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Existence et essence.
- Par Thierry LEDRU
- Le 01/02/2012
Une problématique qui me tourne dans la tête depuis un moment...
L'essence est ce que l'individu porte avant que l'éducation ne vienne y développer une personnalité fluctuante et amovible.
Sartre disait que l'existence précède l'essence, dans ce sens, que rien au ciel n'est écrit...Pourtant, lui comme Heidegger, bien que niant l'idée d'une dimension "à postériori", proposaient de pénétrer au coeur même du "Néant" pour découvrir la source créatrice de "l'être".
Je me demande pour ma part si ces deux dimensions, plutôt que d'être antinomiques, ne seraient pas indissociables et qu'il est absurde de chercher à les opposer. Je vois dans cette lutte intestine bien davantage des conflits d'ego qu'une recherche salutaire... Conflits intellectuels.
L'existence est un chemin proposé aux êtres pour remonter à la source créatrice et par conséquent à l'essence. Il n'est pas question de savoir si l'essence permet l'existence ou si l'existence est primoridale, comme s'il s'agissait d'une course en ligne, mais juste de relier les deux entités, celle de l'esprit et celle du matériel, pour élever l'individu.
En dehors de ce travail, il n'y a qu'une série d'évènements qui relèvent bien cette fois du néant...Ce qui est absurde, c'est de ne pas entamer cette exploration.
Dans le chamanisme, il existe une vision ternaire de l'homme et du monde. Un monde matériel ou physique, un monde inconscient ou souterrain et un monde d'en haut, spirituel et lumineux. L'arbre en est le symbole. Rien en lui n'est séparé, il forme un tout harmonieux et il ne peut se défaire d'une partie de lui-même. Dans cette vision du monde, l'individu est placé au centre, au niveau du tronc et il doit apprendre à saisir ce qui le constitue dans son unité, l'existence tout comme l'essence. L'existence s'étendra dans une dimension matérielle et évènementielle. L'analyse lucide de cette existence génèrera une conscience active entre le monde souterrain de l'inconscient et celui de l'esprit, entre les profondeurs et les cieux.
Sans cette existence physique, il ne peut pas y avoir d'exploration de l'essence. Sans l'essence créatrice, il n'y a pas d'existence possible mais juste une extension horizontale. Une essence à qui aucune existence ne serait attribuée ne serait qu'une entité invisible figée dans l'éternité. Aucun intérêt. Cette entité figée, c'est celle des Dieux. A mes yeux, leur place n'est pas enviable.
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La réalité et le réel.
- Par Thierry LEDRU
- Le 25/01/2012
On peut faire une distinction entre le monde de la réalité, c'est à dire la dimension dans laquelle nous évoluons, et le monde du réel, c'est à dire la dimension que nous pouvons explorer lorsque l'individu s'est "réalisé". Il s'agit à mes yeux de cet espace dans lequel l'individu s'est extrait des codes et des conditionnements inhérents à son statut.
Si quelqu'un me dit : "Vous êtes instituteur", je me dois de répondre que c'est faux. Je ne "suis" pas instituteur mais j'exerce la profession d'instituteur.
De la même façon, si quelqu'un me dit : "Vous êtes bien Thierry Ledru", je me dois de lui répondre encore que c'est faux. Je ne "suis" pas Thierry Ledru mais juste une forme prise par la Vie. Le concept associé à mon nom n'est qu'une étiquette qui permet à autrui de m'identifier. Si par exemple, je m'étais appelé Théodore Duchmol et que j'ai été élevé par les mêmes parents et que j'ai connu la même existence, je serais toujours le même. Si par contre, je m'étais bien appelé Thierry Ledru mais que j'ai été élevé par d'autres parents et que j'ai connu une autre existence, je ne serais absolument pas le même.
L'étiquette sociale se constitue. Elle n'existe pas a priori. C'est une réalité progressive. Le réel, par contre, existe lorsque je me libère de ces étiquettes. La réalité est un monde conceptuel permettant à l'individu de créer du sens pour son existence. Le risque est que l'individu s'identifie à ce sens alors qu'il n'est qu'une apparence. On pourrait même dire que cette réalité est totalement intellectuelle. Elle s'établit à travers la pensée. Elle n'a aucune existence matérielle. Il s'agit uniquement de costumes associés à des rôles et à des évènements qui s'accumulent et à travers lesquels la pensée prend forme. Mais si on prive l'individu de ces fonctionnements mécaniques et que sa pensée se libère de cette pression, il ne disparaît pas pour autant. C'est une réalité signifiante construite sur l'intellect social institué. Elle n'est pas matérielle étant donné que ce sont les pensées qui lui donnent cette apparence. Je ne suis pas propriétaire d'une maison. C'est totalement absurde. Il ne s'agit que d'un papier administratif. Je ne suis pas propriétaire d'un bout de terre. Je ne suis pas instituteur, je ne suis pas père de trois enfants. Je suis celui par qui la Vie s'est chargée de donner forme à trois existences. Il m'incombe par contre d'accompagner ces trois existences. Mais je ne "suis" pas pour autant père. Je suis une forme prise par la Vie. Dans la réalité, je me suis identifié à des devoirs, des exigences, des rôles, des comportements, des responsabilités. Tout cela ne me constitue pas, ce sont des costumes. Cela ne signifie pas qu'ils ne sont pas importants mais je dois faire une distinction entre cette réalité sociale et le réel.
L'énorme erreur de cette société moderne est d'avoir donné à la réalité une place prédominante et d'avoir par conséquent créé de toute pièce un assemblage disparate dans lequel l'individu perd de vue le réel. C'est une pression constante qui n'a rien à voir avec le phénomène vital. Nous en oublions par conséquent que nous sommes en Vie pour nous attacher uniquement à exister. L'existence est un phénomène social. la Vie est un phénomène originel.
On peut par conséquent établir une distinction entre le "réalisateur" et "l'acteur".
Le réalisateur est l'individu qui se réalise à travers l'exploration du phénomène vital.
L'acteur se contente de tenir des rôles auxquels il est parfaitement identifié et qui remplissent son existence. Il n'en est pas toujours heureux d'ailleurs mais il reste malgré tout attaché à ces rôles puisqu'ils lui donnent ce sentiment d'exister. C'est totalement insignifiant mais il prolonge aveuglément les comportements dont il a hérité. Le réel lui est totalement inconnu.
Le monde de la réalité est un monde clos malgré la multitude de voies qu'il propose. Il est clos parce qu'il n'ouvre pas un espace intérieur mais uniquement la multiplication des illusions de la pensée. J'aurais pu être avocat, médecin, ouvrier, maçon, célibataire, Anglais, Belge, Indien, Chinois, pauvre, riche, malade, handicapé, blond, roux, gros, maigre, chauve, barbu etc etc etc...Tout ça n'aurait rien changé au réel en moi mais aurait changé la réalité dans laquelle j'aurais évolué. On pourrait croire que la multitude des voies générées par la réalité propose des horizons immenses mais il n'en est rien étant donné que ces horizons, d'un point de vue spirituel, n'en sont qu'un. L'individu dépense une énergie considérable à explorer des voies illusoires balisées de panneaux variés mais c'est une extension horizontale alors que la voie spirituelle constitue une voie verticale à l'intérieur de l'individu. Victor Hugo, Nietzsche, Baudelaire, tous ont parlé de ce "gouffre" en nous.
De quoi se constitue ce réel ? Selon certain scientifiques, Fritjof Capra par exemple, notre univers physique ne se constitue pas de matière mais d'une force appelée énergie. La matière serait uniquement la forme condensée de cette énergie. Elle existe sous la forme de particules de plus en plus infimes, les unes à l'intérieur des autres pour finalement se réduire à l'état d'énergie pure. D'un point de vue physique, tout ce qui existe serait énergie et l'être humain ferait partie intégrante de cette énergie. Cette énergie émet des vibrations, à des vitesses variées et ces vibrations correspondraient à la qualité même de l'énergie. La pensée elle-même serait une énergie relativement subtile. Une des lois de l'énergie est qu'un niveau vibratoire d'énergie tend à attirer l'énergie de même qualité et de même vibration.
On voit immmédaitement que le maintien du fonctionnement de conscience actuel correspond à une énergie commune. Les individus vibrent de façon identique et favorisent l'hégémonie d'une forme de pensée. C'est une aimantation qui s'entretient elle-même. Étant donné que cette forme d'énergie aboutit à des conditionnements planétaires, l'humanité ne parvient pas à s'extraire de cette qualité basse d'énergie. Il faut imaginer un champ énergétique incommensurable à l'intérieur duquel les individus évoluent, tous de façon identique puisqu'ils vibrent tous avec la même "qualité"...
Il est évident que les Kogis, par exemple, ne sont pas inclus dans ce champ énergétique.
Pour notre part, quel que soit, le type d'existence dans lequel nous évoluons, il n'y a aucune liberté spirituelle tant que nous sommes associés à cette énergie basse. Bill Gates n'est pas plus libre que le SDF du pont de l'Alma... Mais le SDF rêve évidemment de la vie de Bill Gates. On ne peut pas lui en vouloir. C'est une "réalité" si parfaite...
Il est 4h10 du matin et je suis devant l'ordinateur. Impossible de dormir. Cette impression que ce réel est là et me tend les bras. Il y a quelque chose d'immense à comprendre.
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Si un jour
- Par Thierry LEDRU
- Le 24/01/2012
Si un jour, en cherchant à ouvrir ce blog, vous tombez sur une page qui vous dit que le site n'existe plus, c'est parce que je l'aurai supprimé. Je ne m' en sors plus avec la nouvelle version de l'hébergeur et j'en ai ras le bol de passer des heures à essayer de gérer tout ça. Je ne suis pas informaticien. Et ça ne m'intéresse pas.
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La désillusion
- Par Thierry LEDRU
- Le 24/01/2012
Avec le temps, les années à travailler avec les enfants, j'ai fini par comprendre que je n'avais aucun espoir à avoir au regard de l'énergie que je dépense avec eux. C'est totalement inutile. Ca ne m'appartient pas. Il y a beaucoup trop de paramètres qui entrent en compte et qui m'échappent totalement et même si je maîtrisais 99 % de la situation, il y aurait une pression ingérable qui s'installerait si je désirais obtenir des résultats conséquents. Ce qui importe et qui m'appartient totalement , c'est que je m'applique à faire ce qui me semble juste. L'intention ne doit pas faire partie de ce travail au risque de tomber dans la désilusion. Mais ce n'est pas la réalité qui crée cette désillusion. C'est moi parce que la réalité ne correspondra pas à ce que j'espérais atteindre. Dès lors, je vais renforcer ma pression sur les élèves étant donné que cette désillusion me renvoie une image négative de moi-même. Le piège est redoutable. Cette pression, je vais la transmettre et les enfants la recevront et la transformeront inconsciemment en peur. Leurs résultats en seront impactés parce qu'ils seront figés par mes attentes.
Dans ce métier, il ne faut avoir aucune attente, aucun espoir, aucune intention. Il faut juste se contenter de faire ce qui semble juste, utile, efficace, judicieux.
Finalement, il faudrait avoir dans chaque classe une personne qui observe l'enseignant et qui travaille avec lui sur son propre vécu, qui l'aide à analyser son propre parcours, les raisons de son engagement dans ce métier, les traumatismes et ce qu'il cherche à apaiser en lui, la reconnaissance qu'il voudrait obtenir, la vision qu'il a de l'enfance au regard de l'enfant qu'il porte en lui...Mais les enseignants sont seuls et c'est donc un travail qu'il doivent mener dans leur solitude et en explorant leurs angoisses. On rejoint le travail nécessaire de l'inconscient si cher à C.G. Jung. La connaissance de soi consiste en un travail d'introspection permettant la compréhension de ce qui nous constitue. Car comment envisager de transmettre des connaissances alors que celui qui en est chargé ne sait pas ce qu'il porte ? On pourrait penser que la maîtrise des techniques suffise mais ça serait une illusion redoutable là encore. Le contenu n'a aucune importance si le contenant ne sait pas de quoi il est constitué. C'est comme une outre percée qui se viderait sous la pression exercée par la fonction de porteur d'eau. Il faut que l'outre soit étanche, qu'elle ait colmaté les fissures, qu'elle ait renforcé la structure. Là, il sera possible qu'elle transporte ce pour quoi elle est faite et même, chose surprenante, qu'elle continue à croître et à porter un volume de plus en plus important.
Il y a une attitude indispensable pour apprendre de quoi l'outre est constituée. C'est l'humilité. Ce qui n'a rien à voir avec le doute. Celui qui doute ne peut transmettre que ses peurs. Celui qui reste humble transmet sans chercher à savoir si cela aura un effet. Il agit. Sans se soucier de la portée de ses actes. Il est du coup disponible pour analyser la justesse de ses actes et les modifier si cela lui semble nécessaire, non pas au regard des effets mais au regard de la réception de ses propos et de ses actes. Est-ce que ce qu'il fait est reçu avec enthousiasme ou est-ce que les personnes concernées restent inertes et juste soumises à sa pression ? Le seul effet à analyser, c'est l'engagement qui est déclenché par l'enthousiasme de celui qui transmet et l'enthousiasme de celui qui reçoit.
Il s'agit par conséquent de rester impliqué dans l'instant présent. Sans se préoccuper des résultats. Il sera toujours temps, plus tard, d'en juger. Si ces résultats se révèlent insuffisants au regard de ce qui est réalisable, il conviendra, non pas de juger, celui qui n'a pas atteint un objectif totalement subjectif mais de juger de l'investissement de celui qui transmet.
Il reste le problème posé par ceux ou celles qui restent imperméables à toute transmission ou qui ont besoin d'un laps de temps conséquent pour y parvenir. Les raisons, encore une fois, peuvent être innombrables. La structure scolaire, de part sa rigueur, génère dès lors une pression insurmontable. Celle de l'ensignant qui se sent impuissant, celle du temps qui file et qui va imposer une sentence, celle d'un cadre qui n'est absolument pas favorable à la prise en charge spirituelle de ces individus. Je dis bien "spirituelle" et non pas "psychologique". Là aussi, je suis persuadé aujourd'hui, après trente ans de travail, que c'est là que se situe le problème.
La psychologie n'est qu'une version scientifique de la spiritualité. Il fallait un terme "laïque" parce que la religion s'est accaparée la spiritualité. Il n'en est rien pourtant étant donné que la spiritualité est une voie d'éveil, là ou l'adhésion religieuse est un embrigadement. Et la religion n'a encore rien à voir avec la Foi.
C'est de spiritualité dont les enfants ont besoin. Mais quels enseignants considèrent que pour eux-mêmes, c'est un travail indispensable ?...
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Ski, poudreuse, free-ride.
- Par Thierry LEDRU
- Le 21/01/2012
Il est loin le temps où on lui apprenait à prendre le tire-fesses. Il est grand le garçon et il envoie du lourd :) Bonheur total pour lui et pour nous de voir ce qu'il fait désormais.
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Echec scolaire
- Par Thierry LEDRU
- Le 18/01/2012
Pour un pacte national de lutte contre l’échec scolaire
La France, 5ème puissance mondiale, connaît un échec scolaire massif qui se traduit par la sortie du système éducatif de 150 000 jeunes sans diplôme chaque année. Fortement inégalitaire, cet échec scolaire menace la cohésion sociale, à une époque où la réussite scolaire est un sésame de plus en plus indispensable à l’insertion sociale et professionnelle.
Au-delà des chiffres, c’est une réalité très difficile que vivent, dans leur rapport à l’école, des milliers d’enfants et leur famille, et dans une autre mesure les enseignants eux-mêmes. Notre système scolaire est en effet caractérisé par une forte pression sur les élèves et leurs parents et par une compétition qui créent de la souffrance et nuisent à son efficacité.
Il faut passer d’un système de «sélection» à un modèle de «promotion», d’où chaque enfant, quelles que soient ses difficultés et ses appétences, pourra sortir avec la qualification et les compétences nécessaires à son futur parcours, avec un rapport confiant aux apprentissages et une image positive de soi.
Ce ne sont pas des mesures, ni même des réformes aussi audacieuses soient-elles, qui suffiront à redonner à l’éducation son rôle premier et son efficacité. Il faut aujourd’hui définir ensemble le modèle éducatif que nous souhaitons pour la société française. C’est l’un des enjeux des prochaines élections nationales.
Pour aller plus loin
Quelques chiffres qui permettent de mesurer l’ampleur et l’urgence de la situation :
- 9% des adultes scolarisés en France sont en situation d‘illettrisme (source ANLCI)
- un taux de chômage des jeunes de 18% (23ème sur 30 des pays de l’OCDE),
- La France se classe 18e sur 65 au classement PISA 2009 [1]. La part d’élèves en grande difficulté est passée de 15 à 20 % entre 2000 et 2009.
- 30% des enfants partent à l’école en étant angoissés (source Baromètre Afev / Trajectoires du rapport à l'école des enfants des quartiers populaires)
- 5 fois moins d’enfants d’ouvriers que de cadres ont un niveau bac +4 [2]
- la France est classée 22e sur 25 pays de l’OCDE concernant le bien être à l’école [3]
Entendre la parole des familles des quartiers populaires
Une enquête exclusive Afev / Trajectoires-Reflex intitulée "Familles de quartiers populaires et école : sous le respect de l’institution se cache l’inquiétude des parents" a été réalisée en septembre 2011 auprès de 600 familles de quartiers populaires suivies par l’Afev.
A la question « Si vous pouviez changer quelque chose à l’école, que changeriez-vous en priorité ? », les trois grandes priorités évoquées par les familles sont :- Permettre aux enfants plus faibles de réussir
- Qu’il y ait moins de tensions entre élèves
- Savoir mieux aider mon enfant
LIRE LE PACTE DANS SON INTEGRALITE
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Une lutte inutile
- Par Thierry LEDRU
- Le 18/01/2012
Ne pas être dans le déni de la dualité, ni dans la quête immodérée d'un dépassement de l'individualité.
La mise en confrontation des oppositions crée une dépense d'énergie qui entrave la complète absorption de la Vie. Comme si en se mettant à table, on désirait manger les plats et en même temps on ne pouvait s'empêcher de craindre l'empoisonnement avec des aliments dont on ne connaît pas l'origine exacte.
Dès lors qu'on entame une lutte interne, on crée un désir, un espoir, une intention : gagner.
Et aussitôt, l'observation des conditions de vie et des implications du Soi n'est plus possible.
Un lutteur, au coeur d'un combat, ne passe pas son temps à s'observer, il agit et s'investit totalement dans le combat qu'il mène. Il observe par contre les mouvements de son adversaire et s'adapte afin de le contrer. Il n'est donc plus intégralement en lui mais dans une dimension extérieure qui influence ce qui se passe en lui. Le combat ne peut pas être favorable à une introspection parce qu'il impose une adpatation aux évènements. Le lutteur est sous la dépendance des flux extérieurs et même si cette adaptation lui permet d'affiner la connaissance qu'il a de ses qualités et l'exploitation de son potentiel, cette évolution est marquée par une intention précise : c'est toujours celle de gagner.
Celui qui cherche à se connaître et à tendre vers une compréhension des phénomènes internes au coeur d'un environnement ne peut pas se permettre d'avoir une intention individuelle. Il ne s'agit pas d'être plus fort que les flux extérieurs mais simplement de les observer et de les vivre. Il n'est pas question non plus de s'y soumettre et de se laisser emporter. C'est là que se trouve l'idée du juste milieu.
Le juste milieu représente à mon sens, non pas la capacité à rester au centre du carrefour sans prendre de décision mais la capacité à ne pas s'identifier à la décision qui a été prise. Le juste milieu est l'endroit duquel l'individu peut observer ses actes sans être lui-même les actes. C'est un état d'observation qui fait que l'on peut entretenir la lucidité nécessaire à l'analyse de ce qui est entrepris. Je ne suis pas ce que je fais. Je ne suis pas ce que j'ai décidé de faire. Je le gère mais sans être emporté dans le flot d'émotions, de ressentis, que cela génère. Je ne cherche pas à gagner quelque chose mais simplement à garder la lucidité nécessaire pour maintenir l'observation des évènements de l'existence.
Pour ne pas couler au milieu de l'océan, il ne sert à rien de nager, il faut faire la planche et observer, saisir chaque instant en se libérant de l'activité.
Le nageur sera inévitablement tiraillé en décidant de prendre une direction puisqu'il ne sait pas vers où il va. Il va dépenser une énergie considérable à nager et dès lors il ne peut pas s'observer.
Le "planchiste" se laisse porter en mesurant ses efforts et en restant réceptif à tout ce qui l'entoure. Les courants l'entraînent mais ça n'a aucune importance étant donné qu'il ne sait pas vers où il faut aller. Il est donc inutile d'y penser. Agir dans le non-agir revient donc à être inscrit dans le juste milieu.
Il ne s'agit nullement de rester inerte au carrefour d'une décision à prendre. Le juste milieu consiste à ne pas devenir la décision...Chaque fois qu'une préoccupation trop vive nous saisit et que celle-ci implique une décision à prendre nous restons bien nous-mêmes, évidemment, mais nous ne sommes plus avec nous-mêmes. Nous nous perdons de vue dans les évènements extérieurs. Comme si les actes nous engloutissaient. Ca peut devenir de la colère, des regrets, de la rancoeur, de la jalousie ou du bonheur mais quels que soient les effets, si nous nous perdons de vue, il n'y a plus d'observateur, nous sommes devenus ce que nous faisons. Le juste milieu consiste à ne pas nous identifier à cette décision. Il s'agit donc de continuer à analyser les évènements, avec lucidité et si une autre direction s'impose, il n'y a aucun regret à avoir, il serait inutile de continuer à se fourvoyer, par prétention ou entêtement. Le juste milieu est à la source de la lucidité. Il ne s'agit pas de rester indécis et de refuser l'engagement. Il faut s'engager. Mais celui qui s'engage dans une voie ne devient pas la voie. Il reste une entité homogène. Le juste milieu est une observation de ce que nous faisons. Comme si nous prenions de la hauteur en fait, que nous installions une vision macroscopique de nos actes au lieu de nous étourdir de ces actes eux-mêmes.
