées qui ancraient la douleur dans mon corps mutilé, la souffrance dans mon esprit lacéré, ces pensées à travers lesquelles je cherchais une issue, je devais m'en défaire, je devais les abolir, les exterminer. Elles étaient le mal incarné en moi. La négation de ma dignité d'homme.

    Et la vie a deviné que j'ouvrais la porte, elle s'est engouffrée parce qu'elle a senti que sa conscience en moi avait une place, que ma conscience humaine avait lâché prise, que mes certitudes et mes prétentions avaient rendu l'âme. L'homme n'était plus là. C'était la vie en moi et cette enveloppe n'était rien d'autre qu'une incarnation de l'amour de la vie pour elle-même. Il fallait bien qu'elle trouve un exutoire à ce désir d'osmose, à ce partage universel. Nous ne sommes que des extensions de la vie, pas même la vie elle-même mais des images inhérentes à sa conscience. Et dès lors que nous laissons une place à cette conscience de la vie pour elle-même, nous devenons les êtres aimés qu'elle a toujours souhaité nous voir devenir.

    L'amour humain n'est rien qu'une parcelle infime de cet Amour de la vie pour elle-même, l'amour des herbes pour la terre, l'amour des oiseaux pour le ciel, l'amour des vagues pour l'océan, l'amour des particules dans le maëlstrom des énergies, tout ça n'est qu'une infime parcelle de l'amour de la vie pour elle-même. Nous avons été les seuls à croire que nous pouvions nous en extraire parce que nous étions affligés d'une conscience consciente de ses pensées. Au lieu de faire de cette offrande une bénédiction, nous en avons fait une condamnation. Celle de notre propre enfermement.

     

    Le XXI siècle sera celui du rideau déchiré.

    Il ne sera pas spirituel car là aussi, il ne s'agit que de pensées édulcorées. Il faut passer au-delà du spirituel, cette tournure là est aussi galvaudée que les religions, il y a trop d'écrits, trop de penseurs qui invitent à ne plus penser, je ne veux plus rien lire, je ne veux plus rencontrer aucun penseur au fil de leurs pages, je ne veux personne devant le rideau pour me dire comment le retirer.

    Plutôt crever sur le seuil.

    Lire la suite

  • Pensée et conscience. (spiritualité)

    Extrait : "JUSQU'AU BOUT."

    « Si notre conscience a la possibilité de grandir à l’intérieur de notre espace clos, c’est sans doute que nous ne l’avions pas développée auparavant et qu’il reste de la place. Mais se pourrait-il aussi que cette conscience soit extérieure à nous-mêmes, comme une conscience commune dans l’univers et qu’il s’agisse simplement de la saisir pour l’inviter à occuper notre espace intérieur ? La plupart des hommes vivrait sans conscience, ce qui pourrait expliquer aussi les déviances de l’humanité. A la place de cette conscience universelle jamais rappelée, l’esprit s’emplirait de valeurs intrinsèquement humaines, totalement détachées de la source commune. Et ces valeurs, nombreuses et variées, incessamment renforcées pour le maintien du mensonge, donneraient l’impression à l’humanité entière qu’elle est sur la bonne voie… La manipulation de la masse par la masse elle-même nous a entraînés sur une fausse route. Nous ne sommes pas sur la voie de l’univers. Nous ne sommes plus en expansion avec lui. Nous sommes perdus. »

     

    Ce qui est en nous, cette conscience auto-réfléchie, n'est sans doute qu'une étape. Et par l'admiration que nous lui portons elle agit comme une cellule, un carcan. L'humanité a scellé son âme dans le piédestal hautain de cette conscience adorée. Nous n'étions que sur le chemin et nous avons cru l'ouvrage achevé.

    Cette conscience, de par l'aura que nous lui avons tressée, nous a aveuglés. Comme si le projecteur de notre intérêt et de notre fascination s'était retourné vers nous et nous avait figés comme une bête saisie par une lumière soudaine. 

    Pour quitter ce carcan, pour retrouver l'apaisement de l'obscurité et l'humilité du cheminement, le pas appliqué et aimant du marcheur, il nous faut abandonner l'amour égotique et plonger dans les noirceurs de l'inconscient primaire, celui qui nous unit à la Terre, à la Vie, à la Source. Nulle crainte à avoir, ce ne sont pas des noirceurs voraces, même si l'ego s'y efface. Juste une Conscience tournée vers la Vie et non plus vers notre Moi. Il faut poser un capuchon sur notre conscience d'homo sapiens, comme un étouffoir sur une torche.

    Je ne crois pas en la philosophie dès lors qu'elle est privée de sa dimension spirituelle. Elle n'est qu'au service de l'égo tout puissant, à l'intellectualisation de la conscience.

    Je ne crois pas en la religion car elle est au service de l'aveuglement. Elle a toujours détourné les hommes de la Vie,de la Terre, de la Source. Elle agit pour les hommes au nom d'un Dieu qu'ils façonnent pour leurs intérêts. Elle n'agit pas pour la Vie.

    La spiritualité n'est pas la religion. 

    La spiritualité n'a pas de chemin écrit, aucun sillon à suivre, aucun Maître à adorer, aucun Dieu à vénérer. 

    La Conscience au-delà de la conscience.

    Lorsque l'unité sera faite, lorsque les liens seront établis, lorsque l'osmose sera constante, pas uniquement quelques flashs inattendus, pas simplement ces bouleversements qui nous submergent devant un coucher de soleil, les grands navires de pluie, la mélodie des houles dans la cime des arbres, le sourire d'un enfant, ses petits doigts qui viennent saisir notre main pour l'aider à monter sur un rocher, son rire cristallin devant la danse des vagues, le vol blanc d'un oiseau pélagique sur le fond bleu de l'Océan, tous ces instants d'amour qui ruissellent et pleurent en nous des torrents de bonheur.

    la Conscience de l'Amour. Au-delà de notre enveloppe.   

    Il nous faut sortir de nous-mêmes.

     

    J'en suis à me demander si cette conscience auto-réfléchie qui nous a été donnée n'a pas été détournée de son objectif...Si nous n'avions pas cru voir uniquement en nous un centre lumineux à travers cette conscience mais que nous ayons porté cette faculté vers la Nature, nous aurions pu voir à quel point notre conscience d'homo sapiens ne peut pas être séparée de celle du Monde. Puisque nous sommes dans le Monde tout comme le Monde est en nous, énergétiquement, moléculairement parlant, il ne s'agissait pas d'entrevoir uniquement notre conscience individualisée mais La Conscience, cette osmose absolue, je ne suis pas celui qui est, je ne suis pas celui se cherche, je ne suis même pas celui qui sait ne pas être, tout est bien au-delà de cette simple perception duale, moi et le Monde, c'est là qu'est l'erreur originelle à mon sens. La conscience auto-réfléchie n'était pas qu'une étape, elle était une voie de garage, une impasse et l'humanité est si ancrée désormais dans ce paradigme, renforcée par des siècles de philosophies occidentales, que l'être humain reste enfermé dans cette certitude. La Conscience auto-réfléchie, à l'échelle du Monde, consistait à saisir à travers notre conscience individuelle un échelon bien supérieur, immensément respectueux, une infinie communion. Je suis celui qui a conscience que sa conscience n'est rien dès lors qu'elle se prive elle-même de l'étape suivante.

     

    Que faut-il entreprendre dès lors, comment s'extraire de cette conscience duale, comment retrouver le chemin de la Vie au coeur de nos existences ?

    Les pensées me semblent être un fonctionnement intellectuel surpuissant, une formidable machine à construire des actes, des tourments, des bonheurs, des évolutions disparates ou des régressions ponctuelles, des agissements néfastes et des sauvetages merveilleux, tout ce fatras que nous avons sous les yeux continuellement. Je les vois comme des outils informatiques. Le problème vient de l'identification du programmateur. Est-ce nous, dans une totale objectivité ou un conglomérat de conditionnements archaïques et de manipulations légalisées, des formatages auxquels on s'abandonne par éducation, par mimétisme...Ca peut bien entendu être enthousiasmant, des progrès fulgurants, des avancées indéniables. Dès lors que des milliers de personnes convergent, le courant est puissant et balaie peu à peu les résistances. Lorsqu'on parle de milliards, rien ne résiste.

    Mais qui pense ? Des individus spérarés ou une masse agglomérée et mûe par un élan commun ? Y a-t-il réellement une conscience dans ce mouvement ? Lorsque je lis des ouvrages scientifiques sur l'évolution de l'espèce, je ne parviens pas à percevoir autre chose que ce courant généré par des agitations partagées, des embrasements intellectuels, politiques, culturels, scientifiques, pas des étincelles éparses mais des foyers immenses et la lueur des flammes aveuglent des espaces immenses, se propagent à la vitesse du vent. Qui a lancé la première flammèche ? Savait-il ce qu'il faisait et ce qu'il allait déclencher ? Sans doute en rêvait-il au coeur de son ego. Sans doute espérait-il pouvoir en retirer les bienfaits au-delà de la masse, comme le géniteur génial, le pyromane adoré. Pourquoi ce feu de brindilles a t-il été amplifié, nourri, vénéré par les masses hypnotisées ? Cela répondait-il à un besoin qui ne savait prendre forme, qui avait besoin d'un élément déclencheur, un révélateur, un visionnaire, un précurseur, un prophète... 

    Quelles étaient les intentions profondes de tous les pyromanes de l'Histoire de l'Humanité ?  

     

    Et maintenant, qu'en est-il de la conscience ?   

    Cette conscience a t-elle un autre espace que celui des pensées ou en dépend-elle ? Est-elle une entité purement spirituelle ? Mais si c'est le cas, comment prend-elle forme, où se construit-elle ? Comment se faire une idée d'elle sans passer par les idées développées au coeur des pensées ? L'énigme semble insoluble ou alors c'est que la conscience n'est rien d'autre qu'une pensée plus élaborée, plus complète. Mais en quoi le serait-elle ?

    Si je dis que j'ai conscience de tout ce fatras, est-ce une simple pensée ou le retournement de cette pensée vers son émetteur ? Peut-on se contenter de parler de conscience dès lors que je sais que je pense à mes pensées et que cet état intérieur confère à mes pensées un état de conscience. Ou à moi-même plutôt étant donné que si je cesse de penser, je ne disparais pas pour autant et que j'ai conscience de ne plus penser.

    Tout cela me semble assez insignifiant finalement...

    "Cogito ergo sum."

    Le cogito est initialement exposé en français par Descartes dans le Discours de la méthode (1637):

    « Mais aussitôt après je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi qui le pensais fusse quelque chose; et remarquant que cette vérité, je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. »[1]

     

    Oui, bon, très bien...Je ne dis pas que ça ne sert à rien mais doit-on en rester là ? Métaphysique et tutti quanti.

    Je garde à l'esprit ce passionnant documentaire de Jacques Malaterre, diffusé à mes élèves, en classe. "Le sacre de l'homme." Le titre est très révélateur. L'homme quitte la Préhistoire, il bascule dans son apogée, vers une complète domination de la Nature, celle qui l'entoure et celle qui est en lui.

    Je m'interroge depuis à savoir ce que l'Humanité serait devenue si l'être humain, dans son individualité, ne s'était pas obstiné à se défaire de cette Nature. Bien sûr que sa situation était aléatoire et que beaucoup n'ont pas ouvert les yeux bien longtemps. Mais cette conscience duale n'a-t-elle pas trouvé dans cette lutte constante un envol que l'on peut regretter d'un point de vue spirituel ? Cette conscience auto-réfléchie n'a t-elle pas été qu'un cheminement tout tracé pour un Descartes ou n'importe quel autre philosophe un tant soit peu opiniâtre... Il s'agissait simplement de continuer à avancer dans un paradigme surpuissant. Descartes n'aurait rien découvert mais se serait simplement engouffré dans une voie archaïque, il aurait juste mis en forme et en mots, une pratique millénaire. Il aurait juste peint des paysages depuis bien longtemps explorés.  

    Que se serait-il passé si l'Humanité avait développé une Conscience réfléchie non pas vers elle mais vers la Vie ?

    L'Homme en s'observant penser aurait vu en lui non pas son reflet mais celui de l'Energie commune. Ca n'est pas moi que j'observe mais j'observe la Vie qui m'observe.

     

    Je sais bien que tout cela peut apparaître comme une élucubration de mon mental, une florilèges de pensées, un ego qui se croit libéré.

    Mais il y a mes trois hernies discales, la paralysie, le champ des pensées comme un champ de batailles, une boucherie infinie.

    Et puis ce basculement hors des pensées, dans une conscience sans nom, un état paroxystique totalement spirituel, plus de corps, plus de moi, rien de connu, ni d'identifié. Si ça n'avait été qu'une hallucination, je n'aurais jamais remarché. Tout se serait réinstallé avec la même violence.

    Mais je marche. sans que personne dans le milieu médical ne puisse l'expliquer.

    J'étais dans cet état de celui qui observe la Vie reprendre ses droits. Non pas une conscience auto-réfléchie qui réfléchit sur son propre désastre et s'observe réfléchir mais la Vie en moi qui se réfléchit sur le miroir de ma conscience. Et me nourrit de son Energie.

     

    Extrait.

    "LES EVEILLES"

     

    "La visite chez le médecin du village. Un diagnostic sans appel, il fallait rentrer, passer des examens. Leslie avait conduit. Il était resté allongé, avec cette certitude que la mort l’avait retrouvé, qu’elle avait décidé d’en finir avec lui, qu’il avait laissé passer sa chance, que la vérité intérieure ne s’éveillerait jamais et qu’il devait payer son aveuglement par une condamnation sans appel. La certitude que cette fois il allait succomber. 

     

    Trois hernies discales.

     

    Celle déjà opérée s’était inexplicablement reconstituée, deux autres l’accompagnaient dans une œuvre destructrice, une déliquescence paralysante, une gangrène camouflée, une hargne irréductible. Un tueur à ses trousses depuis tant d’années. Une vie à s’enfuir et cette fois une impasse, plus aucune issue, le tueur est blasé, cette fois, il est là pour finir le travail et prendre un autre contrat. 

    Morphine. Les retrouvailles. Le film relancé comme une boucle infâme qui resserre son étau, le nœud autour de son âme, la vie étranglée, l’air qui commence à manquer et la peur, cette peur ranimée, qui ronge, obsède, tourmente, sans relâche, sans aucune pause, il aurait voulu hurler cette douleur infinie déboulant dans son crâne, dans ses fibres, dans ses cauchemars, dans ses sanglots. Pourquoi ? Pourquoi cet acharnement ? Au-dessus de sa tête la lame tranchante de la guillotine, le filament décharné qui retenait le couperet, il suait de peur, de désespoir, d’incompréhension, ce goût immonde de la mort dans sa bouche, cette puanteur âcre du corps qui pourrit dans la tombe, les noirceurs insondables du néant, il imaginait l’errance éternelle de son âme torturée, l’absence de réponse comme une peine capitale. Il devait comprendre, il y avait forcément une explication. Il le sentait. Comme une main tendue au-dessus de la vase des traumatismes enfouis.

    On lui parlait parfois, la nuit surtout, une voix étrange, délicate, rassurante, elle semblait descendre en lui par un canal indéterminé, une porte inconnue, une brèche infime dans les murs titanesques de ses refoulements morbides.

    « Tu n’es pas un assemblage de pièces qu’il faudrait constituer mais une image morcelée dont tu ne vois pas l’étendue. Ça n’est qu’une question de lucidité.»

     Il n’en disait rien.

     Le chirurgien. Il avait espéré ne jamais le revoir, ne jamais retrouver ce parfum irritant des désinfectants, ces lumières glauques dans les couloirs souterrains, le bloc opératoire comme une salle de torture, la voix mielleuse de l’anesthésiste qui vous dit de vous laisser aller alors que vous ne savez pas si vous allez revenir, la chambre de réveil, l’angoisse des membres paralysés.

     

    « Pour résumer simplement l’opération que j’envisage, je dirais qu’il va falloir vous ouvrir au niveau ventral, sortir en partie les intestins pour accéder à la colonne vertébrale, on visse une plaque après avoir cureté les disques, puis on ouvre au niveau du dos pour aller placer une plaque identique et on boulonne les deux. Comme vous n’aurez plus de disques vertébraux, ce système va bloquer la colonne et vous protègera définitivement. Trois heures d’opération devraient suffire.»

     

    L’envie furieuse de se lever du brancard et de s’enfuir en courant, cet homme était fou, il le prenait pour une marionnette qu’on éventre, qu’on scelle dans des étaux et qu’on recoud avant de la rejeter à la rue, il n’avait vu dans la proposition qu’une expérience intéressante pour l’homme en blanc, dans ses yeux pétillants le plaisir pervers de tenir un cobaye.

    Il avait dit à Leslie de le sortir de cette cage immonde, ils étaient rentrés et le calvaire avait duré.

    Des jours et des nuits de tortures incompressibles, des torsions de muscles irradiés, des nerfs lacérés, son corps qui maigrit, se décharne, disparaît dans la fange vorace des cauchemars éveillés, son esprit aimanté par l’écrin de la tombe, cet ultime refuge, cette paix acquise qui le tentait, les vers grouillant dans son corps éteint le terrorisaient moins que ces décharges électriques vrillant ses fibres, une guerre sans merci, un champ de bataille, seul au milieu d’une terre ravagée, des assauts incessants, la fureur des combats, les crampes comme des barbelés arrachant les chairs, tenir, résister, s’enfouir sous les draps comme au fond d’un trou, ces éclats d’obus qui le déchiraient, ces spasmes, ces sursauts à chaque blessure, la guerre en lui, son corps envahi, impossible de fuir.

    Il était son propre ennemi.   

     

    La détresse de Leslie. Cette absence de solution devait la détruire autant qu’elle le rongeait de l’intérieur, ses traits tendus, la peur dans ses yeux, des paroles gênées comme si la douleur créait une distance, elle ne savait plus quoi dire.

     

    Il étouffe.

    Une immense goulée d’air.

    Il s’assoit sur le grain rugueux d’une pierre ronde.

    Il aurait pu tout perdre. Il est passé si près. Cette boîte de morphine qu’il a tournée dans ses mains pendant des heures ... Vingt comprimés et le calvaire aurait pris fin. Il sait que la douleur l’avait enfermé dans un cachot sépulcral, que le couvercle de la tombe menaçait de tomber à chaque battement de son cœur, que son écoeurement de la vie aurait pu l’emporter.

     

    Il pleure et les paysages fragmentés par les larmes embuant ses rétines sont des kaléidoscopes féeriques qui le ravissent, tout cet amour coulant de l’Univers, toute cette vie qui l’entoure, toute cette vie qui l’anime, cette connivence qu’il a découverte, il aurait pu tout perdre mais cette vibration insoumise qu’il percevait parfois, noyau vital résistant aux assauts incessants de la douleur barbare, cette palpitation comme un cœur d’étoile, il ne pouvait l’abandonner, il était impossible de l’ignorer, de la laisser couler dans le néant putride de la mort souveraine. Quand Leslie, le matin, ouvrait les volets et qu’il découvrait le ciel du fond de son lit, il pleurait les espaces perdus. Mais cette simple fissure dans le mur compact de ses souffrances érigées suffisait à insuffler le germe d’un sursis, l’esquisse d’un bourgeon de vie et les heures de tourmente, les tortures ressassées ne ravageaient jamais complètement cette terre fertile, cet espace d’amour qui le sauvait.

    L’amour. Il sait ce qu’il lui doit. L’amour pour Leslie, l’amour pour les enfants, l’amour pour la Terre, l’amour pour ses parents.

    Ses parents. Ils avaient déjà tellement souffert. Il les imaginait rongés de détresse à mille kilomètres de son supplice, ce désespoir dans leurs voix éteintes lorsqu’ils appelaient au téléphone, cet abattement gorgé de larmes, cette incompréhension désespérante devant cet acharnement de la vie à violenter leur amour parental. Ils avaient déjà tellement souffert. Leur deuxième fils en sursis. Leslie tentait de les rassurer.

     

    Les nuits sans sommeil, quelques cessez-le-feu épisodiques, l’observation inquiète des horizons éteints, les embrasements suspendus, les odeurs âcres des sueurs, des morves séchées, des peaux talées, les cheveux collés … Juste un répit. Il tentait de récupérer, se laisser porter par l’épuisement, flotter entre la surface lumineuse et les fonds obscurs, les yeux clos, le corps immobile, essayer de relâcher les résistances, les nœuds enflammés par les heures de lutte, respirer profondément et que l’air absorbé liquéfie les crampes, emporte les acides, purifie les tranchées ravinées, les artères souillées, les muscles brisés, arracher de son corps la boue solidifiée des douleurs.

    Remonter à la source du conflit, identifier les forces en présence, analyser les raisons du désastre. Comprendre, chercher une issue, ailleurs que dans les réseaux médicaux, on voulait l’éventrer, en période de guerre, les chirurgiens ne font pas de détails.

    Il était en guerre.

     

    « A 50%, le risque c’est le fauteuil roulant, à 25% la paralysie de la jambe gauche, il reste 25% de chances que l’opération réussisse. »

    Leslie lui avait fait part de ce commentaire du chirurgien dans le couloir, il ne considérait finalement que l’opération et pas l’individu, le geste chirurgical était évalué en pourcentage. Pas la vie de l’homme.

    Il n’irait pas.

    Plutôt mourir. 

     

    Le rêve. Une voix qui lui parle. Au cœur d’un halo bleuté.

    « Ce que tu vois n’est pas la vérité. Ca n’est qu’une image. Ton âme sait où elle va. »

     Il n’en parlait pas.

    Peut-être la morphine et pourtant cet amour ineffable, incommensurable. La lumière l’aimait, des auras bleues qui dansaient devant ses yeux émerveillés. La notice du médicament, les effets secondaires, une liste redoutable mais pas d’hallucinations. Une incompréhension totale. Habituellement, ses rêves disparaissaient au réveil. Rien, aucun souvenir. Celui-là perdurait et l’enlaçait de douceur. Comme un baume d’amour.

    Une caresse d’ange.

     

     

    Et puis.

    L’apparition d’Hélène.

    Un conseil d’une amie, une médium magnétiseuse, Leslie avait pris rendez-vous. Il avait étouffé les douleurs en triplant les doses de morphine. Se lever, marcher en traînant la jambe gauche, elle ne réagissait plus. Elle l’avait soutenu jusqu’à la voiture. Plus rien à perdre.

    Une petite maison dans la montagne, un jardin très soigné, des volets et un portail violets.

    Hélène en haut de l’escalier. Ce premier regard. Inoubliable. Tellement de force et tellement d’amour. Elle avait demandé à Leslie de les laisser. Elle lui téléphonerait quand ça serait fini. Il s’était effondré sur une banquette moelleuse. Les effets de la morphine qui s’estompaient, la terreur des douleurs à venir, tous ces efforts qu’il allait devoir payer. Une petite pièce lambrissée, aménagée pour la clientèle, des bougies parfumées, quelques livres. Ils avaient discuté, quelques minutes, tant qu’il pouvait retenir ses larmes puis elle l’avait aidé à se déshabiller.

     

    « Je vais te masser pour commencer. Tu as besoin d’énergie. »

     

    Il s’était allongé en slip sur une table de kiné.

    Les mains d’Hélène. Une telle chaleur.

    Elle parlait sans cesse. D’elle, de ses expériences, de ses patients, elle l’interrogeait aussi puis elle reprenait ses anecdotes, des instants de vie.

     

    « Tu veux te faire opérer ?

    - Non.

    - Alors, il faut que tu lâches tout ce que tu portes. »

     

    Il n’avait pas compris.

    Elle avait repris son monologue, son enfance, ses clients, ses enfants, son mari, son auberge autrefois, maintenant la retraite, quelques voyages. Et tous ces clients. De France, de Suisse, de Belgique, de la Réunion … Elle n’avait rien cherché de ses talents. Ils étaient apparus lorsqu’elle avait huit ans, une totale incompréhension, des auras qui lui faisaient peur et puis elle avait fini par comprendre, nourrie par des révélations incessantes descendues en elle comme dans un puits ouvert.

     

    Des auras … Les rêves qui habitaient ses nuits. Interrogations. Lui aussi ?

     

    Les mains d’Hélène, sa voix, la chaleur dans son corps, ce ruissellement calorique.  L’abandon, l’impression de sombrer, aucune peur, une confiance absolue, un tel bien-être, des nœuds qui se délient, son dos qui se libère, comme des bulles de douleurs qui éclatent et s’évaporent, une chaleur délicieuse, des déversements purificateurs, un nettoyage intérieur, l’arrachement des souffrances enkystées, l’effacement des mémoires corporelles, les tensions qui succombent sous les massages appliqués et la voix d’Hélène.

     

    « Tu sais que tu n’es pas seul ?

    - Oui, je sais, tu es là.

    - Non, je ne parle pas de moi. Il y a quelqu’un d’autre. Quelqu’un que tu portes et tu en as plein le dos. Il va falloir que tu le libères. Lui aussi, il souffre. Vous êtes enchaînés.»

     

    Il n’avait pas encore parlé de Christian.

     

    Les mains d’Hélène, comme des transmetteurs, une vie insérée, les mots comme dans une caisse de résonance, des rebonds infinis dans l’antre insondable de son esprit, une évidence qui s’impose comme une source révélée, l’épuration de l’eau troublée, les mots comme des nettoyeurs, une sensation d’énergie retrouvée, très profonde, aucun désir physique mais une clairvoyance lumineuse, l’impression d’ouvrir les yeux, à l’intérieur, la voix qui s’efface, un éloignement vers des horizons flamboyants, il vole, il n’a plus de masse, enfin libéré, enfin soulagé, effacement des douleurs,  un bain de jouvence, un espace inconnu, comme une bulle d’apesanteur, un vide émotionnel, une autre dimension, les mains d’Hélène qui disparaissent, comme avalées doucement par le néant de son corps, il flotte sans savoir ce qu’il est, une vapeur, plus de contact, plus de pression, même sa joue sur le coussin, tout a disparu, il n’entend plus rien, il ne retrouve même pas le battement dans sa poitrine, une appréhension qui s’évanouit, l’abandon, l’acceptation de tout dans ce rien où il se disperse, le silence, un silence inconnu, pas une absence de bruit mais une absence de tout, plus de peur, plus de douleur, plus de mort, plus de temps, plus d’espace, aucune pensée et pourtant cette conscience qui navigue, cet esprit qui surnage, comme le dernier élément, l’ultime molécule vivante, la vibration ultime, la vie, il ne sait plus ce qu’il est, une voix en lui ou lui-même cette voix, la réalité n’est pas de ce monde, il est ailleurs, il ne sait plus rien, un océan blanc dans lequel il flotte mais il n’est rien ou peut-être cet océan et la voix est la rumeur de la houle, l’impression d’un placenta, il n’est qu’une cellule, oui c’est ça, la première cellule, le premier instant, cette unité de temps pendant laquelle la vie s’est unifiée, condensée, un courant, une énergie, un fluide, un rayonnement, une vision macroscopique au cœur de l’unité la plus infime, des molécules qui dansent.

    Où est-il ?

    Fin du Temps, même le présent, comme une illusion envolée, un mental dissous dans l’apesanteur, ce noir lumineux, pétillant, cette brillance éteinte comme un univers en attente, concentration d’énergie si intense qu’elle embrase le fond d’Univers qui l’aspire, la vitesse blanche, la fixité noire, la vitesse blanche, la fixité noire, le Temps englouti dans un néant chargé de vie, une vie qui ruisselle dans ses fibres, des pléiades d’étoiles qui cascadent, des myriades d’étincelles comme des galaxies nourricières dans son sang qui pétille.

     

     

    Il est sorti en marchant.

    Que s’est-il passé ?

    Aucune réponse.

    Il ne sait rien."     

     

      

     

    Je ne sais toujours rien, ou pas grand-chose.

    Je cherche. Mais je sais qu'il y a quelque chose d'essentiel derrière tout ça. Impossible que ça ne me soit donné pour rien, pas pour ma petite vie, pas juste cet individu errant comme un pauvre hère.

    Qu'y a t-il derrière le rideau ?

  • Nomades.

    "La vie dans un tipi est bien meilleure. Il est toujours propre, chaud en hiver, frais en été, et facile à déplacer. L'homme blanc construit une grande maison, qui coûte beaucoup d'argent, ressemble à une grande cage, ne laisse pas entrer le soleil, et ne peut être déplacée; elle est toujours malsaine. Les Indiens et les animaux savent mieux vivre que l'homme blanc. Personne ne peut être en bonne santé sans avoir en permanence de l'air frais, du soleil, de la bonne eau. Si le Grand Esprit avait voulu que les hommes restassent à un endroit, il aurait fait le monde immobile; mais il a fait qu'il change toujours, afin que les oiseaux et les animaux puissent se déplacer et trouver toujours de l'herbe verte et des baies mures.

    L'homme blanc n'obéit pas au Grand Esprit. C'est pourquoi nous ne pouvons être d'accord avec lui."

    Flying Hawk, chef Sioux du clan des Oglalas

     
    "Les vastes plaines ouvertes, les belles collines et les eaux qui serpentent en méandres compliqués n'étaient pas « sauvages » à nos yeux. Seul l'homme blanc trouvait la nature sauvage, et pour lui seul la terre était « infestée » d'animaux « sauvages » et de peuplades « sauvages ». A nous, la terre paraissait douce, et nous vivions comblés des bienfaits du Grand Mystère. Elle ne nous devint hostile qu'à l'arrivée de l'homme barbu de l'Est qui nous accable d'injustices insensées et brutales."

    Standing Bear, chef Lakota (Sioux)

     
    "Notre terre vaut mieux que de l'argent. Elle sera toujours là. Elle ne périra pas, même dans les flammes d'un feu. Aussi longtemps que le soleil brillera et que l'eau coulera, cette terre sera ici pour donner vie aux hommes et aux animaux. Nous ne pouvons vendre la vie des hommes et des animaux. C'est pourquoi nous ne pouvons vendre cette terre. Elle fut placée ici par le Grand Esprit et nous ne pouvons la vendre parce qu'elle ne nous appartient pas."

    Chef indien Blackfeet (Pieds-Noirs)

     

    J'ai regardé avec mes élèves les deux documentaires de Jacques Malaterre : "L'odyssée de l'espèce" et "Le sacre de l"homme."

    Remarquable travail.

    J'ai été frappé par deux idées très opposées et très bien décrites. Le nomadisme et la sédentarisation.

    Les malheurs qui frappaient parfois ces nomades, dans l'évolution du groupe humain, ont conduit les hommes à se fixer. On en connaît toutes les raisons : agriculture, élevage, troc puis commerce, confort, richesse etc...

    Le parallèle entre cette fixation dans l'espace m'a frappé au regard de la fixation de l'évolution spirituelle. Une partie du documentaire se déroule 3000 ans av JC et les conflits, les jalousies, la soif de pouvoir, les manigances, les dérives, la violence, les guerres, tout est déjà en place...Qu'avons-nous réglé aujourd'hui ? C'est là qu'a jailli cette idée que la sédentarisation de l'espèce a contribué à l'arrêt dans l'évolution spirituelle. On me dira que ça va mieux tout de même...Ah, c'est sûr, on ne s'entretue plus à coups d'épées ou de haches, on ne tue pas quelques dizaines ou centaines d'hommes. On jette une bombe H et on pulvérise 200 000 personnes. Belle évolution. Et quand on n'utilise pas les armes de destruction massive, on prend des chars d'assaut ou des Uzis. Ou on manipule les masses pour créer des armées d'ennemis dont il faut se protéger en créant le "Patriotic act" par exemple. Big brother en réel. La peur fomente des guerres imaginaires dont il faut se défendre et on fabrique des boucliers anti missiles qui vont coûter des centaines de milliards et qu'on lèguera aux générations futures...  

    Que serait devenue cette humanité si nous étions restés nomades ?

    Les Amérindiens avaient trouvé la voie. L'Occident les a exterminés. Qui exterminera l'Occident ? Lui-même peut-être. Je ne peux pas croire que tout va continuer dans cette voie. Il doit se passer un changement catégorique, total, absolu. C'est une nécessité. Pas un choix.

    J'imagine une Terre peuplée de quelques groupes nomades : Inuits, Tchouktches, Sames, Aborigènes, Sioux, Bushmens, Touaregs, etc...

     

    Un très beau donnsier ici : 

    http://www.routard.com/mag_dossiers/id_dm/35/nomades_et_nomadisme.htm

     

    Une autre façon de vivre sur la Terre et de lui permettre de vivre. 

    Une autre évolution spirituelle aussi. Pas figée celle-ci.

      

     

     

    Lire la suite

  • Darshan

    Un élément important de la pensée indienne est la notion de Darshan, cette idée que la personne "illuminée, l'être éveillé" peut communiquer à d'autres la saveur de l'illumination. Une parole, parfois un simple contact, un enseignement le plus souvent.

    Admettons que ça soit le cas.

    Est-ce un cheminement favorable sur le long terme, existentiellement parlant. Il n'y a rien de construit par le récepteur. Cette Illumination sera-t-elle durable ?

    On peut supposer que l'émetteur ou l'Eveillé ait choisi ce récepteur en fonction d'un cheminement déjà avancé et qu'il ne s'agit pas d'un hasard inconséquent juste destiné à le valoriser au regard des masses. On peut supposer que cet individu touché par l'Eveil le méritait de par son travail sur lui-même et que rien n'aurait été possible sans cette lucidité acquise.

    Oui, mais ne s'agit-il pas pour autant d'un vol ? Le vol d'un cheminement à finir, le vol d'une liberté à construire et non à saisir au vol...

    Je n'aime pas l'idée de ce Darshan, rien à faire, je n'y vois pas autre chose que cette main mise d'un individu sur un autre. Qu'une histoire de pouvoir. 

    "Tu me seras redevable de ton Eveil, je l'ai fait pour toi parce que je savais que tu n'y parviendrais pas. "

     

    Et bien, je n'en veux pas. Je préfère qu'on me laisse enfermé en moi-même et me débattre avec moi-même, j'aime cet orgueil qui me nourrit au coeur de l'humilité qui me fait refuser un don que je ne mérite pas.

    Sans doute aussi que je ne tiens pas à devoir quoique ce soit des hommes, d'aucun homme. Ou femme. Parce que ce devoir est un fardeau. Je l'ai assez éprouvé comme ça.  

    Et puis la Nature est à mes yeux, la seule source de Darshan possible. C'est là que j'ai connu les plus beaux embrasements, les plus puissants. Même celui de l'amour que j'ai pour la femme que j'aime, c'est au coeur de la Nature qu'il a eu lieu. Comme un retour aux sources. Tout ce que j'ai vécu de plus beau, c'est à la Nature que je le dois. Jusqu'à la naissance de mes enfants. On l'oublie trop facilement. On ne voit qu'un amour humain alors que derrière toute cette agitation, il y a une intention, une force, une énergie. Nous sommes les enfants de cette Nature. Et nous lui devons les Darshan qui ponctuent parfois nos existences.

    Ce que j'aime dans la femme que j'aime, c'est sa façon d'aimer la vie. C'est son amour pour la vie qui nourrit mon amour pour elle, c'est cette communion d'âmes au coeur de la Nature en nous, au coeur de la vie en nous, au coeur du divin en nous.

     

    DEUS SIVE NATURA : Dieu ou la nature

    Cette célèbre expression de Spinoza saisit en trois mots l'un des points essentiels de la pensée de l'auteur : la conception

    d'une divinité immanente et faisant un avec la nature. Il y a pour Spinoza unité de substance, ayant tous les attributs et non pas dualité.

     

    C'est là qu'est le Darshan.

    Lire la suite

  • Les désirs de l'ego

    L’identité investie dans les désirs

        Nous avons vu que les désirs de l’ego se situent tous dans le même registre : celui de la considération ou de l’enflure personnelle. Dans la fable de La Fontaine La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf, la grenouille représente symboliquement l’ego qui cherche à s’enfler démesurément… Jusqu’à en éclater. cf. Fables. L’ego qui désire cherche à se faire valoir et il investit dans l’objet du désir la valeur de l’identité qui est la sienne. De là suit que l’ego ne s’intéresse pas réellement aux choses elles-mêmes, à ce qu’elles ont d’unique, à leur beauté ou à ce qu’elles ont de vivant. Ce qui compte pour l’ego ce ne sont pas les choses, mais l’objet pour autant qu’il symbolise un pouvoir capable de renforcer l’identité. Contrairement à ce que nous pourrions croire, les désirs de l’ego sont très abstraits : l’objet n’est désirable et n’a de valeur que parce qu’il est le support d’un accroissement personnel. C’est l’étiquette d’un concept apposée à l’objet qui lui donne son prix élevé. Le monde paraît rempli de choses désirables parce que l’ego se cherche lui-même parmi les objets. « Avec une plus grosse voiture, je me sentirais plus « moi ». Avec un poste à une plus haute fonction, je serais enfin moi, je serais complet, je me sentirais gonflé d’importance, mon sens du « moi » serait flatté. Avec plus d’argent, je me sentirais « spécial » et plus important que tout le monde. Avec un plus haut diplôme, « moi » se sentirait remplit d’aise etc. » Ce n’est pas ce qui est désiré qui importe, c’est le fait que le sens du moi soit investi dans l’objet. C'est une distinction très importante.

    Nous pouvons donc comprendre le sens de la multiplicité des désirs. L’ego est à tout jamais incomplet, car il manque de substance ontologique. Il voudrait se conférer une existence séparée, mais il n’y a pas d’existence séparée et toute existence prend son appui dans l’Etre. Il voudrait nous persuader qu’il est la personne, mais ce n’est qu’une fiction personnelle tissée par la pensée. Il voudrait nous faire croire qu’il est bien quelque chose, mais dès que nous cherchons à l’attraper, nous ne trouvons rien. Impossible de clouer le papillon dans une boîte et de l’exhiber : « c’est moi » ! Et pourtant, depuis l’enfance, nous avons appris à nous façonner un « moi » et tenté de le rendre substantiel par toutes sortes d’artifices. « Ceci est à moi, ce n’est pas à toi ». A la base du désir, (le mot pris au singulier), il y a la soif de devenir de l’ego, l’aspiration à croître d’avantage, à s’auto-confirmer en se posant comme « moi ». Le désir de « devenir plus » se multiplie ensuite en autant d’objets sur lesquels il est possible de rapporter un investissement sur identité. Pour celui qui met son identité dans la voiture, la voiture c’est « un peu de moi », c’est même beaucoup de moi. Il ne faudrait surtout pas y toucher, car ce qu’elle est au regard de l’ego, ce n’est pas une machine à usage de déplacement. Non, c’est une composante d’identité personnelle. Il conviendra donc de la montrer. Elle joue le rôle, dans un transfert d’identification, (texte) d’un faire-valoir de l’ego. Si jamais elle venait à être détruite - ce qui est le cas de toutes les formes dans le monde relatif – ce serait un drame personnel. Un déchirement du moi à travers un de ses attachements. Dès l’instant où le sens du moi est investi dans quelque chose, ou dans quelqu’un, il y a souffrance et  la séparation impose de faire son deuil. (…) L’empire de l’ego ne s’exerce que sur l’avoir et non sur l’Etre, ce qu’il cherche en permanence à faire accroire, c’est que plus il possède, plus il gagne de l’être. Ce qui est une illusion. Cette illusion, nous l’avons déjà rencontrée dans l’amour-passion (texte) quand nous disions que celui qui en est l’objet devient le portemanteau des désirs de l’ego.

    De là résulte que les désirs de l’ego ne peuvent apparaître que dans un processus de comparaison et qu’ils sont indissociables d’autrui. Le moi se sent augmenté, si « j’ai plus que ». "Avoir plus" me distingue et me fait valoir. Si je peux me prouver à moi-même que je me distingue des autres, je me sens quelqu’un de « spécial », je me confirme comme ayant une réalité séparée et si je peux exhiber que je vaux davantage qu’un autre, alors là, c’est le bouquet ! Le moi ne se sent plus, il est rempli d’aise ! La comparaison constante stimule l’ego sous la forme d’émulation personnelle. Bref, il s’agit d’en mettre plein la vue, de manière à ce que tout ce qui est « mien » devienne une démonstration de ma valeur personnelle. Il est donc logique que le moi désire en tout premier lieu ce qui a une importance aux yeux du monde. Un objet qui n’aurait pas d’importance aux yeux du monde ne servirait pas les fins de l’ego. Le sannyasi qui jette à la rivière la pépite d’or qu’un homme vient de trouver fait un geste incompréhensible aux yeux du monde. Scandale, il rejette le suprêmement désirable dans l’illusion ! Il est dans le monde, mais il n’est pas du monde. Dans une moindre mesure, de la même manière, si vous dites que vous ne regardez jamais la télévision, on vous considère comme une sorte d’extra-terrestre. Comment quelqu’un peut-il ne pas regarder la télévision ? C’est la vitrine de tous les désirs de l’ego. C’est la machine hypnotique qui permet de réassurer sans cesse les désirs de l’ego.

        D’où l’importance relevée par René Girard du désir mimétique. De là vient aussi la stratégie constante sur laquelle surfe la publicité. Le désir mimétique se situe entièrement sur un plan symbolique. Vouloir aimer comme Roméo et Juliette, c’est s’identifier à un fantasme magnifique qui donne une importance au moi. « Je serai ton Roméo, tu seras ma Juliette » ! L’image mythique est un faire-valoir symbolique qui magnifie le moi. Enlevez l’image et ne considérez que des être humains, et c’en est fini des désirs de l’ego. L’image est le support de l’identification. De même, les publicitaires l’ont très bien compris, plus on suggère un investissement d’identité dans un objet et plus il devient désirable. « … parce que vous le valez bien » !!  Comme c’est gentil, ces petits soins à l’égard du moi !!! Posséder le même portable que la copine, c’est valoir autant qu’elle. En avoir un qui soit du dernier cri, c’est valoir… plus qu’elle !!! »

    

    Source : http://sergecar.perso.neuf.fr/cours/desir_ego.htm

    Ce qui est effrayant, c'est qu'au regard de l'odyssée de notre espèce, ce fonctionnement remonte à des temps immensément lointains...

    On peut se demander si une autre voie, d'autres schémas mentaux prendront forme un jour.

  • Changer.

    Est-ce qu'il est fou de vouloir changer les choses ?

    Changer quelles choses ?

    Ce qui me concerne ou ce qui concerne le monde ?

    S'il s'agit de moi, encore faut-il que je réussisse à établir un état des lieux complet et non juste un regard furtif qui peut n'être que la résultante de mes émotions et non la réalité. S'il s'agit du monde en général, encore convient-il d'établir clairement la finalité de ce changement ? Est-ce qu'il n'est qu'un désir personnel pour valoriser ce que je suis ou est-ce que cette finalité a une portée générale ? En quoi ce changement est-il nécessaire ? Est-ce que c'est une volonté égotique ou un besoin essentiel ? Si je parviens à éclairer dans son ensemble le problème et que la nécessité de ce changement apparaît, pour le bien de l'humanité et non pour une reconnaissance personnelle, il me reste à cerner la méthode et à me fixer des objectifs réalisables afin de ne pas me détruire dans cette tâche. Ca fait 28 ans que je travaille comme instituteur. J'ai décidé de faire ce métier quand j'étais au CM2. Je n'ai jamais changé d'avis. La priorité pour moi, c'était de donner à mes élèves le même amour que celui que nous donnait cet instuteur de CM2 que j'ai eu.

     Est-ce que ce désir de donner cet amour tout en amenant des enfants à une connaissance de soi et du monde était un objectif légitime ?

    Oui.

    Est-ce que c'était nécessaire au regard de ce que vivent une partie des enfants?

    Oui.

    Est-ce que j'avais les moyens de mener à bien cette "mission" sans m'y épuiser ou courir droit à l'échec ?

    Oui.

    Est-ce que j'étais capable de faire ça dans le sens du don et non uniquement pour mon égo ?

    Oui.

    Est-ce qu'après ces 28 années, je peux considérer de façon objective que j'ai apporté à mes élèves ce que je voulais leur donner ?

    Oui.

    Est-ce que c'était une folie ?

    Non.

    Lire la suite