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Le désir de l'école.
- Par Thierry LEDRU
- Le 11/12/2010
- 0 commentaire
"Mais moi, l'école, ça ne me manque pas du tout. Et je ne la désire pas."
Inutile de préciser que cette phrase lancée par un élève me tourneboule depuis deux jours.
S'il n'y a pas de manque, il ne peut y avoir de désir. Mais pourquoi ce manque ne s'éveille-t-il pas ?
Je ne garde que la conclusion d'un long échange avec les enfants. Une idée principale qui est ressortie de façon générale.
Le plus difficile avec l'école, c'est de n'être jamais autorisé à profiter du présent...
Dès qu'un apprentissage est fini, un autre commence.
Dès qu'une leçon est apprise, une autre arrive.
Dès qu'un contrôle est passé, un autre se prépare.
Dès qu'une année est finie, une autre se présente.
Il n'y a pas de présent dans cette course en avant, ce qui revient à priver l'enfant de la satisfaction. D'autant plus qu'il n'y avait pas en lui de manque ni par conséquent de désir. L'école n'est qu'un labeur constant qui n'autorise que subrepticement le contentement. La pression revient immanquablement à la charge.
On voit dès lors l'importance du Maître. Il est le seul à pouvoir déclencher ce manque essentiel. Qu'un désir s'éveille, que le labeur devienne plaisir, que l'énergie ne soit pas constamment projetée vers l'avenir mais dans la jouissance de l'instant, dans le bonheur d'apprendre, sans qu'aucune sanction ne vienne salir ce bonheur.
On voit dès lors l'incongruité du systéme. Des notes, des contrôles, des bulletins, des appréciations, des sanctions arbitraires, des jugements subjectifs, tous les "Peut mieux faire" qui rappellent que la vie est à venir, que le futur est un présent insaisissable, qu'il faut travailler encore et encore pour s'approcher de ce fameux seuil de réussite cher au système.
"Tu seras un Homme mon fils," disait Kipling.
-Est-ce que ça donne le droit au système de m'arracher à ma vie d'enfant ?"
L'enfant est là. Et pas dans cet avenir d'adulte.
Ce sytème révèle avant tout l'incapacité des adultes à générer en l'enfant la conscience d'un manque de connaissances, un désir d'apprendre, une énergie à utiliser pour être celui qui sait et en profite et non, uniquement, celui qui doit savoir, le regard fixé vers l'horizon à atteindre.
On en revient à cet épouvantable espoir que l'on martèle dans des esprits malléables. Cette idée que la vie est à venir, qu'il faut gagner sa vie, qu'il faut préparer sa retraite, qu'il faut réserver son caveau. Jusqu'à en oublier d'être là.
L'école en devient finalement un apprentissage de toutes les dérives spirituelles de l'individu.
Ca me mine au plus profond.
Pour ma part, je pense que le mal est fait à l'école primaire, qu'il est renforcé par le collège et trouve son aboutissement au lycée. C'est une oeuvre de désintégration de l'individu.
Comment des parents pourraient-ils s'investir dans le respect de l'école quand ils ont eux-mêmes été démolis par cette école, qu'ils le sont encore par le jugement inique des enseignants? Il faut arrêter de dire que les parents n'éduquent pas leurs enfants. Aucun parent n'est satisfait de la révolte et de l'échec scolaire de leurs enfants. Eux aussi, ils en souffrent. Et de toute façon, mettre les parents au pilori ne les incitera jamais à soutenir les professeurs.
Celui qui est condamné ne sera jamais le soutien de ses juges. Que l'école reconnaisse ses erreurs serait déjà un pas immense, qu'elle reconnaisse qu'elle n'est plus un sanctuaire mais un tribunal, qu'elle admette qu'elle doit revoir à la base même son fonctionnement, que les enseignants apprennent à vivre avec les jeunes et non "contre" les jeunes.
C'est la motivation le moteur et non la peur de la sanction. Il n'y a aucune sanction à donner quand on travaille en osmose. C'est un accompagnement et non un rapport de force.
Je n'ai plus confiance dans la majorité des enseignants. Ils sont bien plus responsables de la situation que les familles elles-mêmes. Le rejet du problème sur les autres est une pratique ancestrale. Ca n'a jamais rien changé. Lorsque des parent sont obligés d'aller chercher de l'aide en dehors de l'institution, c'est que celle-ci n'assure plus sa mission. Quant aux parents d'élèves, ils sont déjà tellement assommés par la vie quotidienne qu'ils se contentent bien souvent de faire le dos rond.
Il ne s'agit plus de changer de techniques d'apprentissage, de calendrier scolaire, de formation des professeurs mais bien d'établir QUI mérite d'entrer dans cette fonction ? C'est au départ que ça se joue. Mais pour établir quels sont les critères de sélection des futurs enseignants, encore faut-il que le projet éducatif soit entièrement reconstruit. Et ça, personne ne le veut.Le fait par exemple que les enseignants soient recrutés avec un master est un non sens absolu étant donné qu'on va chercher les enseignants parmi ceux qui ont supporté le système...Et qui ont oublié depuis longtemps leur propre parcours à l'école primaire. Recruter après le BAC était bien plus favorable...Et largement suffisant, techniquement, pour enseigner à de jeunes enfants. Une formation dans la psychologie de l'enfance me semble être un critère essentiel aujourd'hui. Au lieu de cela on retrouve des adultes ayant passé un master en SVT, histoire, Anglais, mathématiques, lettres modernes, architecture byzantine ou reproduction des mouches drosophiles......Où est l'intérêt ? Est-ce que ces gens se sont interrogés sur l'importance spirituelle de ce métier, sur le développement de l'enfant, sur l'accompagnement indispensable et non l'élaboration de critères sélectifs ? On nous demande de faire des évaluations alors qu'on ne connaît même pas les enfants qu'on évalue...On ne connaît que leur capacité à entrer dans un cadre restrictif.La complexification artificielle des méthodes du primaire est une absurdité. Ca n'a rien de compliqué d'apprendre à lire, à compter. Ca n'est pas la technique qui importe mais l'énergie, l'amour, la patience, l'attention, l'empathie qu'on y met. Ca ne sert à rien de faire de la linguistique avant, absolument à rien. Comme ça ne sert à rien de faire des maths en fac pour aller apprendre la multiplication. C'est comme si on demandait à un bûcheron de savoir faire un meuble Louis XVI avant de tronçonner un chêne.
C'est la formation de "l'individu-enseignant" qu'il faut entièrement reprendre, le contenant et pas le contenu.
Le haut niveau d'étude éloigne l'individu de la sphère enfantine. Dès lors, il agit comme un technicien certain de ses compétences intellectuelles au lieu d'être un individu aimant et sensible à cette sphère enfantine. L'essentiel dans un apprentissage est de comprendre le fonctionnement de l'enfant au lieu de vouloir le faire entrer dans un fonctionnemendt d'adulte. Etre l'enfant au lieu d'être un technicien. Entrer dans sa sphère au lieu de chercher à le faire entrer dans un espace hermétique pour lui. L'enseignant qui comprend l'enfant l'amène à se comprendre lui-même. Dès lors, il ne s'agit pas d'être enfermé dans un fonctionnement stéréotypé mais de briser en soi ce carcan de certitudes. Plus on croit savoir et moins on est apte à apprendre. Apprendre pour soi comme apprendre aux autres. Il faut se vider de soi pour devenir "l'enfant" et l'amener en tant que compagnon de cordée à avancer. Il n'y a pas le maître et loin derrière lui un groupe d'enfants épuisés mais un ensemble homogène avançant conjointement vers un but.Le maître qui fait la trace en oubliant la réalité du groupe affaiblit la classe entière parce qu'elle n'existe pas. Elle n'est plus qu'un ensemble de techniques privée de sa condition humaine.Le bonheur de suivre un Guide de Hautes Montagnes, c'est de se servir des connaissances qu'il dispense pour apprécier encore davantage la beauté des lieux et de se sentir soi-même en "croissance", en progrès, en marche et non à l'arrêt ou même en marche arrière. S'il n'y a pas de la part du Guide le moindre amour envers ses "clients", la moindre bienveillance, le respect le plus profond, malgré les faiblesses, les peurs, les incertitudes ou l'inconscience, alors, il n'y a pas de cordées. Il n'y a que des individus qui cherchent à sortir de cette situation le plus vite possible... -
Débat-philo : Le désir puis le manque.
- Par Thierry LEDRU
- Le 09/12/2010
- 3 commentaires
Nous avons repris la réflexion en classe aujourd'hui. Le désir, le manque, le besoin.
Une élève avait une chaufferette et la montrait à ses amis. Tout le monde voulait la prendre et sentir la chaleur.
"Est-ce que tu avais besoin de cette chaufferette Alexia ?
- Ben oui, pour avoir chaud aux mains.
-Mais tu as des gants non ?
-Oui mais ça c'est bien aussi.
-Ah, je ne dis pas le contraire mais est-ce que ça te manquait étant donné que tu avais des gants ?
-Ben, non, ça ne me manquait pas et je ne savais même pas que ça existait. C'est ma mère qui me l'a achetée.
-Et si maintenant, tu l'as perdais, est-ce que ça te manquerait ?
-Ah, oui, c'est sûr, c'est trop bien !
-Donc, tu désirerais en avoir une autre?
-Oui, c'est sûr !
-Et pourtant, avant que tu connaisses cette chaufferette, elle ne te manquait pas.
-Ben, non, j'avais des gants.
-Par conséquent on peut dire que tu ne désirais pas en avoir une mais maintenant que tu sais que ça existe, si tu la perdais, elle te manquerait.
-Oui, c'est ça.
-Ce désir que tu aurais viendrait d'un manque qui n'existait pas mais qui existerait maintenant.
-Oui. Parce que je sais que ça existe.
-Et tu ne pourrais plus t'en passer ?
-Oh, ben si, je mettrais mes gants mais ça c'est mieux !
-Prenons un autre exemple si tu veux bien. Un bébé qui a faim manque de nourriture, il a mal au ventre et désire le sein de sa mère. Il sait que ça existe et que ça lui fait du bien. C'est un manque qui est naturel et son désir l'est tout autant. Il désire combler ce manque. Mais c'est le manque qui est apparu en premier. Son désir n'a fait que suivre. Est-ce que c'est pareil pour la chaufferette ?
-Euh...Non, parce que ça ne me manquait pas, je ne savais même pas que ça existait.
-C'est donc un désir qui est apparu alors qu'il n'y avait pas de manque.
-Mais, là, je ne la désire plus puisque je l'aie.
-Oui, c'est vrai mais si elle venait à disparaître le désir réapparaîtrait aussitôt. Alors qu'il n'avait aucune raison d'exister."
Intervention d'une autre élève.
"Et moi aussi maintenant je désire en avoir une !
-Alors que ça ne te manquait pas jusque là ?
-Oui, mais maintenant, je sais que ça existe alors ça me manque.
-Ce qui te manque, ça n'est pas l'objet mais le plaisir que tu aurais à en posséder une. Il n'y a aucune raison valable d'avoir cette chaufferette mais ça te ferait plaisir d'en avoir une. Ce qui te manque, c'est la satisfaction d'en avoir une.
-...
-Ce désir a été créé artificiellement parce qu'en réalité, il n'y avait pas de manque. Ce qui fait plaisir, c'est de posséder quelque chose que les autres n'ont pas. Et ce qui te fait désirer cet objet, c'est une certaine jalousie. Sans aucune méchanceté bien entendu mais n'empêche que l'envie de posséder cet objet devient très fort. Il peut très bien être remplacé par une paire de gants mais ça n'a pas le même impact, ça n'a pas la même force, ça n'est pas aussi chouette à montrer aux autres. Vous finissez donc par exister quelque peu parce que vous possédez cet objet qui ne vous manquait pas mais qui vous donne un certain pouvoir sur les autres. Le bébé manque du sein de sa mère et c'est vital pour lui. Son désir est justifié et c'est pour ça qu'il crie aussi fort :))
La chaufferette n'a rien de vital. Mais elle vous donne du pouvoir sur les autres, elle agit comme un aimant et attire tout le monde, vous vous sentez puissant parce que la chaufferette est puissante. Vous dépendez donc d'elle et si elle venait à disparaître, ce qui vous manquerait, c'est ce pouvoir sur les autres, cette fascination, cet intérêt pour cet objet que vous possédiez. Le désir de retrouver cette puissance vous manquerait et vous feriez tout votre possible pour combler ce manque. Même s'il est toujours totalement artificiel et n'a aucune raison réelle d'exister. Il ne vous fait pas vivre comme du lait maternel mais il vous donne l'impression de vivre mieux. Chez les adultes, c'est pareil. Mais eux, il leur faut une voiture, un écran plat, une nouvelle salle à manger, une belle montre, un téléphone portable ultra sophisitiqué, la denrière technologie à la mode, une nouvelle veste, une veste de marque c'est encore mieux, parce que ça attire encore plus les regards, ça donne encore plus de puissance. Mais ces manques n'ont jamais de fin. Les marchands font en sorte qu'il y ait toujours un nouveau désir qui apparaisse jusqu'à ce qu'il devienne un manque. Alors, on abandonne le dernier objet acheté pour en prendre un plus puissant, un plus brillant, un plus moderne, un plus visible, un objet qui va créer encore plus de fascination et d'attirance. Ca n'est pas la personne qui existe mais les objets qui la font exister. Ce sont les objets qui la possèdent et pas l'inverse. Parce que le désir est passé avant le besoin et que la personne se laisse entraîner dans un phénomène sans fin.
Le monde riche fonctionne sur ce principe. Comme les manques vitaux, sont assouvis, que la plupart des gens ont ce qu'il faut pour survivre, pas tous malheureusement, la nourriture, un abri, de quoi se soigner, avoir une famille, ce sont les désirs qui vont fabriquer de nouveaux manques. Des désirs que la société de consommation va s'efforcer de mulitplier sans cesse. Comme cette chaufferette qui vient remplacer des gants dont tout le monde trouvait jusqu'ici que c'était une chouette invention.
-Comment il faut faire alors quand on désire quelque chose ?
-Comme vous avez envie, tant que vous savez pourquoi vous avez envie. Il n'y a pas de bonne méthode, de bonne façon de vivre si ça n'est pas celle que vous avez choisie en toute conscience. Avoir conscience de ce qu'on pense, de ce qu'on fait et décider si c'est la voie qui nous convient. C'est tout. En fait, il s'agit d'amour. Pour l'instant, vous devez vous demander pourquoi vous aimez cette chaufferette, un jour vous vous demanderez pourquoi vous aimez cette région, cette maison, vos amis, ce chien, cette voiture, ce pays, ce métier, cet homme ou cette femme. Tous les évènements importants de votre vie se nourriront d'amour. Il faut comprendre ce qu'on aime quand on aime. Tout ce que cet amour cache, tout ce qu'il contient, tout ce qu'il dévoile, tout ce qu'il peut faire pour qu'on continue à évoluer, à apprendre sur nous-mêmes."
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Laura Mare.
- Par Thierry LEDRU
- Le 08/12/2010
- 1 commentaire
Et bien voilà, c'est fait. Laura a gagné :)
Alors, je tenais à remercier chaleureusement tous ceux et celles qui en passant par ici ont décidé de soutenir Laura et sa maison d'édition.
Maintenant que ce vote est fini la suite peut commencer.
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Le manque et le désir.
- Par Thierry LEDRU
- Le 05/12/2010
- 1 commentaire
Tout homme veut être heureux. Y compris celui qui va se pendre, comme l'écrivait Pascal. S'il se pend, c'est pour échapper au malheur et donc rejoindre ce qu'il entrevoit comme un bonheur par la disparition de ce qui le détruit : le malheur en lui. Une auto destruction favorable à ses yeux. Aussi effroyable soit-elle pour le reste du monde.
Heureusement, toutes les situations de malheur ne conduisent pas à de telles extrémités. Il s'agit donc de rester lucide pour ne pas finir par se pendre à cette détresse de vivre.
Socrate annonce "que le désir est un manque" et que nous avançons dans l'existence les yeux fixés sur ce manque. Sur ces manques d'ailleurs. Car ls sont nombreux et ont une facilité à se reproduire absolument stupéfiante. Nous sommes des jardiniers performants et nous plantons des graines "de manque" sans relâche.
Sartre disait que "l'être est fondamentalement désir d'être et le désir est manque."
C'est ce qui nous condamne au "Néant" (Sartre) ou à la "Caverne" (Platon).
Nous ne sommes pas heureux parce que nous manquons précisément de ce que nous désirons. On peut craindre en plus qu'une bonne partie de ces désirs et donc de ces manques soient issus de l'imagination et non de la raison, ce qui rend leur aboutissement encore plus inaccessible.
Les Platoniciens commes les Existentialistes ont décrit cette course au désir comme un épuisement de l'individu. Dès qu'un désir est satisfait, il n'y a plus de manque, donc plus de désir. L'individu ne supporte plus ce vide du désir satisfait et cherchera frénétiquement un manque capable de nourrir un nouveau désir, une soif absolument délicieuse qu'il faudra assouvir... L'homme ne vit que dans la projection de son être dans l'assouvissement du désir, fabriqué, artificiellement parfois, par un manque.
"Ce que je n'ai pas me manque, je le désire. Ce que j'ai ne me manque plus et ne contient aucun désir. Il m'en faut par conséquent un autre pour que la vie soit remplie de ce désir."
La société de consommation et les dirigeants des multinationales sont des philosophes redoutables. Ils connaissent très bien les Classiques, c'est une erreur de les sous-estimer, ils maîtrisent parfaitement les rouages de l'humain et s'en servent avec une maestria éblouissante, aveuglante même, destructrice...Nous sommes des papillons de nuit attirés immanquablement par les manques fabriqués et les désirs entretenus. Qu'un lampion s'éteigne et inévitablement un autre s'allumera un peu plus loin.
Pas question pour les marchands de laisser les consommateurs se retourner vers les lumières intérieures...Pas question de leur laisser le temps de se réjouir de l'instant présent. Il faut des désirs, encore plus de désirs, il faut des manques, toujours plus de manques. Noël sera passé qu'on pensera déjà aux oeufs de Pâques. L'hiver sera encore là qu'on trouvera déjà des maillots de bain dans les magasins. Les grandes vacances seront arrivées qu'il faudra déjà acheter le cartable de la prochaine rentrée. L'idéal est de créer même des désirs totalement absurdes afin qu'ils soient rapidement assouvis et que la frénésie du manque s'entretienne plus facilement. Créer des désirs fallacieux est plus rentable car l'individu qui parvient à l'assouvir ne risque pas de chercher à en jouir bien longtemps. La platitude de ce désir assouvi instaurera très rapidement la nécessité d'un nouveau manque et d'un nouveau désir. C'est le monde de l'insastifaction chronique. Quasiment le Monde entier marche dans cette voie.
Même en "amour", certains individus fonctionnent ainsi. C'est le manque qui les réjouit et pas la jouissance du désir assouvi. Amour kleenex qui fait pleurer celui ou celle qui est jeté.
Même les religions ont compris le système, sauf qu'elles l'ont poussé encore plus loin. Le bonheur sur Terre est impossible, ce désir ne sera jamais assouvi, ce manque sera toujours aussi redoutable jusqu'à la fin mais par contre, le Paradis offrira aux bons paroissiens l'assouvissement ultime de ce manque. Croyez en moi et je vous donnerai à votre mort le bonheur qui vous manque. La Foi peut devenir une espérance morbide.
L'espérance. Voilà le mot. Non pas l'espoir qui pousse parfois aux actes, un saisissement de l'instant plus puissant que le mirage temporel, mais l'espérance qui conduit à l'abandon, au fatalisme, à la décrépitude spirituelle. L'espérance est une fuite en avant, d'espérance en espérance, de manque en manque, de désir en désir. L'individu se complait dans l'espérance car le désir de ce qui lui manque lui donne le sentiment d'une vie remplie. L'espérance de l'argent, de l'amour, du confort, de la possession, du pouvoir...C'est une addiction redoutable qui mène certains individus à renier toutes les valeurs humaines les plus belles. Pas de partage, pas de compassion, pas d'attention, pas de tendresse, l'objectif est le moteur, le désir assouvi nourrira un désir encore plus fort, le milieu de la politique est le symbole majeur de ce fonctionnement. L'ambition devient le ferment de l'espérance. Même l'école insère les enfants dans cette perdition des âmes à travers la compétition. L'espérance d'être le "meilleur", d'obtenir le meilleur classement, la promotion désirée, le salaire mirobolant. Mais ça ne s'arrêtera jamais. Les imbrications sociales, les comparaisons, les jalousies, créeront inévitablement un manque supplémentaire. Un poste plus "élevé" même si pour cela il faut ramper. L'espérance de devenir un jour celui fait ramper les autres est une ambition incommensurable, inépuisable. Le conditionnement est si puissant que l'individu a perdu toutes retenues, toute lucidité. La réussite sociale de ces monstres de puissance, aussi destructrice soit-elle, devient la référence. Combien rêve d'être milliardaire ? Combien accepterait de prendre la place d'un Dassault, vendeur d'armes ? Une fortune dont on n'a pas idée...Un nombre de morts incalculables sous les bombes.
Bien, mais alors, que faire ?
Certains choisissent de s'étourdir pour ne plus souffrir de ce qui leur manque. Ne pas penser, ne pas réfléchir, foncer tête baissée dans la meute affolée et se réjouir immédiatement de la folie générale. Acheter, s'amuser, accumuler les divertissements, en abandonner un sitôt essayé, en trouver un autre. Espérer juste que le prochain week-end sera aussi déjanté que celui qui vient de se finir. Passer la semaine le moins douloureusement possible en multipliant les petites trouvailles dérisoires mais indispensables pour tenir six jours. Si en plus, il y a des soldes, alors là, ça va être génial...
C'est toujours de l'espérance mais seconde par seconde...Ceux-là sont faussement dans l'instant et se réjouissent d'une vie frénétique. Grand bien leur fasse.
Bon, laissons tomber, c'est mort.
Allons jouer au Loto alors et si on perd on se réjouira pendant quelques jours que le prochain tirage sera le bon.
Bon, laissons tomber, c'est mort là aussi.
Allons à l'Eglise alors et attendons la mort pour nous réjouir enfin.
Bon, là, c'est sûr, on sera vraiment mort.
Et si nous décidions de ne plus avoir d'espérance ?...Et si nous décidions que nos manques ne sont bien souvent que des inventions ? Et si nous décidions que le plaisir n'est pas à venir mais qu'il est déjà là ? Et si nous décidions que ce plaisir constant d'être là est la source réelle du bonheur ?
Bien sûr que d'espérer avoir un peu d'argent, ça aide...A moins d'aller vivre dans la forêt amazonienne ou chez les Inuits. Tout dépend aussi de ce que nous mettons derrière ce désir d'avoir un peu d'argent d'avance, une réserve permettant de ne plus être dans une survie quotidienne. Saurons-nous en avoir un usage "utile", constructif pour l'individu ? Est-ce que ça répondra à un projet destiné à entretenir une évolution de l'individu ou sa participation erratique à la société de consommation ?
Bien sûr que nous pouvons espérer trouver l'amour, le grand amour. Mais qu'en ferons-nous ? Un accompagnement fidèle et attentif de l'être aimé dans une voie personnelle ou une dépendance à l'autre, à moins que ça soit une soumission de l'autre...Les dérives sont nombreuses.
Bien sûr que nous pouvons espérer avoir un travail passionnant. Encore faut-il qu'il ne nous oblige pas à renier ce que nous sommes. Le travail, s'il n'est pas un tremplin vers un accomplissement intime de l'individu, n'est qu'un labeur. On est en droit d'espérer de l'existence autre chose qu'une vie de labeur.
Et c'est là justement qu'intervient le questionnement de la préparation de ces paramètres essentiels de l'existence. Si nous décidons de rester vivre dans le monde "occidental", nous ne pouvons échapper à la nécessité de la construction de l'existence. C'est vers l'enfant qu'il s'agit de se tourner. Le développement personnel en quelque sorte avant le développement du futur salarié...Ca n'est pas le chemin actuel de l'Education Nationale. La raison en est très simple : l'individu éveillé n'est pas un consommateur effréné : une horreur pour le PIB et les chefs d'entreprise. Pas le petit artisan du coin mais le patron des multinationales. Le gouvernement n'oeuvre pas pour les consciences mais pour le rendement, la croissance, les marges, les chiffres d'affaires. Les gouvernements sont dans l'espérance continuelle de croissance économique et les citoyens sont les outils de leur espérance. Les enfants quant à eux sont des proies si dociles.
Revenons à nos chers philosophes...Schopenhauer disait que "la vie oscille comme un pendule de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui."
La souffrance chez lui est associée au désir de ce qui nous manque. Une frustration qui mène au malheur. Quand le manque finit tout de même par être satisfait, c'est l'ennui qui surgit. Puisqu'il n'y a plus de manque, je n'ai plus de désir et la vie devient morne, triste, effroyablement ennuyeuse.
Je n'aurais pas aimé être à la place de ce Monsieur...Il me semble qu'il délaisse un aspect essentiel de la vie.
Le plaisir. Le plaisir dans la pleine conscience de l'instant et de la vie en soi.
Je perçois chez lui une hantise chronique de la jouissance...Ce qu'il pensait des femmes en général me conforte d'ailleurs dans cette idée...
Voilà la vidéo de la sortie de ski d'hier.
Quelle jouissance fabuleuse, quel bonheur du corps et de l'esprit, quelle joie !! That's life !!!
C'est là, maintenant, sans aucune espérance, sans aucun objectif lointain, juste glisser dans la poudreuse, jouir de mon corps, de mon âme ré-jouie, de la lumière, du froid sur la peau, des cristaux qui scintillent, des rires de mon garçon, juste cette joie immense du saisissement de l'instant dans le creuset de mon être, tirer du plus profond tout ce dont je dispose, mes forces, mon endurance, ma résistance, mes réflexes, et nourrir mon corps du scintillement incandescent de mon esprit.
Quelque chose de très simple finalement.
Vivre.
"That's life."
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Philosopher...
- Par Thierry LEDRU
- Le 01/12/2010
- 4 commentaires
Délicat en fait de présenter cette activité à des enfants de CM2...Quel est l'objet d'étude ? Autant ils sont capables d'identifier de la géographie ou des mathématiques, autant, même après plusieurs débats en classe et des "mini réflexions" communes en cours de journée depuis le début de l'année, il est difficile pour eux de cerner la réalité de cette "matière"...Une petite fille a même dit qu'après en avoir parlé avec ses parents, ceux-ci étaient incapables de dire ce qu'était la philosophie, ils n'en avaient jamais fait à l'école et n'avaient jamais rien lu dans ce domaine...J'ai répondu que tout le monde faisait de la philosophie tout au long de sa vie, à divers niveaux, étant donné que la philosophie a pour objectif comme le dit Sénèque " de nous procurer la vie heureuse" et que par conséquent tout le monde, un jour ou l'autre, faisait preuve de philosophie...Ce qui différenciait les individus, c'était la profondeur des réflexions, leur durabilité, leur multiplicité, l'exigence aussi quant à ne pas se voiler la vérité.
J'ai donc décidé de prolonger ce débat et de tenter de cerner clairement avec eux ce que signifie "philosopher". André Comte -Sponville en fait une présentation à laquelle j'adhère totalement dans "le bonheur désespérément." J'ai essayé d'en reprendre les grandes lignes.
"La philosophie est une pratique discursive (discours et raisonnements) qui a la vie pour objet, la raison pour moyen et le bonheur pour but. Il s'agit de penser mieux pour vivre mieux."
Le bonheur est le but de la philosophie et la sagesse en est le moyen. La sagesse se reconnaît au bonheur mais un "certain" bonheur. Il ne s'agit pas d'un bonheur nourri d'illusions mais d'une analyse approfondie de la vérité. Le philosophe s'attachera avec rigueur à une vraie tristesse plutôt qu'à une fausse joie, il ne se détournera pas de la lucidité pour se perdre dans des dérives hallucinogènes, quitte à devoir abandonner un "bonheur" fabriqué. Mieux vaut une saine vérité qu'un mensonge camouflé. Quelqu'en soit la rudesse. Les bonheurs illusoires sont les ferments des détresses à venir. On en revient à ces fameux espoirs comme autant de falots qui s'éteignent à la moindre brise. Le philosophe s'attelle à rester impliqué dans l'instant, à le décortiquer sans pour autant s'épuiser jusqu'à la déraison. Il n'évolue pas dans un espace clos mais au coeur de la vie quotidienne sans pour autant que cette vie quotidienne ne devienne un espace clos. Sa raison est au seuil, alternant les engagements réels dans une vie sociale et les retraits dans le silence de ses pensées. Il ne s'agit pas pour lui d'être coupé de la "Cité" mais de s'y fondre sans jamais s'y perdre.
Saint-Augustin parlait de " la joie qui naît de la vérité." Spinoza parlera de "béatitude" par opposition aux bonheurs factices, ponctuels, éphémères de la vie frénétique de la Cité. Les bonheurs illusoires ont besoin d'être constamment alimentés par de nouveaux subterfuges, ils s'épuisent rapidement et conduisent immanquablement à une addiction pathogène. La société de consommation entretient le stock des toxicomanes.
Philosopher revient par conséquent à tenter d'être heureux à travers la vérité. Le bonheur n'est pas sa norme dans le sens où il n'est pas un objectfif autorisant les déviances. Le philosophe acceptera les conclusions les plus redoutables. Le bonheur s'il n'est que le maintien des oeillères lui est insupportable...Cette norme du bonheur à tous prix n'est pas de son domaine. La pensée "positive" n'entre pas dans son champ d'investigations dès lors que ces pensées sont détournées de la vérité. Il ne s'agit pas de penser ce qui nous rend heureux mais de penser ce qui nous paraît vrai. Cette vérité sera la source du bonheur. Et cette vérité est bien plus difficile à saisir que des bonheurs illusoires. Si le bonheur est le but, il n'en devient pas pour autant un alibi de la dérive.
Il n'est qu'à regarder ce faux ami qu'est l'espoir, cet aimant auquel nous succombons si facilement et qui contient caché en lui-même des désillusions implacables, pour comprendre ce qu'est la vérité du philosophe. Il reste ensuite ensuite à choisir sa propre voie.
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Pour le "fun" :)
- Par Thierry LEDRU
- Le 27/11/2010
- 4 commentaires
DU VTT, pour commencer.
DU SKI pour continuer.
C'est ça la magie de la montagne, on ne s'arrête jamais :))
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Une découverte qui me réjouit.
- Par Thierry LEDRU
- Le 26/11/2010
- 0 commentaire
Un blog passionnant.
http://www.everyoneweb.fr/gdevecchi/
Je viens de découvrir d'ailleurs qu'il existe un projet de philosophie au lycée dès la seconde...Je vais enfin pouvoir dire quelque chose de positif...Sauf qu'il risque de se passer un sacré bout de temps, si ça se concrétise, pour que ça passe au collège puis à la primaire puis à la maternelle...Je serai sûrement déjà mort. C'est dommage.
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Un permis pour passer au collège...
- Par Thierry LEDRU
- Le 26/11/2010
- 2 commentaires
Je suis désolé d'utiliser encore une fois le site du Figaro mais il semblerait qu'il n'y ait que lui qui s'intéresse aux projets du gouvernement sur l'enseignement...
Le président du groupe UMP à l'Assemblée voudrait instaurer un examen
d'entrée en sixième.
Il présente les propositions de son club Génération France sur l'école primaire. Le député avait lancé l'an dernier une réflexion sur le collège, proposant notamment des collèges dédiés aux niveaux sixième et cinquième, et d'autres aux niveaux quatrième et troisième. Ce mardi soir, Jean-François Copé décryptera, en présence de Luc Chatel et d'autres invités, les propositions de son club pour l'école primaire.
LE FIGARO. -Pourquoi vous intéresser à l'école primaire?
Jean-François COPÉ. -Génération France est une entité qui a vocation à creuser les sujets plutôt qu'à organiser un grand rendez-vous sans lendemain. Nous avions ouvert notre réflexion sur le collège, car il me semblait alors qu'il était réellement le «maillon faible» du système scolaire. Il était donc logique que nous poursuivions notre démarche en traitant ce qui se passe en amont, à l'école primaire. Et nous nous tournerons ensuite vers la question de l'enseignement professionnel et de l'apprentissage. Le plus important est d'analyser en profondeur chaque point, et d'arriver sans idée préconçue.
La réforme Darcos sur le primaire a donc besoin d'être amendée?
Cette réforme recentre les programmes de l'école primaire sur les savoirs fondamentaux. Le fait qu'ils soient en partie fondés sur des exercices répétitifs et le par cœur ne me choque pas, surtout si on y ajoute un suivi personnalisé pour les élèves en difficulté. Au-delà de la définition des programmes, il y a plusieurs axes d'amélioration possibles. Dans la suite logique de nos travaux sur le collège, nous voulons agir essentiellement sur trois leviers primordiaux : l'organisation des établissements, l'impact personnel de l'enseignant et les méthodes d'apprentissage.
Dans quel sens doit aller une refondation de l'école primaire?
Apprendre à lire, écrire, compter: c'est la mission prioritaire de l'école. L'objectif est de ne pas envoyer au collège un seul enfant qui ne maîtrise pas les fondamentaux. Or, actuellement, 40% des écoliers ont de graves lacunes à l'entrée en sixième. C'est pourquoi je propose un examen en fin de CM2 qui évaluerait les connaissances des enfants. Ni un baccalauréat ni un certificat d'études, il est absurde de comparer avec une époque où la majorité des enfants sortait du système en fin de primaire. Il s'agirait d'une «validation des savoirs fondamentaux». Le but n'est pas d'exclure qui que ce soit mais que 100% des enfants réussissent cet examen. Son existence même engendrerait une réorganisation de l'ensemble du primaire pour parvenir à cet objectif.
On va vous accuser de favoriser le «bachotage»…
Il est établi par tous les spécialistes que si les fondamentaux ne sont pas acquis à l'entrée en sixième, l'enfant est condamné à l'échec scolaire. Voilà la seule considération qui importe.
Vous êtes donc contre la proposition du récent rapport du Haut Conseil de l'éducation d'une école commune du CP à la troisième?
Oui, quand on considère les transformations que connaît un enfant dans son évolution à ces âges-là, marquer une différence vers 11 ans paraît légitime.
En quoi cet examen modifierait-il la structure de l'école primaire?
Tout doit être repensé pour parvenir à 100% de réussite. Tout d'abord, le directeur doit devenir un vrai «patron» qui recrute et évalue annuellement ses enseignants au regard du projet pédagogique défini en commun. En retour, les enseignants évaluent le chef d'établissement, qui est responsable de ses résultats. L'équipe s'organise localement, par exemple, en créant des groupes de niveau… Étant entendu qu'il appartient à l'État de définir les contenus et les diplômes.
De plus, il est indispensable de mettre à disposition des enseignants les méthodes qui ont fait leurs preuves et de faire en sorte qu'ils les utilisent. La liberté pédagogique est fondamentale, mais elle doit être encadrée par l'évaluation des résultats de l'établissement, ce qui relève des inspecteurs de l'Éducation nationale. Enfin, il faut allonger l'année scolaire. Pourquoi ne pas imaginer un système de zonage pour les grandes vacances?
Vous évoquez la structure de l'école. Les débats actuels sur les contenus et les notes vous semblent inutiles?
Pour ce qui est des notes, je pense qu'elles sont un repère bien utile pour permettre aux élèves et à leurs parents de se situer. Quant aux contenus, je suis évidemment favorable à ce que l'on enseigne des notions d'anglais et d'histoire, mais vu par le prisme des fondamentaux, lire, écrire, compter.
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Je n'ai même pas envie de commenter tellement ça me dégoûte. Ca m'embêterait de vomir sur mon clavier.
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